PV1988-04-06

Chloé ZACCARDI CONSEIL CONSTITUTIONNEL

ORDRE DU JOUR

Séance du mercredi 6 avril 1888 le matin à 10 heures et l'après-midi

1⁰ Examen, en application de l'article 37, alinéa 2, de la
Constitution, d'une demande d'appréciation de la nature juridique de dispositions de l'article L. 742-3 du code de la sécurité sociale et de l'article 3 de la loi n° 65-883 du 20 octobre 1965 relative à l'admission à l'assurance volontaire du conjoint ou du membre de la famille du grand invalide remplissant ou ayant rempli bénévolement auprès de ce dernier le rôle de "tierce personne".

Rapporteur : Monsieur Maurice-René SIMONNET

2° Examen de la requête de Messieurs Stéphane DIEMERT et Cédric BANNEL dirigée contre le décret n° 88-250 du 16 mars 1988 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République.

Rapporteur : Monsieur Robert FABRE

3° Désignation de délégués du Conseil constitutionnel.

Rapporteur : Monsieur le Secrétaire général

4° Examen des présentations de candidatures à l'élection du Président de la République :

Rapporteurs : Madame Martine LAROQUE 
Monsieur Gérard GANSER 
Monsieur Jean- Louis BERTHET 
Monsieur Philippe de CASTELDAJAC 
Monsieur Raoul BRIET 
Monsieur Pierre PALAU 
Monsieur Bernard STIRN 
Monsieur Yves ROBINEAU 
Monsieur Jean-Marie PAUTI 
Monsieur Bruno MARTIN-LAPRADE



Séance du mercredi 6 avril 1988

En l'absence de Monsieur BADINTER, Monsieur JOXE assure la présidence et ouvre à 10 heures la séance en ces termes :

Monsieur JOXE : Nous commençons sans tarder notre ordre du jour qui est chargé : la journée va être courte. Si vous le voulez bien, Monsieur SIMONNET rapporte le texte relatif à la nature juridique de deux membres de phrase de l'article L. 742-3 du code de la sécurité sociale et de l'article 3 de la loi n° 65-883 du 20 octobre 1965.

Monsieur SIMONNET : Monsieur le Président, je devrais dire Monsieur le doyen ; je souhaite en effet que notre Président soit absent aussi peu longtemps que possible, je formule le voeu qu'il se rétablisse promptement.

L'affaire qui nous est soumise concerne le rachat des cotisations d'assurance volontaire vieillesse et d'assurance volontaire invalidité. Normalement les cotisations de ce genre sont versées au fur et à mesure des activités auxquelles elles se rattachent. Mais parfois il est permis de racheter des cotisations afin d'améliorer le montant de la retraite.

Cette faculté est ouverte, selon les textes, à six catégories :

- les membres de la famille d'un grand invalide assurant bénévolement auprès de celui-ci le rôle de tierce personne. Pendant quelque temps, ils ont eu la possibilité de s'affilier et de cotiser. Puis la forclusion est intervenue. Le Gouvernement a l'intention de lever cette forclusion ;

- la deuxième catégorie est celle des Français exerçant une activité à l'étranger ;

- la troisième catégorie est celle des salariés avant 1930, date à laquelle l'affiliation est devenue obligatoire.

- les détenus ont aussi la possibilité de racheter des cotisations dans un certain délai .

Deux autres catégories enfin bénéficient de ce droit de rachat sans condition de délai : les rapatriés et les tuberculeux.

Le but du Gouvernement est de mettre à égalité ces six catégories en supprimant toute forclusion. Certes, l'on pourrait dire que, puisque ce sont des lois qui régissent ces dispositions, il suffit de faire adopter une loi pour les modifier, mais le Gouvernement préfère "déclasser", comme on dit, ces textes.

L'article 34 de la Constitution dispose que "la loi détermine les principes fondamentaux... de la sécurité sociale". Cette question de délai constitue-t-elle un principe fondamental ou n'est-elle qu'une modalité d'application ?


Il existe en la matière une jurisprudence abondante du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat, dont la tendance est d'interpréter largement la notion de "principes fondamentaux de la sécurité sociale" : en font partie l'institution du régime général, des régimes particuliers ainsi que des éléments inhérents à chacun de ces régimes. Par exemple, la détermination des catégories de prestations, des catégories de bénéficiaires (famille avec ou sans enfants...), de la nature des conditions à remplir par le futur bénéficiaire, des catégories de cotisations, relève de la loi.

Pendant très longtemps, le Conseil constitutionnel a établi une distinction entre la nature des conditions (domaine de la loi) et les éléments de ces conditions (domaine du règlement).

Ainsi, pour la retraite à 60 ans, distingue-t-on entre la condition d'âge, qui est de la compétence législative, et la fixation de cet âge qui est de la compétence réglementaire ; il appartient à la loi d’imposer l'exigence de cotisation pendant un certain temps et au réglement de fixer cette durée à 37,5 ou 40 ans ; il en est de même pour le bénéfice de prestations d'assistance sociale : la loi décide qu'elles sont soumises à un plafond de ressources et le règlement fixe le montant de ce plafond.

Le Conseil constitutionnel a rendu, entre 1960 et 1975, huit décisions relatives à la question du délai : selon cette jurisprudence, le principe du délai relève du domaine de la loi, la durée du délai ressortit à la compétence réglementaire ; si nous maintenons cette distinction, c'est la variante B du projet qui s'impose.

Mais cette jurisprudence ancienne n'a pas été appliquée en 1983. A l'occasion d'une affaire analogue examinée sur le rapport de Monsieur LEGATTE, le Conseil a décidé (14 décembre 1983) de déclasser toute la disposition relative au délai sans distinguer entre son principe et sa durée. C'est une modification de notre jurisprudence.

Aujourd'hui se pose la question de savoir si la décision de 1983 est un cas d'espèce, une exception à la règle générale ou si, en 1983, le Conseil a voulu simplifier sa jurisprudence.

Si l'on penche pour la jurisprudence la plus récente, il faut se rapporter au projet A.

Excusez-rnoi de présenter deux projets en concurrence : on attend du rapporteur une prise de position. Je ne suis pas normand, sauf le respect que je dois au Président JOZEAU-MARIGNE, mais provençal. Puisqu'il s'agit de choisir, je suis partisan de la simplification.

Monsieur FABRE : Le Gouvernement fait preuve d'une intention très honorable. Plus tôt la réforme sera faite, mieux ce sera : il s'agit de consentir un avantage à une catégorie méritante. Sur le fond on ne peut mettre en cause le souci du Gouvernement. Mais on est en présence d'un problème qui touche aux affaires sociales et à la sécurité sociale dans une période difficile. L'on ne peut instaurer de nouvelles prestations sans précaution en période de difficultés financières. Il ne faut pas ouvrir la porte à des demandes similaires.


Je suis partisan de la théorie en vigueur antérieurement à 1983, même si elle est plus complexe : il s'agit d'éviter tout laxisme et les tentations que pourrait avoir le Gouvernement, comme je l'ai déjà dit, de rogner les pouvoirs du législateur. Selon moi le principe du délai relève de la loi, les modalités d'application sont de la compétence réglementaire.

Monsieur VEDEL Je me rangerai à l'opinion de Monsieur le rapporteur qui a reçu l'assentiment de Monsieur FABRE (!). La décision de 1983 n'a pas été conçue comme un revirement de jurisprudence. Il serait dommage de rétrécir comme une peau de chagrin le domaine des principes fondamentaux.

Monsieur LECOURT (à l'invitation de Monsieur le Président) : Mon orientation primitive était de me ranger aussi au projet subsidiaire pour les considérations qui ont été déjà exprimées et pour la considération essentielle suivante : il appartient au législateur de dire si un droit doit s'exercer indéfiniment ou dans un délai. En renvoyant la disposition dans le domaine du pouvoir réglementaire, nous risquerions d'entraver la liberté du législateur qui doit prévoir l'existence d'un délai. Faute de quoi, on irait vers une demande indéfiniment exercée sans aucune intervention du législateur.

Je sais bien que j'ai contre moi la décision de 1983. Ne pourrions-nous pas préciser notre pensée et faire le départ entre le principe législatif de l'existence d'un délai et les modalités (point de départ du délai, durée du délai) ?

Monsieur VEDEL : Je demande à rectifier non propos car je fais une confusion. Je suis partisan du projet B.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Mon avis personnel est qu'il faut faire la distinction entre le principe du délai, qui est du domaine de la loi, et le quantum du délai, qui est du domaine du réglement. Je suis favorable au deuxième projet en marquant cette distinction entre principe et quantum.

Monsieur FABRE : C'est bien ce qu'exprime la rédaction du projet B.

Monsieur SIMONNET : Je souhaite formuler quelques remarques. J'ai laissé le choix entre les deux projets. Du point de vue juridique l'intention du Gouvernement est de demander le déclassement sans que l'on soit saisi du projet de décret. La forclusion est levée mais jusqu'à quand ? Juridiquement vous avez raison de dire que le Parlement doit garder le pouvoir de décider. Mais en réalité le Parlement vote à la demande du Gouvernement, il est plutôt favorable aux solutions ouvertes qui lui sont proposées. Les restrictions introduites au nom des principes fondamentaux émanent en réalité du Gouvernement, du ministère des finances : le Gouvernement veut serrer les cordons de la bourse, le Parlement veut être généreux.

Mais ce n'est pas là du droit : 65 % des droits existants sont d'origine gouvernementale, les autres sont fréquemment amendés par le Gouvernement.


Monsieur MAYER : Ce n'est pas à nous de l'y encourager.

Monsieur SIMONNET, après avoir rappelé que le projet A est la reprise intégrale de la décision de 1983, donne lecture du projet B.

Monsieur MOLLET-VIEVILLE critique la rédaction du troisième considérant ( "Considérant que la nature juridique de ces dispositions est recherchée en ce qu'elles sont relatives à la fixation du ou des délais impartis aux intéressés pour demander leur affiliation" ) : on mêle trop ainsi le principe de l'institution du délai et la fixation de ce délai ; il faudrait dire : "... relatives au principe de l'institution du ou des délais et à celui de la fixation de ces délais".

Monsieur SIMONNET : Il ne faut pas mettre le mot "principe" devant l'expression "fixation de ces délais".

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Il est inopportun de parler de fixation des délais. En réalité on distingue entre le principe de l'existence d'un délai et l'autorité qui fixera son quantum. C'est la question du délai lui-même qui se pose : il suffit donc de dire : "relatives aux délais...".

Monsieur VEDEL : Monsieur JOZEAU-MARIGNE a raison et a parfaitement exprimé ce qu'il convient de dire. L'utilité de ce considérant est de dire ce qui est en cause.

Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Je me rallie à cette rédaction.

Monsieur SIMONNET : Plutôt que "demander leur affiliation", il faudrait dire "racheter des cotisations", puisque les intéressés sont déjà inscrits.

Monsieur VEDEL : La loi utilise la formule "demander leur affiliation", nous n'avons pas à y toucher.

Monsieur le Secrétaire général : Il s'agit d'une affiliation rétroactive.

Monsieur SIMONNET : Le texte de la loi est imprécis mais il est ainsi, je l'admets.

Monsieur VEDEL : Sur la page 3 du projet, je ferai deux observations de forme. Au début du 5ème considérant, la formule ", et qui comme tels relèvent du domaine de la loi", constitue un barbarisme : le "et" n'apporte rien. Dans le même considérant, "l'exigence d'une condition de délai" est redondant.

A 10 h 35, le secrétaire général donne, à la demande de Monsieur le Président, lecture du projet de décision ainsi corrigé, qui est adopté par le Conseil constitutionnel.


II. Requête de Messieurs Stéphane DIEHERT et Céciric BANNEL

Monsieur FABRE : Il s'agit d'une requête sur laquelle j'aurai pu proposer deux projets ; l'un, qui est l'option zéro, aurait reposé sur l'irrecevabilité de la requête ; l'autre est un rejet sur le fond.

On pourrait même s'interroger sur l'opportunité d'examiner cette lettre signée de personnes que ne déclinent pas leur identité, ne justifient pas de leur qualité d'électeur et n'indiquent pas même leur adresse. Mais elle contient une sorte de construction intellectuelle intéressante, elle soulève un litige bâti juridiquement, même si peut-être c'est l'oeuvre d'un canular d'étudiants.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Je suis choqué par cette question de recevabilité. Je me demande si, dans cette affaire, avec une lettre postée à Paris sans accusé de réception, portant mention de noms de personnes sans preuve de leur existence et sans adresse, qui peuvent être des noms d'emprunt, nous ne devons pas savoir, comme pour toute saisine, quel est le requérant. Mon inquiétude est que, s'il s'agit de joyeux lurons, ils puissent dire : "on peut saisir le Conseil constitutionnel n'importe comment !" Je suis un peu ému. Je considère cela comme une lettre anonyme.

Monsieur VEDEL : Je mets provisoirement de côté les très fortes observations de Monsieur JOZEAU-MARIGNE qui seront de nature à éviter une discussion. Je ferai d'abord une observation mélancolique : ces affaires concernant les textes de décrets préalables à l'élection nous privent de nos Présidents ; quand nous avons été saisis par Monsieur DELMAS, le Président Roger FREY n'avait pu revenir à Paris en urgence pour la séance. Aujourd'hui notre Président est absent.

Ma deuxième observation a un caractère plus sérieux.

Je vous rappelle la situation impossible dans laquelle s'est trouvé le Conseil constitutionnel en 1981. Le Président François MITTERRAND a été élu et a prononcé la dissolution de l'Assemblée nationale. La date choisie pour les élections était conforme aux exigences constitutionnelles mais contraires aux dispositions du code électoral.

Monsieur DELMAS saisit le Conseil d'Etat, juge naturel apparemment pour connaître d'un recours contre les décrets portant convocation du corps électoral. Par arrêt du 3 juin 1981 le Conseil d'Etat lui dit : "ces décrets sont des actes indétachables des opérations électorales ; adressez-vous au Conseil constitutionnel".

Le Conseil constitutionnel avait toujours affirmé - comme quoi, il ne faut jamais rendre une jurisprudence trop péremptoire - qu'il était compétent pour statuer sur des réclamations après l'élection mais non sur des requêtes contre le décret de convocation. Celui-ci est un acte de l'exécutif tandis que le Conseil exerce une compétence a posteriori.

On arrivait ainsi à une situation curieuse où l'on dirait aux Français : "on ne peut rien dire maintenant sur la régularité du décret ; quand vous aurez voté et s'il y a des réclamations dans tel ou tel département, on dira que pour ces départements l'élection a été irrégulière".


C'est pourquoi, la mort dans l'âme, nous avons dû faire une chose non prévue par les textes et encourir le reproche de sortir de nos compétences. Nous nous y sommes résignés, vu l'impossibilité de nous dérober.

Nous avons ainsi admis une compétence implicite quand était mise en cause, sans qu'il y ait réparation possible à l'avenir, la régularité de l'élection. En l'espèce, nous avons affirmé que la Constitution permettait d'écarter les dispositions législatives du code électoral.

Cette jurisprudence a vu sa portée précisée par la décision relative au vote des Français de l'étranger pour l'élection des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger (Décision des 16 et 20 avril 1982 p 109), qui a apporté une sage limitation à la jurisprudence DELMAS.

Jusqu'à présent, cette jurisprudence s'est appliquée aux élections législatives, quand il s'agit de connaître au déroulement général de l'élection, et au renouvellement triennal du Sénat.

En ce qui concerne l'élection du Président de la République, les invincibles raisons de 1981 doivent entraîner notre compétence si une question semblable nous est posée. L'extension de nos pouvoirs serait plus facile en matière d'élections présidentielles qu'en matière d'élections législatives où tous les textes imposent un contrôle a posteriori. L'"état de nécessité" rend le raisonnement moins forcé pour l'élection du Président de la République eu égard aux dispositions de l'article 58 de la Constitution.

Sur le fond, je me range à l'avis du rapporteur : vous savez que la fin de la Communauté s'est faite par un départ à l'anglaise, sur la pointe des pieds.

Mais j'en reviens maintenant à ce que disait Monsieur JOZEAU-MARIGNE. Nous ne savons rien des personnes qui ont présenté la requête : leur nom paraît normal mais ce peut être un anagramme. On connaît la transformation de BONORALI en ALIBORON. J'ai moi-même, quand j'étais étudiant, créé une association pour la commémoration du passage des Alpes par Hannibal.

Sur le plan du droit, on n'admet pas une requête inexistante, qui n'est pas la même chose qu'une requête irrecevable. Nous sommes fondés à ne rendre aucune décision.

Sur le plan de la prudence, quelle sorte de plaisanterie ou de polémique ne risquons-nous pas de satisfaire ? Monsieur JOZEAU-MARIGNE a fait un rappel tout à fait fondé des exigences de la procédure qu'il connaît bien.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Il est à noter que sur l'enveloppe on a évité soigneusement toute mention d'une adresse. La lettre a été portée l'avant-veille du 1er avril.

Monsieur VEDEL : Si l'on n'y prenait garde, on serait obligé de statuer sur un simple coup de téléphone...




Monsieur FABRE : Mon premier reflexe en tant que maire aurait été de jeter cette lettre à la corbeille à papiers. Mais en l'absence de notre président, il était normal de la soumettre à l'appréciation du Conseil, même si elle a des senteurs de 1er avril.

Son seul mérite est qu'elle prend position sur des textes, caducs, périmés, figurant pro forma dans la Constitution. Cela m'a permis tout au moins de m'instruire en histoire.

Monsieur MAYER : J'interroge le secrétaire général : quels sont les critères pour sélectionner dans le courrier les lettres comme étant des requêtes ?

Monsieur le Secrétaire général : L'on retient celles qui comportent un raisonnement juridique construit. Dans celle-ci, je ne sais quelle plume juridique s'y dissimule mais elle a cette qualité.

Monsieur MAYER : Ce n'est pas le fait d'un membre du Conseil constitutionnel !

Monsieur le Secrétaire général : Les membres du Conseil n'ont pas l'exclusivité de la plume juridique.

Monsieur MAYER : Je suis favorable à l'absence de toute décision. Il est décidé de ne pas statuer sur la lettre.

(Quelques jours plus tard, les auteurs de la lettre réitéreront leur requête, sans toutefois mentionner davantage leur adresse ou justifier de leur qualité. Malgré des investigations il ne sera pas possible de remédier à ces défauts.)

III. Nomination de délégués du Conseil constitutionnel

Monsieur le Secrétaire général : Avant la suspension de séance prévue, j'exposerai rapidement les raisons qui rendent nécessaires une nouvelle décision du Conseil pour nommer des délégués.

Par votre décision du 10 mars vous avez nommé, en qualité de délégués chargés de suivre sur place les opérations électorales, des rapporteurs adjoints près du Conseil et des magistrats de l'ordre judiciaire. Puis le 22 mars, vous avez désigné des membres du Conseil d'Etat pour l'outre-mer et l'étranger ainsi que les présidents des tribunaux administratifs de l'outre-mer. Il convient de compléter ce dispositif en faisant appel au concours, d'une part, de Monsieur Lucien PAOLI, conseiller d'Etat honoraire, pour se rendre lors du deuxième tour en Guadeloupe en l'absence de tout autre volontaire - vous connaissez le sens du service public de Monsieur PAOLI - et, d'autre part, les membres des tribunaux administratifs d'outre-mer.


J'appelle enfin votre attention sur une petite question juridique : l'article 48 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 prévoit que le Conseil constitutionnel peut désigner des délégués "parmi les magistrats de l'ordre judiciaire ou administratif". L'article 64 du décret du 30 juillet 1963 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'Etat, en assimilant les membres honoraires du Conseil d'Etat aux membres en activité pour permettre leur participation à des commissions ou à des jurys de concours, vous autorise de choisir Monsieur PAOLI, conseiller d'Etat honoraire. C'est pourquoi ce décret du 30 juillet 1963 figure dans les visas du projet de décision.

Ce projet est adopté, après que Monsieur FABRE eut remercié Monsieur PAOLI de son dévouement. La séance est ensuite suspendue à 11 h 25 pour être reprise dix minutes plus tard.

IV. Examen et dénombrement des présentations de candidature

Madame LAROQUE : Ma mission a consisté à vérifier les présentations reçues en faveur de ce qu'on appelle les "petits candidats". Voici les résultats enregistrés selon l'ordre alphabétique des personnes présentées :

Bernard AVRILLON : 2 présentations

Michel BISCHOFF : 1 présentation

Henri CARRIOT : 1 présentation

Emile DUBIEZ : 2 présentations

Laurent FABIUS : 1 présentation

Yves FRANÇOIS : 6 dont une pose problème, le présentateur, membre du bureau de son assemblée, ayant lui-même certifié sa signature.

Valéry GISCARD D'ESTAING : 1 présentation

Robert GOBINOT : 36 présentations

Jean ROBERT : 1 présentation

Aucune de ces personnes ne recueille le nombre requis de présentations.

Monsieur le Secrétaire général : Dans la mesure où toutes les présentations feront la semaine prochaine l'objet d'une publicité, il faut déterminer si Monsieur Yves FRANCOIS peut se prévaloir de cinq ou de six présentations ? C'est la question de l'autocertification qu'il s'agit de trancher.


Monsieur VEDEL : Il me semble que ce problème de l'autocertification doit être examiné en tenant compte de deux éléments :

- à qui le doute profite-t-il ?

- quels sont les termes mêmes de la certification ?

Il peut paraître curieux de s'autocertifier. Mais, dans une matière comme celle des libertés publiques, on ne saurait exclure l'autocertification. On ne peut faire prévaloir l'implicite sur des textes que ne comportent aucune exclusion. Bien plus, les maires s'autocertifient en fait : l'apposition du cachet de la mairie ne requiert pas l'intervention d'une tierce personne.

Dès lors que ne subsiste aucun doute sur l'existence, l’identité et la qualité du présentateur, comment pourrait-on l'empêcher de s'autocertifier ?

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Je n’ai aucun autre argument à ajouter.

Messieurs FABRE et SIMONNET acquiescent.

Monsieur GANSER est introduit : En faveur de Monsieur Pierre BOUSSEL LAMBERT, 566 présentations issues de 81 départements ont été reçues à ce jour. Une seule d'entre elles est irrégulière : elle émane de Monsieur Pierre GENTIL, maire dont Ia démission a été acceptée le 9 mars. Or l'article L. 122-10 du code des communes dispose que "les démissions des maires et des adjoints sont adressées au représentant de l'Etat dans le département ; elles sont définitives à partir de leur acceptation par le représentant de l'Etat dans le département". Il en résulte que l'intéressé n'avait pas la qualité de maire le 17 mars, date de réception par le Conseil constitutionnel de la présentation qu'il a signée en faveur de Monsieur BOUSSEL. Il est donc proposé au Conseil de rejeter cette présentation.

Sur les 565 présentations formellement régulières, 500 ont été tirées au sort : parmi elles, 499 émanent de maires et une seule d'un conseiller général.

Les vérifications faites sur une quarantaine de cas, en appelant directement par téléphone les maires auteurs de présentation, n'ont fait apparaître aucune anomalie.

Dans ces conditions, Monsieur BOUSSEL, candidat à l'élection présidentielle, satisfait aux exigences de l'article 3-I, deuxième alinéa, de la loi n° 62—1292 du 6 novembre 1962.

Monsieur FABRE : On retient cinq cents présentations. Si parmi elles se révèle par la suite une erreur, que se passera-t-il ?

Monsieur le Secrétaire général : Un droit de réclamation est ouvert aux personnes qui ont fait l'objet d'au moins une présentation. Si aucune réclamation n'est déposée, la liste devient définitive au terme du délai de recours fixé à un jour suivant la publication au Journal Officiel. Si une réclamation est présentée, le Conseil constitutionnel statue par une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée.


Mais il appartient au Conseil d'effectuer le tirage au sort. Un membre du Conseil pourrait présider aux opérations effectuées par la machine.

Monsieur BERTHET est introduit (11 h 50). J'ai été chargé d'examiner la candidature de Madame Arlette LAGUILLER.

Les conditions pour être candidat à la Présidence de la République sont fixées par les articles 3-I, deuxième alinéa, 3-V et 3-I, quatrième alinéa, de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 dans sa rédaction issue de la loi du 11 mars 1988.

1. L'article 3-I, deuxième alinéa, de cette loi prévoit trois conditions : réunir cinq cents présentations émanant de citoyens habilités d'au moins trente départements ou territoires d'outre-mer sans que plus d'un dizième d'entre eux puissent être les élus d'un même département ou territoire d'outre-mer.

Madame LAGUILLER a recueilli 572 présentations. Des vérifications ont été menées sur quatre d'entre elles à caractère douteux : trois de ces présentations ont été admises, l'erreur provenant d'une confusion des prénoms de deux maires et, dans un cas, du nom de la commune ; une quatrième présentation a été rejetée : le même présentateur a présenté deux noms de candidat : Madame LAGUILLER pour le premier tour et Monsieur MITTERRAND pour le deuxième tour. Or l'article 4 du décret du 14 mars 1964 dispose que "les citoyens mentionnés au deuxième alinéa de l'article 3-I de la loi susvisée du 6 novembre 1962 ne peuvent faire de présentation que pour un seul candidat".

Il me reste donc 571 présentations valables émanant toutes de maires de petites communes, "la piétaille de la vie politique" représentative de la France aux noms si pittoresques.

La candidate satisfait également à la condition de répartition géographique : les présentations à son nom proviennent de 81 départements parmi lesquels on ne compte aucun D.O.M. ou T.O.M., aucun département de la région parisienne ni aucun des trois départements de la côte d'Azur.

Il n'a pas été besoin de procéder à un écrêtement : dans aucun département elle ne recueille plus de 50 présentations. Les départements les plus représentés sont l'AISNE (23), le JURA (22), la MARNE (21) et l'OISE (20).

2. La deuxième série de conditions est fixée par l'article 3-V de la loi de 1962 :

- la condition du dépôt de cautionnement auprès du trésorier-payeur général est satisfaite : l'accusé de réception nous a été transmis.

- l'intéressé a manifesté son consentement à la candidature.


3. Enfin la troisième série de conditions résulte de l'article 3-I, quatrième alinéa : le candidat doit déposer sa déclaration de situation patrimoniale et son engagement, en cas d'élection, d'en déposer une nouvelle en fin de mandat. Ces deux documents ont été reçus hier soir par le secrétaire général.

En Conséquence, je propose de considérer cette candidature comme régulière.

Monsieur de CASTELBAJAC est introduit : Le candidat Jean-Marie LE PEN a fait l'objet de 619 présentations dont cinq ne sont pas valides faute pour leurs auteurs d'avoir mentionné leur nom. Les 614 valides émanent de 87 départements ; leur répartition ne donne lieu à aucun écrêtement. On doit signaler deux cas douteux : une autocertification opérée par un conseiller régional du NORD-PAS-DE-CALAIS qui est membre du bureau du Conseil régional, et un "autoparrainage", Monsieur LE PEN ayant produit une présentation en sa faveur.

Monsieur FABRE : Si Monsieur LE PEN apparaît au tirage au sort parmi les présentateurs de Monsieur LE PEN, cela semblera curieux.

Monsieur de CASTELBAJAC : Monsieur LE PEN qui est député a qualité, à ce titre, pour exercer son droit de présentation comme tout autre élu habilité, même si cela peut heurter le bon sens.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : C'est un cas plus que fréquent : par exemple au sein d'un conseil régional, le Président peut être élu grâce au suffrage qu'il a exprimé.

Monsieur FABRE : Rien n'interdit de mettre de côté le formulaire de Monsieur LE PEN.

Monsieur VEDEL : Raisonnons par l'absurde : si l'on devait exclure ce cas, on arriverait à pénaliser la candidature la plus représentative, celle d'un député ; d'autre part, le parrainage le moins suspect est bien celui émanant de la personne qui connaît le mieux le candidat : ici on a le cas idéal où le présentateur est le présenté lui-même : "je me porte garant de moi-même".

Monsieur MAYER : En tout cas, la sincérité de la présentation, en l'espèce, ne peut être mise en doute. Cela dit, nous sommes bien d'accord pour garder dans notre conscience tout ce que l'on pense de cette candidature.

La séance est suspendue à 12 heures pour être reprise à 14 h 30 par le rapport de Monsieur BRIET.

Monsieur BRIET : Sur la candidature de Monsieur Pierre JUQUIN, je donnerai quelques informations statistiques et vous ferai part des vérifications particulières qu'ont nécessitées certaines présentations.

Monsieur JUQUIN a fait l'objet de 680 présentations présumées valides, sans qu'elles donnent lieu à écrêtement : elles émanent de 91 départements parmi lesquels on compte cinq départements rassemblant plus de 20 présentations (Haute-Corse, Haute-Garonne, Drôme,...) Pour six départements, il n'y a aucune présentation. Cela concerne notamment : Paris, la Seine Saint-Denis et le Val de Marne.


Sur les 500 tirées au sort, aucune n'émane d'un élu national ; à l'exception d'une signée d'un conseiller régional et de deux ayant pour auteur un conseiller général, les 497 autres proviennent de maires de petites communes de taille inférieure à une sous-préfecture, pour la majorité situées au sud de la Loire.

Onze présentations avaient un caractère litigieux ; huit d'entre elles ont été considérées comme valides après contrôle : l'origine de la difficulté résidait dans le défaut de concordance entre les mentions de la présentation et les données du fichier informatique ; il faut aussi signaler le cas d'une commune du Jura qui avait été antérieurement fusionnée et avait recouvré son autonomie le 1er mars 1987.

Deux cas étaient plus délicats ; le premier concerne une certification opérée par l'apposition d'un simple cachet au lieu du sceau de la mairie : cette présentation a été validée après vérification auprès du maire. L'autre cas est celui d'une présentation dépourvue de toute certification : elle a été présumée rejetée.

Enfin, le cas le plus délicat est la présentation à laquelle était annexé un papillon, non signé, sur lequel étaient exprimés des réticences à ce que cette présentation soit rendue publique.

Ce papillon émane sans doute de la correspondante locale de Monsieur JUQUIN qui indiquait les intentions du maire, pour qu'il puisse en être éventuellement tenu compte : il s'agit d'une simple information d'un tiers sur l'usage à faire de la présentation, qui est par ailleurs valide : elle est l'expression de la volonté pleine et entière du maire, ce qui a été confirmé par téléphone. La condition, dont on pourrait croire la présentation assortie, émane d'un tiers et elle est rédigée en termes indicatifs et non pas impératifs. Je propose de valider cette présentation.

J'ai effectué des contrôles par sondage, en joignant par téléphone directement une dizaine de maires et en demandant aux préfectures d'authentifier les signatures de 45 maires appartenant à 19 départements. Dans tous les cas contrôlés, la réalité de la présentation a été confirmée.

Au total, la candidature répond aux exigences de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962.

Monsieur le Secrétaire général appelle l'attention du Conseil sur l'originalité du problème que posait la présentation dont un premier examen donnait à penser qu'elle avait un caractère conditionnel.

Monsieur BRIET a montré que la condition n'émanait pas du présentateur.


Monsieur PALAU est introduit : Sous réserve de l’exactitude du traitement informatique, 1400 présentations au nom de Monsieur André LAJOINIE sont parvenues au Conseil. Mais on ne peut en prendre en compte vraiment que 1392, puisque dans huit des présentations déposées par les mandataires de Monsieur LAJOINIE fait défaut le nom de la personne présentée. Parmi ces 1392, seules sont valides 1372 présentations ; je vous propose en effet de déclarer non conformes aux règles de certification 17 présentations émanant de conseillers régionaux et trois signées de conseillers généraux : ces présentations comportent bien des certifications par des personnes qui se prétendent membres du bureau de l'assemblée concernée : mais le contrôle a montré qu'elles n'avaient pas cette qualité.

Conformément à la volonté du Conseil d'admettre le maximum de cas embarrassants, j'ai procédé à des vérifications de type graphologiques, en communiquant avec les préfectures par télécopie, sur une quarantaine de présentations douteuses pour m'assurer de leur pleine validité.

Sur les 1372 valides, il a fallu procéder à un écrêtage en excluant 43 présentations dans le Nord, une dans le Pas-de-Calais et une dans l'Allier au dessus du plafond utile, soit un total de 45 à écarter.

Les 1327 restantes se répartissent entre 94 départements, dont une présentation émane d'un membre du C.S.F.E.

Des tirages au sort successifs, pour déterminer les 500 à publier, ont sélectionné 438 présentations soumises à une nouvelle vérification, puis 61 autres, soit 499. Il faudra en tirer une nouvelle au sort pour parfaire le chiffre des 500.

Monsieur le Secrétaire général : Le rapporteur a abordé plusieurs problèmes particuliers.

Le premier a pour origine le dépôt, le 17 mars au matin par le mandataire du candidat, de 1300 formulaires. Parmi ceux-ci figuraient des formulaires où avait été omis le nom de la personne présentée : faut-il admettre qu'il s'agit là d'une présentation implicite ? Le rapporteur vous propose une réponse négative. Ce cas se présente pour deux formulaires déposés par Monsieur LE PEN et pour deux formulaires déposés par le mandataire de Monsieur WAECHTER.

Le deuxième problème concerne l'interprétation des textes qui édictent la règle de l'écrêtement : on peut apprécier le maximum d'un dixième par rapport au nombre total des présentations parvenues au nom de chaque candidat ou, comme l'a fait le rapporteur, par rapport au nombre des 500 exigées, soit 50.

Enfin, le rapporteur a évoqué le cas de certifications inappropriées en tant qu'elles émanaient de personnes n'ayant pas la qualité de membres du bureau soit du conseil régional soit du conseil général, même si ces personnes étaient bien membres de ces assemblées. Ces présentations ont été écartées pour ce motif.


Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Sur ce dernier point, n'a-t-on considéré comme membres du bureau que le président, les vice-présidents et les secrétaires ?

Monsieur PALAU : L'éventail est plus ouvert selon les documents des préfectures de région : il peut y avoir des membres du bureau sans autre fonction.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Vous avez interprété de la façon la plus large : en ce qui concerne les conseil généraux en tout cas, ne sont membres du bureau que le président, les vice-présidents et les secrétaires.

Monsieur STIRN est introduit : Le dossier de Monsieur Antoine WAECHTER est celui qui a comporté le plus d'incertitude. Après un ultime dépôt la veille au soir de l'expiration du délai, le candidat recueille 504 présentations valides (et non pas 505, comme l'indique le traitement informatique : la présentation n° 11818 en faveur de Monsieur CHIRAC a été par erreur attribuée à Monsieur WAECHTER).

Ainsi se trouve-t-on tout juste au-dessus du seuil, mais le seuil est dépassé. 88 départements sont représentés, avec un maximum de 34 présentations dans le Jura, 33 dans le Haut-Rhin et 28 dans le Bas-Rhin.

Douze autres présentations ont été jugées invalides en l'état : deux spécimens, six pour absence de cachet ou certification, deux émanant de conseillers généraux pour certification inappropriée et deux formulaires déposés sans mention de candidat. J'ai téléphoné, par mesure de précaution, aux élus dont la présentation comporte une certification déficiente, mais il est inutile de ne pas leur appliquer la même jurisprudence qu'aux autres présentateurs (1).

Le tirage au sort des cinq cents présentations requises a sélectionné, outre la présentation émanant de Monsieur WAECHTER lui-même, la présentation qui lui a été attribuée à tort : il faudra donc rectifier ce tirage.

Monsieur FABRE : L'ordinateur n'apporte pas une assurance absolue !

Monsieur le Secrétaire général : Le cas est ici assez particulier ; le jour de l'expiration du délai, à 20 heures, Monsieur WAECHTER ne remplissait pas la condition du nombre requis des présentations : à 20 heures 05, quatorze nouvelles ont été déposées, puis, une heure plus tard, tois dernières, ce qui a permis de dépasser le seuil.

(1)

Monsieur STIRN avait envisagé de distinguer initialement, les rejets purs et simples de présentations, et les rejets en l'état. Le rejet pur et simple concernerait la présentation dépourvue du nom du candidat présenté ou celle qui ne contiendrait aucune certification. En revanche, un rejet en l'état serait opposé aux présentations comportant une certification inappropriée. De telles présentations seraient cependant susceptibles d'être prises en compte au titre des vérifications que le Conseil constitutionnel est en droit d'opérer sur le fondement de l'article 3-2 du décret du 14 mars 1964. Dans la mesure où Monsieur WAECHTER a obtenu plus de 500 présentations, Monsieur STIRN n'a pas propose de valider à son nom des présentations revêtues de certifications inappropriées.


Monsieur ROBINEAU est introduit : Au bénéfice de Monsieur Raymond BARRE, on peut regarder comme valides à ce jour 2909 présentations. Après écrêtement affectant 17 départements, on obtient le chiffre de 2736. L'ensemble des départements métropolitains sont représentés, à l'exception de la Corrèze, ainsi que tous les départements et territoires d'outre-mer sauf Wallis et Futuna.

Le chiffre actuel peut connaître une augmentation en fonction des réponses fournies par les préfectures à nos demandes de vérification. Le principal problème rencontré concerne l'identification des certificateurs. Il faudrait appeler à l'avenir l'attention des intéressés sur ce point : environ une centaine de présentations sont irrégulières pour certification inappropriée, soit un taux non négligeable de 4 %. Les résistances proviennent pour l'essentiel d'élus non maires. Les mentions du formulaire devraient être précisées en ce sens afin de lier la qualité du présentateur et le mode de certification correspondant, avec l'indication de l'identité et de la qualité de l'auteur de la certification.

Les présentations présumées douteuses ont soulevé trois types de questions. Tout d'abord l'autocertification dans sept cas : un vice-président du Sénat, un président de conseil régional, trois présidents de conseil général et deux membres d'un conseil général et d'un conseil régional. Après contrôle, leur présentation a été admise.

Cette solution favorable n'a pas pu être appliquée aux huit présentations émanant de membres de l'assemblée territoriale de Wallis et Futuna dont la certification a été faite par le représentant de l’Etat dans ce territoire.

Enfin ce que j'appellerai des "repentirs" : trois présentateurs ont pris conscience, avant l'expiration du délai, que leur signature n'avait pas été certifiée. Un maire est venu apposer le sceau de sa mairie dans vos locaux : nous considérons sa présentation régulière. En revanche nous avons écarté, à regret, d'une part, la demande d'un député qui vous invitait à vérifier sa qualité auprès du président de l'Assemblée nationale et, d'autre part, le cas d'un conseiller régional qui, reconnaissant son omission, demande la démarche à suivre.

Monsieur le Secrétaire général : Un point important pour la doctrine est le rejet des présentations portant certification par le représentant de l'Etat. C'est là une carence grave du représentant de l'Etat, chargé d'éclairer les élus plutôt que de commettre de telles erreurs. La doctrine du Conseil constitutionnel a été d'éviter l'immixtion du représentant de l'Etat dans la procédure individuelle de présentation des candidats. Il est anormal que des présentations soient défaillantes du fait du représentant de l'Etat.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Je crois que c'est en effet important. C'est une situation difficile et regrettable II faut en faire mention explicite dans le rapport final : il s'agit d'une question de principe.

Monsieur FABRE : Le représentant de l'Etat n'a pas à tenir la plume.


Monsieur MARTIN-LAPRADE est introduit : Monsieur François MITTERRAND a été présenté régulièrement par 3452 élus ; 106 présentations ont été rejetées. Une fois l'écrêtement pratiqué, le chiffre doit être réduit à 2869 issus de 104 départements : Mayotte et Wallis et Futuna ne sont pas représentés, de Nouvelle-Calédonie une seule présentation a été reçue, mais 23 émanent de membres du C.S.F.E.

Parmi les cas douteux, on relève 13 cas d'autocertification. Deux cas enfin méritent d'être signalés : un maire a envoyé un formulaire en omettant d'y apposer le sceau de la mairie mais l'envoi est accompagné d'une lettre signée de lui et portant le tampon de la mairie ; je propose d'écarter cette présentation au motif que dans d'autres cas on a rejeté des formulaires dépourvus de sceau alors que ce sceau figurait sur l'enveloppe.

Le deuxième cas concerne un formulaire signé par le maire de Saint-Martin sur ......., avec le sceau de la mairie et la désignation de Monsieur MITTERRAND comme candidat, mais dont l'auteur a omis d'indiquer son propre nom, son adresse et sa qualité. Je propose néanmoins de valider cette présentation parce qu'elle était accompagnée d'un document permettant d'identifier Monsieur BRUNES comme l'auteur de la présentation.<j'ai rajouté les points de suspension qui n'étaient pas présents.>

Si je peux me permettre quelques observations d'ordre général il me semble que le formulaire pourrait être amélioré. Dans sa forme actuelle, il incite à l'erreur et ne facilite guère la tâche des vérificateurs.

Les modifications à apporter pourraient consister tout d'abord de laisser ouverte l'alternative entre la procédure de certification et l'apposition d'un sceau, alors qu'actuellement les maires ne peuvent qu'utiliser le sceau et les autres élus ne recueillir qu'une certification. Ensuite, pour simplifier les vérifications sur les certifications, il y aurait lieu d'imposer la mention précise de l'identité et de la qualité de l'auteur de la certification.

Enfin je voudrais livrer mon sentiment sur l'idée d'un affichage de la liste intégrale des présentateurs. Cette décision serait regrettable à mon sens : elle va au-delà des termes de la loi selon lesquels la publication au Journal Officiel des 500 requis épuiserait les moyens de connaître l'expression des élus présentateurs. En opportunité, d'autre part, il y a un risque de pervertir l'esprit de la loi : il s'agit en effet de s'assurer seulement du sérieux des candidatures sans créer pour autant de discriminations entre les candidats selon le nombre de présentations dont ils ont pu bénéficier. D'autres dangers peuvent être évoqués : le risque de provoquer des contestations ce qui représenterait un important travail pour le secrétariat général ; il n'est pas certain non plus que le travail de vérification soit homogène entre les rapporteurs : ainsi des présentations ont été écartées les premiers jours alors qu'ensuite on a procédé à des vérifications, en cas d'autocertification. Enfin cela induit un surcroît de travail pour l'ensemble des services.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Premièrement, la décision d'afficher a été déjà prise par le Conseil, sous réserve des capacités techniques. Ensuite en ce qui concerne la présentation litigieuse de Monsieur MITTERRAND dont il est proposé le rejet, mais cela vaut pour l'ensemble des présentations analogues, j'en admettrai la validité dès lors que le maire l'a signée et que l'enveloppe porte le cachet de la mairie.


Monsieur le Secrétaire général : Le problème de l'autocertification a été tranché sur le rapport de Monsieur ROBINEAU. Les observations de Monsieur JOZEAU-MARIGNE conduisent à admettre la validité des présentations dépourvues du sceau de mairie au vu du cachet figurant sur l'enveloppe. De même le conseil admet la présentation du maire dont le nom, omis dans le formulaire, figure sur feuille séparée.

Sur le bon usage du formulaire dans sa forme actuelle, il est nécessaire de rappeler qu'il était accompagné d'une notice explicative. Les problèmes rencontrés par les rapporteurs avaient été en 1981 occultés, puisqu'alors le Conseil ne statuait que sur les grandes masses. Il peut être apporté des améliorations â l'avenir en tenant compte des suggestions qui ont été faites.

Monsieur PAUTI est introduit : Pour vérifier les présentations en faveur de Monsieur Jacques CHIRAC, il a fallu mettre en oeuvre toute l’expertise graphologique des services du Conseil. Monsieur CHIRAC atteint le seuil du nombre requis : il bénéficie de 4338 présentations réparties dans 104 départements. L'écrêtement pratiqué en conformité avec les dispositions de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 a affecté 33 départements métropolitains et en premier lieu la Corrèze. Au terme de cette opération on décompte 3397 présentations valides.

Je relèverai les traits caractéristiques des irrégularités constatées : l'absence de toute certification pour 62 présentations au moins émanant de maires et, pour plus de 64 présentations d'autres élus, des certifications irrégulières ou inappropriées : dans environ dix cas elles sont ambiguës ou illisibles, dans 70 cas elles émanent d'autorités non habilitées pour ce faire. Enfin je signalerai des cas plus atypiques : huit ou neuf présentations sur spécimen, deux ou trois présentations émanant de personnes inconnues, une présentation d'un maire-délégué n'ayant pas à ce titre qualité pour présenter un candidat, un cas de "repentir" de la part d'un vice-président du conseil général des Ardennes, exerçant la fonction de maire, qui a adressé postérieurement à l'envoi de sa présentation une lettre pour certification.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Vous avez évoqué une question de principe. Il existe dans nos provinces beaucoup de maires-délégués. Chaque commune associée dispose d'un conseil municipal avec un maire-délégué qui exerce les fonctions de maire. Avez-vous rejeté la certification faite par un maire-délégué ?

Monsieur PAUTI : Oui, c'est la présentation n° 8437.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Il continue d'exercer les fonctions de maire. Par exemple, dans le canton du Mont Saint Michel il y a douze maires-délégués. Votre solution est une véritable diminutio capitis !

Monsieur FABRE : Je ne suis pas d'accord avec Monsieur JOZEAU-MARIGNE : le maire-délégué est un maire amoindri avec des prérogatives limitées.

Monsieur VEDEL : S'agit-il d'un problème de certification ou de présentation ?


Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Je parle du droit de certification du maire-délégué.

Monsieur SIMONNET : Le cas cité vise une présentation émanant d'un maire-délégué.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Ce sont des problèmes très graves. Regardez en Allemagne la procédure suivie pour opérer la fusion des communes. En 1973-1974, à l'initiative de Monsieur MARCELLIN, on a prévu une procédure de fusion sous l'égide du Conseil général : il y a eu 60 à 70 fusions en Manche, aujourd'hui on en est au dixième divorce. J'estime que si un maire-délégué a certifié, la présentation doit être admise ; s'il est lui-même l'auteur de la présentation, on peut la rejeter.

Monsieur le Secrétaire général : Le Conseil est invité à dire que le maire délégué,⁻ s'il n'a pas un droit de présentation (ce qui est conforme à la jurisprudence antérieure et à la circulaire du ministre de l'intérieur) peut exercer un droit de certification.

Par ailleurs, l'autorégularisation a été admise. La présentation que le rapporteur proposait de rejeter doit être regardée comme valide. Il faudra rectifier.

V. A 15 h 40, Monsieur le Secrétaire général présente une communication sur une note du Comité Barre 88.

Monsieur le Secrétaire général : Le Comité Barre 88, association de la loi de 1901, a adressé le 31 mars 1988 une note qui a un double objet : critiquer une pratique de remise tardive des procès-verbaux électoraux aux bureaux de vote en outre-mer ; faire mieux connaître le rôle des délégués du Conseil constitutionnel outre-mer.

1) La remise des procès-verbaux électoraux.

Deux observations pour résumer la situation :

Ce qui est indiqué dans la lettre du Comité Barre 88 sur la pratique dans certains territoires d'outre-mer mérite de retenir l'attention du Conseil constitutionnel sur le fond mais pose la question de la position à adopter.

Il semble qu'en Polynésie française et à Wallis et Futuna les autorités me mettent à la disposition des bureaux les procès-verbaux qu'en fin de scrutin, ce qui constitue une gêne pour les délégués itinérants des candidats qui veulent inscrire leurs observations.

Les textes applicables sont les articles L. 67 et suivants et R. 47 et suivants du code électoral. Leur exégèse conduit à penser que le procès-verbal doit être sous le contrôle des électeurs et des délégués des candidats pour y mentionner tous les éléments constitutifs du déroulement du scrutin. La règle n'est donc pas douteuse.

La seule interrogation est de savoir selon quelle voie et quel moyen intervenir. Pourrait convenir une lettre adressée au ministre des D.O.M.-T.O.M. pour appeler son attention sur les faits évoqués par le mandataire d'un candidat et pour trancher la question de droit.


Quel moyen serait le plus utile : lettre du secrétaire général, du secrétaire général par délégation ou du secrétaire général après délibération du Conseil ?

Monsieur SIMONNET : N'est-ce pas vexant de ne viser que les D.O.M.-T.O.M. ? J'ai le souvenir d'un bureau qui n'a ouvert qu'à 17 h 30 vu les difficultés de constituer le bureau et où l'on ne trouvait que les bulletins d'un seul candidat. Je n'ose pas citer le département dont il s'agit et que je connais bien.

Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Nous sommes saisis d'une lettre adressée personnellement à Monsieur Bruno GENEVOIS. Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel ne saurait prendre une mesure de portée générale puisque la question n'a pas été soulevée par les autres partis. La formule que le secrétaire général pourrait utiliser serait : "après m'en être entretenu avec des membres du Conseil constitutionnel...".

Monsieur FABRE : Je pense que d'autres personnes auraient pu exposer les mêmes craintes. Sur le fond, le problème est clair.

Par quel moyen l'exprimer ? Il s'agit d'éviter l'utilisation politique par le comité Barre d'une réponse du Conseil constitutionnel : il faut donc une réponse en termes généraux et larges.

Monsieur le Secrétaire général : Sur le mode de réponse, il n'y a pas de difficulté si le Conseil ne souhaite pas apparaître au premier plan, mais, sur le fond, la réponse doit être claire et sans ambiguïté.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Il faut une réponse à la signature de Monsieur Bruno GENEVOIS : la lettre à Monsieur Bruno GENEVOIS ne peut être une saisine du. Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, rien n'empêche que la copie de la réponse soit envoyée au ministère.

Enfin il faudrait envoyer cette copie également aux huit autres candidats pour assurer l'information la plus large.

Monsieur le Secrétaire général : Les observations de Monsieur JOZEAU-MARIGNE prennent toute leur importance en ce qui concerne le deuxième point invoqué par la lettre du Comité Barre 88.

Sur ce premier point, la demande garde un caractère imprécis. Certes l'interprétation des textes n'est pas douteuse, il appartient aux délégués locaux du Conseil de faire respecter les prescriptions du code électoral ; la circulaire du ministère des D.O.M.-T . O.M. d'ailleurs ne méconnaît pas ces dispositions.

Mais le point de départ des critiques du Comité Barre 88 reste hypothétique quant aux faits allégués. Il doit y avoir une présomption de régularité. C'est pourquoi la réponse sur ce point doit être adressée exclusivement au Comité Barre 88.


Le deuxième point mérité un élargissement : il s'agit du rôle des délégués du Conseil constitutionnel et des communications entre ces délégués et les délégués des candidats. Il est demandé une officialisation de leur mission. La demande est nouvelle en ce qu'elle tend à aller au-delà de la procédure de publication au Journal Officiel de vos décisions désignant les délégués du Conseil.

C'est là une question d'opportunité. Si vous y répondez positivement, il faut alors préserver l'égalité entre tous les candidats. Mais il faudra arrêter les modalités de cette réponse.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Il y a deux réponses différentes à faire : sur le premier point, dire tout et rien ; sur le second point, donner à tous une information.

Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Je suis très opposé à une réponse positive sur le deuxième point. Quelle serait la publicité locale à donner : livrer le numéro de téléphone du domicile ou du lieu de travail des délégués ? Ce serait dangereux. Personne n'a besoin de savoir qui exerce le contrôle, quand et où s'exerce ce contrôle. Est-il la peine d'avertir les populations des D.0.M.-T.O.M., si les autorités locales donnent les informations nécessaires ? Je ne le crois pas.

Monsieur LECOURT : La lettre du Comité Barre poursuit un double objectif : porter, d'une part, à la connaissance du Conseil constitutionnel ce qu'il estime être un fait matériel : le Conseil pourrait agir afin de faire rectifier une erreur d'interprétation des textes. Demander, d'autre part, une publicité dans la presse locale : sur cette demande d'information, il faut renvoyer les auteurs de la lettre aux autorités locales.

En ce qui concerne le premier point, on porte à notre connaissance un fait : celui-ci existe ou n'existe pas. Nous n'avons pas de réponse à donner à cet égard au Comité Barre mais des instructions à communiquer aux autorités compétentes au cas où ces faits se révéleraient exacts. Il suffit donc de répondre au Comité Barre que le Conseil constitutionnel a pris note des informations qui lui étaient livrées et qu'il prenne contact le cas échéant avec les autorités compétentes. Quant à la lettre à Monsieur PONS, elle doit simplement rappeler le respect nécessaire des textes.

Monsieur le Secrétaire général : La position exprimée par Monsieur LECOURT éviterait que le Comité Barre ne se serve de la réponse du Conseil constitutionnel comme un argument de campagne.

Monsieur LECOURT : Sur le deuxième point, sommes-nous dans l'obligation de répondre par écrit ? Un simple coup de téléphone ne suffit-il pas ?

Monsieur SIMONNET : Nous envoyons des délégués contrôler sur place : il y a des risques outre-mer. Il y a intérêt pour la régularité du scrutin que l'électeur ou le mandataire puisse, en cas de problème, saisir le délégué du Conseil constitutionnel. Peut être serait-il bon de procéder par voie d'affichage sur la porte des bureaux de vote. Cela aurait également un intérêt dissuasif.


Monsieur le Secrétaire général : C'est aux délégués du Conseil de se faire connaître dès leur arrivée.

Monsieur PAOLI : En 1974 j'étais délégué du Conseil dans le territoire des Afars et des Issas. Il faut savoir que le délégué circule de bureau en bureau. En fait il suffit que les mandataires téléphonent à la préfecture et celle-ci répercutera auprès du délégué du Conseil. C'est ainsi que j'ai été averti par radio que le délégué de Monsieur MITTERRAND était perdu au Nord du T.F.A.I. et que j'ai pu le délivrer. L'intermédiaire normal est le représentant de l'Etat : si on veut organiser un système direct d'information on risque de ne pas pouvoir joindre le délégué itinérant.

Monsieur le Secrétaire général : Le Conseil constitutionnel n'entend pas minorer ces difficultés. Comme par le passé, il est loisible de prendre l'attache du représentant de l'Etat qui est informé de la mission des délégués du Conseil constitutionnel. Ce n'est pas un véritable problème. Il convient de maintenir la pratique traditionnelle. Dans tout cela on décèle une part d'appréhension du Comité Barre.

La séance est levée à 16 h 20.

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