CONSEIL CONSTITUTIONNEL
SEANCE DU 3 AVRIL 1962
i t i i i i t
La séance est ouverte à 10 h. 30.
Tous les membres sont présents.
M. le Président Léon NOËL fait connaître qu'en application de l’article 37 al. 2 de la Constitution, M. le Premier Ministre a demandé au Conseil de bien vouloir apprécier le caractère législatif ou réglementair<d’une disposition de 1'article 73 al. 1er de la loi n° 61-1396 du 21 décembre 1961 portant loi de finances pour 1962 : cette disposition prévoit que les allocations d’aide à l’armement naval "seront calculées forfaitaire?- ment d'après des barèmes fondés sur les caractéristiques des navires".
Le rapporteur est M. GILBERT-JULES.
Le Conseil constate le caractère réglementaire de la disposition précitée, dans une décision dont l'original demeurera annexé au présent compte-rendu.
Il examine ensuite une requête présentée par
M. Paul VERGES au nom du Parti Communiste Réunionnais par laquelle celui-ci proteste contre le rejet par le Gouvernement de sa demande d’inscription sur la liste des organisations habilitées à user des moyens officiels de propagande en vue du referendum.
Le rapporteur est M. le Président Léon NOËL.
Le Conseil rejette la requête comme irrecevable par une décision dont l’original demeurera annexé au présent compte rendu.
La séance est levée à 12 h.
SEANCE DU 3 AVRIL 1962
La séance est ouverte à 10 h. 30.
Tous les membres du Conseil sont présents.
M. le Président LéonNoMl fait connaître qu'en application de l'article 37 al. 2 de la Constitution, M. le Premier Ministre a demandé au Conseil de bien vouloir apprécier le caractère législatif ou réglementaire d’une ÿ⁸??^(s)i5^(ion)v^(de) —
cette disposition prévoit que les allocations d'aide a l'armement naval "seront calculées forfaitairement d’après des barèmes fondés sur les caractéristiques des navires".
Le rapporteur est M. GILgm, 2^8.
Celui-ci rappelle les termes de l'article 73 de la loi du 21 décembre 1961 : "Les crédits ouverts pour l'armement naval seront attribués pour les navires apparte- nant à des entreprises françaises affectés aux lignes et trafics soumis à la concurrence internationale. Ils ne pourront avoir un caractère discriminatoire et seront calculés forfaitairement d'après des barèmes fondés sur les caractéristiques des navires.
Les navires affectés aux lignes contractuelles des sociétés d'économie mixte ou à des trafics bénéficiant du monopole depavillon ne pourront être attributaires de ces allocations. Les dispositions particulières aux navires pétroliers ne pourront apparaître que dans le cadre de l’aide spécifique prévue au paragraphe suivant du présent article.
Dans la limite des 33 p. cent des crédits disponi- bles, une aide spécifique ou des allocations complémentaires pourront être attribuées pour les navires français affectés aux trafics ou aux lignes comportant des difficultés particulières, pour lesquels l’octroi de l'allocation prévue au présent article ne serait pas suffisant pour en assurer le maintien, lorsque celui-ci présente un caractère d’intérêt national.
M* le Rapporteur précise que le Conseil n'efct saisi que de la disposition figurant à la fin du 1er alinéa î/les crédits) "serj^ calculés foK.mt>^ement_(i).,_(i)
mig ♦
Il explique que le Gouvernement désire substituer à cette disposition la formule suivante : "les allocations sont calculées forfaitairement d'après des barèmes établis en fonction des caractéristiques des navires et des trafics¹
I - Il fait l'historique des conditions dans lesquelles . 1 '.article a'' W voté par ïe farinent
a) A l'Assamblée Nationale, au cours du débat sur les crédits de la Marine Marchande, le 27 octobre 1961, les députés avaient demandé des précisions sur les conditio d'attribution des allocations, mais sans vote d*amendement.
b) Au Sénat, le 26 novembre, un article additionn avatt été adopté - avec l'accord du Gouvernement. Son paragraphe 1er était ainsi conçu :"Las crédits ouverts pour l'armement naval seront attribués pour les navires appartenant à des entreprises françaises affectés eux lignes et trafics soumis à h concurrence internationale. Ils ne pourront avoir un caractère discriminatoire et seront calculés forfaitairement d'après des barèmes fondés sur les caractéristiques des navires". Il était prévu
dans les paragraphes suivants que 33 Z des crédits dispo- nibles pourraient être attribués aux navires pétroliers, ou aux trafics ou aux lignes comportant des difficultés particulières.
c) A l'Assamblée Nationale en 2e lecture, le 1er Décembre, un amendement Jacquet-Fraissinet était adopté. Il contenait la disposition suivante : "Ces allocations .. seront calculées forfaitairement d'après des barèmes fondés sur les caractéristiques des navires et des trafics". Il modifiait en outre les conditions d'attribution de l'aide spécifique.
d) En 2e lecture, le 7 décembre, le Sénat adoptait â nouveau 1® texte qu'il avait voté en 1ère lecture en y ajoutant l'expression t "et les trafics", sur proposition de M. Colin.
e) Ce texte comprenant le double critère des "caractéristiques des navires" et des "trafics" fut repris par la Commission mixte paritaire, adopté par l'Assamblée Nationale mais rejeté par le Sénat (qui refusa d'adopter l'ensemble du projet de loi sur lequel il devait se prononcer par un seul vote en application de l'article 4 de la Constitution).
f) Bn 3e lecture, à l'Assamblée Nationale, le
12 décembre, un sous-amendement ayant pour objet de supprimer l'expression "et des trafics" était déposé par MM. Jacquet et Fraisslnet ; il obtenait l'accord du Gouvernement et était adopté par 1'Assemblée votant sur l'ensemble du projet de loi.
g) Le même jour, le Sénat rejetait à nouveau l'ensemble du projet.
M. le Rapporteur explique que les modifications apportées au texte et en particulier la suppression de la formule "et des trafics" que le Gouvernement souhaiterait rétablir, se justifie par le fait que 1*Assemblée Nationale - après avoir accepté cette formule - a craint des mesures discriminatoires du Gouvernement ayant pour but de favoriser ou de défavoriser Bordeaux ou Marseille.
II - Il se demande si le texte ainsi soumis au Conseil Constitutionnel a le caractère législatif ou le caractère réglêmentaire.
"Deux thèses, dit-il, peuvent, à cet égard, être soutenues:
1) On peut considérer que - les lois de finances ayant pour objet de déterminer la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat -
le Parlement n'a pas d'autre pouvoir que de déterminer et de répartir les crédits.
2) On peut aussi penser que, lorsqu'il s'agit de sommes relativement importantes, le Parlement a également le droit de prévoir, par exemple que 33 % des crédits seront attribués pour les navires pétroliers.
En estimant que le vote de la loi de finances constitue un des éléments importants de contrôle du Gouvernement par le Parlement, je m'étais d'abord arrêté à cette dernière thèse et j'avais rédigé le projet de décision suivant :
"Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ;
Considérant que l'article 1er de l’ordonnance 59*2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances stipule que les lois de finances détermi- nent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat compte tenu d'un équilibre économi* que et financier qu'elles définissent ;
Considérant que si, par application de l'article 41 de ladite ordonnance relatif à la procédure d'élabora- tion des lois de finances, les dépenses du budget général font l'objet d'un vote unique en ce qui concerne les servici votés, d'un vote par titre et à l'intérieur du même titre par ministère an ce qui concerne les autorisations nouvellei cette disposition de procédure n'exclut pas la possibilité pour le législateur de voterdes textes déterminant la nature et l'affectation des interventions de l'Etat en matière économique comprises, par l'article 6 de l'adonnanc<susvisée, dans les charges permanentes de l'Etat alors surtout que l’article 42 de la même ordonnance prévoit la recevabilité de tout article additionnel ou de tout amendement tendant à assurer le contrôle des dépenses publiques ;
Considérant que l'article 73 de la loi de finances pour 1962 décoyle d'un amendement déposé par le Gouvernement devant 1'Assemblée Nationale, en 3ème lecture, reprenant le texte retenu par la Commission mixte paritaire modifié par un sous amendement d'origine parlementaire, accepté par le Gouvernement ;
Considérant que le Gouvernement demande au Conseil Constitutionnel de déclarer le caractère réglemen- taire de la deuxième partie de la dernière phrase de l'aliné 1er dudit article 7B, qui prévoit les conditions dans lesquelles seront calculée forfaitairement les barèmes donnant lieu à attribution d'une partie du crédit ;
Considérant qu’en décidant qu'une partie du crédit affecté à l'aide à l'armement naval sera attribué à des navires appartenant à des entreprises françaises affectés aux lignes et trafics soumis à la concurrence internationale, sans caractère discriminatoire et calculé forfaitairement d'après les barèmes fondés sur les caractéristiques des navires, le législateur a déterminé la nature et l'affectation de cette charge de l'Etat et assuré le contrôle sur les dépenses publiques ;
La disposition soumise au Conseil a un caractère législatif".
"Toutefois, poursuit M. le Rapporteur, en raison du caractère mineur de l'affaire, je me suis rallié à une thèse qui ne pose pas de principe et qui considère qu'il y a dans la loi de finances des dispositions de nature réglementaire - qui sont d’ailleurs parfois d’origine gouvernementale Je conclus donc au caractère réglemen- taire du texte qui nous est soumis mais sans le faire avec un. .incérlU (1). ,
715—.—— — —.
In projette propose M. le Rapporteur est ainsi conçu : "Considérant que la disposition de l'article 73, 1er alinéa, de la loi du 21 décembre 1961, portant loi de finances pour 1962, qui est soumise & l'examen du Conseil Constitutionnel, a pour unique objet le mode de calcul des barèmes qui doivent servir à la fixation des allocation d’aide à l’armement naval ;
Considérant que, d'une part, cette disposition ne rentre pas dans lasmatièresdont l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la fixation des règles ou la détermination des principes fondamentaux ; que, d’autre part, elle ne peut être regardée comme déterminant "la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l’Etat", au sens de l’article 1er de l'ordonnance susviséd du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ; qu'enfin, elle n'est pas davantage au nombre des autres dispositions législatives dont le même article 1er de ladite ordonnance prévoit l'inclusion dans me loi de finances ; que, dès lors, et en vertu de l’article 37 de la Constitution, la disposi- tion dont il s’agit ressortit à la compétence dévolue au pouvoir réglementaire. .."
„ remercie M. le
Rapporteur et demande si des membres du Conseil sont favorables au premier projet que celui-ci avait élaboré.
. IkJÆJtoœlOE précise que cette première théorie trouve son fondement dans l’article 1er de l’ordonnance n* 59-2 du 2 janvier 1959 qui prescrit : "Lorsque des dispositions d’ordre législatif ou réglemen- taire doivent entrainer des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n'ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance". Il considère que ce texte - inspire du décret du 19 juin 1956 déterminant le mode de, présentation du budget de l'Etat - permettrait au Parlement de "tout bloquer, s'il le voulait".
Il croit, de même, que le Parlement pourrait reprendre presque toutes les prérogatives qu'il exerçait avant 1958 - en utilisant la disposition qui prévoit que les "lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat" ; "il suffirait pour cela d'interpréter le mot "déterminant" comme signifiant "précisent? î "Mais, dit-il, on peut aussi interpréter ce mot comme donnant seulement au Parlement le pouvoir de voter une somme globale consacrée par exemple à l'armement naval. En l'espèce, si l'on avait demandé au Conseil d'examiner le caractère de l'ensemble de l'article 73, j'aurais considéré qu'il était législatif .. Mais on peut penser que la disposition mineure qui nous est soumise a le caractère réglementaire".
M. le Président Léon Noël demande à M. le Secrétaire"Général de bien vouloir faire connaître son point de vue sur le sens et la portée des dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959.
M, le Secrétaire Général admet que "les termes en sont tràs impressionnants - d'autant plus que M. Gilbei Jules les a mis bien en évidence -"."Mais, dit-il, je me suis efforcé de le convaincre de ne pas leur attribuer un sens extensif. En effet tout l'article 34 de la Constitutif
serait mis à néant dès lors qu'on prendrait à la lettre les dispositions dd la loi organique du 2 janvier 1959 î Une dépense mininœug,une dépense de 1 franc suffirait pour justifier le contrôle du Parlement.
Je pense que l’article 1er de la loi organique a pour objet de dire ce que doit contenir la loi de finances ; celle-ci était sous le précédent régime une loi fourre-tout ; c'était commode ... Le sens du paragaphe 1er est de dire que la loi de finances a pour objet de "déterminer la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat" - et pas autre chose. Cela est si vrai que les dispositions suivantes' précisent ce que doit contenir la loi de finances, ce qu'il peut y avoir dans celle-ci en dehors de la détermination des ressources et des charges ... D'ailleurs le législateur s'est expliqué dans le titre II sous la rubrique Î "De la détermination des ressources et des charges de l’Etat" : je lis, par exemple, à l'article 6 : "Ces charges permanent! de l'Etat comprennent ... Les dépenses ordinaires sont groupées sous quatre titres ... Les dépenses en capital sont groupées sous trois titres .etc.. Je lis à l'article 7 : "Les crédits ouverts par les lois de finances sont mis à la disposition des ministres pour les dépenses ordinaires, les dépenses en capital et les prêts et avances. Ils sont affectés à un service ou à un ensemble de services. Ils sont spécialisés par chapitres groupant les dépenses selon leur nature ou selon leur destination. Toutefois, certains chapitres peuvent comporter des crédits globaux destinés à faire face à des dépenses éventuelles ou à des dépenses accidentelles".. Tous ces textes, M. Gilbert Jules les connaît bien puisqu'ils sont inspirés du décret du 19 juin 1956 dont il est l'auteur .. L’article 1er de la loi ne permet pas de réintroduire dans le domaine législatif ce que l'article 34 de la Constitution n’y a pas mis. On dit bien que les crédits sont spécialisés par chapitres mais on ne dit pas que la répartition doit être faite par le Parlement. Les parlemen- taires peuvent demander des explications ; le Gouvernement les donne ; il y a une sorte d'engagement du Gouvernement sauf à ce que sa responsabilité soit mise en cause.. Je crois qu'à l'occasion du vote d’un certain volume de crédits, le Parlement peut px-ovoquer des explications.
Mais il n’a pas le pouvoir de fixer tel ou tel critère de répartition, de dire que tel bâtiment serq armé ou non, que le Commandant de "France” aura une prime spéciale etc..
En conclusion, je crois qu’il serait bon de faire un arrêt d’espèce en précisant que la dispositfon qui nous est soumise ne peut être regardée comme déterminant la nature le montant et l’affectation des charges de l’Etat, au sens de l’article 1er de la loi organique".
M. Gilbert Jules rappelle que l’article 1er de la loi organique précise'"'""lorsque des dispositions d’ordre
législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé tant que ces charges n’ont 'pas^(,)"*^(,)é"t'é' prévues, 'évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance".
"Cet article, dit-il, conferrait au Parlement un pouvoir considérable s’il avait été appliqué".
Il cite ensuite l’article 42 de la loi organique "Aucun article additionnel aucun amendement à un projet de loi de finances ne peut être présenté, sauf s'il tend à supprimer ou à réduire effectivement une dépense, à créer ou à accroître une recette ou à as surer le contrôle des dépenses^publiques "Cette disposition, dit-Ilest .
également très 'importante..
"Quant à la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement, il nous avait bien été dit que chaque année le Gouvernement poserait la question de confiance. Il y a renoncé en octobre 1960 et en Octobre 1961 ... Tout cela s’est un peu modifié .."
En tous cas, je suis prêt à admettre que les modes d'établissement de barêmes ont le caractère réglementaire’’.
M. le Président Léon Noël met aux voix le principe du caractère réglementaire de la disposition
soumise au Conseil .Celui-ci l'adopte (M. le Président Coty s'abstient).
M. le Rapporteur explique que, dans cette affaire certains armateurs ont craint que le Gouvernement ne favorise tel port au détriment de tel autre.
, , _(J) M; «lu'**
s'agirait plutôt de telle ligne ou de telle autre.
M. le Président Coty déclare que s'il s'est abstenu c'est parce qu'il lui parait très difficile que le Conseil puisse apprécier en l'espèce si la disposition est importante ou secondaire. 11 constate qu'elle donne au Gouvernement la possibilité d'une utilisation arbitraire des crédits et qu'elle est d'une importance capitale pour les intéressés.
M. le Rapporteur répond que si sa conscience
"est en repos",
„ déplore que le
Gouvernement n’ait pas utilisé, au cours des débats,
l'article 41 de la Constitution.
M. le Rapporteur répond que c'est d'autant plus
grave qu * au lieu d'opposer l'article 41}l.Buron, Ministre
des Travaux Publics, a donné son accord en 3e lecture
au texte proposé à 1'Assemblée Nationale.
Il donne ensuite lecture du projet/décision.
Le 1er considérant est ainsi conçu : "Considérant
rla disposition de l'article 73, 1er alinéa, de la loi
21 décembre 1961, a pour unique objet le mode de
calcul des barèmes qui doivent servir à la fixation des
allocations d'aide à l'armement naval".
M, Cassin estime que "c'est l'argument décisif".
* 10 *
M, le Rapporteur se demande s’il ne conviendrait
pas d’écrire : ”la fixation d’une partie des allocations
d’aide”.
M, le Secrétaire Général ne le pense pas car on
pourrait en tirer un assument a contrerio.
En définitive, l’ensemble du texte est adopté
sans modification.
11 -
Le Conseil examine ensuite une requête
présentée par M. Paul Verges au nom du Parti Communiste
Réunionnais par laquelle celui-ci proteste qbntre le
r ë jèt"’par”Te Gouvernement de sa demande d'inscription sur
la liste des organisations habilitées à user des moyens
officiels de propagande en vue du referendum du 8 avril.
Le rapporteur est M. le Président Léon Noël
Celui-ci rappelle que le 25 mars, le Conseil *
examinant, en application de l'article 47 de la loi
organique, la liste des partis politiques ayant sollicité,
dans le département de la Réunion, l’autorisation d'user
des moyens officiels de propagande - avait émis l’avis
que le Parti Communiste Réunionnais ne lui paraissait
pas pouvoir juridiquement être écarté en vertu de l'article
4 du décret n° 62-313 du 20 mars 1962 (1) quelle que
puisse être par ailleurs la valeur des motifs qui, sur
le plan de l’opportunité, militait en faveur du rejet de
cette demande.
"Le Gouvernement, dit-il, n'a pas tenu compte de
l’avis du Conseil. En conséquence, celui-ci est saisi d'une
requête adressée par télégramme en raison de l’œgence, par
laquelle ce parti conteste le rejet de sa demande en
invoquant le fait qu’une demande semblable avait été admise
en 1960 et en se fondant sur l’article 50 de la loi
organique sur le Conseil Constitutionnel (2) et sur l’artic
4 du décret du 20 mars 1962 (1)".
^Article 4 du décret n^(c) 62-313 du 20 mars 1962 :
"Pourront être autorisés à user des moyens
prévus par le présent décret en vue du referendum, les
.EartUjaoim^^^ orga^ation^et.jd'une_
aç|io n^ .s'étendant à 1.’ensemble du appartement concerné.
qui auront adressé une demande en ce sens au Préfet,
lequel devr transmettre cette demande auMinistre d’Etat
chargé du Sahara, des départements et territoires d'outre-
mer avant le 24 mars à 24 heures.
Après avoir été soumise au Conseil Constitutionnel
conformément aux prescriptions de l’article 47 de l’ordon-
nance n® 58-1067 du 7 novembre 1958, la liste des partis
. politiques habilités à user des moyepa''prévus aux articles
ci-dessus sera publiée au Journal Officiel de la
République française".. '■
( % 1 À*»#* 4 1 ms .Æ-gfc *1 * A aSsa *1 OCft
12
"Je considère qu’en droit, il n’y a pas de
difficulté : Nous n'avons pas compétence. Je vous propose
de vous en tenir à la jurisprudence Soustelle. En 1960,
M. Jacques Soustelle - qui contestait le refus opposé au
"Regroupement National" de participer à la campagne en vue
du referendum - avait saisi le Conseil Constitutionnel en
se fondant sur l’article 5-> de la loi Organique. C'est ce
même texte qu'invoque aujourd'hui M. Verges au nom du
"Parti Communiste Réunionnais". Il est évident que l’articl*
50 de vise pas du tout ce cas. Je vous propose en conséquent
le projet de décision suivant qui est l'adaptation de la
décision Soustelle du 23 Décembre 1960 :
"Le Conseil Constitutionnel,
Vu le télégramme en date du 28 mars 1962 par
lequel le secrétaire du Parti Communiste Réunionnais a
adressé au Conseil Constitutionnel une protestation contre
la décision par laquelle le Gouvernement a rejeté sa
demande tendant à l'inscription dudit parti sur la liste
des organisations habilitées à user des moyens officiels
de propagande en vue du referendum ;
Vu la Constitution et notamment son article 60 ;
Vu l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi
organique sur le Conseil Constitutionnel, modifié par
l’ordonnance du 4 février 1959 ;
Vu le décret n® 62-310 du 20 mars 1962, portant
organisation du referendum ;
Vu le décret n® 62-317 du 20 mars 1962, fixant
les conditions dans lesquelles les partis politiques
pourront participer à la campagne en vue du referendum ;
~~.y — —~~ -.-.‘.t
"Le Conseil examine et tranche définitivement toutes les
réclamations.
Dans le cas où le Conseil Constitutionnel constate
l'existence d’irrégularités dans le déroulement des
opérations, il. lui appartient d'apprécier si, eu égard
à la nature et à la gravité de ces irrégularités, il y a
lieu soit de maintenir lesdites opérations, soit de
prononcer leur annulation totale ou partielle".
Considérant que las attributions du Conseil
Constitutionnel, telles qu'elles résultent de l'ordonnance
portant loi organique du 7 novembre 1958, sont purement
consultatives en ce qui concerne les opérations préalables
au referendum ; qu'en particulier, l'article 47 de cette
ordonnance relatif à l'établissement de la liste des
organisations habilitées à user des moyens officiels de
propagande, lui reconnaît seulement la faculté de
présenter des observations sur ladite liste j qu'aucun text<ne lui confère compétence pour statuer, par dérogation aux
règles du droit commun, sur les protestations ou recours
susceptibles d'être présentés contre les décisions prises
à cet égard par le Gouvernement ;
Considérant que, si, à la vérité, en vertu
de l'article 50, alinéa 1er, de l'ordonnance susvisée "le
Conseil Constitutionnel examine et tranche définitivement
toutes les réclamations", ce dernier terme doit être
entendu dans le sens que lui donne la législation appli-
cable en matière électorale et vise exclusivement les
protestations susceptibles d'être formulées à l'issue du
scrutin contre les opérations effectuées ; que cette
interprétation s'impose en raison notamment de la place
assignée, dans le chapitre VII de l'ordonnance, à la
disposition enquestion ainsi que du rapprochement nécessaire
entre celle-ci et le 2ème alinéa du même article selon
lequel "Dans le cas où le Conseil Constitutionnel constate
l'existence d'irrégularités dans le déroulement des
opérations, il lui appartient d'apprécier si, eu égard à
la nature et à la gravité de ces irrégularités, il y a
lieu soit de maintenir lesdites opérations, soit de pronona
leur annulation totale ou partielle" ;
DECIDE :
Article 1er - La protestation susvisée n'est
pas recevable. ^(w)
14
M, le Présidant Léon Noël met aux voix le
pr incipe de la recevabilité de la demande.
A 1’unanimité, le Conseil décide qu'elle n'est
, , .Léon. Noël ouvre ensuite le débat
sur la rédaction de la décision.
_(%) .ia..„.Ç.R,ty, déclare s "Je suis prêt
à accepter le texte qui nous est proposé mais je me
demande si nous ne devrions pas le renforcer .. Car la
décision à prendre est plus grave que lors du précédent
referendum. L'article 56 de la loi organique déclare :
"Le Conseil examine et tranche définitivement toutes les
réclamations". Il est vraisemblable qu'il y aura, cette
fois-ci, des réclamations portant sur la constitutionnalité
du referendum. Le projet y répond dans une certaine mesure
en précisant qu'il faét interpréter le mot : "réclamations"
"dans le sens que lui donne la législation électorale" et
qu'il "vise exclusivement les protestations susceptibles
■d'être formulées à l'issue du scrutin contre les opérations
effectuées .. Mais il y a tout de même dans le texte :
"toutes les réclamations"..
En réalité, dans le chapitre VII de la loi
organique, il y a deux choses : l'organisation du referen-
dum et son déroulement. Dans la phase d’organisation, le
rôle du Conseil est consultatif ; dans la phase du
déroulement, il est juridictionnel. J& voudrais que cela
fût dit et que notre décision fût concentrée là-dessus.
On aurait pu déclarer, par exemple, au début de la
décision, que le chapitre VII se décomposait en deux
parties : les articles 46, 47 et 48 qui concernent
1'organisation du referendum dans laquelle le rôle du
Conseil est consultatif ; les articles 49, 50, 51 qui sont
relatifs au déroulement dans lequel le Conseil a un rôle
15 -
juridictionnel - en précisant bien que l’alinéa 1er de
l'article 50 ne peut être séparé de l'alinéa 2. Je
souhaiterais que l’on tire de cela une motivation. Au
Conseil d'Etat, on rédige pour des juristes ; nous, nous
rédigeons pour des profanes".
M, le Secrétaire Général demande si l’on ne
pourrait pas concevoir d’Insérer cette idée dans le
premier considérant en le modifiant.
M. Cassin croit que cette suggestion répond à la
pensée de M. le Président Coty.
, , Ht ,lt ^(aux) membres
du Conseil de faire connaître leur point de vue.
M, Gilbert Jules explique pourquoi il vote contre
le projet de décision : "Je vote contre, dit-il, car je
trouve inadmissible que le Parti Communiste français
puisse faire campagne et non le Parti Communiste réunionnai
Je vote contre iar le Conseil n’a aucun pouvoir : Si un
seul parti était admis à faire campagne, le Conseil ne
pourrait rien faire. Je vote contre car le Conseil d’Etat
est hostile à ce referendum et que celui-ci porte sur des
pouvoirs qui n'ont rien à voir avec l'Algérie.."
M. le Président Cotv répond ! "Monsieur Gilbert
Jules a parlé en politique. Je parle en juriste".
M. Gilbert Jules ajoute : "Même si le Conseil
Constitutionnel était unanime sur l’inconstitutionnalité
du referendum nous ne pourrions rien dire - à moire
d’annuler totalement le referendum".
M, lePrésldentLébn Noël observe que si un
seul parti était admis à falrecampagne, le Conseil
aurait le droit de formuler des observations.
M. Gilbert Jules répond qu’il ne pourrait pas
annuler $ que de toutes manières, la propagande est
faussée dès lors que les partis disposent a la Radio
- 16 -
de huit minutes de temps de parole et le Gouvernement de
tout le reste du temps.
M, Waline considère que la question n’est plus
entière dès lors que le Conseil a rendu la décision
Soustelle ; qu’en outre, le Parti Communiste réunionnais
pourra attaquer la décision du Gouvernement devant le
Conseil d’Etat.
s’agit plus que d’un problème de rêdaction.
M, Cassin précise qu’il a lu un commentaire de
M. Loïc Philip sur la décision Soustelle et que celM-ci
considère que le Conseil a été èn l'espèce trop timide (1).
"Mais, dit-il, sur le fond, aucune critique faite ne m’a
ému et je suis sûr que nous sommes sur la bonne voie".
Après une brève discussion, un projet de décision
^^(e)MA,..X£.JJLçrétaire. Général est adopté sous la forme
suivante :
"Considérant que les attributions du Conseil
Constitutionnel, telles qu’elles résultent des articles
46 et 47 de l’ordonnance portant loi organique du 7
novembre 1958, sont purement consultatives en ce qui
concerne l’organisation des opérations de referendum et
notamment l’établissement de la liste des organisations
habilitées à user des moyens officiels de propagande ;
?ue par contre, conformément aux dispositions de l’article
0 de ladite ordonnance, le rôle du Conseil a un
caractère juridictionnel en ce qui concerne le déroulement
des opérations de referendum ;
Considérant que si, à la vérité, en vertu de
l’alinéa 1er dudit article 50, "le Conseil Constitutionnel
examine et tranche définitivement toutes les réclamations",
ce dernier terme doit être entendu dans le sens que lui
donne la législation applicable en matière électorale et
vise exclusivement Ses protestations susceptibles d’être
Loïc PHILIP - Les attributions et le rôle du Conseil
Constitutionnel en matière d’élections et de referendums
L.G.D.J. 1962 p. 89 et sulv.
17
formulées à l'issue du scrutin contre les opérations
effectuées ; que cette interprétation s'impose en raison
notamment de la place assignée, dans le chapitre VII de
l'ordonnance, à la disposition en question ainsi
La séance est levée à 12 heures.
Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.