14 h 30
- Examen, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la loi portant diverses mesures d'ordre social.
Rapporteur : Monsieur Jacques LATSCHA
- Examen, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la loi portant réforme hospitalière.
Rapporteur : Monsieur Robert FABRE
La séance est ouverte à 14 heures 30 en présence de tous les conseillers.
Monsieur le Président : Monsieur LATSCHA. Vous avez la parole.
Monsieur LATSCHA : Monsieur le Président, Mes chers collègues, Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er juillet 1991 par M. FOURCADE et 105 de ses collègues d'un recours sur la loi portant diverses mesures d'ordre social.
Comme vous l'avez constaté vous-mêmes, ce recours est le type même de ceux suscités par des groupes socio-professionnels qui manifestent par ce biais leur hostilité à une loi.
Chose rare pour ne pas être relevée, ce D.M.O.S. forme un ensemble assez cohérent. Il n'est pas exclu que la censure que nous avions prononcée le 16 janvier dernier à l'encontre d'amendements sans lien avec le texte en discussion, à propos d'une loi portant diverses dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales, ait porté ses fruits.
Ce texte comprend trois séries de dispositions. Les premières (titre I) ont trait à l'encadrement des dépenses de santé et font l'objet du recours ; les deuxièmes (titre II) visent à aligner le régime des allocations familiales des D.O.M. sur celui de la métropole ; les troisièmes (titre III) sont hétérogènes. Elles touchent à la revalorisation des pensions d'assurance invalidité et vieillesse au 1er juillet 1991 ; elles portent sur l'assurance maladie et vieillesse de certains détenus ; sur l'inéligibilité dans les chambres consulaires et les conseils d'administration des caisses primaires d'assurance maladie ; elles complètent enfin la loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme qui nous avait été déférée en décembre dernier et sur laquelle Monsieur FABRE avait rapporté. Lors de la réunion avec les représentants du Secrétariat général du gouvernement, on nous a assuré que ces dispositions étaient destinées à gommer certaines "outrances du texte" pour en faciliter la mise en oeuvre .
Pour terminer cette brève présentation générale, je voudrais vous préciser qu'en première lecture, le Sénat a adopté une exception d'irrecevabilité sur les dispositions du titre I et qu'en nouvelle lecture, il a rejeté le texte en votant la question préalable.
J'en arrive maintenant à l'économie de ce titre I. Comme je viens de vous l'indiquer, ce dispositif répond au souci de réguler les dépenses de santé. Il faut savoir en effet que la consommation médicale a atteint, en 1990, 538 milliards de
Cette loi s'inscrit dans le prolongement de la loi portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales du 18 janvier 1991, que j'ai évoquée tout à l'heure.
Je vous rappelle qu'en particulier, celle-ci définit les rapports entre les établissements d'hospitalisation privée ne participant pas au service public hospitalier et les Caisses régionales d'assurance maladie sur la base de conventions à durée déterminée négociées par discipline. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Les arguments soulevés par les sénateurs sont assez diffus. Il m'est apparu néanmoins que l'on pouvait les regrouper autour de trois séries de moyens.
- Les premiers portent sur les articles 1er à 7 de la loi, c'est-à-dire sur le nouveau mécanisme conventionnel mis en place. Les saisissants font valoir deux arguments à son encontre ;
D'une part, il tendrait à revenir sur les garanties fondamentales offertes par la législation en vigueur tant aux professions de santé qu'aux partenaires sociaux ;
D'autre part, il remettrait en cause le droit à la protection de la santé reconnu par le préambule de la Constitution de 1946.
- Dans un deuxième temps, les saisissants contestent le mécanisme du tiers-payant dans ses applications aux frais d'analyses et d'examens de laboratoires, d'une part, et aux dépenses d'hospitalisation dans les établissements de soins privés conventionnés, d'autre part ;
- Enfin, le troisième axe des critiques des sénateurs a trait aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 162-14-2 du Code de la sécurité sociale ajouté à ce code par l'article 3 de la loi. Le texte est mis en cause au motif que le législateur n'aurait pas exercé pleinement sa compétence et qu'il aurait enfreint au principe d'égalité.
SUR LES MOYENS FORMES A L'ENCONTRE DES ARTICLES 1er A 7 DE LA LOI :
Comme je vous l'ai dis, deux griefs sont avancés par les sénateurs à l'encontre des articles 1er à 7 de la loi.
Ces articles remettraient en cause les garanties offertes aux professions de santé et aux partenaires sociaux et porteraient atteinte au droit à la protection de la santé.
Pour répondre à ces moyens, il m'est difficile de vous épargner la description du mécanisme de conventionnement passablement complexe mis en place par le législateur. Il se différencie de celui dont nous avions eu à connaître à propos de la médecine libérale, le 22 janvier 1990, au rapport de Monsieur le Président MAYER.
Nous sommes en présence d'un système à trois étages.
- Premier élément : une convention nationale conclue entre la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et une ou plusieurs organisations représentatives des professionnels concernés (laboratoires privés d'analyses médicales ou cliniques).
Elle s'applique pendant une période égale au plus à cinq ans.
Elle définit les règles générales et permanentes entre les caisses primaires et les laboratoires d'analyses médicales et ces établissements de soins privés, suivant les cas.
Je précise que les conventions conclues entre ces établissements et les caisses régionales d'assurance maladie, que j'ai évoquées tout à l'heure et qui sont définies à l'article L. 162-22 du Code de la sécurité sociale, doivent être conformes à une convention-type, annexée à cette convention nationale. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle vous avez noté que la loi du 18 janvier qui a modifié cet article du code de la sécurité sociale, figure dans les visas.
- Deuxième élément : un accord annuel qui permet la régulation des dépenses pour l'année suivante. C'est en réalité cet accord qui encadre la convention.
Par qui est-il signé et quel est son objet ?
Sont associés à sa conclusion : le ministre chargé de la sécurité sociale, la caisse nationale d'assurance maladie et au moins une autre caisse nationale d'assurance maladie, une ou plusieurs organisations syndicales nationales représentatives des professionnels. Il est donc tripartite.
Ce sont la ou les organisations syndicales signataires de cet accord qui constituent le comité professionnel national de la biologie d'un côté et le comité professionnel national de l'hospitalisation privée de l'autre et sont habilitées à conclure et gérer la convention annuelle. Par conséquentce
sont bien les organisations syndicales qui négocient et non les comités.
Cet accord tient compte de plusieurs paramètres : l'évolution des techniques médicales, les besoins de la population et la nécessaire maîtrise des dépenses de santé. J'ajoute que pour l'accord avec l'hospitalisation privée, on intègre en plus le taux d'évolution des dépenses hospitalières.
L'accord tripartite national a deux volets. D'une part, il fixe le montant total que les caisses primaires prévoient d'assurer pour l'année à venir pour la rémunération des prestations effectuées par les laboratoires d'analyses médicales ou par les établissements de soins privés conventionnés en application de l'article L. 162-22 du code de la sécurité sociale déjà cité.
C'est le volet que l'on désigne sous le nom "d'enveloppe globale".
D'autre part, il détermine le tarif de référence valable toute l'année sur la base desquels seront remboursés les assurés sociaux.
- Troisième élément : l'annexe à la convention. Elle fixe la répartition géographique de l'enveloppe globale et les critères de la répartition.
La zone géographique sera en métropole la circonscription de la caisse régionale d'assurance maladie. Cette enveloppe régionale sera "saisonnalisée".
Je n'ai pas résisté à la tentation de vous livrer les explications du rapporteur du texte devant l'Assemblée nationale sur le fonctionnement de l'enveloppe régionale. Elles ne manqueront certainement pas de vous éclairer !
"On retiendra l'hypothèse d'une mensualisation de cette enveloppe : la valeur de l'unité de compte pour un mois donné serait alors calculée à la fin du mois, en divisant le montant mensuel de l'enveloppe régionale par le nombre cumulé des unités de compte correspondant à tous les examens et analyses de laboratoires effectués au cours dudit mois".
S'agissant des critères de répartition, ils sont au nombre de deux, à savoir, d'une part, le nombre des actes pour les biologistes et des prestations pour les établissements de soins privés conventionnés pris en charge par l'assurance maladie et, d'autre part, les modalités de cette prise en charge, ce qui signifie jusqu'à 100 % dans le cas des malades non soumis au ticket modérateur et au-dessous dans les autres cas.
Qu'il s'agisse de la convention avec les professionnels des laboratoires d'analyses de biologie ou de celle de l'hospitalisation privée couverte par la loi, ainsi que de leurs annexes et avenants, ces accords n'entrent en vigueur qu'après approbation par arrêté interministériel, celui-ci leur conférant d'ailleurs un caractère réglementaire.
Ce système aboutirait, aux yeux des sénateurs, à une remise en cause :
- de la liberté de négociation conventionnelle garantie aux organisations syndicales représentatives ;
- du pluralisme syndical du fait du regroupement des organisations signataires de l'accord tarifaire national au sein de comités professionnels, tant pour la biologie que pour l'hospitalisation privée ;
- du rôle des partenaires sociaux dans la gestion de l'assurance maladie.
Ils soutiennent que le législateur aurait ainsi porté atteinte à des garanties conformes aux exigences constitutionnelles sans les remplacer par des garanties équivalentes .
Cependant le Conseil constitutionnel à plusieurs reprises a estimé que le législateur ne pouvait se lier et qu'une loi pouvait toujours et sans condition, fût-ce implicitement, abroger ou modifier une loi antérieure.
Cette idée ressort très clairement de la décision du 29 juillet 1986 sur la réforme du régime juridique de la presse, rendue au rapport du Doyen VEDEL :
" ... il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; il ne lui est pas moins loisible d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu'il estime excessives ou inutiles ; cependant l'exercice de ce pouvoir ne saurait à aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel".
Mais parmi les principes invoqués par les sénateurs quels sont ceux qui ont valeur constitutionnelle et dont l'application effective serait mise en cause ? Les auteurs de la saisine n'en citent aucun. Ils procèdent à des affirmations qui sont autant d'appréciations d'opportunité et non de démonstrations tendant à prouver que des principes constitutionnels ont été privés de base légale. C'est donc sans hésitation que je vous
SUR L'INCIDENCE DE LA NOUVELLE PROCEDURE DE CONVENTIONNEMENT SUR LE DROIT A LA PROTECTION DE LA SANTE.
M. FOURCADE et ses collègues soutiennent que les dispositions des articles 1er à 7 en remettant en cause la négociation conventionnelle "risquent à la fois de compromettre la réussite de la politique de maîtrise des dépenses de santé et les nécessaires évolutions des professions concernées et menacent ainsi, au bout du compte, le droit à la protection de la santé, reconnu par le préambule de la Constitution".
Là encore ce moyen ne résiste pas à l'examen.
Le onzième alinéa du Préambule de 1946 affirme que la nation "garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs la protection de la santé".
Dans la décision du 22 janvier 1990, que j'ai mentionnée tout à l'heure, le Conseil constitutionnel a reconnu qu'il incombe au législateur comme à l'autorité réglementaire, selon leurs compétences respectives, de déterminer, dans le respect des principes posés par le onzième alinéa du Préambule, leurs modalités d'application ; il leur appartient en particulier de fixer des règles appropriées tendant à la réalisation de l'objectif défini par le Préambule.
Or nous sommes en présence d'un nouveau système de conventionnement applicable aux laboratoires d'analyses et aux établissements de soins privés, inspiré par le souci de mieux maîtriser la progression des dépenses de santé mais qui ne constitue toujours qu'une modalité d'application de l'objectif du Préambule. Celui-ci n'est pas remis en question.
Je vous rappelle aussi que l'Etat n'est pas absent de la négociation annuelle ; l'entrée en vigueur des conventions passées est subordonnée à leur approbation par arrêté interministériel. Enfin, au cas où des maillons manqueraient à cette chaîne "accord-convention-annexes de répartition" c'est-à-dire en cas de carence des procédures conventionnelles, l'Etat interviendrait pour garantir le fonctionnement du système et ne pas laisser le malade démuni.
Ceci est vrai non seulement s'il n'y a pas eu de conventions et si l'accord et ses annexes n'ont pas été conclus en temps utile mais également si ces derniers n'ont pas fait l'objet d'approbation. Ainsi, par exemple dans l'hypothèse d'un défaut de conclusion de l'accord avant le 1er décembre, un arrêté interministériel fixe tant le montant des frais d'analyse, de laboratoires et les dépenses d'hospitalisation comportant un hébergement pris en charge par l'assurance maladie que les
Par conséquent non seulement le caractère tripartite de l'accord est destiné à faire échec à tout risque de blocage du système conventionnel préjudiciable au malade. Mais de surcroît, le système conventionnel étant appelé, soit à fonctionner, soit à se voir substituer des tarifs d'autorité, on ne saurait faire grief à la loi de méconnaître le principe constitutionnel de protection de la santé.
Monsieur le Président : Messieurs ?
Aucune objection ne se manifeste.
Monsieur LATSCHA lit le projet de décision de la page 2 à la page 4.
Monsieur ROBERT : Je voudrais faire une remarque. Il est dit page 3 que le chapitre 3 du titre 1er de la loi comprend entre autres dispositions des articles 6 et 7. Cette formulation me gène.
Monsieur LATSCHA : Seuls les articles -6 et 7 sont intéressés par la saisine.
Monsieur le Secrétaire général : La rédaction vise à réserver le cas de l'article 8 qui n'est pas contesté.
Monsieur ROBERT : Je trouve un peu bizarre de faire référence à un chapitre qui comprend les articles 6 et 7.
Monsieur FAURE : Cela n'est pas illogique.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : J'aurai deux observations formelles à faire :
- page 3, à la 2ème ligne je serais d'avis de supprimer la virgule ;
- à la sixième ligne du même considérant, je suggère de remplacer les mots "et à" par les mots "ainsi que" pour éviter le double emploi du "et".
Monsieur FAURE : Ce n'est pas le fond du droit !
Monsieur CABANNES : Je ne vois pas l'utilité de supprimer cette virgule.
La virgule contestée est conservée.
Monsieur LATSCHA lit la page 5 du projet de décision.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Je propose de remplacer les mots "d'un côté" "de l'autre" par "d'une part" et "d'autre part" et de supprimer la virgule avant les mots "sans les remplacer".
Celle-ci est supprimée.
Monsieur LATSCHA poursuit la lecture du projet de décision.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Je n'aime pas beaucoup l'expression "servir de cadre" page 7.
Monsieur le Secrétaire général : C'est la traduction de la loi qui est apparue la plus appropriée.
Monsieur LATSCHA continue.
Monsieur le Président : La formule du 2ème considérant de la page 8 est désagréable pour les auteurs de la saisine.
Monsieur ROBERT : Dans le premier considérant de la page 7 on vise "des principes à caractère constitutionnel", n'est-ce pas plutôt "des principes de valeur constitutionnelle" ?
Monsieur le Président : Oui, mettons "principes de valeur constitutionnelle".
Cette modification est adoptée.
Monsieur MAYER : Pourquoi emploie-t-on la formule "statuant dans le domaine de sa compétence" en bas de la page 7 ?
Monsieur LATSCHA : La formule figure dans le précédent du 29 juillet 1986.
Monsieur le Président : Cela va de soi.
Monsieur CABANNES : Je suis partisan de rappeler le précédent sur ce point.
Monsieur FAURE : Cela va sans dire mais cela va mieux en le disant.
Monsieur le Président : C'est une question de motivation. Ne faudrait-il pas mettre dans le deuxième considérant de la page 8 qu'il n'existe pas de principe de valeur constitutionnelle ? Ils ne disent pas qu'il existe un principe de valeur constitutionnelle mais il pourrait en exister.
Monsieur le Président se tourne vers Monsieur le Secrétaire général.
Monsieur le Secrétaire général : La saisine est très floue et le projet répond en disant en substance : vous ne dites pas en quoi consiste le principe de valeur constitutionnelle que vous
Monsieur le Président : Vous reconnaissez qu'il existe des principes de valeur constitutionnelle.
Monsieur le Secrétaire général : Le droit à la santé, certainement.
Monsieur le Président : Le pluralisme syndical en est un, la liberté de négociation, c'est moins sûr.
Monsieur LATSCHA : Ils ne sont pas remis en question. Ce qui ressort du projet c'est qu'il ne saurait y avoir de changement de la législation antérieure qui remette en cause des principes de valeur constitutionnelle.
Monsieur le Président : On pourrait dire "n'altère pas les principes constitutionnels". Le considérant pourrait être ainsi rédigé : "Considérant qu'aucun des principes de valeur constitutionnelle garanti par la législation antérieure ne se trouve remis en cause" .
Monsieur le Secrétaire général : Ne craignez-vous pas de faire la part trop belle aux requérants ?
Monsieur FAURE : Il s'agit d'une saisine corporatiste qui conteste l'opportunité de la loi. Un biologiste m'a écrit, alors qu'il est médecin et sa femme pharmacienne, pour me dire qu'il ne pourrait plus vivre alors que c'est la plus grosse fortune de la ville !
Monsieur FABRE : Je connais à ce propos des bagarres entre syndicats qui ne s'entendent pas.
Monsieur LATSCHA : Un tiers des sénateurs a signé la saisine.
Monsieur le Secrétaire général : Compte tenu des voeux qui ont été exprimés par plusieurs conseillers, le Conseil pourrait adopter une rédaction du type : "Considérant qu'aucun principe de valeur constitutionnelle ne se trouve privé de garanties légales par l'effet des dispositions de la loi présentement examinée ; qu'ainsi le moyen invoqué ne peut qu'être écarté".
Cette rédaction est adoptée.
Monsieur LATSCHA lit la partie du projet de décision concernant l'atteinte au droit à la protection de la santé.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Nous pourrions supprimer l'expression "au bout du compte".
Monsieur LATSCHA : Effectivement.
Ces mots sont supprimés.
La partie du projet de décision sur l'atteinte au droit à la protection de la santé est adoptée.
Monsieur LATSCHA présente la suite de son rapport en examinant le moyen formé contre le mécanisme de tiers-payant institué par les articles premier et quatre de la loi.
Monsieur LATSCHA : J'en arrive au moyen qui a trait au mécanisme de tiers-payant figurant aux articles premier et 4 de la loi .
L'article premier applique le système du tiers-payant aux frais d'analyses et d'examens de laboratoires, la dispense de ces frais étant limitée à la part remboursée par les régimes d'assurance maladie.
Il est prévu que la participation versée par l'assuré au laboratoire sera calculée sur la base des tarifs déterminés par l'accord sur l'enveloppe globale.
Le tiers payant institué à l'article 4 dispense l'assuré social dans les cas et conditions fixés par voie réglementaire de l'avance de la part des frais d'hospitalisation remboursés par les régimes obligatoires d'assurance-maladie.
Le bénéfice de ce système est limité aux établissements de soins privés ayant passé convention en application de l'article L. 162-22 du code de la Sécurité sociale. Les sénateurs contestent ces dispositions, au motif qu'elles seraient contraires au principe d'égalité puisque selon eux "pour un même acte, la part laissée, par la réglementation de la sécurité sociale, à la charge de l'assuré, peut varier en fonction de sa situation personnelle".
Je n'aurai guère de peine à vous inviter à écarter ce moyen .
A partir du moment où les assurés sociaux sont affiliés, en fonction de leurs activités, à des régimes d'assurance-maladie obligatoires, ils se trouvent dans des situations différentes qui varient selon les caractéristiques de chaque régime. Cette différence de situation peut entraîner une différence de traitement au regard de la participation à la charge de chaque assuré, le ticket modérateur qu'ils supportent pouvant varier suivant leur régime de rattachement.
Nous retrouvons là notre jurisprudence solidement établie selon laquelle le principe constitutionnel d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit.
Monsieur le Président : Messieurs ?
Aucune objection n'est formulée.
Monsieur LATSCHA lit la partie du projet de décision ayant trait au moyen formé contre l'institution d'un mécanisme de tiers-payant.
La rédaction de cette partie du projet de décision est adoptée.
Monsieur LATSCHA : J'en arrive maintenant aux derniers moyens soulevés par les sénateurs. Les derniers moyens invoqués portent sur l'article L. 162-14.2 ajouté au code de la sécurité sociale par l'article 3 de la loi.
Cet article fixe le contenu de l'annexe de répartition de l'enveloppe globale pour les laboratoires privés d'analyses médicales.
Mise à jour annuellement, cette annexe à la convention détermine avant le 15 décembre pour l'année suivante :
" 1°. la répartition par zone géographique du montant total d'analyses et examens de laboratoires" fixé par l'accord annuel ;
" 2°. les modalités de la détermination des sommes dues aux laboratoires compte tenu, d'une part, d'un nombre d'actes pris en charge par l'assurance maladie qu'ils ont effectués et, d'autre part, des modalités de cette prise en charge ;
" 3°. les modalités de versement de ces sommes.
Cette annexe peut préciser les conditions dans lesquelles il est tenu compte pour cette détermination du taux de croissance de l'activité et des caractéristiques des laboratoires."
Ces annexes devront contenir des dispositions impératives.
Ce sont celles qui font l'objet des 1° à 3° du premier alinéa de l'article L. 162-14.2.
En outre, une faculté est ouverte par le 2° alinéa du même article. C'est cette faculté qui est contestée par les saisissants.
Les sénateurs estiment qu'en ouvrant la possibilité de faire varier la valeur des actes en fonction du taux de croissance de l'activité et des "caractéristiques" des laboratoires sans que la nature de ces dernières soit définie précisément par le législateur, celui-ci serait resté en deçà de sa compétence et aurait porté atteinte au principe d'égalité.
S'agissant du premier moyen, l'article 34 de la Constitution prévoit que "la loi détermine les principes fondamentaux ... de la sécurité sociale''. Or à propos des conventions fixant les tarifs des honoraires médicaux, le Conseil constitutionnel, le 22 janvier 1990, a fait sien le raisonnement tenu par le Conseil d'Etat en 1962.
Il a estimé qu'"au nombre des principes fondamentaux relevant de la compétence du législateur figure celui d'après lequel le tarif des honoraires médicaux pour les soins délivrés aux assurés sociaux est fixé par voie de convention passée avec les praticiens ou leurs organisations représentatives".
Ce raisonnement valable pour les conventions relatives aux honoraires médicaux peut être transposé sans difficulté aux conventions fixant le tarif des frais d'analyses et d'examens.
Le législateur peut se borner à fixer les principes essentiels du régime conventionnel. Il n'a pas à entrer dans des détails qui sont de la compétence du pouvoir réglementaire.
Monsieur FAURE : Je me rallie au rapporteur. Le problème diffère de celui des conventions régionales. On sait qu'il y en aura 15. Là, pour la fixation des actes de laboratoire, on sera obligé de prendre en compte le taux de croissance des activités des laboratoires en les examinant un à un. Cela dit, certains ont meilleure réputation que d'autres et ne sont pas coupables de leur fort taux d'activité.
Monsieur le Président : Il faut prendre en considération la qualité des appareils, le nombre de laborantins etc. Je crois que le législateur a surtout pensé au cas du laboratoire qui n'a pas modifié ses équipements et augmenté son personnel et dont le taux d'activité connaît une forte croissance.
Monsieur LATSCHA : J'ai posé la question aux représentants du secrétariat général du Gouvernement. Il peut y avoir effectivement une pénalisation de certains laboratoires mais cela n'est pas notre problème.
J'en terminerai avec le moyen relatif à la violation du principe d'égalité.
Je vous propose de l'écarter en ne me référant non pas à une conception abstraite du principe d'égalité à laquelle le Conseil constitutionnel a souvent recours mais à une autre branche de notre jurisprudence, qui individualise ce principe dans l'application de la loi.
Dans leur recours sur la loi relative à la santé publique et aux assurances sociales, les sénateurs en décembre dernier avaient tenté de démontrer qu'en recourant à des conventions régionales, la loi méconnaissait le principe d'égalité. Le Conseil a rejeté ce moyen en faisant valoir que le recours à
des conventions permettait de prendre en compte la spécificité de chaque établissement et loin de méconnaître le principe d'égalité, constituait au contraire un moyen d'en assurer la mise en oeuvre.
Je crois que le même raisonnement pourrait être tenu en l'espèce en soutenant que les dispositions facultatives de l'annexe ont justement pour objet de rétablir une égalité, en tenant compte des spécificités des laboratoires sous l'angle à la fois de leur activité et de leurs caractéristiques, c'est-à-dire par exemple dans ce dernier cas de leur plus ou moins grande ancienneté ou de leur équipement.
Je vous propose donc de rejeter l'ensemble de l'argumentation présentée par les sénateurs et de déclarer les articles 1 à 7 de la loi conformes à la Constitution.
Monsieur LATSCHA lit les pages 12 à 14 du projet de décision.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Peut-être conviendrait-il d'ajouter les mots "de la Constitution" après "l'article 34" dans le libellé du moyen ?
Cette modification est adoptée.
Monsieur ROBERT : Je n'aime pas beaucoup le "d'après" dans le considérant du bas de la page 13.
Monsieur le Président : Mettons "selon".
Monsieur LATSCHA : Les dispositions hétérogènes du titre III qui ne sont pas indiquées par les saisissants ne font pas problème.
Monsieur LATSCHA lit le dispositif du projet de décision.
Le projet de décision est adopté à l'unanimité.
Monsieur le Président : Je vous remercie Monsieur LATSCHA car il s'agit d'une matière ingrate. Mais vous avez clarifié un texte confus en nous le rendant plus accessible. Il reste que l'application de ce système donnera lieu à de nombreuses difficultés. Cette économie de la santé où l'Etat est partie prenante au conventionnement a quelque chose d'étonnant.
Monsieur FAURE : C'est aussi la seule chance de son efficacité.
Monsieur FABRE : Ce sera la mort des petits laboratoires et l'augmentation des gros.
Monsieur LATSCHA : Une concentration est déjà en cours.
La séance est suspendue à 16 heures 10.
La séance est reprise à 16 h 20.
Monsieur le Président : Bien, Messieurs, nous reprenons, avec la réforme hospitalière.
Monsieur FABRE : Monsieur le Président, mes Chers collègues, je préfère vous prévenir à l'avance de ce que je risque d'être un peu long et ennuyeux. Seuls quelques articles de cette loi sont visés par les saisissants, mais je ne pourrais me dispenser tout à fait de vous présenter l'économie générale d'un texte qui fait cinquante-deux pages et qui est souvent compliqué et ambigü. J'essayerai de me rendre compréhensible. Si j'y parviens, ce sera grâce à l'aide que m'ont prodiguée le Secrétaire général et le service juridique.
S'il est un domaine où l'évolution des techniques bouleverse, par sa rapidité et sa profondeur, les structures existantes et les lois qui les régissent, c'est bien le domaine de la Santé. La nécessité d'une adaptation des textes législatifs aux méthodes nouvelles, comme aux exigences des malades et des professionnels de la santé, a donc amené les gouvernements successifs à proposer au Parlement de fréquentes réformes.
Ces modifications législatives ont des ampleurs et des ambitions variables. Tantôt il ne s'agit que de réformes à caractère économique ou social, qui se glissent dans un D.M.O.S. ou, sous forme d'amendement, dans une loi de finances rectificative. On modifie, ainsi, le taux des analyses biologiques ou la remise des grossistes en médicaments ...
Tantôt c'est un projet de loi d'envergure qui a pour objectif un véritable remodelage du système hospitalier. Les structures hospitalières actuellement en vigueur datent de vingt ans (loi du 31 décembre 1970). Pendant cette période, qui a vu naître 16 réformes (notamment celles des lois du 3 janvier 1984 et du 24 juillet 1987), leur modernisation a été constante, et a porté ce service public à un très haut niveau. Tout le monde - et les parlementaires unanimement - a souligné la qualité des équipements, la compétence et le dévouement du personnel, le niveau élevé global de ses moyens.
Mais la demande de santé, liée à l'élévation de notre niveau de vie, au vieillissement de notre population, aux découvertes médicales modernes, a augmenté à la fois qualitativement et quantitativement. Les moyens financiers des établissements publics n'ont pas suivi le rythme d'accroissement des dépenses. Les contraintes d'un personnel très sollicité sont devenues difficilement supportables. D'où manifestations,
défilés et grèves, inhabituels chez les professionnels de la Santé.
Une remise à jour s'imposait donc pour corriger les déséquilibres, répartir les équipements, répondre aux aspirations du personnel hospitalier et, par voie de conséquence, assurer aux malades - c'est l'essentiel ! - le meilleur accueil, les meilleurs soins. Le tout en prenant en compte l'évolution administrative et politique résultant des lois de décentralisation, et cette autre aspiration, tout autant légitime, à l'autonomie des établissements hospitaliers et à la liberté de choix de leurs responsables.
Une vaste concertation a précédé l'élaboration du texte du projet de loi portant réforme hospitalière qui est soumis aujourd'hui à notre examen.
Une mission d'information, de concertation et de proposition a été mise en place le 9 octobre 1989, composée de cinq professionnels hospitaliers. Cette mission a consulté l'ensemble des catégories de personnels, les représentants de l'hospitalisation publique et privée, les organismes sociaux, etc ...
Elle a remis son rapport le 5 avril 1990. Une nouvelle concertation élargie a eu lieu, avec 12 forums interrégionaux.
Nouvelles conclusions remises au Gouvernement en juillet 1990.
Cette vaste consultation, qui n'a guère de précédents, a tout au moins mis en lumière les difficultés du système hospitalier.
- règles administratives et budgétaires trop rigides ;
- manque de coopération entre secteur public et secteur privé ;
- contraintes financières plus rudes imposées au service public ;
- cloisonnement intérieur entre services ;
- dispersion des responsabilités.
D'où la nécessité de faire évoluer des structures trop figées.
Six grands principes ont été retenus pour soutenir cet objectif :
- rétablir un juste équilibre entre les deux secteurs (public et privé) ;
- adapter l'offre de soins aux besoins de la population ;
- accroître l'autonomie et les responsabilités ;
- améliorer la concertation au sein de l'établissement ;
- assurer le partenariat entre Etat et assurance maladie ;
- préparer l'avenir.
Il est plus facile de critiquer les imperfections actuelles que de construire du neuf.
La remise en cause de certaines habitudes, voire privilèges, ne pouvait d'ailleurs que soulever des passions. Des lobbies professionnels n'ont pas manqué de se manifester, faisant pression pour le maintien de certains statu-quo. Les débats parlementaires ont, par leur animation, reflété ces conflits d'intérêts. Les parlementaires n'étaient guère nombreux en séance, mais c'étaient pour la plupart des spécialistes de la santé, professeurs, chefs de service ... Ce qui peut être l'une des raisons du choix - assez restreint mais très pointu - du terrain de la contestation : une partie de l'article 8 de la loi (dans sa numérotation définitive), lequel traite de l'organisation des hôpitaux, celle qui est relative à l'organisation sur le plan purement médical, et définit notamment les modes de nomination des chefs de service ou chefs de département.
Notons dès à présent que ni les autres articles de la loi ni les autres dispositions de cet article 8 ne font l'objet d'aucune contestation, et que d'ailleurs, aucun ne m'ayant paru contraire à la Constitution, je ne vous proposerai pas la saisine de l'un d'entre eux par le Conseil.
Il apparaît donc que la large consultation préalable de la Commission d'étude a porté ses fruits, puisque, par ailleurs, le Gouvernement a renoncé à utiliser l'article 49-3 pour faire passer le projet, qui a été finalement voté par 287 voix contre 280. Ce vote ayant surpris les députés eux-mêmes, qui avaient vu le Gouvernement, tout au long des débats parlementaires qui se sont déroulés entre le 10 avril 1991 et le 3 juillet, demander la réserve de la plupart des articles, en vue d'un vote engageant la responsabilité du Gouvernement.
L'une des explications de ce revirement aux causes multiples étant l'introduction par le Gouvernement de plusieurs amendements - dont l'un, très important, touchant à l'autonomie de décision des Conseils d'administration quant aux structures. Une autre est que ce projet, initié par
M. EVIN, a été défendu par M. DURIEUX, qui a fait preuve d'une grande souplesse.
Avant d'aborder l'article 8 et la contestation dont il fait pour partie l'objet, je vous propose donc un coup d'oeil panoramique sur l'ensemble de la loi, que les uns ont trouvé trop timorée, d'autres trop révolutionnaire, et qui en tout état de cause apportera d'importantes modifications au fonctionnement de notre système hospitalier.
L'exposé des motifs du projet de loi et le rapport, au nom de la Commission des Affaires sociales, de M. Alain CALMAT, définissent les objectifs de cette réforme, en s'appuyant sur les conclusions de la Commission COUTY et sur les grands principes que j'ai énoncés tout à l'heure.
Deux objectifs principaux sont affichés :
- optimiser l'offre de soins ;
- dynamiser les établissements publics de santé.
Quatre moyens :
- une plus grande cohérence du réseau des soins ;
- de nouveaux instruments de régulation ;
- des règles communes pour rééquilibrer secteur public et secteur privé ;
- une évaluation systématique des composantes du système.
Le système de soin doit prendre en compte les soins ambulatoires, les soins à domicile, les personnes âgées dépendantes. Les établissements publics et privés devront coopérer, s'ouvrir à des actions communes plutôt que se concurrencer.
La carte sanitaire actuelle est trop rigide. La planification nécessaire sera obtenue par des schémas d'organisation sanitaire et des autorisations à durée déterminée.
A ma surprise, il n'y a pas eu de contestation des saisissants sur ce point pourtant sujet à controverses.
Des rapports d'évaluation devront être établis tous les deux ans.
D'où une autorégulation par une meilleure connaissance des secteurs déficitaires ou inutiles et des performances d'autres secteurs.
L'évaluation devant porter à la fois sur le coût des pathologies, de la qualité des soins autant que de leur coût...
C'est l'objet essentiel de l'article 8 de la loi, auquel j'en viens à présent, plus en détail, avec la deuxième partie de cet expose.
J'en viens à présent à l'objet de la saisine : l'organisation médicale des établissements publics de santé.
1° Le titre premier de la loi déférée comprend 16 articles (dont les trois derniers sont simplement de codification) ayant pour objet de donner une nouvelle rédaction du Livre VII du Code de la santé publique, désormais intitulé "Etablissements de santé, thermo-climatisme, laboratoires".
Le huitième de ces 16 articles (sur une partie duquel porte la saisine) renferme les dispositions de ce que sera le chapitre IV, consacré aux "établissements publics de santé", du titre I (relatif aux "Etablissements de santé") de ce nouveau Livre VII.
Il conviendra, en effet, dorénavant, de distinguer, au sein des "établissements de santé" , entre les "établissements publics de santé" et les "établissements de santé privés".
Les établissements publics de santé se scindent eux-mêmes en "centres hospitaliers" et "hôpitaux locaux" ; on ne pourra donc plus parler d'"hôpital" en général ...
Monsieur FAURE, sur un ton dubitatif, : C'est décisif !
Monsieur FABRE : ... Les centres hospitaliers ayant une vocation régionale demeurent toutefois les C.H.R. (centres hospitaliers régionaux), toujours appelés C.H.U. (Centres hospitaliers universitaires) lorsqu'ils ont passé convention avec l'université.
L'article 8 de la loi déférée traite de ces établissements publics de santé en introduisant dans le code de la santé publique des articles L. 714-1 à L. 714-28, eux-mêmes organisés en quatre sections :
- Section 1 (articles L. 714-1 à L. 714-15) : organisation administrative et financière.
- Section 2 (articles L. 714-16 à L. 716-19) : organes représentatifs.
- Section 3 (articles L. 714-20 à L. 714-26) : organisation des soins et fonctionnement médical.
- Section 4 (articles L. 714-27 et L. 714-28) : les personnels des établissements publics de santé.
Les saisissants ne critiquent que la section 3 (articles L. 714-20 à L. 714-26), relative à l'organisation médicale des établissements publics de santé.
2° Avant d'en décrire le détail, je dis un mot des trois autres sections, ne serait-ce que parce qu'un certain nombre des notions qu'elles renferment sont indispensables à la compréhension des dispositions critiquées et de la saisine.
* La section 1, après avoir posé que les établissements publics de santé demeurent des établissements publics à caractère administratif, créés selon les cas par décret ou arrêté préfectoral, administrés par un conseil d'administration, dirigés par un directeur nommé par le ministre chargé de la santé et soumis au contrôle de l'Etat, règle leur régime administratif, budgétaire, financier et comptable.
Deux idées principales me paraissent animer sur ce point la loi déférée : le souci d'alléger la tutelle pesant sur les établissements, et celui de les installer dans une logigue prospective.
Je relève en particulier à cet égard, parmi les compétences du conseil d'administration, la délibération sur le projet d'établissement, document concerté soumis à l'approbation du représentant de l'Etat et ayant pour objet de définir les objectifs généraux de l'établissement pour une durée de cinq ans. Ce projet d'établissement englobera un projet médical, synthèse des projets des différents services et départements de l'établissement. Il devra lui-même respecter les objectifs
du schéma d'organisation sanitaire, instrument nouveau du système français de planification sanitaire.
* La section 2 est relative aux organes représentatifs. Il s'agit de renforcer la concertation et le dialogue au sein des établissements publics de santé.
D'une part, les attributions de la commission médicale d'établissement (CME) sont accrues. Elle est composée de représentants des personnels médicaux, odontologiques et pharmaceutiques. Retenons, parmi ses nouvelles compétences, la préparation, avec le directeur, des mesures d'organisation médicale de l'établissement, à soumettre à la décision du conseil d'administration.
D'autre part, le comité technigue d'établissement (CTE) se substitue au comité technique paritaire. En effet, la parité est supprimée entre les représentants des agents et l'administration, qui ne sera plus représentée que par le président du conseil d'administration ou le directeur. Notez qu'entre dans les attributions du CTE l'émission d'un avis sur l'organisation administrative.
* Je passe, momentanément, sur la section 3, pour vous dire que la section 4 est relative aux personnels des établissements publics de santé. Elle en décrit les différentes catégories, puis insiste sur le droit de toutes à l'expression directe et collective, sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail.
3° Mais c'est donc la section 3, qui touche à l'organisation médicale des établissements publics de santé, qui fait l'objet de la critique des saisissants. Elle renferme les articles L. 714-20 à L. 714-26. La saisine ne vise néanmoins ni l'article L. 714-25-1 (relatif aux sages-femmes) ni l'article L. 714-26 (qui institue un service de soins infirmiers, flanqué d'une commission consultative) ; ils n'appellent pas de développements particuliers.
Pour le reste, je vous rappelle d'abord rapidement quel était le schéma d'organisation des établissements d'hospitalisation publics sous l'empire de la loi, modifiée par la loi déférée, du 24 juillet 1987. La structure de base était le "service". dirigé par un chef de service, nommé pour cinq ans par le ministre chargé de la santé, après avis du conseil d'administration et de la CME. Le service pouvait comporter plusieurs "pôles d'activités", placés sous la responsabilité, déléguée par le chef de service, d'un praticien. Les services pouvaient eux-mêmes être regroupés en départements, placés sous la responsabilité d'un praticien coordonnateur. La création de ces structures démembrant ou au contraire fédérant les services, ainsi que la désignation de leurs responsables, revenaient au conseil d'administration de l'hôpital.
En quoi consiste sur ce point la réforme introduite dans la loi déférée ?
Il faut d'abord indiquer qu'elle a évolué au fur et à mesure des travaux législatifs. Dans le projet de loi, n'était prévu qu'un modèle d'organisation devant s'appliquer à tous les centres hospitaliers (les hôpitaux locaux ne sont pas concernés par les dispositions qui nous occupent).
Mais le ministre délégué à la Santé, M. DURIEUX, a fait adopter, à l'Assemblée nationale en première lecture, un amendement, dit "amendement liberté", qui a pris la forme, dans le texte définitif, de l'article L. 714-25-2, lequel prévoit que, par dérogation aux articles précédents (mettant en place un modèle légal d'organisation), le conseil d'administration d'un établissement public de santé peut, sous certaines conditions, décider d'arrêter librement l'organisation des soins et le fonctionnement médical de l'établissement.
Ainsi, les établissements pourront choisir un régime de liberté (si les conditions sont remplies) ; et ce n'est qu'à défaut de pouvoir ou vouloir choisir la liberté, que leur sera imposée l'organisation médicale prévue par la loi .
J'examinerai successivement le régime de liberté (article L. 714-25-2), puis le régime "légal" (articles L. 714-20 à L. 714-25).
La décision d'opter pour la libre organisation est prise, je l'ai dit, par le conseil d'administration.
Il y a néanmoins deux conditions. D'abord cette organisation libre doit être arrêtée "dans le respect du projet d'établissement approuvé", ce qui suppose que le projet d'établissement ait reçu préalablement l'approbation du représentant de l'Etat. Ensuite, la décision ne peut être prise par le conseil d'administration que sur proposition de la CME (siégeant en formation restreinte aux praticiens titulaires) adoptée à la majorité des deux tiers de cette assemblée (et une fois recueilli l'avis du CTE).
Ces conditions satisfaites, le conseil d'administration créé librement les "structures médicales et médico-techniques" de son choix, et nomme librement leurs "responsables", qui toutefois doivent être des praticiens hospitaliers (la précision est apportée par l'article L.714-21 §4) ; le conseil d'administration est simplement obligé à ne mettre en place ces structures "innomées" qu'à l'occasion des renouvellements des chefs de service en fonction à la date de promulgation de la loi ou qui auraient été nommés par
application de celle-ci. Il doit aussi prévoir les "modalités de participation et d'expression des personnels au fonctionnement de ces structures".
La loi met ainsi en place un régime de liberté, qui aurait pu être qualifié de droit commun, si le gouvernement l'avait conçu et présenté plus tôt dans le débat parlementaire.
Il prévoit quatre types de structures : l'unité fonctionnelle, le service, le département, la fédération.
Je dis d'abord un mot de la première et de la dernière, qui n'entrent pas directement dans les problèmes soulevés par la saisine.
Les unités fonctionnelles sont définies (par l'article L. 714-20) comme les "structures élémentaires de prise en charge des malades par une équipe soignante ou médico- technique, identifiées par leurs fonctions et leur organisation". Voilà qui est à peu près clair, et dont on voit qu'elle réalité cela peut recouvrir. L'unité fonctionnelle est placée sous la responsabilité d'un praticien hospitalier désigné, par le conseil d'administration, avec l'accord du chef du service ou du département dont dépend l'unité, parmi les praticiens de ce service ou département, après qu'eurent été recueillis les avis des autres, et de la CME (article L. 714-24).
Les fédérations, quant à elles, peuvent regrouper des services, des départements ou des unités fonctionnelles, pour rapprocher des activités médicales complémentaires, ou pour la gestion commune de lits ou d'équipements ou de personnels. L'unité fonctionnelle était la structure médicale de base ; on a ici affaire à une structure fédérative pour la réalisation d'un ou plusieurs objectifs communs (et donc comparable à l'actuel "département").
Monsieur le Président : Le responsable de la fédération est nommé comment ?
Monsieur FABRE : J'y arrivais : la fédération est placée sous la responsabilité d'un praticien coordonnateur dont les conditions de désignation sont, entre autres éléments, consignées dans le réglement intérieur de la fédération, arrêté par le conseil d'administration après avis de la CME et du CTE (article L. 714-25).
J'en viens à présent aux deux autres structures que sont les services et les département, pour lesquelles les choses sont moins claires. Ici encore, il faut faire état d'une évolution
enregistrée depuis le projet de loi. Dans ce projet, il n'y avait nulle différence entre le service et le département, autre que tenant à l'autorité en charge de nommer le chef de service : le ministre, ou le chef de département : le conseil d'administration.
Ici encore, sensible à certaines critiques sur ce point (et peut-être, avec un peu d'esprit d'escalier, à celles faites dans son avis par le Conseil d'Etat - nous y reviendrons), le ministre a apporté un amendement "s'efforçant" de distinguer entre le service et le département : les services, selon l'article L. 714-20, sont "constitués d'unités fonctionnelles de même discipline", étant entendu qu'à titre exceptionnel une unité fonctionnelle peut constituer à soi seule un service ; les départements, quant à eux, sont "constitués d'au moins trois unités fonctionnelles".
Monsieur le Président : L'un est monocolore, l'autre est à vocation pluridisciplinaire...
Monsieur FABRE : Je ne vais pas, pour l'instant, plus avant dans le commentaire de cette distinction, me réservant d'y revenir lors de l'examen des critiques des saisissants.
Je me borne à préciser que les chefs de service comme les chefs de département (et d'ailleurs, je l'ai déjà dit, comme les responsables des structures "innomées" créées dans le régime de liberté) sont choisis parmi les praticiens hospitaliers titulaires ; et que la loi définitive conserve cette dualité d'autorités nominatrices que comportait déjà le projet :
- nomination des chefs de service par le ministre chargé de la santé pour cinq ans, après avis du conseil d'administration et de la CME ;
- désignation des chefs de département par le conseil d'administration de l'établissement pour cinq ans, sur proposition des praticiens titulaires du département, après avis de la CME.
J'ajoute que le chef de service ou de département bien entendu assure la conduite générale et l'organisation du fonctionnement de la structure dont il a la responsabilité ; qu'il est assisté d'un certain nombre de collaborateurs ; et qu'il élabore, avec le conseil de service ou de département (qui est un lieu de concertation et d'expression de tous les personnels médicaux ou non médicaux) un projet de service ou de département, ainsi que, tous les deux ans, un rapport d'activité et d'évaluation précisant l'état d'avancement du projet. Certains parlementaires ont ironiquement posé la question de savoir quand les médecins, ainsi sollicités pour des réunions de toutes parts, trouveraient le temps d'être au chevet des malades ! ...
Monsieur le Président : Oui, je m'inquiétais. Entre deux comités, est-ce qu'ils auront le temps de soigner ? Ce n'est pas sûr.
Monsieur FABRE : Tel est l'essentiel de l'économie de cet article 8.
J'EN ARRIVE AUX CRITIQUES DES SAISISSANTS : SERVICES, DEPARTEMENTS, STRUCTURES "INNOMEES" ET PRINCIPE D'EGALITE DANS LES EMPLOIS PUBLICS.
Les critiques articulées par les saisissants contre l'article 8 de la loi déférée, sont relatives aux modes de nomination des praticiens hospitaliers à la tête des services ou des départements (du régime "légal") ou des structures "innomées" (du régime de "liberté").
Ils invoquent la violation du principe d'égalité dans les emplois publics, d'ailleurs sous les deux aspects que lui reconnaît la jurisprudence tant du Conseil d'Etat que du Conseil constitutionnel : règle de l'égal accès aux emplois publics, consacrée par l'article 6 de la Déclaration des droits de 1789 ; règle, inférée de la précédente, de l'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière des agents publics.
J'indique, en passant, que c'est plutôt cette dernière règle - d'égalité de traitement dans la carrière une fois qu'on est déjà agent public - qui est en l'espèce en cause : comme je l'ai déjà dit, ces différents responsables de structures sont tous désignés parmi les praticiens hospitaliers titulaires, donc parmi des personnes qui ont déjà la qualité d'agent public ; la rupture d'égalité éventuelle, prétendue par les saisissants, proviendrait de l'existence de procédures de nomination discriminatoires pour accéder à des fonctions, à des emplois auxquels ont vocation des agents publics relevant d'un même statut.
Plus précisément, les saisissants nous disent deux choses, ou plutôt la même chose qu'ils appliquent aux deux régimes, de "liberté" et "légal", prévus par la loi :
. d'une part, les deux régimes retiendraient l'un et l'autre un mode de nomination distinct pour l'exercice de fonctions identiques ;
. d'autre part, ils confieraient, l'un et l'autre, aux conseils d'administration des établissements publics de santé, le soin de définir, par leurs seules délibérations, ce mode de nomination.
Qu'en est-il, d'abord, en ce qui concerne le régime de "liberté" de l'article L. 714-25-2 ?
Je vous le rappelle, si le conseil d'administration choisit l'option de la libre organisation (les conditions mises à cette option étant remplies), il nomme librement les responsables des structures "innomées" qu'il crée non moins librement (sous la seule réserve que ces responsables soient des praticiens hospitaliers titulaires).
Les affirmations des requérants, quand elles touchent ce cas de figure, sont donc à tout le moins maladroites : les conseils d'administration ne définissent pas par leurs délibérations de modes de nomination distincts pour des fonctions identiques ; mais il est procédé par un seul mode de nomination, les délibérations du conseil d'administration, à la désignation de tous les responsables de fonctions identiques ou différentes.
Par delà cette maladresse d'expression, ce régime de "liberté" porte-t-il, en quelque façon, atteinte au principe d'égalité dans les emplois publics ? Je ne le crois pas.
En premier lieu, du point de vue d'un établissement pris individuellement ayant voulu et pu opter pour ce régime : tous les responsables des structures "innomées" créées seront placés sur un pied d'égalité ; c'est la règle générale valable pour tous : leur désignation par le conseil d'administration. Or, le Conseil constitutionnel, dans ce cas où les personnes concernées sont soumises à une même règle de droit, se refuse à regarder comme violé le principe de l'égalité dans le déroulement de la carrière (voyez CC. n° 86-220 DC du 22 décembre 1986, à propos du maintien en activité en surnombre pour exercer les fonctions de conseiller d' Etat ou de conseiller à la Cour des comptes).
En second lieu, si l'on adopte le point de vue de l'ensemble des établissements publics de santé, il me semble que les emplois de chef de structure "innomée" correspondront à une situation différente. En effet ils seront, par définition, offerts et pourvus dans des établissements ayant voulu, à la majorité qualifiée de leurs praticiens, un régime de libre auto-organisation.
La différence de traitement résultant de ce que, pour des fonctions identiques exercées dans un établissement ayant opté pour la liberté et un établissement ne l'ayant pas fait, la nomination sera de la compétence du conseil d'administration dans le premier cas, ou du ministre dans le second, sera en rapport avec l'objet de la loi sur ce point : cet objet, en effet, est, dans une perspective "décentralisatrice", d'accorder l'autonomie d'organisation aux établissements qui manifestent une motivation suffisante, et suffisamment unitaire, en ce sens.
Notre jurisprudence, en pareil cas de situations différentes auxquelles sont appliqués des traitements différents en
rapport avec l'objet de la loi, admet qu'il n'y a pas atteinte au principe d'égalité (notamment dans les emplois publics : v. C.C. n° 84-179 DC, 12 septembre 1984, pour des limites d'âge spécifiques aux titulaires des plus hautes fonctions dans certaines institutions, qui sont différentes de celles exercées par les autres membres).
Il m'apparaît donc assez clairement que les dispositions du nouvel article L. 714-25-2 du code de la santé publique ne sont pas contraires à la Constitution.
Monsieur le Président : Faisons-nous une pause à cet instant ?
Monsieur FABRE : Je préfère continuer, car tout se tient.
Monsieur le Président : Très bien.
Monsieur FABRE : J'avoue éprouver beaucoup plus de doutes en ce qui concerne le régime "légal", des articles L. 714-20 à 714-25.
Au terme de l'étude initiale de ce dossier, et avant d'avoir obtenu des précisions de la part du Gouvernement, j'étais tout à fait favorable à la censure de ces articles.
La conversation que nous avons eue avec les représentants du Gouvernement m'a cependant donné à réfléchir.
C'est pourquoi, par scrupules, par honnêteté intellectuelle, j'ai préféré vous soumettre deux projets de décision : un qui propose la censure, et une variante qui conclut à la conformité.
D'abord, gue dit le texte ? Comme je vous l'ai déjà exposé, il a été modifié, sur la question de la distinction qu'il faut faire entre les services et les départements, par rapport à ce qu'était le projet de loi. Ce dernier ne les différenciait que par les modes de nomination distincts de leurs chefs : nomination par le ministre pour le chef de service, nomination par le conseil d'administration pour le chef du département. Vous avez vu au dossier l'avis qu'a rendu le Conseil d'Etat sur ce point ; il ne peut pas être plus net ; je le cite : "Si le projet prévoit, en ce qui concerne le fonctionnement médical des établissements publics, l'existence de "départements", ceux-ci ne diffèrent en rien, quant à leur organisation et à leur rôle, des services ... En réalité, la seule distinction faite par le projet entre département et service concerne le mode de désignation du praticien qui dirige ces structures ; si le conseil d'administration choisit l'appellation du département, il pourra nommer lui-même le praticien placé à sa tête, alors que le chef de service est nommé par l'autorité ministérielle ; il y aurait là une atteinte au principe de l'égalité de traitement entre agents publics relevant d'un même statut et exerçant des fonctions
identiques, qui n'apparaît pas justifiée par des motifs d'intérêt général".
Le projet a néanmoins été déposé tel quel sur le bureau de l'Assemblée nationale. Mais le ministre délégué, comme je l'ai déjà mentionné, s'est "efforcé", par voie d'amendement en première lecture, de donner du corps à la distinction entre les services et les départements. Nous dirons dans nos conclusions s'il y a réussi ou pas.
Qu'est devenu, en effet, le texte définitif ? Des services, il est dit qu'ils résultent du regroupement d'unités fonctionnelles "de même discipline" - le critère utilisé est donc celui du caractère homogène ou hétérogène des structures médicales de base fédérées. Des départements, qu'ils sont constitués du regroupement d'"au moins trois unités fonctionnelles" - ce qui est un critère quantitatif. Il est enfin précisé qu'à titre exceptionnel une seule unité fonctionnelle peut être érigée au rang de service.
Telles sont les seules informations certaines que l'on puisse tirer de la loi sur ce point, dès lors qu'on n'en sollicite pas le sens.
On voit bien ce que cette rédaction a d'insatisfaisant : on ne sait pas comment se combinent les deux critères (nature de la discipline médicale pour les services, quantité minimale pour les départements). Faut-il comprendre que les départements regroupent forcément des unités fonctionnelles de disciplines différentes ? Est-on forcément en présence d'un département dès lors qu'on fédère au moins trois unités fonctionnelles, alors même qu'elles seraient de même discipline ? ...
Bref, prises à la lettre, ces dispositions ne permettent pas d'exclure l'hypothèse où l'on verrait un chef de service et un chef de département être, au sein d'un même centre hospitalier, ou d'un centre à l'autre, à la tête de structures médicales identiques ou du moins tout à fait comparables, en termes de nature, d'organisation, de poids de responsabilité ... Rien, en effet, - ni aucune différence de situation, ni aucune considération tirée de l'intérêt général -ne pourrait alors justifier que les praticiens hospitaliers accédassent à ces emplois identiques ou comparables selon des procédures de nomination différentes : nomination par le conseil d'administration, donc localement, au sein de ce microcosme qu'est l'hôpital et au terme de tout le jeu des influences et des compétitions qui peut s'y faire jour mais avec l'avantage d'un choix démocratique ; ou bien nomination par le ministre, donc au niveau central, dans une perspective par définition plus large et mieux détachée des enjeux locaux, mais sous l'empire d'un certain mandarinat. On pourrait alors conclure à la nécessité de la censure. Mais lors de la réunion avec les représentants du gouvernement, un certain nombre
d'informations supplémentaires nous ont été apportées, touchant cette distinction entre services et départements.
On nous a invité d'abord à appréhender le système mis en place dans une perspective dynamique : compte tenu de la diversité des situations au sein des hôpitaux et de la diversité de rythme de leurs évolutions, il s'agit de leur offrir la plus grande palette de choix, de la liberté d'organisation totale, au modèle de structuration traditionnel en services, en passant par le régime plus souple des départements, d'ailleurs destiné à être la règle à terme, le système du service étant appelé à une lente extinction.
Je veux bien, mais il y a surtout là un discours sur les structures, de nature à justifier le respect (non contesté) de l'égalité devant la loi des établissements, alors que notre question touche à la rupture de l'égalité de traitement des hommes, des médecins, du point de vue de leur carrière. Je ne vous propose donc pas la justification d'une rupture d'égalité par une considération tirée de l'intérêt général, en l'occurrence la nécessaire adaptation du service public à la réalité sociale.
J'ai posé au Gouvernement la question plus précise de savoir quelle différence effective existerait entre les services et les départements. Le gouvernement a soutenu qu'il fallait déduire de la définition donnée des services, (composition "monocolore" du point de vue des disciplines médicales des unités fonctionnelles regroupées), que les départements étaient, au contraire, composés d'unités de disciplines différentes, même si complémentaires. Quant au critère quantitatif, il a nettement été précisé que services et départements pouvaient fort bien comporter le même nombre d'unités fonctionnelles.
Si nous nous décidions pour la conformité à la Constitution, il y aurait donc à prendre en compte ces différences en affirmant que les départements se distinguent toujours des services et ne regroupent jamais des unités fonctionnelles qui seraient toutes de même discipline. Après tout, c'est une chose que le Conseil constitutionnel, dans sa "souveraineté", peut faire.
Nous tiendrions là une différence entre les deux structures : suffirait-elle à justifier la différence de mode de désignation ? Un autre argument a alors été avancé : on nous a représenté que le chef de département, structure appelée à fédérer des unités de soins de spécialités médicales différentes, devait tout particulièrement mettre en oeuvre des qualités de coordonnateur, entre plusieurs catégories de personnels de l'établissement : il serait, dans ces conditions, particulièrement opportun que le chef de département fût choisi par l'établissement lui-même, mieux à
même de discerner, sur le terrain, l'homme idoine. En revanche, ont poursuivi les représentants du gouvernement, quand il s'agit de nommer un chef de service, à la tête d'unités de même spécialité, on salue une compétence dans ladite spécialité, sanctionnée par des diplômes, de l'expérience, ce qui peut se déceler depuis le bureau parisien du ministre.
L'argument n'est pas sans valeur. Mais on peut a contrario souligner que dans la plupart des cas le ministre confirme la proposition de nomination faite par l'établissement.
On peut conclure que ces considérations ne justifient pas, à elles seules, des modes de désignation par des autorités différentes.
Qu'il s'agit là de subtilités destinées à réparer les maladresses du texte.
Qu'en réalité le système proposé, malgré les amendements qui lui ont été apportés, institue des procédures différentes d'accès à des emplois publics quasi identiques.
Le projet principal gue je vous présente reflète ce point de vue et conclut donc à une censure limitée. Il censure l'existence de modes de désignation distincts de l'article L. 714-21, 1er et 2ème alinéas.
Il y ajoute la censure du 6ème alinéa de ce même article L. 714-21. En effet, la possibilité que la durée du mandat du responsable soit interrompue "dans l'intérêt du service" n'y est prévue que pour les chefs de services et non pour les chefs de départements.
Par ailleurs, ce projet, en permettant que survivent les dispositions de la loi de 1970 sur les chefs de services actuels assure le fonctionnement du système en vigueur en attendant que le législateur corrige son texte. Il a donc fallu procéder à une micro chirurgie pour - si je puis dire - limiter les dégâts en ne créant aucun vide juridique.
Cependant, j'ai tenu, pour apaiser mes scrupules, à vous présenter une variante. Elle aboutirait à une conclusion inverse, de conformité de la loi à la Constitution, en soulignant avec plus de force les différences existant entre services et départements et justifiant les modes de désignation différents retenus par le législateur.
Dans ce cas, la rédaction de la décision serait plus floue - donc moins satisfaisante pour les juristes exigeants -, et nous devrions faire un effort d'interprétation des intentions gouvernementales, qui sont plus claires dans sa note que dans le texte de la loi.
Ce qui pourrait faire pencher vers cette décision c'est que notre censure éventuelle sanctionnera davantage une maladresse du Gouvernement qu'une véritable atteinte à un principe constitutionnel.
En attendant la présentation éventuelle par le Gouvernement d'un nouveau projet, cette fois à l'abri de tout recours, l'un des objectifs de la loi - la dynamisation des structures médicales - restera en suspens.
On en reviendra avec quelques mois de retard au système proposé actuellement.
Voilà pourquoi j'ai cru devoir vous proposer une alternative. A vous de choisir la meilleure solution.
Monsieur le Président : Très bien, j'ouvre la discussion.
Monsieur ROBERT : L'intérêt du rapport de Monsieur FABRE, c'est sa parfaite clarté. Ses scrupules l'honorent. J'en ai moins que lui. J'adhère sans réserve au projet principal de censure. Pour les services, on voit tous ce dont il s'agit. Chaque unité fonctionnelle regroupe vingt ou trente lits géographiquement situés. Et le service c'est une, deux ou trois unités fonctionnelles, avec à la tête un chef de service. Il y a plusieurs types de services : de médecine générale ou certains plus spécialisés. Et c'est là que s'insère le département, pour faire les liens interdisciplinaires ; le département regroupe des unités fonctionnelles de natures différentes. Mais je ne vois pas pourquoi le patron du service serait nommé d'une certaine manière, et le chef du département selon une autre. Cela dit sans prendre parti sur aucun des modes de désignation : je ne sais pas si mieux vaut la nomination par le ministre ou par le conseil d'administration ; il y a probablement des avantages et des inconvénients des deux côtés ; le ministre peut être l'objet d'interventions, le deuxième mode peut être l'occasion d'exercice d'un népotisme local. Mais je suis tout à fait hostile au principe de modes de nomination différents pour des professeurs de médecine qui font le même métier.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Pour ma part, j'ai été comme d'autres ici président du conseil d'administration d'un hôpital, pendant des décennies. J'aurais tendance à tenir les mêmes propos que Monsieur ROBERT. Dans ces établissements où l'on voit le corps médical se dévouer sans limites, introduire des disparités dans les nominations aboutira à créer des difficultés et des hostilités insoutenables. Je crois que c'est absolument une erreur.
Monsieur FAURE : Pour moi, je trouve assez lassant qu'à chaque ministre il y ait une nouvelle loi. On change les noms et les institutions demeurent. On change les étiquettes, mais on garde les flacons. Cette fois, le chef de service sera nommé
par le ministre, le chef de département, au niveau local. Ça devient absurde à force de complexité. Je suis tenté par la position de Monsieur ROBERT. La réalité, c'est que tous vont choisir le régime de liberté. La saisine ne manque pas d'une certaine logique.
Monsieur LATSCHA : Quant à moi, je suis bien embarrassé. Le texte est évidemment mal fichu. Ces différences de modes de nomination me laissent perplexe. Le département n'est pas au-dessus, il est au même niveau ? ...
Monsieur FABRE : Absolument.
Monsieur LATSCHA : J'ai encore une question. Le projet d'établissement est approuvé par l'autorité de tutelle. Le point de départ se situe au niveau du projet d'établissement. J'ai trouvé réjouissantes les observations du secrétariat général du Gouvernement, lorsqu'il dit que la nomination des chefs de département par le ministre ne serait pas crédible...
Monsieur le Président : Il sait de quoi il parle ! ...
Monsieur LATSCHA : La conséquence d'une censure, alors, ce serait la remise en place du système antérieur, définitivement ? Ce serait la conclusion bien paradoxale d'une tentative où, pour une fois, on essaye à l'hôpital une solution de souplesse, loin de tout égalitarisme. Moi, je serais plutôt tenté de laisser passer...
Monsieur FAURE : Pas à "l'hôpital" mais dans "l'établissement public de santé"...
Monsieur le Président : Le langage populaire ne changera pas le mot...
Monsieur FAURE : Mais le projet d'établissement, c'est exactement ce qu'est déjà le schéma directeur actuel. On prend en compte le rayonnement de l'établissement, l'existence d'autres, notamment de cliniques, et cætera... A partir de là, on définit les besoins à satisfaire ; on dit : il faut un service de gériatrie de quatre-vingt lits, des services de néphrologie, tant de reins artificiels... Et tous les deux ans, on accommode, car les choses ne se passent jamais comme prévu, il y a le facteur impondérable des hommes ; chez moi, le grand cardiologue, ou réputé tel, il n'est ni à Cahors, ni à Figeac, il est à Gourdon : alors, on fait cent kilomètres ; et il y a un mauvais service de pédiatrie : trois lits sur vingt seulement sont remplis... Cela pour vous dire qu'en réalité, on n'a rien inventé... Sur le plan du droit pur, pour y revenir, je crois que le Professeur ROBERT a raison ; sur le plan du fait, je suis prêt à m'abstenir...
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Dans nos provinces, il se fait un travail en profondeur, motivé par l'attitude des gens, qui
regardent d'abord la qualité, sans se préoccuper qu'il s'agisse du public ou du privé. Cela pousse à la modification des structures. Le week-end dernier, l'hôpital d'Avranches a fusionné avec celui de Grandville. La cardiologie se faisait à Avranches, la pneumologie à Grandville. Les analyses de sang se faisaient... par pigeons-voyageurs !
Monsieur le Président : Et ils ne se sont jamais trompés ?!
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : ... Et bien désormais, il n'y aura plus qu'un seul service... Il y a par ailleurs un troisième hôpital, lequel va fermer. Vous voyez qu'un travail important a lieu dans un esprit raisonnable.
Monsieur MAYER : Je suis moi aussi assez tenté par l'approche de Monsieur ROBERT. Ce sont beaucoup plus les hommes qui font les institutions que le droit dans sa pureté. Mais des désignations différentes pour des postes presque identiques ou de valeurs égales, en quoi est-ce inconstitutionnel ?
Monsieur ROBERT : Parce que le principe d'égalité est de valeur constitutionnelle et que des désignations différentes pour des gens qui font le même travail, cela rompt l'égalité, tout simplement.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Je voudrais faire pour ma part trois remarques. D'abord dire que j'ai infiniment appris sur une question que je ne connaissais pas du tout. Ensuite que de mes modestes travaux sur ce dossier, j'en arrivais au sentiment qu'il fallait opter pour le projet principal. Enfin, que ce que j'ai entendu autour de cette table me pousse de plus fort à exclure la variante.
Monsieur CABANNES : Moi, je suis perplexe. Ce serait notre première censure estivale. Ce qui a été dit sur la rupture d'égalité pour des situations quasi identiques me paraît plutôt juste. C'est ce à quoi je me rallie, même si c'est sans enthousiasme...
Monsieur le Président : Je n'ai pas l'impression que les coeurs s'enflamment vraiment sur ce dossier. De minimis non curat praetor. Le Conseil constitutionnel, c'est le Conseil constitutionnel. De quoi s'agit-il ? La différence tient à ce que dans un cas, il y a proposition par le conseil d'administration et nomination par le ministre ; et dans l'autre, désignation par le conseil d'administration sur proposition de la commission médicale. Les entités sont-elles différentes ? Il ne semble pas qu'elles le soient tant que cela. Dans l'interprétation définitive, on a voulu créer une différence : les départements sont d'essence pluridisciplinaire... Mais pourquoi se complique-t-on la vie ainsi ? Quelle autre vérité y-a-t-il derrière ces explications ? J'ai l'impression qu'il y a une motivation secrète...
Monsieur FABRE : Vous avez raison... Voici les raisons non officielles. Les chefs de service, les patrons, dans certains hôpitaux régionaux, appartiennent à de véritables castes...
Monsieur FAURE : A Toulouse, il y a quatre noms de dynasties...
Monsieur FABRE : Ces chefs de service tiennent à la nomination par le ministre, et ne veulent pas s'abaisser à solliciter un vote, à passer par l'avis de la commission médicale... Le Gouvernement n'a pas voulu prendre de front ce mandarinat. D'où la création du département, le service étant laissé en place, mais appelé à disparaître... A la tête du département, les praticiens seront nommés par la base, et c'est lui qui, prenant de plus en plus d'ampleur, restera seul à terme, les services étant en voie de disparition... Mais en maintenant le service, il fallait le faire passer au Parlement, gagner quelques voix nécessaires... Il s'agit donc d'une satisfaction provisoire donnée au mandarinat. Si nous censurons, le Gouvernement fera une nouvelle loi, en précisant des différences réelles entre départements et services. On perdra six mois dans la modernisation des hôpitaux.
Monsieur le Président : Si on censure, qu'adviendra-t-il après ? Le Gouvernement n'a pas les moyens politiques de réaliser l'évolution qu'il souhaite. Car, pour ce qui est des ministres , croyez bien que s'opposer à l'avis d'un conseil d'administration, c'est risquer un incident de première grandeur... Bien, maintenant, j'ai compris...
Monsieur CABANNES : On va vers un doublement du mandarinat : après le patricien, celui du tiers-état...
Monsieur le Président : C'est par le biais de l'avis du conseil d'administration que les choses sont décidées. C'est toujours dangereux pour un ministre d'aller contre : c'est le trait rouge assuré localement sur celui qu'il aurait désigné... Mais tout cela ne résout par notre problème juridique...
Monsieur LATSCHA : Dans le système actuel, le chef de service est nommé par le ministre sur proposition du conseil d'administration ?
Monsieur le Secrétaire général : Sur avis du conseil d'administration.
Monsieur LATSCHA : Les agrégations de médecine sont les seules qui soient restées régionales...
Monsieur le Président : Ce qui m'ennuie dans cette affaire, c'est que le Conseil aille utiliser ses foudres pour des choses minimes... Et puis il y a la suite, le précédent, vis à
vis de la tarte à la crème des saisissants qu'est la rupture d'égalité... Je crois qu'il nous faut réfléchir cinq minutes.
Monsieur FAURE : Moi, j'ai plus parlé de fait que de droit. Mais je voterais la censure.
Monsieur FABRE : La conséquence du projet de censure, c'est de n'éliminer que ce qui touche aux modes de désignation.
Monsieur le Président : Le Gouvernement sera obligé de revenir sur la question, et de choisir entre les deux...
Monsieur LATSCHA : Il n'y a eu que sept voix d'écart : je vois mal le Gouvernement y revenir...
Monsieur FAURE : Et sur ces sept voix, il a promis trois hôpitaux à des non-inscrits dont la conviction lors du vote dépendait de la promesse !
Monsieur le Président : Je ne sens pas cette censure... Elle a quelque chose de ridicule. Le département est légèrement différent, bien que toujours le conseil d'administration demeure l'autorité majeure. Je ne sens pas cette affaire...
Monsieur MAYER : Il faut lutter contre le mandarinat. Si nous censurons, renaît l'ancienne loi, favorable au mandarinat. Le Gouvernement aura à nouveau besoin de voix...
Monsieur FABRE : Il ne va pas promettre trois hôpitaux à chaque fois !
Monsieur le Président : Il choisira : conserver le statu quo ou revenir sur la question...
Monsieur FABRE : Je ne crois pas qu'il y reviendra.
Monsieur FAURE : Il introduira un amendement quelque part, disant que les chefs de service sont nommés par le conseil d'administration ; il alignera les situations.
Monsieur FABRE : Dans un prochain DMOS.
Monsieur le Président : Je ne sens pas la censure.
Monsieur CABANNES : Le principe d'égalité, c'est comme l'article 1382 du code civil, c'est la bonne à tout faire du bloc de constitutionnalité !
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Mais, savez-vous que, contrairement à ce que vous dites, cette affaire est extrêmement importante ! On crée des départements avec une manifeste rupture d'égalité ! J'ai vécu ces questions pendant trente ans. Il y a de très grandes choses dans cette histoire !
Monsieur FAURE : Oui, il faut obliger le Gouvernement à choisir un seul mode de nomination, sinon ça va être la guerre civile entre eux. Je ne partage pas l'avis de facto de Monsieur FABRE. Quel est le système le plus favorable au mandarinat ? Eh bien, finalement, je n'en sais rien !
Monsieur ROBERT : Moi non plus. Je pense comme vous...
Monsieur le Président : La loi essaie de tourner l'impossibilité qui est celle d'un ministre d'aller à l'encontre d'un conseil d'administration. Va-t-on rendre une sentence d'inconstitutionnalité pour un problème comme ça ?
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Moi, j'en serais très heureux, parce que c'est un problème très important !
Monsieur le Président : Ça n'empêchera pas les bagarres...
Monsieur FAURE : Quelle est finalement la conviction du rapporteur ?
Monsieur FABRE : Au départ, j'étais pour la censure. Le service juridique m'a montré qu'il n'y avait pas de différences nettes, que cela ne tenait pas debout. Puis, il y a eu la réunion avec le secrétariat général du Gouvernement, qui a souligné l'aspect transitoire des choses, le souci d'accentuer vers plus d'autonomie de gestion et de responsabilité, et d'en arriver à des nominations communes par la base, de façon à en finir avec cette guerre entre ceux qui sont nommés par le haut et ceux qui le sont par le bas. C'est vrai que le texte est maladroit : on a voulu ménager les chefs de service. Mais maintenant, je suis plutôt pour la conformité.
Monsieur le Président : Commençons la lecture du projet, nous verrons une fois arrivés au point névralgique.
Monsieur FABRE procède au début de la lecture du projet de décision principal.
Monsieur le Président (après le considérant se terminant en haut de la page 6) : Ces conditions, ce sont les mêmes dans les deux cas ?
Monsieur FABRE : Oui.
Monsieur CABANNES : Arrivés à ce point, ne pourrait-on d'abord se débarrasser de l'article L. 714-25.2, qui vient après ?
Monsieur FABRE : Non, non, il faut voir les choses dans la continuité.
Monsieur FABRE reprend la lecture du projet page 6.
Monsieur le Président (l'interrompant page 8, après la fin du premier considérant) : Arrêtons-nous là. La motivation de la censure, c'est cela. Voyons ce que donne la lecture de la variante de conformité.
Monsieur FABRE procède à la lecture de la variante.
Monsieur le Président (l'interrompant en haut de la page 3) : Les départements ont "vocation" à regrouper des unités fonctionnelles différentes ? D'où est-ce que cela sort ? Ça a été dit au Parlement ? Ça résulte des travaux préparatoires ?
Monsieur FABRE : C'est ce que nous ont dit les représentants du Gouvernement.
Monsieur le Président : Ça ne ressort pas des débats ?
Monsieur le Secrétaire général : Cela ne résulte pas formellement des débats.
Monsieur le Président : C'est le ministre qui le dit.
Monsieur le Secrétaire général : Les débats ont été très hachés. Le projet force ici un peu les choses. Quand Monsieur le rapporteur a demandé aux représentants du Gouvernement si le département était forcément pluridisciplinaire, ils ont dit : "Oui, à terme, mais il pourra arriver conjonctuellement qu'il soit monocolore ! Et à la question : mais alors qu'est-ce qui motive la différence 7 Il n'a guère été répondu que par le mémoire écrit qui a suivi, où l'on fait état de cette "vocation". D'où l'effort que se permet de faire le juge, dans la variante.
Monsieur le Président : Le représentant du Gouvernement devant le Conseil d'Etat en a fait état ?
Monsieur le Secrétaire général : Non, parce qu'alors ils en étaient encore, si je puis dire, au degré zéro de la différence entre service et département. Si la variante était retenue, sans doute faudrait-il supprimer le membre de phrase "ainsi que des débats".
Monsieur le Président : Mais qu'est-ce qui, dans le texte de la loi, permet de dire cela ?
Monsieur le Secrétaire général : C'est un a contrario. Il y a un silence. Le Conseil constitutionnel le comble dès lors qu'il choisit la solution de conformité.
Monsieur le Président : Non, non... ma conviction est faite. Il n'est pas possible de déduire ainsi des intentions du législateur. On ne peut pas soutenir cela...
Monsieur CABANNES : Ce n'était qu'un moyen de sauver la loi...
Monsieur le Président : Nous faisons retour au projet principal.
Monsieur FABRE relit le premier considérant de la page 8 du projet principal.
Monsieur le Président : On n'évacue pas l'hypothèse où l'intérêt général est susceptible de justifier la rupture d'égalité ? Il faut le rajouter... Et puis, non, allez, inutile de trop compliquer !
Monsieur FABRE poursuit par la lecture du deuxième considérant de la page 8.
Monsieur le Président : Sur les inséparabilités, vous avez bien vérifié ?
Monsieur le Secrétaire général : Oui, oui, c'est pour permettre le maintien en partie du système en vigueur. D'ailleurs il faut mettre en harmonie complète le dispositif et les motifs.
Monsieur FABRE reprend sa lecture, page 9, et la prolonge jusqu'au dispositif.
Monsieur le Président : Messieurs ?
Monsieur CABANNES : Comme vous, en un premier mouvement, Monsieur le Président, je crois qu'il serait bon de lever l'hypothèque de l'intérêt général à la fin du premier considérant de la page 8.
Les conseillers mettent au point un complément de considérant en ce sens.
Monsieur MAYER : Quel est l'intérêt du deuxième alinéa de la page 10 ?
Monsieur le Secrétaire général : C'est un point de repère.
Monsieur MAYER : Dit-on que cette différence est en "rapport" ?
Monsieur LATSCHA : En "relation" ?
Cette rédaction est adoptée.
Monsieur le Président : Je soumets ce projet ainsi amendé à notre vote.
Il est adopté à l'unanimité.
La séance est levée à 18 h 30.