COMPTE RENDU
La séance est ouverte à 10 heures en présence de tous les Membres du Conseil.
M. le Président PALEWSKI fait connaître au Conseil que l’ordre du jour appelle l'examen d'une résolution, adoptée par le Sénat, tendant à modifier les articles 7, 9, 10, 12 et 86 de son règlement et donne la parole à M. DUBOIS qui présente le rapport suivant :
Aux termes de l’article 61 de la Constitution, .... "les règlements des Assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution."
Conformément à ces dispositions, le Président du Sénat a saisi, le 14 mai 1968, le Conseil constitutionnel d'une résolution adoptée par cette assemblée le 14 mai 1968, modifiant les articles 7, 9 alinéa 9, 10, 12 et 86 alinéa 3 de son règlement.
Les textes sur lesquels portent les modifications figurent, les quatre premiers - c'est-à-dire les articles 7, 9, 10 et 12, au Chapitre III du règlement du Sénat qui règle la nomination et les travaux des Commissions permanentes, des Commissions spéciales et des Commissions mixtes paritaires. Quant à l'article 86, il figure au Chapitre XIV relatif à l'élection des Sénateurs membres de la Haute Cour de Justice et à la saisine de cette Haute Cour.
Cette Commission avait en vue, en premier lieu, d'augmenter, à compter du 2 octobre 1968, l'effectif des Commissions permanentes en fonction de l'accroissement de l'effectif global du Sénat tel qu'il résulte des dispositions de la loi organique n° 66-503 du 12 juillet 1966 dont vous avez eu à connaître, avant promulgation, le 8 juillet 1966. Cette loi avait pour objet, en modifiant l'article L.O. 274 du Code électoral, de porter de 255 à 264 le nombre des sièges de sénateurs des départements de la Métropole, de préciser que cette disposition entrerait en vigueur lors du renouvellement triennal de 1968, et de permettre ainsi d'attribuer les sièges supplémentaires aux collectivités territoriales que consti- tuent les nouveaux départements issus du découpage de la région parisienne.
Avant le découpage, l'ensemble Seine et Seine-et-Oise avait une représentation de trente sièges. Après le découpage, ce nombre est porté à trente neuf, soit neuf sièges supplémentaires.
La résolution fixe donc la répartition des nouveaux futurs sénateurs dans les Commissions permanentes du Sénat. Ou, plus exactement, elle fixe l'effectif nouveau de chacune des Commissions permanentes.
Nous ne nous arrêterons pas plus longtemps sur ce point qui appelle d'autant moins d'observations que vous avez constaté, dans votre décision n° 62-19 du 31 juillet 1962 que la Constitution laissait aux assemblées parlementaires le soin de fixer la composition des Commissions prévues à l'article 43 de la Loi suprême.
La proposition de décision que votre rapporteur a l'honneur de soumettre à votre agrément s'inscrit dans la ligne de cette décision du 31 juillet 1962. Je précise cependant que j'ai remplacé le terme "répartition", qui ne correspond pas à la nature de l'objet de la résolution, par celui d' "effectif".
Les organes de travail de droit commun du Sénat sont les Commissions permanentes. Elles sont saisies de tous les projets et propositions entrant dans leur compétence.
Il existe des exceptions à cette règle : lorsque le Gouvernement le demande, ou lorsque, sur proposition de son Président, le Sénat le décide, ces projets et propositions sont renvoyés devant une Commission spécialement désignée pour leur examen. Il est également procédé à la nomination d'une commission spéciale dans le cas où une Commission permanente se déclare incompétente, ou en cas de conflit de compétence entre deux ou plusieurs Commissions permanentes. Quant à la Commission compétente en matière de proposition de résolution portant mise en accusation devant la Haute Cour de Justice (celle qui est visée par l'article 86 du règlement) elle n'est qu'une Commission spéciale particulière.
Les Commissions mixtes paritaires, qui sont une création particulièrement heureuse, sont prévues à l'article 45 de la Constitution de 1958 dont l'alinéa 2 est ainsi conçu "Lorsque, par suite d'un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n'a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée ou, si le Gouvernement a déclaré l'urgence, après une seule lecture par chacune d'entre elles, le Premier Ministre a la faculté de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion."
La nomination des membres de ces trois sortes de Commissions obéissait à des règles différentes selon qu'il s'agissait d’une part, des Commissions permanentes, d'autre part, des Commissions spéciales et des Commissions mixtes paritaires.
La procédure de nomination des membres des Commissions permanentes est la suivante (art 8 du règlement du Sénat) : avant la séance au cours de laquelle ces commissions permanentes sont nommées, les bureaux des groupes et le délégué des Sénateurs non inscrits, après s'être concertés, remettent au Président du Sénat la liste des candidats qu'ils ont établie conformément à la règle de la proportionnalité. Cette liste est affichée. Au cours de la séance le Président fait connaître
En ce qui concerne les Commissions spéciales, une liste de candidats était établie par les Présidents des Commissions permanentes convoqués et réunis par le Président du Sénat (article 10, al. 2 du règlement), les autres candidatures devaient faire l'objet d'une déclaration à la Présidence une heure au moins avant le scrutin, et le Sénat se prononçait au scrutin plurinominal en assemblée plénière.
Le système de nomination des membres des Commissions mixtes paritaires était analogue ; seule différence, la liste des candidats était établie par la seule commission compétente.
Ces quelques précisions permettent de mesurer les inconvénients que le Sénat a voulu éviter et qui sont exposés dans le rapport n° 141 fait au nom de la Commission des lois : longueur des scrutins et pertes de temps ; et, si l'on songe qu'il est arrivé, en fin de session notamment, de désigner plusieurs commissions mixtes au cours d'une même séance publi- que, à un moment où l'ordre du jour des débats était particulièrement chargé, on observera qu'il était fâcheux de distraire les Sénateurs de débats importants pour procéder à des votes successifs n'ayant aucun rapport avec l'objet de la discussion en cours.
Ajoutons le désir d'uniformiser des procédures qui n'étaient différentes que par un scrupule du rapporteur du projet de règlement du Sénat qui avait en vue le choix des techniciens dans les commissions spéciales et les commissions mixtes paritaires.
Cette innovation entraîne la modification des articles 9, 10, 12 du règlement dans le sens de l'application généralisée de la procédure prévue à l'article 8.
Or, cette procédure a été déclarée conforme à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel du 18 novembre 1960.
Mais au demeurant, ni la Constitution, ni l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des Assemblées parlementaires ne contiennent de disposition touchant le mode de nomination des Commissions concernées par la résolution du Sénat.
Selon l'article 5 de cette ordonnance, le règlement de chaque assemblée parlementaire fixe la composition et le mode de désignation des membres des Commissions mentionnées à l'article 43 de la Constitution ainsi que les règles de leur fonctionnement.
Nous savons ce que vous avez dit de la "COMPOSITION".
La même constatation doit être faite pour le "MODE de DESIGNATION".
Nous ne trouvons rien en ce qui concerne les Commissions mixtes paritaires prévues à l'article 45 de la Constitution. Mais ces commissions ne sont autre chose que des commissions spéciales communes aux deux assemblées qui les constituent de façon paritaire. Et le mode de désignation est laissé à l'assemblée parlementaire.
Dès lors, la résolution qui nous est soumise n'appelle aucune observation. Les modifications qu'elle apporte au règlement du Sénat ne sont contraires à aucune disposition de la Constitution.
C'est ce que constate le projet de décision qui vous est soumis.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Saisi le 14 mai 1968 par le Président du Sénat, conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution, d'une résolution en date du 14 mai 1968 modifiant les articles 7, 9 alinéa 9, 10, 12 et 86 alinéa 3 du règlement du Sénat ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, et notamment ses articles 17, alinéa 2, 19 et 20 ;
- En ce qui concerne l'article 7 du règlement du Sénat :
Considérant que les modifications apportées audit article par la résolution susvisée déterminent les nouveaux effectifs des commissions permanentes du Sénat ; que les dispositions comportant ces modifications ne sont contraires à aucune disposition de la Constitution, celle-ci laissant aux Assemblées parlementaires le soin de fixer la composition des commissions prévues à son article 43 ;
- En ce qui concerne les articles 9 alinéa 9, 10, 12 et 86 alinéa 3 dudit règlement :
Considérant que les dispositions de ces articles, qui ont pour objet de modifier les règles de nomination des commissions spéciales et des commissions mixtes paritaires respectivement prévues aux articles 43 et 45 de la Constitution, ne sont contraires à aucune disposition de la Constitution, celle-ci laissant aux Assemblées parlementaires le soin de fixer le mode de désignation des membres desdites commissions ;
DECIDE :
Article premier - Sont déclarées conformes à la Constitution les dispositions des articles 7, 9 alinéa 9, 10, 12 et 86, alinéa 3 du règlement du Sénat dans la rédaction qui leur a été donnée par la résolution en date du 14 mai 1968.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 juin 1968.
M. LUCHAIRE propose d'ajouter aux visas une référence à l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des Assemblées parlementaires et notamment à son article 5 qui dispose que :
"Le règlement de chaque assemblée parlementaire fixe la composition et le mode de désignation des membres des commissions mentionnées à l'article 43 de la Constitution ainsi que les règles de leur fonctionnement."
M. LUCHAIRE pense que cette mention est d'autant plus justifiée que le Conseil a déjà reconnu le caractère important de cette ordonnance, bien qu'elle ne porte pas loi organique, dans une décision du 8 juillet 1966 (n° 66-28 DC, recueil p.15).
M. LUCHAIRE propose également de supprimer les deux dernières lignes des deux considérants et de les remplacer par un considérant rappelant que l'ordonnance susvisée du 17 novembre 1958 laisse le soin aux assemblées parlementaires de fixer la composition et le mode de désignation des membres des commissions permanentes et des commissions spéciales.
Il en est ainsi décidé et le projet amendé conformément aux propositions de M. LUCHAIRE est adopté.
L'original de cette décision sera annexé au présent compte rendu.
La séance est levée à 10 h 30.