La séance est ouverte à 10 heures. Tous les membres sont présents sauf M. JOXE et M. MAYER, ce dernier étant absent en début de séance.
M. le Président : M. JOXE est toujours souffrant, M. MAYER est retardé par un problème de R.E.R., nous allons commencer en écoutant M. LECOURT avec la Convention O.I.T.
M. LECOURT : En réalité, c'est une affaire très simple dont nous aurions pu faire l'économie si, au cours des débats devant le Sénat, des explications plus précises avaient été apportées à la question de l'application de l'article 74 de la Constitution. Cela n'aurait pas été un préjudice considérable pour la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Il s'agit d'une convention qui remonte à 1983, passée sous les auspices de l'O.I.T. et qui intéresse les handicapés.
En fait, le contenu de cette convention a trouvé depuis longtemps sa traduction dans notre droit positif et bien au delà même. Elle comprend trois parties essentielles qui fixent les principes d'une politique pas très nettement déterminée.
La première partie est constituée par un article unique consacré aux définitions et au champ d'application. L'article prévoit que tout membre devra appliquer les dispositions de la convention par des "mesures appropriées".
La deuxième partie est un peu plus étoffée, tout au moins dans son développement linéaire. Elle concerne les principes des politiques de réadaptation professionnelle et d'emploi pour les personnes handicapées. Elle comprend 4 articles qui comportent une série d'énoncés de principes, d'orientations sur lesquels les Etats se mettent d'accord pour faire avancer le mouvement.
La troisième partie est relative aux mesures à prendre au niveau national pour le développement des services de réadaptation professionnelle et d'emploi pour les personnes handicapées.
Le texte de 1983 a enfin été soumis au Parlement pour autoriser sa ratification en 1988.
L'Assemblée nationale l'a voté sans débat. Au Sénat, il en a presque été de même. Toutefois, le rapporteur a posé la question de l'application de l'article 74 de la Constitution que vous connaissez bien. Le gouvernement n'a pas répondu vraiment à cette question, ce qui nous vaut la saisine dont M. MILLAU est l'initiateur.
Il y a en réalité deux questions dans la saisine extrêmement brève et un peu confuse.
L'une concerne la soumission de la loi de ratification de la convention, conformément à l'article 74 de la Constitution, à l'avis préalable des assemblées territoriales des Territoires d'outre-mer. Les auteurs de la saisine soulignent que la convention met en cause la spécificité de la législation applicable outre-mer. Ils invoquent le non-respect des dispositions du 12ème de l'article 3 de la loi du 6 septembre 1984 portant statut du Territoire de la Polynésie française et le non respect de son dernier paragraphe.
De toute façon, soulignent-ils, la loi autorisant la ratification aurait dû comporter des dispositions prévoyant son application outre-mer en application du principe de la spécialité législative.
Il y a donc deux moyens ; le dernier n'appelle qu'une rapide explication. Le premier peut être rejeté sans argumentation serrée.
Le législateur avait-il l'obligation de statuer avec une mention spéciale pour l'application de la convention outre-mer ?
Pour répondre à la question, il faut remonter à la nature de la loi autorisant la ratification. Elle autorise la ratification d'une convention internationale qui délimite elle-même son champ d'application, soit dans son texte, soit en raison de l'organisation de référence, ici l'O.I.T..
Au cas présent, il s'agit d'un texte d'application générale à l'ensemble du Territoire de la République. Il n'y a pas la moindre réserve dans le texte de la convention et l'article 35 de la Constitution de l'O.I.T. prévoit que la signature vaut pour l'ensemble des Territoires rattachés à la métropole.
Sur le fond, il n'y a pas le moindre problème. J'avais d'abord pensé à dire cela, mais nous sommes conduits à interpréter alors l'article 35, ce qui ne paraît pas souhaitable. On peut donc s'en tenir au principe en soulignant que c'est la convention et non la loi qui définit son champ d'application. Il n'y a pas l'ombre d'un doute sur ce point et il n'y a pas besoin de clause d'applicabilité dans la loi autorisant la ratification.
La deuxième question concerne l'applicabilité de l'article 74 de la Constitution, c'est-à-dire la nécessité de consulter les Assemblées territoriales des Territoires d'outre-mer. On passe de la convention à la loi qui en autorise la ratification. Peut alors intervenir l'article 74 que nous avons très souvent appliqué. Je vous rappelle les termes de l'article : "les Territoires d'outre-mer de la République ont une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République. Cette organisation est définie et modifiée par la loi après consultation de l'Assemblée territoriale intéressée".
Un petit mot d'histoire rapide sur notre interprétation très largement extensive de ce texte. On a eu tendance à considérer que chaque intervention du législateur touchait l'organisation particulière du Territoire d'outre-mer et impliquait la consultation de l’Assemblée territoriale.
Depuis quelques années la situation n'est plus aussi diffuse en ce qui concerne leur organisation. Les territoires d'outre-mer ont reçu un statut (Polynésie française et Nouvelle-Calédonie ... qui n'en a reçu que trop !).
Donc, on se trouve en présence d'une modification du climat de l'article 74. Avant il y avait fragmentation des statuts, maintenant il y a regroupement et des statuts particuliers pour ces deux principaux territoires d'outre-mer.
Une question préalable se pose :
Y-a-t'il ou n'y-a-t'il pas dans la Convention modification du statut ou des statuts ?
Si la réponse est dans le sens de l'affirmative, alors la consultation s'impose, sinon il est inutile de nous consulter.
Qu'en est-il ? Il est soutenu par les auteurs de la saisine que la consultation s'impose parce que le statut particulier de la Polynésie française précise que le droit du travail peut nécessiter une intervention du territoire lui-même.
En fait, la loi du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française précise dans son article 3-12° que les autorités de l'Etat sont compétentes pour "les principes généraux du droit du travail". On trouve le même principe pour la Nouvelle-Calédonie dans la loi du 22 janvier 1988 toujours applicable et non contredite par le statut adopté par le référendum du 6 novembre 1988 (article 6-13 °).
La convention va-t'elle au-delà de cette disposition ? Nous sommes en présence de principes très vagues, très généraux, va-t'on au-delà de ce que les statuts des territoires avaient envisagé ? Je ne le pense pas.
Plutôt que de nous attarder ou de prendre quelques risques dans une analyse plus approfondie, nous pouvons donc prendre une décision de rejet qui, en vérité, aurait pu nous être épargnée avec un minimum d'explications de la part du gouvernement.
M. le Président : J'ouvre le débat.
M. VEDEL : La saisine fait allusion à la nécessité d'une consultation de L'Assemblée territoriale pour la ratification des conventions.
M. LECOURT : Oui, il s'agit de l'article 68 de la loi de 1984. Il dispose : "L'Assemblée territoriale est consultée sur les projets de loi portant ratification de conventions internationales traitant de matières ressortissant à la compétence territoriale". Mais la matière ne ressortit pas à la compétence territoriale.
M. VEDEL : C'est donc même un argument a contrario. Ceci fait tomber l'objection que j'allais faire. La ligne de partage ne doit pas passer entre compétence de l'Etat et compétence du territoire, mais entre ce qui touche à l'organisation particulière et le reste. Sur le fond, je demanderai que l'on ne laisse pas croire que l'article 74 ne s'applique jamais pour les matières réservées à l'Etat Ce n'est pas la ligne de partage.
M. le Président : Nous verrons lors de l'examen du texte du projet.
M. LATSCHA : Je remarque qu'il y a eu 3 conventions ratifiées en même temps. Pourquoi la contestation ne porte-t’elle que sur la convention n° 159 ? Cela donne un peu l'impression d'un tirage au sort.
M. le Président : Quel est l'objet des autres conventions ?
M. LATSCHA : L'égalité des sexes.
M. FABRE : C'est quand même mieux que ce soit ce thème qui ait été choisi ! Je remarque que l'un des sénateurs qui a signé la lettre de saisine est décédé depuis la saisine.
M. le Président : Mais la recevabilité s'apprécie à la date d'introduction de la saisine.
M VEDEL : C'est comme pour la présentation de candidats à l'élection présidentielle.
M. le Président : Nous allons procéder à la lecture.
page 3, M. LECOURT fait remarquer que le 3ème considérant est un considérant de principe en retrait sur la jurisprudence.
page 3, M. le Président suggère que l'incidente de ce considérant ne soit pas retenue.
M. LECOURT approuve et le projet est modifié dans ce sens.
page 4, M. VEDEL souligne qu'il ne se sent pas en harmonie avec le projet.
Le critère posé par l'article 74 est l'organisation particulière, et non le partage des matières entre l'Etat et le territoire.
Une loi de l'Etat relevant de sa compétence peut très bien concerner l'organisation particulière. L'exemple donné est celui de la Justice.
M. le Président : Je partage votre sentiment et je propose de supprimer le passage. Je suis partisan des décisions concises.
La décision est modifiée dans ce sens.
Merci, mon cher ami, pour ce rapport.
(M. MAYER, arrivé au Conseil, explique que son retard est lié à un suicide sur la ligne du R.E R.).
La séance est suspendue entre 10 h 50 et 10 h 55.
M. MAYER : Je sollicite vos excuses pour mon retard. J'ai été frappé par l'évènement de ce matin. Qu'est-ce-qui se passe dans la tête d'une personne qui se jette sous un train ? Cela doit être affreux.
M. le Président : Tolstoï en a parlé ...
M. MAYER souligne l'aide qu'il lui a apporté pour son rapport le service juridique et M. le Secrétaire général.
M. le Président : Je propose que nous discutions les points importants au fur et à mesure.
M. MAYER : Monsieur le Président,
Mes chers collègues,
Nous ne sommes pas, avec la loi qui nous est déférée, en présence d'une oeuvre législative de l'ampleur de celles qui ont rythmé l'histoire mouvementée de la communication audiovisuelle de ces trois dernières décennies : ordonnance du 4 février 1959, lois du 27 juin 1964, du 3 juillet 1972, du 7 août 1974 et, enfin, plus proches et mieux connues de nous, lois des 29 juillet 1982 et 30 septembre 1986.
De 1959 à 1982, il s'agissait de doter la communication audiovisuelle d'un statut qui assure sa liberté et garantisse son indépendance.
La loi du 29 juillet 1982 pose le principe de la liberté de la communication et met en place la Haute autorité de la communication audiovisuelle. En abrogeant le monopole de l'Etat en matière de radiodiffusion et de télévision, elle marque le terme d'une période caractérisée par la prédominance de la puissance publique. Elle ouvre enfin le champ à de futurs espaces de liberté.
La loi du 30 septembre 1986 renforce les pouvoirs de l'instance de régulation : la commission nationale de la communication et des libertés remplace la Haute autorité. Cette loi consacre aussi la place du secteur privé.
Au terme de cette évolution, la loi soumise à notre examen n'a pas pour objet de "remettre en cause le système actuel par une nouvelle réorganisation d'ensemble faisant suite aux nombreuses réformes intervenues dans le passé, mais seulement de tirer au mieux les leçons des deux expériences précédentes." (exposé des motifs du projet de loi), ce qui explique d'ailleurs que les fleurets ont été mouchetés.
L'expérience a montré que l'institution d'une instance de régulation dotée de pouvoirs propres était bonne. Cette existence n'est aujourd'hui remise en cause par personne. Le débat porte plus sur les conditions de son indépendance et sur l'étendue de ses pouvoirs. Tels sont les deux points essentiels de la loi déférée.
A cette fin, la loi modifie la loi ri 86-1067 du 30 septembre 1986 relative â la liberté de communication :
a) Le premier objet de cette loi concerne l'instance de régulation. Le Conseil supérieur de l'Audiovisuel, qui succède à la CNCL, devient la clef de voûte du système. Cela ressort de la nouvelle rédaction donnée à l'article premier de la loi de 1986. Après avoir posé que "la communication audiovisuelle est libre" et fixé les limites de cette liberté, cet article énonce que "le Conseil supérieur de l'audiovisuel, autorité indépendante, garantit l'exercice de cette liberté dans les conditions définies par la loi." Je
n'insiste pas sur les modifications apportées à sa composition. D'une part parce qu'il est "notre frère jumeau", d'autre part parce que la contestation ne porte pas sur ce point. J'éprouve beaucoup de gratitude à l'égard du requérant de ne pas avoir mis en cause l'indépendance en raison de sa composition. Je note, seulement, pour m'en étonner que ses membres ne pourront être nommés au-delà de soixante cinq ans. Le statut de ses membres reprend très largement celui des membres de la Haute autorité.
M VEDEL : L'âge, c'est une absurdité, non une inconstitutionnalité.
L'article 5, nous y reviendrons, prévoit sa consultation dans la procédure d'élaboration de son budget et l'article 6 les modalités de sa consultation pour la définition de la position de la France dans les négociations internationales sur la radiodiffusion sonore et la télévision.
L'article 7 reporte à une date ultérieure, au 31 mars 1990 le transfert de l'exercice de la fonction de réglementation dans le domaine de la télécommunication.
S'agissant de l'article 8, lui aussi contesté, il a pour objet de renforcer les compétences du CSA à l'égard des sociétés nationales de programme en ce qui concerne le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans leurs programmes, notamment pour les émissions d'information politique.
L'article 9 enfin traite des relations du CSA avec les pouvoirs publics et concerne tout â la fois le rapport annuel qu'il est tenu d'établir et les conditions dans lesquelles il sera entendu ou consulté par les commissions compétentes des assemblées parlementaires.
b) Le deuxième objet de cette loi, comme je vous l'ai indiqué, tend au renforcement des pouvoirs du CSA. Les mesures prises à cet effet sont inscrites à l'article 8 ainsi qu'aux titres III et IV de la loi déférée, dans ses articles 11 à 19. Au stade de la présentation de la loi, je me bornerai â quatre observations :
- tout d'abord, j'indique qu'à l'article 8 les pouvoirs du CSA sont renforcés à l'égard des sociétés nationales ;
- il convient de relever ensuite l'article 11 qui modifie l'article 27 de la loi de 1986. Par rapport au système antérieur, l'article 27 dans sa nouvelle rédaction, définit "le tronc commun" des obligations dont le respect s'impose, tant au secteur public qu'au secteur privé, dans les domaines suivants : publicité, diffusion d'oeuvres cinématographiques, contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle. II est prévu que des décrets en Conseil d'Etat fixeront les principes généraux définissant ces obligations, compte tenu des missions d'intérêt général assignées par la loi aux organismes ou sociétés concernées.
Cependant le CSA fixera les règles déontologiques concernant la publicité et les règles applicables à la communication institutionnelle et au parrainage.
- ma troisième observation porte sur l'article 13 (article 28 de la loi du 30 septembre 1986). S'agissant de la délivrance des autorisations d'exploitation des différents services privés de radiodiffusion sonore ou de télévision, il est prévu que cette délivrance sera désormais subordonnée à la conclusion de conventions entre l'autorité de régulation et les opérateurs. Je souligne que le législateur a prévu que ces conventions seraient assorties de pénalités contractuelles destinées à marquer que les engagements souscrits le sont moins à titre d'objectifs que dans la perspective de leur mise en oeuvre effective.
- quatrième et dernière observation enfin. Elle concerne l'article 19 (article 42 de la loi du 30 septembre 1986) qui traite des pouvoirs de sanction du CSA en cas de manquement par les exploitants à leurs obligations législatives et réglementaires. L'objectif poursuivit par le législateur est ici la diversification des sanctions. L'expérience a montré qu'eu égard â la diversité des manquements possibles, ni la haute autorité ni la CNCL n'avaient eu à leur disposition, un éventail de sanctions satisfaisant. Désormais, le CSA pourra mettre en oeuvre des sanctions proportionnées à la gravité du manquement. Je n'insiste pas davantage sur ce point qui fera l'objet essentiel de mon rapport et je l'image aussi de notre discussion.
Voici, brièvement exposée, la teneur de la loi dont nous sommes saisis, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés. Vous avez lu leur saisine. La plupart des points contestés ne résistent pas â l'examen. C'est ce que j'appellerai, à la suite du Doyen VEDEL "les escarmouches". Ainsi en va-t-il pour les articles 5, 8, 11 et 13 de la loi, c'est-à-dire les articles 7, 13, 27 et 28 de la loi du 30 septembre 1986.
La question de procédure, soulevée à propos de l'article 30 et concernant la consultation, en application de l'article 74 de la Constitution, de l'assemblée territoriale de la Polynésie française, appellera de ma part une réponse d'espèce.
Restera alors le problème majeur, celui des sanctions administratives et c'est là-dessus que nous aurons le plus à discuter.
Enfin pour être complet il conviendra de nous interroger sur la question posée par l'article 16 relatif à la validation des décisions d'autorisation d'usage des fréquences prises par la CNCL et qui a été soulevée devant nous, non par les requérants, mais par un mémoire de la société TF1.
Le paragraphe II de l'article 5 est relatif au budget et aux comptes du Conseil supérieur de l'audiovisuel (C.S.A.).
Il prévoit que le C.S.A. propose, lors de l'élaboration du projet de loi de finances de l'année, les crédits nécessaires à l'accomplissement de ses missions. Ceux-ci sont inscrits au budget général de l'Etat.
Il prévoit, en outre, que les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative au contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables à la gestion de ces crédits, que le président du C.S.A. est ordonnateur des dépenses et qu'il présente les comptes du Conseil au contrôle de la Cour des comptes.
Les auteurs de la saisine ne critiquent dans ce texte que la disposition prévoyant que le C.S.A. propose, lors de l'élaboration du projet de loi de finances de l'année, les crédits nécessaires à l'accomplissement de ses missions.
Selon eux, cette disposition porte atteinte à l'indépendance du C.S.A., qui est une condition de la liberté d'expression reconnue par l'article 11 de la Déclaration de 1789. Ils y voient une restriction par rapport à la loi du 30 septembre 1986, dans la mesure où le nouveau texte implique que les crédits du C.S.A. seront désormais soumis à l'arbitrage du Premier Ministre, comme c'est le cas pour tous les crédits concernant les services de l'Etat. Or, ce pouvoir d'arbitrage comporte, selon eux, un risque d'arbitraire, le Gouvernement pouvant être tenté d'user de mesures de rétorsion à l'encontre du C.S.A., afin de lui imposer sa conduite.
La critique des auteurs de la saisine n'est pas fondée.
La modification apportée à l'article 9 de la loi de 1986 résulte d’un amendement présenté par MM. QUEYRANNE et BARROT devant l’Assemblée nationale et dont l'objet essentiel était de préciser que c'est au C.S.A. qu'il appartient de présenter ses demandes budgétaires.
Contrairement à ce qui est soutenu, cette modification, loin d'être en retrait par rapport à la loi de 1986, qui ne comportait pas cette garantie, va dans le sens de l'autonomie du C.S.A. En fait, cette procédure était déjà suivie avec la C.N.C.L.
Il n'était pas constitutionnellement possible d'aller plus loin et de conférer au C.S.A. le pouvoir d'arrêter lui-même les crédits devant lui être alloués. Le C.S.A. étant partie intégrante de l'Etat, ses crédits sont au nombre des charges permanentes de l'Etat qui, en vertu de l'article 2 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, doivent figurer dans une loi de finances. Or, en vertu de l'article 37 de cette ordonnance, les projets de lois de finances sont préparés par le ministre des finances et arrêtés en conseil des ministres. Ces dis- positions faisaient obstacle à ce que les crédits du C.S.A. échappent à la procédure d'élaboration des projets de lois de finances.
Le texte critiqué est donc conforme à la Constitution.
M. le Président : Sur ce point, qui désire intervenir .
M. MAYER lit le projet de décision.
M. le Président : Bon, sur ce point, le moyen n'est pas sérieux.
M. VEDEL : C'est faire perdre le temps du Conseil.
M. le Président : Au risque d'en affliger certains d'entre nous, M. GENEVOIS me dit "c'est un moyen d'avocat".
M. MAYER reprend l'exposé de son rapport avec l’analyse de la contestation de l' ARTICLE 8 (alinéa 3)
(ancien article 7)
L'article 8 modifie l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986. Dans sa nouvelle rédaction, l'article 13 comporte trois alinéas.
Le premier alinéa prévoit que le C.S.A. assure le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des sociétés nationales de programme, notamment pour les émissions d'information politique. Le deuxième alinéa prévoit que, en cas de manquement grave aux obligations qui s'imposent aux sociétés de programme et à l'institut national de l'audiovisuel en vertu de la loi, le C.S.A adresse des observations publiques au conseil d'administration de l'organisme et peut dépêcher un de ses membres auprès de ce dernier pour lui exposer le contenu de ces observations et recueillir la réponse du conseil d’administration.
Le troisième alinéa, seul critiqué par les auteurs de la saisine, dispose que, en cas de manquement grave aux dispositions d'un cahier des charges ou aux décrets en Conseil d’Etat pris en application de l'article 27 de la loi de 1986, le C.S A. peut également, par décision motivée, enjoindre au président de l'organisme de prendre, dans un délai fixé dans la décision, les mesures nécessaires pour faire cesser le manquement. Les mesures prises en exécution de ces décisions ne peuvent en aucun cas engager la responsabilité personnelle du président de l’organisme.
C'est cette dernière phrase ainsi que les mots "en cas de manquement grave", qui sont contestés devant nous.
S'agissant, tout d'abord, de la disposition contenue dans la dernière phrase de l'article, les auteurs de la saisine 'l'estiment "contraire aux prinicipes qui régissent l'exercice de l'autorité et à la liberté du commerce et de l'industrie".
Selon eux, cette disposition, qui exonère de toute responsabilité personnelle les présidents des sociétés privées concernées lorsqu'ils prennent les mesures nécessaires pour taire cesser un manquement constaté par le C.S.A. porte atteinte aux prérogatives du conseil d'administration de la société, à qui il appartient de contrôler l'activité du président. Ce dernier, du fait de l'exonération de responsabilité dont il bénéficie, se trouverait transformé en agent public chargé d'exécuter une décision administrative.
En outre, l'exonération de la responsabilité du président permet au C S.A d'intervenir en fait directement dans la gestion des sociétés, ce qui serait contraire à la liberté du commerce et de l'industrie.
S'agissant en second lieu du membre de phrase "en cas de manquement grave" figurant au début de l'alinéa critiqué, les auteurs de la saisine soutiennent que, en l'absence de précision sur le contenu de ces termes, la loi laisse la place à l'arbitraire dans l'exercice par le C.S A. du pouvoir d'injonction qui lui est attribué.
L'argumentation de la saisine ne peut être retenue.
A. Je n'ai pas besoin de m'étendre sur le dernier aspect de l'argumentation présentée.
La notion de "manquement grave", dont la constatation déclenche l'intervention de C S.A est suffisamment utilisée dans notre droit tant privé que public pour ne pas avoir besoin d'être précisée. Elle a une acception juridique connue. En outre, l'appréciation par le C S.A du caractère de gravité du manquement sera soumise au contrôle du juge, c'est-à-dire au contrôle du Conseil d'Etat.
B. L'Assemblée nationale a adopté, d'ailleurs sans discussion, un amendement présenté par M. BARROT et en vertu duquel les mesures prises sur l'injonction du C.S.A. par le président de la société nationalede programme pour faire cesser le manquement constaté ne peuvent engager la responsabilité personnelle de leur auteur.
La critique des auteurs de la saisine, sur ce point, est à la fois déraisonnable et dépourvue de fondement.
Elle est déraisonnable car, à partir du moment où les auteurs de la saisine ne font aucune objection à la disposition prévoyant que le C.S.A. peut enjoindre au président de la société de faire cesser le manquement constaté, il serait paradoxal que les mesures prises par le président pour se conformer à cette injonction puissent engager sa responsabilité personnelle si elles sont conformes à l'injonction.
La critique ne me paraît pas au surplus fondée en droit. Les principes dont la violation est invoquée - à savoir les principes qui régissent l'autorité dans l'entreprise et la liberté du commerce et de l'industrie - n'ont pas valeur constitutionnelle. En tout état de cause, cette liberté n'est pas ici en question puisque nous sommes dans le domaine du secteur public.
Je propose dans ces conditions au Conseil constitutionnel d'écarter les griefs dirigés contre l'article 8 de la loi déférée.
M. VEDEL : Je vous demande de m'excuser mais la critique n'est déraisonnable qu'au regard de l'argumentation invoquée. Nous sommes en effet dans un système de droit où l'agent public est tenu de résister à l'ordre manifestement illégal. Or, tout d'un coup le C.S.A. peut présenter à un organisme une mesure dont l'exécution n'est pas susceptible d'engager la responsabilité personnelle du président de l'organisme. Cela ne saurait exclure en tous cas la responsabilité pénale. En principe, il n'y a de robots, ni chez les agents publics, ni chez les agents soumis au droit privé. Il faudrait donc marquer que cette disposition ne tient pas en échec les principes généraux que je viens de rappeler.
M. le Président : Je suis sensible à votre remarque. On ne peut exonérer un individu de sa responsabilité pénale. Cette disposition est là pour protéger qui ? Qu'est-ce qui va se passer ? Il y aura une injonction du C.S A., un communiqué, et s'il a un caractère diffamatoire ? Je pense toujours à la diffamation. La question mérite réflexion.
M. VEDEL : Un problème du même type s'est posé au moment de lépuration. L'Administration avait de désir d'enjoindre le licenciement de certaines personnes à leur employeur privé. Qui devait être tenu pour responsable en cas de licenciement injustifié ? l'Etat, l'entreprise ? Il y a eu une jurisprudence fluctuante du Conseil d'Etat qui a reconnu à l'origine que seule la responsabilité de l'entrepreneur pouvait être mise en jeu, l'Etat agissant pour son compte. Le Conseil est ensuite revenu sur cette analyse pour retenir la responsabilité de l'Etat
M. le Président : Je cherche le fondement constitutionnel de la contestation. En matière pénale on voit le fondement. Je n'en vois pas dans les autres domaines. Est-ce que nous allons hisser au niveau d'un principe constitutionnel la responsabilité de l'agent de l'administration ? Il y a là un risque.
M. VEDEL : Le gendarme lui-même n'est pas tenu d'obéir à un ordre manifestement illégal !
M. le Président : Est-ce que l'on peut ériger cela en principe constitutionnel ?
M. le Secrétaire général : La rédaction du projet a cherché à prévenir, peut-être imparfaitement, des objections de la nature de celles soulevées par M. le Doyen VEDEL. On se trouve là dans le cadre de l'ordre légal comme le souligne la mention "dans les cas et suivant les modalités définies par la loi" qui figure dans le projet. La jurisprudence "LANGNEUR" du Conseil d'Etat n'est pas mise en cause par la loi dès lors que le caractère légal de l'injonction est sous-entendu. Pour le Conseil d'Etat, en effet, l'agent public est tenu de ne pas se conformer à un ordre manifestement illégal et dont l'exécution serait de nature à compromettre gravement un intérêt public.
M. le Président : Cela ne suffit pas à mon avis.
M. LATSCHA : On se demande quelle hypothèse est visée.
M. VEDEL : Dans le cas particulier, il n'était pas nécessaire de mettre le feu à la maison pour faire cuire un oeuf à la coque. Je ferai sauter cet amendement quant à moi.
M. le Président : Je ne trouve pas le problème indifférent. II y a déjà la multiplication des pouvoirs des autorités indépendantes, s'y ajoute, dans cette loi, la consécration d'une irresponsabilité extraordinaire.
M. VEDEL : Je propose que l'on fasse tomber l'amendement. La formulation qui exclut la responsabilité pénale et celle liée à l'exécution d'un acte manifestement illégal est inconstitutionnelle.
M. MOLLET-VIEVILLE : Ma réaction rejoint celle que je viens d'entendre. L'irresponsabilité n'est pas normale. Il faut se rattacher à la notion d'égalité des citoyens devant la loi.
M. le Président : II n'y a pas de problème pour la responsabilité pénale. Nul ne peut en être exonéré. Doit-on aller au-delà ? Je n'irai pas jusqu'à l'inconstitutionnalité.
M. VEDEL : Nous nous sommes trouvés dans une situation un peu semblable avec la disposition exonérant de toute responsabilité les auteurs des dommages causés à l'occasion de conflits de travail lorsque les fautes se rattachent à l'exercice du droit de grève ou du droit syndical et ne résultent pas d'infractions pénales.
En droit civil, sauf contrainte, il n'y a pas de possibilité de dire : j'ai été obligé de faire cela, je n'en réponds pas. II y a une limite à l'irresponsabilité du fonctionnaire en droit administratif. On ne voit pas pourquoi un organisme pourrait communiquer une irresponsabilité totale à des gens qui lui obéissent. C'est un amendement vicieux qui tend à décharger le président. Il peut se défiler. C'est une manoeuvre contre la loi elle-même.
M. le Président : L'exonération civile complète va trop loin !
M. le Secrétaire général : Soit il y a neutralisation, c'est un peu le parti pris par le projet et qui pourrait être accentué, soit il y a censure.
M. le Président propose la formulation suivante de la censure : "Considérant que nul ne saurait, par une disposition générale de la loi, être exonéré de toute responsabilité personnelle quelles que soient la nature ou la gravité de l'acte qui lui est imputé ; que, dès lors ..." ;
M. MOLLET-VIEVILLE : Je suis d'accord.
M. VEDEL : le "en aucun cas" du texte de la loi ne nous permet pas l'interprétation neutralisante. C'est la motivation de la saisine qui était mauvaise.
M. MAYER poursuit la lecture de son rapport avec l'analyse de la contestation de l'article 11.
Cet article donne une nouvelle rédaction de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986, qui concerne tant le secteur public que le secteur privé de la communication audiovisuelle.
Il renvoie à des décrets en Conseil d'Etat le soin de fixer les principes généraux concernant :
- la publicité ;
- la diffusion, en particulier aux heures de grande écoute, d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles en majorité d'expression originale française et originaires de la Communauté économique européenne ;
- la contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle et les dépenses minimales consacrées à l'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles ainsi que l'indépendance des producteurs à l'égard des diffuseurs.
Ces décrets devront être pris après avis motivé du C.S.A.. L'avis et le rapport de présentation du décret devront être publiés au Journal officiel.
L'article 27 de la loi du 30 septembre 1986, ainsi modifié, comporte une disposition finale donnant compétence au C.S.A. pour fixer les règles déontologiques concernant la publicité et les règles applicables à la communication institutionnelle, au parrainage et aux pratiques analogues.
Les auteurs de la saisine soutiennent que, en tant qu'il renvoie à des décrets en Conseil d'Etat, cet article est entaché d'une "incompétence négative", d'une renonciation à légiférer dans des matières qui, touchant à des points aussi importants que le financement des services de communication audiovisuelle et le contenu de leurs programmes, relèvent du domaine de la loi.
Selon eux, en agissant ainsi, le législateur a méconnu deux dispositions constitutionnelles.
C'est, en premier lieu, l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme, aux termes duquel : "La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi".
C'est, en second lieu, l'article 34 de la Constitution, qui dispose que " ... la loi fixe les règles concernant : ... les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ...".
Les textes constitutionnels applicables sont effectivement l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et surtout l'article 34 de la Constitution.
En réservant à la loi la fixation des règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, l'article 34 n'exclut pas toute intervention du pouvoir réglementaire en matière de libertés.
Le renvoi au décret en Conseil d'Etat opéré par l'article 11 de la présente loi ne serait contraire à l'article 34 de la Constitution que si les points ainsi renvoyés touchaient à des garanties fondamentales de la liberté de communication.
Cela ne semble pas être le cas pour les points particuliers énumérés, à savoir la publicité, la diffusion en majorité d'oeuvres d'expression françaises et originaires de la C.E.E., la contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle et l'indépendance des producteurs.
Ce qui pourrait faire naître un doute est la rédaction du début de l'article, aux termes duquel "des décrets en Conseil d'Etat fixent les principes généraux définissant les obligations concernant : ...". En effet, la fixation des principes généraux est, d'ordinaire, spécialement en matière de libertés, réservée à la loi. Mais l'expression utilisée dans l'article 11 est quelque peu emphatique. Le général s'oppose ici au particulier, à l'individuel : en réalité, les décrets en Conseil d'Etat fixeront des règles qui seront individualisées et modulées par les conventions conclues avec les exploitants. Tel est le sens que le
La jurisprudence du Conseil constitutionnel ne fait pas obstacle à la délégation envisagée. Aucune de nos décisions invoquées par les auteurs de la saisine n'est transposable au cas présent. D'ailleurs, l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 contenait un renvoi à des décrets en Conseil d'Etat pour traiter de questions semblables (publicité et parrainage, régime de diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles) et nous n'avons pas fait obstacle à cette disposition.
J'ajouterai - et ceci me paraît essentiel - que la délégation ainsi consentie est limitée à quelques points précis ; qu'elle est encadrée car les décrets en Conseil d'Etat devront respecter les principes définis par la loi - notamment ceux mentionnés à l'article 1er de la loi de 1986, ainsi, en ce qui concerne les oeuvres cinématographiques, qu'aux articles 70 et 73. Enfin des garanties de procédure sont prévues : intervention du Conseil d'Etat, consultation préalable du C S.A., dont l'avis motivé devra être publié au Journal officiel.
Je propose, dans ces conditions, de ne pas retenir les objections des auteurs de la saisine.
Avant d'en terminer avec l'article 11, je voudrais dire un mot d'un point qui n'est pas évoqué par les auteurs de la saisine. Il concerne le dernier alinéa de l'article.
Cet alinéa prévoit que les règles déontologiques concernant la publicité et les règles applicables à la communication institutionnelle, au parrainage et aux pratiques analogues à celui-ci sont fixées par le C.S.A..
Je précise que la communication institutionnelle est la possibilité pour les entreprises d'utiliser les antennes de la télévision, à des heures qui ne gênent pas les émissions normales, pour faire connaître leur activité ou établir des liaisons intéressant leur propre fonctionnement.
Cet alinéa, issu d'un amendement du Gouvernement, a pour effet de conférer un certain pouvoir réglementaire au C.S A. Sans doute la C.N.C.L. disposait-elle déjà de compétences réglementaires mais le texte que nous examinons étend ce pouvoir en le prélevant sur le pouvoir réglementaire du Premier ministre.
Ce transfert de compétence réglementaire du Premier ministre au C.S A. constitue-t'il une violation de l'article 21 de la Constitution en vertu duquel le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire ?
Par une décision du 18 septembre 1986, rendue précisément à propos de l'attribution à la C.N.C.L. d'une compétence réglementaire, le Conseil constitutionnel a estimé que, si l'article 21 confère au Premier ministre, sous réserve des pouvoirs reconnus au Président de la République par l'article 13, l'exercice du pouvoir réglementaire à l'échelon national, il ne fait cependant pas obstacle à ce que le législateur confie
à une autorité de l'Etat autre que le Premier ministre le soin de fixer, dans un domaine déterminé et dans le cadre défini par les lois et les règlements, des normes permettant de mettre en oeuvre une loi.
Ainsi la reconnaissance d'un certain pouvoir réglementaire au C.S.A. n'est pas en elle-même contraire à la Constitution, dès lors qu'elle concerne un domaine déterminé et qu'elle est encadrée par la loi et, éventuellement, par le règlement.
Il semble bien en être ainsi en l’espèce. L'attribution d'un pouvoir réglementaire au C.S.A. ne porte que sur trois points particuliers : la publicité, la communication institutionnelle et le parrainage. En ce qui concerne la publicité, le C.S.A. ne pourra que fixer des règles de déontologie qui devront respecter la réglementation édictée par décret en Conseil d'Etat prévue en cette matière par le même article 11. Quant à la communication institutionnelle et au parrainage, leur caractère très spécifique peut, semble-t-il, justifier la délégation accordée au C.S.A..
Dans ces conditions, je ne propose pas au Conseil de censurer la dernière phrase de l'article 11.
M. le Président : Sur cette question qui n'est pas non plus indifférente ?
Il y a 2 questions en fait :
- celle de la subdélégation de la loi au décret ;
- celle du pouvoir réglementaire des autorités administratives indépendantes.
La première critique consiste à soutenir que le législateur prend la tangente, qu'il est resté en decà de sa compétence.
La 2ème question a été réglée en principe en 1986
M. VEDEL : Le second niveau m'embarrasse plus que le premier.
M. le Président : J'attire l'attention, moi, sur le dernier alinéa qui vise des règles qui concernent les garanties des citoyens.
M. VEDEL : La question de savoir si la matière relève ou non de la loi me paraît relativement facile à résoudre. Au vu des principes posés par la loi elle-même, le pouvoir réglementaire me paraît bien encadré.
Plus délicate est la question de savoir comment on peut échapper aux dispositions de l'article 21 de la Constitution. Là, nous sommes embarrassés La jurisprudence du Conseil constitutionnel est volontairement imprécise. Je me souviens des débats en 1986. La jurisprudence est sourcilleuse. Dans son principe le pouvoir réglementaire des autorités administratives indépendantes peut être mis en doute. Il faut maintenir le pouvoir réglementaire mais dans un cadre très précis.
M. le Président : Que recouvrent les règles déontologiques concernant la publicité ?
M. VEDEL : C'est l'éthique de la profession Les codes de déontologie sont réglementaires ; ici cela paraît plus large car il ne s'agit pas vraiment de déontologie pour cette matière. Nous ne devrions pas laisser passer cette disposition.
M. LATSCHA : Il y a deux différentes :
- Pourquoi la déontologie relève-t-elle du C.S.A. ? Traditionnellement la déontologie relève de la profession ;
- Par ailleurs, les règles en question sont d'une grande importance potentielle. La disposition, puisque la publicité est en cause, me paraît dangereuse.
M. FABRE : Il faut éviter les pressions sur les autorités indépendantes. On a enlevé une partie du pouvoir réglementaire du gouvernement pour le donner au C.S A. C'est logique que l'on soit allé assez loin puisqu'il s'agissait de renforcer le C.S.A..
M. le Président : Oui, mais est-ce que le législateur pouvait abandonner la matière à des décrets en Conseil d'Etat ?
M. le Secrétaire général : En 1986, le Conseil avait admis que l'existence d'un pouvoir réglementaire au bénéfice d'une autorité indépendante n'était pas contraire à la Constitution. Il avait eu le souci de ne pas condamner rétrospectivement la C.N.I.L.. Il ne faut pas que le Conseil constitutionnel donne l'impression de se déjuger. Peut-être pourrait-il établir une distinction entre les règles déontologiques et ce qui ne pourrait être sauvé. Les autres dispositions pourraient être censurées pour défaut d'encadrement suffisant.
M. le Président : Voilà jusqu'où nous sommes allés (lecture du considérant 58 de la décision du 18 septembre 1986).
M. le Secrétaire général : Il faut souligner que dans notre cas le pouvoir réglementaire est lié par les contraintes précisées à l'article premier de la loi.
M. VEDEL : Deux observations :
- la remarque de M FABRE est judicieuse. Elle explique qu'on ait pensé à un organe constitutionnel à l'origine.
- la loi comporte un système de poupées russes (loi-décret en Conseil d'Etat - C.S.A.).
Ce n'est pas le passage de la loi au règlement qui me gêne (l'encadrement législatif est fort et permet de justifier le pouvoir réglementaire). La difficulté, c'est l'article 21 de la Constitution et non l'article 34. La pratique a dilué le pouvoir réglementaire au profit des organismes indépendants. II faut marquer un stop, sans se déjuger. Je me demande si le moment n'est pas venu. On pourrait être d'accord pour la déontologie concernant la publicité Pour le reste cela devrait au moins remonter au gouvernement lui-même.
M. le Président : Le rôle du président est de bien montrer au Conseil les questions qui se posent. Quel est le sentiment du Conseil sur l'encadrement législatif ? L'article 1er de la loi suffit-il à encadrer le pouvoir réglementaire ?
M. VEDEL : Oui, d'ailleurs l'histoire du droit administratif montre que le Conseil d'Etat veille et tire tout ce qu'il faut d'un texte protecteur.
M. le Président : De plus mon sentiment est que la compétence du législateur ne donnerait pas un meilleur texte. Reste le deuxième point de l'article 11.
Je ne fais pas pour ma part de distinction comme le Doyen VEDEL. Je me pose des questions sur la notion de déontologie concernant la publicité. Je censurerais toute la phrase !
M. le Secrétaire général : Si on se place sur un plan pédagogique, la fixation des règles de déontologie pourrait être laissée à la compétence du C.S.A., dès lors que la publicité elle-même relève du décret en Conseil d'Etat. La compétence du C.S A serait ainsi encadrée.
M. le Président : Pourquoi cette distinction entre la publicité et sa déontologie ?
M. le Secrétaire général : Par déontologie, on entend des règles très spécifiques, en réalité. Ce sont celles que fixait la R.F.P.
M. VEDEL : Si l'on devait censurer totalement, il faudrait sauvegarder la jurisprudence de 1986 en soulignant qu'en l'espèce le domaine couvert par le pouvoir réglementaire du C.S.A. est trop large.
Il y a deux solutions :
1) On sauve la déontologie concernant la publicité parce que c'est un résidu de règlement. Pour le reste, il n'y a pas d'encadrement.
2) On censure tout en termes généraux qui indiquent le caractère trop étendu de la délégation.
La première solution qui est celle exposée par M. le Secrétaire général est plus fidèle à notre décision de 1986.
M. le Président : Mais le fait de scinder les deux aspects de la publicité me gêne. Ils me paraissent indissociables.
M. VEDEL : Ce n'est pas certain. Voyez l'exemple du Code de la Santé publique qui renvoie à la loi, au règlement et à la déontologie.
M. le Président : Je ne suis pas sûr que les règles de déontologie visent ce que l'on pense !
M. LATSCHA : Les règles de déontologie ne sont-elles pas mentionnées là tout simplement parce qu'il est difficile de tout prévoir dans un texte réglementaire.
M. le Président : Vous expliquez le pourquoi. La question que je me pose est celle de la logique dans la dissociation - publicité et déontologie - de la publicité.
Il y a dans un cas la garantie du décret en Conseil d'Etat, Pour le C.S.A., le contrôle n'est pas de la même nature. La dissociation est-elle constitutionnellement possible ?
M. FABRE : Ce n'est pas un amendement voté à la sauvette je pense !
M. le Président : C'est un amendement du gouvernement dans le cadre de l'application de l'article 49-3 de la Constitution.
M. FABRE : Je pense que c'est une disposition mûrement réfléchie. Je suis favorable au maintien du texte tel quel. C'est une matière fluctuante, le recours au C.S.A. permet de faire face rapidement. Cela vaut pour la publicité et le reste.
M. VEDEL : Il faut relier cela aux principes constitutionnels. La notion d'autorité administrative indépendante est intolérable en démocratie. C'est une perversion permanente de la Constitution. Des pans entiers de l'administration ne sont plus contrôlés par le parlement. Il faut mettre un stop au développement de ces organismes !
M. le Président : C'est une dérive. On soustrait ces organismes au contrôle du parlement et à la responsabilité du gouvernement.
M. MAYER : Comment séparer publicité et parrainage ?
M. le Président : Justement, vous avez raison. Il fallait faire tout remonter au décret. Pourquoi ces deux régimes ?
M. VEDEL : Pour une administration, on peut interpeller le Garde des Sceaux ou un autre ministre. Le C.S.A. est un organisme qui lui ne relève d'aucune espèce de contrôle. Une révision constitutionnelle aurait été nécessaire.
M. le Président : Le contrôle juridictionnel est toujours possible, mais pas le contrôle parlementaire.
M. VEDEL : Or; nous sommes essentiellement gardiens de la structure générale, de l'équilibre des pouvoirs.
M. le président : Est-ce qu'on aurait pu concevoir d'attribuer au C.S.A. la réglementation de toute la publicité ? Je ne le crois pas. Nous ne l'aurions pas accepté. Ici, on décroche de la publicité ce qui est de la publicité le parrainage.
M. MOLLET-VIEVILLE : La publicité est la clef de voûte. J'abonde dans le sens de la censure de l'ensemble du dernier paragraphe.
M. le Président : Cela n'est pas techniquement impossible puisque jusqu'ici la matière relevait du règlement.
M. MOLLET-VIEVILLE : rappelle qu'il a été l'auteur des premiers statuts de la régie financière de publicité de l'O.R.T.F. dirigé par M. Jean-Jacques de BRESSON. Il était l'avocat de l'O.R.T.F. et pensait alors que la publicité deviendrait le nerf de la guerre.
M. le président : II faut arrêter la dérive des autorités administratives indépendantes et limiter le domaine de leur compétence. Pour la déontologie de la publicité on peut admettre que la compétence n'est pas trop large, mais elle touche quand même de près à la liberté d'expression.
M. le Secrétaire général : Compte tenu de la position qui se dessine, le Conseil pourrait rappeler en substance le 58ème considérant de la décision du 18 septembre 1986 tout en soulignant qu'ici la délégation est excessive.
M. VEDEL : J'ai dû faire un exposé, il y a près de 20 ans, dont le sujet était : Qu'est-ce que la déontologie ? Je ne m'en souviens pas du tout.
M. le Président : C'est que vous aviez été bon. N'avez-vous pas remarqué, comme moi, qu'on se souvient toujours des cas où on a été mauvais ?
M. LATSCHA précise qu'il ne voit pas pourquoi les dispositions ne figureraient pas dans un décret, comme le prouve le règlement de la publicité télévisée et radiophonique joint aux dernières observations du gouvernement.
-Le passage du projet relatif à l'article 11, en ce qu'il concerne les décrets en Conseil d'Etat, est lu. En raison de l'annulation partielle, l'analyse est dissociée en ce qui concerne les compétences réglementaires du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
M. MAYER poursuit son rapport en abordant l'analyse de l'ARTICLE 13 (ancien article 11).
L'article 13, qui donne une nouvelle rédaction de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986, est relatif au régime des autorisations d'usage des fréquences applicables au secteur privé.
Il prévoit que la délivrance des autorisations est subordonnée à la conclusion d'une convention entre le C.S.A. et la personne qui demande l'autorisation.
Il précise l'objet de la convention.
Aux termes du deuxième alinéa de l'article 28 de la loi de 1986, dans cette nouvelle rédaction : "Dans le respect de l'honnêteté et du pluralisme de l'information et des programmes et des règles générales fixées en application de la présente loi et notamment de son article 27, cette convention fixe les règles particulières applicables au service, compte tenu de l'étendue de la zone desservie, de la part du service dans le marché publicitaire, du respect de l'égalité de traitement entre les différents services et des conditions de concurrence propres à chacun d'eux".
Aux termes du début du troisième alinéa :"La convention porte notamment sur un ou plusieurs des points suivants : ... (suit l'énumération d'une douzaine de points).
Les auteurs de la saisine limitent leur critique, d'une part, aux mots "de la part du service dans le marché publicitaire" figurant au deuxième alinéa de l'article 28, d'autre part, à l'adverbe "notamment" figurant au troisième
alinéa du même article. Selon eux, ces dispositions sont l'une et l'autre contraires au principe d'égalité.
En ce qui concerne la référence faite par la loi à la part du service dans le marché publicitaire, les auteurs de la saisine font valoir que cette part dans le marché publicitaire est un élément économique essentiellement fluctuant puisqu'il dépend de l'audience, c'est-à-dire du succès à venir du service concerné et qu'il ne saurait être déterminé lors de la signature de la convention ; ce n'est qu'après un certain temps de fonctionnement que cette part dans le marché publicitaire pourra être appréciée. Dans ces conditions, la référence purement théorique et non matérialisable lors de la signature de la convention au marché publicitaire peut conduire à l'arbitraire et à des traitements inégaux.
En ce qui concerne le début du troisième alinéa ("la convention porte notamment sur un ou plusieurs des. points suivants"). Il est soutenu que cet adverbe engendre un risque d'arbitraire et de rupture dans l'égalité de traitement puisqu'il sous entend que les différentes conventions pourront prévoir, selon les entreprises, des obligations de degré et d'intensité différents sans que les raisons de ces différences soient clairement justifiées.
Les critiques formulées par les auteurs de la saisine ne me paraissent pas fondées.
En ce qui concerne, tout d'abord, la prise en compte de la part du service de radiodiffusion ou de télévision dans le marché publicitaire, qui constitue un des éléments d'appréciation retenus par l'article 13 pour la fixation, dans la convention qui accompagne les autorisations, des règles particulières applicables à ce service, il est sans doute vrai que cette prise en compte pourra difficilement être faite lorsqu'il s'agira d'un service entièrement nouveau. La part du service dans le marché publicitaire ne pourra être déterminée avec précision qu’après un certain temps de fonctionnement.
Toutefois cette disposition trouvera à s'appliquer pleinement lors du renouvellement d'une autorisation car dans ce cas la part du service dans le marché publicitaire sera connue. En outre, même pour les services nouveaux, la convention pourra comporter des stipulations déterminant de quelle façon seront modulées certaines règles applicables au service et, notamment, les niveaux d'obligations propres à ce service, en fonction de l'évolution de la part de celui-ci dans le marché publicitaire.
En ce qui concerne, en second lieu, la critique dirigée contre l'adverbe "notamment" figurant au début du troisième alinéa de l'article 28 de la loi de 1986 dans sa nouvelle rédaction, ("la convention porte, notamment, sur un ou plusieurs des points suivants"), la critique formulée ne peut qu'être écartée.
Il n'est pas contraire au principe d'égalité que le contenu de la convention passée entre le C.S.A. et la personne qui demande l'autorisation puisse varier en fonction de la consistance du service que cette personne se propose d'exploiter. Il est normal que la nature des obligations
imposées soient différenciée lorsque les situations sont elles-mêmes différentes. Il ne faut pas oublier que l'article que nous examinons s'applique à l'ensemble des services diffusés par voie hertzienne (radios, télévisions locales, télévisions nationales, télévisions par satellite, etc. ) quelle que soit l'importance de leur desserte ou de leurs caractéristiques propres (service en clair, service crypté, service thématique...). Toutes les rubriques mentionnées à l'article 28 n'auront évidemment pas à être reprises dans toutes les conventions.
Je propose donc d'écarter les critiques formulées à l'encontre de l'article 13.
M. le Président : Messieurs ! J'avoue ne pas très bien voir la portée de la contestation !
M. MAYER : Dans cette saisine, il y a un mélange de choses sérieuses et de choses qui le sont beaucoup moins.
M. MAYER donne lecture du passage du projet consacré à l'article 13.
M. le Président : Bon très bien !
M. le Secrétaire général remarque qu'il faut lire aussi le considérant relatif à l'article 8, qui a été oublié.
M. MAYER lit le considérant dans sa nouvelle rédaction.
M VEDEL : Nous n'indiquons pas le principe constitutionnel qui est en cause !
M. le Secrétaire général : C'est celui de l'égalité.
M. le Président : Oui c'était implicite.
La séance est levée. Il est 13 heures.
. La séance reprend à 14 h 30.
Les mêmes membres sont présents. M. MAYER continue l'exposé de son rapport en abordant l'analyse de l'article 19 qui concerne les pouvoirs de sanction du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
L'article 19 de la loi qui nous est déférée se trouve au coeur de la contestation.
Cet article 19 substitue au texte initial de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 des dispositions nouvelles sous la forme :
- d'un article 42 nouveau ;
- d'articles 42-1 à 42-11 ajoutés à la loi de 1986.
Pour la commodité de l'exposé, je citerai les articles dans leur numérotation résultant de la loi du 30 septembre 1986 telle qu'elle est modifiée par la loi déférée.
Il me faut procéder à une brève présentation des articles 42 à
42-11 avant d'entrer dans le détail de l'argumentation des saisissants.
Les auteurs de la saisine retiennent surtout les trois premiers articles, ceux qui revêtent un caractère répressif.
L'article 42 dispose que le C.S.A. peut mettre en demeure les titulaires d'autorisation pour l'exploitation d'un service de communication audiovisuelle de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis à l'article premier de la loi.
L'article 42-1 prévoit que si le titulaire d'une autorisation ne respecte pas les obligations ci-dessus mentionnées ou ne se conforme pas aux mises en demeure qui lui ont été adressées, le C.S.A. peut prononcer à son encontre, compte tenu de la gravité du manquement, une des quatre sanctions suivantes :
" 1° la suspension, après mise en demeure, de l'autorisation ou d'une partie du programme pour un mois au plus ;
2° la réduction de la durée de l'autorisation dans la limite d'une année ;
3° une sanction pécuniaire assortie éventuellement d'une suspension de l'autorisation ou d'une partie du programme si le manquement n'est pas constitutif d'une infraction pénale ;
4° le retrait de l'autorisation".
J'indique au passage que toutes ces dispositions ne sont pas nouvelles. La suspension de l'autorisation et son retrait sont prévus par l'article 42 initial de la loi de 1986. Les sanctions nouvelles correspondent à un souci de diversification des pouvoirs de sanction du C.S.A..
L'article 42-2 ajouté à la loi de 1986 précise que "le montant de la sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages tirés du manquement par le service autorisé, sans pouvoir excéder 3 pour cent du chiffre d'affaires hors taxes, réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois.
Le maximum est porté à 5 pour cent en cas de violation de la même obligation".
Ces sanctions pécuniaires sont inspirées de celles que peut infliger, dans le droit de la concurrence, le Conseil de la Concurrence.
Il existe deux différences :
- l'article 42-2 se réfère expressément au principe de proportionnalité des délits et des peines, ce qu'a omis de faire l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur le droit de la concurrence ;
- l'article 42-2 opère une distinction selon qu'il y a ou non récidive alors que dans le droit de la concurrence la sanction pécuniaire peut atteindre 5 pour cent du chiffre d'affaires pour une infraction primaire.
Comme je l'ai indiqué précédemment, les saisissants font porter leur contestation sur les articles 42 à 42-2.
Il me faut malgré tout dire un mot des articles 42-3 à 42-11 afin de vous permettre de mieux situer le débat.
- L'article 42-3 ouvre une possibilité de retrait de l'autorisation qui est la conséquence de son caractère "intuitu personae".
Le retrait est possible en cas de changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement.
Une disposition analogue se trouvait déjà dans le texte initial de l'article 42.
- L'article 42-4 permet au C.S.A. d'enjoindre au titulaire de l'autorisation qui a commis un manquement de diffuser un communiqué.
Le refus du titulaire de se conformer à la décision du C.S A. est passible d'une sanction pécuniaire.
Dans le contexte de la loi cela renvoie au régime des sanctions pécuniaires, aussi bien en ce qui concerne son caractère que les garanties qu'il prévoit.
En effet, la plupart des autres articles sont destinés à encadrer l'intervention du C.S.A..
Je me borne pour l'instant à les évoquer :
- article 42-5 : institution d'une prescription des infractions de 3 ans ;
- article 42-6 : obligation de motivation des sanctions ;
- article 42-7 : institution d'une procédure contradictoire présentant de sérieuses garanties préalablement à l'édic- tion des diverses sanctions, à l'exception de la suspension pour une durée inférieure à un mois.
Nous verrons cependant que dans ce dernier cas le principe des droits de la défense doit recevoir application ;
- article 42-8 : possibilité pour le titulaire de l'autorisation de former devant le Conseil d'Etat un recours de pleine juridiction ;
- article 42-9 caractère suspensif conféré au recours lorsque le retrait de l'autorisation est intervenu sur le fondement de l'article 42-3 ;
Enfin, les articles 42-10 et 42-11, tous deux repris de l'article 42 initial de la loi, sont ceux qui permettent au C.S.A. d'en appeler à d'autres autorités :
- au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat afin qu'il puisse être mis un terme à un manquement, sous astreinte ;
- au procureur de la République en cas d'infraction pénale.
Le décor, une fois planté, j'en reviens à l'argumentation des saisissants.
Elle comporte, si j'ose dire, trois lignes d'attaque :
- En premier lieu, il est soutenu que les sanctions administratives sont, dans leur principe, inconstitutionnelles ;
- En deuxième lieu, et à titre subsidiaire, les saisissants font valoir que même si l'on admet le principe des sanctions administratives, celles-ci n'en sont pas moins contraires à l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'homme ;
- En ordre très subsidiaire, les saisissants critiquent la possibilité de suspension d'une partie du programme d'un service.
Je vais m'efforcer de reprendre chacun de ces trois points en étant aussi clair que possible.
I - Voyons tout d'abord ce qu'il en est du principe même des sanctions administratives.
La sanction administrative est généralement définie comme une mesure de nature essentiellement répressive prise par une autorité administrative et qui revêt donc la forme d'une décision administrative unilatérale.
1. La contestation du principe même de ces mesures est développée dans la saisine sur un double plan :
a) En premier lieu sur un plan juridique, les auteurs de la saisine font valoir que le fait de conférer à une autorité administrative et non à une autorité juridictionnelle le pouvoir d'infliger des sanctions méconnaît le principe de la séparation des pouvoirs affirmé par l'article 16 de la Déclaration de 1789.
Le respect de ce principe s'impose d'autant plus qu'est en cause la libre communication des pensées et des opinions garantie par l'article 11 de la Déclaration de 1789.
b) En second lieu, en se situant sur le terrain de l'opportunité, les saisissants laissent entendre que les sanctions administratives correspondent à un pseudo- droit pénal qui porte la marque du régime de Vichy.
2. Cette argumentation me paraît reposer sur une vision un peu trop simplificatrice de la notion de sanction administrative.
Elle nous oblige cependant à préciser nous-même à quelles conditions des sanctions administratives ne sont pas contraires à la Constitution.
a) Les sanctions administratives ne sont pas liées à des périodes de crise, que ce soit la guerre ou l'immédiat après guerre.
Si on procède à un panorama de notre droit positif, on peut recenser en la matière cinq grandes rubriques.
. Il y a d'abord des sanctions administratives par leur objet. On vise ici la sanction administrative qui ne s'applique qu'à l'objet même des relations spéciales qui peuvent s'établir entre l’administration et certaines catégories de personnes.
Il peut s'agir de ses agents, ce qui justifie l'exercice du pouvoir disciplinaire.
Il peut s'agir de ses entrepreneurs ou fournisseurs, ce qui justifie le recours aux pénalités contractuelles.
Il peut s'agir enfin des titulaires d'une autorisation administrative, ce qui peut justifier le retrait de cette autorisation ou sa suspension.
. Un deuxième type de sanctions administratives est représenté par des mesures qui constituent le prolongement d'une obligation légale.
On peut ranger sous cette rubrique les amendes fiscales destinées à assurer le recouvrement de l'impôt ou l'amende administrative qui peut être infligée à une entreprise pour défaut de réponse aux enquêtes statistiques de l'I.N.S.E.E..
. Un troisième groupe de sanctions fait intervenir des mesures qui reposent partiellement sur un objectif de police administrative.
On peut mentionner à ce titre, la suspension administrative du permis de conduire, les sanctions administratives prises au titre de la législation des installations classées ou encore la sanction des manquements à la législation sur l'affichage publicitaire.
. Sous une quatrième rubrique, il est possible de recenser les sanctions administratives applicables aux professions réglementées.
Notre droit positif en fournit des exemples avec l'article 13 du Code de l'industrie cinématographique, le cas des entreprises de transport terrestre régi par la loi du 30 décembre 1982 et celui des établissements de crédit qui fait l'objet de la loi du 24 janvier 1984 relative aux établissements de crédit.
. Enfin, et c'est la dernière rubrique, il est des cas où les sanctions administratives sont applicables à des professions non soumises à autorisation.
Cette rubrique est sans aucun doute la plus difficile à justifier sur un plan théorique.
Concrètement, elle est illustrée de deux façons :
- par certaines dispositions du code du travail relatives à l'emploi des travailleurs handicapés ;
- et surtout, par la législation sur les ententes et les positions dominantes.
De ce dernier point de vue, il convient de mentionner deux éléments très importants :
- à l'échelon de la C.E.E., la Commission des Communautés peut infliger des sanctions pécuniaires n'ayant pas de caractère pénal pouvant atteindre jusqu'à 10 pour 100 du chiffre d'affaires de l'entreprise.
Il faut souligner immédiatement qu'est ouvert un recours de pleine juridiction devant la Cour de Justice des Communautés. De plus, le principe de proportionnalité est pleinement applicable.
- dans le cadre national, il y a lieu de rappeler les dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relatives au droit de la concurrence, dont j'ai déjà fait mention.
b) Il va de soi que le Conseil constitutionnel est lié par la Constitution et non par la législation existante.
Je retire néanmoins du droit positif actuel, trois axes de réflexion.
En premier lieu, il existe de nombreux cas où la sanction administrative trouve de solides justifications. Il s’agit des hypothèses où ce type de sanction se rattache aux prérogatives de puissance publique dont dispose l'administration à l'effet de satisfaire à des fins d'intérêt général.
Cela vaut tout spécialement pour les sanctions administratives à raison de leur objet : tel est le cas pour la suspension d'une autorisation administrative, la réduction de sa durée ou son retrait.
Dans cette optique, je n'ai pas beaucoup d'hésitation à admettre dans une première approche, que les sanctions énumérées aux 1°, 2° et 4° de l'article 42-1, ne soulèvent pas d'objections de principe.
Plus délicate est l'admission de la sanction administrative, à caractère pécuniaire. Il y a là un mode de répression des infractions qui n'est pas à encourager.
Je n'ai pas pensé cependant pouvoir le condamner de façon pure et simple. Je suis sensible au fait que dans certains domaines particuliers l'intervention de sanctions administratives permet de réprimer des infractions que des groupements peuvent être tentés de commettre pour des raisons d’intérêt économique et financier.
Cela explique l'émergence des sanctions administratives pécuniaires dans le droit de la concurrence :
- d'abord dans le cadre du marché commun ;
- puis dans le cadre national avec la loi du 19 juillet 1977, puis l'ordonnance du 1er décembre 1986.
J'observe aussi que dans le cas du C.S.A., il y a eu un large consensus sur le plan parlementaire pour admettre qu'il fallait renforcer le pouvoir de sanction dudit Conseil.
J'ai relevé également que le groupe d'experts présidé par le professeur Jean RIVERO a été favorable à ce que l'instance de régulation de l'audiovisuel puisse disposer de semblables pouvoirs, à la condition que des garanties appropriées soient prévues.
Je note, enfin, que l'Assemblée générale du Conseil d'Etat a oeuvré dans le même sens en préconisant notamment l'extension des garanties de procédure prévues initialement par le Gouvernement.
. Aussi, et c'est mon 3ème axe de réflexion, ai-je rcherché si l'institution au cas présent de sanctions nouvelles reposait sur des justifications suffisamment solides et était accompagné des garanties indispensables.
La justification me paraît pouvoir être trouvée dans le fait que la mise en oeuvre de la liberté de communication en matière audiovisuelle interfère avec des objectifs de valeur constitutionnelle.
A deux reprises déjà, le 27 juillet 1982 et le 18 septembre 1986, le Conseil constitutionnel a consacré et énuméré de tels objectifs.
Il s'agit, je vous le rappelle :
- de la sauvegarde de l'ordre public ;
- du respect de la liberté d'autrui ;
- de la préservation du pluralisme auxquels les modes de communication audiovisuels sont susceptibles de porter atteinte.
C'est en fonction de ces objectifs de valeur constitutionnelle que notre jurisprudence a déjà admis qu'il était loisible au législateur :
- de soumettre les différentes catégories de services de communication audiovisuelle à un régime d'autorisation administrative ;
- de charger une autorité administrative indépendante de veiller au respect des principes constitutionnels en matière de communication audiovisuelle.
Dans le même esprit, on peut admettre que cette autorité indépendante soit dotée de pouvoirs de sanction lui permettant d'assurer ses missions.
c) Mais une condition doit être remplie il faut que le législateur prenne des précautions destinées à garanti les droits et libertés.
Je me suis attaché à rechercher si la loi qui nous est soumise satisfait à de telles exigences.
Après un examen aussi approfondi que possible, il m'a paru possible de répondre par l'affirmative.
Ces garanties prévues par le texte ou qui se déduisent des principes généraux du droit se situent à trois niveaux différents :
- avant le prononcé éventuel d'une sanction ;
- au stade du prononcé de la sanction ;
- postérieurement à l'infliction de la sanction.
. S'agissant des garanties que l'on trouve en amont de la sanction, on peut mentionner :
- l'obligation pour le C.S.A. de respecter dans tous les cas le principe des droits de la défense ;
- l'obligation faite au C.S.A. pour les sanctions les plus graves de mettre en oeuvre une procédure contradictoire très complète.
Essentiel de ce point de vue est l’article 42-7, qui prévoit qu'un membre de la juridiction administrative sera chargé d'établir et d'instruire le dossier qui sera, par la suite, contradictoirement débattu.
- Doit également être mentionnée l'institution par l'article 42-5 d'une prescription triennale.
. S'agissant du prononcé même de la sanction, on doit mettre en évidence plusieurs éléments :
- le pouvoir d'infliger les sanctions énumérées à l'article 42-1 est conféré à une instance dont l'indépendance est garantie par la loi ;
- aucune sanction ne revêt un caractère automatique ; c'est là une différence capitale avec les pouvoirs reconnus à la Commission de la transparence financière et du pluralisme de la presse ;
- toute décision infligeant une sanction devra être motivée en la forme ;
- la diversité même des mesures susceptibles d'être prises sur le fondement de l'article 42-1 traduit le souci du législateur de proportionner les sanctions à la "gravité du manquement" reproché au titulaire d'une autorisation ;
- le principe de proportionnalité est clairement affirmé dans le cas des sanctions pécuniaires ;
- un même manquement ne pourra donner lieu à deux sanctions comme cela ressort des principes généraux du droit dégagés par la jurisprudence du Conseil d'Etat ;
- enfin les sanctions pécuniaires ne peuvent en aucun cas se cumuler avec des sanctions pénales.
. S'agissant enfin des voies de recours ouvertes, la loi comporte, et c'est heureux, des éléments positifs :
- un recours de pleine juridiction est ouvert devant le Conseil d'Etat ;
- dans le cas du retrait prononcé au titre de l'article 42-3 ce recours aura un caractère suspensif ;
- dans les autres cas le sursis à exécution pourra être demandé ;
- il va de soi enfin que, conformément aux principes généraux du droit applicables en matière répressive, l'exercice du droit de recours ne pourra conduire à aggraver la situation du titulaire de l'autorisation.
En fonction de l'ensemble de ces considérations, il m'est apparu possible d'écarter le premier groupe d'argumen avancés par les saisissants.
II - Si l'on admet, sous les conditions que je viens d'indiquer, que les sanctions administratives ne sont pas inconstitutionnelles dans leur principe, on se trouve alors confronté au deuxième groupe de moyens invoqués par les saisissants.
1. Il est soutenu que les articles 42-1 et 42-2 sont contraires :
- à l'article 8 de la Déclaration de 1789, qui impose que nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et légalement appliquée ;
- à l'article 34 de la Constitution qui réserve à la loi le soin de fixer les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour L'exercice des libertés publiques.
Est sous-jacent à l'argumentation des saisissants le fait que la loi serait trop imprécise dans une matière qui a un caractère répressif.
Cette critique se développe comme je viens de l’indiquer à propos de l'article 8 de la Déclaration des Droits comme à partir de l'article 34 de la Constitution.
Mais il va de soi que la réponse que l'on peut faire à l'argumentation sur le terrain de l'article 8 de la Déclaration vaut pour l'article 34.
2. Rappelons donc, en cette année du Bicentenaire, le texte de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : "La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu
d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée".
Dans une note qu'il a publiée en 1960 à la "Semaine Juridique", le Doyen VEDEL écrivait que l'article 8 de la Déclaration ne consacrait pas moins de quatre principes :
- la proportionnalité des délits et des peines ;
- la légalité des délits et des peines ;
- la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère,
- le droit des délinquants à une procédure légale.
Il y a lieu de rappeler également que le Conseil constitutionnel a jugé par le passé que deux des principes que je viens de citer ne concernaient pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s'étendaient à toute sanction, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire.
Je puis me référer ici :
- à une décision du 30 décembre 1982, rendue sur le rapport de M le Doyen VEDEL, qui applique aux sanctions fiscales le principe de non-rétroactivité de la loi pénale ;
- ainsi qu'à une décision du 30 décembre 1987, rendue sur le rapport de M. le Président JOZEAU-MARIGNE, qui a fait application à une amende fiscale du principe de proportionnalité.
Sur aucun de ces deux points, les articles 42 et 42-1 ne prêtent le flanc à la critique.
Je crois également que ces articles ne sont pas contestable au regard de deux autres impératifs :
- le principe de légalité des sanctions ; le célèbre adage "nulla poena sine lege" est respecté ;
- le droit du délinquant à une procédure légale, je puis me borner à me référer à ce que j'ai dit précédemment.
3. Le seul point qui présente à mes yeux une difficulté concerne les modalités d'application du principe de légalité des délits, en matière administrative.
a) Il n'est pas douteux que les manquements susceptibles d'être sanctionnés par le C.S.A. font l'objet d'une définition par la loi. Mais le législateur s'exprime en termes généraux L'article 42 nous dit que le C.S.A. "peut mettre en demeure les titulaires d'autorisation pour l'exploitation d'un service de communication audiovisuelle de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis à l'article premier".
b) Je ne pense pas cependant qu'il y ait là un motif d'inconstitutionnalité si, du moins, le Conseil prend la précaution de procéder à une interprétation neutralisante de la loi.
Si le principe de légalité des délits applicable en droit pénal doit être transposé au domaine des sanctions administratives, ce ne peut être que moyennant une adaptation. Les obligations qui s'imposent au titulaire d'une autorisation administrative, à peine de sanction, ne peuvent pas toutes figurer dans la loi.
Celle-ci peut donc se borner à incriminer le non-respect d'obligations imposées au titulaire de l'autorisation dès lors que ces obligations trouvent elles-mêmes leur fondement dans la loi, ou dans des règlements pris pour l'application de la loi.
Il arrive, d'ailleurs, que le législateur doive procéder pareillement, même en matière de droit pénal. C'est ainsi que le Conseil constitutionnel a admis dans une décision du 10 novembre 1982 que la loi pouvait assortir de sanctions délictuelles le non-respect de conventions collectives du travail ayant fait l'objet d'une extension par voie réglementaire.
En définitive, je vous proposerais de rejeter le deuxième groupe de moyens mis en avant par les saisissants. Mais il m'apparaît important que notre décision relève (p. 21) que :
"les obligations susceptibles d'être sanctionnées sont uniquement celles résultant des termes de la loi ou celles dont le respect est expressément imposé par la décision d'autorisation prise en application de la loi et des textes réglementaires qui, dans le cadre déterminé par le législateur, fixent les principes généraux
définissant les obligations des différentes catégories de services".
III - Le troisième et dernier moyen dirigé contre l'institution de sanctions administratives soulève une question beaucoup plus ponctuelle.
1. La critique porte uniquement sur le 1° de l'article 42-1. il s'agit de la sanction que la loi définie comme suit :
"La suspension, après mise en demeure, de l'autorisation ou d'une partie du programme pour un mois au plus".
Les saisissants s'élèvent contre la possibilité pour le C.S.A. de suspendre pour un mois au plus une partie du programme. Ils voient là une forme de censure contraire à la liberté d'expression. Ils ajoutent que si une suspension illégale était décidée sur le fondement du 1° de l'article 42-1, le préjudice qui en résulterait pour le titulaire de l'autorisation serait difficilement réparable.
2. Aucun de ces arguments ne m'a convaincu.
a) Il ressort des travaux préparatoires que la supension d'une partie du programme vise à moduler la sanction prononcée en fonction de la nature et de la gravité du manquement. Il doit y avoir une relation directe entre la suspension décidée et le manquement relevé. Par là même, cela devrait couper court à toute pratique discriminatoire ou arbitraire de la part du C.S.A..
b) Quant à l'argumentation fondée sur le caractère difficilement réparable du préjudice, elle manque en fait. II est en effet de jurisprudence constante que toute décision administrative illégale est susceptible d'entraîner la mise en jeu de la responsabilité de la puissance publique.
Avant d'en terminer avec l'article 19 de la loi déférée, j'ajouterai une observation. Les saisissants n'ont pas émis de critiques à l'encontre de deux dispositions de la loi qui prévoient des sanctions :
- l'article 13, qui modifie l'article 28 de la loi de 1986, en ce qu'il concerne la mise en oeuvre de pénalités contractuelles ;
- l'article 42-4 de la loi de 1986, tel qu'il résulte de l'article 19, dans la mesure où il se réfère à une possible sanction pécuniaire.
Dans la ligne des préoccupations qui sont les miennes, j'ai veillé à ce que le projet de décision précisé (p.19), au moyen d'une incidente, que les garanties de procédure prévues :
" sont ... également applicables aux pénalités contractuelles et à la sanction susceptible d'être infligée en vertu de l'article 42-4".
Sous le bénéfice de ces observations, la contestation dirigée contre l'article 19 de la loi déférée me parait devoir être écartée.
M. le Président : Très bien. Merci, merci.
M. MAYER : Deux fois merci à cause de la longueur ?
M. le Président : J'ouvre la discussion sur ces problèmes qui ne sont pas négligeables.
M. VEDEL : Je suis d'accord sur la solution et sur la motivation. Peut-être que les 5 catégories distinguées par M. le Rapporteur se chevauchent un peu !
On doit admettre que la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et son article 8 interdisent que le citoyen, le tiers soient l'objet de sanctions administratives. Il n'en va différemment que quand est en cause un cercle administratif (agent, contractant, bénéficiaire d'une autorisation). Il s'agit alors d'un pouvoir naturel de l'institution pour reprendre une formulation propre à M. BRETHE de la GRESSAY.
Si en 1984
M. le Président : Messieurs ! sur ce régime ? J'ai une question L'article 42-3 prévoit le retrait de l'autorisation ... Je lis "l'autorisation peut être retirée, sans mise en demeure préalable, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation avait été délivrée, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement".
La sanction la plus grave qui conduit à la liquidation est donc mise en oeuvre sans mise en demeure préalable. On voit quelle est la pensée . Si le groupe X a reçu l'autorisation, ce n'est pas pour la céder au groupe Y. L'article 29 précise les conditions dans lesquelles les autorisations sont accordées avec toutes les informations requises. Par rapport à la gravité de la sanction la garantie semble un peu légère.
M. le Secrétaire général : Cela figurait déjà à l'article 42 de la loi de 1986 II y a en outre une amélioration puisque le recours est suspensif (art 42-9).
M. le Président : On a laissé passer cela, hélas !
M. VEDEL : Ce qui est ennuyeux, c'est que le manquement n'est pas défini de façon très claire. Certes cela ne prive pas des droits de la défense.
.M. le Président : A mon avis on ne peut plus rien faire Nous sommes coincés. Nous n'avons pas été assez vigilants. C'est très mauvais comme système, cela protège des administrateurs qui peuvent être des incapables.
M. VEDEL : Cela ne peut concerner que les modifications substantielles du capital social.
M. MAYER : les sanctions ne seraient prises qu'en fonction de modifications très profondes.
M. le Secrétaire général : L'article doit être interprété dans le contexte de la loi et de ses articles 30 et suivants. On peut dégager une interprétation raisonnable par rapport aux règles définies par la loi quant à la délivrance de l'autorisation.
M. le Président : Dans la réalité, le tour de table c'est 4 personnes. S'il y a conflit le véritable arbitre sera le C.S.A. Une partie pourra se débarrasser de l'autre, mais on ne pourra plus changer les dirigeants. Ce n'est pas bon. Sur les garanties ? Est-ce qu'elles vous paraissent suffisantes ? Elles sont améliorées ...
Bon si personne ne veut plus discuter, on va lire le passage du projet correspondant.
M. MAYER donne lecture du projet
page 17 :
M. le Président : Stop. Il ne serait pas indifférent que nous marquions que les pouvoirs de sanctions ne peuvent s'exercer que dans les limites de la mission. On pourrait ajouter "dans la limite nécessaire à l'accomplissement de sa mission", ceci pour éviter la dérive des autorités administratives indépensantes.
Le projet est modifié dans ce sens.
page 18 :
La formule "par application des principes généraux du droit" pose problème, fait remarquer M. VEDEL.
M. le Président : Cela ne peut être constitutionnel, nous sommes au niveau de la loi.
M. VEDEL : Je me méfie un peu II faut éviter toute confusion possible sur la valeur des principes généraux du droit.
(La référence aux principes généraux du droit est supprimée).
Page 19
M. VEDEL : Quels sont les pouvoirs du Conseil d'Etat en ce domaine ?
M. le Secrétaire général : Ce sont ceux du juge de plein contentieux. Ils sont très étendus comme le montre dans un domaine voisin, celui de la commission de la concurrence, l'arrêt S.A. FEUDOR FRANCE du 29 janvier 1982. Il y a seulement la prohibition de la réformatio in péjus.
M. VEDEL : Ce principe n'est pas de valeur constitutionnelle ?
M. le Secrétaire général : La Cour constitutionnelle espagnole a admis qu'il avait valeur constitutionnelle en s'appuyant sur une interprétation extensive de la Constitution de 1978
M. VEDEL : Toujours sur cette page 19. Nous semblons oublier une condition soulignée avant et nous ne retenons que les garanties. Or nous avons posé deux règles :
- le manquement à une autorisation administrative,
- la nécessité de garanties.
Il faudrait rappeler cela en conclusion. Le 2ème considérant du projet page 19 est modifié par le complément suivant "Considérant que, s'agissant de manquements à des obligations attachées à une autorisation administrative et eu égard aux garanties prévues ..."
page 20 :
M. VEDEL : propose la suppression dans le 3ème considérant de l'adverbe "légalement" avant infligée.
M. le Président : Ne faudrait-il pas mentionner le principe de proportionnalité ?
M. le Secrétaire général : Il est englobé dans le principe de nécessité.
M. VEDEL : C'est BECCARIA qui a parlé de la proportionnalité, l'article 8 de la déclaration mentionne la nécessité.
M. le Secrétaire général : La décision du Conseil constitutionnel du 30.12.1987
M. VEDEL : La nécessité englobe la proportionnalité, pas l'inverse.
M. le Président : la notion de garantie de procédure utilisée dans le projet est bien vague !
M. VEDEL : C'est la différence entre notre déclaration des droits et celle des Américains. La notion de due process of law renvoie à une procédure, outre sa légalité, adaptée aux droits de la défense.
M. le Président : Je propose de remplacer la formule par la mention du respect des droits de la défense.
La décision est modifiée dans ce sens.
M. VEDEL : fait remarquer que le principe des droits de la défense ne dérive pas de l'article 8 de la déclaration de 1789. C'est un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
M. le Secrétaire général propose une rédaction qui prend en compte cette observation.
M. LECOURT : se demande s'il faut dès lors maintenir (page 21 2ème considérant) la réserve du cas visé à l'article 42-3.
M. VEDEL : La mise en demeure ce n'est pas les droits de la défense, c'est une exigence supplémentaire.
M. LATSCHA : propose que la réserve soit maintenue et que soit ajoutée la référence à l'article 42-9.
La décision est modifiée dans ce sens.
M. MAYER reprend son exposé et analyse la contestation de l'article 30 de la loi concernant l'application de la loi aux territoires d'outre-mer.
I. Les auteurs de la saisine contestent aussi les dispositions de l'article 30 de la loi aux termes desquelles "la présente loi est applicable aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte".
Ils font valoir que cet article a été adopté en méconnaissance de l'article 74 de la Constitution qui exige la consultation des Assemblées territoriales des territoires d'outre-mer sur les projets de loi touchant à leur organisation.
Le Haut-Commissaire de la République de Polynésie française a saisi le Président de l’Assemblée territoriale d'une demande d'avis le 18 octobre 1988. Or le Sénat a adopté le projet de loi en première lecture le 10 novembre 1988 sans que l'avis de l’Assemblée territoriale ait été rendu. Les auteurs de la saisine, ne manquent pas de rappeler que le Conseil constitutionnel a précisé que l'avis des assemblées, dans le cadre de l'application de l'article 74, doit être communiqué au Parlement avant l'achèvement de la première lecture devant la première assemblée saisie.
II. Cette argumentation me paraît devoir être rejetée dans les circonstances particulières de l'espèce.
Il ne fait pas de doute que l'avis de l'Assemblée territoriale était bien requis en matière de communication audiovisuelle comme nous l'avons déjà jugé.
a) Les principes dégagés par notre jurisprudence concernent le délai utile et la nécessité de la transmission de l'avis avant la première lecture par l'Assemblée saisie du texte concernant les territoires d'outre-mer.
Le plus simple est de rappeler un considérant de principe que j'emprunte â la décision du 18 septembre 1986. Après avoir cité les dispositions de l'article 74, la décision précise : "il résulte de cette disposition que l'avis émis en temps utile par l'Assemblée territoriale, consultée avec un préavis suffisant, doit être porté à la connaissance des parlementaires, pour lesquels il constitue un élément d'appréciation nécessaire, avant l'adoption en première lecture du projet de loi par l'Assemblée dont ils font partie...".
b) Au cas présent, le Gouvernement a suivi une procédure certes un peu artificielle, mais qu'il serait excessivement formaliste de sanctionner.
En effet, un amendement a été déposé devant le Sénat et voté le 10 novembre 1988 modifiant l'article final du projet de loi pour exclure la Polynésie du champ d'application de la loi. Le but était manifestement d'éviter que l'on puisse considérer que le texte, concernant la Polynésie, avait été voté en première lecture par le Sénat sans l'avis de l'Assemblée territoriale.
Par la suite un autre amendement a rétabli le texte initial de l'article final qui concernait tous les territoires d'outre-mer, devant l'Assemblée nationale le 7 décembre 1988 et ceci à un moment où l'Assemblée territoriale du fait de l'écoulement des délais était réputée avoir émis un avis favorable.
Ainsi, l'avis de l'Assemblée territoriale était bien en possession de l'Assemblée nationale avant qu'elle ne se prononce en première lecture.
Je souligne que cette procédure n'a été contestée ni devant le Sénat ni devant l'Assemblée nationale.
Monsieur Robert-André VIVIEN a même affirmé que "le R.P.R. était pour".
En toute rigueur, le Sénat aurait dû, avant de se prononcer en première lecture, attendre de connaître l'avis de l'Assemblée territoriale de Polynésie française. La régularisation opérée par la suite ne paraît pas contraire à l'esprit de notre jurisprudence.
Je ne vous proposerais donc pas de censurer l'article 30 de la loi qui nous est déférée.
M. le Président : Sur ce point ?
M. MAYER lit le projet qui est adopté
M. le rapporteur termine son rapport avec l'analyse de la contestation de l'article 16 de la loi, par la société TF1.
La société anonyme télévision française 1 (TF1) nous a fait parvenir des observations sur l'article 16 de la loi .
La société qui ne peut nous saisir directement, attire donc notre attention, sur une disposition non contestée par les auteurs de la saisine que nous pourrions censurer d'office.
L'article 16 est ainsi rédigé "Sont validées les décisions de la commission nationale de la communication et des libertés autorisant l'usage de fréquences pour l'extension de la zone de couverture des services nationaux de télévision par voie hertzienne terrestre en tant qu'elles n'ont pas été précédées d'un appel à candidatures ou que l'appel à candidatures a été limité à ces services".
"Cette validation n'est pas susceptible d'ouvrir droit à réparation. Elle ne s'applique pas aux décisions ayant fait l'objet d'une décision de justice passée en force de chose jugée".
La société conteste cette validation au regard des principes posés par notre jurisprudence et soutient qu'elle ne saurait, en tout état de cause, exclure tout droit à réparation. La contestation de la validation me paraît pouvoir être écartée sans grande difficulté (I). L'exclusion du droit à réparation pose une question plus délicate, mais les circonstances de l'espèce ne sauraient nous conduire à la censure (II).
I. a) La validation ferait selon les auteurs du mémoire échec au respect du pluralisme consacré comme principe de valeur constitutionnel par notre décision du 18 septembre 1986. Il est certain qu'une validation ne saurait concerner une disposition inconstitutionnelle. Mais tel n'est pas le cas en l'espèce, car le Conseil d'Etat n'a pas censuré des dispositions inconstitutionnelles mais seulement illégales comme contraires à la procédure aménagée par la loi. En effet, le Conseil d'Etat a censuré le fait que l'octroi de nouvelles fréquences par la CNCL à la 5 et à la 6 n'avait pas respecté les conditions posées par la loi en ce qui concerne l'appel de candidature.
b) L'autre argument consiste à soutenir que la validation ne serait pas motivée par l'intérêt général mais par le seul intérêt de deux chaînes privées. Mais le fait qu'une validation bénéficie à certains n'implique pas qu'elle
ne soit pas motivée par l'intérêt général. En l'espèce, comme le souligne le Secrétariat général du Gouvernement, il était conforme à l'intérêt général de valider des décisions dont l'annulation pouvait avoir des conséquences non négligeables sur le paysage audiovisuel alors surtout qu'elle reposait simplement sur une malfaçon législative corrigée par la nouvelle loi.
c) Enfin, le principe de proportionnalité n'est pas mis en cause puisque les décisions de la CNCL ne sont pas purgées de tout vice, mais seulement de l'illégalité tenant à ce que la CNCL n'avait pas lancé d'appel d'offre ou uniquement un appel d'offre restreint.
II. Plus délicate est la question posée par l'exclusion de tout droit a réparation du fait de la validation.
La question se pose effectivement de savoir si l'exclusion de toute responsabilité par une loi de validation n'est pas contraire au principe d'égalité devant les charges publiques.
Je soulignerai d'abord que la nature du préjudice invoquée par le Gouvernement dans ses observations ne permet pas de justifier que soit écarté le principe lui-même de la responsabilité sans faute mais concerne la question du droit à réparation une fois la question du principe de la responsabilité tranchée.
Par ailleurs, la validation si elle fait disparaître l'illégalité et donc la faute ne saurait exclure par principe la responsabilité sans faute.
En revanche, la validation ne paraît pas imposer la responsabilité dans tous les cas, car le principe de l'égalité devant les charges publiques laisse au législateur une marge d'appréciation au stade de sa mise en oeuvre. Il reste que cette appréciation ne saurait être soustraite à tout contrôle.
Peut-être pourrions nous alors nous inspirer de la méthode du Conseil d'Etat quand il cherche à préciser si une loi de validation, qui ne comporte aucune disposition expresse sur ce point, permet ou non l'indemnisation.
Le Conseil d'Etat s'en tient à la nature de l'intérêt général lui-même qui justifie la validation selon qu'il concerne l'ensemble des citoyens ou qu'il se conjugue avec la satisfaction d'intérêts privés.
En l'espèce, il me semble que la validation s'effectue certes au bénéfice de deux chaînes privées mais qui avaient vocation à devenir nationales et donc surtout au bénéfice des téléspectateurs eux-mêmes.
Enfin, la contestation au regard de l'atteinte au droit de propriété ne saurait être retenue car une telle atteinte n'est pas établie.
Au total, même si on peut avoir un doute sur le bien-fondé de l'exclusion du droit à indemnisation, on ne se trouve pas en présence d'une inconstitutionnalité manifeste que le Conseil constitutionnel devrait soulever d'office.
M. le Président : Messieurs ... sur l'exclusion du droit à réparation ?
M. VEDEL : Si le moyen avait été soulevé j'aurais été très hésitant.
Cela conduit à enlever la possibilité au juge administratif d'apprécier si l'indemnisation était possible ou non et l'exclusion du droit à réparation est très générale ...
Nous serions de toute façon embarrassés pour trancher la question Gardons pour les grandes occasions le pouvoir de soulever d'office.
M. le Président : Que dit le Gouvernement ?
M. le Secrétaire général : Il considère que le dispositif de validation ne cause à personne un préjudice de la nature de ceux dont la réparation peut trouver son fondement dans le principe d'égalité devant les charges publiques.
La jurisprudence du Conseil d'Etat est en fait nuancée. Le Conseil admet que l'intérêt général puisse justifier l'exclusion de l'indemnisation dans le cadre des lois de validation. Mais il s'agit d'un problème d'interprétation de la volonté du législateur et non de la détermination des règles qui s'imposent au législateur en cas de validation.
M. le Président : Bon il faut laisser tomber, ne répondons pas.
M. le Secrétaire général souligne qu'il reste trois petits problèmes à résoudre :
- celui du considérant balai ;
- celui de la rédaction du considérant relatif à l'article 11 ;
- celui de l'aménagement du dispositif en conséquence des 2 censures.
M. MAYER lit le considérant de la page 10 relatif aux compétences réglementaires du C.S A. et propose un vote sur chacun des articles censurés.
M. FABRE fait savoir qu'il n'est pas d'accord avec la censure de l'article 11. Cela placera, remarque-t-il, le C.S.A. dans une situation difficile en lui retirant un élément essentiel de son autorité morale.
M. VEDEL fait remarquer qu'en pratique le pouvoir de persuasion est plus important pour ces organismes que la réglementation.
M. MAYER donne ensuite lecture du dispositif.
M. VEDEL souhaite que le dispositif cite le texte même des dispositions déclarées non conformes.
M. le Président : Oui, c'est beaucoup plus clair et c'est un grand avantage pour ceux qui liront la décision.
La discussion s'engage ensuite sur le considérant balai.
M. MOLLET-VIEVILLE considère que le considérant balai pose problème car il laisse supposer que les dispositions qui ne sont pas censurées sont conformes à la Constitution alors que certaines sont douteuses, comme c'est le cas pour l'absence de réparation dans le cadre des validations.
M. MAYER : Je voudrais convaincre M. MOLLET-VIEVILLE que c'est en toute conscience que j'ai décidé de ne pas soulever d'office !
M. le Président : Nous allons passer au vote.
Le projet est adopté à l'unanimité.
(M. FABRE était favorable au maintien de la première rédaction concernant l'article 11, mais vote pour l'ensemble du projet).
M. le Président : Pour le départ de M. Patrick NGUYEN HUU une réception est organisée le 1er février à midi. Nous le regretterons beaucoup. Il a connu une période intéressante du Conseil constitutionnel.
M. MAYER : C'est un élément remarquable.
M. le Président : Pour le contentieux électoral, je crains hélas que les affaires ne soient pas réglées dans la formation actuelle Je me permets de dire que j'ai beaucoup appris grâce aux Conseillers qui partent. Je les vois partir avec mélancolie.
M. LECOURT : M. le Président, si vous croyez que nous aussi nous n'avons rien appris !
M. le Président : Je pense que vous aurez marqué les plus belles années du Conseil constitutionnel.
M. MAYER : J'ai un voeu à faire en ce qui me concerne. Je souhaite qu'il n'y ait pas de dissolution de l’Assemblée ... qui entraînerait une nouvelle loi sur l'audiovisuel.
M. le Président : D'autant que je ne pense pas que le problème soit résolu. Il faudra des années et sans doute une constitutionnalisation.
La séance est levée à 17 heures.
Une seconde discussion, où interviennent Monsieur le Président, Monsieur LECOURT et Monsieur JOZEAU-MARIGNE, s'engage sur les conséquences que va avoir la suppression du membre de phrase décidée par le Conseil à l'article 62. Cette suppression, en effet, va avoir pour effet de ne plus faire peser sur T.F.l. les obligations générales prévues à l’article 27 de la loi. Dans ces conditions, le Conseil décide d'insérer, dans le projet de décision, une phrase prévoyant que la suppression décidée ne peut mettre en cause l'étendue des obligations devant figurer au cahier des charges conformément aux articles 27 et 62.
Le projet ainsi modifié est adopté par les membres du Conseil.
Monsieur le Président suspend alors la séance à 17 h 10. La séance est reprise à 17 h 30.
A la reprise de la séance, Monsieur MAYER indique que le grief dirigé contre l'article 13 de la loi concerne en réalité les articles 28, 29, 30 et 31 de la loi dont le Conseil a décidé de réserver l'examen dans l'attente d'une nouvelle rédaction. Il propose donc de réserver également cette partie de la décision consacrée à l'article 13.
Il aborde alors, dans son rapport, la partie consacrée à l'article 14 relatif à la publicité commerciale au profit des partis politiques.
Monsieur MAYER expose que, sur ce point, il s'est trouvé en désaccord total avec Monsieur le Secrétaire général et le service juridique. Ce désaccord explique que le Conseil est saisi de deux propositions de décision. La première incluse dans le projet conclut à la conformité. La deuxième présentée sous forme d'une variante conclut à la censure.
Il rappelle ensuite que l'article 14 de la loi prévoit, dans son premier alinéa, que la Commission nationale exerce un contrôle sur l'objet, le contenu et les modalités de proganmation des émissions publicitaires diffusées tant par les sociétés nationales de programme que par les titulaires des autorisations. Cet article dispose, dans un deuxième alinéa, que les émissions publicitaires à caractère politique ne peuvent être diffusées qu'en dehors des campagnes électorales. Un troisième alinéa punit les infractions commises aux dispositions de l'alinéa précédent.
Monsieur MAYER expose que les requérants, qui font porter leurs critiques sur le deuxième alinéa de cet article, estiment que l'introduction de la publicité politique sur les antennes est contraire aux articles 2 et 4 de la Constitution, à savoir à la vocation des partis à concourir à l'expression du suffrage et au principe d'égalité. En effet, selon eux, la possibilité de recourir à la publicité télévisée introduit entre les formations politiques une inégalité tenant au degré de leur prospérité financière.
Monsieur MAYER tient à exposer, dans un premier temps, la thèse des "juristes" du Conseil constitutionnel.
En premier lieu, comme le relève la note du secrétariat général du Gouvernement, la loi du 29 juillet 1982 n'interdisait pas la publicité politique sur les ondes. En prévoyant que les émissions publicitaires à caractère politique ne peuvent être diffusées qu'en dehors des campagnes électorales, l'article 14 n'apporte aucune innovation : sous l'empire de la loi de 1982, ce n'est pas la loi mais les cahiers des charges qui ont exclu la possibilité de publicité politique dans le service public. Quant aux services autorisés, c'est-à-dire ce qui n'est pas le service public, la possibilité de diffuser des messages publicitaires en général, a été autorisée à partir de 1982 pour les radios locales et dès 1982 pour les autres services soumis à autorisation. Cela même pendant les campagnes électorales, jusqu’à l'intervention de la loi du 13 décembre 1985 qui interdit la diffusion par tous moyens de communication audiovisuelle de messages politiques pendant les campagnes, article L. 52-1 du code électoral. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, l'article 14 ne comporte pas d'innovation en ce qui concerne la possibilité de faire de la publicité politique sur les ondes.
En second lieu, et c'est la nouveauté, le premier alinéa de l'article 14 investit la Commission d'un pouvoir de contrôle sur l'objet, le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires, y compris celles à caractère politique. Ce pouvoir de contrôle s'exercera dans le cadre des règles applicables à la publicité qui, en vertu de l'article 27, sont fixées par décret en Conseil d'Etat après avis de la Commission. Il paraît légitime d'inciter la Commission à faire respecter, dans la. pratique, un égal accès des divers partis politiques à cette forme de propagande. Le projet a été rédigé dans cette perspective.
Monsieur MAYER donne alors lecture du projet de décision correspondant à cette partie de son exposé, ce qui correspond aux pages 33 et 34.
Monsieur MAYER se déclare lui-même d'un avis opposé à l'argumentation qu'il vient de présenter.
Pour lui, partant des articles 3 et 4 de la Constitution, dont il donne lecture, la combinaison de ces articles aboutit à ce que les partis politiques doivent avoir des moyens égaux. Dès lors que l'on admet la publicité, on met en cause l'égalité. L'objection selon laquelle il n'y aurait pas inégalité puisque cet article prévoit justement la diffusion de ces émissions en dehors des périodes électorales ne tient pas à ses yeux. En effet, il se demande où est l'égalité dans un système qui permet aux partis riches de s'exprimer durant quasiment toute l'année. A l'évidence, les petits partis se trouvent outrageusement désavantagés. A cela, il convient d'ajouter que la différence de la publicité par voie de presse ou d'affichage, le coût de la publicité télévisée joint à son impact fait qu'il y a une aggravation des écarts existant déjà entre grands et petits partis. En définitive, l'égalité ne peut donc exister que dans la gratuité.
Monsieur MAYER donne alors lecture de la variante dont il espère l'adoption. Il indique que si cet alinéa de l'article est censuré, il est
tout-à-fait séparable du reste de la loi.
Monsieur le Président ouvre la discussion sur ce point.
Monsieur FABRE se déclare tout d'abord sensible à la sollicitude exprimée par Monsieur MAYER pour les petites formations politiques. S'agissant du fond, il voit dans ce texte un grand danger : cet article permet à n'importe quelle puissance d'argent, telle la secte HOON par exemple, de faire passer, sous couvert de messages politiques, des messages qui n'émaneront pas de véritables partis.
Monsieur VEDEL fait observer que, dès lors qu'il s'agit d'une émission publicitaire payante, l'accès à ces émissions sera réglementé et le cumul de ces émissions au profit de quelques-uns sera impossible. De plus, il se refuse, pour sa part, à l'occasion d'un texte sur la télévision, à traiter du problème général du financement des partis politiques. Cela équivaudrait, à ses yeux, à fermer le portail d'une enceinte dont les murs sont délabrés. Le Conseil ne peut, alors que la législation en vigueur autorise tout, imposer que l'égalité soit respectée uniquement à la télévision. Là n'est pas le rôle du Conseil qui risquerait d'engager l'avenir tout en se faisant lui-même législateur. Il note qu'un tel, travail, "poétiquement symbolique", apporterait plus d'inconvénients que d'avantages.
Monsieur SIMONNET constate que la censure de ces dispositions ne créerait nullement un vide juridique. Elle aurait simplement pour conséquence de laisser exister tout seul l'article
L. 52-1 du code électoral qu'il cite : "Pendant la durée de la campagne électorale est également interdite l'utilisation à des fins de propagande électorale, de tous procédés de publicité commerciale par voie de presse ou par tous moyens de communication audiovisuelle". Cet article dit au fond la même chose que l'article 14, même s'il le dit d'une manière différente.
Monsieur VEDEL fait valoir qu'en ne laissant subsister que l'article L. 52-1 du code électoral le résultat est certainement le même, mais que la possibilité de réglementation, de contrôle et de sanction de l'article 14 disparaît.
Monsieur SIMONNET précise que l'article L. 52-1 du code électoral résulte de la loi du 13 décembre 1985 dont le Conseil a été saisie. Il serait, à ses yeux, difficile de censurer aujourd'hui ce qui ne l'a pas été hier.
Monsieur MARCILHACY indique qu'il n'a jamais appartenu à aucun parti politique. Il est cependant tout à fait hostile à l'article 14, et donc favorable à sa suppression, mais non pas pour les raisons avancées jusqu'ici dans le débat. Sa motivation tient au respect dû à la dignité des partis qui, depuis 1958, ont été constitutionnellement consacrés. Il considère que l'article 14 conduit à l'avilissement des partis politiques. Les partis sont nécessaires à la vie politique, ils doivent rester dignes. A un moment où les hommes politiques et les formations qu'ils animent n'ont pas très bonne réputation, il ne convient pas de donner des
raisons supplémentaires à leurs détracteurs. Un parti politique ne peut être réduit à la publicité comme l'est la "couche-culotte". Dans ces conditions, la non-conformité lui paraît devoir être recherchée en raison d’une méconnaissance de la Constitution par l'article 14 tant il estime que cette disposition conduit à avilir les partis politiques.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE se déclare, quant à lui, meurtri par la débauche de publicité à laquelle se livrent tous les partis politiques. Il évoque les lendemains d'élections où les mairies doivent nettoyer les murs des villes recouverts par les affiches électorales. Sa tendance profonde est de rejoindre le sentiment de Monsieur MAYER mais son interrogation porte sur les conséquences d'une censure. Est-ce que la finalité recherchée sera satisfaite ? Il ne le pense pas.
Monsieur FABRE se demande quel sera l'état du droit si l'article 14 est censuré.
Monsieur le Secrétaire général rappelle comment, à la suite de l'annulation par le Conseil d'Etat des élections municipales de Cosne-sur-Loire du fait d'un abus de propagande imputable à une radio locale, le législateur de 1985 a été conduit à modifier l'article L. 52-1 du code électoral.
Monsieur MARCILHACY souligne, comme l'a fait Monsieur JOZEAU-MARIGNE, l'aspect moral de cette question. Pour sa part, il pense que le statu quo est préférable et, en tout état de cause, il estime que la décision du Conseil ne doit pas conduire à une dévalorisation de l'activité politique.
Monsieur VEDEL s'élève contre le moralisme extraordinaire qui sous-tend cette discussion. La publicité, pour lui, est créatrice. Pourquoi en faire un drame lorsqu'il s'agit de publicité politique. Le seul problème de droit qui se pose est, à son avis, le suivant : le Conseil peut-il, dans un système où le financement des partis politiques n'est pas prévu, "piquer" l'occasion d'une loi pour légiférer dans ce domaine ?
Monsieur LECOURT n'a, en ce qui le concerne, pas d'hésitation entre le projet et la variante. Bien qu'il reconnaisse qu'il y a des difficultés à résoudre, il opte pour le projet, dès lors qu'il se refuse à prendre par le biais un problème énorme que personne n'a réussi à appréhender et qui est celui de l'égalité des partis politiques. Il se demande d'ailleurs si le texte de l'article 14 vise bien les partis politiques. Il estime que le Conseil n'est pas le cadre voulu pour régler une telle question et qu'il sortirait même de son rôle en censurant cette disposition. De plus, compte-tenu des inégalités déjà existantes entre les partis, en matière d'affichage par exemple, la censure proposée ne répondrait qu'a une partie de la question soulevée.
Monsieur le Président note tout d'abord qu'il est révélateur qu'il y ait sur cette question deux solutions. A cette occasion, il informe les membres du Conseil que se défiant de son tempérament il a inscrit sur un petit carton qu'il a posé sur son bureau le dicton suivant "Toute loi inconstitutionnelle est nécessairement
mauvaise, mais toute loi mauvaise n'est pas nécessairement inconstitutionnelle". En l'espèce, la loi est mauvaise ; elle est injuste ; elle est dangereuse. Est-elle pour autant inconstitutionnelle ? Que la loi soit mauvaise cela lui semble évident : compte-tenu du coût des émissions publicitaires à la télévision, on va assister, craint-il, à un accroissement de la spirale des besoins qui risque d'aboutir à des scandales. Elle est mauvaise pour qui a vu des "clips" politiques qui agressent l'adversaire et le tournent en dérision. La loi est mauvaise enfin parce qu’elle conduit â l'écrasement des petites formations politiques. La question est donc de savoir si la loi est inconstitutionnelle. Force est de constater que l'article 4 de la Constitution pose le principe de l'égalité des partis mais que- derrière cette égalité purement formelle il n'y a rien. A l'inverse, l'argument de fait, selon lequel l'inégalité existant entre les partis est déjà forte, ne manque pas de poids. Le problème qui se pose au Conseil est donc délicat à résoudre en droit mais sur le fond un coup détestable risque d'être porté à la démocratie. Un homme politique de premier talent ne pourrait-il changer le jeu politique ?
Pour Monsieur VEDEL, dans le secteur public, il aurait interdit, au nom du principe de neutralité, toute publicité politique. Mais ceci aurait eu pour effet de priver de ressources le secteur public et de faire passer ces ressources du public vers le privé, ce qui n'est pas vraiment nécessaire. Il indique par ailleurs qu'il y a dans les démocraties une loi qui se vérifie toujours : la loi selon laquelle les inégalités n'existent jamais longtemps entre les grandes idées politiques. En ce qui concerne les petits partis, il pense, comme le mouvement écologiste "Les Verts" l'a montré, que l'imaginaire peut défier la richesse. Il note aussi que le recours répété à ce type d'émissions peut avoir des effets en retour. A cet égard, il se demande si le passage, pour le parti communiste, d'un seul de ses représentants sur les ondes n'a pas engendré un phénomène d'overdose qui rend compte en partie de l'échec de ce parti dans la compétition électorale. Enfin, il déclare ne pas croire qu'un Hitler pourrait un jour émerger grâce au petit écran.
Monsieur le Président indique que, jusqu'à présent, les émissions politiques n'étaient pas publicitaires. Avec ce texte qui autorise la publicité on autorisera le travail sur l'inconscient collectif à des fins partisanes. Voilà, à son avis, où est le danger.
Monsieur JOXE fait valoir qu'il y a deux graves dangers : le premier est celui d'accroître les inégalités entre les partis selon les moyens dont ils disposent ; le second c'est le risque d'empoisonnement de l'opinion qui absorberait les poisons à son insu. La disposition de cet article risque de déclencher une conquête de l'opinion par une nouvelle forme de démagogie. Cette conquête porte en elle des germes de tragédie.
Monsieur MARCILHACY rappelle, pour avoir vécu à Paris les derniers jours de l'occupation, comment Henriot arrivait, par la radio, à modeler l'opinion. IL réaffirme que, si la censure est prononcée, elle doit l'être pour une méconnaissance de l'article 4 de la Constitution.
Monsieur VEDEL redoute que le Conseil constitutionnel n'en vienne à exprimer une "conception frileuse" de Ia liberté de communication.
II observe qu'aux yeux des différents intervenants les moyens de communication autres que la télévision sont sans importance, que seule la télévision est, en quelque sorte, sacralisée. Pourquoi, lorsqu'elles sont confrontées à la télévision, les libertés deviennent-elles des vices ? Dans le cas de la presse, de l'affiche ou de la manifestation, la liberté est bonne. Par contre, avec la télévision, la liberté n'est plus salvatrice, et seule la réglementation peut sauver. Il se déclare, pour sa part, effrayé par le conservatisme dont le Conseil fait preuve.
Monsieur le Président réplique que la télévision, la rareté des fréquences et l'influence du mode de communication, font que les problèmes sont d'une autre nature. Il ajoute que la seule question à résoudre est celle de la conformité à la Constitution de cette disposition.
Monsieur VEDEL pense que le problème posé aujourd'hui par l'accès des partis politiques à la télévision sera simplifié demain quand les syndicats et, pourquoi pas les sectes, y auront également accès. Dès lors et dans la bataille que se livreront les uns et les autres, il appartiendra à chacun de se grouper, comme il a eu l'occasion d'en vivre l'expérience avec le journal "Le Monde", pour se défendre. Il redit que, pour l'instant, c'est une mauvaise chose que de régler le problème du financement des partis politiques par un biais et en mélangeant, de plus, le problème du secteur public avec celui du secteur privé.
Monsieur le Président rappelle que, comme l'a dit Monsieur JOZEAU-MARIGNE, l'inégalité entre les partis est déjà inscrite dans la réalité. Est-ce que l'aggravation de cette inégalité peut motiver une censure de la. part du Conseil ?
Monsieur MAYER déclare ne pas avoir été convaincu par l'argumentation de Monsieur VEDEL. Il exprime tout d'abord sa crainte de voir les petits partis, ainsi écartés de la télévision, être séduits par des modes d'expression qui les éloigneraient de la vie démocratique. Il pense par ailleurs que le débat ne doit pas être déplacé. Il ne s'agit nullement de traiter par un biais la question du financement des partis, il s'agit seulement de réglementer l'usage des émissions publicitaires à caractère politique qui ne sont pas des émissions politiques à caractère publicitaire. Enfin, il ne s'agit pas d'aller instituer un contrôle sur le contenu des émissions mais de réglementer l'accès aux érai ss ions.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE estime que le débat qui a lieu actuellement devrait trouver sa place à l'occasion d'une loi traitant de l'ensemble du problème du financement des partis. Il exprime à nouveau la crainte que la censure éventuelle ne produise pas les effets attendus.
Monsieur VEDEL fait valoir que la censure de l'article 14 conduirait au paradoxe de priver les petits partis de toutes possibilités d'expression. En effet, pendant les campagnes électorales, ils sont trop petits pour avoir droit à bénéficier du temps d'antenne et, en dehors des campagnes, la censure de l'article 14 conduirait à interdire l'accès de tous les partis, petits ou grands, aux moyens d'émission. Se tournant ensuite vers Monsieur JOXE, Monsieur VEDEL précise que le Conseil constitutionnel ne pourrait prendre une décision portant uniquement sur la télévision.
A l'issue d'un débat où interviennent, tour à tour, Monsieur le Président, Messieurs VEDEL, FABRE et MAYER, l'idée, selon laquelle la décision conduirait à renforcer les obligations de la Commission dans le sens d'un égal accès des partis à ces émissions, se dégage.
Monsieur le Président demande au Secrétaire général de préparer une rédaction dans ce sens. Il lève ensuite la séance à 18 h 50.
Le 18 septembre 1986, à 10 h 10, Monsieur le Président ouvre la séance, tous les membres du Conseil étant présents.
Monsieur MAYER donne lecture aux membres du Conseil de la partie du projet de rédaction relative au pluralisme et à l'article 14 préparée par Monsieur Bruno GENEVOIS qui, espère-t-il, recevra l'accord des membres du Conseil. La rédaction proposée ayant donné satisfaction, Monsieur MAYER donne lecture de la partie du projet de décision relative à l'article 26.
Puis il donne ensuite lecture, en l'absence d'observation sur le fond, de la partie du projet de décision relative à l'article 28 qui correspond aux deux derniers considérants de la page 36.
Monsieur le Président demande si le Conseil a procédé, la veille, à l'examen des articles 26 et 28 de la loi auxquels la page 35 du projet se rapporte.
Monsieur le Secrétaire général fait observer que le rapporteur a déjà lu le passage du projet se rapportant à ces articles.
Monsieur le Président pense toutefois que la forme n'a pas été respectée dans la mesure où Monsieur MAYER n'a pas fait de rapport sur ce point.
Monsieur MAYER présente alors le rapport suivant sur l'article 26.
Cet article prévoit que pour la transmission et la diffusion de leurs programmes les sociétés nationales de programmes bénéficient des fréquences utilisées à cette fin, à la date de publication de la loi, par l'établissement public de diffusion créé par la loi de 1982. Il précise toutefois que la Commission peut leur retirer certaines de ces fréquences dans deux cas :
- si les contrats techniques l'exigent, mais alors elles doivent leur attribuer, sans interruption de service, des fréquences permettant une réception de qualité équivalente ;
- lorsque des fréquences utilisées à la date de publication de la loi ne sont plus nécessaires à l'accomplissement des missions définies par le cahier des charges de la société nationale de programmes.
C'est cette dernière disposition que critiquent les auteurs de la saisine qui craignent qu'elle soit utilisée par la Commission pour supprimer les stations décentralisées de Radio France. En effet, selon eux, l'appréciation ultime de la nécessité de l'existence d'une station publique sera laissée à la Commission qui, ainsi, pourra mettre fin â un service public qu'elle n'aura pas créé. Selon les auteurs de la saisine, il appartient à la loi seule de supprimer un service public créé par une collectivité publique. Monsieur MAYER estime que le moyen n'est pas fondé. Il fait valoir que la définition des missions de service public figure, en vertu de l'article 48, dans un cahier des charges qui "définit les obligations de chacune des sociétés nationales de programmes" et qui est fixé par décret, après avis de la Commission nationale. Le Parlement exerce d'ailleurs un pouvoir de contrôle sous la définition des missions de service public dès lors que, en vertu de l'article 53, il lui appartient d'approuver la répartition du produit de la redevance pour droit d'usage entre les sociétés nationales, compte-tenu, notamment, de leurs obligations de service public. Ainsi, ce n'est pas à la Commission nationale qu'il appartient de déterminer les missions de service public. Elle n'a pas davantage le pouvoir de retirer une fréquence à une société nationale de programmes si celle-ci est nécessaire à l'accomplissement d'une mission de service public définie par le cahier des charges, sauf pour des impératifs techniques, mais, alors, avec obligation d'attribuer une fréquence équivalente.
Puis, Monsieur MAYER aborde l'examen des articles 31 à 34 de la loi. Il expose que l'article 31, relatif à la radiodiffusion et à la télévision par satellite, prévoit que les autorisations ne peuvent être accordées qu'à des sociétés. L'article 34 contient la même disposition en ce qui concerne les autorisations d'exploitation des réseaux de distribution des services de radiodiffusion ou de télévision par câble. Il en est de même, en vertu de l'article 30, pour la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre. En revanche, en vertu de l'article 29, les autorisations par les services de radiodiffusion par voie hertzienne terrestre peuvent être accordées, soit à une société, soit à une fondation, soit à une association. Les auteurs de la saisine critiquent les dispositions des articles 31 et 34 prévoyant que les autorisations qu'ils mentionnent, radiodiffusion ou télévision par satellite ou par câbles, ne pourront être délivrées qu'à des sociétés. Ils ne critiquent pas l'article 30 qui contient pourtant la même obligation en ce qui concerne la télévision par voie hertzienne terrestre. Ils invoquent la violation du principe d'égalité ; ils s'élèvent contre l'exclusion des associations de l'exploitation des réseaux câblés, alors que ces organismes, à but non lucratif, y ont, selon eux, vocation. Monsieur MAYER estime que le second argument est de pure opportunité. L'éventuelle vocation des associations dans le domaine du câble n'est pas un principe de valeur constitutionnelle. Au surplus, les préoccupations lucratives ne sont pas toujours étrangères au secteur associatif. L'argument tiré du principe d'égalité ne lui paraît pas davantage pouvoir être retenu. En premier lieu, on peut se demander si ce principe est en cause ici. La loi exigeant la forme juridique de la société pour pouvoir obtenir une autorisation dans certains secteurs de l'audiovisuel, il est loisible à des particuliers, qu'ils soient groupés ou non en association, de constituer une société à cette fin. Tous les intéressés pouvant le faire, le principe d'égalité n'est pas méconnu.
En second lieu, en admettant que le principe d'égalité soit en cause, il ne fait pas obstacle â ce qu'une loi établisse des règles non identiques à l'égard de catégories de personnes physiques ou morales se trouvant dans des situations différentes, à condition que la non-identité de traitement soit justifiée par la différence de situation et ne soit pas incompatible avec l'objet de la loi (décision du Conseil constitutionnel du 16 janvier 1982 précisée dans la décision du 3 juillet 1986). Monsieur MAYER observe me sa proposition est dans la droite ligne de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Ainsi, la forme de la société n'est exigée que pour la télévision par voie hertzienne terrestre, ce que ne critique pas la saisine, et pour le satellite et le câble, radio ou télévision. Elle ne l'est pas pour la radiodiffusion par voie hertzienne terrestre. Le régime des sociétés obéissant à des règles plus strictes que celui des associations, le législateur a pu, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, estimer devoir exiger la forme de la société dans les secteurs autres que la radiodiffusion par voie hertzienne terrestre. Il apparaît donc à Monsieur MAYER, et il pense que le Conseil en sera d'ëtccord, que le moyen ne peut pas être accueilli.
Monsieur MAYER donne ensuite lecture du passage du projet de décision relatif â ces articles et qui constitue la page 37 et le haut de la page 38. Cette partie du projet est adoptée par les membr e s d u Conseil.
Monsieur le Président demande a cet instant que le Conseil revienne sur l'examen de l'article 14 de la loi, ce qui correspond à la page 3 3 du projet de décision.
Monsieur VEDEL estime qu'à la page 35 le mot "monopoliser" est trop fort et propose de le remplacer par celui de "accaparer".
Monsieur le Président souscrit à cette proposition. Le mot "accaparer" lui semble tout à fait approprié. Il y voit une terminologie révolutionnaire, "accaparer" est en dessous de monopole et différent d'abus de situation dominante.
Monsieur MAYER fait observer que, dans la nouvelle rédaction, il conviendrait d'ajouter, après les mots "tendance politique", la phrase "en raison des ressources dont elle dispose".
Monsieur JOZEAU-MARIGNE fait observer à la suite de Monsieur LECOURT que cette adjonction est restrictive et qu'elle permet un accaparement par réseaux d'amitié.
Monsieur MAYER propose, dans ce cas d'ajouter l'adverbe "notamment".
Une discussion s'engage au sein du Conseil sur la meilleure rédaction souhaitable et, finalement, le Conseil adopte la rédaction suivante : "à ce que les émissions publicitaires à caractère politique puissent privilégier quiconque, notamment en raison des ressources dont il dispose".
Monsieur MAYER aborde ensuite la partie de son rapport relative à l'article 53 de la loi.
Il expose que cet article comporte trois alinéas. Le premier prévoit que, chaque année, à l'occasion du vote de la loi de finances, le Parlement autorise la perception de la taxe dénommée "redevance pour droit c!'usage assise sur les appareils récepteurs de télévision" et apprmrm la répartition de son produit entre les sociétés nationales, l'institut National de l'Audiovisuel et la Société de Diffusion, pour le financement de leur mission de service public. Il approuve également le montant du produit attendu des recettes publicitaires. Ces recettes seront plafonnées à compter de 1987 et pour les deux années suivantes.
Le deuxième alinéa prend en compte, pour chaque organisme, un certain nombre de critères dont il fixe la liste.
Enfin, le troisième alinéa prévoit que sont annexés au projet de loi de finances les résultats financiers de l'année précédente, les comptes provisoires de l'année en cours et le budget prévisionnel pour l'année suivante des sociétés et de l'établissement mentionné au premier alinéa, accompagnés d'un rapport du Gouvernement. A l'exception de la dernière phrase du premier alinéa, ces dispositions reproduisent mutatis nutantis celles prévues aux articles 62 à 65 de la loi du 29 juillet 1982. Qu'il s'agisse de l'autorisation de perception de la redevance, qualifiée de taxe parafiscale par le Conseil constitutionnel le 21 novembre 1979 , de l'approbation de la répartition de son produit, de la définition des critères de répartition, enfin de l'obligation faite au Gouvernement d'annexer aux projets de lois de finances les éléments nécessaires à l'information du Parlement, l'article 53, non seulement ne méconnaît pas, mais tire les conséquences de l'ordonnance organique.
En revanche, la dernière phrase du premier alinéa, en vertu de laquelle les recettes provenant de la publicité de marques seront plafonnées à compter de 1987 et pour les deux années suivantes, peut paraître contraire â l'ordonnance. En effet, il appartient à la seule loi de finances de décider pour l'année à laquelle s'applique le plafonnement éventuel de recettes qui, ainsi que le reconnaît la note du Gouvernement, ressortisse à la gestion des finances publiques dans la mesure où elles concourent au financement d'organismes du secteur public. Mais on peut aussi se demander si la loi ordinaire ou la loi de finances peut décider le plafonnement des ressources d'organismes privés. Monsieur MAYER estimant que les réponses à ces questions ne sont pas certaines préfère ne pas soulever la question d'office. Il espère toutefois que le parti qu'il adopte recueille l'assentiment du Conseil.
Monsieur VEDEL fait observer que cette disposition est pour le moins tout aussi inopérante que contraire à la Constitution car, en effet, elle ne peut pas lier le législateur.
Le Conseil constitutionnel estime que, dans la mesure où ce moyen n'est pas soulevé, il ne lui convient pas de le soulever d'office.
A cet instant de son rapport, Monsieur MAYER revient sur la discussion relative au problème posé par les articles 28 â 31. Il donne lecture de la nouvelle page 15 du projet de décision et des deux premiers considérants de la page 16.
Monsieur le Président constate que cette nouvelle rédaction recueille l'assentiment des membres du Conseil.
Monsieur MAYER donne alors lecture d'une nouvelle rédaction du projet de décision relative aux articles 39 et 41.
Monsieur le Président ouvre le débat sur cette question.
Monsieur SIMONNET exprime son désaccord avec la nouvelle rédaction relative aux articles 28 à 31 de la loi. Il estime que, si ces articles peuvent être déclarés non conformes à la Constitution en raison de leur inséparabilité avec les articles 39 â 41 de la loi, c'est une chose différente que d'apprécier les conséquences qui peuvent être tirées de cette solution. Or, cette conséquence lui semble difficilement acceptable. Ce qui est censuré, en effet, ce sont les pouvoirs généraux très vastes qui sont donnés à la Commission. Ce n'est pas parce que la Commission ne peut pas appliquer les articles 39 â 41 qui sont insuffisants qu'il faut, pour autant, censurer les articles 28 à 31. C'est prendre "un marteau-pilon pour écraser une mouche".
Monsieur VEDEL constate que c'est là un des effets automatiques de l'inséparabilité. Il rappelle que le cas s'est déjà produit à l'occasion de la première loi sur les nationalisations.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE fait état d'un article paru dans le Journal "Le Figaro" du jour même, article qui est sympathique pour le Conseil constitutionnel.
Monsieur MAYER aborde alors les questions relatives â l'article 57 de la loi qui concerne le droit de grève. Il expose que cet article est relatif aux droits et obligations des personnels du secteur public de la communication audiovisuelle, notamment au droit de grève. Il comporte trois paragraphes.
Le premier rappelle que les droits des personnels et des journalistes ne sauraient dépendre des opinions, croyances ou appartenances syndicales ou politiques des intéressés. Ce paragraphe n'est pas contesté.
Le second est relatif à la cessation concertée du travail et impose aux personnels, en vue d'assurer la continuité du service public, plusieurs obligations :
- obligation d'un préavis ;
- obligation pour les services ou les personnels des sociétés de programmes et de la Société de Diffusion d'assurer la création, la transmission et l'émission des signaux de radio et de télévision ;
- possibilité pour les représentants des sociétés de requérir les personnels strictement indispensables définis par décret en Conseil d'Etat.
Le dernier paragraphe impose au Président de chaque société de prendra les mesures nécessaires à l'exécution du service que le nombre- et les catégories de personnels présents permettent d'assurer.
Les auteurs de la saisine soutiennent que le paragraphe 2 porte atteinte au droit de grève en ce que, en supprimant la notion de "service minimum", il impose, en cas de grève, l'obligation d'assurer un service normal. Il rappelle que, en période de grève, la nécessité d'assurer un service minimum impose, dans les services techniques et les rédactions, la présence du même nombre d'agents que pour assurer un programme normal, de sorte que la seule matérialité du droit de grève se traduise, non pas par la cessation du travail, mais par le seul fait que n'est assuré qu'un programme minimum commun â toutes les chaînes. Donc, abandonner la référence à l'idée de programme minimum conduit à priver le droit de grève de toute effectivité. Il s'agit, pour le programme minimum comme pour le programme normal, de mobiliser le même nombre de travailleurs â tous les échelons. Cette argumentation serait décisive si l'article 57 devait être interprété comme ayant substituer l'obligation d’un service normal à celle d'un service minimum. Par une décision du 25 juillet 1979, le Conseil constitutionnel a estimé contraire à la Constitution une disposition législative qui, en cas de grève, imposait l'obligation d'assurer un service normal, car cela équivalait à une interdiction du droit de grève, interdiction qui ne pourrait être justifiée que si les besoins essentiels du pays étaient compromis. Or, ce n'était pas le cas. Il s'agit donc de savoir si le paragraphe 2 de l'article 57 abandonne la notion de service minimum pour rétablir celle de service normal. Si c'est oui, c’est manifestement inconstitutionnel. Si c'est non, non.
D'après les déclarations des auteurs de la saisine, confirmées par les travaux préparatoires, l'article 60 du projet de loi comportait la mention de service minimum. Cette notion a. disparu avec l'adoption d'un amendement de la Commission des finances. Le Gouvernement reconnaît que cet amendement qu'il a accepté ne comporte plus la mention de service minimum mais affirme que son objectif, en le soutenant, était, non pas de supprimer l'exigence d'un service minimum mais seulement d'adopter pour le deuxième paragraphe de l'article 57 la rédaction même qu'a reçue le deuxième paragraphe de l'article 26 de la loi du 25 juillet 1979, après que le Conseil constitutionnel ait censuré la référence à la notion de service normal.
Il semble bien que le paragraphe 2 de l'article 57 doit être interprété, mais c'est une interprétation et le Conseil peut l'interpréter différemment, comme ne comportant pas l'obligation d'assurer, en cas de grève, un service normal. Mais, il n’y aurait que des avantages à ce que le Conseil constitutionnel confirme cette interprétation dans sa décision et rappelle que la continuité du service, mentionnée au paragraphe 2, est assurée par l'exécution d'un service minimum. Le décret en Conseil d'Etat qui déterminera les modalités d'application du paragraphe 2 tirera les conséquences de cette interprétation.
Monsieur MAYER propose de donner lecture du passage du projet de décision relatif à cette question, avant la discussion générale. Les membres du Conseil donnent leur accord à cette méthode.
Honsieur MAYER donne alors lecture des pages 37 à 41 de son projet de décision.
Monsieur VEDEL fait part de son plein accord avec la solution proposée par Monsieur MAYER. Il rappelle que le Conseil a déjà eu l'occasion de dire que le droit de grève était réserve. Il s'inquiète toutefois de savoir si l'interprétation donnée par le Conseil constitutionnel n'est pas contredite par les débats.
Monsieur le Secrétaire général donne toute assurance sur ce point à Monsieur VEDEL.
Monsieur le Président se demande s'il ne serait pas heureux que le Conseil constitutionnel fasse une référence plus explicite à sa propre décision de 1979.
Monsieur LECOURT se demande si le texte lui-même n'est pas suffisant et plus précisément le paragraphe 3 dont il donne lecture.
Monsieur le Secrétaire général pense que le paragraphe 3 se différencie dans son esprit du paragraphe 2. Le paragraphe 3 tend à imposer aux présidents des chaînes qui disposent de tout leur monde de faire, en cas de grève, plus que ce qui est strictement nécessaire pour assurer un programme minimum. Il propose une modification de rédaction à la page 40, modification que les membres du Conseil acceptent.
Monsieur SIMONNET se demande, en ce qui concerne les pages 39 et 40 du projet, s'il ne vaudrait pas mieux mentionner le droit de grève tout court plutôt que le principe du droit de grève.
Une discussion s'engage sur ce point au sein du Conseil constitutionnel qui écarte finalement la proposition de Monsieur SIMONNET par souci de ne pas s'éloigner de la décision du 25 juillet 1979.
Monsieur MAYER aborde alors les questions soulevées à l'occasion de l'article 102 de la loi.
Il rappelle que cet article net fin au mandat des membres des conseils d'administration des sociétés nationales de programmes. Il expose que les auteurs de la saisine critiquent le premier alinéa de cet article, en vertu duquel les conseils d'administration des sociétés nationales de programmes et de l'institut National de Ici Communication Audiovisuelle, qui avaient été créés par la loi du
29 juillet 1982, demeurent en fonction jusqu'à la date de nomination des administrateurs des nouvelles sociétés nationales de programmes et de l'institut National de l'Audiovisuel. L'article précise que cette désignation interviendra au plus tard six mois après la date de publication de la nouvelle loi.
C'est, le fait de mettre un terme anticipé aux fonctions des conseils d'administration qui est critiqué clans cet alinéa, avec les mêmes arguments que ceux qui ont été énoncés plus haut au sujet de la fin prématurée du mandat des membres de la Haute-Autorité de la communication audiovisuelle, auxquels est ajouté l'argument tiré de ce que les anciennes sociétés nationales avaient une activité touchant l'exercice des libertés publiques.
Le moyen, estime Monsieur MAYER, ne peut qu'être écarté par les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés concernant la Haute-Autorité dont l’activité touchait tout autaftt à l'exercice des libertés publiques.
Monsieur le Président constate qu'aucun des membres du Conseil n'a d'observation à présenter sur cette partie du rapport de Monsieur MAYER. Celui-ci donne alors lecture de la page 41 de son projet de décision ainsi que des deux premiers considérants de la page 42.
Au cours de cette lecture, Monsieur le Président demande pourquoi les "exigences de caractère constitutionnel" mentionnées dans ce texte ne sont pas autrement précisées alors qu'elles sont explicitées précédemment.
Monsieur VEDEL fait remarquer qu'il s'agit là d'une terminologie courante du Conseil constitutionnel.
Monsieur le Président constatant qu'aucun membre du Conseil ne souhaite plus intervenir, cette partie du projet de décision est considérée comme adoptée.
Monsieur MAYER aborde ensuite la partie du projet relative à l'article 103 de la loi qui concerne les dispositions transitoires applicables à l'établissement public de diffusion T.D.F. Il expose que cet article est relatif à la situation de l'établissement public de diffusion T.D.F., prévu par la loi du 29 juillet 1982, que doit remplacer la société prévue à l'article 51. Deux dispositions sont critiquées :
- la première critique concerne la nomination par décret en Conseil des ministres du président de la société qui sera appelée à remplacer T.D.F. La loi ordinaire n'est pas compétente pour décider des nominations qui doivent être faites par décret en Conseil des ministres. En effet, seule une loi organique peut, en vertu de l'article 13 de la Constitution, déterminer les emplois auxquels il est pourvu en Conseil des ministres. L'ordonnance organique du 28 novembre 1958 prise en application de l'article 13 de la Constitution prévoit, dans son article 1er, qu'outre les emplois visés à l'article 13 de la Constitution (conseillers d'Etat, ambassadeurs, préfets, etc...) il est pourvu en Conseil des ministres : "aux emplois de direction dans les établissements publics, les entreprises publiques et les sociétés nationales quand leur importance justifie inscription sur une liste dressée par décret en Conseil des ministres" ainsi qu'aux "emplois pour lesquels cette procédure est actuellement prévue par une disposition législative ou réglementaire particulière".
Un décret du 6 août 1985 pris en Conseil des ministres sur le fondement de cet article 1er de l'ordonnance organique a bien fait figurer l'emploi de Président Directeur Général de Télédiffusion de France sur la liste des emplois auxquels il est pourvu en Conseil des ministres, mais cette inscription concerne l'établissement public qui a été créé par la loi du 29 juillet 1982 et non la nouvelle société créée par l'article 51 de la présente loi.
Seule une loi organique ou un décret en Conseil des ministres, pris en application de l'article 1er de l'ordonnance organique du 28 novembre 1958, pourrait prévoir que le président de la nouvelle société de diffusion créée par l'article 51 de la présente loi sera nommé en Conseil des ministres. La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 103 de la loi qui dispose que le président de la société sera nommé "en Conseil des ministres" n'est donc pas conforme à la Constitution. Concrètement, la nomination interviendra donc par décret du Président de la République sur le fondement de l'article 13, alinéa 2, de la Constitution, sans délibération en Conseil des ministres.
- La seconde critique portée contre l'article 103 concerne le cinquième alinéa, en vertu duquel les biens incorporés au domaine public de T.D.F. seront déclassés et transférés au patrimoine de la société prévue à l'article 51. Est invoquée, en premier lieu, la violation du principe d'inaliénabilité du domaine public. Le moyen manque en fait puisque, à supposer même que ce principe ait valeur constitutionnelle, l'article 103 déclasse précisément les biens en cause, ce qui les rend aliénables puisqu'ils ne font plus partie du domaine public. Est invoquée en second lieu la violation du principe d'égalité car il suffit que le transfert des biens de T.D.F. à la nouvelle société soit retardé pour que bénéficient d'un enrichissement sans cause ceux qui auront acquis des actions de la société à un prix qui, par hypothèse, n'aura pas tenu compte de la valeur de ces biens. Le moyen se fonde sur une simple éventualité, le transfert retardé des biens à la nouvelle société, qui est d'ailleurs assez peu vraisemblable. Monsieur MAYER pense donc que le moyen ne peut pas être accueilli.
Monsieur le Président constate qu'aucun des membres du Conseil ne souhaite intervenir sur ce point.
Monsieur MAYER donne alors lecture du projet de décision relatif à cet article, a savoir à partir du deuxième considérant de la page 42 jusqu'au premier considérant de la page 46.
Monsieur VEDEL constate, en cours de lecture, qu'en ce qui concerne l'ordonnance organique n’ 58-1136 du 28 novembre 1958 elle est manifestement contraire à la Constitution puisqu'elle réserve à un simple décret l'énumération des emplois qu'elle, seule, pouvait faire.
Monsieur le Secrétaire général fait observer qu'il s'agit d'un décret pris en Conseil des ministres. L'idée est qu'il faut que le Président de la République consente à. ce que son pouvoir de nomination soit ou non précédé d'une délibération du Conseil des ministres.
Monsieur VEDEL réserve son opinion sur ce point nais il considère que le Conseil constitutionnel n'a pas le moyen de soulever cette exception d'office s'agissant d'une ordonnance organique.
Monsieur MAYER aborde alors l'exanen du moyen tiré de la violation de l'article 74 de la Constitution. Il rappelle que les auteurs de la saisine demandent au Conseil de rechercher si la consultation des assemblées territoriales des territoires d'outre-mer, exigée par
l'article 74 de la Constitution, a été opérée dans les délais, formes et conditions requis. La réponse est positive. Le Président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat ont reçu du Premier ministre une lettre du 4 juillet 1986 leur faisant connaître que le projet de loi avait été soumis à l'avis des assemblées territoriales intéressées et leur adressant copies des documents attestant de cette consultation et du sens des avis émis. Ces documents sont :
- une lettre du 18 juin 1986 du Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie transmettant l'avis favorable du Congrès du territoire ;
- des télex des 23 juin et 1er juillet 1986 de
l'Administration supérieure de Wallis et Futuna précisant que la Commission permanente de l'Assemblée territoriale avait émis un avis favorable à l'unanimité ;
- une lettre du Président de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française transmettant le rapport adopté par cette Assemblée le 26 juin 1986.
Ces documents ayant été portés à la connaissance des assemblées, avant la fin de l'examen par le Sénat du projet de loi en première lecture, intervenu le 24 juillet 1986, la procédure a été régulière. Monsieur MAYER propose de reprendre une rédaction inspirée des deux précédents récents, la décision du 8 août 1985 relative à la Nouvelle-Calédonie et la décision du 2 juillet 1986 relative à la loi d'habilitation en matière électorale.
Sur invitation du Président, il donne lecture de son projet de décision, à partir du dernier considérant de la page 46 jusqu'au premier considérant de la page 48.
Cette partie de la décision est adoptée par les membres du Conseil.
Monsieur MAYER aborde alors l'examen des difficultés posées par l'article 4 de la loi. Il rappelle que cet article concerne essentiellement la composition de la Commission Nationale de la Communication et des Libertés. Il prévoit que la Commission comprend treize membres nommés par décret en Conseil des ministres :
- deux membres désignés par le Président de la République ;
- deux membres désignés par le Président de l'Assemblée nationale ;
- deux membres désignés par le Président du Sénat ;
- un membre ou un membre honoraire du Conseil d'Etat élu par les membres du Conseil d'Etat ayant au moins atteint le grade de conseiller d'Etat ;
- un magistrat ou un magistrat honoraire du siège ou du ministère public de la Cour de cassation élu par les membres de la Cour de cassation ayant au moins atteint le grade de conseiller ou d'avocat général ;
- un magistrat ou un magistrat honoraire de la Cour des comptes ayant au moins atteint le grade de conseilier-maître ;
- un membre de l'Académie française élu par celle-ci ;
- une personnalité qualifiée dans le secteur de la création audiovisuelle, une personnalité qualifiée dans le secteur de la télécommunication et une personnalité qualifiée dans le secteur de la presse écrite, ces personnalités étant cooptées par les dix membres qu'il vient d'énumérer.
Monsieur MAYER se demande si une académie littéraire, sans compétence administrative ni responsabilité politique, peut désigner par élection l'un de ses membres afin qu'il siège comme son représentant officiel dans une institution dont les décisions auront des effets administratifs, économiques, politiques et financiers. La désignation d'un académicien français pour siéger dans la future Commission Nationale de la Communication et des Libertés n'ébranle-t-elle pas quelque peu l'équilibre des pouvoirs ?
La notion d'audiovisuel est trompeuse. Son sens le plus commun désigne la radio et la télévision. Or, ses activités touchent l'administratif, la technique, la politique, le commerce, les budgets publics, l'économie, les industries du spectacle, la culture, la morale, dans des imbrications complexes encore mal délimitées,
Pour sa part, il propose de soulever d'office deux questions de constitutionnalité en ce qui concerne cet article.
En premier lieu, pour les motifs énoncés ci-dessus à propos de l'article 103, alinéa 2, de la loi, les mots "en Conseil des ministres" figurant au début de l'article sont contraires à l'article 13, alinéa 4, de la Constitution.
En second lieu, les 2°, 3° et 4° de l'article 4 de la loi appellent les observations suivantes : dans l’intention du législateur et ainsi qu'il résulte des termes mènes de l'article 4, la Commission Nationale est une "autorité administrative indépendante". L'indépendance ainsi conférée à la Commission implique nécessairement que les membres qui la composent soient désignés dans des conditions qui leur assurent cette pleine indépendance. Or, celle-ci ne peut être totalement assurée que si, seuls, les membres du Conseil d'Ecrit, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes qui sont en service dans leurs corps respectifs prennent part à l'élection des membres de la Commission représentant ces institutions. L'interprétation du texte qui vous est proposée n'est
pas contraire aux interventions faites au cours des débats parlementaires. Mais, pour ces motifs, il proposera au conseil de préciser cette interprétation dans sa décision car, si le Conseil ne l'adoptait pas, elle conduirait à associer à la désignation des membres du Conseil d'Etat ou de la Cour des comptes devant siéger à la Commission des membres de ces corps gui sont actuellement membres du Gouvernement ou du Parlement.
Monsieur le Président ouvre le- débat sur ce point.
Monsieur VEDEL se demande si le Conseil constitutionnel va soulever d'office une question d'interprétation. Il estime que, de toute manière, le Conseil constitutionnel doit se saisir de l'article 4 en raison de l'inconstitutionnalité des mots "en Conseil des ministres" et que, dans ce cas, l'interprétation donnée par ailleurs de l'article 4 peut apparaître comme allant de soi.
Monsieur le Président s'interroge sur la singularité qui consiste à prévoir la nomination d'un membre de l'Académie française. Il observe que celle-ci est une des composantes de l'institut. En tant que telle, l'Académie française n'a pas de caractère juridique.
Monsieur VEDEL observe que l'Académie française n'est pas représentée en tant que telle mais qu'elle est prise comme un collège électoral. Cela peut paraître singulier mais cela est possible .
Monsieur LECOURT fait observer que cette disposition n'a rien de contraire à la Constitution.
Monsieur le Président en convient volontiers.
Monsieur MARCILHACY pense que le problème est celui de la qualité de l'Académie française à être représentée au sein d'administration de la Commission Nationale de la Communication et des Libertés. Si c'est pour défendre la langue française, il doute qu'elle soit la mieux armée pour ce faire et il exprime ensuite une appréciation négative à l'endroit de l'art et du talent de Monsieur Michel DROIT.
Une discussion s'engage alors au sein du Conseil constitutionnel sur la nature juridique et la représentativité de l'Académie française et de l'Institut de France.
Sur invitation du Président, Monsieur MAYER donne ensuite lecture de la page 48 et des deux premiers considérants de la page 49 du projet de décision.
Cette partie de la décision est adoptée sans autre débat.
Monsieur le Président souhaite alors revenir sur quelques dispositions re atives à la chaîne de télévision T.F.l. Il observer qu'il y a une disposition particulière portée à l'article 65 de la loi qui renvoie à l'article 62. Il remarque qu'au la Commission devra choisir entre les différents candidats à la
reprise de T.F.l., elle devra tenir compte de la plus ou moins grande concentration des média. Le Conseil constitutionnel s'apprête à annuler des dispositions sur la concentration. Peut-il, dans ce cas, décemment et logiquement, ne pas annuler également, en l'état, la possibilité de cession de T.F.l. ?
Monsieur SIMONNET fait remarquer que la chaîne T.F.l. est d'ores et déjà soumise a un régime autonome. Il considère que le régime qui s'applique à cette chaîne est déjà dérogatoire au régime de la concentration, tel qu'il est prévu par la loi.
Monsieur le Président conteste, pour sa part, cette interprétation.
Monsieur VEDEL estime, de son côté, que le titre IV de la loi est un titre autonome. Il pense qu'au sein du groupe acquéreur de 50 % du capital de T.F.l. une des personnes composant ce groupe pourraitfort bien détenir 49 % des parts.
Monsieur le Président ne partage pas l'analyse de Monsieur VEDEL. Il lui oppose le texte même de l'article 39 de la loi.
Monsieur le Secrétaire général, interrogé sur les précisions données par le Gouvernement sur ce point, indique que, pour le Gouvernement, le droit commun s'applique à la chaîne T.F.l., en application de la disposition finale de l'article 65 de la loi. Il en ressort que, si un groupe peut acquérir 50 % du capital de T.F.l., à l'intérieur de ce groupe acquéreur nul ne pourra détenir plus de 25 % du capital.
Monsieur VEDEL estime, de son côté, que les dispositions de l'article 64 de la loi sont plus contraignantes que celles des articles 39 à 42.
Monsieur le Président en convient bien volontiers. Il pense que c'est autre chose qui est en question. Il estime qu'il n'est pas possible à la Commission de choisir le groupe d'acquéreurs de T.F.l. sans connaître, par ailleurs, les règles relatives à la concentration. Il y voit une rupture de logique.
Monsieur LECOURT estime, quant à lui, que la question est de savoir si le titre IV de la loi est séparable, s'il est autonome ou s'il ne l'est pas, ou si certaines dispositions prises dans le cadre cle la loi interfèrent avec les dispositions du titre IV. Pour sa part, il pense que le titre IV peut être mis en vigueur d'une manière isolée et que la Commission dispose de critères suffisants avec ceux qui lui sont imposés par l'article 64.
Monsieur le Secrétaire général indique que la rédaction du projet qui a été distribuée va dans ce sens.
Monsieur le Président propose de rajouter, page 24, les mots "respect des règles de la concentration", afin d'imposer à la Commission de prendre en compte la future législation contre la concentration.
Monsieur VEDEL fait valoir que, si le Conseil constitutionnel veut montrer que le problème ne lui a pas échappé, il doit rédiger : "sans préjudice de la limitation de la concentration dans l'ensemble du secteur de la communication".
Monsieur le Président se rallie à cette proposition de rédaction.
Monsieur MAYER donne alors lecture de la nouvelle page, numérotée 21 bis, du projet de décision, relative à la censure des articles 28 â 31 de la loi. Cette partie de la décision est adoptée par le Conseil, à l'exception des voix de Messieurs SIMONNET, JOZEAU-MARIGNE et LECOURT qui votent contre.
Monsieur MAYER donne ensuite lecture, à la page 49 du projet de décision, de la partie relative à l'abrogation de certaines dispositions de la loi du 29 juillet 1982.
Monsieur le président se demande si la méthode suivie est conforme. Le Conseil "peut-il écheniller les abrogations ?
Monsieur LECOURT rappelle qu'il s'agit là d'une pratique constante chez le Conseil constitutionnel. Le Conseil a déjà été amené, f de mettre "par terre" l'ensemble de la loi, à rechercher quelle conséquence il fallait tirer des censures partielles qu'il prononçait. Il cite sur ce point la décision du 25 février 1982 qu'il a rapportée.
Monsieur VEDEL fait observer que l'abrogation tacite n'est pas affectée par la censure des abrogations prononcées par le Conseil constitutionnel. Ce que le Conseil vise ce sont les dispositions abrogatives expresses. La loi, amputée de ces articles, il y aurait nécessairement des effets d’abrogation tacite qui se produiraient. Mais, ce n’est pas au Conseil constitutionnel de les apprécier.
Toutefois, un point le trouble. Le Conseil, lorsqu'il censure ces abrogations, procède de manière logique. Toutefois, le dispositif ne fait pas toujours apparaître de manière suffisamment claire la démarche logique du Conseil constitutionnel. Il ne distingue pas ce qui est censuré comme étant contraire à la Constitution et ce qui est censuré par voie d'inséparabilité.
Monsieur le Secrétaire général fait observer que le projet du dispositif nouveau prend en compte cette préoccupation.
Monsieur le Président soumet ensuite l'ensemble du projet à l'approbation des membres du Conseil. Le projet est adopté l'unanimité.
Monsieur le Président remercie alors chaleureusement Monsieur MAYER pour l'effort qu'il a fourni et l'intérêt de son rapport et de son projet de décision. Les membres du Conseil applaudissent alors Monsieur MAYER.
Monsieur le Président lève la séance à 12 h 35.
A 15 heures, la séance est reprise.
Monsieur le Président demande, si tous les membres ont pu lire les dernières modifications apportées au projet de décision. Il exprime, pour sa part, le souhait, à la page 8, au deuxième considérant, à la troisième ligne, que l'on rajoute les mots : "que le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie".
Monsieur VEDEL rappelle que, dans sa décision de 1.984 sur la presse, le Conseil avait fait quelque chose d'équivalent. Il souscrit donc entièrement à la proposition de Monsieur le Président.
Le Conseil se rallie à cette proposition.
Monsieur LECOURT s'interroge, à la page 8, dernière ligne, sur l'opportunité du mot "décision".
Monsieur VEDEL se déclare partisan de maintenir le mot "décision" qui explique bien une volonté d'imposer quelque chose. Il propose, par ailleurs, au deuxième considérant de la page 9, de remplacer l'expression "dans le secteur public" par l'expression "dans ce secteur".
Le Conseil accepte cette modification.
Page 21 bis, à la quatrième ligne, Monsieur VEDEL propose de mettre le verbe "serait" â la place de "sera". Le Conseil accepte également cette modification.
Il propose également quelques modifications rédactionnelles aux pages 23 et 31 qui sont acceptées par le Conseil.
Monsieur le Président suggère de resserrer, en la concentrant, la rédaction du projet. Il demande également aux membres de garder le secret de la décision jusqu'à 17 heures. Puis, il lève la séance à 15 h 10.