La séance est ouverte à 15 heures. Tous les membres sont présents.
Monsieur le Président signale qu'il sera obligé d'interrompre la séance à 17 h 20 en raison d'un rendez-vous.
Il donne la parole à Monsieur Léon JOZEAU-MARIGNE qui présente son rapport sur la loi de finances rectificative pour 1989.
"Monsieur le Président, mes Chers Collègues,
La loi de finances rectificative pour 1989 est déférée par 78 sénateurs du R.P.R.
Ils contestent les articles 28 et 35 du projet de loi qui sont devenus, dans le texte définitif, les articles 40 et 53.
L'article 40 crée une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux dans la région Ile-de-France et en définit le régime.
L'article 53 ouvre, à compter du 1er mars 1990, dans les écritures du Trésor un compte d'affectation spéciale intitulé "Fonds pour l'aménagement de l'Ile-de-France". L'article caractérise l'affectation du compte. Il s'agit d'aider la construction et les transports dans certaines parties de la région Ile-de-France.
Les auteurs de la saisine nous demandent de juger que ces dispositions sont contraires au principe d'égalité devant la loi contenu dans l'article 2 de la Constitution et à celui de la libre administration des collectivités territoriales posé par l'article 72.
Je n'ai guère d'hésitation à vous proposer de rejeter ces contestations.
I - En ce qui concerne le principe d'égalité devant la loi :
Les sénateurs font valoir que les dispositions concernées créent à l'évidence une disparité, une inégalité, entre les différentes régions composant le territoire français en instituant un impôt spécifique à une région nominativement désignée.
Le principe d'égalité n'aurait, selon eux, été respecté que si le Parlement avait fixé un critère juridique et objectif de différenciation pour opérer une distinction entre les régions.
- la violation du principe d'égalité devant la loi est souvent invoquée devant nous.
Nous en avons précisé les contours dans ce qui est devenu un considérant de principe :
"Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit".
En matière d'égalité devant l'impôt, la mise en oeuvre de ce principe nous a conduit à reconnaître une large marge d'appréciation au législateur, sous réserve que les critères de différenciation retenus par lui soient en rapport avec le but qu'il s'assigne.
Or, ces principes sont respectés en l'espèce : les conditions du traitement différencié existent et elles sont objectivement déterminées.
Il suffit pour s'en convaincre de se reporter à l'exposé des motifs qui souligne l'existence d'une situation particulière et la nécessité d'y porter remède.
Ainsi, peut-on lire dans l'exposé des motifs de l'article 38 :
"Le Gouvernement a décidé d'engager en Ile-de-France, avec les collectivités locales, un programme visant à corriger les déséquilibres les plus graves que connaît cette région : difficulté de logement, saturation des infrastructures de transport, aggravation de l'éloignement entre les lieux de travail et l'habitation".
Dès lors qu'on se trouve devant une situation spécifique à laquelle tente de répondre une politique fiscale adaptée, je ne vois pas en quoi le principe d'égalité serait atteint.
II - Je serai très bref sur le second point relatif à la libre administration des collectivités territoriales.
Les sénateurs auteurs de la saisine partent du principe que toute imposition perçue localement et localement utilisée est une imposition locale, ce qui justifie la compétence des organes représentatifs de la collectivité concernée pour son établissement.
Il y a là une analyse qui est évidemment inacceptable sauf à interdire à l'Etat d'asseoir un impôt sur une activité géographiquement délimitée. Une telle construction, éminemment réductrice des compétences de l'Etat, ne repose certainement pas sur les implications de l'article 72 de la Constitution.
Nous nous trouvons tout simplement devant la création d'un impôt de l'Etat, dont l'assiette est déterminée librement par le législateur conformément à la compétence que lui donne la Constitution et la contestation est ainsi sans pertinence.
Je vous propose donc de juger que les articles contestés ne sont pas contraires à la Constitution.
Mais je n'en resterai pas là. Je vais prolonger mon exposé à partir d'un problème qui se pose à nous et qui concerne le dispositif de notre décision. Devons-nous nous en tenir seulement au rejet des contestations relatives aux articles 40 et 53 ou devons-nous mentionner la conformité de la loi de finances rectificative à la Constitution ? J'ai penché pour la première solution, après en avoir discuté avec Monsieur le Secrétaire général. Mais justement la discussion sur l'espèce de blanc-seing que constitue le brevet de conformité donné à la loi toute entière nous a conduit à nous interroger sur l'existence de cavaliers budgétaires. Or, en cherchant, nous en avons trouvé un, d'où la variante qui vous est soumise en même temps que le projet de rejet
Si vous partagez cette analyse, nous pourrions nous limiter dans le dispositif à cette censure sans souligner que les autres dispositions de la loi sont conformes à la Constitution. Nous avons déjà utilisé cette formulation en 1987 et en 1988.
Monsieur le Président : Merci Monsieur le rapporteur. Le problème que vous posez pour terminer est un problème que nous connaissons bien. Peut-on donner un label de constitutionnalité alors que nous ne sommes pas en état de tout vérifier ? Il faut censurer ce qui correspond manifestement à des cavaliers budgétaires. Mais il ne faut pas donner un blanc-seing pour le reste. La formule restrictive que vous nous proposez est une formule que nous avons déjà retenue pour des lois de finances. J'ouvre la discussion sur ce rapport.
Monsieur Robert FABRE se demande si la censure concernant l'intégration de fonctionnaires de Nouvelle-Calédonie dans un corps métropolitain ne risque pas d'etre perçue comme une brimade. N'y-a-t-il pas eu des engagements sur ce point dans les Accords Matignon ?
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Ce qu'il faudrait pour résoudre cette question c'est une autre loi !
Monsieur le Président : Je comprends très bien la question posée par Monsieur FABRE mais ce n'est pas le problème de fond qui est posé, c'est celui de la procédure.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Si les crédits existent il n'y aura pas de problème, pour répondre à l'inquiétude de Monsieur FABRE qui est parfaitement justifiée. Mais la solution interviendra dans le cadre de la loi ordinaire.
(1) Voir le dossier de séance
Monsieur FAURE : Un problème identique s'est posé pour les fonctionnaires de Tunisie, du Maroc et de l'Algérie, en 1956, 1957 et 1958. C'était le Président Marceau LONG qui avait été chargé du problème avant 1959. Il avait fallu une loi spécifique pour résoudre les problèmes dont j'avais eu à m'occuper.
Monsieur le Président : Tout cela est très judicieux mais n'est pas directement lié à notre problème de "cavalier".
Monsieur CABANNES : Le projet n° 1
Monsieur ROBERT : Je suis favorable à la variante.
Monsieur FAURE : Je suis pour la variante, mais elle risque d'être mal interprétée. Cependant, si c'est soulevé !
Plusieurs membres font remarquer que le moyen n'est pas soulevé.
Monsieur le Président : Il y a quand même une procédure qui n'est pas conforme ; cela est évident.
De toute façon, nous aurons à choisir entre deux dispositifs. Je propose que nous passions à la lecture et ensuite au vote.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE souligne qu'il s'est informé sur la recette concernant la taxe sur les bureaux. Elle est de l'ordre de 1 Milliards de Francs.
Monsieur FAURE : Cela ne va pas très loin !
Monsieur JOZEAU-MARIGNE donne lecture du projet de décision.
Monsieur FABRE se demande si le deuxième alinéa de la page 3 est suffisamment équilibré dans sa rédaction. Ne faudrait-il pas écrire "d'engager et d'encourager..." dès lors que ce n'est pas seulement l'Etat qui est en cause ?
Monsieur JOZEAU-MARIGNE répond que tous les éléments qui ont motivé le législateur sont bien indiqués dans la décision.
Monsieur FABRE : Je n'insiste pas, si vous pensez que la formulation est équilibrée.
Monsieur le Président considère que la formulation est effectivement équilibrée.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE achève la lecture du projet de décision et donne aussi lecture de la variante concernant l'article 61
Monsieur le Président met au voix la version avec la variante et celle sans la variante.
Le texte de la décision avec la variante est adopté à l'unanimité moins la voix de Monsieur CABANNES.
(1)(2) Voir le dossier de séance,
Monsieur le Secrétaire général s'interroge sur la date du délibéré qui doit être mentionnée.
Monsieur le Président demande que soient indiquées les dates des 28 et 29 décembre 1989 puisque les deux décisions concernant la loi de finances pour 1990 et la loi de finances rectificative pour 1989 seront rendues publiques en même temps.
-oOo-
Monsieur le Président : Nous passons aux choses sérieuses avec la loi de finances.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE :
"Monsieur le Président, mes Chers Collègues,
L'an passé, à pareille époque, nous avions constaté que la loi de finances de l'année ne nous était pas soumise et nous en étions presque à le regretter.
La situation est toute différente cette année.
La loi de finances pour 1990 est attaquée devant nous. Il n'y a pas qu'une saisine, mais trois comme vous avez pu le constater.
D'abord, une saisine des députés R.P.R. qui est particulièrement fournie et d'un intérêt inégal.
Ensuite, une saisine des sénateurs qui est beaucoup mieux construite.
C'est Monsieur Roger CHINAUD, rapporteur général du budget, qui est venu la déposer lui-même au Conseil constitutionnel le 23 décembre en fin de journée.
Il y a enfin une saisine des députés centristes qui contestent exclusivement la régularité de la mise en oeuvre de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.
On pourrait évidemment s'interroger sur la profusion soudaine des saisines en matière budgétaire. Je me bornerai sur ce point à deux brèves réflexions.
D'une part, il faut y voir un signe de la détérioration du climat au sein des assemblées en fin de session. La multiplication des amendements de dernière heure et le recours fréquent à l'article 49, alinéa 3, laissent inévitablement quelques traces dans les esprits.
D'autre part, et c'est surtout sensible dans le cas de la saisine des députés R.P.R., à une contestation d'origine proprement parlementaire s'ajoute une contestation émanant des milieux socioprofessionnels.
Cela confère aux arguments dont nous sommes saisis un caractère quelque peu disparate.
Aussi me suis-je efforcé d'introduire un minimum d'ordre et de logique.
Je serai conduit, dans un souci de clarté, à exposer devant vous :
- dans une première partie, toutes les questions se rattachant à la procédure ;
- dans une seconde partie, tout ce qui a trait au contenu des articles contestés.
Les moyens relatifs à la procédure législative peuvent être regroupés sous quatre rubriques :
- les moyens tirés du recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution ;
- les moyens tirés de la procédure suivie pour la suppression de l'article 33 ter du projet de loi de finances et de ses conséquences sur l'article d'équilibre ;
- les moyens tirés de la procédure suivie pour introduire par voie d'amendements des dispositions nouvelles au cours de la discussion parlementaire ;
- les moyens relatifs à l'introduction de cavaliers budgétaires.
SUR LES MOYENS TIRES DU RECOURS A L'ARTICLE 49, ALINEA 3, DE LA CONSTITUTION :
Les recours des groupes R.P.R. et U.D.C. de l'Assemblée nationale font valoir qu'en l'absence du Premier ministre, c'est Monsieur Lionel JOSPIN, Ministre d'Etat, Ministre de l'Education nationale, de la Jeunesse et des Sports, qui a été chargé de l'intérim du Premier ministre et a engagé la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur la première partie de la loi de finances en nouvelle lecture, le 14 décembre 1989, à 0 h 55. Or, le décret du Président de la République, contresigné par le Premier ministre, désignant Monsieur Lionel JOSPIN comme Premier ministre par intérim, daté du 14 décembre, a été publié au Journal officiel du 15 décembre.
En fonction de cette situation de droit et de fait, les saisissants dénoncent trois irrégularités.
Ils soulignent tout d'abord qu'aux termes de l'article 49, alinéa 3, seul le Premier ministre peut "après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote d'un texte".
Non seulement le Premier ministre n'aurait pas été présent pour engager la responsabilité du Gouvernement mais le compte rendu officiel du Conseil des ministres du 13 décembre 1989 ne fait pas état d'une telle délibération.
Par ailleurs, les députés ne pouvant avoir connaissance du décret du Président de la République, celui-ci ne leur était pas opposable.
Je répondrai d'abord sur le moyen tiré de l'absence de délibération en conseil des ministres pour me concentrer ensuite sur l'intérim du Premier ministre.
En réalité, le Conseil des ministres, au cours de sa réunion du 13 octobre 1989, a bien délibéré sur l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le projet de loi de finances. Cette partie de la délibération n'a pas été rendue publique. Mais je me suis fait communiquer un extrait du relevé de décisions qui est formel. Par conséquent, les conditions posées par la Constitution pour la mise en oeuvre de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, se trouvaient réunies.
Tout au plus, convient-il de faire l'effort d'admettre qu'une délibération du conseil des Ministres autorisant le recours à l'article 49, alinéa 3, vaut pour l'ensemble de la procédure législative.
J'en viens maintenant à l'intérim.
La Constitution de 1958 qui règle de façon précise la vacance de la Présidence de la République ne contient aucune disposition fixant les conditions d'exercice des attributions du Premier ministre, lorsqu'il est empêché ou provisoirement absent.
Le Premier ministre absent, il importe cependant d'assurer la continuité de l'action du Gouvernement. C'est au Président de la République, qui a nommé le chef du Gouvernement et qui est chargé, notamment en application de l'article 5 de la Constitution, d'assurer par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et la continuité de l'Etat, de prendre les dispositions nécessaires pour que l'éloignement du Premier ministre ne paralyse pas l'activité gouvernementale. Le décret du Président de la République, contresigné par le Premier ministre, qui désigne personnellement un ministre chargé d'assurer l'intérim du Premier ministre, va incontestablement au-delà du concept de délégation par le Premier ministre à un ministre d'une partie de ses pouvoirs qui est envisagé par l'article 21 de la Constitution.
L'intérim est un concept dégagé par notre droit public et plus précisément par la jurisprudence du Conseil d'Etat.
L'intérim constitue une des institutions visant à assurer la continuité. Il concerne le cas dans lequel cette continuité est menacée par un empêchement provisoire d'une autorité ou d'un agent ou par l'empêchement définitif qui se traduit par la vacance du poste.
Dans ces cas, une autorité supérieure va désigner un intérimaire qui remplira la fonction jusqu'à la fin de l'empêchement temporaire ou l'entrée en service du nouveau titulaire.
L'intérim est généralement prévu par un texte. Cependant, les nécessités de la continuité des services publics conduisent à admettre qu'en l'absence d'un texte l'autorité dotée du pouvoir hiérarchique peut désigner un intérimaire.
C'est ainsi que par un arrêt du 31 octobre 1980, le Conseil d'Etat a admis qu'en cas d'absence du Premier ministre le Président de la République pouvait, de manière à assurer la continuité de l'action gouvernementale, charger un ministre d'exercer les pouvoirs que le Premier ministre "n'exercera pas en raison de son absence".
L'intérim doit être de brève durée.
Les pouvoirs de l'intérimaire peuvent être précisés par les textes. A défaut, la jurisprudence du Conseil d'Etat a admis, en ce qui concerne les ministres intérimaires qu'ils possédaient : "l'intégralité des pouvoirs attachés à la fonction" (arrêt du Conseil d'Etat, MOLLARET du 29 janvier 1965).
L'intérimaire perd tout pouvoir lorsque cesse l'empêchement provisoire sans qu'il soit besoin d'un acte juridique mettant fin à l'intérim.
Il me semble que le Conseil constitutionnel peut faire siens les principes ainsi dégagés par la jurisprudence administrative.
Reste, il est vrai, une dernière difficulté ; c'est celle de la date d'effet du décret désignant l'intérimaire.
Il est exact que les règles de droit commun en la matière sont celles définies par le décret-loi du 5 novembre 1870.
Si on applique à la lettre ce texte, le décret chargeant Monsieur JOSPIN de l'intérim ne serait entré en vigueur qu'un jour franc à compter de sa publication au Journal officiel.
Mais il me semble possible d'admettre que le décret individuel chargeant un ministre d'assurer la continuité de l'action gouvernementale en l'absence du Premier ministre produit effet dès sa signature.
Le Conseil d'Etat l'a admis à propos du décret de nomination d'un nouveau Premier ministre. Cette solution me paraît ici transposable.
Monsieur le Président : J'ouvre la discussion.
Monsieur CABANNES : Je tiens d'abord à rendre hommage au rapporteur qui a dû accomplir un travail considérable dans un délai record. Je préfère les problèmes de fond aux questions de procédure mais, si on lit l'article 21 de la Constitution, ses dispositions me paraissent très claires. Le deuxième alinéa prévoit que le Premier ministre peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres. Cependant, les honneurs comme les charges ne se délèguent pas et les actes du Président de la République qui ne sont pas soumis au contreseing sont limités par la Constitution. A mon sens, le Premier ministre qui exerce l'intérim ne dispose pas des mêmes pouvoirs que le Premier ministre. Il peut exercer tous les pouvoirs sauf celui d'engager la responsabilité du Gouvernement. La mise en oeuvre de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, peut déboucher sur la dissolution. Il s'agit là d'une question essentielle qui relève de la seule responsabilité du Chef du Gouvernement.
Monsieur ROBERT : L'existence de la délibération en Conseil des Ministres ne fait pas problème puisqu'elle existe. S'agissant de la date d'effet du décret désignant l'intérimaire, il n'est pas besoin d'attendre sa publication au Journal officiel. Le décret est d'effet immédiat.
En revanche, je rejoins Monsieur CABANNES sur le terrain de la mise en jeu de la responsabilité gouvernementale car le recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution par le Premier ministre par intérim me paraît être une dérive contraire à la lettre et à l'esprit de la Constitution.
En effet, celle-ci mentionne la vacance du pouvoir dans certains cas mais n'évoque ni l'intérim du Premier ministre ni la suppléance. Il n'est question que de délégation de certains pouvoirs.
Or, l'expérience montre que depuis 1958 les délégations de pouvoir du Premier ministre aux ministres ne portent que sur la gestion des affaires courantes et, lorsque le Conseil d'Etat dit que l'intérimaire est chargé de la totalité des pouvoirs, il ne vise que la gestion quotidienne et il censure toute délégation qu'il trouverait trop large ou dont le cadre et l'objet ne seraient pas définis avec assez de précision. C'est précisément parce que la délégation présente ces défauts qu'il a été recouru à la formule de l'intérim mais celui-ci ne recouvre pas, à mon sens, l'exercice des fonctions essentielles, constitutionnelles pour au moins deux raisons.
La première tient au texte même de la Constitution. C'est en effet le Premier ministre et non le Gouvernement qui engage la responsabilité devant l'Assemblée nationale. J'ajoute que le Président de la République par intérim, en vertu de l'article 7 de la Constitution ne dispose pas de la plénitude des pouvoirs du Président de la République puisqu'il ne peut ni soumettre au référendum un projet de loi dans le cadre de la Constitution, ni prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale. Or, ce n'est pas une coïncidence si le Président de la République par intérim ne dispose pas du pouvoir de dissolution. Cette restriction va dans le sens de ma thèse dans la mesure où le Premier ministre par intérim ne peut avoir la totalité des pouvoirs qui est refusée au Président de la République.
Admettre que le Premier ministre par intérim peut engager la responsabilité du Gouvernement c'est en outre aller à l'encontre de la pratique de la Vème République. L'article 49, alinéa 3, de la Constitution a été utilisé 41 fois depuis 1958 mais le Premier ministre était toujours présent. Cela est toujours resté une prérogative fondamentale du Premier ministre. Ou va-t-on si l'intégralité des pouvoirs du Premier ministre est transférée à un vulgaire ministre ? Je n'accepte pas cette dérive qui bafoue les droits du Parlement. On ne peut laisser passer cette pratique qui est inacceptable même s'il n'y a pas eu de violation de la Constitution.
Monsieur le Président : Je vous remercie Monsieur le Professeur.
Monsieur FAURE : On ne peut pas échapper à la question de savoir si cette procédure était ou non conforme à la Constitution. Je commencerai par là où Monsieur ROBERT a terminé. Je vois mal comment on peut dire que cette procédure était contraire à la Constitution tout en la laissant passer. Il faut aussi se rendre compte des conséquences d'une censure. Cela reviendrait à jeter à bas toute la loi de finances. Il faut à nouveau convoquer le Parlement pour voter un texte identique. Ce scénario serait mal compris.
Pour revenir aux notions de délégation et d'intérim, je tiens à souligner qu'à l'inverse de la délégation qui a un champ limité celui de l'intérim ne l'est pas. De plus, c'est un décret du Président de la République contresigné par le Premier ministre qui désigne le Premier ministre par intérim et, en l'espèce, il s'agit du numéro deux du Gouvernement.
Aucune disposition ne limite cet intérim.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : C'est très important.
Monsieur FAURE : C'est fondamental. On ne peut mettre sur le même plan l'intérim du Président de la République et l'intérim du Premier ministre. La vacance du Président de la République est prévue. L'intérim du Premier ministre ne dure en fait que quarante-huit heures. En outre, je maintiens qu'aucune disposition constitutionnelle n'évoque l'intérim du Premier ministre.
Monsieur ROBERT : La Constitution n'en parle pas.
Monsieur FAURE : Elle n'en parle pas précisément pour ne pas le limiter. Le Premier ministre par intérim s'adresse au Parlement dans les mêmes conditions que le Premier ministre. J'observe aussi que, dans les faits, cet engagement de responsabilité du Gouvernement traduit bien un accord entre le Premier ministre et le Premier ministre par intérim. Par conséquent, pour toutes ces raisons et par souci de bon sens, je rejoins notre rapporteur.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : J'ai écouté ces trois avis successifs et malgré les raisons pratiques avancées par Monsieur FAURE, je me range aux arguments juridiques de Monsieur ROBERT.
Monsieur MAYER : J'étais déjà convaincu avant d'entendre Monsieur FAURE car on joue plus sur des mots que sur des faits. Pour moi, le Gouvernement a décidé de poser une question de confiance devant l'Assemblée nationale et il l'a fait par l'intermédiaire du Premier ministre par intérim. Cela ne fait pas problème.
Monsieur FABRE : Je ferai une comparaison à l'échelon municipal. Lorsque le maire n'est pas là, le premier adjoint assume tous ses pouvoirs, même sans texte. Si nous prenons une décision contestant la conformité en l'espèce de la procédure de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, nous devons être ferrés à glace sur le sujet et nous ne pouvons nous permettre d'improviser.
Monsieur LATSCHA : Je suis troublé. Cette question a à la fois un aspect concret et un aspect rédactionnel touchant aux termes mêmes de la Constitution. Il apparaît clairement que celle-ci ne prévoit l'intérim que pour le Président de la République. Aussi, dans le silence des textes, d'autres moyens sont utilisés mais je considère que le recours à l'intérim peut certes régler le problème mais peut être aussi analysé comme un subterfuge pour tourner la Constitution. Enfin, j'ajoute que le Premier ministre pourrait assister au vote définitif de la loi de finances. Pour cette série de raisons, je partage l'opinion de Monsieur ROBERT.
Monsieur le Président : On peut déplorer l'existence ou l'utilisation de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Personnellement, je n'y ai jamais eu recours. On peut aussi regretter que le Premier ministre ait été remplacé par un Premier ministre par intérim. Cela n'est pas convenable pour reprendre les mots d'un ancien Premier ministre qui fut diplomate
Cela dit, le Premier ministre aurait dû être là. Mais, si nous censurons la procédure d'adoption de la loi de finances, nous créons en fait une nouvelle règle, une adjonction à la Constitution en disant : "Voilà ce que l'intérimaire ne peut pas faire au nom de la Constitution". Par là même, nous interdisons au Premier ministre d'avoir la possibilité de laisser un Premier ministre par intérim exercer toutes les prérogatives du Chef du Gouvernement. Or, si nous pouvons critiquer le législateur, nous ne pouvons nous permettre d'assortir l'application de la Constitution de conditions supplémentaires. Je m'interroge aussi sur le point de savoir si nous n'avons pas été déjà confrontés à un tel problème.
Monsieur le Président se tourne vers Monsieur le Secrétaire général.
(1) Monsieur Maurice COUVE DE MURVILLE
(2) C.E., 29 Janvier 1965, MOLLARET et Syndicat national des médecins, chirurgiens et spécialistes des hôpitaux publics, p. 61).
Monsieur le Secrétaire général : Le problème ne s'est pas posé devant le Conseil constitutionnel mais devant le Conseil d'Etat. Dans ses conclusions sur l'arrêt d'assemblée du 31 octobre 1980, F.E.N. et S.N.I., C.G.T., Fédération nationale des unions de jeunes avocats et Verdet, Syndicat des avocats de France
Par conséquent, l'idée que l'on trouve aussi sous la plume du Doyen AUBY dans un article paru dans la Revue de droit public
Enfin, la jurisprudence administrative a décidé que les ministres intérimaires possédaient l'intégralité des pouvoirs attachés à la fonction qui leur est conférée à titre intérimaire
Monsieur le Président : Vous savez comment cela se passe. Le premier ministre demande l'autorisation d'engager la responsabilité du Gouvernement sur un texte, en conseil des ministres. Si je vous suis, il faut admettre que le Premier ministre par intérim n'était pas habilité à engager la responsabilité du Gouvernement dans la mesure où ce pouvoir ne figurait pas dans le décret le nommant Premier ministre par intérim. Mais, il est devenu Premier ministre lui-même. Par conséquent, s'engager sur cette voie revient à créer une rupture avec la jurisprudence du Conseil d'Etat alors même qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de modifier la Constitution. Dans ces conditions, je suivrai l'avis de notre rapporteur.
(1) Conclusions de Michel FRANC à la Revue de droit public 1981, p. 499 et s.
(2) L'intérim. Jean-Marie AUBY, Revue de droit public 1966, p. 864.
(3) cf. supra, 29 janvier 1965, MOLLARET et Syndicat national des médecins, chirurgiens et spécialistes des hôpitaux publics.
Monsieur FAURE : Que dit le texte du décret nommant le ministre d'Etat Premier ministre par intérim ?
Monsieur le Président en donne lecture.
Monsieur ROBERT : J'avoue ne pas avoir été convaincu par votre analyse. Lorsque le Conseil d'Etat a élaboré la théorie de l'intérim, il visait la gestion des affaires courantes et le remplacement d'un ministre par un autre ne recouvrait pas l'engagement de la responsabilité du Gouvernement.
Ma seconde observation porte sur la Constitution qui, pour l'intérim, ne prévoit qu'une délégation partielle.
Monsieur le Secrétaire général : La délégation prévue dans le cadre de l'article 21 de la Constitution concerne essentiellement le pouvoir réglementaire.
Monsieur CABANNES : Je comprends tous les désagréments que causerait une annulation pour le Gouvernement. Il y en a déjà eu une.
Monsieur le Secrétaire général : Il y a effectivement le précédent de la loi de finances pour 1980.
Monsieur CABANNES : Vous m'avez convaincu en grande partie mais je ne partage pas vos dernières observations car, en censurant cette procédure, nous n'ajoutons rien à la Constitution puisque la notion de Premier ministre par intérim n'est pas prévue par la Constitution.
Monsieur le Président : L'arrêt du Conseil d'Etat du 31 octobre 1980 vise bien le Premier ministre par intérim
Monsieur LATSCHA : De quoi s'agit-il ?
Monsieur le Secrétaire général : Le décret attaqué instituait la gratuité des actes de justice devant les juridictions civiles et administratives. Il s'agissait d'un décret d'application de la loi du 30 décembre 1977. Ce décret n'avait pas été signé par le Premier ministre mais, en son absence, en application d'un décret dit de délégation, par le Garde des Sceaux, Ministre de la justice. Le syndicat qui avait déposé le recours estimait que cette délégation était irrégulière. Les notes que j'avais prises au cours de la séance de l'assemblée du contentieux montrent bien que, dans son raisonnement, le Conseil d'Etat a entendu combler le vide de la Constitution à l'aide de sa jurisprudence et le développement de votre rapporteur s'inscrit parfaitement dans la ligne de la jurisprudence du Conseil d'Etat.
(1) F.E.N. et S.N.I., C.G.T., Fédération nationale des unions de jeunes avocats et Verdet, Syndicat des avocats de France, p. 395).
Monsieur LATSCHA : Je vous remercie pour ces précisions mais je n'ai pas le sentiment que nous ajoutons de nouvelles dispositions à la Constitution. Nous interprétons celle-ci.
L'article 49, alinéa 1er, de la Constitution prévoit que "le Premier ministre, après délibération du conseil des ministres, engage devant l'Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement...". Or, cette délibération date du 17 octobre et l'intérim s'est produit en décembre. Par conséquent, si nous censurions, nous ne ferions, je le répète, qu'interpréter la Constitution.
Vous avez parlé de vacance mais la vacance de la Présidence de la République est prévue par l'article 7 de la Constitution. En revanche, il n'en est rien pour le Premier ministre et accepter le recours à l'intérim pour lui revient à mettre l'intérim à toutes les sauces et à vider les fonctions du Premier ministre de leur importance.
Monsieur le Président : En suivant ce raisonnement, vous allez au-delà de l'interprétation. Or, de quelque façon que l'on lise la Constitution, il n'est dit nulle part que le Premier ministre se voit interdire d'être remplacé pour exercer certaines fonctions. A partir du moment où vous dites qu'il ne peut pas le faire, j'estime que vous n'avez pas le droit de le dire car, en le disant, vous ajoutez une nouvelle règle à la Constitution. Je vous défie d'ailleurs de trouver une disposition dans la Constitution qui vous autorise à affirmer l'absence du droit d'un Premier ministre intérimaire à engager la responsabilité du Gouvernement. Une telle démarche n'a pas de fondement constitutionnel. Ce n'est plus le Gouvernement des juges, c'est la Constitution des juges !
Monsieur FAURE : Je partage tout-à-fait votre analyse et je renverserai celle de Monsieur LATSCHA en disant que nous interprétons le texte constitutionnel alors que son raisonnement conduit à ajouter de nouvelles dispositions à la Constitution dans la mesure où aucune règle n'interdit à un ministre d'engager la responsabilité du Gouvernement. En effet, cela est couvert par l'intérim.
Monsieur ROBERT : L'intérim n'est pas constitutionnel.
Monsieur FAURE : Je vous renvoie à la jurisprudence du Conseil d'Etat qui a été citée tout-à-l'heure.
Monsieur ROBERT : La responsabilité du Gouvernement n'était pas en cause.
Monsieur FAURE : Dans l'hypothèse de l'intérim, un ministre ordinaire assure la totalité des pouvoirs comme on l'a vu. La même règle s'applique pour l'intérim du Premier ministre.
Monsieur CABANNES : Les pouvoirs du Premier ministre intérimaire n'entrent pas dans le champ de l'intérim, puisqu'il n'y a rien sur l'intérim dans la Constitution, mais se rattachent à la délégation des pouvoirs prévue par l'article 21 de la Constitution. Dans le silence de la Constitution sur l'intérim, c'est à nous de dire le droit.
Monsieur le Président : A ce moment-là, tous les intérims seraient irréguliers mais, en affirmant que l'intérim n'existe pas, vous procédez à une adjonction à la Constitution.
Monsieur MAYER : J'ai fait, tout-à-l'heure, une intervention élémentaire mais, lorsque je prends le considérant relatif à l'intérim du Premier ministre contenu dans le projet de décision, je lis : "... pendant l'absence de ce dernier (le Premier ministre), le Président de la République a, ainsi que l'y habilite l'article 5 de la Constitution, pris les dispositions nécessaires pour assurer la continuité de l'action gouvernementale". Par conséquent, le recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, dans ce cas de figure, s'inscrit bien dans la poursuite de l'action gouvernementale qui, autrement, aurait été interrompue.
Monsieur ROBERT : Si nous censurions, le Premier ministre reviendrait devant l'Assemblée nationale pour engager la responsabilité du Gouvernement comme cela a été pratiqué quarante-et-une fois jusqu'ici.
Monsieur MAYER : Le Premier ministre peut être malade ou aux Indes, que sais-je !
Monsieur FAURE : Il peut être aphone aussi !
Monsieur FABRE : L'article 21 de la Constitution évoque la délégation de certains pouvoirs du Premier ministre or, qu'est-ce qui dit que, précisément, il n'a pas délégué le pouvoir d'engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale ?
Monsieur le Président : Ce qui est en cause, c'est l'intérim.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Chacun s'est exprimé et a mesuré les conséquences d'une annulation de la loi de finances. Monsieur FAURE a particulièrement souligné les incidences d'une telle décision si elle était prise. Je resterai fidèle à mon rapport. Nous sommes confrontés à un problème de définition. En effet, nous sommes en train de chercher s'il y a une différence entre l'intérim et la délégation. Or, l'intérim du Premier ministre n'étant pas explicité dans la Constitution, on ne peut en tirer aucun enseignement pour affirmer qu'il est limité. Cependant, l'intérim ne saurait être confondu avec la délégation car celle-ci répond à un objet ponctuel et précis.
Pour reprendre une expression familière dans ma région, nous dirions du Premier ministre intérimaire qu'il est "pouillé", ce qui signifie qu'il a tous les droits et tous les devoirs. Cette notion d'intérim n'a jamais été contestée juridiquement et nous serions bien en peine de comptabiliser tous les ministres intérimaires de la Vème République. Monsieur ROBERT a dit tout-à-l'heure que les pouvoirs du Président de la République par intérim étaient limités mais là, pour ce qui nous concerne, aucun texte ne définit l'intérim du Premier ministre. Si les pouvoirs du Président de la République intérimaire font l'objet de restrictions, on peut se demander pourquoi il n'en est pas de même pour le Premier ministre intérimaire. Si le constituant avait voulu aller dans ce sens, il l'aurait prévu.
En outre, je pense, pour ma part, que le décret de nomination du Premier ministre intérimaire recouvre la gestion des affaires courantes. Or, qu'y-a-t-il de plus courant, de plus urgent que le vote du budget puisque le Parlement dispose d'un délai de soixante-dix jours pour se prononcer ? On peut donc très légitimement penser que le recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, s'inscrit bien dans la gestion des affaires courantes et que l'intérim du Premier ministre n'étant pas défini par la Constitution il n'est assorti d'aucune limitation.
Monsieur le Président : Nous allons maintenant passer au vote. Je mets aux voix le projet du rapporteur.
Celui-ci est adopté, Messieurs CABANNES, MOLLET-VIEVILLE, LATSCHA et ROBERT votant contre.
Monsieur FAURE : Le recours, en 1979, à deux votes séparés sur la loi de finances pour 1980 ne constituait pas une procédure cavalière.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE lit les considérants de la décision relatifs à l'application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution et à l'intérim du Premier ministre.
Le projet de décision est adopté.
Monsieur le Président : Nous allons nous arrêter là. Ce n'était pas une mince question.
La séance est suspendue à 16 h 55.
Messieurs les Conseillers fixent le calendrier des prochaines séances.
La séance est levée à 17 h 20.
-oOo-
La séance est reprise le vendredi 29 décembre à 10 heures en présence de tous les membres.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE :
Le deuxième moyen de procédure invoqué, cette fois, par le recours de la majorité sénatoriale, concerne la procédure d'adoption de la loi de finances et de l'article d'équilibre.
Les saisissants rappellent que l'article 33 ter du projet de la loi de finances a été inséré par un amendement du Gouvernement devant l'Assemblée nationale en première lecture. Cet article avait pour objet de majorer la taxe sur les véhicules des sociétés afin de financer un certain nombre d'ajustements de crédits en seconde partie du projet de loi selon une pratique traditionnelle. L'article a été voté dans les mêmes termes par les deux assemblées. Mais il a été supprimé en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale dans la mesure où le projet de loi de finances rectificatives pour 1989 introduisait un article qui augmentait plus encore que la loi de finances pour 1990 la taxe sur les véhicules des sociétés, à compter du 1er octobre 1989.
a) Il est soutenu tout d'abord que cette suppression n'aurait pas respecté les termes de l'article 45 de la Constitution sur les textes en navette entre les deux assemblées.
Sur ce point, il peut être aisément répondu que l'article 33 ter ayant été supprimé, le Conseil ne peut en être valablement saisi puisqu'il ne figure pas dans le dispositif soumis à notre examen.
b) Les auteurs de la saisine sénatoriale invoquent un second moyen tenant à souligner que la suppression de cet article 33 ter a eu nécessairement une incidence sur l'article d'équilibre de la loi de finances pour 1990.
Mais, à partir du moment où cette majoration de recettes a été prévue dans la loi de finances pour 1989, elle est intégrée dans la loi de finances pour 1990. Celle-ci entérine en quelque sorte la loi de finances rectificative de l'exercice passé. Par conséquent, je vous proposerai d'écarter aussi ce moyen.
Pour illustrer ce propos, j'ai qualifié cette méthode de "billet aller-retour" et j'ai dit aux représentants du Gouvernement qu'il ne convenait pas de multiplier les recours à cette procédure. Cela dit, les moyens invoqués ne résistent pas à l'examen.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE lit le passage du projet de décision relatif à la suppression de l'article 33 ter du projet de loi.
Monsieur ROBERT : Nous pourrions nous dispenser peut-être d'expliciter le contenu de l'article 61 de la Constitution.
Monsieur le Président : Effectivement.
Cette modification, telle qu'elle figure dans la rédaction définitive de la décision, est adoptée.
Monsieur LATSCHA : Je suggérerai aussi de supprimer, dans le premier considérant, les mots "davantage que ne le faisait l'article 33 ter".
Cette modification est adoptée avec l'accord de Monsieur JOZEAU-MARIGNE.
La partie du projet de décision relative à l'article 33 ter ainsi amendée est adoptée.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE poursuit la présentation de son rapport.
Un troisième groupe de moyens consiste à critiquer l'insertion, par voie d'amendements, de modifications ou d'articles nouveaux dans la loi de finances. Selon le cas, c'est le moment de l'insertion qui est critiqué ou l'ampleur et la portée de l'amendement.
Ces moyens sont soulevés à propos des articles 73, 79, 99 à 106 et 108 de la loi déférée.
a) S'agissant de l'article 73, la saisine du groupe R.P.R. conteste son adoption, au motif qu'il aurait été introduit par un amendement du Gouvernement en nouvelle lecture après échec de la commission mixte paritaire. Il avait pour objet d'inscrire à l'état H le chapitre 45-40 : "Contributions de l'Etat à la S.N.C.F." du budget des transports terrestres. Son adoption serait contraire à l'article 42 de la Constitution dans la mesure où cet article dispose qu'"une assemblée saisie d'un texte votée par l'autre assemblée délibère sur le texte qui lui est transmis" et contraire à l'article 45 de la Constitution, qui prévoit que "tout projet de loi est examiné successivement dans les deux assemblées en vue d'un texte identique".
Ce moyen n'est pas fondé au regard de notre jurisprudence.
Ni l'article 42, ni l'article 45 ne privent le Gouvernement du droit de déposer des amendements en cas d'échec de la commission mixte paritaire. Par sa décision n° 81-136 DC du 31 décembre 1981, le Conseil constitutionnel a estimé qu'aucune disposition de l'article 45 ne fixait de limitation du droit d'amendement lors de la lecture devant les assemblées après l'échec de la procédure de la commission mixte paritaire. Par suite, le Gouvernement peut introduire des dispositions nouvelles dans le texte en discussion, sous les seules réserves qu'elles soient soumises tour à tour à chaque assemblée et qu'elles ne soient pas dépourvues de tout lien avec le texte en discussion. Or, ces deux conditions ont bien été remplies. Je vous demande donc de rejeter le moyen de procédure dirigé contre l'article 73.
A propos de cet article, je voudrais ajouter quelques mots tirés de mon expérience parlementaire. Tous les gouvernements ne se sont pas privés de ce droit de dépôt d'amendement mais il est évident que cette intervention du Gouvernement est encore plus mal ressentie par les parlementaires lorsque la commission mixte paritaire est parvenue à élaborer un texte. Je me souviens que, lors de la discussion du texte de la loi sur la décentralisation, dans le cadre de la commission mixte paritaire que je présidais, le 16 décembre 1982, nous étions arrivés à un accord ; le texte de la commission mixte paritaire avait été adopté par treize voix et un vote blanc (Monsieur TOUBON). Le Ministre des Finances avait déposé quatorze amendements et le Ministre d'Etat, Ministre de l'intérieur, Monsieur Gaston DEFFERRE, avait été très surpris de cette pratique.
Par conséquent, celle-ci n'est pas nouvelle ; aussi, je m'étonne que les sénateurs utilisent cet argument aujourd'hui.
b) S'agissant de l'article 79, il faut savoir que cet article a pour origine un amendement des députés socialistes de la commission des finances de l'Assemblée nationale, adopté en première lecture le 16 novembre 1989.
Son dispositif tend à substituer à la part départementale de la taxe d'habitation due au titre des résidences principales une taxe proportionnelle sur le revenu. Il prévoit, en outre, la création d'une taxe sur les revenus soumis à prélèvement libératoire dont le produit est destiné à alimenter un fonds national d'aide aux départements.
Les auteurs de la saisine R.P.R. de l'Assemblée nationale soutiennent qu'”il dépasse les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement".
Or, je relève que cet article de caractère fiscal a sa place dans une loi de finances. Il a été introduit en première lecture à l'Assemblée nationale. Son ampleur n'est pas négligeable. Mais je ne crois pas que l'on puisse dire que son ampleur et sa portée soient telles que se trouvent méconnues les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement.
Je pense donc qu'il ne méconnaît pas les dispositions des articles 39, alinéa premier, et 44, alinéa premier, de la Constitution. En conséquence, le moyen invoqué appelle le rejet.
c) La même saisine estime que, globalement, les articles 98 à 106 de la loi déférée seraient inconstitutionnels au motif qu'il s'agirait d'un tout "visant à remettre en cause l'équilibre des rapports entre l'administration et les contribuables".
Ces dispositions sont inspirées des travaux d'une mission d'information de la Commission des finances de l'Assemblée nationale sur le contrôle fiscal, présidée par Monsieur Guy BECHE.
Son auteur a jugé opportun d'en reprendre quelques éléments pour les insérer dans le projet de loi de finances.
Je dirais que c'est de bonne guerre sur le plan parlementaire. Nous sommes aussi dans un cas limite au regard des principes posés par notre décision du 23 janvier 1987, à propos de l'amendement SEGUIN.
Néanmoins, je ne suis pas partisan de la censure pour vice de procédure des articles en cause et ceci pour deux motifs.
D'une part, dans la mesure où la "jurisprudence SEGUIN" est mal acceptée par les milieux parlementaires, il convient de ne pas en faire une application trop stricte, faute de quoi, les parlementaires désirant exercer leur droit d'amendement se sentiraient frustrés.
D'autre part, on peut relever que les articles portant sur les contrôles fiscaux ont été présentés, pour la quasi-totalité, en première lecture devant l'Assemblée nationale. De plus, ils se bornent à aménager la législation fiscale existante.
d) Le dernier article dont les députés R.P.R. contestent la constitutionnalité, toujours au nom de cette même jurisprudence du Conseil constitutionnel, est l'article 108.
Il s'agit de l'article sur les perquisitions fiscales sur lequel j'aurais l'occasion de revenir.
Il a été introduit en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale par le Gouvernement.
Deux moyens sont à examiner : d'une part, la contestation de l'ampleur de l'amendement et, d'autre part, la contestation du droit du Gouvernement à le déposer. Sur le premier point, on peut estimer que son ampleur n'est pas telle qu'il y ait méconnaissance du droit d'amendement, d'autant qu'il aménage des règles déjà en vigueur et qu'il s'inspire d'un amendement à la loi de finances rectificative pour 1989. Sur le second point, les saisissants estiment qu'à ce stade de la procédure, en nouvelle lecture, le Sénat n'a qu'une influence limitée puisqu'on lecture définitive, en cas d'échec de la commission mixte paritaire, l'Assemblée reprend le texte qu'elle a voté, modifié le cas échéant par un ou plusieurs amendements adoptés par le Sénat. Mais, ce faisant, cette procédure est celle qui est prévue par l'article 45, alinéa 4, de la Constitution. Il n'y a là aucun motif d'inconstitutionnalité comme le Conseil constitutionnel l'a jugé, par une décision du 31 décembre 1981. Je vous invite donc à rejeter là encore ce moyen.
Monsieur le Président : La discussion en première lecture est importante. Or, l'article 108 a été adopté après l'échec de la commission mixte paritaire.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Oui, la discussion en première lecture permet un large débat dans les deux Assemblées.
Monsieur le Président : Le Conseil doit respecter les droits de la minorité. KELSEN a écrit des choses très fortes là-dessus. Qui ferait respecter les droits de la minorité sinon le Conseil ? Je pense qu'il convient de distinguer les cas de figure qui peuvent se présenter. Il est évident que nous ne pourrions admettre, par exemple, que le Gouvernement modifie le code de procédure pénale dans son ensemble après l'échec de la commission mixte paritaire si l'on sait que ce code contient 434 articles.
Monsieur FAURE : Je voudrais vous poser une question pour m'instruire. Comment s'exerce le droit d'amendement en dernière lecture, dans la mesure où les amendements peuvent ne pas être examinés par les deux Assemblées ?
Monsieur le Secrétaire général : En cas d'échec de la procédure de la commission mixte paritaire, l'Assemblée nationale statue définitivement, après une nouvelle lecture devant chaque assemblée.
L'Assemblée nationale peut reprendre, soit le texte élaboré par la commission mixte paritaire, soit le dernier texte voté par elle, modifié, le cas échéant, par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat. Mais le Gouvernement ne peut rien ajouter.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Soit la commission mixte paritaire parvient à un accord, soit elle échoue et l'Assemblée nationale statue définitivement après une lecture devant chaque assemblée.
Monsieur le Président : Après l'échec de la commission mixte paritaire, c'est le Gouvernement qui, en s'appuyant sur la majorité à l'Assemblée nationale, détient la clef du problème. Mais, si la majorité fait la loi, il ne faut pas laisser écraser la minorité.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Effectivement, en cas d'échec de la commission mixte paritaire, il faut convenir que le Gouvernement et la majorité sont maîtres du jeu.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE lit le passage du projet de décision afférent à la modification par voie d'amendement de l'article 73 et à l'insertion, sous forme d'amendements, des articles 79, 99 à 106 et 108.
Le passage du projet de décision est adopté.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : J'en viens maintenant, avant d'aborder les moyens de fond, à l'analyse de deux articles dans lesquels les auteurs des saisines voient des cavaliers budgétaires.
Il s'agit des articles 47, paragraphe VIII, et 120.
a) L'article 47 concerne le prélèvement sur recettes dénommé dotation globale de fonctionnement prévu par la loi n° 79-15 du 3 janvier 1979. Le montant de la dotation globale de fonctionnement est versé par l'Etat aux collectivités locales et à certains de leurs groupements. L'article 47 de la loi fixe les modalités de calcul de ce prélèvement à partir du 1er janvier 1991.
Cela fait l'objet des paragraphes I à VII qui ne sont pas critiqués.
Le paragraphe VIII en cause précise :
"Pour 1990, il est notifié à chaque collectivité bénéficiaire, d'une part, le montant de la dotation globale de fonctionnement prévisionnelle pour 1990 qui lui revient et, d'autre part, par anticipation un complément à valoir sur la régularisation de la dotation globale de fonctionnement de l'année 1989.
Le montant total de la fraction de la régularisation notifiée par anticipation est égal à 4 % du montant de la dotation globale de fonctionnement inscrit en loi de finances pour 1989. Il est réparti selon les règles prévues pour la dotation initiale de l'exercice 1989.
Le solde éventuel de la régularisation de la dotation globale de fonctionnement de l'exercice 1989 dont le montant sera arrêté avant le 31 juillet 1990, après avis du comité des finances locales, sera réparti dans les conditions fixées par l'alinéa ci-dessus. La régularisation de la dotation globale de fonctionnement de l'exercice 1990 est elle-même répartie selon les règles prévues pour la dotation initiale de l'exercice 1990".
Les sénateurs font valoir que le paragraphe a trait aux modalités de répartition entre les communes de la dotation globale de fonctionnement et non à la fixation de son montant. Il serait dès lors étranger au domaine imparti aux lois de finances.
Rappelons que ce domaine est défini par l'article 1er de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.
La disposition qui est susceptible de s'appliquer ici et qu'invoque le Gouvernement est la suivante :
"Les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, compte tenu d'un équilibre économique et financier qu'elles définissent".
Devant moi, les représentants du Gouvernement ont reconnu que les modalités de la répartition entre communes de la D.G.F. ne concernaient pas directement les charges de l'Etat. Mais ils ont invoqué deux arguments :
- d'une part, la théorie de l'accessoire ;
- d'autre part, le souci de satisfaire la curiosité des élus lors des débats parlementaires.
Cette argumentation ne m'a pas convaincu pour deux raisons. En premier lieu, et c'est là l'élément essentiel, le Conseil constitutionnel a déjà pris position sur un problème identique en décembre 1982. Dans une première décision du 29 décembre 1982, rendue sur le rapport de Monsieur SEGALAT, il a jugé que le prélèvement sur recettes s'analysait
"en une rétrocession directe d'un montant déterminé de recettes de l'Etat au profit des collectivités locales... en vue de couvrir des charges qui incombent à ces collectivités".
Il en a déduit logiquement, dans une décision rendue le 30 décembre 1982, sur le rapport du Doyen VEDEL, que les dispositions de l'article 23 de la loi de finances rectificative qui
"ont pour objet de modifier les conditions de répartition entre les communes intéressées de la dotation supplémentaire ... ne modifient en rien le montant global de ladite dotation qui a le caractère d'un prélèvement, et non d'une dépense de l'Etat ; que, par suite, l'article 23 est étranger à l'objet des lois de finances".
En deuxième lieu, je suis d'autant plus partisan du maintien et de l'application de la jurisprudence dégagée en 1982 qu'il faut protéger l'administration des finances contre elle-même.
Si l'on ne fait pas preuve de rigueur dans la détermination des matières qui peuvent figurer dans une loi de finances on va encourager encore une tendance qui consiste à, si vous me permettez l'expression, "charger la barque".
Je vous invite donc à censurer l'article 47-VIII.
Monsieur le Président : Quelles sont vos observations sur ce problème ?
Monsieur FAURE : Ce qui risquerait de charger la barque, c'est si l'on augmentait la somme mise à la disposition des communes mais ne risque-t-on pas, au contraire, de charger la barque dans l'autre sens ?
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Ce que je veux dire en employant cette expression, c'est que la multiplication des amendements modifie très sensiblement le volume de la loi de finances initiale .
Monsieur FAURE : Quelle procédure suggérez-vous alors d'adopter ?
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Il serait préférable d'intégrer ces dispositions dans une loi ordinaire.
Monsieur le Président : Oui.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE donne lecture du passage du projet de décision relatif à l'article 47-VIII de la loi de finances. Ce passage du projet de décision est adopté.
L'article 120 de la loi me paraît être aussi un cavalier budgétaire.
Il dispose : "Un comptable public principal, nommé membre de la Cour des comptes, est installé sans délai dans ses fonctions. Il ne peut toutefois, s'il est constitué en débet, exercer d'activité juridictionnelle jusqu'à ce qu'il ait reçu quitus.
L'interdiction prévue à l'alinéa précédent prend fin dès que l'intéressé obtient décharge de responsabilité".
Ce sont les députés qui invoquent à son encontre la méconnaissance de l'ordonnance de 1959. Ils font valoir que cette disposition particulière concerne les compétences d'un comptable public nommé à la Cour des comptes et qu'elle n'a aucun lien avec la loi de finances.
Le Gouvernement se retranche pour sa part derrière les dispositions du deuxième alinéa de l'article premier de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, en vertu desquelles :
"Les dispositions législatives destinées à organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ou à imposer aux agents des services publics des responsabilités pécuniaires sont contenues dans les lois de finances".
Un premier argument du Gouvernement a consisté à soutenir que la Cour des comptes assistant le Parlement dans le contrôle de l'exécution de la loi de finances, la définition du statut de ses membres se rattacherait par là même au "contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques".
Cet argument ne m'a pas du tout convaincu.
Un second argument a consisté à soutenir que les conditions dans lesquelles un quitus est donné à un comptable se rattachent aux :
"dispositions législatives destinées ... à imposer aux agents des services publics des responsabilités pécuniaires".
L'argument est plus solide que le précédent. Mais il ne m'a pas convaincu pour autant.
D'une part, en effet, l'article 120 n'impose aucune responsabilité nouvelle d'ordre pécuniaire au comptable nommé à la Cour des comptes. Cette responsabilité préexiste.
D'autre part, j'entends rester fidèle à mon souci de freiner la tendance au gigantisme et à l'extension sans limite des lois de finances.
Je vous propose donc de censurer l'article 120.
Monsieur FAURE : Cela ne vise qu'une seule personne.
Monsieur le Président : Ce cas est moins évident que le précédent mais nous ne pouvons laisser se multiplier ce type de petites mesures particulières. Au contraire, il convient de les décourager et d'imposer au législateur une discipline.
Monsieur ROBERT : Je me range à ces arguments, même si je m'interroge sur le fond de cette disposition.
Monsieur MAYER : Je suis tout-à-fait d'accord avec notre rapporteur mais je me demande si nous ne donnons pas l'impression de régler des cas particuliers et je m'interroge sur ce que serait notre position si nous n'avions pas été saisis.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Effectivement, ce n'est pas une censure proprio motu car le moyen a été invoqué par les députés.
Monsieur MAYER : Dans un souci d'équité, il conviendrait d'adopter le même raisonnement si nous n'étions pas saisis.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE lit le passage du projet de décision concernant l'article 120 de la loi de finances.
Celui-ci est adopté.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Avec l'examen de tout ce qui a trait à la procédure législative, nous ne sommes pas au bout de nos peines;
Il nous reste à examiner les questions de fond.
Elles concernent certains articles de la loi de finances.
Elles sont d'un intérêt inégal. Il est des cas où la contestation est sérieuse. Il est des cas où elle me paraît dénuée de pertinence.
Compte tenu du temps limité dont nous disposons et du caractère hétérogène des problèmes posés, la solution la plus simple est d'examiner un à un, chacun des articles faisant l'objet d'une contestation sur le fond.
ARTICLE 6 :
Le V de cet article prévoit de compléter l'article 1641 du code général des impôts en instituant, au profit de l'Etat, un prélèvement assis sur les valeurs locatives communales servant de base à la taxe d'habitation diminuées des abattements votés par la commune.
Pour les auteurs de la saisine R.P.R. de l'Assemblée nationale, cette disposition est contraire à la Constitution à un double titre. D'une part, il ne serait pas conforme au principe d'égalité que l'assiette de cet impôt puisse baisser en fonction de décisions prises de manière facultative par les communes. D'autre part, le barême institué par cette taxe serait contraire à l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui prévoit que "la contribution doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leur faculté", dans la mesure où la progression de l'impôt serait disproportionnée par rapport au relèvement de l'assiette de celui-ci.
a) Sur le premier point, je tiens à rappeler que le Conseil constitutionnel laisse une importante marge de manoeuvre au législateur pour fixer l'assiette de l'impôt. De même que des différences de taux ou de seuils d'exonération ont été admis en fonction de différences de
situation, ces dernières ne font pas obstacle à ce que l'assiette d'un impôt soit assortie d'un correctif destiné à tenir compte de la capacité contributive des redevables dans des limites fixées par la loi. Or, c'est la fonction que remplissent déjà l'abattement général à la base et l'abattement spécial à la base, qui sont de la seule responsabilité des collectivités locales.
b) S'agissant du moyen relatif à la progressivité de cette taxe, celle-ci ne paraît pas être source de discrimination flagrante dans le traitement des contribuables. Sur ce terrain, le Conseil constitutionnel ne censure que les erreurs manifestes d'appréciation du législateur. Aussi est-il quelque peu excessif de la part des saisissants de citer, à l'appui de leur démonstration, notre décision sur la contribution de solidarité du 16 janvier 1986, où il y avait effectivement une rupture caractérisées de l'égalité devant les charges publiques.
En l'espèce, nous ne sommes pas en présence d'une telle disproportion. Le barême adopté est progressif en taxant plus fortement les résidences secondaires que les résidences principales. De plus, le taux est d'autant plus élevé que la valeur locative est plus forte. Même s'il peut y avoir dans quelques cas limites des effets de seuil, je vous propose de rejeter le moyen.
Monsieur le Président : Messieurs, sur ce point ? On pourrait s'interroger sur l'effet de seuil mais cela devient du pointillisme et je ne vois pas le Conseil constitutionnel se lancer dans ce type de contrôle. Il faudrait que l'erreur fût manifeste.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE lit le passage du projet de décision sur l'article 6-V de la loi de finances.
Monsieur le Président : Je vous proposerai de couper la phrase ayant trait à l'assiette de prélèvement, page 17 du projet de décision, dans la mesure où elle fait huit lignes.
Monsieur le Secrétaire général, avec un sourire, c'est modeste !
Monsieur le Président : Cette rédaction est nourrie par la jurisprudence du Conseil d'Etat. Il faut que nous trouvions un autre style. Les étudiants souffrent mille tourments en lisant nos décisions.
Monsieur CABANNES : C'est le risque que l'on court lorsque l'on va trop vite.
Monsieur le Président : Je crains plutôt que quelques commodités byzantines n'expliquent le recours à cette langue de bois juridique. Il faut rompre avec cette habitude que l'on a d'écrire des phrases trop longues. Alors qu'à la fin de la Révolution on a employé la langue de bois, dans ses débuts, les circulaires étaient rédigées dans un style admirable. Nous verrons cela au déjeuner.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE poursuit sa lecture et aborde le considérant concernant le barême de l'impôt.
Monsieur le Président : Là c'est très bien.
Monsieur LATSCHA : Je serais partisan de supprimer le mot "principalement" après les mots "les locaux servent".
Le mot "principalement" est maintenu.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE présente les moyens soulevés contre l'article 16.
1° Cette disposition tend à supprimer à compter du 1er janvier 1989 l'exonération de l'impôt sur le revenu des primes de remboursement distribuées ou réparties par les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, dès lors que ces primes représentent plus de 10 % des répartitions ou distributions.
Pour comprendre la partie de cette disposition, il faut savoir que les établissements de crédit ont créé des organismes de placement collectif en valeurs mobilières destinés à produire des moins-values fiscales dans la mesure où des moins-values résultaient de la cession des primes de remboursement attachées à des obligations, notamment l'emprunt 3 % de la Caisse Nationale de l'Energie. Par cet article, le Gouvernement a entendu mettre fin à une distorsion fiscale.
2° Les saisines du R.P.R. de l'Assemblée nationale et du Sénat soulèvent à l'encontre de cette disposition plusieurs moyens. Elles font valoir :
- qu'elle constitue une sanction rétroactive ;
- que sa sévérité est excessive, eu égard à l'intérêt général poursuivi ;
- qu'elle méconnaît la liberté d'entreprendre et le droit de propriété ;
- qu'elle porte atteinte au principe d'égalité ;
3° La disposition incriminée constituerait une sanction rétroactive et par là-même violerait le principe de non-rétroactivité de la loi pénale consacré par l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.
Je n'aurai guère de difficulté à vous convaincre du caractère excessif d'un tel moyen soulevé à l'encontre d'une mesure de rationalisation fiscale. En soumettant à l'impôt sur le revenu des primes de remboursement d'obligations, dès lors qu'elles constituent plus de 10 % du montant du revenu distribué par un organisme de placement collectif, elle met fin à une exonération et tend vers l'alignement sur le droit commun.
Si vous concevez que cette disposition ne saurait être assimilée à une sanction pénale, vous conviendrez pareillement qu'il est loisible au législateur de lui faire produire effet au 1er janvier 1989. Seul le principe de non-rétroactivité de la loi pénale a valeur constitutionnelle.
Cette disposition serait aussi empreinte d'une sévérité excessive, eu égard à l'intérêt général poursuivi.
Ce moyen est lié au précédent. Il revient à estimer que la "sanction" encourue est disproportionnée par rapport à l'opération fiscale visée. Mais, en écartant l'idée que cette mesure puisse être considérée comme une sanction, ce moyen devient inopérant.
Il est fait grief aussi à cette disposition de pénaliser la liberté d'entreprendre et de porter atteinte au droit de propriété.
S'il a mis fin à une source d'évasion fiscale que les établissements financiers avaient ingénieusement exploitée, le législateur n'a pas pour autant porté atteinte à la liberté d'entreprendre.
Il reste l'atteinte au droit de propriété : le seuil de la limitation du droit de propriété ne saurait être franchi lorsqu'une simple exonération fiscale propre à une catégorie particulière de valeurs mobilières est supprimée. Une telle disposition ne dénature ni le sens, ni la portée, du droit de propriété.
J'en arrive maintenant au dernier moyen invoqué à propos de l'article 16, à savoir la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi.
La saisine R.P.R. invoque ce principe en estimant que l'exonération fiscale des primes de remboursement distribuées ou réparties par un O.P.C.V.M. n'est supprimée que lorsque ces primes représentent plus de 10 % des revenus distribués ou répartis.
Or, la différence de traitement des épargnants trouve sa justification dans une différence de situation au regard de l'objet poursuivi par la loi. Celle-ci a pour objectif de mettre fin à une distorsion fiscale et d'empêcher que pour des raisons purement fiscales les primes en question soient cédées en trop grand volume, entraînant ainsi une perte de valeur du capital qui perturberait le marché boursier.
En conséquence, je vous propose d'écarter ces moyens.
Monsieur le Président : Messieurs ?
Monsieur LATSCHA : Je partage l'avis de notre rapporteur mais, sur le plan de la technique financière, je conteste le bien-fondé de cette disposition et estime que c'est une erreur politique. Il y a là une rétroactivité de fait qui peut poser des problèmes pour la réputation internationale de la place financière de Paris. S'agissant des moyens portant sur la différence de traitement imposée aux épargnants, il faut convenir que seuls certains porteurs de parts de fonds communs de placement son visés.
Monsieur MAYER : La différence de traitement joue dans les deux sens.
Monsieur LATSCHA : Les effets du tirage au sort font que les incidences ne sont pas toujours les mêmes. En effet, les exonérations concernent des primes de remboursement qui n'existent pas. Sont surtout visés les fonds communs de placement dépositaires de l'emprunt Caisse nationale de l'énergie précisément à cause de la prime de remboursement. Il faut savoir que lorsque ces primes sont vendues elles peuvent déclencher une perte de valeur du principal considérable. Si les primes de remboursement représentent 8 à 9 % du capital et ne correspondent pas à une augmentation de capital, leur versement a un gros effet multiplicateur. On peut avoir jusqu'à 90 millions de Francs de primes de remboursement.
Nous sommes proches de l'abus de droit mais il y en a eu d'autres comme le crédit d'impôt jusqu'à l'année dernière. Il n'en reste pas moins que j'ai conscience de la difficulté de ces problèmes.
Monsieur le Président : Nous sommes en présence d'un vice technique dont les spécialistes se sont emparés. Tout le monde a profité de cette faille.
Monsieur ROBERT : Est-ce que l'on arriverait à la même solution en étant plus sévère ?
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : S'il n'y avait pas eu d'évasion fiscale, j'aurais été moins sévère. Là il s'agit de consoler les victimes.
Monsieur le Président : Des amis banquiers m'ont confié que les banques avaient fait un gros effort de démarchage auprès de leur clientèle pour lui vendre ce produit. Ils sont naturellement maintenant embarrassés.
Le seul problème qui doit retenir notre attention est de savoir si cette disposition doit ou non être d'application immédiate car, de toute façon, il convenait d'y mettre un terme. Or, en ce qui concerne la non-rétroactivité, s'il n'y a pas de problème pour l'application de ce principe à la matière pénale, on peut estimer que la disposition de l'espèce n'est pas une sanction. Que ceux qui avaient spéculé sur une faille technique soient déçus, cela se conçoit mais cela n'est pas suffisant.
Dans notre décision des 25 et 26 juin 1986, nous avions souligné que "le principe de non-rétroactivité des lois n'a valeur constitutionnelle, en vertu de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789, qu'en matière répressive".
Le terme "répressif" est plus large que le mot "peine".
Je crains surtout que cette modification de la législation ne soit une mauvaise affaire sur le plan international. Au moment où l'on assiste à l'ouverture du marché des capitaux, il n'est pas bon de dire que l'on peut revenir sur une réglementation. Le ministère des finances raisonne à court terme sur ce point.
Monsieur LATSCHA : Si la nouvelle réglementation ne s'appliquait qu'à compter du 1er janvier 1990, personne n'aurait bougé.
Monsieur le Président : C'est une erreur politique mais ce n'est pas notre problème.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Je partage effectivement votre point de vue car il n'y a pas de droit acquis que l'on pouvait protéger sur le plan constitutionnel .
Monsieur le Président : Il n'y a pas d'atteinte au droit de propriété mais rien n'est acquis sur le plan fiscal. Ce qui est en cause c'est la réputation internationale de la place financière de Paris mais il y a de bonnes et de mauvaises lois.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Nous constatons effectivement qu'il y a des erreurs politiques, surtout à l'heure où nous construisons l'Europe.
Monsieur le Président : Nous serions une troisième chambre si nous censurions la loi.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE lit le projet de décision, pages 18 et 19.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : page 19, je vous propose une variante pour bien marquer ce qu'a d'excessive la sévérité de cette mesure.
Monsieur FAURE : Il faudrait insérer cette adjonction avant le dernier point virgule, page 19.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Mon raisonnement contient deux branches : une réponse en droit et une réponse en opportunité.
Monsieur FAURE : Je regrette, d'un point de vue logique, l'emploi des mots "en tout état de cause", page 19.
Monsieur le Président : Je crains que l'adjonction que vous suggérez n'affaiblisse le raisonnement juridique car la sévérité excessive n'est pas inconstitutionnelle.
Monsieur FAURE : Il faut le mettre avant.
Monsieur le Président : En le mettant avant, vous détruisez le raisonnement. Nous avons trois phases qui me paraissent suffisantes, à savoir le principe, la considération et la conclusion.
Monsieur le Secrétaire général : Cette adjonction s'explique par le souci de répondre à l'argumentation développée par le rapporteur général de la Commission des finances du Sénat, Monsieur CHINAUD.
Monsieur le Président : C'est un homme charmant mais là n'est pas la question. Vous conviendrez que cette adjonction n'est pas indispensable.
Monsieur FAURE : On peut qualifier cette mesure de simple mesure d'opportunité.
Monsieur le Président : Le considérant tombe bien. Je n'en suis pas partisan.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : C'est au 31 décembre que peuvent être fixés les droits acquis.
Monsieur le Président : Je vois bien le souci de répondre au moyen invoqué mais, même si on l'améliore un peu, on n'ajoute rien. Si, à chaque fois que l'on avance des arguments sans portée constitutionnelle, il faut en tenir compte pour les rejeter, c'est alourdir inutilement les décisions.
Monsieur LATSCHA : Lorsque le mécanisme du crédit d'impôt a été supprimé l'année dernière, il n'y a pas eu d'application rétroactive de cette mesure. Il n'en demeure pas moins que l'adjonction proposée atténue la sévérité de ce dispositif et marque le coup car il est de mauvaise méthode de remettre en cause la sécurité juridique des situations. Ce qui me gêne c'est l'expression "en tout état de cause".
Monsieur le Président : Nous pourrions, à ce moment-là, joindre les deux rédactions.
Monsieur ROBERT : Je souscris à l'opinion de Monsieur LATSCHA. Il faut dire quelque chose.
Monsieur le Secrétaire général : Le Conseil peut avoir le souci d'en dire un peu plus sans en dire trop.
Monsieur le Président : "En tout état de cause", page 19, est surabondant.
Monsieur le Secrétaire général lit le passage de la nouvelle rédaction du projet de décision concernant la date d'effet de l'article 16-IV de la loi de finances. Cette nouvelle rédaction, telle qu'elle figure dans la version définitive de la décision, est adoptée.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE poursuit la lecture des passages du projet de décision relatifs, d'une part, aux atteintes à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété, d'autre part, au principe d'égalité.
Monsieur MAYER : La référence aux O.P.C.V.M., au bas de la page 19, est-elle assez explicite ?
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Cela a été explicité dans les considérants précédents.
Monsieur le Président : Je trouve la rédaction du dernier considérant sur le respect du droit de propriété très importante.
Nous fixons un principe selon lequel une majoration rétroactive ne pourrait atteindre le droit de propriété.
Monsieur LATSCHA : Cette rédaction ne reprend-t-elle pas celle de la décision du 4 juillet 1989 sur les "noyaux durs" ?
Monsieur le Secrétaire général : Effectivement, elle est inspirée de cette décision à votre rapport ; de la décision du 26 juillet 1984 sur les structures des exploitations agricoles et le statut du fermage au rapport de Monsieur SEGALAT ; et de la décision du 13 décembre 1985 sur la communication audiovisuelle au rapport de Monsieur LECOURT.
Monsieur LATSCHA : Une suppression des mots "qui en dénaturerait le sens et la portée" amènerait le lecteur qui fait ces parallèles à se poser des questions.
Monsieur le Président : Je trouve l'expression très mauvaise car je ne sais pas ce qu'est le sens du droit de propriété.
Monsieur LATSCHA : Nous avons dit la même chose le 4 juillet dernier !
Monsieur le Président : Si je ne sais pas ce qu'est le sens du droit de propriété, en revanche je sais ce qu'est la portée du droit de propriété. Nous avons abandonné cette jurisprudence sur l'erreur manifeste d'appréciation. On ne peut dire au législateur qu'il dénature le sens du droit de propriété. Si nous étions en présence d'une loi portant sur l'expropriation ou la nationalisation, nous serions prudents. Là, je ne pense pas que cela soit la peine d'apporter ce complément.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Dans ces conditions, on laisserait seulement les mots : "qui en dénaturerait la portée".
Monsieur le Président : Si nous adoptons cette solution, la doctrine s'interrogera.
Monsieur FAURE : La formule du sens et de la portée a le mérite de l'opacité.
Monsieur le Président : Nous dirions simplement : "... il n'en résulte pas, au cas présent, une atteinte au droit de propriété qui serait contraire à la Constitution. Nous verrons bien si quelqu'un réagit.
Cette nouvelle rédaction est adoptée.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE présente les moyens soulevés à l'encontre de l'article 41 de la loi de finances.
L'article 41 de la loi déférée institue un prélèvement sur le résultat net de la Caisse des dépôts au profit de l'Etat. Le prélèvement est déterminé "après avis de la commission de surveillance de l'établissement saisie par le directeur général dans le cadre des lois et règlements fixant le statut de l'établissement".
Pour les auteurs de la saisine R.P.R., ce prélèvement doit être considéré comme "une imposition de toutes natures". De ce fait, il serait contraire à l'article 34 de la Constitution qui précise qu'il appartient au législateur de fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures".
La Caisse des dépôts et consignations a été créée par la loi du
28 avril 1816 en tant qu'établissement spécial placé "de la matière la plus spéciale sous la surveillance de la garantie législative" avec un statut particulier destiné, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat dans un avis du 8 janvier 1952" à assurer à sa gestion une indépendance complète vis-à-vis du pouvoir exécutif (et à la soustraire) à la généralité des règles de tutelle et de contrôle applicables aux établissements publics". Relevant par l'intermédiaire de sa commission de surveillance du Parlement, la Caisse des dépôts et consignations doit être regardée comme étant un établissement public national à statut législatif spécial.
La commission de surveillance de la Caisse a admis en 1961, à la demande du Ministre des Finances, que le montant de la contribution versée chaque année par la Caisse au Trésor soit égal "à celui qui résulterait de l'application aux bénéfices de l'établissement de l'impôt sur les sociétés".
En l'espèce, si le législateur détermine le principe du versement, qui s'ajoutera à la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés, ce versement ne peut être effectué qu'avec l'accord du Conseil de surveillance de la Caisse. Par conséquent, du fait de la particularité du statut de la Caisse des dépôts, le prélèvement en cause ne saurait s'analyser comme une imposition au sens de l'article 34 de la Constitution ; aussi ce moyen doit-il être rejeté.
Monsieur MAYER : En quoi cette disposition est-elle contraire à la Constitution ?
Monsieur le Secrétaire général : Si ce versement est assimilé à un impôt, le législateur doit en déterminer les règles de taux et d'assiette.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE lit le passage du projet de décision sur l'artice 41. Celui-ci est adopté.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : J'aborde maintenant l'article 79.
Le recours R.P.R. invogue l'article 34 de la Constitution pour estimer que l'article 79 ne fixe pas précisément l'assiette de la taxe départementale sur le revenu qui entrera en vigueur à compter du 1er janvier 1991.
Je rappelle que le sous-paragraphe 2 du I de l'article 79 dispose notamment que "cette taxe est assise, chaque année, sur le montant net des revenus et plus-values pris en compte pour l'établissement de l'impôt sur le revenu de l'année précédant celle de l'imposition". Le sous-paragraphe 6 du paragraphe 5 du même article prévoit qu'il est perçu sur les revenus soumis à prélèvements libératoires une taxe dont le taux est égal au taux unique de la taxe proportionnelle sur le revenu voté par les départements l'année précédente.
Pour les auteurs de la saisine, il n'apparaît pas clairement si le revenu "pris en compte" inclut les revenus exonérés ou les revenus bénéficiant d'abattements. L'article 79 n'indique pas davantage si les revenus soumis à prélèvements libératoires figurent dans la base imposable.
Cependant, la définition de l'assiette contenue au sous-paragraphe 2 de l'article 79-1, doit être rapprochée des articles 156 et 157 du code général des impôts. L'article 156 dispose que l'impôt sur le revenu est établi d'après le revenu net annuel et la liste des revenus n'entrant pas dans le champ de ce revenu net figure à l'article 157.
En revanche, l'abattement de 20 p. 100 dont bénéficient les salariés en vertu de l'article 158 du code général des impôts ne viendra pas en déduction de l'assiette de l'impôt départemental.
Quant aux revenus soumis à prélèvements libératoires, ils seront assujettis à la taxe spécifique résultant du sous-paragraphe 6 du paragraphe I, taxe spécifique qui est exclusive de l'application de la taxe résultant du sous-paragraphe 1 du paragraphe I.
Au vu, tant des termes de la loi que des travaux préparatoires, il convient d'écarter le moyen tiré de ce que le législateur aurait méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution.
Monsieur le Président : Je n'ai pas compris pourquoi ce moyen avait été soulevé car cela n'a rien à voir avec la Constitution.
Monsieur FAURE : Je crains que cette réforme n'aggrave les distorsions actuelles. Cela n'a rien à voir, il est vrai, avec la Constitution. C'est le début de la réforme des impôts locaux. Avec les quatre vieilles, les injustices se compensaient mais, pour pallier le manque de ressources, on a pensé à asseoir la taxe départementale sur le revenu.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE lit le passage du projet de décision ayant trait à l'article 79 de la loi de finances.
Ce passage est adopté.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE présente les moyens soulevés à l'encontre de l'article 100.
La contestation de la constitutionnalité de l'article 100 de la loi déférée vise le II-l et 2 de cet article.
Le 1 est ainsi rédigé : "L'abattement (il s'agit de l'abattement de 20 % applicable aux revenus soumis à l'impôt sur le revenu) n'est pas appliqué lorsque la déclaration professionnelle, la déclaration d'ensemble de revenus ou les déclarations de chiffres d'affaires n'ont pas été souscrites dans les délais".
Pour les auteurs de la saisine R.P.R., cette disposition pénaliserait l'absence de déclaration dans les délais par une double sanction dans la mesure où le retard dans le dépôt des déclarations est déjà sanctionné par les articles 1727 et 1728 du code général des impôts. En infligeant cette double sanction, le législateur violerait l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui consacre la proportionnalité des peines et des infractions.
Il peut être aisément répondu à ce moyen que le principe de la proportionnalité des sanctions et des peines ne reçoit d'application que pour les sanctions et non pour la suppression d'un abattement fiscal subordonné à l'accomplissement de certaines formalités. Ce premier moyen ne saurait donc être retenu.
La même saisine fait valoir que la perte de l'abattement de 20 % est injustifiable s'agissant d'un retard dans le dépôt d'une déclaration de chiffres d'affaires dans la mesure où l'abattement s'applique aux revenus et concerne l'impôt sur le revenu.
L'article 100 a pour objet d'introduire des éléments de contrôle supplémentaire sur les centres de gestion agréés dont le rôle est d'assurer la transparence de la comptabilité de leurs membres.
C'est dans le cadre de l'objectif d'intérêt général poursuivi par le législateur qu'il faut replacer la situation des contribuables non salariés intéressés par la disposition en cause. La loi accorde, d'une part, des avantages fiscaux et, d'autre part, veille à contrôler la sincérité des comptes tenus par les centres de gestion.
Par conséquent, il n'y a pas d'attente en l'espèce au principe d'égalité.
S'agissant du 2 du paragraphe III du même article, prévoyant le retrait de l'abattement de 20 % en cas de mauvaise foi pour un redressement de T.V.A., les saisissants estiment que la disproportion entre la sanction et la faute est sans fondement, dès lors qu'il ne s'agit pas du même impôt.
Là encore, il peut être répondu que ce n'est pas tant la nature des impôts qui est en cause, impôt sur le revenu ou taxe sur la valeur ajoutée, que le statut fiscal de non-salarié du contribuable.
Je vous propose donc de rejeter l'ensemble des moyens relatifs à l'article 100 III.
Monsieur le Président : Messieurs, sur cette question n'est pas excessivement complexe ?
Le contribuable qui n'aurait pas fourni délibérément perdrait le bénéfice de l'abattement de 20 %. On se demande quel est le groupe de pression derrière ces moyens.
Monsieur le Secrétaire général : Ce sont les petits commerçants. En 1974, les centres de gestion agréés avaient été attaqués par Nicoud lui-même.
Monsieur le Président : De là à ce que ce problème remonte jusqu'au Conseil constitutionnel. Trouvez-vous indispensable de définir précisément page 26 le régime juridique des adhérents des centres
Monsieur le Secrétaire général : C'est plus clair.
La connaissance des revenus des non-salariés adhérents des centres de gestion agréés justifie qu'ils soient considérés comme des salariés et bénéficient, à ce titre, de l'abattement supplémentaire de 20 %. C'est donc la prise en compte du statut de non-salarié qui commande en l'espèce l'attribution de l'abattement, que le contribuable soit assujetti de par la nature de ses activités à une déclaration de revenus ou à une déclaration sur le chiffre d'affaires.
La spécificité du statut fiscal des non-salariés permet donc de rejeter ce deuxième moyen mais les mêmes motivations peuvent être employées à l'encontre du troisième moyen.
Celui-ci consiste à faire valoir que les adhérents des centres de gestion agréés sont, au regard de la date de dépôt de la déclaration de revenus, dans la même situation que tout contribuable. Si précisément ces contribuables relèvent de centres de gestion agréés, c'est bien parce qu'ils sont placés dans une situation différente.
Par conséquent, il n'y a pas d'atteinte, en l'espèce, du principe d'égalité.
S'agissant du 2 du paragraphe III du même article prévoyant le retrait de l'abattement de 20 % en cas de mauvaise foi pour un redressement de T.V.A., les saisissants estiment que la disproportion entre la sanction et la faute est sans fondement, dès lors qu'il ne s'agit pas du même impôt.
Là encore, il peut être répondu que ce n'est pas tant la nature des impôts qui est en cause, impôt sur le revenu ou taxe sur la valeur ajoutée, que le statut fiscal de non-salarié du contribuable.
Je vous propose donc de rejeter l'ensemble des moyens relatifs à l'article 100-III.
Monsieur le Président : Messieurs, sur cette question qui n'est pas excessivement complexe ?
Le contribuable qui n'aurait pas fourni délibérément perdrait le bénéfice de l'abattement de 20 %. On se demande quel est le groupe de pression derrière ces moyens.
Monsieur le Secrétaire général : Ce sont les petits commerçants. En 1974, les centres de gestion agréés avaient été attaqués par NICOUD lui-même.
Monsieur le Président : De là à ce que ce problème remonte jusqu'au Conseil constitutionnel ! Trouvez-vous indispensable de définir précisément, page 26, le régime juridique des adhérents des autres centres de gestion agréés ?
Monsieur le Secrétaire général : C'est plus clair.
Monsieur ROBERT : Les centres de gestion spécifiques ont été définis avant. Dans ces conditions, on pourrait supprimer le membre de phrase "reposant sur un équilibre entre des avantages particuliers et le respect de leurs obligations de contribuable".
Cette modification est adoptée. Le passage du projet de décision concernant l'article 100-III de la loi de finances ainsi modifié est adopté.
La séance est levée à 12 h 35.
Messieurs les Conseillers applaudissent Monsieur JOZEAU-MARIGNE.
Monsieur le Président : Nous l'applaudirons après, la pièce n'est pas jouée ! Je pense que nous aurons fini raisonnablement dans la soirée.
-oOo-
La séance reprend à 14 h 15. Tous les membres sont présents.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE poursuit son rapport en abordant la contestation de l'article 102.
L'article 102 de la loi est difficilement compréhensible dans sa formulation en raison des renvois qu'il opère à divers articles du livre des procédures fiscales.
Pour bien saisir la portée du texte, je vous précise que les articles du livre des procédures fiscales auxquels fait référence la disposition contestée concernent les garanties accordées au contribuable en cas de vérification (procédures de redressement ; conséquences et limites des procédures de redressement, enfin les sanctions fiscales).
On se trouve donc au coeur du contrôle fiscal avec la difficulté d'établir un équilibre entre les moyens d'investigation du fisc et les garanties qui doivent être accordées aux contribuables. Parmi celles-ci, figure l'existence d'une procédure contradictoire en principe et la transparence des motifs du redressement quand il est poursuivi.
Le mécanisme prévu par le nouvel article a pour objet d'éviter que des erreurs à caractère véniel et qui ne peuvent être régularisées en raison de la prescription, permettent à des contribuables de bénéficier, grâce à l'annulation de la procédure de redressement, la décharge des impositions. C'est donc un dispositif qui permet à l'administration fiscale, avec l'accord du juge, de réparer ses erreurs. Le contribuable perd de ce fait le bénéfice de celles-ci...
La contestation la plus sérieuse a trait au respect des droits de la défense.
Je distinguerai deux aspects : celui du principe même de la rectification et celui de sa mise en oeuvre.
Sur le premier point, les saisissants font valoir que l'équilibre des droits des parties est nécessairement rompu dès lors que l'administration peut obtenir l'effacement des vices de procédure, alors que l'effet combiné de la nullité et de la prescription mettrait le contribuable à l'abri d'une reprise de la procédure.
Le mécanisme mettra toujours en échec la prescription, car l'administration est en droit, pour autant qu'elle se trouve encore dans le délai de reprise, d'annuler un redressement pour reprendre la procédure à partir des actes entachés d'irrégularités.
Or, la prescription apparaît comme un élément des droits de la défense puisqu'elle garantit qu'au-delà d'un certain délai les actions ne sont plus recevables.
Mais on peut se demander s'il y a réellement atteinte aux droits de la défense....
En effet, il s'agit d'éviter que la prescription ne joue au bénéfice du contribuable en raison d'une erreur vénielle, alors même que l'administration avait poursuivi le contribuable dans le délai.
La lenteur de la justice fait que souvent l'annulation de la procédure se conjuguera avec la prescription.
Mais surtout, le législateur a pris soin d'enserrer l'autorisation dans des conditions strictes de nature à sauvegarder les droits du contribuable.
En particulier, l'autorisation n'est accordée que si l'erreur ne revêt pas un caractère substantiel et qu'elle n'a pas porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne.
L'autorisation de rectification apparaît ainsi limitée aux cas où l'erreur vénielle qui conduit à l'annulation s'apparente à une aubaine pour le contribuable.
Dans tous les cas, il appartient au juge sollicité d'apprécier le caractère substantiel ou non du vice allégué.
En ce qui concerne les modalités de mise en oeuvre de l'autorisation, députés et sénateurs soutiennent que la procédure méconnaît les droits de la défense. Selon eux, le contribuable n'a pas la possibilité de faire valoir son point de vue devant le juge quant au caractère substantiel ou non de l'erreur commise par l'administration. De plus, il serait privé de tout recours contre cette décision.
Deux situations sont à distinguer :
Dans la première, le vice de procédure est révélé lors d'une instance contentieuse déjà engagée. La demande s'inscrit alors dans une procédure juridictionnelle contradictoire, et l'appel contre l'autorisation sera toujours possible.
Dans la seconde, l'administration sollicite le droit de rectification en dehors de tout contentieux. Dans ce cas, le juge devrait demander au contribuable ses observations avant de prendre sa décision, et celle-ci sera susceptible d'être déférée au juge par la voie de l'appel.
En conséquence, je propose de dire que l'article 102 ne méconnaît pas les droits de la défense.
Sénateurs et députés considèrent que cette disposition met aussi en cause le principe d'égalité.
Mais l'invocation d'une inégalité injustifiée entre l'administration et le citoyen est d'autant plus difficile à retenir que les relations entre l'administration fiscale et le contribuable sont nécessairement inégalitaires. De même on peut aisément écarter l'argumentation selon laquelle serait créée une inégalité entre les contribuables vis-à-vis desquels l'administration aura commis une erreur de procédure et les autres. Il me semble que l'on peut soutenir que le contribuable qui fait l'objet d'un redressement et les autres sont dans des situations différentes.
Les députés invoquent en outre la violation du principe de l'autorité de la chose jugée, celle duprincipe de l'égalité des délits et des peines et de l'indépendance de la juridiction répressive.
L'argumentation développée à ce sujet est inconsistante. Je ne crois pas nécessaire de m'y attarder.
En conclusion, l'article 102 ne me paraît pas contraire à la Constitution.
Monsieur le Président : Et bien, Messieurs... Sur ce texte qui est compliqué... lorsqu'une erreur n'est pas substantielle qu'est-ce que l'administration fiscale peut vraiment faire ? Et puis qu'est-ce que cela veut dire que l'erreur n'a pas porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ? Quelle est cette partie ?
Monsieur le Secrétaire général rappelle la génèse de l'article 102 telle qu'elle ressort des travaux préparatoires.
L'article provient d'un amendement du groupe socialiste de la commission des finances. Monsieur CHARASSE a apporté des précisions devant le Sénat au cours de la séance du 9 décembre 1989 en donnant des exemples de vices de procédure non substantiels. Ces exemples étaient tirés d'un arrêt du Conseil d'Etat "Biancale". Dans le premier cas, il manquait la mention du numéro d'un article du code général des impôts dans une notification, dans le second cas une décision a été annulée parce que l'avis de vérification visait, selon le ministre, les années 1975 et suivantes et non pas les années vérifiées, 1975, 1976, 1977 et 1978.
Cet article s'appliquera dans un cas sur dix mais il est très redouté par les avocats, surtout les avocats fiscalistes car il risque de réduire à néant leurs efforts devant le juge des impôts pour démontrer l'irrégularité de la procédure. On peut se demander s'il ne s'agit pas d'une crainte excessive car la procédure ne concernera gue des cas très restreints et dans le respect des droits de la défense et du caractère contradictoire.
Monsieur FAURE : Je suis à vrai dire plus ébloui par ces explications que vraiment éclairé sur les intentions réelles de l'administration et les implications de cette procédure.
Je ne la comprends pas très bien, elle reste mystérieuse. Il me semble que le lièvre fiscal paraît avec ses oreilles. Il y a la possibilité de continuer ou de faire renaître une procédure mal engagée. Il y a donc un moyen de tourner la prescription. Tout cela au bénéfice exclusif de l'administration fiscale. Il y a par ailleurs une rupture de l'égalité entre les justiciables puisque la prescription est variable selon les fautes de l'administration. Par ailleurs, est-ce que par hasard l'administration n'aurait pas, tout simplement, un cas précis en tête ? Cela serait fâcheux.
Monsieur le Secrétaire général s'interroge sur le principe constitutionnel qui pourrait fonder la censure.
Monsieur le Président : L'atteinte aux droits de la défense à travers la prescription ! L'atteinte à la prescription joue au bénéfice exclusif de l'administration fiscale.
Monsieur le Secrétaire général souligne que la procédure d'établissement de l'impôt n'est pas une procédure répressive, sauf en ce qui concerne l'infliction des amendes. Il est difficile, dans ce cadre, de recourir aux droits de la défense.
Il souligne qu'en matière fiscale le juge constitutionnel s'est d'ailleurs borné, dans la décision du 29 décembre 1988, à rattacher la prescription du principe de non-rétroactivité comme étant son corollaire dans certaines conditions. Mais le principe n'est opposable que pour les textes à caractère répressif et donc, en matière fiscale, uniquement pour les amendes. Il resterait alors le recours au principe d'égalité, mais il est d'utilisation délicate, sans être impossible, dans une matière inégalitaire comme le droit fiscal.
Monsieur FABRE se demande si le législateur ne pourrait pas supprimer la prescription dans une telle matière.
Monsieur LATSCHA considère que la suppression de la prescription en l'espèce est particulièrement importante. En outre, souligne-t-il, on ne sait pas très bien finalement à quels textes cela s'applique.
Monsieur le Président : Si une loi modifiait le délai de prescription, est-ce qu'on l'accepterait ? Par exemple, une loi qui ferait passer le délai de prescription de 3 ans à 5 ans et qui concernerait ceux qui ont déjà bénéficié de la prescription ? Non, je pense que nous serions unanimes.
Monsieur le Secrétaire général : Mais quel principe constitutionnel pourrait-il être opposé ?
Monsieur le Président : Cela porte un très joli nom, c'est tout simplement la sûreté juridique. Prenons l'exemple des articles 54-B et 59 du livre des procédures fiscales. Imaginons que la procédure a été viciée mais que la prescription était acquise. L'administration fiscale peut-elle déclencher une procédure de fraude fiscale ?
Monsieur le Secrétaire général : Il faut tenir compte de la différence entre le délai de reprise et le délai de prescription de la fraude fiscale. Ils ne sont pas toujours les mêmes et le délai de reprise varie selon les impôts.
Monsieur le Président : Si la prescription n'est pas acquise, la procédure peut être acceptée, mais pas si la prescription est acquise.
Monsieur ROBERT : Quel principe constitutionnel peut-on opposer ? La question reste posée.
Monsieur FABRE : On vient de nous indiquer le principe de sûreté...
Monsieur le Secrétaire général : Il est très difficile de construire un raisonnement juridique à partir de ce principe dans notre espèce, sauf à étendre dangereusement son champ d'application.
Monsieur le Président : Alors il y a la violation des droits de la défense !
Monsieur le Secrétaire général : Mais peut-on l'invoquer dans le cadre de la procédure de l'établissement de l'impôt ?
Monsieur le Président : Essayons de vivre la situation. L'administration dit : "Je me suis trompée, je demande une rectification, je vais devant le juge de l'impôt".
La question posée au juge concerne l'erreur. Mais la rectification de cette erreur fait grief puisque le système de défense du contribuable devient inopérant. On fait revivre la prescription acquise. La notion de procès équitable doit concerner tout le procès. Le constat est finalement qu'une partie perd le bénéfice de la prescription acquise. La question est de savoir si la prescription a valeur constitutionnelle. Quand elle permet la réouverture d'une répression, certainement oui.
L'autre question est de savoir si nous pouvons admettre que le législateur intervienne pour remettre en cause la procédure juridictionnelle.
Monsieur le Secrétaire général souligne qu'il est possible de "renforcer" le projet de décision pour répondre à ces préoccupations concernant la répression et la séparation des pouvoirs. Pour le reste, il voit mal le terrain de la censure. Si l'on pense que le venin du texte est suffisant pour justifier la censure, le raisonnement est difficile à construire car le législateur a donné beaucoup de garanties.
Monsieur LATSCHA remarque que le texte n'a pas de sens sans la mise en cause de la prescription.
Monsieur le Président : Ce qui me gêne c'est la suppression de la prescription acquise. L'administration fiscale pourra donc reprendre la procédure à tout moment, même 10 ans après.
Monsieur le Secrétaire général souligne que cela ne concerne que les erreurs non substantielles. L'obligation de l'impôt est prévue par la Constitution et il ne s'agit pas d'une matière pénale. Il y a donc une nécessité de l'impôt et une situation particulière au regard des droits de la défense dont on ne peut faire abstraction.
Monsieur le Président : On comprend bien la préoccupation de la commission des finances et son souci de ne pas laisser les fraudeurs échapper à l'impôt. Mais le but fondamental de la disposition semble bien être de tourner la prescription. Il ne devrait pas y avoir d'autorisation de reprendre la procédure si la prescription est acquise.
Monsieur le Secrétaire général rappelle que la procédure d'établissement de l'impôt n'est pas une procédure répressive. Il s'agit d'une procédure souvent déclarative qui établit un dialogue entre l'administration et le fisc même si l'impôt est imposé par la puissance publique.
Monsieur FAURE : En réalité, nous sommes tous les otages du fisc.
Monsieur le Président : Il suffira, à la limite, que les redressements soient mal rédigés pour que l'administration puisse toujours recommencer les procédures.
Monsieur FAURE : Reste à trouver la justification constitutionnelle de la censure.
Monsieur LATSCHA : La mise en cause de la prescription porte atteinte à un droit acquis.
Monsieur FAURE : Toutes les prescriptions fiscales risquent de se voir remises en cause.
Monsieur le Président : Postalis pensait que "partout où la rétroactivité serait admise, non seulement la sûreté n'existerait plus, mais son ombre même".
Monsieur le Secrétaire général signale que le problème s'était posé devant les constituants de 1946 d'une extension à la matière civile. L'Assemblée avait dit non.
Monsieur FAURE : Mais Herriot avait dit oui !
Monsieur le Président : Alors il nous reste le principe d'égalité !
Monsieur le Secrétaire général remarque que ce terrain de censure est préférable à celui d'une atteinte à la sûreté ou aux droits de la défense.
Monsieur le Président propose que le projet soit
Monsieur JOZEAU-MARIGNE poursuit son rapport en abordant la contestation de l'article 103 de la loi de finances.
L'article 103 est contesté par les seuls députés.
Il concerne la comptabilité informatisée et complète ou modifie plusieurs articles du livre des procédures fiscales.
Les députés considèrent que les dispositions de l'article portent atteinte à l'article 66 de la Constitution et au principe de la nécessité des peines.
Aucun de ces moyens n'emporte la conviction.
L'argumentation qui consiste à invoquer la violation du principe de "nécessité des peines" est dérisoire. Elle repose en effet uniquement sur l'obligation faite au contribuable de conserver pendant au moins 3 ans des documents. Il est évident que cette obligation ne constitue pas une peine.
Je pense que nous devons aussi écarter le moyen tiré de la violation de l'article 66 de la Constitution.
Les auteurs de la saisine rappellent le complément apporté à l'article L. 13 du livre des procédures fiscales (L.P.F.) par l'article 103. Il s'agit de préciser les conditions dans lesquelles l'administration fiscale peut vérifier sur place, et suivant les règles prévues par le L.P.F., la comptabilité des contribuables qui sont tenus de présenter des documents comptables.
Le complément précise : "Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi gue sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements".
Les auteurs de la saisine en déduisent que les agents de l'administration, quelle que soit leur qualité, pourront rechercher toute information, même dans les lieux privés, sans habilitation de l'autorité judiciaire.
Cette argumentation procède d'une mauvaise lecture du texte car le complément apporté à l'article L. 13 ne concerne que l'étendue des investigations, dans le cadre de l'informatisation de la gestion, sans mettre en cause la procédure organisée par l'article L. 16-B qui prévoit, elle, l'intervention du juge judiciaire.
Ainsi, les dispositions de l'article 66 de la Constitution ne sont tout simplement pas concernées.
Monsieur le Président : Messieurs, des observations !
En l'absence d'observations, Monsieur JOZEAU-MARIGNE poursuit son rapport avec la contestation de l'article 104.
L'article 104 est contesté par les députés et les sénateurs.
Il est bref et je peux donc vous en donner directement lecture : "I. Dans l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, le mot : "répressif" est supprimé.- II. L'article L. 170 du livre des procédures fiscales est complété par les mots : "et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due".
L'article 104 est contesté par les députés et les sénateurs.
Il est bref et je peux donc vous en donner directement lecture : "I Dans l'article L 170 du livre des procédures fiscales, le mot : "répressif" est supprimé
II L'article L 170 du livre des procédures fiscales est complété par les mots : "et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due".
L'article L 170 disposait "Même si les délais de reprise prévus à l'article L 169 sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'impositions révélées par une instance devant les tribunaux répressifs ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance".
La suppression du qualificatif "répressif" élargit donc le domaine de la reprise, possible désormais devant n'importe quel tribunal.
Par ailleurs, il est établi un délai maximum de reprise de 10 ans à compter de la mise en recouvrement de l'imposition.
Les sénateurs invoquent la violation du principe d'égalité devant la loi et devant le juge. Leur argumentation n'est pas convaincante. Soutenir que l'égalité devant le juge est atteinte parce que les contribuables auront peur d'engager une action susceptible de permettre l'application des dispositions nouvelles n'est guère probant.
Quant à l'argumentation concernant le principe d'égalité elle ne tient pas davantage La loi sera bien la même pour tous les citoyens se trouvant dans la même situation.
L'article L. 170 disposait : "Même si les délais de reprise prévus à l'article L. 169 sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'impositions révélées par une instance devant les tribunaux répressifs ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance".
La suppression du qualificatif "répressif" élargit donc le domaine de la reprise, possible désormais devant n'importe quel tribunal.
Par ailleurs, il est établi un délai maximum de reprise de 10 ans à compter de la mise en recouvrement de l'imposition.
Les sénateurs invoquent la violation du principe d'égalité devant la loi et devant le juge. Leur argumentation n'est pas convaincante. Soutenir que l'égalité devant le juge est atteinte parce que les contribuables auront peur d'engager une action susceptible de permettre l'application des dispositions nouvelles n'est guère probant.
Quant à l'argumentation concernant le principe d'égalité elle ne tient pas davantage. La loi sera bien la même pour tous les citoyens se trouvant dans la même situation.
Les députés invoquant, eux, la violation des dispositions de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme, celle de l'article XII et celle de l'article XVI.
Aucun de ces articles ne me paraît mis en cause par la disposition contestée.
Pour l'atteinte au principe de nécessité des peines ou de proportionnalité, les auteurs de la saisine remarquent que l'article favorisera la délation ou la révélation de faits sans que l'intérêt qu'en tirerait l'administration fiscale soit équilibré par le désordre qui en résulterait.
Le lien entre l'argumentation et le principe posé par l'article 8 de la Déclaration de 1789 ne saute pas aux yeux. Je dirai même que je ne le vois pas. La réparation d'une omission d'imposition n'est bien évidemment pas une peine au sens de l'article 8.
J'ai tout autant de difficulté à retenir une violation de l'article 12 qui concerne la force publique. L'utilisation de "l'arme fiscale" pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée aboutit à un amalgame assez plaisant mais n'établit aucune inconstitutionnalité.
Quant à l'atteinte à la séparation des pouvoirs, je ne vois pas en quoi elle consiste. Il me semble en effet assez facile de distinguer dans ces opérations la tâche du juge et celle de l'administration fiscale qui ne sont nullement mêlées.
Monsieur le Président : Cet article m'a laissé pensif. Il est fait pour que l'on puisse menacer l'autre partie de révélations fiscales au-delà du délai de prescription pour les omissions ou les insuffisances. Quel est le délai ?
Monsieur le Secrétaire général : De 4 à 10 ans selon les impositions en cause.
Monsieur le Président : Admettons que le délai de prescription soit de 4 ans. Une révélation dans le cadre d'un procès postérieur permettra une procédure de reprise.
Monsieur le Secrétaire général : La possibilité de reprise est limitée dans le temps.
Monsieur le Président : Certes, mais la prescription est anéantie rétroactivement ! Là est le problème.
Monsieur LATSCHA donne lecture de l'article L. 170 du livre de procédure fiscale et remarque qu'il permet le dépassement du délai de reprise tout en prévoyant un butoir.
Monsieur le Président : De quand date ce texte ?
Monsieur le Secrétaire général : De la période 1941-1943. Il a fait l'objet d'interprétations raisonnables de la part du Conseil d'Etat.
Monsieur le Président : La modification apportée conduit à un élargissement de la répression. Mais nous ne nous sommes jamais prononcés sur l'article L. 170 dans sa précédente formulation.
Monsieur le Secrétaire général remarque qu'il y a une limite dans le temps à la reprise.
Monsieur le Président : Il y a quand même une prescription acquise qui est remise en cause par le fait d'un tiers.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Pour les sentences arbitrales, la prescription fiscale est de 5 ans. Avec ce texte, il y a un moyen de pression pour les débiteurs !
Monsieur LATSCHA remarque qu'avec la nouvelle formulation de l'article les deux conditions du délai se cumulent.
Monsieur le Président : Oui, "jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance", cela suffit ! Le nombre d'affaires où le texte va être brandi est considérable. Cela facilitera d'ailleurs les transactions plus que cela n'enrichira l'administration fiscale. Mais, puisque le législateur a décidé...
Monsieur JOZEAU-MARIGNE donne lecture du projet de décision qui est adopté. Il poursuit son rapport avec l'analyse de l'article 105.
L'article 105 concerne la taxe forfaitaire de 3 p. 100 sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales n'y ayant pas leur siège social.
Cette taxe a été instituée par l'article 4 de la loi de finances pour 1983 dont les dispositions ont été codifiées sous les articles 990-D à 990-H et 711-A du code général des impôts.
L'article 105 comporte quatre paragraphes qui précisent et complètent le régime juridique de cette imposition et un paragraphe V qui confère aux aménagements apportés un caractère interprétatif.
L'article est contesté par les seuls députés dans une très longue argumentation qui a pour objet d'établir :
- que son caractère interprétatif porte atteinte à l'indépendance, garantie constitutionnellement, du juge de cassation ;
- qu'il maintient ou rétablit un impôt confiscatoire et discriminatoire contraire aux articles 13 et 17 de la Déclaration de 1789 ;
- qu'il est contraire à l'article 55 de la Constitution dans la mesure où il tend à faire échec à l'application de traités.
La dernière contestation peut être évidemment écartée sans difficulté. Les traités ne font pas partie du bloc de constitutionnalité comme le Conseil l'a décidé en 1975 et à plusieurs reprises depuis lors.
Les deux autres contestations peuvent aussi être écartées.
En ce qui concerne l'indépendance constitutionnelle du juge de cassation, il convient de bien distinguer la fonction du juge de celle du législateur. Le juge interprète la loi à défaut pour le législateur de le faire. Mais cette compétence n'est nullement exclusive. De la même manière que le législateur peut défaire la loi, il peut l'interpréter, même rétroactivement et dans un sens différent de celui retenu par le juge.
Il convient seulement de veiller dans ce cas que le principe de non-rétroactivité des lois répressives n'est pas mis en cause, ni l'autorité de la chose jugée.
Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.
Quant au caractère confiscatoire et discriminatoire de l'impôt en question qui porterait atteinte aux articles 13 et 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme, il ne saurait être retenu.
La loi répond à un objet précis qui consiste à dissuader les contribuables assujettis à l'impôt de solidarité d'échapper à l'imposition en créant des sociétés étrangères qui deviendraient propriétaires d'immeubles en France.
Pour arriver à cette fin, elle interprète la notion de redevable, dans des conditions différentes de celles retenues par la Cour de cassation. Mais les principes restent ceux posés par la loi de finances pour 1983 qui a été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
Ces dispositions ne portent atteinte ni au droit de propriété, ni au principe d'égalité devant les finances publiques. Tant la nouvelle définition des redevables que le taux de l'impôt sont justifiés par le but de la loi.
Je remarque qu'on pourrait, à l'occasion de cette décision, se poser la question des conséquences de notre dispositif de conformité d'une loi.
Tel est le cas, en l'espèce, comme je l'ai rappelé, et l'on pourrait se demander si la contestation de la constitutionnalité de dispositions jugées conformes est bien recevable.
Mais trancher la question de recevabilité n'est pas nécessaire dès lors qu'il n'y a guère de doute au fond sur le rejet du moyen.
Monsieur le Président : J'ouvre la discussion. J'aurais quelques remarques à faire en ce qui concerne le passage du projet de décision relatif aux traités.
Monsieur FAURE : Il n'y a pas de problème sur le fond !
Monsieur JOZEAU-MARIGNE donne lecture du projet de décision et de la variante
Monsieur le Président : La variante n'est pas, comme vous pouvez le constater, une reprise pure et simple de la décision du
3 septembre 1986. J'ouvre la discussion.
Monsieur ROBERT signale qu'il est favorable à la variante.
Monsieur le Secrétaire général donne des explications sur la décision du 3 septembre 1986. Il souligne que ce qui a été censuré c'est la restriction du domaine d'application de l'article 55 qui résultait d'un amendement présenté par Monsieur DEBRE. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a rappelé qu'il appartient aux divers organes de l'Etat de veiller à l'application des conventions internationales.
L'amendement AURILLAC, voté en 1980 en première lecture devant l'Assemblée nationale, avait pour objet de revenir sur la jurisprudence de la Cour de cassation qui avait sanctionné la supériorité du traité sur la loi postérieure. Il serait inconstitutionnel au regard de la jurisprudence.
Les principes posés par la décision du 3 septembre 1986 ont été appliqués par la décision du 21 octobre 1988 dans laquelle le Conseil constitutionnel a vérifié la compatibilité de la loi du 11 juillet 1986 qui détermine le mode de scrutin pour l'élection des députés à l'Assemblée nationale avec les stipulations du protocole n° 1 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Monsieur le Président : Donc, nous vérifions seulement que les lois ne restreignent pas le champ d'application défini par l'article 55 de la Constitution.
Monsieur ROBERT : C'est restreint !
Monsieur le Président : Nous ne pouvons pas revenir maintenant sur la décision de 1975.
(1) Voir le dossier de séance
La décision est adoptée avec quelques modifications concernant la rédaction de la variante. Ainsi, la référence au fait que la règle de l'article 55 s'impose "même dans le silence de la loi" est supprimée et la formule "que la loi respecte le champ d'application de l'article 55" est préférée à la formule initiale : "qu'une loi ne restreint pas le champ d'application de l'article 55".
Monsieur JOZEAU-MARIGNE poursuit son rapport avec l'analyse de l'article 107.
L'article 107 dispose que tout règlement d'un montant supérieur à 150 000 F effectué par un particulier non commerçant en paiement d'un bien ou d'un service doit être opéré, soit par chèque barré non endossable, soit par virement bancaire ou postal, soit par carte de paiement ou de crédit.
Toutefois, les particuliers non commerçants n'ayant pas leur domicile fiscal en France peuvent effectuer ces règlements en espèces ou en chèques de voyage, après relevé de leur identité et de leur domicile par le vendeur.
Les infractions à ces dispositions sont sanctionnées par une amende fiscale égale à 25 % des sommes non réglées régulièrement et qui incombe pour moitié au débiteur et pour moitié au créancier. Cette amende est recouvrée comme en matière de timbre.
Cet article 107 est contesté par les seuls députés dans une longue argumentation qui comporte trois moyens. Avant de les examiner, je dois indiquer qu'une disposition analogue figurait déjà dans la loi de finances pour 1984. Elle avait été déférée, par une argumentation d'ailleurs différente, au Conseil qui, dans une décision du
29 décembre 1983, a déclaré la disposition en cause conforme à la Constitution.
Premier moyen : En assortissant le paiement en espèces, autorisé pour les particuliers n'ayant pas leur domicile fiscal en France, d'une obligation de relevé d'identité et de domiciliation, l'alinéa 2 est contraire au principe fondamental du cours légal de la monnaie.
Il n'y a pas lieu de s'attarder sur ce moyen inconsistant. Comme je l'ai indiqué, nous avons, en 1983, déclaré conforme à la Constitution une disposition qui imposait la même obligation.
Deuxième moyen : L'obligation d'information sur leur domiciliation à l'encontre des résidents étrangers est contraire au droit communautaire.
Les députés invoquent la méconnaissance de l'article 67 du Traité de Rome qui prévoit la suppression des discriminations de traitement fondées sur la nationalité ou la résidence des parties ou sur la localisation du placement ainsi que de son article 30 qui interdit l'instauration de restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toute mesure d'effet équivalent.
Le moyen est inopérant puisque les conventions internationales ne font pas partie du "bloc de constitutionnalité" au regard duquel s'apprécie la conformité à la Constitution des lois qui nous sont soumises en application de l'article 61 de cette dernière.
Un troisième moyen plus sérieux est dirigé contre l'amende.
La critique est dirigée contre le troisième alinéa de l'article 107, qui est relatif aux infractions aux dispositions des deux alinéas précédents.
Le moyen comporte trois branches concernant respectivement le principe de la sanction, le montant de l'amende et la procédure applicable.
a) En premier lieu, les auteurs de la saisine contestent le principe même de l'institution d'une amende fiscale qui, selon eux, ne correspond à aucune des justifications admises par la jurisprudence pour les amendes fiscales.
Cette amende ne permet pas d'assurer le recouvrement d'un impôt ou d'une taxe puisque l'agissement sanctionné est étranger à toute procédure fiscale déterminée. Elle ne revêt pas davantage le caractère de réparation civile que la Cour de cassation reconnaît partiellement aux amendes fiscales. Ainsi, le non respect des obligations définies aux deux premiers alinéas est étranger au domaine d'intervention d'une amende fiscale.
On se trouverait donc dans un cas similaire à celui qui a donné lieu à notre décision du 30 décembre 1987 par laquelle le Conseil a déclaré inconstitutionnelle une amende fiscale encourue en cas de divulgation du revenu d'une personne. Disons tout de suite que ce précédent n'en est pas un car, dans sa décision de 1987, le Conseil a censuré, non le principe de la création d'une amende fiscale, mais le caractère manifestement disproportionné du montant de celle-ci.
Cette première branche du moyen n'est pas déterminante car les dispositions sanctionnées ont pour objet de lutter contre l'évasion fiscale. Cela justifie, semble-t-il, que la sanction puisse présenter le caractère d'une sanction fiscale.
b) La seconde branche du moyen est tirée de ce que le montant de l'amende - 25 % des sommes non réglées conformément aux prescriptions de l'article 107 - est disproportionné.
Sans doute, le taux de l'amende est-il élevé. De plus, cette amende ne peut être modulée ou atténuée sauf par le biais d'une remise ou modération à titre gracieux. Mais je ne pense pas que nous puissions affirmer que le taux de l'amende fiscale prévu par cet article soit manifestement disproportionné. Le Conseil n'exerce qu'un contrôle restreint.
c) Reste la troisième branche du moyen qui est tirée de ce que la procédure applicable au recouvrement de l'amende méconnaît les droits de la défense.
Les députés font valoir que le mécanisme proposé méconnaît, pour une large part, les principes posés par le Conseil constitutionnel en matière de sanctions administratives, notamment dans sa décision du 17 janvier 1989 concernant l'audiovisuel : la sanction revêt un caractère automatique, aucune forme de motivation n'est prévue, non plus qu'aucune procédure contradictoire.
Cette argumentation est partiellement fondée.
Certes, on ne peut soutenir que le contrevenant sera privé de toute garantie. Contrairement à ce qui est soutenu, la décision de mise en recouvrement de l'amende devra être motivée en application de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs. En second lieu, cette décision pourra faire l'objet d'un recours gracieux et d'un recours contentieux devant le juge judiciaire, assorties d'une demande de sursis de paiement, qui sera de droit si l'intéressé offre des garanties suffisantes de paiement.
Mais les auteurs de la saisine sont fondés à soutenir que la procédure prévue ne comporte aucune garantie antérieurement à l'intervention de la décision. Le texte prévoit que l'amende est recouvrée comme en matière de timbre, c'est-à-dire par voie d'arrêté de mise en recouvrement après constatation de l'infraction par procès-verbal. Or, cette procédure ne comporte aucune phase contradictoire avant l'intervention de l'arrêté. A la différence du cas où le prononcé d'une amende fiscale s'insère dans une procédure administrative fiscale où le contribuable bénéficie de toutes les garanties dont est assortie cette procédure, en particulier d'un débat contradictoire, le caractère "haut le pied" de l'amende fiscale prévue à l'article 107 prive le contrevenant de toute possibilité de débat contradictoire avant l'intervention de l'arrêté de mise en recouvrement.
La disposition en cause paraît donc contraire au principe du respect des droits de la défense, lequel, en vertu de notre décision du
17 janvier 1989, constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Monsiezur le Président : Messieurs !
Monsieur ROBERT : Je suis d'accord avec Monsieur le rapporteur. Mais l'amende n'est-elle pas disproportionnée ?
Monsieur FAURE : Cela ne me choque nullement. Sans la sanction cela ne serait pas dissuasif !
Monsieur le Président : ... Et vogue le Sentier !
Monsieur JOZEAU-MARIGNE donne lecture du projet qui est adopté.
Monsieur FAURE signale qu'il est très sceptique sur l'efficacité de la disposition.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE poursuit son rapport avec l'analyse de l'article 108.
Cet article qui est contesté tant par les sénateurs que par les députés est relatif aux visites et aux saisies que l'autorité judiciaire peut autoriser 1'aministration fiscale à effectuer lorsqu'il existe des présomptions qu'un contribuable ou un redevable se soustrait frauduleusement à l'établissement ou au paiement d'impositions.
L'article comporte trois paragraphes rédigés en des termes très voisins mais qui concernent respectivement :
1° l'impôt sur le revenu ou sur les bénéfices et la TVA ;
2 ° les contributions indirectes ;
3° les droits de douane.
Le Conseil constitutionnel a déjà été amené à se prononcer, à deux reprises, sur cette délicate question des perquisitions et des saisies qui touche à l'inviolabilité du domicile et, par là-même, à la liberté individuelle.
Par une première décision du 29 décembre 1983, il a censuré des dispositions contenues dans la loi de finances pour 1984 dont il a estimé qu'elles ne satisfaisaient pas aux exigences constitutionnelles et il a été conduit à préciser quelles étaient ces exigences.
Le Conseil a tout d'abord relevé que les nécessités de l'action fiscale pouvaient exiger que des agents du fisc soient autorisés à opérer des investigations dans des lieux privés, mais que ces investigations ne pouvaient être conduites que dans le respect de l'article 66 de la Constitution qui confie à l'autorité judiciaire la sauvegarde de la liberté individuelle. Dans ces conditions, l'intervention de l'autorité judiciaire doit être prévue dans des conditions permettant de conserver à celle-ci toute la responsabilité et tout le pouvoir de contrôle qui lui reviennent. En particulier, la loi doit assigner de façon explicite, au juge ayant le pouvoir d'autoriser les investigations des agents de l'administration, la mission de vérifier de façon concrète le bien-fondé de la demande qui lui est soumise. Elle doit préciser, en outre, les possibilités d'intervention et de contrôle de l'autorité judiciaire dans le déroulement des opérations autorisées. Enfin, doivent être spécialement autorisées par le juge, non seulement les visites effectuées dans des locaux d'habitation, mais, en outre, celles opérées dans d'autres locaux pour lesquels une simple autorisation générale ne saurait suffire.
A la suite de cette décision de non-conformité et à la lumière des directives données par le Conseil, le Gouvernement a fait adopter, dans la loi de finances pour 1985, de nouvelles dispositions que, par décision du 29 décembre 1984, le Conseil a déclarées conformes à la Constitution.
Ce sont ces dispositions, aujourd'hui codifiées, que la loi déférée modifie.
Ramenées à l'essentiel, les nouvelles dispositions ont un triple objet :
1° elles restreignent le contenu des obligations de motivation des ordonnances du juge autorisant les visites ;
2° elles allègent la procédure d'autorisation de visite des coffres bancaires en cas de découverte de leur existence au cours d'une visite ;
3° enfin, elles valident les impositions fiscales ou douanières établies sur le fondement de pièces et documents saisis lors de visites intervenues avant le
31 décembre 1989 dans des conditions que la Cour de cassation, compte tenu de sa jurisprudence actuelle, ne pourrait manquer de tenir pour irrégulières.
Je vous propose d'examiner successivement ces trois points qui sont soulevés par les sénateurs.
a) En ce qui concerne la motivation des ordonnances autorisant les visites :
En vertu des dispositions en vigueur, le juge doit vérifier, de manière concrète, que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite.
La Cour de cassation a fait une application très rigoureuse de ces dispositions. Elle ne se borne pas à imposer au juge l'obligation de vérifier concrètement que la demande d'autorisation de visite est fondée, au vu de tous les éléments d'information que l'administration doit lui soumettre, notamment des présomptions de fraude dont elle a eu connaissance. Elle exige, en outre, que l'ordonnance se réfère, en les analysant fût-ce succinctement, aux éléments d'information fournis par l'administration fiscale. Au-delà d'une motivation en droit et en fait, elle exige une analyse des pièces fournies par l'administration, faute de quoi le juge ne la met pas en mesure d'exercer son contrôle.
Autrement dit, alors que le Conseil constitutionnel a exigé un contrôle du juge judiciaire sur les visites, la Cour de cassation se préoccupe de son propre contrôle sur le juge chargé d'autoriser les visites.
C'est pour tempérer cette jurisprudence que l'article 108 de la loi déférée complète le texte en vigueur en y introduisant une disposition aux termes de laquelle "le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée".
A partir du moment où la loi définit ce que doit être la motivation, le juge de cassation ne pourra plus exiger de plus grandes précisions.
Il est soutenu par les auteurs des saisines que les modifications ainsi apportées par l'article 108 méconnaissent l'article 66 de la Constitution.
Cette critique ne me paraît pas fondée.
L'obligation faite au juge d'indiquer, dans sa décision, les éléments de fait et de droit qu'il retient et qui lui laissent présumer l'existence d'agissements frauduleux paraît suffisante pour permettre l'exercice du contrôle du juge de cassation. Par ailleurs, l'information du juge chargé d'autoriser devra être complète et concrète. Il me semble que ces deux impératifs sont de nature à garantir le respect de l'article 66 de la Constitution et le respect des droits de la défense.
b) En ce qui concerne l'autorisation de visite des coffres bancaires :
L'article 108 introduit dans les dispositions codifiées un alinéa concernant la visite de coffres se trouvant dans un établissement de crédit.
En vertu de cet alinéa, si, à l'occasion de la visite de locaux, est découverte l'existence d'un coffre dans un établissement de crédit dont la personne occupant les lieux visités est titulaire et où des pièces et documents se rapportant aux agissements qui ont motivé la visite de ces lieux sont susceptibles de se trouver, les agents habilités peuvent, sur autorisation donnée par tout moyen par le juge qui a pris l'ordonnance, procéder immédiatement à la visite de ce coffre ; mention de l'autorisation est portée au procès-verbal.
Dans le silence des textes, les juges ont souvent autorisé, par leurs ordonnances initiales, la visite de tout coffre ouvert dans un établissement bancaire situé dans leur ressort et de tout véhicule de l'intéressé. Mais la Cour de cassation a censuré ces ordonnances car elle exige pour la visite des coffres des ordonnances spécifiques dûment motivées.
Pour tenir compte de cette jurisprudence, l'article 108 exige une autorisation spécifique du juge pour la visite des coffres bancaires dont la visite des locaux révèle l'existence mais prévoit que cette autorisation pourra être donnée par tout moyen, ce qui paraît recouvrir l'autorisation donnée par téléphone.
Cette disposition est critiquée en ce qu'elle affaiblit le contrôle de l'autorité judiciaire : le juge ne pourra pas vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation est bien fondée.
Après avoir hésité, je vous propose de ne pas retenir cette objection. En effet, le juge qui délivrera l'autorisation complémentaire est celui-là même qui a pris connaissance du dossier. En outre, la loi prévoit que mention de l'autorisation supplémentaire est portée au procès-verbal établi contradictoirement et relatant les modalités de déroulement de l'opération. De plus, subsistent toutes les garanties légales d'ores-et-déjà prévues par les textes et, en particulier, la possibilité pour le juge d'ordonner à tout moment la suspension des opérations.
c) En ce qui concerne la validation des opérations effectuées avant le 31 décembre 1989 :
Je serai très bref sur ce moyen.
L'article 108 valide les impositions établies à l'aide des pièces et documents saisis au cours d'une visite effectuée avant le
31 décembre 1989 dans trois cas :
- lorsque l'ordonnance autorisant la visite comportait la nouvelle motivation prévue par le présent texte ;
- lorsque l'ordonnance a autorisé la visite de tout coffre ou véhicule mais qu'une telle visite n'a pas été effectuée ;
- lorsque la perquisition a été faite avec la participation d'agents de collaboration de l'administration fiscale.
Contrairement à ce qu'il est soutenu, ces dispositions ne sauraient être interprétées comme permettant de porter atteinte aux droits nés de décisions de justice passées en force de chose jugée ni au principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères.
En outre, la validation des opérations, dans le cas où l'ordonnance a autorisé, en plus de celle du domicile, la visite de tout coffre ou véhicule, sauf lorsque cette dernière n'a pas eu lieu, ne constitue pas une discrimination. Elle répond au souci de limiter les effets d'une mesure de validation à une hypothèse où les droits des intéressés ne se trouvent pas affectés.
J'indique, pour être complet, que les députés ont soutenu qu'en matière de contributions indirectes, la saisie était confiscatoire. Mais, en réalité, cette argumentation manque en fait.
En définitive, il me semble que cet article 108 méritait de retenir toute notre attention.
Mais, et bien qu'une hésitation soit permise en ce qui concerne la visite des coffres dans les établissements de crédit, je vous propose d'admettre la conformité à la Constitution de l'article 108.
Monsieur le Président : Merci Monsieur le rapporteur. La discussion est ouverte.
Monsieur FABRE : Il faut éviter les polyvalents, mais il faut aussi donner à l'administration fiscale les moyens de combattre la fraude.
En 1969, il y a eu l'amendement SOUCHAL qui demandait la levée du secret bancaire pour lutter contre la spéculation. On est toujours à la recherche de nouveaux moyens de contrôle, mais il faut maintenir l'équilibre.
Monsieur ROBERT : Soit il n'y a pas suffisamment de garanties, soit il y a des garanties qu'il faut que le juge fasse respecter.
Monsieur le Président : A défaut de la procédure prévue, les gens en cause auraient toujours le temps de vider le coffre avant la perquisition. En outre, la possibilité de visite du coffre intervient en adjonction à une autre ordonnance.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : S'il n'y a pas de censure, il faudrait que nous insistions, dans la décision, sur le contrôle du juge.
Monsieur LATSCHA : La comparaison du nouveau texte avec l'ancien ne me paraît pas claire. Normalement, tous les coffres sont d'ailleurs déclarés.
Monsieur FAURE : Il ne faut être ni ange, ni bête. La lutte contre la fraude fiscale ne doit pas être découragée mais on doit respecter certains droits des individus. Si l'on donne trop de garanties, cela permet à la personne soupçonnée de faire disparaître toute trace. Le fait que le juge soit impliqué, même si c'est par téléphone, me rassure. Je ne censurerai pas ce texte finalement. Chacun est témoin autour de lui de certaines évasions fiscales. Tout ce qui peut servir à lutter contre cela sert la démocratie. Après l'affaire de l'avoir fiscal concernant Monsieur CHABAN-DELMAS, tous les parlementaires ont fait l'objet de vérifications fiscales. J'ai personnellement eu un redressement de 1 500 F pour un article que personne n'a lu, sauf ceux qui étaient en mal de sommeil. Pousser trop loin les garanties c'est aller à l'encontre de la lutte contre la fraude fiscale, c'est mettre en cause l'égalité des citoyens devant l'impôt.
Monsieur ROBERT : Il faut cependant éviter que le juge soit un simple alibi.
Monsieur le Président : Je souhaite une circulaire de la Chancellerie sur ce point. Une observation sur ce que viens de dire Monsieur FAURE : dans l'ensemble c'est vrai mais ce qui caractérise, à l'heure actuelle, l'administration en matière de fisc et de douane c'est plutôt l'excès de pouvoirs...
Monsieur CABANNES : Les douanes ne sont pas très contestées.
Monsieur le Président : Si, mais il y a la toute puissance du Ministère de l'économie.
Monsieur LATSCHA : Ce qui est important c'est l'autorisation donnée par l'autorité judiciaire.
Monsieur le Président : En 1983, le Conseil constitutionnel a eu raison de mettre le Holà !
Monsieur JOZEAU-MARIGNE donne lecture du projet qui est discuté et modifié sur certains points. Notamment, le premier considérant de la page 47 du projet est complété par les dispositions suivantes qui ont pour objet de mieux éclairer l'intervention du juge : "qu'il incombe à l'autorité judiciaire de veiller au respect de ces dernières prescriptions, comme de l'ensemble des garanties énoncées par les dispositions demeurant en vigueur des articles L. 16-B et L. 38 du livre des procédures fiscales et 64 du code des douanes.
Le projet est adopté.
Le Conseil revient alors sur l'article 102
(1) Allusion à la décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, dans sa partie concernant les perquisitions fiscales.
(2) Voir le dossier de séance et supra.
Le vote sur l'ensemble est acquis à l'unanimité.
Monsieur le Président félicite le rapporteur qui est applaudi par le Conseil.
La séance est levée à 17 h 45.