ORDRE DU JOUR

DE LA SEANCE DU

jeudi 28 décembre 1995

[1] Loi ordinaire

Loi de finances pour 1996

(n° 95-369 DC)

COMPTE-RENDU DE LA SEANCE DU 28 DECEMBRE 1995

La séance est ouverte à 10 heures en présence de tous les conseillers à l'exception de Monsieur RUDLOFF.

Monsieur le Président : Monsieur RUDLOFF, malade, ne sera pas aujourd’hui parmi nous et m’a prié de l’excuser.

Nous faisons l’objet d’une demande d’audition, suite à celle formulée par Madame TOUBOL-FISCHER, de Monsieur BERARD qui souhaite être accompagné de Monsieur GRAND d’ESNON. Je pense qu’il n’y a pas de problème à faire droit à cette demande, mais évidemment, il n’est pas question d’établir un débat entre les personnes auditionnées...

(Les conseillers expriment leur accord avec les propositions du Président)

Madame LENOIR : Rapporteur de la loi d’habilitation, je souhaiterais que la séance prévue pour l’examen de ce texte soit déplacée car je ne serais pas prête pour demain. De nombreux problèmes d’ordre budgétaire et fiscal soulevés dans la saisine, méritent une plus ample instruction. Je désirerais entendre d’autres représentants du Gouvernement. Je propose donc de remettre votre réunion à la semaine prochaine.

Monsieur ROBERT : Sans être rapporteur, je souhaiterais également que la séance soit reportée, pour examiner les nouvelles observations du groupe socialiste.

Monsieur AMELLER : N'y a-t-il pas un problème de délai ? Ne nous sommes nous pas engagés vis à vis du Gouvernement ?

Monsieur le Secrétaire général : J'ai lu dans la presse que le Premier ministre se préparait à présenter les ordonnances en Conseil des ministres vers le 10 janvier. Nous pouvons donc, éventuellement, nous réunir début janvier.

Monsieur CABANNES : De toute façon, le Gouvernement n'a pas demandé l'urgence.

Monsieur le Président : Nous pourrions fixer une date en fonction des contacts que Monsieur le Secrétaire général pourrait prendre avec le Secrétaire général du Gouvernement, à partir du 3 janvier.

Monsieur le Secrétaire général : Fixer notre réunion le 3 risque de poser quelques problèmes tant à cause de la cérémonie des voeux que pour permettre aux conseillers de prendre connaissance du projet de Madame LENOIR.

Monsieur FAURE : Tout cela est bien ennuyeux. Nous avions fixé un ordre du jour. Il serait souhaitable de s’y tenir.

Madame LENOIR : On pourrait alors se réunir samedi ou dimanche.

Monsieur le Président : Bon, pouvons-nous nous réunir samedi ? (Les conseillers acquiescent). Il en est ainsi décidé.

Madame LENOIR : Pour cette fois-ci d’accord, mais je souhaiterais que par principe, on dispose une autre fois, dans des circonstances identiques, de nettement plus de temps.

Monsieur le Président : Monsieur ABADIE, c'est à vous sur la loi de finances pour 1996.

Monsieur ABADIE : Selon une habitude désormais bien établie -et qui n'a connu que deux exceptions en 1988 et 1992- nous avons été saisis, le 20 décembre par le Président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale et 63 autres de ses collègues de la loi de finances de l'année, saisine qui se double, cette année, de celle de la loi de finances rectificative. Je rappelle que cette année nous sommes également saisi de la loi d'habilitation ce qui nous a contraint, Madame LENOIR et moi, à travailler dans des conditions très difficiles, à une période -celle des fêtes- où ces contraintes ont pu paraître plus pesantes encore. Je tiens à rendre un hommage tout particulier aux collaborateurs du Conseil qui ont, dans ce délai très bref, réalisé un travail remarquable.

Je précise, sur le plan de la procédure, que le 21 décembre, le Président du Groupe socialiste nous a adressé, au nom de ses collègues signataires de la saisine, des "observations complémentaires", soulevant l'inconstitutionnalité de deux nouveaux articles. Si le principe même de saisine successive ne peut, en tout état de cause, être contesté on peut s'interroger sur la portée d'un document signé du seul premier signataire de la saisine initiale. Toutefois, comme nous avons admis l'an passé que dans un mémoire en réplique, signé du premier signataire de la saisine, des moyens nouveaux soient soulevés, il n'y a pas de raison que nous refusions de recevoir ces nouveaux moyens lorsqu'ils sont présentés en complément de la saisine initiale.

Avant d'examiner la pertinence des arguments développés à l'appui de la saisine, il me semble utile de rappeler brièvement les caractéristiques générales du budget de l'Etat 1996.

- Les caractéristiques du budget pour 1996

Je commencerai par vous donner quelques chiffres ou ratios, propres à faire comprendre l’environnement économique de la loi de finances.

Les objectifs principaux consistent à :

. Tendre vers le respect des critères de Maastricht en matière

de déficits et de dette publics :

Les déficits publics s’élevaient en 1994 à 4,7 % du PIB (349 MF pour l’Etat), et à 5,2 % du PIB (321 MF pour l'Etat), -au lieu de 275 en L.F. initiale- en 1995.

Pour 1996 ils devraient représenter 4 % du PIB,

287,8 MF mais se limiter à 3 % 1997-98

La dette publique était de 48,5 % du PIB en 1994, de 51,2 % du PIB en 1995, et devrait atteindre 52,6 % du PIB en 1996, c’est-à-dire rester en-dessous des 60 % fixés par le traité.

. Maîtriser les charges de l'Etat :

A cet égard, la croissance par rapport à la loi de finances rectificative du printemps est de 1,8 % inférieure au taux actuellement prévu d’évolution du PIB :

2,8 %.

Les principaux ratios économiques sont les suivants :

. le taux de prélèvements obligatoires devait atteindre 44,7 %

du PIB ; il était de 43,4 en 1988

de 44,3 en 1995

. le déficit du régime général de la sécurité sociale serait de

63 MF en 1996, contre 56 MF en 1994 et 62 MF en 1995.

Enfin, l'inflation prévue devrait se limiter à 1,8 % en 1996, contre 2 % cette année.

Le montant total des dépenses de l’Etat s'élèvera à 1.558,2 milliards de francs auxquels il faut ajouter 44,5 milliards au titre des charges définitives des comptes spéciaux du trésor, soit un total de 1.602,7 milliards de francs.

S’agissant des recettes, le total des recettes nettes devrait atteindre 1.281 milliards de francs, auxquels il faut ajouter 44,6 milliards de francs pour les comptes spéciaux de trésor, soit un total de 1.325,6 milliards de francs. A noter que le total des budgets annexes s’établit en recettes et en dépenses à 101 milliards de francs.

Le solde s’établit donc à 277,1 milliards, et en prenant en compte -10,7 milliards au titre du solde des opérations à caractère temporaire des comptes spéciaux du trésor, le total du déficit atteint 287,8 milliards de francs.

Le montant net de la charge de la dette s’établit pour sa part à 226 milliards de francs, à rapporter aux 1.558 milliards de dépenses du budget général, soit un pourcentage de 14,23 %.

Pour mesurer l’évolution du budget, il faut déterminer une base de référence qui ne peut être cette année la loi de finances initiale pour 1995, du fait de l’intervention du collectif de printemps.

C’est en effet au regard de la loi de finances rectificative qu'il convient d'établir une comparaison.

Le montant rectifié des dépenses du budget général devrait s'élever pour 1995 à

1.531,5 milliards de francs auxquels il convient d'ajouter 60,7 milliards pour les opérations définitives des comptes d'affectation spéciale. Quant aux ressources, elles auraient dû s'établir à 1.225,8 milliards de francs (+ 60,8 milliards pour les comptes d’affectation spéciale) mais, du fait de l’atonie économique et des moindres rentrées fiscales, ce montant ne sera sans doute pas atteint.

Le déficit pour l’exercice 1995 s’établit ainsi en tout état de cause en loi de finances rectificative à 321 milliards de francs, au lieu de 275 milliards prévus en loi de finances initiale.

La loi de finances pour 1996 prévoit donc une diminution sensible du déficit budgétaire d’environ 10 %. Cette baisse devrait reposer sur la combinaison d’une progression significative des ressources nettes du budget général (+ 4,3 %) et une faible augmentation des dépenses nettes (+ 1,7 %). A noter qu'après la discussion parlementaire, le déficit, déjà limité à 289,8 milliards dans le projet de loi a été diminué à nouveau de 2 milliards, s’établissant ainsi à 287,8 milliards de francs. Cette baisse de déficit (- 0,6 point de PIB) permettra de le contenir dans les limites que nous imposent les stipulations du traité de Maastricht.

Toutefois, ces prévisions optimistes -s’agissant des ressources- se fondent sur une croissance de 2,8 %. Or, un tel pourcentage ne sera vraisemblablement pas atteint. D’ores et déjà, l’INSEE prévoit un rythme annuel de progression, calculé sur le premier semestre 1996, limité à 1,5 %. Les rentrées fiscales s’en ressentiront nécessairement, imposant une révision en loi de finances rectificative.

C’est à la lumière de ces considérations économiques que le problème juridique de l’équilibre budgétaire doit être abordé.

- Le problème juridique de l'équilibre budgétaire

L’élément le plus important de la première partie est constitué par ce qu’on appelle l’article d'équilibre. Il fixe les plafonds des grandes catégories de dépenses et arrête, sous la forme d'un tableau, les conditions de l'équilibre entre l'ensemble des dépenses et l'ensemble des recettes. Ce tableau retrace ainsi les recettes et les grandes catégories de dépenses du budget général ainsi que celles des différents budgets annexes et comptes spéciaux du Trésor. L'article d'équilibre prévoit également une autorisation générale d'emprunt et précise à l'état Aau regard du sens de la phrase, j'ai laissé "A" car je pense qu'on fait référence à un état A et pas au "à". qui lui est annexé les recettes prévisionnelles ligne à ligne.

S'agissant des ressources, le Conseil a rappelé dans sa décision n° 351-DC du 29 décembre 1994 sur la loi de finances pour 1995 qu'elles présentent un caractère prévisionnel et doivent tenir compte des effets économiques et financiers de la politique que le Gouvernement entend mener. Présentant un caractère prévisionnel, elle sont donc par nature incertaines. Le Conseil constitutionnel s'est borné à relever l'an passé, que compte tenu de la liste des entreprises privatisables, le Gouvernement pouvait proposer au Parlement l'inscription d'un montant déterminé de recettes prévisionnelles mais il n'est sans doute guère concevable que le juge constitutionnel mette en cause la pertinence de l'évolution des rentrées fiscales.

S'agissant des dépenses, le problème de leur sincérité mérite d'être soulevé. Dans notre décision de l'an passé, nous avons rejeté l'argumentation des requérants en prenant soin d'examiner le bien fondé des griefs qu'ils invoquaient. Pouvons-nous en déduire que le Conseil se réserve la possibilité de censurer des dispositions de la loi de finances relatives aux charges qui seraient manifestement insincères ? Reste à déterminer quels seraient les critères qu'il retiendrait et les méthodes de ses investigations.

Sur le plan de la procédure, le Conseil attache également une très grande importance à l'équilibre des ressources et des charges tel qu'il a été arrêté dans la première partie. En rapprochant l'article 40 de l'ordonnance qui dispose que"la seconde partie de la loi de finances de l'année ne peut être mise en discussion devant une assemblée avant le vote de la première partie" de l'article 1er aux termes duquel les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, "compte tenue d'un équilibre économique et financier qu'elles définissent”, le Conseil en a déduit que les parlementaires ne peuvent, lors de l'examen de la deuxième partie, remettre en cause les dispositions relatives à l'équilibre des ressources et des charges qui figurent dans la première partie” (n° 110 DC, 24 décembre 1979). Il a confirmé cette jurisprudence, a contrario, en considérant que des dispositions adoptées au cours de la discussion de la première partie pouvaient être modifiées au cours de la discussion de la deuxième partie, dès lors que de telles modifications ne portent pas atteinte aux grandes lignes de l'équilibre défini et arrêté lors du vote de la première partie (n° 154 DC, 29 décembre 1982).

Or, vous vous souvenez qu'à l'initiative des députés "Balladuriens", la commission des finances avait tout d'abord adopté un amendement réduisant de 4 milliards le plafond de dépenses. Finalement, à l'occasion de la discussion de l'article d'équilibre, au terme d'un compromis entre la commission et le Gouvernement, un amendement réduisant ce plafond de dépenses de 2 milliards a été adopté, à charge pour les députés, comme le soulignait Monsieur ARTHUIS, "de faire partager leurs convictions aux ministres concernés". Or, lors de l'examen de la seconde partie, l'hostilité des ministres dépensiers et celle des rapporteurs pour avis réduisait, jour après jour, le montant des économies et l'objectif des deux milliards s'est éloigné ; le 15 novembre, à la veille de la fin du débat budgétaire à l'Assemblée, les députés n'avaient voté "que" 895 millions d'économies. Il s’en suivait un risque grave d'inconstitutionnalité -souligné par le Président de l'Assemblée lui-même- puisque les dépenses auraient dépassé de plus de 1,1 milliard de francs le plafond autorisé.

Aussi bien, au terme d'une nuit de discussion, le Gouvernement a-t-il présenté, en seconde délibération de la deuxième partie, une série d'amendements visant à compléter les réductions de dépenses déjà votées, qui furent adoptées, levant ainsi l'hypothèque constitutionnelle qui pesait sur la régularité de la discussion budgétaire.

Toutefois on peut s'interroger sur la sincérité et l'effectivité des économies qui devront être réalisées et, partant, sur la sincérité de l'équilibre budgétaire, au regard des considérations juridiques que j'évoquais tout à l'heure.

En effet, il s'agit, outre de réductions forfaitaires pratiquées à hauteur de 351,8 millions de francs sur les budgets n'ayant que peu ou pas contribué à l'effort d'économie général au cours de la première délibération, d'économies spécifiques pour 753 millions de francs dont on peut se demander s'il ne s'agit pas d'économies "pro forma" qui ne seront peut-être pas réalisées au terme de l'exercice budgétaire : notamment une diminution des crédits d'affranchissement des administrations au titre de la rationalisation des moyens de l'Etat pour 277 millions de francs et une réduction des crédits de 250 millions de francs au titre des dépenses éventuelles et des dépenses accidentelles. S'agissant de cette dernière économie, elle est d'autant plus discutable que l'un des chapitres concernés -le 37.94 des charges communes : dépenses éventuelles- sert à compléter en cours d’exercice des dotations qui ont un caractère prévisionnel mais qui sont dans la pratique insuffisantes. Or, en cas d’insuffisance du chapitre réservoir lui-même le Gouvernement peut recourir à des décrets d’avance qui, à la différence de ceux prévus à l’article 11 de l’ordonnance organique -lesquels sont soumis à un avis du Conseil d’Etat et ne doivent pas affecter l’équilibre financier prévu par la dernière loi de finances- ne sont pas, eux soumis à l'avis préalable de la haute instance et surtout peuvent avoir pour effet de dégrader l'équilibre budgétaire !

Cela étant, le problème de la sincérité budgétaire n'étant pas soulevé cette année par les requérants, je ne vous proposerai naturellement pas de le soulever d'office d'autant qu'il me semble en tout état de cause difficile de fonder une quelconque inconstitutionnalité sur des "soupçons" à l'égard des économies présentées. Mais si le problème avait été soulevé, peut-être aurions-nous trouvé à exprimer une réserve.

Un dernier problème de procédure doit être évoqué. Il a trait aux modalités d'adoption de la loi de finances elle-même suite aux modifications de structure gouvernementale, un changement de gouvernement ayant été opéré, pour la première fois depuis les débuts de la Vème République, en cours de discussion budgétaire.

- Les problèmes posés par l'adaptation de la structure budgétaire à la nouvelle structure gouvernementale

Faisant preuve d'un scrupule qui l'honore, le Gouvernement JUPPE II a souhaité que la structure budgétaire correspondît à la nouvelle structure gouvernementale afin de permettre au Gouvernement, dans le respect de l'article 43 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, de publier les décrets de répartition compte tenu de cette nouvelle structure. Sans doute faut-il y voir, outre la volonté de respecter les dispositions de l'ordonnance organique, le souhait -bien légitime- des ministres de disposer d’un budget "en propre" qui fût vraiment le leur.

Aussi bien a-t-il été décidé d'amender le texte de la commission mixte paritaire afin de procéder aux modifications nécessaire. Toutefois, deux procédures étaient offertes :

- soit présenter environ quatre-vingt amendements ayant pour objet de tirer les conséquences, ministère par ministère et titre par titre des modifications intervenues, dans le strict respect de l'article 41 de l'ordonnance qui veut que les dépenses du budget général fassent l'objet d'un vote unique en ce qui concerne les services votés, d'un vote par titre et, à l'intérieur d'un même titre, par ministère, en ce qui concerne les autorisations nouvelles. Toutefois, une telle procédure présentait de réelles difficultés pratiques de mise en oeuvre : en effet, si la réalisation d’amendements prenant en compte la seule modification de l’intitulé des ministères ou de la répartition des dotations entre ministères dont l’appellation n’était pas remise en cause ne posait pas de problème, plus délicate, sur le plan formel, était celle d’amendements devant prendre en compte à la fois les changements d'intitulé des départements ministériels et de répartition des crédits ; en outre, il ne faut pas négliger l’obstacle psychologique consistant pour les -rares- parlementaires présents en séance à lever plus de quatre-vingt fois la main afin d'adopter un texte de CMP... Enfin, et surtout, le rejet d'un seul de ces amendements aurait conduit au rejet du texte de la CMP et à la nécessité de procéder à une nouvelle lecture dans chacune des deux assemblées, dans le délai, déjà très tendu, de l'adoption de la loi de finances. C'est pourquoi aucun Gouvernement n'aurait pris le risque de faire voter individuellement chaque amendement et aurait demandé, en application de l'article 44, alinéa 3 de la Constitution, qu'ils fissent l'objet d'un seul vote. Dès lors, était-il bien utile de déposer quelques quatre-vingt amendements qui n'auraient pas été soumis à un vote ? une deuxième procédure pouvait se révéler à la fois plus pratique et opérationnelle.

- soit se borner à déposer peu d'amendement -cinq- ayant pour objet de modifier les états législatifs annexés (B et C) aux articles 50 et 51 relatifs aux mesures nouvelles, de présenter un tableau clair de la répartition des crédits pour les services votés en rappelant l'article 49 et, enfin, de redonner une présentation conforme des tableaux législatifs relatifs aux crédits évaluatifs et provisionnels. C'est cette solution qui a été retenue. A noter que les amendements modifiant les états B et C, pour présenter un caractère synthétique, ont été accompagnés d'exposés des motifs extrêmement détaillés, précisant la portée des modification proposées.

Le Gouvernement, compte tenu du caractère inséparable de ces amendements et pour éviter, là encore, que le rejet d'un seul conduise aux conséquences rappelées plus haut, a demandé qu'il fût procédé à un seul vote, en application de l'article 44, alinéa 3 de la Constitution.

Le Président de séance, Madame Nicole CATALA, a donc appelé les cinq amendements en rappelant que leur vote était réservé. Mais en appelant l'amendement n° 2 relatif à l'article 50 et l'état B annexé, la Présidente a pris soin de souligner qu'"en application de l'article 41, alinéa 2, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances (elle devrait) maintenant mettre aux voix chacun des titres de chacun des ministères, tels qu'ils figurent à l'état B rédigé par cet amendement. Mais compte tenu de la demande du Gouvernement, le vote sur chacun de ces titres est réservé ainsi que le vote sur l'amendement 2 lui-même". La même remarque a été faite sur l'amendement n° 3 relatif à l'article 51 et à l'état C annexé.

Il ressort donc de l’intervention du Président de séance, que la réserve sur le vote des amendements entraînait nécessairement la réserve de vote de chaque titre de chaque ministère, justifiant ainsi la procédure choisie, l'application des dispositions constitutionnelles de l'article 44 alinéa 3, l'emportant en tout état de cause sur la stricte application des dispositions de l'article 41 de l'ordonnance organique qui exigent qu'il soit procédé à "un vote par titre, et à l'intérieur d'un même titre, par ministère, en ce qui concerne les autorisations nouvelles". La loi de finances a donc été adoptée selon une procédure régulière.

J'en viens maintenant aux articles dont la constitutionnalité est contestée.

Article 4 - Limitation du champ d'application de la réduction d'impôt accordée au titre des contrats d'assurance-vie

Cet article a pour objet de limiter le champ d'application de la réduction d'impôt sur le revenu accordée au titre des contrats d'assurances vie en application de l'article 199 septies du code général des impôts. Il supprime cette réduction pour les versements afférents aux contrats à primes périodiques et à primes uniques conclus ou prorogés à compter du 20 septembre 1995 ainsi que pour les primes payées à compter de la même date au titre de contrats à versements libres quelle que soit la date de conclusion de ces contrats mais il maintient la réduction de l'impôt pour les contrats à primes périodiques conclus ou prorogés antérieurement au 20 septembre ainsi que, dans tous les cas, pour les contrats concernant les handicapés et les contribuables dont la cotisation d’impôt sur le revenu définie à l'article 1417 du code général des impôt n'excède pas 7.000 francs.

Les auteurs de la requête font grief à ces dispositions d'une part d'être entachées de rétroactivité et de contrevenir ainsi au principe de sécurité juridique, d'autre part de méconnaître le principe d'égalité devant l'impôt en ce qu'elles traitent différemment les contrats à primes uniques ou périodiques et ceux à versements libres.

- Le problème de la rétroactivité ne se pose pas car le principe de non rétroactivité ne s'applique qu'au législateur en matière pénale où il ne peut édicter une loi plus sévère. En matière fiscale, sauf s'il s'agit de sanctions, il ne peut être utilement invoqué. "Par exception aux dispositions de valeur législative de l'article 2 du code civil, le législateur peut pour des raisons d'intérêt général, modifier rétroactivement les règles que l'administration fiscale et le juge ont pour mission d'appliquer" (n° 89-268 DC du 23 décembre 1989).

- Il en va de même de la sécurité juridique, qui est un principe d'origine communautaire mais qui ne s'impose pas au législateur car il ne repose sur aucune règle ni principe constitutionnel (3 août 1994, n° 94-347 DC, p. 113). En l’espèce, les deux sont liés, puisque les requérants estiment que c’est la rétroactivité qui contrevient au principe de sécurité juridique.

- Plus sérieuse est la question de la discrimination entre contrats à versements périodiques et ceux à versements libres.

Le principe d'égalité selon le Conseil "interdit qu'à des situations semblables soient appliquées des règles différentes". Cependant, il "ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi" (n° 94-348 DC du 3 août 1994).

Le rapporteur général du budget au Sénat lui-même a considéré que la différence entre les deux types de contrat paraissait fragile, tous ces contrats étant soumis au principe posé par l'article L. 132-20 du code des assurances qui précise qu'en assurance-vie : "L'organisme d'assurance n'a pas d'action pour exiger le paiement des primes" et que celle-ci "entraîne soit la résiliation du contrat en cas d'inexistence ou d'insuffisance de la valeur de rachat, soit la réduction du contrat".

Considérant la discrimination non justifiée, le Sénat s'était proposé de rétablir l'égalité entre les deux types de contrat.

Le Gouvernement a fait valoir en séance que "le maintien de la réduction d'impôt pour les versements postérieurs au 20 septembre pour les contrats à versements périodiques se justifie car ces contrats ont stipulé des engagements qui ne peuvent être remis en cause. Aussi bien, revenir sur "la réduction d'impôt pour les contrats conclus avant le 20 septembre romprait donc un équilibre économique" alors que ce n'est pas le cas pour les contrats à versements libres. En effet, s'agissant de ces derniers, le souscripteur est libre et non tenu d'effectuer ou non de nouveaux versements. Ainsi, la différence de situation n'est-elle pas sans relation avec l'objet de la loi. Convaincues, les deux assemblées se sont donc ralliées toutes deux à la thèse du Gouvernement.

Celle-ci paraît en effet solide.

La distinction qui est opérée par la loi entre les contrats à primes périodiques et les autres contrats (à prime unique, versements libres ou programmés) provient de différences de situations face à l'impôt, tant juridiques qu'économiques.

1.- Sur le plan juridique, il résulte des dispositions de l'article L. 132-23 du code des assurances que le droit au rachat n'est acquis que lorsque au moins deux primes annuelles ont été payées. Le refus ne peut être opposé par l’assureur qu’à l'encontre du souscripteur d'un contrat à primes périodiques.

Dès lors, et contrairement aux observations du rapporteur général au Sénat, il existe bien une différence juridique entre les contrats à primes périodiques et les autres contrats, notamment ceux à versements libres.

2.- Par ailleurs, sur les plans économique et financier, les spécificités des contrats à primes périodiques font que les conséquences de l'arrêt du versement des primes ne sont pas les mêmes pour le souscripteur d'un contrat à primes périodiques et pour le souscripteur d'un autre type de contrat d'assurance vie.

Pour les souscripteurs de contrats à primes périodiques, la suppression pour l'avenir d'un des éléments déterminants de leur choix d'effectuer des versements (la réduction d'impôt) se traduirait, en cas d'arrêt des versements, par une pénalisation importante du rendement de l'épargne antérieurement accumulée. En effet, dans le cas des contrats à primes périodiques, le prélèvement de la totalité des frais de commercialisation du contrat s'effectue sur la ou les première(s) prime(s) prévue(s) au contrat. L'arrêt du versement des primes entraîne donc une forte pénalisation de l'assuré : la part des premières primes effectivement constitutive d'épargne est limitée du fait du mécanisme de prélèvement des frais. Le rendement des sommes déjà placées par l'assuré est d'autant plus pénalisé que l'arrêt est précoce.

En revanche, pour les autres contrats, la suppression de la réduction d'impôt à compter du 20 septembre 1995 n'a aucune incidence sur le rendement des versements qu'ils ont effectué.

Cette différence de situation justifie que les deux types de contrats soient traités de manière différente et le grief soulevé par les auteurs de la saisine ne saurait qu'être écouté.

Monsieur le Président : Vous avez souligné la différence entre les deux types de contrats, mais quid des différences en ce qui concerne le rachat ?

Monsieur ABADIE : Les procédures de rachat sont également différentes. Elles intègrent des pénalités dans un cas -les périodiques- alors que ce n'est pas le cas dans l'autre.

Madame LENOIR : S'agissant de la distinction entre les versements périodiques par rapport aux contrats à versements libres, je n'ai pas bien compris la portée de la suppression de la réduction d'impôt.

Monsieur ABADIE : L'avantage fiscal est attaché aux versements. L'absence de réduction d'impôt s'appliquera aux versements à venir, mais ne remettra pas en cause les versements antérieurs et les avantages fiscaux qui leur ont été attachés.

Monsieur le Président : Nous pouvons peut-être passer à la lecture de la décision sur l'article.

Monsieur le Secrétaire général : Avant que Monsieur ABADIE ne commence, je tiens à souligner que dans les visas, nous mentionnons également les observations en réplique. Même si nous ne les publions pas, il semble justifié d'y faire référence.

(Monsieur ABADIE lit le projet de décision sur l’article 4)

Madame LENOIR : Je souhaiterais que nous visions expressément le principe de sincérité. J'indique que nous l'avons déjà mentionné dans une décision.

Monsieur ROBERT : Ce n'est peut-être pas opportun, ce principe n'est pas d'ordre ou de rang constitutionnel.

Monsieur le Président : Il faut distinguer la sincérité juridique de la rétroactivité.

Madame LENOIR : La rétroactivité systématique en matière fiscale ne me paraît pas devoir être encouragée et viser le principe de la sincérité juridique peut être un moyen d'y faire obstacle.

Monsieur le Président : S'en tenir au texte présenté me paraît préférable.

Monsieur ABADIE : L'atteinte à la sincérité juridique est pour les saisissants eux- mêmes une conséquence de la non rétroactivité. Il n'est donc pas nécessaire de viser le principe de la sincérité juridique.

Madame LENOIR : La sincérité juridique est respectée dès lors que le Gouvernement a annoncé son intention mais il est bon, en visant le principe, de montrer qu'il y a en la matière certaines limites qu'il ne faut pas dépasser.

Monsieur ABADIE : Je ne suis pas d'accord de l'affirmer à l'occasion d'un texte dans lequel la rétroactivité n'est même pas entière. On ne reprend à personne ce qu'on lui a donné. La réduction d'impôt est acquise pour les versements antérieurs. La rétroactivité ne vise que la période allant du 20 septembre au 1er janvier, alors même que le projet de loi était connu. La réduction d'impôt, en tout état de cause, interviendra en 1996.

Monsieur le Président : Je consulte le Conseil.

(Le projet de décision sur l'article 4 est adopté dans la rédaction proposée par le rapporteur)

Monsieur ABADIE : Article 9 - Réforme de la transmission d'entreprise

Cet article institue au regard des droits de mutation, un abattement spécifique de 50 % sur la valeur des biens professionnels, lors de leur transmission entre vifs -et depuis un amendement parlementaire aux successions intervenant dans certaines conditions- afin d'assurer la pérennité des entreprises à contrôle familial en améliorant les conditions de leur transmission. Celle-ci, selon le Gouvernement, a été rendue plus difficile depuis l'alourdissement des droits de mutation en 1984 et il a paru plus pertinent de favoriser les transmissions de biens professionnels plutôt que de procéder à une baisse indifférenciée des taux, qui pourrait être mal comprise et, de surcroît, peu aisée au regard de la situation des finances publiques.

Le dispositif proposé avait initialement pour but d'accorder un avantage fiscal substantiel au chef d'entreprise qui accepte de se dessaisir de façon anticipée du contrôle de son entreprise, mais il a été élargi aux successions d'intervenant dans certaines conditions.

Quelques précisions sur les caractéristiques de la mesure :

- la nature des biens transmis : il s'agit de ceux qui ont le caractère de biens professionnels au regard de l'ISF et n'y sont donc pas assujettis : biens nécessaires à l'exercice à titre principal, d'une profession industrielle, commerciale, artisanale ou agricole ; parts ou actions de sociétés soumises à l'I.R. lorsque la personne exerce dans cette société son activité professionnelle principale ; parts ou actions de sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés lorsque leur propriétaire répond à certaines conditions.

- les biens en questions doivent en outre être détenus depuis au mois cinq ans par leur propriétaire, afin d'éviter la "mise en entreprise" comme il a existé une "mise en Pinay".

- les formes de la mutation :

Le dispositif s'appliquera aux donations consenties avant l'âge de 65 ans, pour inciter les chefs d'entreprise à "passer la main" à un âge correspondant à celui d'un départ à la retraite. A titre dérogatoire, la condition d'âge ne sera pas opposable aux donations d'entreprises consenties jusqu'au 31 décembre 1997.

Les donations devront être opérées par acte notarié. Cette disposition, supprimée à l'Assemblée nationale a été rétablie au Sénat.

Depuis un amendement de l’Assemblée, modifié au Sénat, le dispositif s’appliquera également aux biens transmis par décès, lorsque celui-ci est accidentel et a lieu avant que le de cujus soit âgé de soixante-cinq ans.

- Le contenu de la donation :

Elle doit porter sur le contrôle de l’entreprise, défini dans le projet comme une participation majoritaire en pleine propriété. Le Sénat a assoupli le dispositif en faisant référence, pour les entreprises constituées en sociétés, aux droits de vote dont dispose l'actionnaire en assemblée générale (notion retenue à l’article 355-1 de la loi du 24 juillet 1966 pour définir dans quelles conditions une société peut être considérée comme contrôlée par un de ses actionnaires). La donation devra donc porter sur "plus 50 % de l’ensemble des biens affectés à l’exploitation de l’entreprise individuelle ou "la majorité des droits de vote attachés aux parts ou actions émises par la société", qui seront détenus directement ou par l’intermédiaire d’une société holding ayant pour objet de porter une participation.

- La nature de l’avantage consenti :

Lorsque la transmission répond aux conditions qui viennent d’être définies, les droits de mutation sont calculés sur une base correspondant à 50 % de la valeur réelle des biens professionnels concernés (cet avantage est cumulable avec ceux liés à la donation partage) ;

Le montant de l’abattement est limité à 100 millions de francs pour chacun des donataires -ou héritiers- et la règle du non-rappel fiscal des donations de plus de dix ans ne peut être invoquée. Dans le cas où la donation porte sur des droits attachés à des parts ou actions, ce montant s’applique à la valeur des titres en pleine propriété même si la seule nue propriété est transmise.

Pour apprécier l’importance de l’avantage fiscal accordé, je vous invite à vous reporter au tableau qui vous a été distribué et de surcroît d’avantager sur ce plan les actionnaires majoritaires par rapport aux actionnaires minoritaires. Au surplus, l'application de l’exonération à l’hypothèse du morcellement de l’entreprise, du fait d’une pluralité possible de donataires ruinerait la logique de la justification officielle du dispositif.

Dès lors que l’exonération profite à des donataires qui ne sont pas dans la situation du chef d’entreprise décrite pour exposer l’objet de la mesure -et que la loi déférée n’oblige d’ailleurs pas à exercer réellement la conduite de l’entreprise-, elle ne saurait être appréciée au regard de la "logique entrepreneuriale" mais en termes généraux de transmission d’éléments de patrimoine, et dans ce cas la propriété d’actions ou de parts sociales ne saurait être fiscalement avantagée sans violation du principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt.

Monsieur ROBERT : Je ne comprends pas en quoi les majoritaires sont avantagés par rapport aux minoritaires.

Monsieur ABADIE : C’est très simple. Le dispositif fiscal prévu ne pourra s'appliquer qu'aux actionnaires majoritaires tandis que les actionnaires minoritaires -parmi lesquels peut d'ailleurs figurer le dirigeant réel de l'entreprise- ne pourront pas en bénéficier.

- En second lieu, l'extension du bénéfice de l'exonération aux transmissions d'entreprises résultant d'un décès accidentel dans le seul cas où le de cujus est âgé de moins de soixante-cinq ans serait également contraire au principe d'égalité dans la mesure où cette restriction tenant à l'âge, qu'aucun intérêt général ne justifie, ne constitue nullement une différence de situations justificative au regard de l'objet de la loi.

Monsieur ROBERT : Quel est le décès qui n'est pas accidentel ?

Monsieur ABADIE : En effet, il aurait fallu préciser : "au sens des articles tout à tout du code des assurances" ou donner telle ou telle autre précision de nature à "encadrer" la notion en cause.

Enfin, le fait de réserver le bénéfice de l'exonération aux dotations passées devant notaire et d'exclure les donations sous seing privé ayant fait l'objet de formalités d'enregistrement ne reposerait sur aucune différence de situations susceptible, au regard de l’objet de la disposition déférée, de justifier la discrimination ainsi opérée.

Je vous propose de répondre au fond, sur le problème des donations, qui commande les deux autres questions. Nous n'aborderons ces dernières que si nous admettons la constitutionnalité du fond même de l'article 9.

Article 9

Cas d’un donateur de 64 ans, 2 enfants qui détient des biens professionnels de 400 millions de francs.

situation actuelle situation nouvelle

+-------------------+--------------------+-------------------+--------------------+ | Décès ou | Donation - partage | Donation art.9 ou | Donation art. 9 | | donation simple | | Décès accidentel | | | | 116 MF | | avec | | 155 MF = 38,7 % | | 77 MF | Donation - partage | | pression fiscale. | 29,3 % de p.f. | | | | | | 19,3 % de p.f. | 58 MF | | | | | | | | | | 14,6 % de p.f. | +-------------------+--------------------+-------------------+--------------------+Il s'agissait d'un tableau de ce fait je ne savais pas s'il fallait que je le supprime.

A noter que le même pourcentage d’économies de droits de mutation est réalisé avec 1 donataire pour 200 millions de biens ou 5 donataires pour 1.000 millions de biens.

Le pourcentage diminue progressivement si les biens ont une valeur supérieure.

Dernier élément, les donateurs peuvent se grouper afin de représenter ensemble les 50 % qui leur permettront de bénéficier du dispositif. Dans la pratique, ce sont les donateurs -ou plus exactement le patrimoine- qui supportent les droits.

- Les obligations des donataires :

Ils doivent s'engager à détenir les biens durant une période de cinq ans mais il n’est pas exigé d’eux, ou de l'un d’entre eux, qu’ils exercent une fonctions dirigeante dans l'entreprise. La rupture de l'engagement de conservation entraîne l'application d'une pénalité proportionnelle : la moitié de la réduction d'impôt précédemment consentie viendra s'ajouter au rappel des droits.

Les requérants soulèvent plusieurs problèmes de constitutionnalité en invoquant le principe d'égalité :

- La combinaison de la fixation d'un plafond d'exonération élevé (100 millions de francs par donataire...) et (surtout) de l'application de l'exonération en cas de pluralité de donateurs n'aurait pas pour but de faciliter la transmission de son "outil professionnel" par un chef de petite ou moyenne entreprise souhaitant prendre sa retraite, mais bel et bien de privilégier fiscalement la transmission d'éléments capitalistiques de patrimoines par rapport à tous autres types de biens...

C’est ici l’occasion de rappeler les règles -très strictes- qui commandent, selon le Conseil constitutionnel, l’application du principe d’égalité en matière fiscale. Outre les règles générales d’application que j'ai rappelées tout à l’heure à l'occasion de l’examen de l’article 4¹, le principe d'égalité résulte plus précisément encore en matière fiscale de l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui dispose que "Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre les citoyen, en raison de leurs facultés". Ce sont ces derniers mots qui fondent la spécificité en cette matière de l'égalité, laquelle doit prendre en compte la "capacité contributive", ce qui, selon Loïc PHILIP "implique l'idée d'une certaine justice dans le prélèvement fiscal".

Le Conseil constitutionnel donne ainsi, du principe d'égalité devant l'impôt une interprétation faisant droit à l'exigence spécifique du droit fiscal qu'exprime la référence aux facultés, ou capacités, contributives des citoyens.

Ainsi, le Conseil a-t-il jugé que "le principe d'égalité ne fait obstacle à ce que le législateur édicte par l'octroi d'avantages fiscaux, les mesures d'incitation à la création et au développement d'un secteur d'activité concourant à l'intérêt général" (n° 84-184 DC du 29 décembre 1984, rec. p. 94). De même le Conseil a-t-il admis au titre des différences de situations, des différences au regard de la taxe professionnelle (n° 79-112 DC du 9 janvier 1980, rec. p. 32), des différences de taux (n° 82-140 DC du 28 juin 1982 rec. p. 45) ou des différences de seuil d'exonération (n° 82-152 DC du 14 janvier 1983, rec. p. 31).

Toutefois, si le Conseil admet qu'il soit porté atteinte au principe d'égalité, encore faut-il qu'il n'y ait pas de "rupture caractérisée de l'égalité" entre les contribuables. Ainsi, par exemple, le principe d'égalité n'interdit pas de mettre à la charge d'une ou plusieurs catégories socio-professionnelles une aide au profit d'autres catégories mais il s'oppose à ce que le taux de la contribution soit tel qu'il réalise une rupture caractérisée de l'égalité (n° 89-268 DC du 29 décembre 1989 ou n° 90-285 DC du 28 décembre 1990).

Tout est donc affaire d'appréciation. Le Conseil reconnaît en ce domaine au législateur un large pouvoir, conformément à sa jurisprudence traditionnelle (n° 75-54 DC du 15 janvier 1975, p. 19). C'est au législateur qu'il appartient de définir l'objet de la loi : ainsi le Conseil a-t-il considéré que l'assiette de l'IGF était adaptée à l'objectif recherché par le législateur, qui était de frapper la capacité contributive que confère un ensemble de biens : "il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels, et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives des redevables" (n° 81-133 DC du 30 décembre 1981, rec. p. 41).

Le contrôle exercé par le Conseil ne peut, en fait, s'analyser comme un contrôle de cohérence de la démarche du législateur, (selon la formule de Thierry RENOUX). Ainsi, pour justifier les règles d'établissement de l'assiette de l'IGF, le Conseil a considéré que le législateur "a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en cette matière ; que dès lors cet impôt est établi d'une façon régulière au regard des règles et principes de valeur constitutionnelle et notamment de la prise en compte nécessaire les facultés contributives des citoyens (n° 83-164 DC du 29 décembre 1983 en ce qui concerne l'exclusion des biens professionnels de l'assiette d'I.G.F.)". Et le Conseil va jusqu'à se réserver la possibilité de censurer une erreur manifeste d'appréciation. Dans la même décision, il a estimé que la fixation au quart du capital social du seuil à partir duquel les parts ou actions sont considérés comme biens professionnels ne procède pas d'une appréciation manifestement erronée.

Enfin, en ce qui concerne le motif d'intérêt général, justifiant une atteinte au principe d'égalité, le Conseil exige qu'il soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. Ainsi en soulignant que "le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que, pour des motifs d'intérêt général, le législateur édicte, par l'octroi d'avantages fiscaux, des mesures d'incitations au développement d'activités économiques et financières en appliquant des critères objectifs en fonction des buts recherchés", le Conseil a-t-il jugé que l'institution d'un plafonnement à 4.000 F sur le droit de timbre sur les opérations de bourse "tend à susciter le développement du marché boursier national, notamment par la réalisation d'opérations importantes intervenant jusqu'à présent à l'étranger en raison d'un régime d'imposition plus favorable ; que les agents procédant à des opérations d'un même montant sont soumis au même taux d'imposition ; que dès lors l'article (instituant ce plafonnement) n'est pas contraire à la Constitution" (n° 93-320 DC du 21 juin 1993, rec. p. 150).

Au regard de cette jurisprudence, il convient de s'interroger sur la constitutionnalité du dispositif proposé.

- Certaine, selon le Gouvernement et la majorité qui y voient un moyen d'assurer la pérennité des entreprises et partant, la sauvegarde d'emplois, la mesure présentant un incontestable caractère d'intérêt général ; mais il est en tout état de cause difficile statistiquement de faire apparaître une corrélation entre le niveau des frais de mutation et la disparition d’entreprises.

- Contestable pour les saisissants et même le rapporteur général à l’Assemblée, Monsieur AUBERGER, qui y voient avant tout un encouragement à la transmission héréditaire de biens professionnels et une mesure en faveur de la pérennité du patrimoine plutôt que de l'entreprise, à telle enseigne que les donataires ou héritiers ne devront pas forcément exercer une fonction dirigeante dans l’entreprise transmise.

C’est la raison pour laquelle Monsieur AUBERGER avait fait une proposition concurrente, tendant à renforcer le caractère de transmission de l’entreprise en exigeant notamment que les donataires disposent et conservent 25 % de la valeur de l’entreprise.

Pour mener efficacement l’enquête sur la constitutionnalité de l’article 9, il faut mener un raisonnement en plusieurs étapes.

1. Voyons d’abord l’objet de la loi, puis examinons si les critères sont objectifs et établis en fonction des buts recherchés et motivés par l’intérêt général.

L’objet : Le plus simple me paraît être de donner lecture d’extraits des travaux préparatoires.

. Exposé des motifs du Gouvernement : "afin de favoriser la transmission anticipée des entreprises" (le titre est : Régime fiscal de transmission d’entreprise)

- Mémoire en réplique du Gouvernement : "Le motif est le souci d’assurer la pérennité des entreprises à contrôle familial en améliorant les conditions de leur transmission, car la fiscalité peut aboutir à une telle amputation des actifs que la poursuite de l’exploitation est compromise.

"Le motif est ainsi de privilégier les transmissions anticipées pour mieux prévenir les difficultés de transmissions". C’est pourquoi nous ne l’avons pas étendu à l’ensemble des successions".

- M. ARTHUIS : dispositif centré sur l'entreprise ; la transmission, dans notre esprit, devrait porter sur le pouvoir de direction.

- Appréciation de M. AUBERGER rapporteur général à l'A.N. :

- "La passation de pouvoir est souvent mal vécue par les chefs d’entreprise notamment dans les PME. Le coût fiscal est parfois de matière à menacer l’existence même de l'entreprise.

- "Le débat sur la transmission des entreprises se cristallise autour de celles de 10 à 500 salariés, dont un tiers sont concernés par des transmissions à titre gratuit.

- "Votre Commission reconnaît que la situation proposée est sans doute la seule qui permet d’atteindre le but poursuivi. Toutefois elle estime que dans son architecture actuelle le dispositif demeure trop rigide et devrait avoir en réalité une efficacité immédiate extrêmement réduite.

- "Il est objectivement difficile de privilégier la responsabilité du coût fiscal dans les facteurs de fragilisation d'une entreprise à la suite d'une transmission à titre gratuit. On peut donc être tenté de relativiser le problème de fiscalité des transmissions gratuites d'entreprises notamment pour les plus grandes d'entre elles du fait de la liquidité du capital et pour les plus petites du fait des dispositifs déjà existants. En revanche le problème mérite d'être abordé pour les PME non cotées.

- "On peut admettre que le contrôle familial d'une PME déjà importante puisse être difficile à préserver si l'entreprise représente l'essentiel du patrimoine du dirigeant, et si les héritiers sont assez nombreux."

En résumé, malgré ce flou relatif, l'objet est de favoriser la transmission anticipée des entreprises, essentiellement des petites et moyennes, notamment celles à contrôle familial. Mais s'agit-il des entreprises ou des biens professionnels ; S'agit-il de la même notion ?

2. Les critères sont-ils objectifs et rationnels et déterminés en fonction des buts que le législateur se propose ?

a) Parlons d'abord des donataires : ils vont recevoir des biens professionnels avec 50 % d'exonération fiscale.

Les critères qui créent une différence de situation importante entre eux, d'une part, et les héritiers ou les autres donataires d'autres biens d'autre part sont-ils objectifs en fonction des buts ?

En se bornant à exiger une durée de détention des biens de cinq ans et en n'imposant aucune condition d'activité dirigeante à l'intérieur de l'entreprise, en élargissant le bénéfice du dispositif aux successions dans certaines conditions, la loi peut en faire douter. Monsieur AUBERGER l'avait bien ressenti car il avait déposé au nom de la Commission des finances un amendement exigeant que les donataires conservent au moins 25 % des biens professionnels transmis, pour leur assurer une certaine activité dirigeante et établir ainsi une véritable transmission d'entreprise. On peut donc estimer que le lien établi avec l'objet de la loi n'est pas "suffisant".

b) Parlons maintenant des donateurs :

Là aussi il y a une importante différence de situation entre les actionnaires majoritaires d'une société et les actionnaires minoritaires. Les uns, qu'ils agissent seuls, ou groupés, de façon à détenir plus de 50 % vont bénéficier de l'avantage fiscal, les autres non.

C'est une différence supérieure à celle de l'ISF, car en ce qui concerne l'ISF ne sont pénalisés que ceux qui possèdent moins de 25 %.

Par ailleurs, au regard du but, qui est la transmission de la direction de l'entreprise, on peut se trouver dans la situation où se forme, pour bénéficier de la loi, une coalition d'actionnaires qui n'est pas la coalition qui dirige l'entreprise. S'agit-il alors de transmettre la direction d'une entreprise ?

c) Parlons de la taille des entreprises :

Le plafond de cent millions par donataire aboutit à donner son plein effet à l'avantage fiscal quand 400 MF de biens représentant 50 % de la valeur d'une entreprise de 800 MF sont transmis à deux donataires, mais aussi lorsque un milliard de francs de biens, représentant 50 % de la valeur d'une entreprise de deux milliards de francs sont transmis à cinq donataires.

Cette taille d'entreprises est-elle en rapport approprié avec le but et l'objet de la loi ?

d) Est-on en outre assuré que la transmission du pouvoir dans l'entreprise va s'opérer comme le souhaite le législateur ? J'en doute fort. Imaginons une entreprise dans laquelle un actionnaire, qui la dirige, dispose de 60 % du capital tandis qu'un actionnaire minoritaire en détient 40 %. L'actionnaire transmet ses 52 % à plusieurs donataires qui reçoivent, selon les cas entre 10 et 20 % du capital. Qui va alors diriger l'entreprise ? L'actionnaire minoritaire, avec ses 40 % !

C'est alors l'avantage fiscal qui est recherché, et non la transmission de l'entreprise.

e) On pourrait enfin examiner le lien de proportionnalité entre l'importance de l'inégalité créée par la loi et les résultats à en attendre, au regard du but... mais je n’ai pas besoin d'aller jusqu'à cette démarche que le Conseil n’a jamais qu'effleuré, pour dire que nous nous trouvons à mi chemin entre le contrôle de l'erreur manifeste et celui de proportionnalité. Pour le moins, le rapport entre le dispositif et l'objet de la loi n'est pas approprié. Je vous propose donc de censurer l'article 9.

Monsieur le Président : Je vous félicite pour votre raisonnement extrêmement fouillé et approfondi sur ce sujet très délicat et pour votre conclusion qui ne l'est pas moins.

Monsieur ROBERT : Je suis très admiratif de l'exposé très clair de Monsieur ABADIE. Vous rappelez les principes qui s'appliquent au législateur en matière d'égalité. Le problème est celui de l'adéquation du dispositif au but de la loi. Mais quel est le but de la loi ? Si le but est de transmettre seulement les biens professionnels et non le pouvoir dans l'entreprise, la censure ne se justifie pas.

Monsieur ABADIE : Si le but est seulement d'examiner des transmissions, sans autre condition, si c'est seulement de conférer un avantage fiscal, le principe d'égalité n'est pas respecté. Le but exclusivement fiscal ne constitue pas en lui-même un but d'intérêt général.

Monsieur FAURE : Je suis de l'avis du rapporteur. Dans la mesure où le donateur peut transférer l'entreprise, sans exiger une quelconque activité des donataires dans l'entreprise, je ne vois pas ce qui justifie l'avantage fiscal consenti par rapport au droit commun.

Monsieur ABADIE : Si l'amendement de Monsieur AUBERGER avait été adopté, le fond même du dispositif aurait changé. Il posait d'autres problèmes, notamment en matière de droit civil mais, il aurait été en rapport avec l'objet même que se fixait le Gouvernement.

Madame LENOIR : Je suis d'accord avec le rapporteur et le ministre d'Etat. Il faut que les critères de discrimination soient en rapport avec l'objet de la loi, qui est de nature économique et qui ne peut être de nature exclusivement fiscale. Le but économique, c'est la pérennité de l'entreprise, c'est la sauvegarde de l'emploi. Or, ici, comme l'a montré parfaitement le rapporteur, la loi peut conduire à la constitution d'un groupement d'actionnaires aux seules fins de disposer de l'avantage fiscal. Il n'y a pas ici de verrou suffisant. En l'état actuel, le dispositif ne peut être accueilli. S'agissant du décès accidentel, on peut même parler d'incompétence négative du législateur qui n'a même pas défini ses conditions et caractéristiques.

Au regard des efforts fiscaux que le Gouvernement va demander à l'ensemble des contribuables, la censure du dispositif se justifie encore davantage.

Monsieur AMELLER : Je tiens à remercier le rapporteur pour la clarté de son exposé. Mais je ne suis pas entièrement d’accord avec lui. Comme l’a dit le professeur ROBERT, il ne faut pas confondre la transmission de l'entreprise avec celle de biens professionnels.

Je regretterai que cette disposition -la seule intéressante dans la loi de finances- soit annulée, alors qu'elle peut permettre d'assurer la pérennité de certaines entreprises, petites ou moyennes. Cela étant, je comprends bien les problèmes, mais je ne peux fonder une censure sur l'expression d'un lien insuffisamment direct avec l'objet de la loi.

Monsieur ABADIE : C'est là où se situe le noeud du problème, au moins sur le plan de la rédaction. Il faut partir de ce qu'on a toujours décidé. Nous retenons les termes "en rapport" dans nos décisions sur l'égalité en matière générale et "en fonction" dans nos décisions en matière fiscale. Les termes "en fonction" prennent bien en compte, au delà du rapport, l'adéquation entre les critères et le but poursuivi. On peut au cours de la discussion trouver des termes plus adéquats, mais la recherche d'une "fonction" impose un lien de cause à effet.

Monsieur CABANNES : Je suis sur un plan subjectif d'accord avec le rapport de Monsieur ABADIE. Mais la motivation de la décision est insuffisante. Elle ne démontre rien.

Monsieur ROBERT : L'objectif que s'est fixé le législateur, quel est-il ? Je reviens sur ce que je disais tout à l'heure. II y a une incertitude sur le but poursuivi.

Monsieur ABADIE : Si le but n'est pas le maintien du pouvoir de l'entreprise, qui est le seul but d'intérêt général possible, quel est-il ? Certainement pas celui de l'intérêt fiscal.

Madame LENOIR : II faut être explicite sur les motifs de la décision. Mais je relève qu'il n'y a rien dans le dispositif qui affirme le but de la loi. On risque alors que la loi favorise des transmissions qui n'assurent pas la transmission d'entreprise. Le délai de 5 ans est de ce point de vue insuffisant comme condition et beaucoup trop bref.

La motivation de la décision, qui pourrait être améliorée, a pour mérite de ne pas refuser directement et définitivement le dispositif, mais d'inciter le législateur à revoir sa copie.

Monsieur le Président : Je voudrais faire connaître mon sentiment. Nous avons un principe dont le respect nous est imposé. C'est celui d'égalité. Nous avons créé des exceptions mais ce ne sont que des exceptions, le principe prévaut.

Quelle est l’origine de cette loi ? Elle n’est pas nouvelle. Il y a bien longtemps que la transmission des entreprises pose des problèmes, différents selon la taille des entreprises, et souvent plus délicats dans les petites, dont la situation est plus précaire. Leur équilibre repose principalement sur une personne, qui ne trouve pas forcément celle ou celui qui pourrait lui succéder. Il fallait sans doute un texte pour faciliter la transmission de l'entreprise. Si le but du texte est celui-là, il fallait le dire.

Dans les conditions actuelles, les règles de dévolutions civiles et fiscales sont assez sévères et justifient des aménagements. Il faut allier en ce cas l'avantage fiscal et la pérennité de l'entreprise. Si ce lien n'existe pas, il ne reste que l'avantage fiscal sans être sûr que le but poursuivi soit d'intérêt général.

Les conclusions du rapporteur sont dans la logique de l'énoncé du problème que je viens de faire.

La censure que propose le rapporteur permet de dire au Gouvernement que le texte est insuffisant, et qu'il faut l'améliorer, dans le sens proposé, par exemple, par Monsieur AUBERGER.

Dans le cas présent, nous n'avons aucune certitude sur la pertinence du dispositif proposé au regard des exigences du maintien de l'emploi et de l'activité.

Monsieur DAILLY : Je commence à me forger une opinion. Je veux bien suivre le rapporteur, à condition que nous expliquions bien ce que l'on veut faire et que nous fassions "passer le message" au Gouvernement et au législateur pour qu'ils puissent nous présenter un texte qui soit conforme à la Constitution. Car ce qu'il faut éviter, c'est de laisser croire que nous sommes hostiles au principe même de faciliter la transmission des entreprises.

Monsieur AMELLER : Mais il faut éviter de s'engager dans la voie qui consiste à remplacer le législateur. C'est là un grave danger.

Monsieur DAILLY : Telle n'est certainement pas mon intention.

Monsieur ABADIE : Je vous propose de lire la décision, c'est la plume à la main et en lisant que nous pourrons améliorer la rédaction.

Monsieur CABANNES : La motivation est en l'état insuffisante. Il faut définir l'objectif du législateur. Nous éviterons ainsi le risque de substitution au législateur, évoqué par Monsieur AMELLER.

Monsieur le Président : Peut-être pourrions-nous nous interrompre mais après avoir décidé sur le principe. Quels sont ceux qui sont pour la censure mais, à condition que le texte soit amélioré ?

Le principe de la censure est accepté par 7 voix pour contre 1 abstention, celle de Monsieur AMELLER.

(La séance est suspendue à 13 heures)

La séance est reprise à 14 h 30.

Monsieur ABADIE : Sur l’article 9, je vous propose une modification d'un considérant afin d'introduire l'objet précis de la loi tel que le conçoit le législateur. Je rappellerai l'objectif du législateur au considérant de la page 8 pour le mettre en relation avec les différences de situation prévues par la loi.

Monsieur ROBERT : Mieux vaut donc ne pas mentionner cet objectif dès le premier considérant.

Monsieur ABADIE : Je vous propose de lire l'ensemble de la décision sur l'article 9 afin que vous voyiez la cohérence de la rédaction que je vous propose.

Monsieur ROBERT : Je persiste. Dans ce premier considérant, vous exposez les motivations du législateur et non pas seulement ce qu'il y a dans l'article.

Monsieur ABADIE : Bon, alors découpons les deux et faisons de l'intention du législateur un considérant à part.

(Il lit les considérants proposés)

Monsieur ROBERT : A partir de l'exposé des motifs, vous extrapolez l'intention du législateur. Je suis très réservé sur une telle formulation.

Madame LENOIR : On pourrait se borner à dire que les objectifs est de faciliter la transmission des entreprises.

Monsieur le Président : C'est exact, et introduire la notion d'intérêt général.

Monsieur ROBERT : Je préférerai qu'on permute le contenu des deux considérants.

Monsieur le Secrétaire général : Je pense qu'une solution intermédiaire serait plus sûre. Un considérant général, définissant l'objet de l'article, un considérant sur les conditions, un considérant sur les intentions du législateur et un considérant sur la mise en balance des deux. Le lecteur pourra en déduire que le principe de la mesure n’est pas contesté mais que c’est la manière dont il est traité par le législateur qui est source d’inconstitutionnalité.

Monsieur ROBERT : Il faut se limiter dans le premier considérant à ce qui est dans le texte de l’exposé des motifs.

Monsieur ABADIE : Je me range à vos arguments, d’autant que le texte vise expressément les petites et moyennes entreprises. On est bien plus fort en s'appuyant sur l'exposé des motifs. Il ne faut pas qu'on soit accusé de trahir la pensée du législateur. Il y a deux éléments fondamentaux dans cet exposé des motifs : la transmission anticipée des entreprises et la contribution à leur pérennité.

Monsieur AMELLER : II ne faut pas confondre l'exposé des motifs du projet de loi et la volonté du législateur, qui intervient en aval et qui peut -qui pourrait- être différente.

Monsieur CABANNES : Il suffit de viser "la loi déférée" plutôt que le législateur. Cette expression couvrira les intentions des auteurs du projet initial et les travaux parlementaires.

Monsieur BERGOUGNOUS : J'attire votre attention sur le risque d'incohérence qui résulterait d'une référence à la transmission anticipée, qui figure dans l'exposé des motifs, alors que le dispositif a été étendu aux successions ouvertes après un décès accidentel.

Monsieur ABADIE : Il faut alors enlever le mot "anticipé".

Monsieur AMELLER : Peut-on parler de "conditions" de décès ?

Monsieur ABADIE : Vous avez raison, visons alors les "causes de décès".

Monsieur ROBERT : Faut-il mentionner le moyen sur l'inconstitutionnalité de la disposition relative à l'exigence d'un acte notarié ?

Monsieur le Secrétaire général : Il suffit d'indiquer dans la décision "sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête" ?

Monsieur ABADIE reprend la lecture.

Monsieur ROBERT : On supprime le mot suffisamment, qui est subjectif ; "direct" suffit, me semble-t-il.

Monsieur ABADIE : Je veux bien, mais on se prive alors d’une souplesse d’interprétation.

Monsieur ROBERT : Dans le considérant de censure, vous évoquez l'inégalité avec les autres donataires et héritiers, ne faut-il pas intégrer la différence entre les donateurs ?

Monsieur le Secrétaire général : Non, car nous n'avons pas développé cette argumentation et dit en quoi cette inégalité pouvait être source d'inconstitutionnalité.

(Le projet de décision sur l'article 9 est adopté par 7 voix contre une : Monsieur AMELLER)

Monsieur ABADIE lit ensuite le projet de décision sur l'article 19 sans donner lecture du rapport écrit ci-dessous.

Monsieur ABADIE : Article 19 - Pérennisation de la majoration pour frais d'assiette et de recouvrement des impôts directs locaux

Cet article propose une nouvelle fois de pérenniser la majoration de 0,4 % des frais d'assiette et de recouvrement perçus par l'Etat sur les impôts directs locaux, déjà reconduite à trois reprises et destinée initialement à financer le coût des opérations de révision des évaluations cadastrales servant au calcul de l'assiette desdits impôts.

Je rappelle que l'Etat perçoit, au titre de sa prise en charge de l'assiette et de recouvrement des impôts locaux un prélèvement de 4 % pour les impositions perçues au profit des collectivités locales et de leurs groupements et de 5 % pour les taxes annexes perçues au profit de divers organismes à la charge du contribuable local.

La loi du 30 juillet 1990 relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux avait prévu pour les impositions de 1991 et 1992 une majoration de 0,4 % pour financer les charges de cette révision.

Par la suite, alors même que les travaux de révision ont été réalisés, la majoration a été reconduite d'année en année, justifiée, mais de plus en plus faiblement, par le coût de la maintenance des évaluations cadastrales. Aussi bien, l'article maintenant cette majoration a-t-il été en 1993 déféré au Conseil constitutionnel au motif que le "maintien de ce prélèvement additionnel, qui est privé d'objet, méconnaît le principe de nécessité de l'imposition, affirmé par l'article 14 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen".

C’est le même argument qui est repris aujourd'hui par les saisissants.

Rappelant que "conformément aux prescriptions de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, les recettes de l'Etat ne peuvent être, en tout ou en partie, affectées directement à certaines dépenses en l'absence de mise en oeuvre des dispositions spécifiques prévues par cet article", le Conseil a considéré que "même si la justification initiale de la majoration contestée prévue par la loi susvisée du 30 juillet 1990 était d'assurer le financement d'une opération de révision des valeurs cadastrales, laquelle est en quasi-totalité achevée, cette majoration n'a pas donné lieu à une affectation ; que dès lors elle constitue une recette du budget général qui concourt aux conditions générales de l'équilibre budgétaire, sans que soit méconnu le principe de nécessité de l'impôt" (n° 93-330 DC du 29 décembre 1993, rec. p. 572).

Dès lors, la pérennisation décidée par l'article 13 de la loi de finances pour 1996 qui nous est déférée, en ne s'appuyant pas sur une justification liée à la révision des évaluations cadastrales, mais, clairement, sur la nécessité de maintenir, pour l'Etat, un gain important (1,3 milliard de francs en 1995) dans un conteste économique difficile, ne pose pas de problème de constitutionnalité et est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Monsieur ROBERT : Comment peut-on dire qu'il n'y avait pas affectation puisque la majoration servait à assurer la révision des valeurs cadastrales ?

Madame LENOIR : Il ne faut pas en effet confondre l'affectation juridique d'une recette avec les motifs qui avaient été avancés à l'appui de la création de la majoration du prélèvement.

(Le projet de décision sur l'article 19 est adopté)

Monsieur ABADIE : Article 31 - Prise en compte par le fonds de solidarité vieillesse des majorations de pensions accordées en fonction du nombre d'enfants, inscrites jusqu'à présent au BAPSA

Avant d'en venir à l'objet de cet article et aux arguments de la saisine, il me semble nécessaire de vous rappeler certains éléments ayant conduit à notre décision de l'an passé sur la loi de finances qui permettent de comprendre le dispositif qui nous est ici proposé.

Le fonds de solidarité vieillesse sous la forme d'un établissement public administratif a été créé en 1993 pour prendre en charge les avantages non contributifs accordés en matière de retraite, tels que les bonifications accordées en fonction du nombre d'enfants. Toutefois, les prestations de ce type destinées aux fonctionnaires ou aux exploitants agricoles ont continué à être prise en charge par leur régime respectif.

Pour mettre fin à cette exception, la loi de finances rectificative pour 1994 a transféré la charge des majorations concernant les exploitants agricoles au fonds de solidarité vieillesse pour l’année 1994. La loi de finances pour 1995 comportait pour sa part une disposition pérennisant ce transfert pour le régime agricole et l’instituant pour les fonctionnaires de l'Etat. Mais, vous vous en souvenez, le Conseil a l'an dernier, déclaré contraires à la Constitution ces dispositions en considérant que les bonifications versées aux agents de l'Etat constituaient par nature une dépense permanente de l'Etat ce qui impose leur prise en charge par le budget et interdit qu'elles soient financées par des ressources que celui-ci ne détermine pas. Ainsi, les dispositions en cause méconnaissaient-elles les grands principes d'unité et d'universalité budgétaires.

S’agissant du BAPSA, qui ne fait évidemment pas partie par nature des dépenses de l'Etat, le raisonnement peut paraître plus complexe. Mais il est tout aussi rigoureux. Le Conseil a considéré que les principes d'unité et d'universalité budgétaires doivent également être respectés pour le budget annexe "dont les dépenses d'exploitation suivent les mêmes règles que les dépenses ordinaires du budget en vertu de l'article 21 de l'ordonnance du 2 janvier 1959". Dès lors que la loi a déterminé le contenu des dépenses du budget annexe, il n'est plus possible de faire sortir une de ces dépenses de ce champ. Or, aux termes de l'article 1003-4 du code rural, le BAPSA comporte en dépenses les versements destinés au paiement par les caisses "des prestations de l'assurance vieillesse des non-salariés agricoles". Aussi bien, le Conseil a-t-il jugé que "par suite, en prévoyant la prise en compte dans les dépenses du fonds de solidarité vieillesse d'une dépense à caractère permanent incombant au BAPSA, (la disposition en cause) de la loi déférée a méconnu le principe d'universalité".

L'article 31 de la loi de finances pour 1996 vise à tenter de faire à nouveau financer par le fonds de solidarité vieillesse les majorations de pensions des exploitants agricoles. Mais pour ne pas encourir une nouvelle fois la censure du juge constitutionnel, un dispositif différent a été élaboré. Il vise à exclure expressément, à l'article 1003-4 du code rural les majorations de pensions des dépenses du BAPSA et à inscrire, à l'article L. 135-2 du code de la sécurité sociale dans les dépenses du fonds de solidarité vieillesse, le versement aux caisses de M.S.A. des sommes qu'elles supportent au titre des majorations.

A noter que pour ce faire, le gouvernement a d'abord inscrit dans le plan de la loi de finances pour 1996, le résultat de la procédure -c'est-à-dire la minoration en recettes et en dépenses du montant des bonifications concernées- avant de faire voter un amendement par l'Assemblée nationale -devenu l'article 17 bis- donnant a posteriori une base juridique à cette procédure.

Ce procédé -pas très élégant comme l'a souligné le rapporteur spécial au Sénat- n'est pas pour autant inconstitutionnel.

C’est pourquoi les arguments développés par les saisissants ne sauraient être accueillis.

Ils font valoir que cette disposition soustrait du contrôle parlementaire des dépenses constituant des prestations sociales agricoles qui devraient être retracées dans le budget annexe correspondant et que dès lors elle méconnaît le principe d’unité budgétaire.

Or, dès lors que les dépenses énumérées à l’article 1003-4 du code rural ne constituent pas des dépenses par nature de l'Etat, mais par détermination de la loi, il est loisible au législateur de retirer de ces dépenses celles relatives aux majorations de pension accordées en fonction du nombre d'enfants. L'article 31 procède donc à une modification du champ des missions du BAPSA et donc des dépenses qu'il doit retracer, mais ne porte aucunement atteinte à l'application du principe d'unité budgétaire aux dépenses relevant de la compétence du budget annexe.

Monsieur ABADIE lit ensuite le projet de décision sur l'article 31.

Madame LENOIR : On a dit en 1994 qu'on ne pouvait pas débudgétiser certaines dépenses de l'Etat et là on dit que la loi simple peut permettre la débudgétisation.

Monsieur ABADIE : Non, s'il s'agit de dépenses qui relèvent par nature de l'Etat, la débudgétisation n'est pas et ne demeure pas possible. Ici, il n'y a pas lieu de le rappeler puisque la question n'est même pas soulevée et que nous sommes dans le cas du budget annexe des prestations sociales agricoles, qui assure la charge de prestations destinées aux agriculteurs et non le versement de prestations versées par l'Etat à ses fonctionnaires, lesquelles constituent effectivement des dépenses par nature de l'Etat.

Madame LENOIR : Notre décision de 1994 est la grande décision sur la débudgétisation ; on donne l'impression de revenir dessus.

Monsieur le Secrétaire général : On pourrait préciser pour donner satisfaction à Madame LENOIR, "eu égard à la nature de cette dépense".

(La suggestion du secrétaire général est adoptée de même que le projet de décision sur l'article 31)

Monsieur ABADIE : Article 33 - Suppression de la première partie de la dotation globale d'équipement des communes

Cet article, techniquement très complexe, tendait initialement à supprimer la première part de la DGE des communes allouée aux communes et groupements de communes de plus de 2 000 habitants. La seconde part de la DGE étant étendue à toutes les communes et groupements de 2 000 à 10 000 habitants, le mécanisme prévu par l'article 19 revenait à supprimer le bénéfice de la DGE pour les communes de plus de 10 000 habitants.

Au terme des nombreuses vicissitudes de la procédure parlementaire -l'article fut notamment rejeté purement et simplement par la commission des finances de l'Assemblée nationale qui adopta un amendement de suppression du groupe socialiste- le dispositif finalement adopté par la commission mixte paritaire et à sa suite par les assemblées est sensiblement différent de celui initialement présenté.

La DGE est désormais réservée aux communes dont la population n'excède pas 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 dans les DOM et dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 1,3 fois le potentiel fiscal moyen par habitant de l'ensemble des communes de métropole dont la population n'excède pas 20 000 habitants ainsi qu'aux groupements de communes remplissant les mêmes conditions de population mais sans qu'ils aient à remplir les mêmes exigences de plafonnement du potentiel fiscal.

A l'encontre de cet article, les requérants soulèvent deux griefs successifs que je vous propose d'examiner en commençant par le second qui est d'ordre procédural et qui, si nous le jugions fondé, conduirait à l'annulation sans qu'il soit besoin de s'interroger sur le premier, qui concerne, une nouvelle fois, la violation du principe d'égalité.

L'article 33 opérant une répartition du produit de la DGE, les auteurs de la saisine ont estimé qu'il s'agissait d'un cavalier budgétaire, au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

En effet, le Conseil constitutionnel a, dans une décision de 1982 (décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982), confirmée en 1989 (décision n° 89-268 DC du 29 décembre 1989), jugé que des dispositions relatives aux conditions de répartition du produit de la DGF des communes et qui "ne modifient en rien le montant global de ladite dotation qui a le caractère d'un prélèvement, et non d'une dépense de l'Etat", ne pouvaient trouver place dans le cadre d'une loi de finances. Le Conseil a estimé que, la DGF n'étant pas une dépense de l'Etat, dont les modalités de répartition relèveraient naturellement de la loi de finances, mais un prélèvement sur les ressources, les modalités de son attribution sortaient du domaine des lois de finances ; il ne s’agit effectivement ni de l’assiette, ni du taux, ni du recouvrement d’une imposition... Ce sont ces arguments que reprennent les saisissants.

Mais la décision du Conseil est liée au fait que la disposition contestée opérait une répartition de la DGF sans en modifier le montant. Or, dans le cas présent, la suppression de la première part de la DGE des communes conduit à modifier le montant total de la dotation. A structure constante, compte tenu de la progression automatique liée à celle de la FBCF, ce montant, en crédits de paiement aurait du atteindre 3 645 millions de francs en 1996 alors qu'il ne s'élèvera qu'à 3 020 millions de francs.

Toutefois, on peut se demander si les dispositions relatives à la répartition ne sont pas détachables du reste de l'article. La jurisprudence du Conseil, quoique prudente en la matière, n'exclut pas la censure partielle d'un article. Ainsi, l'an passé, à l'occasion de l'examen de la loi de finances, le Conseil avait déclaré contraire à la Constitution, au sein d'un paragraphe d'un article créant une taxe due par les concessionnaires d'autoroute, une disposition relative à la prise en compte des conséquences de cette taxe sur l'équilibre financier des sociétés concessionnaires. Il est vrai que cette disposition ne figurait pas dans le projet initial, qu'elle avait été ajoutée par voie d'amendement parlementaire et surtout qu'elle reprenait une disposition identique adoptée dans la loi de développement et d'aménagement du territoire.

En réalité, dans le cas présent, il convient de s'interroger sur la nature du lien des dispositions entre elles. Les règles de la répartition de la DGE sont elles séparables des dispositions concernant son montant. Les différences importantes qu'appellent le montant du fait de la suppression de la première part, qui sont de l'ordre de 20 %, invitent à considérer que les modifications de répartition sont liées à la modification du montant de la dotation et de ce fait, qu'elles trouvent leur place en loi de finances.

Je dois toutefois à la vérité de souligner, comme le font les requérants dans leur mémoire en réplique, que pour être le "complément indispensable" de la détermination du montant, les dispositions relatives à la répartition n'en ont pas pour autant forcément leur place en loi de finances. Toute autre interprétation, poursuivent les requérants, conduirait à permettre l'inclusion dans la loi de finances de toute disposition ayant de près ou de loin un lien avec l'octroi d'une aide financière de l'Etat. Cette réflexion n'est pas dénuée de pertinence...

Reste le problème de la présence, en loi de finances, du paragraphe III de l'article 33, relatif à la composition et aux fonctions de la commission chargée de donner un avis au préfet sur les projets d'investissements. Mais là encore, on peut soutenir que les modifications intervenant dans sa composition sont liées aux nouvelles règles de répartition de la dotation et que ce paragraphe n’est pas dissociable des autres.

Si on admet la place des dispositifs de l’article 33 en loi de finances, il convient ensuite de s’interroger sur leur constitutionnalité interne, comme vous y invite la saisine des députés socialistes.

Ces dernières font en effet valoir qu'il viole le principe d’égalité.

. En ce qu'il doterait identiquement les groupements de communes de faible population, quel que soit leur potentiel fiscal par habitant ;

. en ce qu'il traiterait différemment communes et groupements de communes, les premières bénéficiant ou non de la DGE selon le niveau de leur potentiel fiscal par habitant alors qu'en ce qui concerne les seconds ce critère est indifférent ;

. en ce qu'il exclurait du bénéfice de la DGE les communes et groupements de communes dont la population dépasse 20 000 habitants en métropole (et 35 000 habitants dans les départements d'outre-mer) quel que soit leur potentiel fiscal par habitant.

En effet, sur ces trois points qui relèvent d'une même logique la loi déférée ne ferait dépendre l'octroi de la dotation que de critères purement démographiques en méconnaissant la distribution très inégale du potentiel fiscal entre collectivités à population équivalente, ce qui revient à traiter identiquement des communes et groupements placés dans des situations fort différentes au regard de l'objet de la dotation.

Au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la violation du principe d'égalité serait manifeste.

Il ne me paraît pas possible de retenir ces arguments.

L'objectif poursuivi par la loi est en effet, le gouvernement n'en fait pas mystère, d'alléger la charge que représentent pour l'Etat les concours à l'équipement des collectivités locales. Au regard de cet objectif, il est pertinent d'opérer des distinctions selon l'efficacité de cette aide.

S'agissant tout d'abord du traitement différent des communes et groupements de communes et du traitement identique des groupements, quel que soit leur potentiel fiscal, on observe que les communes et les groupements sont placés dans des situations différentes au regard de l’objectif poursuivi par la loi, dès lors que l’intercommunalité favorise la cohérence des politiques d’investissement.

De surcroît, le non-recours au critère du potentiel fiscal pour les groupements, contrairement aux communes, se justifie par le fait que cette notion n'a pas de sens pour la grande majorité des quelques 18 000 groupements qui n’ont pas de fiscalité propre : seuls, en effet, 1 100 groupements en disposent.

Un critère de potentiel fiscal ne pourrait donc être applicable qu'aux groupements qui ont opté pour une fiscalité propre intégrée (taxe professionnelle d'agglomération) mais qui introduirait alors une discrimination inopportune au sein des groupements selon la nature de leurs ressources financière (contribution des communes, fiscalité additionnelle ou fiscalité propre).

S'agissant en second lieu du seuil démographique choisi, je rappellerai que la notion de seuil démographique est courante en matière de dotations de l'Etat aux collectivités locales. Ainsi la seconde fraction de la dotation de solidarité rurale a été réservée dans un premier temps aux communes de moins de 3 500 habitants, puis étendue jusqu'à 10 000 habitants. De la même manière, la fixation d’un nombre de logements sociaux en valeur absolue pour l'éligibilité à la dotation de solidarité urbaine (DSU) équivaut de fait à en écarter les petites communes. Or, ces dispositions n'ont pas été censurées par le Conseil constitutionnel (décision n° 91-291 DC du 6 mai 1991).

En tout état de cause, la situation des communes de moins de 20 000 habitants est différente, en matière d'investissement, de celle des grandes communes. En effet, pour les communes de petite taille, les investissements ont un caractère irrégulier et l'aide de l'Etat, dans des conditions permettant d'atteindre un taux de subvention très significatif, est un facteur déterminant pour permettre la réalisation d'un investissement important.

Toutes ces raisons me conduisent à ne pas accueillir les griefs retenus par les requérants.

Monsieur ABADIE lit ensuite le projet de décision sur l'article 33.

Monsieur le Président : Revenons sur le considérant sur l'intention du législateur qui a ému certains d'entre vous.

Madame LENOIR : Certes, ce n'est pas un cavalier budgétaire, mais je suis toutefois contre cet article qui est à mon avis inconstitutionnel. La différence entre communes et groupements de communes fondée sur le potentiel fiscal n'est pas légitime. Je ne vois pas pourquoi on favoriserait l'émiettement de la gestion des communes.

Le potentiel fiscal doit s’appliquer de manière unique aux collectivités locales, notamment en milieu rural.

On peut très bien, à mon sens, calculer le potentiel fiscal des groupements de communes en totalisant l'effort fiscal de ses habitants.

Monsieur ABADIE : Non, il faut le définir à partir d'une fiscalité propre. Or très peu d'entre eux -1100- en ont une. Il ne faut pas confondre budget et fiscalité propre.

En tout cas, je ne voix pas où est l'inconstitutionnalité, L'élément appréciatif du potentiel fiscal peut très bien avoir été retenu par le législateur. Dès que les critères sont en rapport avec le but, et c'est bien le cas ici, le dispositif est constitutionnel. La répartition en raison de la démographie est un choix du Gouvernement, je persiste à ne pas y voir d'inconstitutionnalité.

Monsieur FAURE : Les groupements de communes finissent par accroître leurs compétences. Ils développent leurs attributions car il faut au moins trois compétences regroupées pour profiter de la mane des dotations de l'Etat ou du département.

(Le projet de décision sur l'article 33 est adopté)

Nous en arrivons maintenant à deux articles dont l'inconstitutionnalité n'était pas soulevée dans la saisine initiale mais qui a été contestée dans les observations complémentaires adressées au Conseil. Il s'agit de deux articles résultant d'amendements adoptés en premier lieu au Sénat et les requérants qui sont, je vous le rappelle, les députés socialistes, soutiennent qu'ils ont été votés en méconnaissance des dispositions de l'article 39 de la Constitution, in fine, qui donnent à l'Assemblée nationale la priorité en ce qui concerne l'examen des lois de finances.

Quelques éléments de la jurisprudence du Conseil constitutionnel doivent ici être rappelés.

Quatre décisions sont jusqu'à présent intervenues en cette matière :

- la décision n° 76-73 DC du 28 décembre 1976 (examen de la loi de finances pour 1977) ;

- la décision n° 86-221 DC du 29 décembre 1986 (examen de la loi de finances pour 1987) ;

- la décision n° 89-268 DC du 29 décembre 1989 (examen de la loi de finances pour 1990) ;

- la décision n° 93-320 DC du 21 juin 1993 (examen de la loi de finances rectificative).

Par ces quatre décisions, le Conseil constitutionnel a considéré que l’article 39 in fine de la Constitution aux termes duquel "les projets de loi de finances sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale” impliquait que ne pouvaient être présentées par le Gouvernement pour la première fois devant le Sénat "des mesures financières entièrement nouvelles".

S’agissant de la notion de mesure financière entièrement nouvelle, l’analyse de ces décisions aboutit à considérer que le Conseil n'a proscrit l'introduction par amendements devant le Sénat que d'impositions effectivement nouvelles, mais qu'une disposition résultant de la restructuration d'impositions existantes doit être considérée comme une mesure nouvelle.

En revanche, il a admis que des aménagements de la législation en vigueur, y compris des extensions limitées d'impositions existantes ou des modifications de règles procédurales, relevaient bien du pouvoir d'amendement du Sénat sans examen prioritaire par l'Assemblée nationale.

Article 85 - taxe sur les appareils automatiques

L'article 85 qui résulte d'un amendement présenté par le gouvernement, se borne à modifier les modalités de paiement de l'impôt sur les spectacles pour les appareils automatiques exploités dans les fêtes foraines, en substituant à un paiement annuel dans la première commune d'exploitation, un paiement fractionné, calculé au prorata de la durée d'exploitation dans chaque commune où a lieu une fête foraine, et au tarif de la taxe applicable dans cette commune.

Eu égard à sa portée limitée, cet article ne me paraît pas devoir être considéré comme une mesure entièrement nouvelle, au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Article 94 - Taxe sur les bateaux français captifs chargés de marchandises liquides

L’article 94 a pour objet d'étendre aux bateaux français captifs chargés de marchandises liquides l'éligibilité au fonds d'assainissement des transports fluviaux, à charge pour les propriétaires des bateaux affectés au transport public de marchandises publics, d'acquitter le paiement d'une taxe alimentant ce fonds. Créant une nouvelle charge pour certains propriétaires de bateaux, cet article me paraît bien pouvoir être considéré comme constituant une mesure entièrement nouvelle.

Mais à l'inverse du précédent article, celui-ci ne résulte pas d'un amendement du gouvernement mais d'une initiative sénatoriale.

L'article 39 visant explicitement les projets de loi de finances, une lecture littérale doit conduire à exclure les amendements présentés par des sénateurs. Cette disposition ne devant s'appliquer qu'aux projets et à eux seuls, ou, à la limite, aux lettres rectificatives. Toutefois, et c'est là que le bât blesse, le Conseil a admis l'extension de cette jurisprudence aux amendements du Gouvernement, lorsqu'ils constituent une mesure entièrement nouvelle. C'est alors le fond de la matière -la mesure entièrement nouvelle- qui l'a emporté sur la forme du projet initial ou l'amendement. Ou plutôt, le Conseil a considéré qu'un amendement comportant une mesure entièrement nouvelle constituait un élément du projet de loi lui-même et devait dès lors être présenté en premier lieu à l'Assemblée nationale, celle-ci disposant d'un droit de priorité à l'égard de toutes les initiatives, financières entièrement nouvelles en matière de lois de finances. Dès lors, convient-il d'opérer une distinction entre amendement sénatorial et amendement gouvernemental ? On peut en douter, comme c'est le cas d'éminents représentants de la doctrine (Monsieur G. PEISER dans une contribution aux Mélanges Gaudemet, Messieurs FAVOREU et PHILIP dans leur ouvrage "Les grandes décisions du Conseil constitutionnel), et considérer que les sénateurs, comme le Gouvernement au Sénat, peuvent certes présenter des amendements -ce droit leur est constitutionnellement reconnu- mais ne comportant pas de mesure entièrement nouvelle, ce qui contreviendrait au principe de priorité de la chambre basse en matière budgétaire qui est aussi ancien que le régime représentatif.

L'application aux amendements sénatoriaux de la règle de la priorité ne me paraît donc pas devoir être exclue. Au reste, dans la pratique, l'application de la règle de la priorité aux seules initiatives d'origine gouvernementale ne pourra qu'inciter le Gouvernement à faire endosser la paternité de mesures nouvelles par des sénateurs "amis".

J'ai essayé de voir si on pouvait éviter ce débat, et considérer que cette "taxe" n'avait pas sa place dans la loi de finances et la traiter en cavalier.

J’ai hésité parce que :

- c’est une loi de finances qui l’a instituée ;

- sa nature est incertaine et le Conseil constitutionnel a dit qu’une taxe qui ne pourrait pas être nettement identifiée comme taxe parafiscale ou redevance pour services rendus avait été traitée en tant qu’imposition de toute nature, donc ayant sa place dans une loi de finances.

Monsieur FAURE : Le projet de loi de finances est déposé en premier à l'Assemblée nationale. Une fois que c'est fait, tout est permis.

Monsieur ROBERT : C'est contraire à ce que nous avons jugé.

Monsieur FAURE : Non. Nous avons jugé en laissant la porte entrouverte.

Monsieur DAILLY : Même si nos prédécesseurs ont jugé en fermant la porte, nous ne sommes pas tenus par elle.

Madame LENOIR : On a à revoir la question de la portée de la priorité de l'Assemblée nationale en matière financière.

En 1976 et en 1993 on a fait primer le contenu sur la forme. Est assimilé à un nouveau projet une mesure entièrement nouvelle.

Est-ce qu'il faut revenir sur cette jurisprudence qui ne date que d'à peine deux ans ?

La deuxième question c'est que nous n'avons opposé ça qu'aux amendements du gouvernement et non à ceux des sénateurs.

Monsieur DAILLY : Il ne manquerait plus que ça !

Monsieur ABADIE : La première question est dépassée. Nous n'avons à nous poser la question que si il a une mesure nouvelle.

Le problème, c'est la notion de projet. Si on maintien notre jurisprudence on garde la possibilité au Sénat de modifier mais on la refuse au Gouvernement.

Toutes les thèses sont soutenables. Si vous ne voulez pas trancher, vous pouvez dire que ce n'est pas nouveau. Mais c'est difficile.

Monsieur le Président : Ce texte n'existait pas avant ?

Monsieur ABADIE : Oui, mais on crée une catégorie nouvelle d'assujettis.

Le deuxième échappatoire c'est de trouver une porte de sortie latérale, en disant qu'il s'agit d'un cavalier budgétaire. Mais, malgré nos efforts pour trouver une explication en ce sens, ce n’est guère défendable.

Monsieur FAURE : Comment ça se passe au Sénat maintenant ?

Monsieur AMELLER : Il faut revenir à la base, à l'article 39 de la Constitution. On lui a fait dire ce qu'il ne dit pas.

En aucun cas cet article ne vise les amendements. Il faut revenir entièrement sur la jurisprudence du Conseil. Les amendements sont autorisés partout et pour tout le monde.

L'article 39 n'est relatif qu'à la priorité du dépôt du projet.

J'ajoute que si on confirme la jurisprudence il va falloir trouver des critères définitifs de ce qui est une mesure entièrement nouvelle, ce qui n'est pas aisé. Mais je pense que la lecture de bon sens s'impose.

Monsieur le Président : Nous avons deux méthodes. La méthode frontale, le revirement de jurisprudence ou alors la sagesse qui consisterait à trouver la porte de sortie latérale. Quel que soit le vainqueur, cette victoire sera à la Pyrrhyus.

Il y a des principes intangibles : le droit d'amendement des sénateurs, mais aussi celui selon lequel l'accessoire suit le principal. Se battre sur des questions pour un enjeu si maigre cela n'a pas beaucoup de sens.

Il vaudrait peut être mieux creuser les possibilités de porte de sortie. Un revirement de jurisprudence sur six bateaux captifs... on frise le ridicule.

Madame LENOIR : Moi, je suis gênée de revenir sur une jurisprudence vieille d'un an. Dans ce cas là, moi je reviendrais demain sur celle qui concerne la débudgétisation. Il faut voir comment sont examinées les lois de finances. Il y a forcément urgence. Si c'est une mesure nouvelle au Sénat pour la première fois cela conduit à la CMP et donc à un examen seulement en une seule lecture pour chaque assemblée.

Quant à introduire, de plus, une inégalité entre le Gouvernement et le Sénat, c'est un coup d'épée dans l'eau, le Gouvernement trouvera toujours un sénateur de ses amis pour proposer la censure en cause.

Je crois sincèrement que c'est ménager les droits du Parlement que de confirmer notre jurisprudence en la matière.

Monsieur le Président : Ce que vous venez de dire n'est pas incompatible avec ce que dit le rapporteur.

Monsieur ROBERT : Je me demande si dans le cas présent on ne pourrait pas se borner, à la page 16, à raccourcir le considérant sans préciser ce que ne peut pas faire le Gouvernement. Ça évite de se mettre en contradiction avec nous-mêmes.

Monsieur AMELLER : Mais alors il y a contradiction avec ce que nous avons écrit pour l'article 85. Il faut supprimer la notion de mesure entièrement nouvelle.

Monsieur ABADIE : C'est un deuxième revirement. C'est difficile...

Madame LENOIR : Moi, je ne comprends plus rien.

Monsieur DAILLY : Je ne me tiens nullement lié par la jurisprudence établie par mes prédécesseurs.

On l'examine mais on la juge sur sa pertinence et si c'est une erreur il faut l'abandonner et je n'ai aucun scrupule à le faire.

Nous avons la chance de nous trouver devant un amendement sénatorial. Peu m'importe qu'il s'agisse d'une mesure nouvelle ou non. Le Sénat a le droit de proposer un amendement et celui qu'il veut, nouveau ou pas.

Monsieur ROBERT : Mais le problème, alors, c'est l'article 85 !

Monsieur DAILLY : Je n'avais pas fini.

Monsieur le Président : Excusez-moi.

Monsieur DAILLY : Le bicaméralisme, c'est de permettre au Gouvernement de pouvoir profiter d'un délai de réflexion, d'améliorer ses textes.

Monsieur le Président : Bon, il va falloir trancher. Je pense qu'une rédaction elliptique a l'avantage de ne pas fermer la porte pour l'avenir et de ne pas insulter le passé.

Monsieur ABADIE : Sur l'article 85, il suffit de supprimer les phrases "qu'il en résulte que des mesures financières entièrement nouvelles ne peuvent être présentées par le Gouvernement pour la première fois devant le Sénat" et "que, dans ces conditions, il ne peut être regardé comme une mesure financière entièrement nouvelle," en se bornant à affirmer que l’article pouvait être introduit par voie d’amendement au Sénat sans méconnaître l’article 39 de la Constitution.

Quant à l’article 94, on se limite à dire qu’il ne résulte pas de l'article 39 que des mesures financière ne puissent être présentées par voie d’amendement par des sénateurs".

L'article 85 est mis aux voix.

Il est adopté avec une voix contre : Madame LENOIR.

L'article 94 est mis aux voix.

Il est adopté avec une voix contre : Madame LENOIR.

Monsieur ABADIE : Les deux derniers articles sont relatifs aux recettes du budget annexe de l’aviation civile.

Article 97 - Approbation de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne

Le 10 février dernier, le Conseil d'Etat (Section) a annulé l'arrêté conjoint du ministre du budget et du ministre des transports, en date du 21 décembre 1992, fixant les conditions d'établissement et de perception de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne.

L’article 97 tend donc à permettre aux autorités ministérielles compétentes de prendre des arrêtés, à caractère rétroactif, fixant le montant de la redevance pour services terminaux dans le respect des principes posés par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 10 février -de nouveaux titres de perception seront substitués à ceux antérieurement émis- et à rembourser aux compagnies aériennes le trop perçu depuis 1991, sans préjudice des intérêts et de leur capitalisation (environ 240 millions de francs au total).

Les requérants invoquent deux arguments à l'encontre de cet article :

Tout d'abord, l'article 97 visant à autoriser la perception d'une redevance, et non d'une imposition de toute nature serait contraire à l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et constituerait un cavalier budgétaire.

Au surplus, l’article 94 violerait la chose jugée en ce qu’il autorise le calcul de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne sur une base forfaitaire, en méconnaissance des motifs d’une décision du Conseil d’Etat du 10 février 1995, qui a annulé l’arrêté en date du 21 décembre 1992 fixant le seuil de la redevance applicable à compter du 1er janvier 1993. Il contreviendrait aussi au principe de sincérité budgétaire et par suite à l'obligation d'information du Parlement, au motif que les crédits nécessaires au remboursement des redevances indûment encaissées n'auraient pas été inscrits au budget annexe de l'aviation civile ;

Ces arguments ne me paraissent pas être retenus :

L'article 97 ne constitue pas un cavalier budgétaire. Il s'agit d'une disposition ayant clairement une incidence sur le montant des ressources de l'Etat et à ce titre elle ressortit au domaine des lois de finances. En tout état de cause, une disposition par laquelle le législateur définit de manière rétroactive, comme lui seul peut le faire, les mesures propres à garantir les recettes du budget annexe de l'aviation civile, est au nombre de celles qui peuvent figurer dans une loi de finances.

Sur le fond, on doit relever que si l'article 94 habilite les ministres concernés à modifier par arrêté le montant de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne due au titre des années 1991 à 1995, c'est à la condition de respecter les prescriptions de l'article R. 134-4 du Code de l'aviation civile, et sous réserve de la décision du Conseil d'Etat susmentionnée passée en force de chose jugée. Dès lors le moyen tiré de la méconnaissance de la chose jugée manque en fait.

Enfin, il ne ressort pas de l'examen des dépenses de l'exploitation du budget annexe de l'aviation civile que celles-ci auraient été sous-estimées compte tenu de la date prévisible de l'intervention des remboursements susceptibles d'être dus par l'Etat aux compagnies aériennes consécutivement à l'édiction des arrêtés qui doivent être substitués à ceux qui avaient été antérieurement pris de 1990 à 1994. En effet, les contraintes d'établissement de nouvelles assiettes pour le calcul de la redevance ne permettront pas, dans la pratique, d'opérer ces remboursements avant 1997. C'est pourquoi il n'est pas non plus possible de retenir le grief de méconnaissance de la sincérité budgétaire.

Madame LENOIR : Je n'ai jamais vu dans une décision qu'on conditionne la constitutionnalité d'une loi au respect d'un décret.

Monsieur ABADIE : Ça répond aux saisissants. Mais on ne soumet pas la validité d'une loi au respect d'un décret !

Monsieur le Secrétaire général : Dans la droite ligne de ce qui vient d'être dit, le Conseil répond en fait et non en droit.

On pourrait écrire "en énonçant le respect de...".

Le projet de décision sur l'article 97 est adopté.

Monsieur ABADIE : Article 98 - Validation des répartitions des dépenses de contrôle technique entre les entreprises de transport aérien

Le 10 février dernier, le Conseil d'Etat a également annulé l'arrêté du 4 mars 1993 du ministre de l'équipement, fixant la répartition entre les entreprises de transport aérien des dépenses de contrôle technique d'exploitation.

L'article 98 tend à valider les titres de perception émis en application de cet arrêté ainsi que de deux arrêtés antérieurs pris en 1990 et 1991 et qui sont manifestement entachés des mêmes vices juridiques que ceux qui ont conduit à l'annulation de 1993, "au regard du caractère d'intérêt général des dépenses financières par ce prélèvement et de la contrainte d'équilibre du Budget annexe de l'aviation civile". Les recettes budgétaires en cause s'élèvent à 117 millions de francs.

Les requérants font grief à cet article soit de réinstituer rétroactivement une redevance étrangère au domaine des lois de finances et donc censurable comme cavalier budgétaire, soit de créer rétroactivement une taxe, alors que le législateur n'en a pas fixé le taux, ce qui serait constitutif d'un cas d'incompétence négative.

Sans nous intéresser à la nature du prélèvement en question : redevance pour service rendu ou taxe -question au demeurant intéressante, la soit disante redevance étant affectée à des dépenses de plus en plus éloignées du service rendu aux compagnies aériennes, telles que les dépenses de sécurité publique, et étant calculée selon des modalités forfaitaires, alors que l'article R. 330-4 du code de l'aviation civile exige une facturation directe ce qui a d'ailleurs entraîné l'annulation contentieuse-, je vous proposerai d'annuler la disposition proposée sur le fond, pour des motifs d'intérêt général.

Je vous rappelle que les validations législatives doivent obéir aux principes dégagés dans la décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980 (Rec. p. 46) et précisée dans des décisions ultérieures : la validation ne doit pas porter sur l'acte lui-même qui a été annulé ; l'intervention du législateur doit reposer sur des motifs d'intérêt général ; la validation ne saurait méconnaître le principe de non-rétroactivité de la loi pénale ; et même, selon Bruno GENEVOIS, la validation doit être proportionnée à sa justification.

Or, quel est ici le motif invoqué ? L’intérêt financier du budget annexe de l'aviation civile. Toutefois, l'équilibre de ce budget annexe n'est pas réellement menacé et l’administration a même de son propre mouvement, renoncé à percevoir ladite redevance à compter de 1994. La préservation de l'intérêt financier peut certes constituer un motif d'intérêt général à une validation, comme le Conseil l'a reconnu dans sa décision du 13 janvier 1994 sur la loi relative à la santé publique et à la protection sociale, mais il faut alors que l'intervention du législateur soit justifiée par le caractère négatif des conséquences qu'aurait la méconnaissance de cet intérêt financier. Ainsi, le coût élevé d'un remboursement imposé par une décision d'annulation contentieuse, "qui ne pourrait être couvert que par le relèvement, inopportun dans la conjoncture actuelle, des cotisations sociales à la charge des employeurs" justifie-t-il une validation législative qui répond dès lors à un but d'intérêt général (n° 93-332 DC du 13 janvier 1994).

Ce n'est pas le cas ici, le budget annexe de l'aviation civile peut supporter le choc financier entraîné par l'annulation de l'arrêté de 1993 et de celles, potentielles, des arrêtés de 1990 et 1991. Je vous propose donc de mettre un coup d'arrêt à la multiplication des validations qui n'ont d'autre justification que de faire échec à la chose jugée, sans répondre à un réel motif d'intérêt général.

Monsieur ROBERT : "Dans le respect de cette dernière" ? Je ne comprends pas. La validation a pour but de contrevenir à la décision juridictionnelle.

Monsieur ABADIE : Ce que la loi a fait une autre loi peut la défaire.

Monsieur ROBERT : Mais il ne s'agit pas d'une loi !

Monsieur le Secrétaire général : La jurisprudence depuis 1980 pour justifier une validation suppose la réunion de deux conditions :

- La loi ne peut pas aller directement à l'encontre de la décision prise en la force de la chose jugée. Le législateur ne peut que paralyser les effets de l'annulation.

- Une validation nécessite un motif d'intérêt général . Jusqu'à maintenant le Conseil constitutionnel avait accepté qu'il y ait intérêt général derrière toutes les validations. Ici c'est le cas d'école : intérêt purement financier de cette validation. Il n'est pas suffisant, il faudrait qu'il puisse être démontré que la perception de cette ressource recouvre un intérêt général.

Monsieur le Président : Les faits à l'origine de la validation, quels sont-ils ?

Monsieur le Secrétaire général : Il s'agissait d'une redevance assise comme une taxe. Il n'y avait pas de corrélation entre les services rendus et les sommes exigées.

Le Gouvernement confirme la redevance nonobstant la décision de justice.

Monsieur le Président : La taxe est rétroactive ?

Madame LENOIR : Oui, bien sûr, c'est ça. Les validations admises en 1980 c’étaient des validations de concours annulés pour des raisons formelles.

Maintenant l’Etat cherche à récupérer des sommes que des jugements de tribunaux lui suppriment. En janvier 1995 déjà nous avons déjà partiellement censuré une validation. Ici, c’est un cas type. On doit interdire, sauf intérêt général, de remettre en cause une décision de justice définitive. Cela me paraît assez sain.

Monsieur AMELLER : A partir de quel montant un intérêt financier devient un intérêt général ?

Monsieur ABADIE : Ce n’est pas une question de montant. C'est la nature de ce qui est en cause. Par exemple la continuité du fonctionnement du service public.

Madame LENOIR : l'Etat ne paie pas. Il ne veut pas payer. Il fait valider.

Le projet de décision sur l'article 98 est adopté à l'unanimité.

Monsieur ABADIE lit ensuite le dernier considérant "il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d’office aucune autre question de conformité à la Constitution. "

Monsieur ROBERT : On est obligé de mettre ce dernier considérant ? On en est sûr ?

Monsieur FAURE : Je suis contre et je pensais que le Conseil avait également la même position.

Monsieur ABADIE : Les saisissants nous ont saisi de toute la loi.

Monsieur FAURE : Mais même quand nous ne sommes pas saisis de la loi, on le met.

Monsieur ROBERT : Oui, mais avons-nous vraiment vérifié tous les articles ? Car on donne un label de constitutionnalité à l'ensemble.

Monsieur ABADIE : Merci de nous faire confiance ! On l'a fait.

Monsieur AMELLER : Est-ce qu'on y est obligé ?

Monsieur le Président : Vous avez entendu l'objection ? Nous sommes saisis de l'ensemble de la loi.

Monsieur DAILLY : Précisément, d'autres articles ne nécessitent-ils pas un examen ? J'ai été sensibilisé par son Président sur la situation faite à Elf Aquitaine par un amendement qui a donné naissance â l'article 22.

Or, cet amendement "Inschauspé" est ad hominem. Il a créé une catégorie bien étrange dans laquelle ne rentre qu'un seul cas.

Nous considérons-nous comme en étant saisis ? Ou considérons-nous qu'il est conforme, en tout état de cause ?

Qu'est-ce que je réponds à JAFFRE demain au téléphone ?

Monsieur ABADIE : Je voulais précisément en venir maintenant à la constitutionnalité d'articles soulevée par des "portes étroites", l'article 6 et le 22. J'ai conclus à la constitutionnalité mais je voulais vous en entretenir.

Monsieur le Président : Poursuivez !

Monsieur ABADIE : La constitutionnalité de ces deux articles, qui n'est pas contestée dans la saisine, mais dans deux "portes étroites", s'appuyant l'une et l’autre sur des consultations du Professeur Carcassonne, la première reprenant d'ailleurs en partie une argumentation du rapporteur général du budget au Sénat.

Il s'agit tout d'abord de l'article 6 : Actualisation du barème de l'impôt sur la fortune et limitation des effets du plafonnement en fonction du revenu.

C'est le volet "limitation des effets du plafonnement" qui a été, au Sénat, critiqué sous l'angle de sa constitutionnalité.

Je rappelle qu'à la suite des observations formulées par le Conseil des impôts, un mécanisme de plafonnement de l'ISF a été mis en place pour éviter que des contribuables soient redevables d'une cotisation d'I.R. et d'ISF supérieure à leur revenu annuel. Ainsi, l'article 885 V bis du CGI prévoit-il que le total formé par l'ISF et l'IR ne peut excéder 85 % des revenues nets.

Le mécanisme mis en place par l'article 6 consiste à mettre fin à une anomalie : ceux qui bénéficient le plus du mécanisme du plafonnement sont les redevables les plus fortunés. Aussi bien a-t-il été décidé de limiter les effets du plafonnement de l'ISF pour les contribuables dont le patrimoine est supérieur à 14,88 millions de francs.

Le IV de l’article 5 limite la réduction de la cotisation d’ISF :

- soit à 50 % du montant de cette cotisation

- soit, si elle est supérieure à cette somme, au montant de l'impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la 3ème tranche du barème, soit 66 110 F pour 1996.

Cette anomalie n'a pas été contestée par le rapporteur général, Monsieur LAMBERT, mais celui-ci s'est interrogé sur la constitutionnalité de la mesure au regard de l'article 13 de la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui dispose que "la contribution publique doit être égale répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés". En effet, a-t-il précisé, le mécanisme proposé pourrait aboutir, dans certains cas, à ce que des contribuables disposant de revenus substantiellement différents soient amenés à verser la même contribution.

Toutefois, comme l'a reconnu Monsieur LAMBERT, "on peut considérer que la capacité contributive s'apprécie normalement, impôt par impôt, au regard de la seule assiette concernée, en l'occurrence le patrimoine, à l'exclusion de l'assiette d'autres impôts dont, notamment, ce revenu".

C'est en effet ainsi que l'on doit voir les choses. La jurisprudence du Conseil est sur ce sujet dénuée de toute ambiguïté. Dans sa décision du 30 décembre 1981 (n° 81-133 DC, Rec. p. 41) il a considéré, s'agissant précisément de l'I.G.F. que "conformément à l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives des redevables". Et dans une décision de 1990 (n° 90-285 DC du 28 décembre 1990, Rec. p. 98 ), il a, si on peut ainsi s'exprimer, mis les points sur les "i" : considérant que les contributions concernant respectivement les revenus d'activité et les revenus de remplacement, les revenus du patrimoine, et les produits de placement constituent des impositions distinctes ; que, pour l'application du principe d'égalité devant l'impôt, la situation des personnes redevables s'apprécie au regard de chaque imposition prise isolément".

Les arguments soulevés par le Professeur CARCASSONNE qui voudrait que cet article méconnaisse les principes posés par le jurisprudence du Conseil constitutionnel dans sa décision de 1981 ne sauraient également être accueillis. Il rappelle que le Conseil a clairement affirmé que le législateur avait entendu frapper la capacité contributive que confère la détention d'un ensemble de biens et qui résulte des revenus procurés par ces biens. Mais le Conseil a pris bien soin de rappeler que l'I.G.F. est appelé normalement à être acquitté sur les revenus des biens imposables, ce qui réserve les exceptions. Et il faut souligner que cette réforme aux revenus des biens avait aussi pour but de légitimer l’imposition à l’IGF de l’usufruitier, et non du nu-propriétaire.

Il convient du reste d'observer que le Conseil a reconnu la parfaite constitutionnalité de l'impôt sur les grandes fortunes, alors même qu'il n'existait aucun mécanisme de plafonnement et que le taux marginal d'imposition atteignait 2 %.

Enfin, je vous rappelle qu'il existe déjà des impôts -et de vieux impôts- qui sont dus sur la propriété d'un bien alors même qu'ils ne génèrent aucun revenu comme, par exemple, la taxe foncière.

- Le second projet, qui conclut à la constitutionnalité du dispositif relatif aux donations, relève les nombreuses garanties qui entourent ce dispositif et qui constituent autant de critères objectifs justifiant que l'on déroge à l'égalité. Il rappelle que l'avantage fiscal prévu en matière de donations est subordonné à la condition que le ou les donateurs aient exercé depuis au moins cinq ans l'activité de l'entreprise individuelle ou aient détenu pendant cette période directement ou par l'intermédiaire d'une société qu'ils contrôlent les parts ou actions transmises ; que la donation doit être effectuée en cas de pluralité des donateurs par un même acte et qu'elle doit porter soit sur le plan propriété de plus de 50 % de l'ensemble des biens affectés à l'exploitation de l'entreprise individuelle, soit sur des parts ou des actions dont la détention confère de façon irrévocable aux donateurs, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'une société qu'ils contrôlent, la majorité des droits de vote attachés aux parts ou actions émises par la société dans toutes les assemblées générales ; que pour l'appréciation du seuil de la transmission, il est tenu compte des biens de l'entreprise, parts ou actions de la société reçus antérieurement à titre gratuit par le ou le donateur et qui leur appartiennent au jour de la donation ; que chacun des donataires doit prendre l'engagement, dès l'acte de donation, pour lui et ses ayant cause à titre gratuit de conserver pendant au moins cinq ans les biens et droits, directement ou par l'intermédiaire d'une société contrôlée par une ou plusieurs de ces personnes ; enfin, qu'en cas de manquement, ils sont redevables d'un droit supplémentaire égal à la moitié de la réduction consentie. Dans ces conditions, l'avantage fiscal consenti en matière de donation doit être regardé comme reposant sur des critères objectifs et rationnels en relation avec l'objet de la loi et comportant des garanties correspondantes. A cet égard, le projet de décision regarde l'exigence d'un acte authentique pour que les donations puissent ouvrir droit au bénéfice de l'avantage comme une de ces garanties en ce qui concerne la date de la passation de l'acte et de la détermination des droits des héritiers réservataires. Ainsi, dans leur ensemble, les dispositions de l'article 9 relatives au régime des donations ne peuvent être regardées comme contraires à la Constitution.

Monsieur le Président : Quelqu'un demande-t-il la parole ? Nous n'avons pas à nous prononcer ?

Monsieur le Secrétaire général : Non et l’inconstitutionnalité est rien moins que manifeste.

(Approbation générale)

Monsieur ABADIE : Le second article contesté, à l'appui d'un mémoire de Monsieur CARCASSONNE est l'article 22 : taux des redevances communales et départementales des mines pour les hydrocarbures.

Cet article, qui résulte initialement d'un amendement de la commission des finances à l'Assemblée nationale, a été par la suite supprimée au Sénat et réintroduit en Commission mixte paritaire. Il a pour effet d'augmenter le taux des redevances départementales et communales prélevées sur le gaz naturel, extrait des gisements mis en exploitation avant le 1er janvier 1992. La redevance communale passe pour 1 000 m de 7,98 F à 9,70 F tandis que la redevance départementale passe pour le même volume de 10,08 F à 14 F.

Monsieur CARCASSONNE relève à l'encontre de ces dispositions quatre griefs d'inconstitutionnalité : le défaut d'information du Parlement, la rupture d'égalité des citoyens devant la loi et devant les charges publiques, l'erreur manifeste d'appréciation et l'atteinte à la liberté d'entreprendre.

II ne me paraît pas possible de faire droit à ces griefs qui reposent tous les quatre sur des appréciations subjectives et qui sont parfois à la limite du procès d'intention fait au législateur. Je me bornerai à rappeler qu'il est de la fonction même de législateur de déterminer le taux et l'assiette d'une imposition, dans le respect, naturellement, des principes constitutionnels. En tout état de cause, la loi n'établit ici aucune discrimination entre les exploitants de gaz redevables de la contribution puisque les mêmes taxes s'appliquent à tous les redevables. Je ne vous proposerai donc pas de soulever d'office une aussi peu évidente inconstitutionnalité.

Il en va de même des autres dispositions de la loi de finances, dont la constitutionnalité d'aucune ne me paraît devoir être soulevée d'office, même si quelques doutes peuvent être nourris ici et là, soit sur la place de la disposition en loi de finances, soit sur la procédure utilisée.

Monsieur DAILLY : La seule chose qui m'avait alerté c'était qu'il n'y avait qu'une seule entreprise qui était dans ce cas là. Tous les gouvernements successifs s'étaient opposés à cet amendement sauf celui-ci.

Monsieur ABADIE : C'est vrai, c'est le type d'amendement pas agréable, très localisé qui risque de créer une catégorie nouvelle de contribuables où il n'y en aurait qu'un.

Monsieur FAURE : Il n’y en a pas qu'un seul.

Monsieur ABADIE : Or précisément, ce n'est pas le seul en effet. Il pourrait concerner l'extraction de pétrole.

Monsieur DAILLY : Me voila équipé pour répondre. Merci.

Madame LENOIR : C'est vrai que c'est très limite. Il s'agit d'une disposition qui vise à régler un contentieux entre ELF-AQUITAINE et le département des Pyrénées- Atlantiques. Si cela avait été soulevé par les requérants, la question aurait été sérieuse.

Par ailleurs, je suis Monsieur DAILLY et Monsieur AMELLER pour supprimer le "il n'y a lieu", qui laisse planer une ambiguïté sur la portée de notre décision.

Monsieur FAURE : Le fait que nous soyons saisis de toute la loi, même si un seul article est soulevé par les requérants, où cela figure-t-il ?

Monsieur le Secrétaire général : C'est dans la requête.

Monsieur ROBERT : Il y a même une certaine contradiction entre cette rédaction et le fait d'être saisi de toute la loi de manière explicite.

Monsieur CABANNES : J'observe que sans avoir soulever d'office l'inconstitutionnalité d'un article, nous avons soulevé d'office celle d'un moyen, à l'article 98.

Monsieur le Président : Quelle est la portée pratique de cette formule ?

Monsieur ABADIE : On ne s'est jamais senti impliqué par un article non explicitement analysé dans un considérant et la formule prudente qui est la notre nous permet de ne pas nous faire opposer la constitutionnalité du reste de la loi.

Madame LENOIR : Oui, on peut peut-être le laisser.

Monsieur le Secrétaire général : Le Conseil constitutionnel se refuse en effet à accorder un brevet général de constitutionnalité.

(L'ensemble de la décision, mise aux voix, est adoptée à l'unanimité)

Madame LENOIR : Si je peux utiliser mon droit à la parole qui est limité et dont j'abuse, j'observe que le premier considérant du projet sur le collectif concerne une question qui figure également dans la loi d'habitation. J'aurais besoin d'un peu de temps pour en tirer les conséquences. Je pense que les problèmes juridiques sont les mêmes. Je ne suis pas en mesure de statuer sur ce point avant ma réunion de 11 h 30.

Monsieur ABADIE : L’affaire est claire pour moi. Je ne vois pas trop le lien avec la loi d’habilitation.

Monsieur DAILLY : Puisque nous en sommes à remanier le calendrier, qu'on le veuille ou non, est-ce qu'on ne pourrait pas admettre de siéger demain après midi sur le collectif et de renvoyer la loi d'habilitation au début janvier.

Monsieur le Président : Non, ce n'est pas possible.

Monsieur FAURE : Fixons la réunion sur le collectif demain 17 heures. Cela permettra à Noëlle LENOIR d'avancer et à nous d'avoir son projet avant samedi.

Cette suggestion est approuvée.

¹ Le principe d'égalité interdit qu'à des situations semblables soient appliquées des règles différentes, il ne s'oppose ni à ce qu le législateur règle de façon différente, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général" pourvu que dans l'un et l'autre cas la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi.

La séance est levée à 17 h 30.