PV1994-03-08-10 <FRANCOIS,Luka>

SEANCE DU 8 MARS 1994<

La séance est ouverte à 15 heures en présence de tous les conseillers à l'exception de Monsieur ROBERT, excusé.

Monsieur le Président : Monsieur FABRE, c'est à vous.

Monsieur FABRE : Je tiens d'abord à remercier ceux qui m'ont aidé dans le confection de ce rapport, et qui ont même "rogné" sur leurs vacances pour que cette affaire soit examinée dans les meilleures conditions.

Ce n'est pas la première fois que l'Assemblée nationale éprouve le besoin de modifier son règlement pour améliorer ses conditions de travail et les adapter à l'évolution rapide de la société.

En particulier pour affirmer le rôle du Parlement face aux autres pouvoirs, notamment celui des médias qui remet en cause l'image du pouvoir politique.

La liste est longue des précisions et modifications apportées, depuis 1958 à ce qui a été d'abord les "règles provisoires de fonctionnement" et qui est devenu le Règlement de l'Assemblée nationale. Saisi le 5 juin 1959 de la résolution votée le 3 juin 1959, le Conseil constitutionnel a examiné ce texte au cours de 3 séances les 17, 18 et 24 juin 1959 et y a apporté des suppressions et modifications. La nouvelle résolution fut reconnue conforme à la Constitution le 24 juillet 1959.

Depuis lors le règlement a été très souvent remodelé. Vingt fois notre Conseil a été saisi dont la dernière remonte au 18 novembre 1992 la décision du Conseil ayant été rendue le 17 décembre 1992.

Il est à noter que ces nombreuses modifications, dont l'importance a été variable, ont été étalées dans le temps, et votées aussi bien par la majorité de droite que de gauche. Elles ne relèvent donc pas d'un esprit partisan, mais de la recherche sincère d'une amélioration des conditions de travail et de l'image de la représentation nationale dans l'opinion publique.

La preuve en est apportée par les contributions fournies par les groupes politiques (RPR, UDF, PS, PC) au groupe de travail constitué pour préparer l'élaboration de la Résolution qui nous est soumise au sein de la Commission des Lois.

Cette fois l'ambition de l'Assemblée va au delà d'un simple remaniement technique .

Ses successifs Présidents au cours des dernières législatives ont Cette réforme est la plus importante par son ampleur depuis celle de 1969cette phrase est une reférence de bas de page lorsque M. Fabre parle de l'ambition de l'assemblé .


affirmé la nécessité d'apporter une réponse à ce qu'ils ont qualifié eux-mêmes de crise de l'institution parlementaire. C'est pourquoi la résolution qui nous est soumise comporte 74 articles, dont certains sont techniques.

Nous serons donc amenés à les examiner les uns après les autres, et à décider chaque fois si le nouveau texte est bien conforme à la Constitution.

Auparavant, il me semble utile, sans toutefois m'appesantir longuement, d'aborder l'analyse des causes de la crise actuelle du Parlement, pour trouver le fil conducteur des nouvelles dispositions adoptées, en soulignant que l'assemblée n'a pas prétendu déborder du cadre de ses pouvoirs propres, ni remettre en cause les acquis de la Constitution (ce qui supposerait sa révision).

Le rapporteur, Monsieur MAZEAUD, s'est défendu de rechercher les causes de la crise dans la place réservée au Parlement dans les institutions de la Vème République. Il a reconnu avec objectivité que (je le cite) "la crise tient au fait que le Parlement exerce mal les compétences - certes limitées - que la Constitution lui reconnaît, ou qu'il ne les exerce pas toutes".

Cette autocritique méritait d'être soulignée. Les facteurs externes de la crise ne sont pas négligeables. Monsieur MAZEAUD cite la décentralisation et la construction européenne qui peuvent, par l'émergence de leurs pouvoirs, déposséder le Parlement de certaines de ses prérogatives.

Mais il a le courage de dire que les causes internes sont les plus importantes et qu'elles justifient l'initiative du Président de l'Assemblée, suivi par son Bureau et par les groupes politiques, tendant à rendre le Parlement plus efficace grâce à une rénovation de la procédure législative.3 astérisques en triangle sont présentes juste après ce paragraphe

Dans la résolution qui nous est soumise figurent des modifications de dispositions du règlement, mais aussi des recommandations ce qui est peu habituel.

Les recommandations s'adressent au Gouvernement et aux diverses instances parlementaires et poursuivent deux objectifs :

a) infléchir les comportements pour assurer un plus grand respect des droits du Parlement et améliorer la procédure ;

b) donner une efficacité nouvelle au contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement et des institutions communautaires.

Ces recommandations ne manquent pas d'intérêt dans la mesure où leur prise en compte par le Gouvernement ou par l'Assembléeelle-même faciliterait la mise en oeuvre des réformes proposées, dans la mesure aussi où elles visent des changements de comportement dans l'application du Règlement actuellement en vigueur. A titre d'exemple on peut citer la réunion d'une au moins des Commissions permanentes pendant l'intersession pour interroger un Ministre ou bien la volonté d'accélération des réponses aux questions écrites.

Mais ces recommandations, dans la mesure où elles ne se traduisent pas par une modification des articles du règlement, et n'impliquent pas un changement constitutionnel, n'appellent pas d'examen de notre part.

En ce qui concerne le Conseil, ce sont les modifications qui sont apportées au texte du Règlement sur lesquelles nous devons nous prononcer.

Avant de les étudier article par article, il convient de tracer brièvement la ligne directrice qui a guidé ce projet de rénovation de la procédure législative. Elle part d'un constat : le déséquilibre entre la relative brièveté de la délibération en commission et la longueur du débat en séance publique. Le cheminement d'un projet ou d'une proposition de loi est logique. Mais le bon déroulement de divers examens et en particulier des amendements, moyen d'expression le plus précieux de l'opposition, est conditionné par le temps.

Or les délais sont courts et la procédure pas toujours respectée. Le délai de dépôt des amendements est plus systématiquement reporté au dernier moment, au moment de la discussion des articles.

Les mesures proposées :

Il s'agit d'abord de donner plus de poids et de portée aux décisions des commissions. Par exemple : en respectant le principe de l'examen des amendements en commission, en ouvrant les réunions des commissions à l'ensemble des députés (modifications des articles 86-5 et 38), en permettant aux ministres de prendre une part plus large aux travaux des commissions, en garantissant un examen par la Commission saisie au fond de tous les amendements déposés en prévoyant plus de souplesse dans l'application de l'article 88-1 pour que l'examen des amendements en commissions puisse commencer la veille et non pas le jour même du débat et en prévoyant qu'une réunion se tienne ensuite avant l'ouverture de la discussion des articles, sauf avis contraire des autorités de la commission.

Enfin, et surtout, le délai de dépôt des amendements fixé aujourd'hui à 4 jours de séance après le dépôt du rapport est ramené à 3 jours (le délai actuel n'est jamais respecté...). Si le débat commence avant cette date, la limite de dépôt est désormais l'ouverture de la discussion générale

Il s'agit là des mesures d'ensemble, cohérentes touchant surtout aux travaux de commissions.

Je dois noter qu'il y a d'autres mesures, plus hétéroclites : L'exigence de comptes-rendus plus détaillés destinés à la presse, la mise en place de comptes-rendus audiovisuels, la retransmission télévisée des auditions publiques et des commissions d'enquêtes ou codification dans le règlement, la pratique qui confie à la Délégation pour les communautés européennes un rôle général d'instruction des propositions d'actes communautaires.

A ces mesures s'ajoutent les modifications rendues obligatoires par de nouvelles dispositions constitutionnelles organiques ou législatives. S'y ajoutent aussi des modifications qui ont pour objet l'adaptation du règlement à des situations de fait, qu'il s'agisse de traditions créées, d'habitudes prises ou de méthodes couramment utilisées.

Dans ces cas là c'est la recherche de la conformité au Règlement qui a motivé les modifications.

Il nous appartient de voir si ces adaptations sont elles aussi conformes à la Constitution.

Cette réforme du règlement est plus qu'un toilettage. Elle est substantielle. Tous les groupes de l'Assemblée ont concouru à son élaboration.

Je distinguerai les principes qui doivent conclure notre examen, puis l'examen des articles dans l'ordre de cette résolution puisque, s'agissant d'un cas dans lequel, en vertu de l'article 61 , alinéa 1 , de la Constitution, notre contrôle est obligatoire, il nous appartient dans la décision d'énumérer tous les articles.

I• Les principes applicables au contrôle du règlement de l'Assemblée par le Conseil

:

Les règlements des assemblées ont dans la hiérarchie des normes une place inférieure à celle de certaines lois. Dans un considérant de principe traditionnel qui est rappelé au début de cette décision, il est indiqué que les dispositions de ces règlements doivent respecter la Constitution, les lois organiques, et les mesures législatives prises pour la mise en place des institutions, en vertu de l'article 92 de la Constitution qui concernait les dispositions transitoires. Entrent dans cette catégorie l'ordonnance, qui a valeur de loi ordinaire, du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et, le Conseil le précise toujours, les modifications ultérieures de ce texte, ce qui est important puisque c'est par une modification de cette ordonnance de 1958 qu'ont été instituées les délégations parlementaires pour les communautés européennes, dont le présent projet de résolution modifie, à l'article 67, les pouvoirs en conférant désormais un pouvoir général d'instruction sur les propositions d'actes communautaires transmises aux assemblées en vertu de l'article 88-4 de la Constitution qui a, je le rappelle, été introduit par la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 faisant suite à notre décision du 9 mai 1992 relative au traité sur l'Union européenne. Je vous rappelle également que nous avons déjà jugé de l'application par les règlements des assemblées de cet article 88-4 de la Constitution dans une décision n° 92-314 DC du 17 décembre 1992 en ce qui concerne l'Assemblée nationale et par une décision n° 92-315 DC du 12 janvier 1993 en ce qui concerne le Sénat.

Ceci me permet d'ailleurs d'aborder un second problème de principe, qui résulte du fait que la plupart des modifications proposées dans cette résolution sont de pure forme, d'harmonisation, ou d'une ampleur très limitée. Il y a des dispositions qui changent simplement de place, ou qui sont modifiées de manière très marginale. Dans ce cadre, quels sont les pouvoirs du Conseil ? La question peut se poser au regard de notre jurisprudence élaborée le 25 juillet 1985 (n° 85-187 DC) en ce qui concerne les lois, nous avons indiqué qu'il était loisible au Conseil de se pencher sur une disposition déjà en vigueur qui était modifiée ou complétée par une disposition nouvelle soumise au Conseil. Nous avons ensuite appliqué, une seule fois, dans notre décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989 (principes d'aménagement), cette jurisprudence sur laquelle on peut d'ailleurs rester quelque peu perplexe : que se passerait-il si le Conseil décidait qu'une disposition déjà en vigueur était contraire à la Constitution ?

Je vous rappelle que nous n'avons pas fait application de cette jurisprudence aux traités (voyez la décision du 9 mai 1992 relative au traité sur l'Union européenne), puisque, saisi sur la base de l'article 54 de la Constitution, de très nombreuses modifications du Traité de Rome, des autres traités institutifs des communautés, de l'Acte unique européen, nous ne nous sommes pas penchés sur ces textes mais nous avons limité la portée de notre contrôle au seul traité sur l'Union européenne.

La question peut se poser pour les lois organiques et pour les règlements. Mais il me semble qu'elle est aisée à résoudre. En effet, ces textes sont tous postérieurs à 1958 et nous avons donc, sauf pour ce qui est de certaines ordonnances organiques, déjà eu à en connaître. Aussi, en ce qui concerne les règlements des assemblées, il y a déjà une autorité de chose jugée qui s'applique à des dispositions exactement identiques. Par conséquent, il me semble que nous n'avons pas à revenir sur ce qui a déjà fait l'objet d'une décision de conformité. Sur ce point, la décision introduit d'ailleurs des nuances lorsqu'elle décrit des dispositions qui sont déjà en vigueur, en employant des formules vagues : "ont trait..., concernent..." et, en revanche, elle prévoit des formules plus précises et détaillent davantage les nouveautés réellement introduites par la résolution. De cette manière-là, il me semble que nous mettrons l'accent sur le fait que dans un cas notre examen est réduit, puisqu'il porte sur des dispositions déjà jugées et que, par contre, lorsque la décision détaille les dispositions, c'est parce qu'il y a une nouveauté réelle.

Voilà pour ce qui concerne les préalables Je peux maintenant aborder l'examen de chacun des articles de la résolution.

Monsieur le Président : Comment comptez-vous procéder ?

Monsieur FABRE : Je vais essayer de grouper les articles portant sur les mêmes thèmes

Monsieur le Président : Oui, commençons en suivant les paragraphes de la décision. S'il y a un problème, vous vous interrompez et nous discuterons alors point par point.

Monsieur FABRE : Je prends tout d'abord les articles 1er à 10.

L'article 1 er est purement formel. Il prévoit les conditions dans lesquelles les démissions des députés sont adressées et publiées.

L'article 2 a trait à la composition du Bureau, en restreignant les scrutins pour les seules fonctions pour lesquelles le nombre de candidats est supérieur au nombre de sièges à pourvoir et l'article 3 supprime la fixation par le Bureau d'un ordre de suppléance des vice-présidents, qui ne correspond à aucune réalité.

Les articles 4 à 10 compris ne font que réécrire des dispositions antérieures, en supprimant celles qui sont obsolètes, qui correspondent à des pratiques différentes de ce qui est prévu par le texte et n'ont aucune incidence constitutionnelle. L'article 5 : la seule modification sur laquelle je me suis un peu interrogé est celle qui supprime le principe selon lequel les communications adressées au Gouvernement sont envoyées au Premier ministre. Mais ces communications sont prévues par d'autres articles du règlement, par exemple pour une prise d'acte de l'absence de dépôt d'une motion de censure. Elles sont naturellement adressées au Premier ministre et cette suppression est purement formelle. (Il lit la partie correspondante de la décision).

Monsieur le Président : Cette lecture me laisse perplexe. Elle laisse un sentiment d'insatisfaction.

Monsieur SCHRAMECK : L'autre solution consisterait à détailler.

Monsieur le Président : Non, il vaut mieux trouver une formule faisant ressortir qu'on n'analyse pas en détail toutes les dispositions (les conseillers s'accordent sur une modification rédactionnelle en ce sens).

Monsieur FABRE

L'article 11 est relatif aux groupes de défense d'intérêt particulier locaux ou professionnels. Il affirme avec plus de netteté l'interdiction de tout mandat impératif, conformément à l'article 27 de la Constitution.

L'article 12 supprime l'obligation d'annonce en séance des nominations lorsqu'elles interviennent à la représentation proportionnelle. Compte tenu du nombre de ces nominations, et du simple fait que l'annonce se borne à renvoyer au Journal officiel, cette modification ne pose aucun problème.

L'article 13 comporte la première réelle innovation. Elle concerne la nomination de députés siégeant au sein d'organismes extra-parlementaires, dans les cas où le recours à la représentation proportionnelle des groupes n'est pas prévu et lorsque le texte constitutif n'impose aucun mode spécifique de désignation. Dans ce cas, le mécanisme actuel est assez lourd. Il prévoit une information de la part du Président de l'Assemblée, puis une proposition de celui-ci de présentation des candidats par telle ou telle commission compétente, et une faculté d'opposition à cette proposition par le président d'un groupe, le président d'une commission ou trente députés au moins. Compte tenu du nombre d'organismes, du nombre de nominations, cette procédure ne joue jamais. Aussi il est proposé de la simplifier, en prévoyant d'une manière générale à la place d'une information formellement faite en séance publique, dans l'intervalle des sessions, une publication au Journal officiel, et d'autre part le fait que le Président de l'Assemblée désigne de lui-même la commission compétente pour proposer des candidatures, tout en supprimant l'alinéa 9 de ce texte, c'est-à- dire la faculté d'opposition que je viens de décrire. Mais je précise bien qu'ensuite d'autres candidatures que celles établies par la ou les commissions ainsi désignées par le Président demeurent possibles. Et, dans ce cas, c'est l'Assemblée elle-même qui procède à la désignation par un vote Ce cas est très peu fréquent. Bref, il s'agit simplement d'une mesure de répartition de compétence des commissions permanentes pour établir une liste des candidats, cette liste pouvant toujours être contestée, et il n'y a là aucune difficulté constitutionnelle. (Il lit la partie correspondante du projet).

Madame LENOIR : Cela vise les organismes extra-parlementaires ?

Monsieur RUDLOFF : Oui c'est le cas de la CNIL par exemple.

Monsieur le Président : Il n'y a pas de problème de constitutionnalité qui soit en cause ici.

Madame LENOIR : Non, non (les conseillers s'accordent sur une modification rédactionnelle suggérée par Monsieur le Président).

Monsieur FABRE : L'article 14 modifie l'intitulé d'un chapitre. L'article 15 procède à de simples adaptations de forme : il vise la désignation des députés "siégeant aux assemblées internationales ou européennes" au lieu d'une énumération de ces assemblées qui était faite auparavant. L'article 16 est relatif au moment où est inscrit d'office un débat sur la demande de constitution d'une commission spéciale. Il ne touche en rien, évidemment, à la fixation de l'ordre du jour prioritaire. Le projet le rappelle. (Il lit la partie correspondante).

L'article 17 comporte la deuxième innovation réelle de cette proposition de loi. Elle vise l'assistance des députés non membres d'une commission aux réunions de celle-ci. L'article 43 de la Constitution prévoit le renvoi en commission de tout texte. Ce qui est constitutionnel c'est donc le nombre des commissions, sans doute le fait que des parlementaires ne puissent être membres que d'une seule commission permanente, et le caractère indispensable de l'examen préalable d'un texte par une commission, qu'elle soit permanente ou spéciale. Mais en dehors de cela, il n'y a pas de disposition constitutionnelle qui interdise à un parlementaire d'aller dans une commission permanente dont il n'est pas membre. Et ceci est d'autant plus vrai que le règlement de l'Assemblée prévoit déjà (article 86, alinéa 5) que l'auteur d'une proposition ou d'un amendement peut être convoqué aux séances de la commission consacrées à l'examen de son texte. Mais dans ce cas il se retire au moment du vote. En généralisant la possibilité pour un parlementaire d'assister aux réunions d'une commission dont il n'est pas membre, cette résolution ne pose aucune difficulté. Il en irait autrement si un député non membre d'une commission pouvait y voter. Mais tel n'est pas le cas ici. Donc, sous réserve de ce rappel, il est clair que cette disposition est conforme à la Constitution .

Je dois souligner un autre point qui a son importance. L'article 38 du règlement de l'Assemblée nationale qui est modifié par cet article 17 ne vise formellement que les commissions permanentes. Le texte reste silencieux sur les commissions spéciales . Il s'agit d'une omission technique. L'intention des auteurs du règlement est claire. Le rapport de Monsieur MAZEAUD sur cet article s'intitule "Assistance des députés non membres d'une commission à ces réunions", et ne semble pas avoir vu ce problème. Aussi, si le projet reste dans le flou, les instances parlementaires pourront faire jouer cette règle pour les commissions spéciales. En revanche, si nous précisons bien qu'il s'agit-là des commissions permanentes, l'Assemblée sera tenue d'adapter formellement son règlement si elle souhaite étendre cette disposition nouvelle aux commissions spéciales. Par scrupule, c'est la rédaction la plus stricte qui vous est proposée, mais une rédaction plus souple permettrait aux instances parlementaires d'étendre cette règle à toutes les commissions législatives. En revanche, je précise que cela ne concerne en aucune manière les commissions mixtes paritaires, puisque les règles de composition de ces commissions ne sont pas modifiées, sauf sur un point mineur. J'y reviendrai. (Il lit la partie correspondante du projet).

Monsieur FAURE : Moi je suis pour la restrictive. Effectivement, Ça ne vise pas les commissions spéciales.

Madame LENOIR : Je ne suis pas d'accord, en dépit de la place de cet article dans le texte du règlement, ce sont les commissions législatives dans leur ensemble qui sont concernées. Nous ne devons pas les exclure.

Monsieur le Président : Je crois qu'il vaut mieux rester vague, supprimons le mot "permanent" du projet et laissons les assemblées se débrouiller elles-mêmes. N'allons pas trancher un débat que l'on nous ne demande pas de trancher. Si le règlement n'a pas été modifié de façon judicieuse tant pis. Nous n'y pouvons rien. (Assentiments).

Monsieur FABRE : L'article 18 modifie la procédure de nomination des membres des bureaux des commissions. Il concerne, lui, aussi bien les commissions permanentes que les commissions spéciales.

L'article 19 est, lui aussi, relatif aux travaux des commissions. La seule innovation considérable à laquelle il procède c'est de supprimer le principe qu'une matinée par semaine est réservée aux commissions permanentes En pratique, la seule matinée susceptible d'être réservée est celle du jeudi. Le souhait des auteurs de cette résolution c'est que les commissions se réunissent davantage. Il n'y a là aucun problème. Ceci ne porte pas atteinte au principe de l'article 43 de la Constitution que j'énonçais tout à l'heure.

L'article 20 supprime la mention de l'absence de quorum pour les votes en commission. Il ne pose pas de problème. En revanche, aurait certainement posé un problème délicat l'article 21 de la proposition initiale, mais que l'Assemblée a préféré ne pas adopter, qui supprimait carrément l'exigence de quorum en commission. Mais, je le répète, il n'est pas dans le texte final, ce qui nous évite une question délicate.

L'article 21 de la proposition procède à deux modifications, qui sont toutes les deux importantes.

La première, en supprimant la dernière phrase du premier alinéa de l'article 45 du règlement, prévoit que désormais les ministres peuvent assister au vote en commission. Sur le plan de l'opportunité, cette disposition peut paraître extrêmement douteuse. En effet, il n'y a pas de publicité des scrutins en commission, ce qui fait que la majorité peut y être plus libre. La suppression de l'interdiction faite au ministre d'être là, si elle se conçoit par la volonté de rééquilibrer les travaux des commissions par rapport à ceux de la séance publique, portera bien évidemment atteinte à l'indépendance et à la liberté de ton qui prévaut dans les commissions. Pour autant cet article va-t-il à l'encontre d'un quelconque principe constitutionnel ? On peut réfléchir en termes d'indépendance, de missions des commissions ou en termes de séparation des pouvoirs, en application de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme. Mais il n'y a rien qui garantisse pour autant le secret des votes des commissions. Ce n'est pas un principe constitutionnel. Il me semble donc impossible de censurer ce dispositif, même si on peut le critiquer en opportunité. D'ailleurs, nous en avons admis la conformité pour le règlement du Sénat (cons. 27 de la décision du 15 janvier 1992, Rec. p. 13) en ce qui concerne les procédures abrégées.

Monsieur le Président : Il n'y a pas de différence avec notre jurisprudence classique et notamment avec la décision du 7 novembre 1990 sur le rôle des commissions. La présence du Ministre ne changera rien du tout ! Oui c'est toujours la même idée.

Monsieur FAURE : De toute manière cela ne pose pas de problème de constitutionnalité.

Monsieur RUDLOFF : Ils se débrouilleront bien mais cela ne se fera pas sans heurt.

Monsieur SCHRAMECK : Il faut rappeler que le Conseil l'a déjà admis.

Monsieur FABRE : lit la partie correspondante du projet. (Assentiments).

La deuxième innovation de cet article consiste, au deuxième alinéa de l'article 45 du règlement actuel, à supprimer la transmission par le Président de l'Assemblée au premier ministre d'une demande d'audition d'un ministre par un président de commission. Le Gouvernement, vous l'avez vu, s'en est ému. On ne peut pas, me semble-t-il, retenir son argumentation Dans la plupart des cas à l'heure actuelle, le président de la commission procède à l'audition avant que sa demande ne parvienne au Gouvernement. En outre, les ministres doivent être entendus quand ils le demandent, et il n'est pas alors prévu de mécanisme en vertu duquel ils doivent demander l'autorisation au Premier ministre d'être entendus. Enfin et c'est surtout là-dessus que les craintes du Gouvernement sont injustifiées, il s'agit bien d'une demande à laquelle le ministre n'est nullement tenu de déférer et non d'une obligation. Il n'y a pas lieu sur ce point à une quelconque réserve d'interprétation. Pour bien souligner cela, le projet emploie l'expression "sollicite" qui montre bien à quel point les craintes du Gouvernement sont vaines. Le projet rappelle également les termes de l'article 21 de la Constitution, pour indiquer qu'ils ne sont pas méconnus.

L'article 22 modifie de manière très restreinte les conditions de publicité des travaux des commissions. Il s'agit de mettre la lettre du règlement en conformité avec les pratiques actuelles.

Monsieur le Président : Attendez, je m'interroge. La modification est-elle aussi anodine qu'elle paraît ?

Monsieur CAMBY : Oui, elle n'a pas une importance considérable. Il s'agit simplement de mettre en accord la pratique des communiqués à la presse avec la lettre du règlement. En pratique, c'est déjà comme cela que cela se passe.

Monsieur le Président : Je ne comprends pas, on va pouvoir se passer de l'accord des personnes entendues ? On va publier des auditions à leur insu ? Vous vous rendez compte de cette atteinte au droit des personnes.

Monsieur SCHRAMECK : Il s'agit d'une modification purement technique, les personnes entendues ont déjà donné leur accord pour être auditionnées. En outre, j'ajoute que le principe de la publicité a été admis avec des dispositions similaires en ce qui concerne le règlement du Sénat et le Conseil constitutionnel l'a validé dans sa décision du 7 novembre 1990.

Monsieur le Président : Il reste que le droit à l'image peut être méconnu. Regardez comme cela se passe dans des débats où la télévision est présente. Ces modalités de comparution sont très attentatoires au droit à l'image. On sait très bien comment cela marche.

Monsieur ABADIE : Oui le mécanisme aurait pu fonctionner d'une manière très perverse. Il y aurait une sorte de comparution de témoins, la télévision serait là sans que les individus puissent se défendre.

Monsieur CAMBY : Il ne s'agit nullement des commissions d'enquête, mais des commissions législatives. Les personnes auditionnées le sont avec leur accord et souvent elles souhaitent elles-mêmes être entendues. Le procédé n'est donc pas inquisitorial.

Monsieur le Président : Oui je vois bien qu'il s'agit là d'une modification technique, mais on retrouvera cette difficulté dès lors qu'on abordera les commissions d'enquête. Bien allez-y.

Monsieur FABRE lit la partie correspondante du projet.

Monsieur le Président : Bien. Comme le problème est particulièrement délicat, je vous propose de suspendre ici et nous reprendrons cela un peu plus tard (assentiments).

La séance est suspendue à 15 h 45. Elle est reprise à 16 h 20.Première pause des sages, je ne sais pas si comment la signaler

Madame LENOIR : J'observe que dans notre décision de 1981 nous avons déjà admis une disposition analogue. Il s'agissait alors d'une procédure permettant la publicité des travaux des commissions. Je ne vois aucune différence.

Monsieur LATSCHA : En ce qui concerne l'article 23, ce qui disparaît c'est la mention : "sous réserve de l'accord des personnalités entendues". Or, cette précaution disparaît.

Madame LENOIR : Mais le Sénat a supprimé une mention identique en 1990 et le Conseil constitutionnel l'a parfaitement admis.

Monsieur SCHRAMECK : Oui, il me paraît que la question est déjà jugée.

Monsieur LATSCHA : Cela ne porte que sur le communiqué à la presse. Or, ici ce n'est pas la même chose : en effet, il ne s'agissait pas d'une disposition d'une portée aussi générale.

Monsieur RUDLOFF : Je ne vois pas pourquoi on fait un sort spécial à cette disposition. Nul n'est obligé de rester devant les caméras. Nul n'est obligé non plus de répondre à une demande d'audition. Tout cela c'est une procédure de contrôle extrêmement courante qui n'a rien à voir avec des procédures judiciaires.

Monsieur LATSCHA : Mais ici cela dépasse la simple notion du compte-rendu.

Monsieur le Président : Oui c'est vrai qu'on ne convoque pas un tiers ou un témoin, encore que la question peut se poser.

Monsieur FAURE : La comparution n'est pas obligatoire : il s'agit des commissions législatives !

Monsieur RUDLOFF : Celui qui n'est pas content s'en va. L'intention est claire, il s'agit de remplacer au maximum les phases les plus techniques de la séance publique par un travail en commission. Je vois bien ce que cela vise : c'est l'audition des ministres. Ne dramatisons pas.

Monsieur le Président : Mais il reste que Monsieur LATSCHA a raison. Dans le règlement du Sénat, seul le compte-rendu est visé. Je ne vois là que des périls.

Monsieur FAURE : Mais non ! Je répète que cette procédure n'a rien à voir avec une quelconque comparution. Il s'agit d'audition.

Monsieur le Président : On peut avoir des doutes sur la pratique qui en découlera Mais il est vrai que c'est difficile de rattacher cela à un interdit constitutionnel.

Monsieur RUDLOFF : Mais comment voulez-vous avec cela monter un "coup politique" ? Ce n'est pas le lieu. Ce genre de "coup" est réservé, à la limite, aux questions au Gouvernement.

Monsieur le Président : II reste que cela pourrait déboucher sur une sorte d'investigation publique comme aux Etats-Unis, caméra à 1'appui.

Monsieur RUDLOFF : Mais même si tel était le cas, je ne vois pas comment d'une manière quelconque on pourrait l'interdire et je répète que la procédure législative ou les missions d'information des commissions n'ont rien à voir avec cela.

Monsieur le Président : Oui je sais, il s'agit de ramener un intérêt aux débats devant le Parlement.

Monsieur LATSCHA : Sauf que l'on se passe de l'accord des intéressés pour le compte-rendu.

Monsieur CAMBY : Mais le compte-rendu est un document qui paraît a posteriori et dont je dois dire qu'il n'est pas très lu. Seul le communiqué à la presse peut revêtir une importance médiatique. D'où la simplification purement technique à laquelle procède cette disposition.

Monsieur le Président : Au-delà de ces considérations, je m'interroge sur le fondement constitutionnel d'une éventuelle censure. Peut-il s'agir du respect des droits de la défense ? Peut-il s'agir de l'intimité de la vie privée ?

Madame LENOIR : Même si l'on se réfère aux commissions d'enquête dont nous débattrons plus tard, le principe de publicité est une réussite. Il n'y a pas de véritable délit puisque c'est le bureau de la commission d'enquête qui décide. Tel sera a fortiori le cas pour les commissions législatives.

Monsieur ABADIE : On pourrait peut-être introduire l'idée que l'intéressé peut refuser de déférer à la convocation.

Monsieur CAMBY : Classiquement, il n'y a pas de convocation. Le Président de la Commission intéressée se met d'accord avec le Ministre. S'il s'agit d'un projet de loi, l'audition du Gouvernement est souvent souhaitée par celui-ci, de manière à déblayer les questions techniques. Dans le cas contraire, c'est le dialogue permanent entre un Ministre et la commission qui fait que fréquemment, ce sont les membres du Gouvernement qui demandent eux-mêmes à être entendus. Enfin, la commission peut procéder à l'audition d'experts. Mais ceux-ci sont prévenus à l'avance et, en général, ils sont plutôt contents d'être conviés.

Monsieur le Président : Il est vrai que pour en revenir aux principes, nous n'avons jamais consacré l'intimité de la vie privée, ni le droit au respect de la vie privée. Notre seule référence c'est plutôt celle des droits de la défense.

Monsieur CABANNES : Oui, j'allais le dire, c'est là qu'est le véritable problème.

Monsieur RUDLOFF : Cela n'a rien à voir avec la solution technique des députés et des sénateurs quant à la publication des travaux de la commission. Naturellement, la question peut se poser dans les commissions d'enquête, mais nous n'y sommes pas encore. C'est peut-être là qu'ils auraient dû faire attention.

Monsieur le Président : Ceci vaut aussi pour les commissions d'enquête ?

Monsieur SCHRAMECK : Non, les commissions d'enquête sont visées par un autre article de la résolution. Ici il ne s'agit que de la procédure générale devant les commissions parlementaires.

Monsieur le Président : On pourrait améliorer la rédaction en marquant de manière plus précise les choses.

Madame LENOIR : Ici, cela concerne toutes les commissions.

Monsieur RUDLOFF : Mais non, et la place de cet article dans le règlement et les travaux préparatoires montrent bien que ce n'est pas cela.

Monsieur LATSCHA : II reste que cela peut avoir une importance dans l'avenir.

Monsieur RUDLOFF : Oui, la seule importance que cela peut avoir c'est de savoir quelle sera l'assiduité aux travaux des commissions

Monsieur le Président : Ici, vous avez raison. Mais en revanche je vois un réel danger pour les commissions d'enquête. J'imagine une dérive comme cela se produit aux Etats-Unis.

Monsieur CAMBY : Mais la loi du 19 juillet 1991 prévoit la publicité des audiences.

Monsieur le Président : Certes, mais ce texte ne nous a pas été soumis. Je ne suis pas sûr que nous l'aurions accepté. Et en plus vous imaginez tous les montages auxquels les journaux télévisés pourraient se livrer.

Madame LENOIR : Mais c'est déjà le cas : depuis 1991, beaucoup de commissions d'enquête sont déjà télévisées

Monsieur le Président : Il me semble tout de même utile de réserver l'avenir. Je suis convaincu du fait que cet article ne concerne pas les commissions d'enquête et Monsieur RUDLOFF a raison d'insister sur son objet et sa nature. Mais quand nous en viendrons à celles-ci, il faudra que nous reprenions le débat au fond.

Monsieur FABRE : Je poursuis donc.

L'article 23 supprime une disposition sans objet, et l'article 25 supprime la référence au jour du vendredi oû l'assemblée, en principe, siège. Il ne touche ni aux pouvoirs de la Conférence des présidents, ni bien sûr au quatrième alinéa de l'article 50, selon lequel le premier ministre peut, de droit, faire tenir d'autres séances, qui ménage ainsi l'application de l'article 48 de la Constitution.

L'article 27 supprime une disposition devenue sans objet, et les articles 26 à 29 ont trait à divers aspects techniques du débat : explication de vote, suspension de séance, . . . ils ne posent aucun problème lié au droit d'amendement ou à l'ordre du jour prioritaire.

Avec l'article 30 nous sommes confrontés à une disposition nouvelle. En effet, il s'agit de la possibilité pour le Bureau de diffuser, de sa propre initiative, des images qu'il a lui-même produites sur le débat en séance publique. Ce programme sera prochainement diffusé sur la totalité du territoire, par réseau câblé. Il s'agit en fait de transcrire un principe prévu par la loi "Carignon", du 1er février 1994, qui introduit un article 45-1 dans la loi du 30 septembre 1986. Cet article est ainsi rédigé : "Chaque assemblée parlementaire peut, sous le contrôle de son Bureau, produire et faire diffuser par voie hertzienne ou distribuer par câble un programme de présentation et de compte- rendu de ses travaux. Ce programme peut également porter sur le fonctionnement des institutions parlementaires et faire place au débat public, dans le respect de la représentativité des groupes et formations siégeant dans chacune des assemblées".

On le voit bien à la lecture de ces deux textes, le Bureau ne sera pas tenu de diffuser l'intégralité des débats. A l'heure actuelle, ce principe de la diffusion intégrale repose sur une instruction générale du Bureau, résultant d'un arrêté de celui-ci en date du 22 avril 1992. Mais il est parfaitement possible, dans la mesure où ce texte a une valeur juridique bien moindre que les nouvelles dispositions du règlement, que le Bureau détermine des règles dans lesquelles seules les éléments partiels du débat seraient diffusés. Il n'y a là aucune inconstitutionnalité bien sûr : si un groupe est absent du débat, il est impossible d'assurer sa représentativité Mais pourtant on peut regretter que toutes les dispositions de la loi du 1er février 1994 ne soient pas intégralement reprises. Pourtant, en vertu du principe que j'ai énoncé au début, le règlement n'est pas tenu de respecter une loi ordinaire et la représentativité des groupes n'a pas de valeur constitutionnelle. Alors, le projet se contente de rappeler l'existence de cette loi. Nous ne pouvons faire davantage pour que soit assurée la représentativité de tous les groupes par le Bureau. Cela dit, il ne faut pas non plus forcer le trait, on voit mal la majorité du Bureau prévoir des règles qui ne seraient pas démocratiques. Mais cette allusion à la loi de 1994 montrera que le problème a été vu par le Conseil.

Monsieur le Président : Tout le monde est-il d'accord ? Bien ; lisez.

Monsieur FABRE (lit la partie correspondante du projet).

Les articles 31 à 38 inclus modifient les modalités de déroulement de certains scrutins, en prévoyant notamment que la conférence des présidents peut décider qu'il y aura un scrutin public.

L'article 39 comporte une simple disposition d'harmonisation. (Il lit la partie correspondante du projet)

L'article 40 prévoit que sera constituée chaque année une commission unique pour l'examen de toutes les demandes de levée de l'immunité parlementaire, de suspension de poursuite ou de détention. A l'heure actuelle, vous le savez, l'article 80 du règlement prévoit la constitution d'une commission pour chaque demande, ce qui est inutilement lourd, et qui peut poser des problèmes politiques en fonction du député sur lequel porte la demande. Il ne pose bien évidemment pas de problème de constitutionnalité, mais au contraire, il vise à mieux mettre en oeuvre l'article 26 de la Constitution, ce que le projet rappelle. (Il lit la partie correspondante du projet).

L'article 41 pose quant à lui un principe nouveau. Il prévoit d'une part que l'auteur d'une proposition ou d'un amendement peut participer au débat de la commission. Ce faisant, il ne fait qu'étendre ici, pour cette phase du débat, le principe posé à l'article 17 du présent projet de résolution, mais en allant un peu plus loin, car l'article 17 ne prévoit pas de participation active au débat, alors que cet article au contraire prévoit la possibilité de prendre la parole. On rappellera simplement dans le projet que les députés ainsi concernés ne prennent pas part au vote.

La seconde innovation concerne le Gouvernement Elle lui permet de participer de droit au débat. Elle tire les conséquences de l'article 21. Mais on peut se demander ici encore, si l'indépendance des commissions, qui n'a pas de véritable fondement constitutionnel, et surtout si la séparation des pouvoirs ne sont pas atteintes. Autant on comprend que la présence du ministre soit possible lorsqu'il en fait la demande préalable, autant cette participation, de droit, à l'examen des articles peut paraître choquante. Mais si choquante qu'elle soit, en opportunité elle ne me paraît pas inconstitutionnelle.

Je souhaite évoquer une autre difficulté sur cet article. Il s'agit du mode de fonctionnement des C.M.P. En effet, l'article 112, troisième alinéa, du règlement de l'Assemblée prévoit que les C.M.P. examinent les textes dont elles sont saisies suivant la procédure ordinaire des commissions prévue par le règlement de l'Assemblée. Or, s'il est arrivé, au tout début de la Vème République qu'une C.M.P. demande à entendre un ministre, la logique et la pratique actuelle c'est que le Gouvernement ne peut pas assister à la C.M.P. et a fortiori à ses votes. Il s'agit en effet d'un organisme paritaire Assemblée-Sénat et, au cours des diverses lectures, le Gouvernement a déjà fait valoir son point de vue. Il dispose ensuite de toute latitude quant aux suites à donner à la C.M.P. Il garde son droit d'amendement. Mais peut-il assister aux votes ? Il ne semble pas que ce soit l'intention des auteurs de la proposition de résolution. L'ambiguïté du règlement de l'Assemblée n'a pas été levée, et je vous propose de garder le silence sur ce point assez embarrassant. Nous verrons bien, si un jour ou l'autre, un incident se produit, où nous aurons sans doute à trancher, par une voie ou par une autre, la question de savoir si la modification ainsi apportée vaut ou non pour les commissions mixtes paritaires. Mais dans la mesure où personne ne soulève le problème à ce stade, laissons les instances de l'Assemblée assurer la cohérence entre les dispositions réglementaires qui sont ici en cause.

Le projet que je vous propose rappelle donc simplement, comme je l'ai dit, que le droit de parole reconnu aux députés concernés n'entraîne pas la reconnaissance à leur profit d'un droit de vote.

Monsieur RUDLOFF : La réglementation de la CMP dépend de l'accord entre les deux assemblées. La question n'est pas posée, et je préfère quant à moi que nous n'abordions pas ceci dans la décision. En effet, dans la mesure où le Sénat n'applique pas la possibilité d'une présence du Ministre, cela résout le problème dans l'immédiat. Mais sur le fond, je puis dire qu ' effectivement, cela me paraîtrait extrêmement choquant qu'un Ministre assiste à une CMP. La CMP est un instrument anti-gouvernemental, si vous me passez l'expression. Elle est faite pour passer hors du Gouvernement un accord entre les Chambres, et celles-ci doivent se réunir hors de la présence du Gouvernement. Aussi, la commission ne serait-elle plus véritablement mixte si on y tolérait la présence du Gouvernement. En tout état de cause, en ce qui concerne cette décision, le silence est préférable à toute autre solution.

Monsieur le Président : Si personne ne souhaite rien ajouter, nous pouvons lire.

Monsieur FABRE (lit la partie correspondante du projet, page 8).

Les articles 42, 43 et 44 portent sur les travaux, pour avis ou au fond, des commissions. L'article 45 comporte une disposition d'harmonisation L'article 46 a trait au moment où sont entendus les rapporteurs du Conseil économique et social. Il ne méconnaît pas l'article 69 de la Constitution. (Il lit la partie correspondante du projet).

J'en arrive avec l'article 47 à une autre disposition importante et nouvelle de ce texte. Elle ramène de quatre à trois jours le délai dans lequel, après dépôt du rapport, les amendements sont recevables. Si, comme cela est le cas le plus fréquent actuellement, le temps qui s'écoule entre le dépôt du rapport et l'ouverture du débat est inférieur à trois jours, la limite au dépôt des amendements est fixée non plus à l'ouverture de la discussion des articles, ce qui est le cas actuel, mais, désormais, au début de la discussion générale. Il s'agit donc d'une restriction au droit d'amendement puisque les délais de dépôt sont plus stricts. Elle n'est nullement inconstitutionnelle, puisque l'exercice effectif du droit d'amendement est préservé. En particulier, si le Gouvernement ou la commission saisie au fond, dépose des amendements après le délai, des députés pourront à leur tour en déposer sur les mêmes articles ou sur le même thème lorsqu'il s'agit d'articles additionnels. De même le droit de sous-amender est intégralement maintenu. Nous avons rappelé qu'il était indissociable du droit d'amendement (n° 73-49 DC du 17 mai 1973).

Aussi cet article, qui va introduire une novation certaine dans les procédures, surtout si le Gouvernement s'engageait à respecter ces délais, ce que rien ne peut le contraindre à faire, n'est pas contraire à l'article 44 de la Constitution.

Avec l'article 48 nous sommes confrontés à une autre disposition nouvelle. Il prévoit que la demande du Gouvernement tendant à faire appliquer l'irrecevabilité de l'article 44 alinéa 2 de la Constitution soit introduite au moment où l'amendement est appelé en séance. Je rappelle que cet article prévoit qu'après l'ouverture du débat, le Gouvernement peut s'opposer à tout amendement qui n'a pas été antérieurement soumis à la commission. Si cet article était retenu dans une acception tout à fait littérale, et visiblement très stricte, le Gouvernement pourrait dès que le débat est ouvert, s'opposer à l'examen de tous les amendements qui n'ont pas été antérieurement soumis à la commission. Or, il est prévu à l'article 91 alinéa 9 du règlement de l'Assemblée que la commission peut se réunir après l'ouverture du débat pour examiner les amendement qu'elle n'aurait pas antérieurement examinés. D'autre part, on vient de le voir, dans un grand nombre de cas, le délai de clôture applicable au délai des amendements sera l'ouverture de la discussion générale. Entre cette limite et la précédente réunion de la commission qui aura lieu en principe la veille ou le matin du débat (article 88 du règlement), des amendements vont être déposés. Retenir une acception très stricte de l'expression "après l'ouverture du débat" empêcherait le Parlement d'exercer le droit d'amendement, dès lors que le Gouvernement ferait jouer la faculté de l'article 44 alinéa 2. Ceci paraît impossible. Au contraire, la règle qui prévaut, en matière d'irrecevabilité, et on l'a vu avec la procédure retenue pour la loi Falloux, c'est que l'irrecevabilité s'applique au moment où l'amendement litigieux est appelé en séance. D'ailleurs les travaux préparatoires (volume III, page 346) en témoignent. Le rapporteur Monsieur SOLAL-CELIGNY indique : "Je crois que l'idée n'est pas du tout de permettre à la commission de ne pas étudier des amendements qui lui ont été régulièrement soumis et, par là-même, d'empêcher ces amendements d'être présentés." D'ailleurs l'expression "antérieurement soumis" a alors été préférée à l'expression "antérieurement étudiés". Il s'agit donc bien de prévoir la faculté pour le Gouvernement de s'opposer à des amendements très tardifs, ou encore, et cet usage n'avait peut-être pas été perçu en 1958, de disposer d'un moyen pour faire face à une obstruction.

La modification ne porte pas atteinte à cette prérogative du Gouvernement. En effet, le texte se borne à fixer le moment où le Gouvernement présente sa demande. Il ne touche en rien à la prérogative du Gouvernement, tout en permettant aux commissions, dans un cadre normal, de travailler dans de bonnes conditions. J'ajoute que le Gouvernement n'a pas soulevé la moindre difficulté sur cet article. Il est donc parfaitement logique d'admettre cet article du règlement qui est cohérent avec la finalité poursuivie par l'article 44, alinéa 2. Toute autre interprétation remettrait en cause, lorsque le Gouvernement le souhaiterait, les règles régissant les réunions des commissions, le droit d'amendement et le bon fonctionnement des travaux des commissions parlementaires.

Madame LENOIR : Moi je comprends bien ce souci de ménager une possibilité pour la commission d'examiner les amendements au dernier moment, même si l'esprit de la résolution est que ceux-ci soient déposés beaucoup plus tôt. En tout cas, je suis d'accord avec la solution du rapporteur.

Monsieur le Président : Je crois effectivement que la faculté prévue par l'article 44, alinéa 2 demeure intacte. En pratique, on verra bien ce que cela donnera, mais je ne suis pas très inquiet. Enfin, il faut bien observer que le Gouvernement n'a pas réagi, et que donc il ne considère pas cette affaire comme très importante. Il s'agit plutôt de modalités procédurales que d'autres choses Bref, je suis, moi aussi, d'accord avec le rapporteur sur ce plan. (Assentiments)

Monsieur FABRE (lit la partie correspondant à l'article 48).

L'article 49 procède à une pure adaptation de forme, comme 1'article 50.

L'article 51 confère au seul président des groupes un monopole pour présenter des candidatures aux commissions mixtes paritaires, en dehors de la procédure normalement prévue, où c'est toujours la commission saisie au fond qui établit la liste des candidats. Il ne pose pas de difficultés, au contraire, techniquement, il se justifie parfaitement.

L'article 52 adapte les règles nouvelles de dépôt des amendements à la première partie des projets de lois de finances et l'article 53 modifie les conditions de discussion de crédits de la deuxième partie.

L'article 54 prévoit, lorsque une motion d'ajournement est adoptée, que le Gouvernement fait connaître la date à laquelle l'examen du texte se poursuit et fixe les conditions de discussions de ces motions. (Il lit la partie correspondante du projet sous réserve d'une modification de forme à l'article 52).

L'article 55 a trait à la fixation des temps de parole lorsqu'il y a débat suivant une communication du Gouvernement. Les articles 56, 57 et 58 procèdent à des modifications mineures concernant les questions orales, l'article 59 fait de même en ce qui concerne les questions écrites. Les articles 60 à 65 adaptent, en tenant compte de la loi du 20 juillet 1991, les règles de fonctionnement du régime des conditions d'enquête Elles suppriment toute référence à la notion de commission "de contrôle", qui n'existe plus, et tirent les conséquences des conditions de publicité éventuelle des audiences.

Monsieur le Président : Nous y voilà.

Madame LENOIR : Qu'on le veuille ou non, ce texte de loi fait partie des lois que le règlement doit respecter.

Monsieur le Président : Le rapport de Monsieur Mazeaud est très clair. Il s'agit de permettre la retransmission des travaux des commissions d'enquête. A bien le lire, je crois qu'il ne s'est pas rendu compte de ce qu'il faisait. Est-on forcé de déférer à une commission d'enquête ?

Monsieur SCHRAMECK : Oui, l'article 46 prévoit une peine d'emprisonnement pouvant aller de 6 mois à 2 ans.

Monsieur le Président : Oui, nous ne sommes pas dans le cas de celui des commissions permanentes.

Madame LENOIR : Moi je ne vois pas de problème, c'est la loi qui prévoit que les séances sont publiques. Nous pouvons toujours censurer, mais la loi, elle, restera applicable et d'ailleurs elle s'est déjà appliquée.

Monsieur CABANNES : C'est effectivement l'un des aspects du problème. Peut-on en annulant le règlement toucher à la disposition de l'ordonnance de 1958 ?

Monsieur le Président : Quand devons-nous rendre notre décision ?

Monsieur SCHRAMECK : Le 10 au plus tard.

Monsieur FAURE : J'attire l'attention sur le fait que le Président de l'Assemblée et les quatre groupes politiques ont tous été d'accord.

Madame LENOIR : Et en outre, si nous retenions à cette occasion un droit à l'image ou un respect à la vie privée, nous constitutionnaliserions un principe qui pour le moment ne l'a pas été. Jamais, dans aucune décision, nous nous sommes prononcés en ce sens. Et j'attire également l'attention sur le fait sur les droits de la défense qui eux ont une valeur constitutionnelle, peuvent difficilement servir de base à une censure. En effet, l'objet même de la constitution d'une commission d'enquête exclut les affaires dont la justice est par ailleurs saisie. Tout cela n'est donc pas une procédure judiciaire

Monsieur ABADIE : Si on laisse passer cela, c'est un précédent qui s'imposera.

Madame LENOIR : Mais si dans les faits, il existe bien une atteinte au droit à l'image, il faut insister sur le fait qu'elle est déjà contenue dans la loi. Le règlement n'apporte qu'une précision à l'ordonnance de 1958.

Monsieur le Président : Il reste que la retransmission, c'est votre image, sans autorisation ou possibilité de votre part de vous y opposer. Vous êtes là sous la contrainte. La question constitutionnelle est de savoir si le droit à l'image a une valeur.

Monsieur LATSCHA : Si nous avions eu la loi de 1991, il est clair que le problème se serait posé mais ici nous sommes saisis d'une mesure d'application de cette loi et nous sommes même censés nous prononcer sur la conformité de cette disposition à la loi en cause.

Monsieur le Président : Même si cette confrontation s'effectue, il reste qu'il y a un problème, si la loi n'est pas conforme à la Constitution.

Madame LENOIR : Mais de toutes les façons nous ne pourrons pas censurer la loi. Et celle-ci vise les retransmissions.

Monsieur le Président : Moi je pense que nous pouvons faire un considérant sur le droit à l'image, le droit à la personnalité. Nous pourrions neutraliser en ce qui concerne les droits de la défense.

Monsieur RUDLOFF : Cela, c'est la question de fond. Moi j'en reviens au débat juridique proprement dit. En supposant que l'on déclare une non conformité, le texte de l'ordonnance modifié par la loi de 1991 subsiste

Monsieur le Président : Cette loi ne nous a pas été soumise.

Monsieur RUDLOFF : Mais quelles conséquences pratiques allons- nous tirer d'une quelconque censure ? Les commissions d'enquête continueront à fonctionner en application de la loi de 1991. Et vous n'y pourrez rien : la neutralisante que vous envisagez ne porte pas là dessus. Il faut bien voir qu'on est ici uniquement dans une procédure d'application de la loi.

Monsieur FAURE : Peut-on déclarer nul un article du règlement sous prétexte qu'il est conforme à une loi que nous estimons, elle contraire à la Constitution ?

Monsieur le Président : Bien entendu on annulerait pas l'article de la loi mais on permettrait à quelqu'un de refuser sa propre audition.

Monsieur SCHRAMECK : II y a une véritable difficulté. Le considérant de principe, qui est repris de dispositions antérieures, subordonne le règlement au respect de normes supérieures, dont font partie l'ordonnance de 1958 y compris ses modifications postérieures. Ce faisant, le Conseil constitutionnel a agrégé au bloc de constitutionnalité les lois ordinaires en cause. Ce faisant la loi de 1991 constitue une sorte d'écran impératif au règlement. Je me demande s'il ne faut pas reprendre la rédaction du considérant de principe.

Monsieur CAMBY : La difficulté c'est que le considérant figure déjà dans des décisions notamment depuis le 15 janvier 1992 et je me demande même s'il ne date pas de décisions antérieures à celle-ci. Quant au principe même de la subordination du règlement à l'ordonnance de 1958, il remonte à des jurisprudences beaucoup plus anciennes. On le trouve déjà en 1972. La difficulté juridique c'est que cette ordonnance n'a qu'une valeur législative ordinaire.

Madame LENOIR : Et je crois même qu'elle remonte, au-delà, à 1966. Le problème c'est celui de l'effet de notre décision. Si à partir de notre règlement nous pouvons sanctionner la loi, c'est une avancée conceptuelle considérable. Le Conseil constitutionnel a toujours considéré qu'il était tenu par la nature de la saisine. Ici, on "sauterait" en quelque sorte un échelon normatif.

Monsieur le Président : Mais si c'est vraiment inconstitutionnel, comment l'accepter ? Il y a un réel problème d'accord de la personne auditionnée. Je suggère compte tenu du caractère sérieux de cette affaire, que nous la reprenions demain (assentiments). Bien, vous pouvez poursuivre.

Monsieur FABRE : L'article 66 est relatif aux rapports d'information et ne soulève pas de difficulté.

L'article 67 comporte en revanche quelques innovations intéressantes. Il modifie l'article 151-1 du règlement de l'Assemblée nationale qui est celui qui prévoit les conditions dans lesquelles sont renvoyées par le Gouvernement et examinées les propositions d'actes communautaires et le régime des propositions de résolution de l'Assemblée sur ces actes, en application de l'article 88-4 de la Constitution. Nous nous sommes déjà prononcés sur le processus global et très complexe retenu par l'Assemblée nationale dans notre décision du 17 décembre 1992. Les innovations apportées à ce mécanisme sont les suivantes :

- d'abord un pouvoir général d'instruction est conféré à la délégation de l'Assemblée nationale pour les communautés européennes ;

- ensuite, c'est l'objet du II de cet article, les conditions dans lesquelles la commission saisie au fond d'une proposition de résolution doit déposer son rapport, dans un délai qui demeure fixé à un mois, ne font plus l'objet comme auparavant d'une distinction selon qu'on est ou non en session. En effet, jusqu'ici, ce délai n'était applicable qu'en cas de session, ce qui avait amené la décision du Conseil à être particulièrement minutieuse et à faire une réserve d'interprétation. Cette distinction entre session et hors session étant supprimée, la réserve que nous avions formulée en 1992 selon laquelle dans l'intervalle des sessions "la commission ne saurait, dans l'exercice de ses attributions, excéder un délai raisonnable" disparaît. Ce II de l'article 67 de la résolution prévoit également que cette procédure d'examen par la commission s'applique lorsque c'est le rapporteur de la délégation qui a déposé une proposition de résolution et non plus seulement à la demande du Gouvernement ou du président d'un groupe. Mais, bien entendu, il n'y a là aucune inconstitutionnalité : le rapporteur de la délégation obtient simplement un droit qui auparavant était réservé aux présidents des groupes ou au Gouvernement.

Il reste que nous avions, dans la décision du 17 décembre 1992, formulé une réserve tenant au fait que le Gouvernement, qui ne devait en aucun cas être gêné dans la conduite des négociations internationales, pouvait demander à ce que l'Assemblée se prononce sur une proposition d'acte communautaire avant l'expiration du délai d'un mois. Cette réserve d'interprétation explicite et qui figurait dans le dispositif de notre décision figure dans le règlement de l'Assemblée nationale en tant que telle. Naturellement sa cause n'a pas totalement disparu, même si plus aucune différence n'est faite entre le régime des sessions et les périodes où l'Assemblée ne siège pas. Devons-nous à nouveau la réaffirmer ? Il me semble que non, nous pouvons nous contenter sur ce point d'être implicites en constatant simplement que, par un rappel de la décision du 17 décembre 1992 dans le considérant, la condition alors posée subsiste. C'est cette formule souple, implicite, que je vous propose d'adopter plutôt que la réaffirmation d'une réserve d'interprétation qui ne dépend pas vraiment de l'Assemblée mais plutôt du Gouvernement.

Le huitième alinéa de l'article 151-1 est également modifié pour prévoir la participation du rapporteur de la délégation aux travaux de la commission saisie au fond et la possibilité qui lui est donnée d'intervenir en séance publique. Ceci ne pose aucun problème de constitutionnalité. Le IV prévoit la publication au Journal officiel des résolutions adoptées par l'Assemblée ou considérées comme définitives.

Le V, sur lequel le Gouvernement s'est beaucoup inquiété, à tort, me semble-t-il, prévoit que les informations communiquées par le Gouvernement sur les suites données aux résolutions sont transmises aux commissions compétentes et que, pour les projets de loi qui transposent une directive, le rapport comporte une analyse des suites qui ont été données à la résolution. Il s'agit-là de processus internes à l'Assemblée. En aucun cas le Gouvernement ne peut être gêné : il est maître des informations qu'il donnera à ce titre et, même, il dispose de toute latitude pour apprécier s'il doit ou non informer le Parlement sur les suites qu'il donne à une résolution. Il n'y a là aucun pouvoir d'injonction, aucune contrainte pour le Gouvernement. Aucune disposition constitutionnelle n'est donc en cause et je vous propose d'admettre ce V sans la moindre réserve.

L'article 68 procède à une simple mesure d'harmonisation.

Les articles 69 et 70 sont relatifs à des annonces succédant au dépôt ou l'absence de dépôt d'une motion de censure.

Les articles 71, 72 et 73 tirent les conséquences de la récente loi organique du 23 novembre 1993 relative à la Cour de justice 14 de la République et adaptent donc, pour celle-ci et pour la Haute Cour, les dispositions réglementaires aux nouvelles dispositions organiques. Elles portent sur le mode d'élection des juges parlementaires II n'y a, bien entendu, aucun motif d'inconstitutionnalité dans ces articles.

Enfin, les articles 74 et 75 procèdent à des adaptations de conséquences et l'article 76 fixe la date d'entrée en vigueur de la présente résolution.

Avant de terminer, je vous prie d'excuser la longueur de ce rapport, mais il m'était difficile de faire autrement s'agissant d'une résolution qui, on le voit, est essentiellement technique mais comporte tout de même certaines dispositions intéressantes.

Je vous remercie.

Monsieur le Président : Bon ; sur ces questions là ? (Les conseillers font part de leur accord) . Vous pouvez donc lire cette partie.

Monsieur FABRE (lit le projet).

Monsieur le Président : Bien, c'est parfait, nous avons donc laissé en suspens la seule question qui pourrait nous conduire à une censure. Nous reprendrons demain à 15 heures là-dessus.

La séance est levée à 19 h 20.

<cette délibération comprend des annexes sur 14 pages> 

<h1>SEANCE DU 10 MARS 1994</h1>cette nouvelle séance suit la précédante ; elle fait 17 pages mais je suivrai l'ancienne pagination, étant donné que les 2 séances sont liées 

La séance est ouverte à 10 h 05, en présence de tous les conseillers.

Monsieur le Président : Bien, nous pouvons reprendre le débat d'hier et je pense que ce sera plus bref.

Monsieur FABRE : A la suite de notre débat, je vous rappelle où nous en sommes. Ce qui pose un problème c'est le considérant du haut de la page 12. Il est évident qu'une personne auditionnée par une commission d'enquête sera mise en position difficile puisqu'elle ne peut pas refuser son audition et que la commission elle-même décide de la présence ou non de la télévision. Je crois pour ma part qu'il vaut mieux ne pas rentrer dans le détail. Je rappelle qu'il s'agit de l'examen du règlement d'une assemblée, et qu'à cette occasion nous ne pouvons pas, juridiquement parlant, prévoir une sorte de réserve d'interprétation portant sur une loi qui est en vigueur. Comment faire autrement ? Il faudrait aller jusqu'à annuler cet article qui est pourtant conforme à la loi. Et comment expliquer que nous avons admis le principe de la publicité mais pas une publicité télévisée ? Non, je crois qu'il vaut mieux carrément passer la question sous silence.

Monsieur ROBERT : Il y a deux questions. Celle de la hiérarchie des normes et celle du droit à l'image. Concernant la première, le considérant que nous avons adopté depuis la décision du 15 janvier 1992 est particulièrement net. Les lois qui ont modifié l'ordonnance de 1958 font partie des normes auxquelles nous soumettons le contrôle du règlement. La loi de 1991 en cause en fait partie. Alors notre censure, même si elle s'appliquait au règlement, ne pourrait conduire à remettre en cause cette loi qui s'applique d'ores et déjà. Quant au droit à l'image, je tiens à rappeler ici qu'il est le fruit d'une jurisprudence extrêmement minutieuse mais qu'il concerne les lieux privés. Je me demande s'il est possible et même s'il est opportun de formuler une réserve sur un droit dont je ne suis pas sûr qu'il puisse, en toute hypothèse, s'appliquer dans des lieux publics.

Madame LENOIR : Au point de vue de la hiérarchie des normes, nous sommes confrontés à un règlement et c'est tout. On peut imaginer l'hypothèse où le texte de la loi nous aurait été déféré. Aurions-nous garanti le droit à l'image dans une enceinte parlementaire ? Est-ce que le droit à 1'image est bien constitutionnel ? En opportunité, cela aurait eu un effet désastreux. Et ici cela demande un effort juridique tel que je ne vois pas le Conseil franchir le pas. Je rappelle que ce qui est le plus dangereux en la matière, c'est plutôt les manipulations, les montages et que, s'il y a un véritable problème du droit à l'image, c'est bien là qu'il se situe.

Monsieur CABANNES : Comment affirmer ici le droit à l'image ? Il  s'agit d'une construction juridique et même jurisprudentielle, qui a été incorporée à la loi en 1979. A l'époque cela découlait surtout de l'article 1 382 du code civil. Mais je vois bien un fondement constitutionnel, l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme. Simplement, je crois difficile, à l'occasion du contrôle du règlement de l'Assemblée nationale, d'affirmer la portée du droit à l'image. Il y a bien un pouvoir de coercition, mais je ne vois pas de possibilité d'annuler la loi. Nous n'en sommes pas saisis. Et puis on a admis la loi du 19 juillet 1977 en ce qui concerne son intégration dans les règlements. Alors je ne crois pas qu'on puisse ici annuler ni même faire une réserve dont la portée serait étrange, encore que j'aimerai assez affirmer une garantie pour les personnes auditionnées.

Monsieur ABADIE : Je souhaiterais quant à moi qu'on apprécie la valeur d'une allusion. Je crois qu'il ne faut pas nous sentir liés à travers un abandon total. Ce n'est pas le moment d'abandonner tout. Je serais d'accord pour qu'on y fasse une allusion, une sorte de mention.

Monsieur LATSCHA : La loi ordinaire n'est pas dans le bloc de constitutionnalité. Je crois quant à moi qu'on pourrait la neutraliser à cette occasion. Sur le fond, c'est un grave problème qui va même au-delà du droit à l'image. Qu'aurions-nous dit s'il s'agissait d'une procédure devant un juge d'instruction ? Je ne peux accepter de laisser passer cela aussi facilement. Vous n'avez ni droit de réponse ni droit de la défense et vous êtes tenu de déférer !

Monsieur RUDLOFF : Je laisse de côté la question de la hiérarchie des normes. Sur le fond, vous craignez quoi ? L'abus du spectacle ? Mais il n'y a pas de droit à l'image et les auditions, elles, seront publiées. On craint également la dérive des commissions d'enquête. Mais où est le principe en la matière ? Je répète que la publicité existe déjà sous d'autres formes. Enfin quelles seraient les conséquences d'une neutralisante ou d'une censure ? En l'absence même d'une disposition du règlement, la loi s'appliquerait, et elle s'applique déjà

Monsieur CABANNES : Mais la différence est que pour la première fois on voit cette question.

Monsieur FAURE : Je suis d'accord avec Jacques ROBERT. Tout ce que nous pouvons faire c'est de censurer cet article. Il s'agit du règlement d'une assemblée. Mais on n'atteindra pas la loi. On peut torturer le texte tant qu'on veut, il n'en sortira rien.

Monsieur FABRE : Oui, l'objet de cette modification c'est la mise en conformité avec la loi. Et je ne vois pas dans d'autres lois de principes contradictoires. C'est beaucoup trop compliqué à construire juridiquement.

Monsieur SCHRAMECK : Si le Conseil le souhaitait, il pourrait, d'une part, faire un rappel de son considérant de 1977 sur le fait que la loi ne doit pas être elle-même contraire à la Constitution et, d'autre part, il pourrait rappeler les principes du pluralisme des moyens de communication.

Madame LENOIR : Non ! Notre considérant de principe a été fixé le 15 janvier 1992 et nous l'avions manié à plusieurs reprises depuis, notamment le 17 décembre 1992 à propos de l'article 88-4 de la Constitution. Si nous le modifions, nous ouvririons là une sorte de contrôle de la loi par voie d'exception à l'occasion du contrôle du règlement des assemblées. C'est très dangereux. D'autre part, j'observe que tout le monde a été d'accord, que ce soit en 1977 ou en 1991, pour renforcer les pouvoirs des commissions d'enquête Une sorte de réserve sur l'accord des personnes intéressées, sans véritable fondement constitutionnel, serait le contraire de ce mouvement et nous conduirait à nous substituer au législateur. Enfin, il n'y a aucun rapport entre cette retransmission et le principe constitutionnel de la liberté de communication Quel pluralisme ? Il s'agit de l'audition d'une personne, comment voulez-vous viser le pluralisme ?

Monsieur le Président : Le seul problème c'est celui du passage de la publicité à la retransmission et non pas du renforcement des pouvoirs des commissions d'enquête

Madame LENOIR : C'est un problème de fait et non de droit.

Monsieur le Président : Oui, mais vous pourriez aussi bien l'avoir pour les audiences juridictionnelles. Le problème c'est que vous ne pouvez manifester votre accord ou votre désaccord quant à la publicité du témoignage et à son utilisation Cela touche aux droits de la personne.

Madame LENOIR : On peut craindre une dérive, mais il reste vrai que les commissions d'enquête n'ont pas le pouvoir de sanction. Ce ne sont pas des juridictions.

Monsieur le Président : Nous sommes tous d'accord là-dessus. Ce n'est pas le problème. On peut rappeler que le règlement doit respecter la loi et que la loi doit être elle-même conforme au principes constitutionnels mais je crains fort qu'il y ait là une sorte de coup de chapeau qui prête à l'ironie. Est-ce que cela a un intérêt quelconque ?

Monsieur LATSCHA : Oui, moi je suis plutôt d'accord avec la proposition du secrétaire général, qui rejoint la vôtre : mentionner que la loi elle-même doit être conforme à la Constitution.

Monsieur CABANNES : C'est une position minimale.

Monsieur le Président : On laisserait supposer alors que le législateur n'a pas respecté sa propre production à l'occasion de l'édiction de son règlement. Cela ferait très bizarre, et d'ailleurs c'est inexact : il a bien respecté la loi !

Monsieur RUDLOFF : C'est encore pire qu'une censure, le législateur peut toujours modifier la loi.

Monsieur CABANNES : Ça dépend comment c'est rédigé

Monsieur FAURE : Comment voulez-vous empêcher, saisis de ce règlement, l'application d'une loi très claire sur un texte qui l'applique et qui a été adopté à l'unanimité ?

Monsieur le Président : Oui, j'ai avancé cette solution mais cela serait un peu du tutorat.

Monsieur CABANNES : Le droit de la personnalité est constitutionnel et relève de l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme.

Monsieur FABRE : Cela n'empêche pas l'enregistrement des procès. Regardez le cas TOUVIER.

Monsieur le Président : Je reste amer quant à l'usage qui sera fait de cette loi Le problème c'est le droit à l'image et non l'utilisation historique. J'ai peur, mais c'est vrai il s'agit d'un argument pratique d'un spectacle supplémentaire Mais si nous soulevons cet argument pour ne pas censurer, c'est pire que tout. Soyons hypocrites, ne faisons rien.

Monsieur ABADIE : On pourrait au moins évoquer l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme. Que l'intéressé se rende à une commission d'enquête c'est une chose, elle est nécessaire ; que ses propos soient retranscrits c'est autre chose.

Monsieur le Président : Oui, mais comment faire ici ? Si nous avions ce problème en matière judiciaire, on pourrait se rattacher au droit de la défense et au droit au procès équitable. Il y a deux formules possibles, soit ne rien dire, soit mentionner : "dans le respect des personnes entendues". Que préférez-vous ?

(Messieurs LATSCHA, CABANNES et ABADIE se prononcent pour la seconde formule.

Les autres conseillers votent pour la première).

Monsieur le Président : Bon, je vais mettre aux voix compte tenu de ce silence

L'ensemble des conseillers votent pour, à l'exception de Messieurs ABADIE et CABANNES.

Monsieur le Président : On peut passer au point suivant.

Monsieur FAURE : Vous avez été saisis le 18 février 1994 par le Premier ministre d'une demande tendant à déclarer le caractère réglementaire des dispositions contenues dans :

- l'article 182 du code rural introduit par la loi n° 67-560 du 12 juillet 1967, article 8 ;

- le 1° du premier alinéa de l'article 679 du code rural introduit par la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961, article 6 ;

- le deuxième alinéa de l'article 686 du code rural introduit par la loi n° 63-166 du 23 février 1963, article 44 ;

- les articles 29 et 67 de la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d'orientation agricole ;

Le Premier ministre vous demande en application de l'article 37, deuxième alinéa de la Constitution, le déclassement de ces dispositions intervenues en forme législative postérieurement à la Constitution de 1958.

Cette demande de déclassement de dispositions législatives concernant les aides aux agriculteurs intervient à l'occasion des travaux de codification du livre III du code rural.

Cette demande de déclassement pose deux problèmes :

1° un problème de principe qui est assurément le plus intéressant ;

2° un problème plus classique d'appréciation de la nature législative ou réglementaire des dispositions qui nous sont soumises.

J'aborderai dans un premier temps le contexte général de la saisine qui seul permet de comprendre la question de principe qui nous est posée. Dans un second temps je vous exposerai le contenu des dispositions en cause.

<h2>I. LE CONTEXTE GENERAL DE LA SAISINE</h2> :

Dans l'exposé de cette partie, je reprendrai largement les observations du Président BRAISANT qui vous ont été transmises et qui attirent votre attention sur l'importante question de procédure de codification.

La présente saisine a pour objet de permettre la mise au point définitive d'un projet de décret à soumettre au Conseil d'Etat et portant codification de la partie réglementaire du Livre III nouveau du code rural relatif à l'exploitation agricole.

Les dispositions précitées avaient été incluses dans l'article d'abrogation du projet de loi de codification du Livre III nouveau sur la demande de la Commission supérieure de codification. Celle-ci avait en effet estimé que l'adoption de la partie législative de ce livre permettait de procéder, au travers du vote du Parlement et sans qu'il soit nécessaire d'utiliser la procédure de l'article 37, alinéa 2 de la Constitution, au déclassement de dispositions postérieures à celle-ci. L'abrogation de ces dispositions aurait permis de les reprendre ultérieurement en partie réglementaire

Cette pratique qui n'a semble-t-il pas posé de problème à l'Assemblée nationale a dès l'origine suscité des doutes de la part de la Commission des lois du Sénat. Par exemple, à propos du projet de code de propriété intellectuelle adopté le 1er juillet 1992, à propos de l'adoption du Livre 1er du code rural adopté le 11 décembre 1992, et à propos du code de la consommation adopté le 26 juillet 1993. Concernant ces trois cas, le Sénat faisait observer que la Commission supérieure ne lui demandait pas simplement de procéder à la codification à droit constant mais profitait de cette occasion pour opérer des déclassements. Bien que le Sénat ait accepté à trois reprises de procéder comme le lui demandait la Commission supérieure il a refusé à l'occasion de l'examen du Livre III du code rural de procéder à l'abrogation des articles qui vous sont soumis aujourd'hui Son argumentation était double. D'une part, la procédure de déclassement par le Parlement contrevient au principe de codification à droit constant ; d'autre part, elle ne respecte pas la procédure de délégalisation prévue à l'article 37-2 de la Constitution, rendant nécessaire l'intervention préalable du Conseil constitutionnel.

Je pense pour ma part qu'on peut critiquer la position retenue par le Sénat. Et ce pour plusieurs raisons :

1° lorsque le Sénat abroge une disposition législative, il ne déclasse pas une disposition de nature législative en disposition réglementaire. Après tout, le législateur peut parfaitement revenir sur un texte de forme législative. Que celui-ci contienne en fait une disposition de nature réglementaire ne change rien à la chose, il est libre de modifier, de compléter ou d'abroger une mesure législative

2° il est tout à fait possible d'interpréter les dispositions de l'article 37-2 de la Constitution comme visant à régir uniquement la procédure de déclassement par décret à l'initiative du Gouvernement ne rendant en aucun cas nécessaire la consultation du Conseil constitutionnel si l'opération est conduite par le Parlement.

3° Enfin, il est certain que le refus exprimé par le Sénat d'abroger les dispositions qui vous sont soumises aujourd'hui est paradoxal puisqu'il a accepté de ne pas les reprendre dans le texte qu'il a adopté le 22 juillet 1993 relatif à la partie législative du livre III nouveau du code rural considérant ainsi implicitement qu'elles étaient de nature réglementaire.

Cependant, malgré ces critiques , on peut tout de même admettre qu'elles ne manquent pas tout à fait de bons arguments.

1° En effet, l'intervention du Parlement qui procédait par abrogation se traduisait par la disparition pure et simple de l'ordonnancement juridique d'une mesure qu'il fallait ensuite reprendre par décret au stade de l'élaboration de la partie réglementaire du code. Or cette procédure n'offrait évidemment aucune garantie que la mesure serait reprise au niveau réglementaire ;

2° Cette façon de faire était aussi dérogatoire au principe de la codification à droit constant. On peut comprendre la position de la Commission supérieure de codification qui souhaite obtenir une cohérence quant à la nature législative ou réglementaire de certaines mesures, mais elle implique une dérogation au principe de la codification à droit constant. Par exemple, pour le cas qui nous occupe, l'octroi de subventions aux agriculteurs est manifestement de caractère réglementaire et si on avait opéré à droit constant, les mesures qui vous sont soumises seraient demeurées de façon incohérente dans la partie législative du code rural.

Si j'ai été aussi long sur cette question de principe, c'est que le problème va se reposer ultérieurement à l'occasion de la codification du livre IX du code rural. En effet, s'agissant de celui-ci, la partie législative a été approuvée par la Commission supérieure de codification avec une vingtaine de déclassements. La question se posera alors pour le Gouvernement de savoir s'il convient de saisir le Conseil constitutionnel avant le dépôt du projet de loi au Parlement pour qu'il procède auxdits déclassements ou d'attendre le vote de ce dernier pour saisir le Conseil constitutionnel lors de l'élaboration de la partie réglementaire. Compte tenu de la position prise par le Sénat, la saisine du Conseil ne peut intervenir qu'avant le dépôt au Parlement du projet de loi portant codification de la partie législative du nouveau code. Mais cette façon de faire conduirait à s'interroger sur les modalités de la saisine du Conseil constitutionnel qui, pour l'application de la procédure de l'article 37-2 de la Constitution, n'accepte généralement de se prononcer que sur un projet de décret procédant à la délégalisation Dans ce nouveau cas de figure, le Conseil serait amené à apprécier quasi abstraitement la nature législative ou réglementaire d'une disposition sans disposer, en même temps, d'un projet de décret qui, en tout état de cause, ne pourrait intervenir qu'après le vote de la partie législative.

Cela dit, il faut bien reconnaître que rien dans l'article 37-2 de la Constitution n'interdit au Gouvernement de saisir le Conseil constitutionnel de la nature de dispositions sans lui soumettre en même temps le projet de décret qui l'accompagne. Il me semblerait impossible que le Conseil constitutionnel se déclarât incompétent dans un tel cas de figure.

Pour ce qui concerne l'opération à venir s'agissant du livre IX du code rural, on pourrait peut-être suggérer à la Commission supérieure de codification :

1° d'opérer au maximum la codification à droit constant ;

2° s'il y a vraiment des déclassements à faire, en informer préalablement le Sénat, et par une procédure de concertation, obtenir son accord de telle sorte qu'il abroge lui-même les dispositions en cause.

<h2>II. NATURE DES DISPOSITIONS QUI VOUS SONT SOUMISES</h2> :

<h3>A. On abordera en premier lieu les articles du code rural et de la loi d'orientation agricole de 1980 qui posent la même question de principe</h3> :

Article 182 :

L'article 182 concerne les travaux d'amélioration de l'habitat rural qui peuvent bénéficier dans certaines conditions de l'aide financière de l'Etat. Dans la rédaction initiale de cet article, issu de la loi n° 67-560 du 12 juillet 1967, ces conditions étaient précisées à l'article 850 du code. On appellera seulement l'attention sur le fait que cet article 850 a été codifié à l'article L.411-73 par le décret n°83-212 du 1er mars 1983 auquel la loi n° 91-363 du 15 avril 1991 relative à la partie législative des livres II, IV et V (nouveaux) du code rural a donné force de loi.

S'agissant de l'aide financière de l'Etat, qu'elle se traduise par des subventions, des prêts bonifiés ou tout autres allocations, il est de jurisprudence constante qu'il s'agit de dispositions de nature réglementaire

A ce sujet, vous pouvez vous inspirer de deux décisions du Conseil constitutionnel :

- n° 62-19 L du 3 avril 1962, p. 33 : dans ce déclassement le Conseil s'était prononcé pour la nature réglementaire d'une disposition figurant dans la loi de finances pour 1962 qui avait pour unique objet le mode de calcul des barèmes qui doivent servir à la fixation des allocations d'aide à l'armement naval.

- n° 77-100 L du 16 novembre 1977, p. 65 : cette seconde décision est à tous égards la plus intéressante pour nous, puisqu'elle fixe la nature réglementaire de la possibilité qu'avait l'Etat d'octroyer aux organismes d'habitations à loyer modéré des prêts à taux réduits. De façon très précise, Le Conseil constitutionnel indiquait évidemment que la mise en euvre de l'octroi éventuel de prêts restait subordonnée à l'intervention des autorisations financières dans les conditions définies par l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

L'octroi de prêts par l'Etat est de même nature que l'octroi d'une subvention, d'une éventuelle participation financière de l'Etat à des travaux d'amélioration de l'habitat rural, ou encore de bonification d'intérêts.

S'agissant des dispositions de l'article 182 du code rural qui vous sont soumises, je vous propose donc une solution identique à celle de 1977 avec la même précision, qui n'est pas une réserve que la participation financière de l'Etat reste subordonnée aux autorisations d'une loi de finances.¹

Monsieur le Président (l'interrompant) : A ce stade, Monsieur le Secrétaire général veut ajouter quelque chose.

Monsieur le Secrétaire général : Oui, le secrétariat général du Gouvernement souhaite, en quelque sorte, être éclairé et connaître l'appréciation du Conseil constitutionnel en ce qui concerne les codifications II y a un risque d'une appréciation différente entre le Conseil constitutionnel qui pourrait être saisi de dispositions sur la base de l'article 37, alinéa 2, et le Parlement qui va lui-même estimer si telle ou telle disposition est réglementaire. Le Gouvernement doit-il alors laisser dans son projet de loi une sorte de déclassement ? Le Gouvernement ne souhaite pas intercaler la mise en oeuvre de décrets entre la saisine du Conseil et le projet de loi. Il pourrait le faire mais il ne le fait pas compte tenu des délais que cela implique Cette question n'est pas exclusivement théorique. Elle se pose par exemple au sujet des aides aux agriculteurs dont on ne sait pas a priori si elles relèvent du domaine de la loi ou du domaine du règlement.

Monsieur le Président : Il faut que nous soyons très sourcilleux sur l'autorité des décisions. Je vous suggère de voir cela lors de notre prochaine réunion en examinant la note de Monsieur BRAISANT (Assentiments).

Monsieur FAURE : Je peux poursuivre ?

L'article 686 pose exactement le même problème que l'article 182 puisqu'il concerne les prêts individuels à long terme consentis par les caisses de crédit agricole mutuel. Le premier alinéa dont il n'est pas demandé le déclassement

¹. Au budget 1994, ces crédits sont inscrits au Titre VI du budget du ministère de l'agriculture et de la pêche (chapitre 61- 44 article 20) dans la rubrique des crédits en faveur de l'amélioration du cadre de vie et du développement ruralc'est une note de bas de page

(puisqu'il date d'avant la Constitution de 1958) précise que ces prêts sont destinés à faciliter l'acquisition, l'extension, l'aménagement, la transformation, la conservation ou la reconstitution de petites propriétés rurales et d'habitations de travailleurs ruraux Le second alinéa qui seul est l'objet de la demande du gouvernement, a été introduit par l'article 44 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 et donc postérieurement à la Constitution de 1958. Cet alinéa précise que ces prêts sont également destinés à l'acquisition d'exploitations par les fermiers faisant usage de leur droit de préemption dans les conditions prévues par les articles L.143-8 et L. 144-5 du code rural.

A propos de cet alinéa, on fera remarquer en premier lieu que le renvoi aux conditions des articles L 143-8 et L 144-5 dans lesquelles les fermiers font usage de leur droit de préemption est issu de la codification du Livre premier nouveau du code rural résultant de la loi n° 92-1283 du 11 décembre 1992. Ces articles figurent au Titre quatrième concernant les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural Ce renvoi à l'article 143-8 est indirect puisque seul son troisième alinéa concernent les procédures destinées à mettre les titulaires des droits de préemption prioritaires en mesure de les exercer avant que les SAFER n'interviennent Quant au renvoi à l'article L. 144-5, il est radicalement absurde puisqu'il renvoie aux conditions dans lesquelles les SAFER opèrent dans les territoires d'outre-mer. On notera que le projet de décret qui accompagne la saisine prévoit logiquement à son article R. 341-6 la disparition de ce renvoi.

Articles 29 et 67 de la loi du 4 juillet 1980 :

Je serai bref sur ces deux articles.

Le premier énonce qu'un prix de cession de terres agricoles manifestement exagéré au regard de la valeur vénale constatée comme il est dit aux articles L. 312-3 et L. 321-4 pour des terres du même ordre interdit à l'acquéreur de bénéficier de prêts bonifiés par l'Etat.²

Là encore on se situe dans le cadre de la jurisprudence que je vous ai rappelée à propos de l'article 182 Les conditions d'octroi des bonifications d'intérêt par l'Etat sont de nature réglementaire

Quant au second article,il concerne les conditions dans lesquelles un propriétaire ayant bénéficié de prêts à taux

². Les subventions de l'Etat correspondant à la bonification des prêts pour l'acquisition de terres agricoles sont inscrites au Titre VI, chapitre 44-42 article 10 du budget de l'agriculture pour un montant de 3, 1 millions de francs en 1994.Ici aussi, c'est une note de bas de page

bonifiés est tenu de rembourser au Trésor l'avantage financier ainsi consenti pour l'acquisition d'un bien fonds agricole lorsqu'il le cède à titre onéreux avant la période de dix ans suivant la dernière échéance du prêt dont il a bénéficié.

Là encore si les sommes qui permettent à l'Etat de bonifier certains prêts doivent être autorisées par une loi de finances, les conditions dans lesquelles elle sont octroyées,refusées ou remboursées sont de nature réglementaire.

Ainsi s'agissant des quatre articles que l'on vient de passer en revue, vous pourrez dire aisément qu'ils ne mettent en cause aucun des principes fondamentaux non plus qu'aucune des règles que la Constitution a placés dans le domaine de la loi en vertu de l'article 34.

<h3>B. Le problème concernant l'article 679</h3>

Le Gouvernement vous demande enfin de bien vouloir déclasser une partie de l'article 679 du code rural. Cette disposition figure actuellement dans le Livre V du code rural concernant le crédit agricole et plus particulièrement dans la section II relative au crédit à moyen terme.

On rappellera en premier lieu que l'article 678 institue un Fonds national de solidarité agricole comportant des sections par produit qui a pour mission d'alléger les charges des agriculteurs sinistrés qu'ils auraient à supporter du fait des prêts qu'ils auront contractés

L'article 679 concerne la section viticole de ce Fonds et la manière dont il est alimenté en ressources.il résulte des dispositions de l'article 6 de la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 (postérieure à la Constitution de 1958) que le Fonds dispose notamment de :

1° "Une subvention inscrite au budget du ministère de l'agriculture et calculée par addition: D'une somme égale au produit de la majoration du droit de circulation prévue à l'article 1620 bis, premier alinéa, du code général des impôts ; D'une somme égale à une part déterminée annuellement du produit de la taxe unique sur les vins en fonction des charges de la section viticole".

C'est ce seul 1° que le Gouvernement vous demande de déclasser

On peut distinguer dans cette disposition deux choses différentes : d'une part le principe d'une subvention inscrite au budget du ministère de l'agriculture ; d'autre part le mode de calcul de cette subvention.

Sur le premier point, nous sommes dans le cadre de la jurisprudence que nous avons énoncée : le principe d'une ubvention inscrite au budget d'un ministère dès lors que sa mise en oeuvre reste subordonnée à l'intervention des autorisations financières dans les conditions définies par l'ordonnance de 1959 est du domaine réglementaire

En revanche ce qui pose problème, est le mode de calcul de cette subvention. Car le texte nous précise qu'elle résulte de l'addition de deux sommes elles-mêmes calculées par rapport à des éléments de référence qui ont ... disparu.

En effet, l'article 1 620 bis du code général des impôts a été abrogé par la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966 portant réforme des taxes sur le chiffre d'affaires et diverses dispositions d'ordre financier et le décret du 15 décembre 1967 assurant la mise en harmonie du code général des impôts avec les dispositions de cette loi.

D'autre part, la taxe unique sur les vins a été aussi supprimée par l'article 1er de la même loi de 1966 et par son article 52 qui abroge l'article 442 bis du code général des impôts instituant cette taxe.

Par conséquent, les dispositions du code rural qui renvoient aux éléments de référence permettant de calculer la subvention inscrite au budget du ministère de l'agriculture sont implicitement abrogées. Par suite la saisine du Gouvernement qui porte sur le mode de calcul est sans objet.

Cette conclusion est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Voir par exemple la décision n° 63-24 L du 9 juillet 1963, Recueil p. 31. Par cette décision le Conseil a décidé que la disposition du code des douanes qui a fait l'objet de la demande de déclassement ayant été abrogée par un décret du 22 juin 1962, il n'y a lieu de se prononcer sur la nature juridique de cette disposition

Je vous propose évidemment de retenir une solution identique.

Il reste donc le principe de la subvention inscrite au budget de l'agriculture mais le mode de calcul de celle-ci a disparu. J'ai demandé au Gouvernement de bien vouloir nous dire si effectivement, cette subvention existe. Elle apparaît en effet au chapitre 46-33 article 13 du budget de l'agriculture où elle figure pour un montant moyen de 23 millions de francs chaque année entre 1989 et 1992 puis passe à 50 millions en 1993. En 1994, les crédits inscrits sont de 50,2 millions de francs. Cette augmentation du simple au double est la conséquence du gel d'avril 1991, qui a été particulièrement dommageable à la viticulture

Comme nous l'avons déjà dit, le principe de la subvention inscrite au budget de l'agriculture dès lors que sa mise en oeuvre reste subordonnée à l'intervention des autorisations financières dans les conditions définies par l'ordonnance de 1959 est du domaine réglementaire.

Voilà, j'en ai terminé.

Monsieur ABADIE : C'est bien compliqué. La subvention va à un organisme qui existe, le fonds et la section viticole existent bien ! Mais pas les éléments qui servent de base au calcul, si je comprends bien Les éléments du calcul, eux, n'existent plus.

Monsieur FAURE : C'est bien cela !

(Il lit le projet qui est adopté à l'unanimité).

Monsieur GAUTIER prend place à la table des rapporteurs adjoints.

En ce qui concerne l'affaire de Monsieur ROUSSEAU, j'ai déjà présenté mon rapport et vous avez jugé utile de reporter la lecture de la décision de manière à vous assurer d'un délai suffisamment long pour la procédure contradictoire. Ce délai ayant été parfaitement respecté, votre rapporteur a donc pu s'assurer qu'il n'y avait aucun problème en ce qui concerne les pièces fournies.

Monsieur le Président : Oui, il n'y a plus de difficulté, ni sur les dates ni sur les pièces fournies. Il a eu tout loisir de s'expliquer. Vous pouvez lire

Monsieur GAUTIER (lit le projet qui est adopté à l'unanimité) :

S'agissant de l'erreur matérielle de Monsieur HEURTAULT, elle n'appelle pas beaucoup de commentaires. Aucun des éléments invoqués par Monsieur HEURTAULT ne relève de l'erreur matérielle mais sa demande tend au contraire à remettre en cause la chose jugée que ce soit sur les factures, sur les dépenses prises en compte et sur le rôle d'une association de soutien. Mais tout ceci est jugé, vous ne pourrez donc que rejeter cette demande.

Monsieur le Président : Bon, tous le monde est d'accord ?

(Assentiment).

Monsieur GAUTIER (lit le projet qui est adopté à l'unanimité).

La séance est suspendue à 13 h 10.Seconde interlude sur le deuxième jour

Elle est reprise à 15 h 45.

Monsieur le Président : Bien, il nous reste une nouvelle demande de rectification d'erreur matérielle.

Monsieur FABRE : Le Conseil constitutionnel a rendu une décision, le 17 décembre 1993, sur une requête présentée par Monsieur MEYET qui attaquait une circulaire du Ministre de l'intérieur et de la sécurité publique du 26 janvier 1993 relative à l'organisation des élections législatives des 21 et 28 mars 1993 Je vous rappelle que cette circulaire prévoyait l'éventualité d'un tirage au sort pour déterminer l'ordre d'attribution des panneaux d'affichage.

Monsieur MEYET allègue que nous avons commis trois erreurs matérielles dans notre décision du 17 décembre :

1° Une erreur quant à la date d'enregistrement de la requête, prétendument opérée le 26 octobre 1993, alors que le recours a été en réalité déposé au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 22 octobre 1993.

En réalité, si la production d'un reçu atteste que Monsieur MEYET a déposé sa requête contre la circulaire du Ministre de l'intérieur le 22 octobre 1993 à l'accueil du Conseil, celle-ci a, en revanche, bien été enregistrée le 26. Je signalerai seulement que le 22 octobre 1993 était un vendredi et qu'il n'y a rien d'anormal à ce que cette requête fût enregistrée au début de la semaine suivante. Certes, elle aurait pu être enregistrée le lundi 25 mais le greffe s'est légitiment demandé s'il avait affaire à une requête électorale ordinaire qui devait avoir un numéro d'enregistrement identique à la requête que Monsieur MEYET avait présentée dans le cadre du contentieux classique de l'élection de Monsieur BARTOLONE comme s'il s'agissait d'une demande de rectification d'erreur matérielle ou bien si l'on se situait dans le cadre d'un contentieux d'une nature différente.

On pouvait en effet s'interroger. Bref, la requête de Monsieur MEYET n'a été enregistrée que le 26 octobre 1993. Le timbre à date du Conseil en fait foi . En indiquant dans les visas de notre décision du 17 décembre 1993 que la requête a été enregistrée le 26 octobre, nous n'avons commis aucune erreur matérielle. Ce très bref retard entre le dépôt et l'enregistrement n'a d'ailleurs aucune espèce d'importance puisque la demande de Monsieur MEYET qui s'apparentait à un recours pour excès de pouvoir contre une décision administrative et non à une protestation électorale contre une élection n'est pas soumise aux délais propres au contentieux électoral. En ce qui concerne le premier point, nous n'avons commis aucune erreur matérielle II n'y aurait donc, en tout état de cause, pas lieu à rectification.

2° Erreur quant à la date de l'ordonnance visée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, qui n'est évidemment pas celle du 7 novembre 1993 mais bien celle du 7 novembre 1958.

Sur ce point Monsieur MEYET a évidemment raison. Mais je pose la question suivante : devons-nous la corriger ? Vous savez que depuis notre décision n° 87-1026 du 23 octobre 1987, Recueil p. 55, nous avons accepté de rectifier la mention "Tarn-et-Garonne" contenue dans l'un des visas d'une décision électorale pour la remplacer par la mention "Tarn". Cette rectification, si elle n'avait aucune incidence sur le jugement de l'affaire ni ne faisait grief au requérant, ne pouvait pourtant pas subsister dès lors qu'elle portait sur le nom du département dans lequel s'était déroulé l'élection

Par ailleurs, dans notre décision de principe, Jean-Pierre PIERRE-BLOCH nous avons énoncé un considérant très clair :

"Considérant qu'un recours en rectification d'erreur matérielle ne saurait avoir pour objet de contester l'appréciation des faits de la cause, leur qualification juridique et les conditions de forme et de procédure selon lesquelles est intervenue la décision du Conseil constitutionnel ; "

Cet énoncé laisse ouvert toute possibilité de rectification d'une véritable erreur matérielle. Or, quoi de plus matérielle que l'erreur qui consiste à écrire 1993 à la place de 1958 ? Pour autant cette faculté que nous avons de rectifier doit-elle se transformer en obligation ? Je ne le crois pas pour la bonne raison que nous pourrions être assaillis de demandes qui n'ont aucun intérêt et pourraient amener le Conseil à opérer des rectifications sur des mentions qui n'ont eu aucune influence sur le jugement de l'affaire et qui, de plus, ne font pas grief au requérant.

Aussi je vous proposerai de suivre la jurisprudence fournie du Conseil d'Etat et celle isolée du Conseil constitutionnel pour dire précisément que cette erreur n'a eu aucune influence sur le jugement de l'affaire et ne fait pas grief au demandeur. Par suite, la demande de rectification n'est pas recevable. Voir en ce sens : C.E., 26 mai 1937, p. 529 "les erreurs dont s'agit ne sont susceptibles d'entraîner aucune conséquence pour le Sieur Pham van Tam" ; C.E., 9 juin 1967, p. 907 "erreur commise sur le nom du beau-frère sans influence sur le jugement de l'affaire" ; C.E., 12 juillet 1955, "Erreur de date dans le visa d'un décret qui n'a pas eu et n'est pas susceptible d'avoir une influence sur le jugement de l'affaire".

A contrario, dans une décision C.E., 2 avril 1971, p.279, le Conseil d'Etat a accepté de rectifier une erreur commise dans le visa d'une décision en considérant que celle-ci avait exercé une influence sur la portée de la décision rendue.

En bref, on remarquera que le Conseil d'Etat ne distingue pas entre les erreurs qui affecteraient les visas d'une décision dont il aurait pu dire que, par nature, elles sont sans influence sur le jugement et celles qui, figurant dans les motifs ou le dispositif, affecteraient la décision ; mais il distingue entre ce qui a exercé une influence sur la décision et ce qui n'en a pas exercé. De ce point de vue, peu importe qu'il s'agisse des visas, des motifs ou du dispositif.

Enfin, on remarquera, dans le même sens que la jurisprudence du Conseil d'Etat, une décision du Conseil Constitutionnel n° 89-1139 du 1er février 1990 concernant les élections sénatoriales en Gironde par laquelle il a rejeté comme irrecevable la demande d'un requérant qui lui demandait de rectifier l'erreur matérielle qui avait affecté la date d'enregistrement d'un mémoire

Le considérant 2 est ainsi rédigé :

"Considérant d'une part, que l'erreur quant à la date d'enregistrement d'un mémoire, dont se prévaut Monsieur ROCHER pour demander la rectification de la décision du 5 décembre 1989 n'est pas susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire ni de faire grief au requérant ; que cette demande n'est par suite, pas recevable ;".

Je vous propose donc de reprendre purement et simplement cette formulation concernant notre affaire.

3° Cette solution vaudra aussi bien pour la troisième erreur matérielle que nous indique notre requérant. Effectivement, par une erreur due à une trop grande confiance dans notre traitement de texte, nous avons rendu Monsieur VACQUIER destinataire de la décision qui opposait en fait Monsieur MEYET au Ministre d'Etat, Ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Pour cette erreur qui touche aux destinataires de la notification de la décision du 17 décembre 1993, je vous proposerai d'appliquer la même solution que précédemment.

Il reste un point sur lequel on peut hésiter : y a-t-il lieu de distinguer entre le premier point sur lequel nous pourrions donner tort au requérant puisqu'il n'y a pas d'erreur matérielle et les deux autres points ? Je ne le crois pas dès lors que nous disons que ces questions n'ont aucune influence sur le jugement de l'affaire. Vous pouvez vous borner à dire que les erreurs alléguées par le requérant sans distinguer entre celles qui sont établies et celles qui ne le sont pas.

Voilà, j'en ai terminé.

Monsieur ROBERT : Oui, moi je trouve que nous sommes bien sévères. Supposons qu'une décision soit truffée d'erreurs matérielles et non pas simplement de fautes de frappe comme c'est le cas ici, mais qu'aucune n'ait d'influence sur le jugement, nous la rejetterions ? Mais là, je dois dire que la requête de Monsieur MEYET est fondée ! Il y a bien erreurs, même si elles sont minimes Alors pourquoi ne pas lui donner raison ? Il a raison et on rejette sa requête.

Monsieur le Président : Tout simplement parce que cela est contraire à notre jurisprudence "Tarn-et-Garonne". Et je rappelle la jurisprudence du Conseil du 1er février 1990. Tout ceci n'a aucune importance. </p>

<p> Monsieur FABRE : Et imaginez que l'on ait 200 demandes Non, non, ce n'est pas possible.

Madame LENOIR : Au Conseil d'Etat, il y a beaucoup de cas similaires. Je ne vois pas pourquoi on s'éloignerait de la jurisprudence du Conseil. Ce qui n'a aucune importance ne doit pas faire l'objet d'une rectification. Tel est le cas en l'espèce. Tenons-nous en à la formule.

Monsieur le Président : Bien, lisez

Monsieur FABRE lit.

Le texte est adopté à l'unanimité.

La séance est levée à 16 h 05. Fin final, après 2 séances & 2 interludes sur 2 jours. Aussi, j'ajoute donc que la session 1 de la séance fait 24 pages ; l'annexe supprimée 14 pages ; et la session 2 de la séance 17 pages. Ainsi, j'ai 41 pages. Enfin, au niveau pratique, j'ai du parfois créer au clavier certaines balises, car celles-ci n'apparaissaient pas dans la colonne "attributs pour élément" (cela a été le cas pour les titres <hx/y> ou encore pour rajouter des paragraphes <p>)