PV1994-05-31

Yasmine MAKKI

SEANCE DU 31 MAI 1994


La séance est ouverte à 15 heures en présence des conseillers, à l'exception de Messieurs ROBERT, LATSCHA et FAURE.

Monsieur le Président : Vous vous rendez compte le quorum n'est même pas atteint pour examiner le Règlement du Sénat ! C'est désastreux ! Cela produit un effet détestable. Si ce n'était pas le temps qui nous tenait à la gorge, j'aurais renvoyé l'examen de la résolution qui modifie le Règlement du Sénat. Tout de même, à l'égard d'une assemblée parlementaire, c'est d'une discourtoisie inouïe...

Bon, enfin, Monsieur le rapporteur va nous éclairer.

Monsieur RUDLOFF : Les torts sont peut-être partagés, le Sénat aurait pu nous prévenir qu'il modifiait son règlement. On l'a appris un peu à la dernière minute.

Nous avons été saisis, le 5 mai, d'une résolution, adoptée la veille par le Sénat, tendant à modifier son règlement intérieur. Je vous exposerai d'abord la procédure suivie qui est assez originale puis j’examinerai le fond de l’affaire, qui concerne exclusivement le débat en séance publique.


I - LA PROCEDURE SUIVIE EST ASSEZ INHABITUELLE


En effet, le Sénat a procédé en trois temps, en quelque sorte.

1° Tout d'abord, une proposition de résolution a été déposée, mais elle ne portait que sur le temps de parole laissé aux auteurs d'amendements pour les exposer. La proposition initiale visait à ramener ce temps de 10 à 5 minutes. Puis, le rapporteur du texte, Monsieur DAILLY, a modifié le dispositif en prévoyant, dans son premier rapport (n° 59), le maintien à 10 minutes, avec possibilité pour la conférence des présidents de ramener ce délai de 10 à 5 minutes. C'était donc la conférence des présidents qui pouvait en quelque sorte, fixer une règle dérogatoire. Mais, convaincu, dit-il par "d'éminents constitutionnalistes", il a finalement préféré reprendre la proposition initiale et rétablir les cinq minutes, tout en soulignant que l'article 36, alinéa 6, du Règlement du Sénat permet au Président de séance de prévoir des dérogations. Bref, Monsieur DAILLY, convaincu par des membres de l'association française des constitutionnalistes -présence d'un tiret dont je ne comprend pas la signication qui tenaient à ce moment-là un colloque auquel il a participé-présence d'un tiret dont je ne comprends pas la signification que la première solution risquait de créer une sorte de discrimination dans l'exercice du droit d'amendement, a jugé utile de retirer son texte et de revenir à la réduction uniforme du temps de parole. C'est l'objet de son second rapport (n° 185).

2° Il a ajouté, et c'est le second temps de sa démarche, une disposition dérogatoire à la règle de la discussion commune des amendements. Au Sénat, cette discussion commune est la règle. Elle permet à tous les amendements d'être débattus avant que le premier d'entr'eux orthographe "d'entr'eux" = "d'entre eux" ? ne soit mis aux voix. A l'Assemblée, au contraire, c'est l'exception. Le Règlement du Sénat permet au Bureau de déroger à cette modalité d'organisation des débats. Sur la proposition du rapporteur, dans son second rapport, le texte de la résolution a été ainsi "enrichi" par une disposition qui substitue au Bureau du Sénat sa conférence des Présidents pour prévoir cette dérogation.

3° Enfin, et ceci est l'essentiel, au cours de la séance, sans qu'il y ait sur ce point de rapport, le Sénat a adopté des amendements pour introduire dans le règlement cinq dispositions qui figuraient auparavant dans des décisions du Bureau, c'est-à-dire sans autre force juridique que celle de conventions parlementaires internes au Sénat. Ce sont ces dispositions, sur lesquelles le débat a été assez bref et qui ont été introduites avec une certaine rapidité, qui, à mon sens, posent le plus de problèmes, au moins pour l'une d'entre elles.

J'ajoute pour terminer que cette saisine n'a pas été précédée du moindre avertissement de la part des services du Sénat au service juridique, ce qui est assez inhabituel.

II - LE FOND DES DISPOSITIONS QUI NOUS SONT TRANSMISES :

On peut distinguer entre les divers articles de cette proposition et, au sein de l'article 3, introduit donc par voie d'amendement, entre les différents paragraphes.

Article premier :

Le temps de parole réservé au signataire d'un amendement est ramené de 10 à 5 minutes. Cette disposition existe déjà à l'Assemblée (R.A.N., article 100, alinéa 7) et elle a été admise par le Conseil constitutionnel sans réserves (N° 69-37 DC du 20 novembre 1969, p. 15).

En dépit des vives protestations qu'elle a pu susciter en séance, dès lors qu'elle s'applique à tous les débats d'amendement de la même manière et qu'elle ne porte pas atteinte au droit d'amendement, il paraît difficile d'envisager une censure de cette disposition. Ceci est d'autant plus difficile que cette règle peut connaître des dérogations, à la discrétion du Président de séance (article 36, alinéa 6), et on peut imaginer que la souplesse continuera à s'appliquer.

J'ajoute enfin que cette disposition a pour objet essentiel de lutter contre les manoeuvres de retardement d'adoption des textes, ce que l'on appelle généralement le "filibustering" -présence de tiret dont je ne comprend pas la significationn'en déplaise à Monsieur TOUBON-présence de tiret dont je ne comprend pas la signification, dont nous avons eu à connaître encore dans notre décision sur la proposition de loi portant abrogation de l'article 69 de la loi "FALLOUX" (13 janvier 1994), et que nous avons tout fait pour décourager. Je vois mal le Conseil s'éloigner de cette position de principe et donc, pour toutes ces raisons, je vous propose d’ admettre la constitutionnalité de cet article.

Monsieur le Président : Bon, arrêtons-nous là. Sur les 5 minutes ...

Madame LENOIR : Sur cette question, il y a un précédent.

Monsieur le Président : Bon, alors lisons !

(Monsieur RUDLOFF lit le premier considérant).

Monsieur ABADIE : J'ai une observation de forme à faire sur la première ligne des visas. Nous écrivons que le Conseil constitutionnel a été saisi conformément aux dispositions de l'alinéa premier de l'article 61. Ce terme de "saisie" ne figure ni dans cet article ni à l'article 17 du Règlement du Conseil constitutionnel. Il n'y a jamais les mots de "saisie" ou de "déféré". Les textes disent seulement que les lois organiques et les règlements des assemblées doivent être "soumis" au Conseil constitutionnel. Ce n'est pas anodin et d'ailleurs ça a été relevé par le professeur LUCHAIRE. Il dit la chose suivante : "l'expression "a été saisi" est inexacte...". On parle d'une transmission car l'examen obligatoire par le Conseil constitutionnel est un élément de la procédure. Ce n'est pas un problème de déféré parce qu'il n' y a pas de contestation. Ça a l'air anodin et secondaire mais néanmoins, si on suit le raisonnement du professeur Luchaire, on pourrait enclencher un raisonnement qui consisterait à soutenir que les députés ou sénateurs pourraient nous saisir d'une loi organique ou d'un règlement.

Monsieur le Président : Nous sommes saisis obligatoirement au regard de l'article 61 de la Constitution. Voyez la différence de vocabulaire. L'alinéa 1 de l'article utilise le terme de "soumis" tandis que l'alinéa 2 utilise le terme "déféré". L'alinéa 3 dit que le Conseil constitutionnel doit statuer. L'alinéa 4 qui vaut pour le premier et le second parle de "saisie".

Madame LENOIR : Le terme de saisine renvoie tout simplement à notre rôle juridictionnel.

Monsieur le Président : Allez, on le laisse comme ça puisqu'on l'utilise habituellement.

(Monsieur RUDLOFF lit le considérant se rapportant à l'article premier de la résolution puis passe à la partie du rapport concernant l'article 2).

Monsieur RUDLOFF : Au Sénat, la discussion commune des amendements est la règle, alors qu’ à l’Assemblée, au contraire, les amendements sont en général examinés successivement, sauf lorsqu'ils sont exclusifs les uns des autres (R.A.N., article 100, alinéas 4 et 6).

Au Sénat, le Bureau peut actuellement déroger à ce principe de discussion commune. Le Conseil constitutionnel a admis cette dérogation (N° 86-206 DC, 3 juin 1986, p. 44) car “aucune disposition de la Constitution ne fait obstacle à ce que le Sénat adopte, en ce qui concerne les amendements venant en concurrence, soit la règle de leur discussion séparée, soit celle de leur discussion commune, soit... le principe de leur discussion commune avec possibilité pour le Bureau d’y faire exception...".

L’ article 2 transfère ce pouvoir à la conférence des présidents qui, pendant les sessions, se réunit tous les jeudis matin, alors que les réunions du Bureau sont beaucoup plus rares.

Compte tenu de notre jurisprudence, il paraît assez délicat de juger que ce qui vaut pour le Bureau présence d'un tiret dont je ne comprend pas la signification-qui, certes, a un fondement constitutionnel (article 26, alinéa 3, de la Constitution)-présence d'un tiret dont je ne comprend pas la signification ne vaut pas pour la conférence des présidents. Il convient de rappeler que ces dispositions concernent le déroulement des débats et ne portent atteinte ni au droit d’ amendement ni à la possibilité d’en débattre. Elles ne touchent qu’aux modalités du débat.

En pratique, cela rendrait plus aisée la disjonction du débat des amendements. L’ adoption d’ un amendement de suppression, toujours appelé en premier, ferait tomber tous les autres.

Une fois encore, il ne paraît pas possible de censurer un dispositif dérogatoire qui a été admis comme règle pour l’Assemblée nationale et qui, dans la plupart des cas, correspond à une logique de bon fonctionnement du débat.

Madame LENOIR : Là aussi, on a un précédent qui est notre décision du 3 juin 1986 (n° 86-206).

Monsieur le Président : Ceux qui connaissent la pratique savent que ça sera plus facile en confiant ce pouvoir de déroger à la discussion commune des amendements à la Conférence des présidents.

(Monsieur RUDLOFF lit le considérant se rapportant à l'article 2 puis il passe au rapport concernant l'article 3-I).

Avec les diverses dispositions de l’article 3, on entre dans le cadre de la réglementation de dispositions figurant auparavant dans des textes internes. Il s’agit en effet d’insérer dans le règlement les “dispositions" de décisions du Bureau, dont j’ai demandé le texte, et qui datent des 13 mai 1981, 4 février et 28 mai 1986.

En ce qui concerne l’article 3-1 qui intègre une disposition de 1986, il poursuit deux objectifs : rendre impossibles les rappels au règlement qui ne sont pas fondés sur  un article du règlement autre que celui qui prévoit que les rappels au règlement existent et les conditions dans lesquelles ils interviennent, et rendre impossibles, pendant certaines phases du débat ou pendant certains types de débat, les rappels au règlement.

On comprend bien l'objet de la première partie de ce dispositif : empêcher que sous prétexte d’un rappel au règlement un sénateur ne se livre à des considérations qui n’ auraient rien à voir avec le débat et avec l’application du règlement. Encore que la formule retenue par l’Assemblée nationale (Art. 58 R.A.N.) me paraît bien plus simple : si l'intervention ne correspond pas à un rappel au règlement, la parole est retirée. C'est bien plus simple et, pour tout dire, bien meilleur que cette rédaction complexe.

En revanche, la seconde phrase prohibe les rappels dans "un débat comportant une limitation du nombre des orateurs admis à s’ exprimer", donc notamment pendant les votes sans débat (article 47 quinquies), les débats restreints (article 47 sexies) et tout débat des amendements (article 49, alinéa 6).

Pendant ces débats, il serait concrètement impossible à un sénateur d’ invoquer une méconnaissance, même flagrante, du règlement. Or, certaines de ces méconnaissances touchent à des dispositions constitutionnelles : droit de vote (article 27, et application de l’article 54 du règlement), irrecevabilité de l'article 40 de la Constitution, en dépit de la nécessité de contester l'application de l'article 40 préalablement à la saisine du Conseil constitutionnel (20 juillet 1977 et 13 janvier 1994), et en dépit de la possibilité pour tout sénateur de pouvoir demander l’application de cet article (article 45-1 du Règlement du Sénat) et même lien avec le texte en discussion (article 48, alinéa 3, du Règlement du Sénat) puisque cette disposition a valeur constitutionnelle (décision du 13 décembre 1985, etc.), et que, dans deux cas, elle a même été soulevée d’office par le Conseil.

L’ argument de l'impossibilité d’évoquer l'article 40 est à lui seul suffisant, cette irrecevabilité présentant un caractère absolu, comment empêcher un sénateur de l'invoquer au cours du débat d’un amendement ? Mais celui du droit de vote ou du respect du droit d’amendement peuvent aussi être utilisés.

Et, au-delà, le règlement est fait pour être respecté et chaque sénateur doit être mis en position de pouvoir faire valoir, à tout moment, ses droits, même si, en elle-même, la procédure du rappel au règlement n’a pas de valeur constitutionnelle.

L'article 58 du Règlement de l'Assemblée ne comporte aucune restriction de ce type, même si, en pratique, les rappels au règlement sont parfois interdits (questions au Gouvernement, explications de vote..).



Je vous propose donc de censurer ce dispositif qui prive les sénateurs de la possibilité de faire respecter la Constitution et de faire valoir leurs droits.

Monsieur le Président : Bien merci beaucoup. N'y a-t-il aucun moyen d'éviter la censure ?

Monsieur CABANNES : Je ne vois pas comment il serait possible de l'encadrer.

Monsieur le Président : Il faut prendre en compte la possibilité laissée à la minorité de s'exprimer, sinon, on fait disparaître le parlementarisme.

Monsieur RUDLOFF : Certes, un Président de séance n'a jamais coupé la parole à un sénateur.

Monsieur le Président : Qu'est-ce qui a inspiré ce nouvel article du règlement ?

Madame LENOIR : Je crois me souvenir qu'il y a un article à la RDP sur le rappel au règlement sous la Vème République où il est démontré que cette pratique permet souvent aux Sénateurs de parler de problèmes d'actualité qui intéressent surtout les électeurs. Certes il est vrai qu'il y a eu beaucoup d'abus mais on ne peut pas régler un abus en en commettant un autre.

Monsieur RUDLOFF : Le seul fait de priver un sénateur de la possibilité de faire un rappel au règlement n'est pas inconstitutionnel dès lors que le Règlement du Sénat pas plus que celui de l'Assemblée nationale ne constituent des normes constitutionnelles. En fait, c'est parce que le rappel au règlement permet de faire jouer des articles de la Constitution que l'empêcher est inconstitutionnel.

Monsieur FABRE : Je suis d'accord avec la censure. Il y a eu des abus mais ça serait mal perçu de priver les sénateurs de la possibilité de faire un rappel au règlement.

Monsieur ABADIE : Avec les explications que nous donnons et l'impossibilité de se référer aux articles de la Constitution, une nouvelle mouture de l'article pourrait nous être présentée qui pourrait être rédigée de façon à ménager un rappel au règlement fondé sur l'article 40.

Monsieur RUDLOFF : Un tel rappel d'un seul article ne serait pas suffisant pour rendre le texte constitutionnel.

Madame LENOIR : J'ai deux objections :

1) l'objection de Monsieur le Préfet est pertinente et on n'est jamais sûr de viser toutes les dispositions constitutionnelles. On pourrait donc se contenter d'un "notamment" l'article 40.


2) d'autre part, il y a aussi les commissions d'enquête. Ce n'est pas seulement la Constitution qu'il faudrait rappeler mais tout le bloc de constitutionnalité puisque le règlement doit obéir aussi à toutes les normes constitutionnelles.

Monsieur RUDLOFF : Pardon ! C'est un texte qui limite la possibilité du rappel au règlement. Or, notre seul problème ce sont les articles de la Constitution visés par le règlement.

(Monsieur RUDLOFF lit le considérant se rapportant à l'article 3).

Monsieur le Président : Je crois qu'il vaudrait mieux mettre : "que celle-ci se borne à fixer..." au lieu de "que cet alinéa se borne à fixer" puisque ça renvoie à "disposition".

Monsieur ABADIE : N'est-il pas inutile de citer les dispositions des articles 54, 56, 57 et 59 du règlement assurant l'application de l'article 27 de la Constitution ?

Madame LENOIR : Tout à fait, je crois que cette énumération est trop restrictive.

Monsieur le Président : Oui, on peut l'enlever.

Madame LENOIR : Bien sûr, il y a bien d'autres dispositions du règlement destinées à assurer le respect de la Constitution.

Monsieur FABRE : Oui, l'énumération des articles me paraît dangereuse.

Monsieur le Président : Il faudrait reconstruire le texte du projet de la façon suivante : premièrement, énoncer le texte du I de l'article 3 ; deuxièmement, énoncer la fonction du rappel au règlement ; troisièmement, se borner à tirer la conclusion que la disposition en question prive les sénateurs du droit de demander l'application de dispositions constitutionnelles et que, par suite, c'est contraire à la Constitution.

Monsieur ABADIE : Au début de la page 4 du projet, on dit que les sénateurs ne peuvent être privés de toute possibilité d'invoquer les dispositions du règlement afin de demander l'application de dispositions constitutionnelles. Il me semble dangereux que, par la suite, ce soit nous qui définissions les articles du Règlement.

Madame LENOIR : A l'Assemblée nationale, on retire la parole à un député s'il ne mentionne pas les articles du règlement sur lesquels il fonde son rappel. Je crains qu'en explicitant les dispositions on aille au-delà de ce qui nous est demandé.

Monsieur le Président : Vous concluez à ce que nous n'utilisions pas l'illustration que nous faisons de l'impossibilité d'assurer l'application de l'article 27 de la Constitution par le biais de l'invocation des articles 54, 56, 57 et 59 du règlement. Il y a donc deux possibilités : ou bien on laisse l'exemple ou on l'enlève.

Monsieur FABRE : Il faut garder l'idée que l'auteur de la demande doit faire référence aux dispositions constitutionnelles.

Monsieur RUDLOFF : Ce rappel au règlement est une "verrue" dans la procédure. Ce n'est pas d'une importance mythique. La référence qui permet d'opposer l'exception d'irrecevabilité en demandant la mise en application de l'article 40 de la Constitution est bien suffisante.

Monsieur ABADIE : Je propose une transaction. Il nous suffit d'évoquer deux exemples d'articles celui de l'article 40 et celui de l'article 45. Si on ajoute l'article 27, on semble faire une énumération exhaustive.

Monsieur SCHRAMECK : Je vous propose de mettre : "la règle précitée interdirait en particulier d'invoquer l'article 45 du règlement..." au lieu de "notamment".

Madame LENOIR : Je ne suis pas d'accord. II y a un vrai problème. On supprime pour les sénateurs la possibilité de donner une certaine vie au Parlement.

Monsieur le Président : Mais non. On se borne à donner un exemple.

Madame LENOIR : Ne pourrait-on pas faire un seul considérant qui réunirait le deuxième considérant de la page 3 et le premier de la page 4 ?

Monsieur SCHRAMECK : Il faut maintenir le considérant du bas de la page 3 mais lui agréger le considérant suivant de la page 4.

Monsieur le Président : D'accord.

(Les conseillers sont unanimes sur la rédaction concernant l'article 3-I de la résolution, puis on passe à l'exposé du rapport concernant les articles 3-II, 3-III).

Monsieur RUDLOFF : L'article 3-II vise à interdire la substitution d’orateur par une autre. Interdire une prise de parole au nom d’un collègue aura pour effet, notamment, d'imposer la présence de celui qui est inscrit dans la discussion générale ou les débats sur les articles, mais aussi d'empêcher que les amendements soient présentés par un autre que leur signataire. Mais plusieurs signataires pour un amendement peuvent aisément résoudre ce problème. La Constitution ne me paraît pas faire obstacle à une disposition dont les effets peuvent être positifs. Tout au plus peut-on constater que le Gouvernement est, lui, représenté par le ministre désigné à cet effet (décision du 21 janvier 1964, p. 23) qui, concrètement, répond à la place de ses collègues. Mais il est vrai que le Gouvernement est une entité collégiale, alors que le droit d'initiative législative, comme celui de poser des questions, appartient à chaque parlementaire individuellement.


La disposition de l'article 3-III restreint d'une manière générale le droit de réponse lors du débat des motions de procédure (article 44 du règlement) ou des amendements. Le problème n'est pas tant constitutionnel que de cohérence : l'article 49-6 prévoit le débat des amendements et semble déjà exclure cette possibilité. On notera que l'orateur d'opinion contraire qui peut intervenir dans une motion ou un débat d'amendement ne répond pas au Gouvernement ou à la commission, mais à... l'auteur de l'amendement.

Monsieur le Président : Est-ce que vous voulez vraiment garder : "que ces dispositions qui constituent des modalités d'organisation...". Ce n'est pas la peine, vous y tenez ?

Monsieur SCHRAMECK : On peut écrire plus simplement : "que ces dispositions constituent des modalités d'organisation des débats qui ne méconnaissent aucune disposition constitutionnelle".

Madame LENOIR : Je ne vois pas pourquoi on qualifie ces dispositions ? Ça pourrait nous engager.

Monsieur SCHRAMECK : Non, je ne le crois pas.

Madame LENOIR : Bon, d'accord.

(On passe au rapport relatif au IV de l'article 3).

Monsieur RUDLOFF : La portée de la disposition de l'article 3-IV est en réalité très minime. Lors des débats organisés dans le cadre d'un vote bloqué, elle vise à limiter le nombre des interventions sur chaque amendement. Or, l'article 49, alinéa 6, comporte... la même liste d'intervenants, à une seule différence près : elle mentionne, sur les amendements, la possibilité d'explications de vote. La seule différence entre la disposition générale et cet article est de supprimer les explications de vote sur les amendements, ce qui est assez logique puisque le vote n'aura pas lieu sur certains d'entr'euxorthographe de "d'entr'eux" = "d'entre eux" ? .

Au moment où le vote va intervenir, ces explications redeviennent-elles possibles ? Ce point reste à éclaircir car une réponse négative aboutirait à priver les sénateurs d'expliquer leur vote au moment opportun alors qu'aucune justification ne permet cette dérogation. On peut interdire les explications de vote sur un vote qui n'aura pas lieu, mais il ne paraît pas cohérent de le faire sur les dispositions qui seront mises aux voix alors que, d'une manière générale, elles sont possibles. Aussi, le projet retient une explication, d'ailleurs conforme au mot près à ce que Monsieur DAILLY a exposé au cours du débat (le compte rendu analytique était sur ce plan moins complet, mais les débats, p. 1422 : "sauf au moment du vote sur l'ensemble" témoignent bien de cette version des choses).

Il reste qu'une procédure de débat dérogatoire est introduite du fait du vote bloqué, alors que cette procédure ne porte, en elle-même, que sur le vote. Mais il est logique de ne pas expliquer un vote qui n'aura pas lieu.

Monsieur le Président : Qu'est-ce qu'on y gagne de n'accorder la parole qu'à un orateur pour et un orateur contre si on peut toujours donner des explications de vote sur l'ensemble des dispositions faisant l'objet d'un vote bloqué ?

Monsieur RUDLOFF : Ça ne sert à rien de donner des explications de vote sur un amendement qui n'est pas soumis au vote. En revanche, ce sur quoi portera le vote bloqué, lui, peut faire l'objet d'explications de vote. C'est une lapalissade. Mais je crois qu'il est nécessaire de faire une petite interprétation pour dire que la disposition en cause ne peut avoir pour effet, précisément, de faire obstacle aux explications de vote à la fin.

(On passe au rapport sur l'article 3-V).

Monsieur RUDLOFF : L'article 3-V définit la possibilité de reprise des amendements retirés, qui existe déjà de fait, faute d’être prohibée par les règlements (pour la reprise des propositions de loi, voir : R.A.N. article 84, alinéa 2). Il n'y a pas de difficulté dans ce mécanisme, qui fixe simplement le stade auquel reprend la discussion.

Monsieur le Président : Bon, passons à la lecture globale du projet.

(Après la lecture du projet, Monsieur le Président reprend la parole).

Monsieur le Président : Avant de mettre aux voix, je voudrais vous relire l'article 14 de l'ordonnance organique du 7 novembre 1958 : "les décisions et les avis du Conseil constitutionnel sont rendus par 7 conseillers au moins sauf cas de force majeure dûment constatée au procès-verbal". Il est clair que les décisions même rendues sur le fondement de l'article 61-1 sont comprises dans le quorum. Il faut donc indiquer au procès-verbal les raisons de force majeure qui nous conduisent à nous prononcer sans avoir le quorum.

Monsieur ABADIE : Une maladie, c'est un cas de force majeure.

Monsieur le Président : Peut-être mais s'agissant de deux membres sur les trois qui sont absents, c'est pour raisons de convenances personnelles. On crée un précédent pour le Conseil lui-même. Quand expire le délai pour statuer ?

Monsieur SCHRAMECK : Le délai expire le 5 juin.

Monsieur le Président : Où est Jacques ROBERT ?

Monsieur SCHRAMECK : Il rentre le 4 du Japon. Monsieur FAURE pourrait être là le 3.


Monsieur le Président : On pourrait peut-être se réunir une nouvelle fois pour le vote.

Monsieur ABADIE : La force majeure s'applique en raison de l'absence du 7ème membre mais pas pour le 8ème ni pour le 9ème.

Monsieur le Président : Non. Nous interprétons la force majeure, cela m'ennuie. Il n'y aucune raison. On finira par se trouver à 4 lorsque 5 membres seront absents pour raison de force majeure.

Monsieur ABADIE : La force majeure s'applique à la charnière du quorum.

Monsieur CABANNES : L'indisponibilité c'est un cas de force majeure. Les membres du Conseil ne sont tout de même pas tenus de fournir des certificats médicaux.

Monsieur ABADIE : Dans le règlement intérieur, il y a quoi ?

Monsieur SCHRAMECK : Il n'y a rien.

Monsieur le Président : C'est pour le principe, ce n'est pas bon qu'on puisse statuer sans le quorum.

Monsieur CABANNES : Ça s'est déjà produit.

Monsieur le Président : (se tournant vers Monsieur PAOLI). Monsieur PAOLI ?

Monsieur PAOLI : Cela m'étonnerait.

Monsieur le Président : Bon, évidemment, on ne va pas reprendre les débats mais on pourrait lire et voter la décision le 3 ou le 4 juin.

Monsieur RUDLOFF : Je ne pourrais pas être là le 3.

Monsieur FABRE : Je pense que j'aurai des problèmes...

Monsieur RUDLOFF : Monsieur le Secrétaire général avait déjà eu des difficultés à trouver une date.

Madame LENOIR : On devrait donner une médaille à ceux qui sont là.

Monsieur le Président : Il ne s'agit pas de médaille. Cela fait une impression détestable pour le Conseil constitutionnel et je le déplore. Mettez au procès-verbal qu'en raison de circonstances indépendantes de leur volonté, 3 membres du Conseil constitutionnel n'ont pu être présents ; que compte tenu des délais correspondant à la saisine du Conseil constitutionnel, celui-ci a considéré, en application de l'article 14 de l'ordonnance de 1958, qu'un cas de force majeure était constitué". Bon, y a-t-il autre chose ?


Monsieur SCHRAMECK : En premier lieu, je vous propose de reporter la nomination de Monsieur BONIN comme conseiller rapporteur. Ensuite, il faudra examiner les trois décrets se rapportant aux présidentielles dont les deux décrets permettant au Conseil constitutionnel de traiter de données nominatives relatives à la gestion des carnets à souche et au contrôle des comptes. La distribution des carnets à souche doit pouvoir être faite au plus tôt. Par conséquent, il faut choisir une date dans la semaine du 13 au 17 juin.

Monsieur le Président : Combien sera-t-on le 14 ?

Monsieur SCHRAMECK : Je suis certain que Monsieur ROBERT est là puisqu'il s'entretient avec les Béninois.

Madame LENOIR : Je suis absente les 13, 14 et 15.

Monsieur le Président : On est tous là le 14 sauf Madame LENOIR. Donc ça sera le 14 après-midi à 15 heures. Le 15 au matin, on prendra la Polynésie.

Madame LENOIR : Je suis à la Chambre des Lords.

Monsieur le Président : Tout ça c'est inopposable au Conseil constitutionnel ! A partir du 20 juin, et entre le 15 juillet et le 1er août que personne ne prenne d'obligations. Rien ! Je le dis bien. Que personne ne prenne d'engagements. Nous aurons des textes de constitutionnalité et c'est très important.

(La séance est levée à 16 h 45).


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