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CAVALLARO Perrine

SEANCE DU 17 MARS 1964

La séance est ouverte à 10 h. 30.

Tous les membres du Conseil sont présents.

En application de l'article 37 de la Constitution, le Conseil examine, sur rapport de M. CASSIN, le caractère législatif ou réglementaire des dispositions des articles 1er, 5, 6, 7 bis et 11 de l'ordonnance n° 59-273 du 4 février 1959 relative à la Radiodiffusion-Télévision française et de l'article 70 de la loi n° 61-1396 du 21 décembre 1961 portant loi de finances pour 1962.

M. CASSIN donne lecture du Rapport suivant


M. le Président Léon NOËL remercie M. CASSIN pour son rapport "si objectif et si intéressant" et il ouvre le débat.

M. CHENOT déclare qu’il a écouté M. le Rapporteur avec un "interet passionné" mais qu'il n'a pas été convaincu.

Il précise :

"1) En ce qui concerne les garanties fondamentales pour l'exercice des libertés publiques, M. CASSIN assimile la Radiodiffusion à la presse. Mais cette assimilation est impossible : la liberté de la Radio est impensable. Il est nécessaire de répartir les longueurs d'onde entre les Etats. L'utilisation de ces longueurs d'onde conduit à une situation de monopole qui exclut la liberté d'émission. Il n'existe qu'une liberté de réception.

2) D'autre part il ne s'agit pas ici de règles de création de catégories d'établissements publics. Si le Conseil Constitutionnel a considéré comme telle la règle de représentation des collectivités locales au sein du Conseil d'administration de la R.A.T.P., c'est sans doute parce qu’il a estimé que la libre administration des collectivités locales était en cause ...

J'avais pensé que la création du Conseil de surveillance pourrait avoir un caractère législatif. Mais cette idée ne peut être retenue dès lors que cet organisme n'a que des pouvoirs consultatifs.

Il s'agit en l'espèce de règles d'organisation d'un service public que la loi du 17 août 1948 considérait déjà comme ayant par nature un caractère réglementaire. Les sujétions particulières d'une entreprise de radiodiffusion (en particulier, usage de longueurs d'ondes déterminées) placent celle-ci dans une situation de service public. Les règles de fonctionnement de celui-ci, dès lors qu'il est pris en charge par l'Etat, relèvent du pouvoir réglementaire

M. WALINE estime que le caractère législatif des dispositions soumises au Conseil peut avoir deux fondements : il peut s'agit de garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ou de règles de création d'une catégorie d'établissements publics.


"Je souhaiterais, dit-il, porter l’accent sur le 1er cas, pour le second, il faut, comme disait Renan, solliciter doucement les textes pour considérer qu'il y a en l'espèce des règles portant création d'une catégorie d'établissements publics ; dans l'affaire de la R.A,T.P., la "libre administration des collectivités locales" était en cause. Le fondement des libertés publiques parait d'ailleurs suffisant...

A cet égard, je ne suis pas d'accord avec M. CHENOT : Le fait qu'il y ait un monopole n'exclut pas que les libertés publiques soient en jeu. Le monopole se justifie par des raisons techniques, en particulier la répartition nécessaire d'un nombre limité de longueurs d'onde, qui seraient susceptibles d'être utilisées par les premiers venus : le monopole existe précisément pour sauvegarder la liberté.

En outre une idée nouvelle s'est fait jour depuis 1789. La déclaration des droits proclame "la libre communication des pensées et des opinions". C'est la liberté d'expression. Mais il apparait aujourd'hui que le citoyen a en outre le droit d'être informé. On se place du côté de celui qui reçoit. Cette idée figure dans la dernière Encyclique de Jean XXIII. Je l'ai entendu exprimer également dans un colloque international à Barcelone ...

En conclusion, je souhaiterais que le Conseil fasse état dans la décision de ce droit à l'information. M. CHENOT aurait raison si la vieille conception de liberté de la presse était seule en question".

M. GILBERT-JULES n'est pas d'accord sur ce dernier point. "La question du droit à l'information, dit-il n'est pas en cause. Il s'agit de statuer sur un texte législatif qui a donné, à ce qui était alors un service d'un Ministère, la qualification d'établissement public et qui a organisé cet établissement en prévoyant que les directeurs seraient nommés en Conseil des Ministres etc...


Le principe du monopole a le caractère législatif. On a créé un monopole dans un domaine où la liberté était restreinte pour des raisons techniques. Les dispositions soumises au Conseil sont des règles constitutives d'une catégorie d'établissement public, catégorie particulière car le monopole y est nécessaire..

Je réponds à M. CHENOT que nous sommes en présence de quelque chose de tout à fait particulier. Il ne s'agit pas du fonctionnement normal d'un service public ordinaire. Bien sûr le Gouvernement a le pouvoir d'organiser les services publics. Mais le législateur a créé en l'espèce un établissement d'une nature spéciale. Les dispositions soumises au Conseil sont les règles constitutives d'une catégorie particulière qui touche aux libertés publiques. Le législateur a le droit de les établir ... Je suis tout prêt à considérer cependant que ces règles ne sont pas inséparables, sinon le Gouvernement ne pourrait plus rien faire..”

M. MICHARD-PELLISSIER déclare se rallier à la thèse de M. CHENOT

M. GILBERT-JULES estime que parmi les règles constitutives figure la règle de création d’un monopole.

M. CHENOT précise qu'il est d'accord avec M. GILBERT-JULES sur ce point : "Pour créer un monopole, il faut une loi.

Cependant le Conseil d'Etat a admis que le Gouvernement pouvait soumettre certaines activités privées à des obligations propres aux services publics telles que la continuité, l’égal accès du public etc... Il l'a affirmé en particulier dans deux arrêts, rendus sur mes conclusions Cie Maritime de l’Afrique Orientale et Sté Radio-Atlantique (1)".

(1) CE. 5 mai 1944. Cie maritime de l'Afrique Orientale p. 129 (S. 1945. III. 15, concl. Chenot - RDP. 1944.236 - note Jèze)
CE. 6 février 1948 - Sté Radio Atlantique p. 65. (RDP. 1948, 244, concl. Chenot. note Jèze).
cf. Auby et Drago. Traité de Contentieux administratif. T.I p. 356



M. GILBERT-JULES répond : "Ce n'est pas du tout la question. Il ne s'agît pas d'imposer à un organisme privé les règles des services publics. Il s'agit de créer un établissement public et de savoir si les règles de création ont un caractère législatif ou réglementaire".

M. MICHELET déclare : "Nous ne pouvons pas dire que le droit à l'information est dans la Constitution ; il n'y est pas. Si nous affirmons l'existence de ce droit, cela pourrait contraindre à donner la parole à Salan après un discours du Général de Gaulle.."

M. CHENOT estime que le droit à l'information c'est le droit d'écouter une émission sans risque d'aller en prison.

M. MICHELET croit que les pouvoirs publics sont dépourvus de moyens de s'exprimer. Il est "tenté" par la thèse de M. CHENOT. 

M. GILBERT-JULES déclare qu'il ne considère que le caractère réglementaire ou législatif des dispositions examinées.

M. CASSIN rappelle que sous la pression de l'opinion publique, des émissions religieuses et franc-maçonnes ont été diffusées. "Le droit à l’information dit-il est donc ressenti comme existant. Cependant, pour répondre à M. MICHELET il est évident que s'il y avait une émeute, le Gouvernement n'aurait pas la naïveté de donner la parole à l'émeutier.

Je suis d'accord avec M. WALINE : C'est la liberté qui est le fondement essentiel. La Radio ou la presse sont des moyens. Ce qui compte c'est la liberté. Le Gouvernement déclare dans sa note qu'aucun texte n'a jamais institué au profit des citoyens de garantie fondamentale limitant les pouvoirs de l'Etat dans l'exploitation de la Radiodiffusion. C'est là un raisonnement insensé. Le Parlement n'a pas perdu ses attributions du fait qu'il ne les aurait pas exercées. On ne peut pas laisser au Gouvernement le pouvoir de tout faire. Ainsi que l'observait M. GILBERT-JULES, il ne convient pas de mettre les dispositions de détail dans le domaine législatif. Mais celui qui doit décider sur l'essentiel, c'est le Parlement.


M. le Président Léon NOËL propose de voter sur le sens de la décision proposée par M. le Rapporteur à savoir que l'ensemble des dispositions soumises au Conseil par le Premier Ministre n'a pas d'une manière générale le caractère réglementaire. Il propose au Conseil d'étudier ultérieurement chacune des dispositions afin de décider si certaines n'ont pas néanmoins ce caractère.

Par 6 voix contre 3 (M. MICHELET, M. CHENOT, M. MICHARD-PELLISSIER) le Conseil décide que l'ensemble des textes n'a pas le caractère réglementaire.

La séance levée à 12 h. 45 est reprise à 15 h. 30.

M. le Président Léon NOËL propose de passer en revue successivement les différents textes relatifs à la Radiodiffusion qui ont été soumis au Conseil.

M. CASSIN, rapporteur, cite le premier de ces textes l'article 1er al. 1er, première phrase de l'ordonnance n° 59-273 du 4 février 1959, ainsi conçue : "La Radiodiffusion Télévision française est placée sous l'autorité du Ministre chargé de l’information ..."

Il rappelle qu'un établissement public peut être très autonome ou être placé sous l'autorité d'un Ministre. Le texte cité lui parait de caractère législatif comme touchant à l'organisation de l'établissement.

M. le Président Léon NOËL propose de dire que la disposition est législative en tant qu'elle place la RTF sous l'autorité d'un Ministre et réglementaire en tant qu'il s'agit du Ministre chargé de l'Information.

M. WALINE croit que c'est une erreur d'avoir prévu que la R.T.F. était placée sous l'autorité d'un ministre. "L'autonomie, dit-il, est contradictoire avec l'autorité .. Pour la S.N.C.F., on parlait de ministère de tutelle... Je me rallie à la position de M. CASSIN. Les intentions du Gouvernement sont sans doute bonnes ; mais la question est de savoir si le texte est législatif ou réglementaire ; si nous 


disons qu'il a le caractère réglementaire, un autre gouvernement pourra demain modifier les conditions de tutelle de la Radio ; si nous disons qu'il a le caractère législatif, l'autonomie de la Radio sera sous la protection du Parlement ..

Le rattachement au Gouvernement ne doit pas impliquer d'ailleurs qu'elle est sous l'autorité de celui-ci ou alors il faut renoncer à lui donner le statut d'établissement public. Que l'on dise franchement alors qu'il s'agit d'une Direction du Ministère de l'information ! ..."

Le Conseil décide que la disposition est législative en tant qu'elle place la RTF sous l'autorité du Gouvernement réglementaire en tant que le Ministre de rattachement est le Ministre de l'Information.

M. CASSIN cite ensuite les 2 premiers alinéas de l'article 5 de la même ordonnance : "Le Directeur général de la Radiodiffusion-Télévision française exerce son autorité avec les prérogatives qui lui sont conférées et dans les conditions prévues par le décret n° 58-1160 du 3 décembre 1958.

Il est assisté d'un directeur général adjoint et de directeurs à la Radiodiffusion-Télévision française nommés par décrets en Conseil des Ministres".

"On sait, dit M. CASSIN, que les pouvoirs des directeurs sont différents selon qu'il existe ou non un Conseil d'Administration. L'organisation supérieure de l'établissement est en cause. Il ne peut y avoir de réorganisation de la R.T.F. sans que les prérogatives du Ministre et des directeurs soient précisées.

M. MICHARD-PELLISSIER considère qu'il y a là une conclusion excessive. "Il ne s'agit là, dit-il, que d'une structure administrative. Ce n'est pas une règle essentielle. Jamais le Conseil n'est allé aussi loin dans cette voie. Nous sommes très éloignés de la composition du Conseil d'Administration de la RATP".


M. le Président Léon NOËL demande s'il n'y aurait pas lieu de faire une distinction entre le Directeur général et le Directeur général adjoint.

M. CASSIN observe que "le lien est créé par le texte qui prévoit que tous ces personnages sont nommés en Conseil des Ministres. Il s'agit du sommet de la hiérarchie les règles qui l'organisent sont des règles constitutives. Il faut regarder les réalités : si on crée un Conseil d’administration, les attributions des Directeurs seront modifiées".

M. CHENOT déclare que si les attributions des Directeurs ont un caractère législatif, il aimerait savoir ce qui est réglementaire : il demande si c'est le statut du garçon d'ascenseur.

M. GILBERT-JULES constate que l'ordonnance prévoit seulement que les directeurs sont nommés en Conseil des Ministres et qu'il n'est pas choquant que cette disposition ait un caractère législatif.

M. CASSIN rappelle que le Gouvernement déclare dans sa note que les dispositions de l'al. 1er de l'article 5 déterminent l'étendue des pouvoirs du Directeur général en fonction de considérations purement techniques.. "En réalité dit-il, le Directeur général a des décisions politiques à prendre tous les jours ; or cela touche à la liberté".

M. CHENOT demande : "Liberté de quoi ? ... Le lecteur a, dit-il, le droit de lire ce qui parait, de même que l'auditeur a le droit d'écouter ce qu'on lui donne"..

M. le Président Léon NOËL observe que la différence c'est qu'il y a, dans le second cas, un monopole.

"Je suis frappé, dit-il, par cet argument que le Directeur et le directeur-adjoint sont également nommés en Conseil des Ministres. Cependant il y a une distinction possible : la nomination du directeur adjoint est moins importante et pourrait avoir le caractère réglementaire".


M. CASSIN croit qu'il serait théorique de décomposer les dispositions relatives à la direction supérieure en éléments réglementaires et en éléments législatifs. "Il ne faut pas, dit-il décomposer".

Le Conseil adopte le point de vue de M. le Président Léon NOËL.

M. MICHARD-PELLISSIER constate que la ligne de démarcation des domaines législatif et réglementaire passe entre les deux nominations.

M. CASSIN rappelle que M. JANOT avait démissionné parce qu’on avait mis fin aux fonctions du Directeur général adjoint. "Il y a, dit-il, un lien direct entre les deux postes".

M. le Président Léon NOËL propose au Conseil de voter à nouveau sur l'article 5.

Par 6 voix contre 3, le Conseil décide que l'ensemble du texte a le caractère législatif.

M. MICHARD-PELLISSIER s'étonne que la disposition relative aux directeurs ait également ce caractère.

M. CHENOT ne voit pas "en quoi un texte prévoyant une nomination en Conseil des Ministres peut avoir un caractère législatif".

M. CASSIN précise que le 4e al. de l'article 6 - qui est relatif aux attributions des services, a, selon lui, le caractère réglementaire, bien qu'il ait pensé lors de l'élaboration de son rapport qu'il avait le caractère législatif.

Ce texte est ainsi conçu : "Dans le cadre des mesures de réorganisation immédiatement nécessaires, le directeur général, sous réserve d'approbation par le Ministre chargé de l'Information, arrête le plan d'organisation et d'exploitation des services. Pour l'exécution de ce plan, il affecte les membres du personnel, quel que soit leur statut au regard des alinéas 1er et 2 du présent article, aux différents emplois ou fonctions".


M. CASSIN précise qu'il avait cru d'abord que les garanties des fonctionnaires étaient en cause mais qu'il pense en définitive que le texte a le caractère réglementaire.

M. MICHELET déclare que quant à lui tout lui parait réglementaire depuis le début.

Le Conseil décide que l'article 6, al. 4 a le caractère réglementaire.

M. CASSIN cite le texte de l'article 7 bis :

"Il est institué auprès du Ministre de l'Information un Conseil de surveillance chargé de suivre et d'apprécier, de façon permanente, le fonctionnement administratif, financier et technique de la radiodiffusion- télévision française.

"Ce Conseil donne notamment son avis sur tous les actes de l'établissement soumis à approbation de l'autorité de tutelle.

"Il étudie pour avis toutes questions intéressant directement ou indirectement la radiodiffusion-télévision française qui lui sont soumises par le Ministre de l'Information ou par son président à la demande d'un de ses membres.

"Un décret, pris sur le rapport du Ministre de l'Information, fixera la composition et les modalités de fonctionnement de ce Conseil qui comprendra obligatoirement une représentation du Parlement."

M. le Rapporteur observe que ce Conseil de surveillance n'est que consultatif mais que des organes importants sont consultatifs ; il rappelle qu'il en était ainsi de l'Assemblée Consultative d'Alger. "Ce Conseil, dit-il, était à l'origine dans la main du Ministre mais en 1961 on y a introduit des personnes extérieures. Il a donc une certaine indépendance. Etant donné que peu d'autres garanties existent, je crois que son existence a le caractère législatif".


M. CHENOT déclare : "s'il s'était agi d'un organe de décision, j'aurais dit que son existence avait le caractère législatif. Vous savez qu'il suffit d'une décision ministérielle pour créer un organe consultatif".

M. GILBERT-JULES répond qu'en l'espèce c'est le législateur qui a créé cet organe.

M. CHENOT réplique que l'origine de la règle n'a pas d'influence sur sa nature.

M. CASSIN demande si le Conseil d'Etat, dans son rôle consultatif, ne constitue pas une garantie.

M. CHENOT répond que le public ne connaît pas ses avis.

M. le Président Léon NOËL précise : "Autrefois il en était ainsi".

M. GILBERT-JULES demande pourquoi on prévoit que des décrets seront pris en Conseil d'Etat si celui-ci ne constitue pas une garantie.

M. CASSIN rappelle que les textes doivent dans certains cas être pris conformément à l'avis.

M. MICHARD-PELLISSIER répond qu'il ne s'agit pas du Conseil d'Etat mais d'un organe consultatif auprès d'un Ministre.

M. GILBERT-JULES observe qu'il s'agit d'un Conseil de surveillance.

M. le Président Léon NOËL déclare : "Si le Conseil décide que la disposition a le caractère législatif le Gouvernement insérera dans non projet de loi la création d'un Conseil d'Administration. Ce sera plus sérieux. De toutes façons le Parlement aurait débattu de la R.T.F. ; il vaut mieux que ce soit sur un projet de loi, dans l'intérêt même du Gouvernement : Celui-ci est beaucoup plus maître des débats lorsqu'ils portent sur un texte."


M. CASSIN estime que ce serait très grave de "déclarer que tous les organes consultatifs, sauf le Conseil d'Etat, ne constituent pas des garanties des libertés".

M. MICHELET croit que cet argument a une valeur morale mais qu'il n'est pas juridique.

M. le Président Léon NOËL rappelle que la décision doit être une décision d'espèce.

M. MICHARD-PELLISSIER déclare : "je parlais de ce Conseil, pas des autres.. Pouvons nous dire qu'il constitue une garantie fondamentale ?"

M. GILBERT-JULES précise qu'il s'agit des règles concernant les garanties fondamentales.. Il ajoute que si la disposition a le caractère réglementaire, le Gouvernement pourra supprimer, quand il le voudra, le Conseil de surveillance.

M. CHENOT croit que "le contrôle des garanties des libertés c'est le contrôle du Parlement sur le Gouvernement exerçant ses attributions".

M. le Président Léon NOËL demande à M. le Secrétaire général de faire connaître son opinion.

M. de LAMOTHE-DREUZY observe que de nombreux Comités consultatifs - le Conseil Supérieur de l'Education Nationale par exemple - touchent aux libertés. "Faut-il en conclure que leur existence a un caractère législatif ?".

M. GILBERT-JULES rappelle que la R.T.F. constitue un établissement spécial et que la décision du Conseil ne devra pas être considérée comme un précédent.

M. MICHELET estime que si le Gouvernement supprimait le Conseil de Surveillance, le Parlement pourrait voter une motion de censure.

M. GILBERT-JULES est sceptique.

M. WALINE observe que le Parlement n'est pas toujours en session. Il déclare qu'il a été impressionné par l'argument de M. de LAMOTHE-DREUZY et que si l'on peut déduire de la décision rendue que le Conseil supérieur de l'Education Nationale peut être supprimé par décret, il faut affirmer que l'existence du Conseil de Surveillance


de la R.T.F. a le caractère législatif.

M. CASSIN déclare qu’il maintient sa proposition en souhaitant qu'elle ne fasse pas précédent.

M. le Président Léon NOËL propose au Conseil de voter sur le caractère législatif de l'article 5 de l'ordonnance n° 59-273 du 4 février 1959 ainsi que l'article 70 de la loi n° 61-1396 du 21 décembre 1961 - qui est connexe et qui est ansi conçu : "la représentation du Parlement au Conseil de surveillance de la radiodiffusion- télévision française comprend, outre les rapporteurs généraux des commissions des finances des deux Assemblées, quatre députés et deux sénateurs, parmi lesquels figurera au moins un représentant de chacune des commissions char- gées des affaires culturelles à l'Assemblée Nationale et au Sénat".

Le Conseil déclare ce caractère législatif par 6 voix contre 3.

M. CASSIN donne lecture de l'article ll de l’ordonnance du 4 février 1959 :

"L'établissement reste soumis au contrôle financier actuellement en vigueur. Les modalités de ce contrôle seront, en tant que de besoin, aménagées par arrêté conjoint du Ministre des finances et des affaires économiques et du Ministre de l'Information".

M. le Rapporteur explique que le Gouvernement se propose de substituer à un contrôle a priori, un contrôle a posteriori. "Mais, dit-il, nous n'avons pas à savoir ce qu'il veut faire. Je ne crois pas que le contrôle financier puisse être supprimé par décret".

M. le Président Léon NOËL estime que "les modalités de contrôle" sont dans le domaine réglementaire.

M. GILBERT-JULES considère que la 1ère phrase a le caractère législatif car le Parlement a le droit de dire : telle catégorie d'établissements publics est soumise au


contrôle a priori telle autre au contrôle a posteriori ; mais que la 2e phrase a le caractère réglementaire.

Le Conseil adopte ce point de vue.

M. le Président Léon NOËL propose au Conseil d’examiner le projet de décision remanié, au cours d'une séance qui aurait lieu le 19 mars et de passer à l'examen de la seconde affaire inscrite à l'ordre du jour.


M. le Président Léon NOËL rappelle que le Conseil est saisi, sur la base de l'article 37, des dispositions de l'article 5 (1° - 4e al) de l'ordonnance n° 58-966 du 16 octobre 1958 relative à diverses dispositions concernant le Trésor.

Ces dispositions sont les suivantes : Les caisses de crédit mutuel visées à l'alinéa 1er dudit article "doivent constituer entre elles des caisses départementales ou interdépartementales. Celles-ci sont affiliées sur le plan national à un même établissement inscrit sur la liste des banques".

Le rapporteur est M. CHENOT.

Celui-ci précise d'abord que le Conseil Constitutionnel est saisi parce que le Conseil d'Etat n'a pas cru pouvoir examiner un projet de décret modifiant l'article 5 en question. L'avis du Conseil d'Etat en date du 17 décembre 1963 est ainsi conçu :

"Le Conseil d'Etat saisi d'un projet de décret relatif au crédit mutuel transmis le 4 novembre 1963 par M. le Secrétaire Général du Gouvernement n'a pas cru pouvoir donner en l'état un avis favorable audit projet.

Ce projet tend à modifier l'article 5 de l'ordonnance n° 58-966 du 16 octobre 1958 relative à diverses dispositions concernant le trésor qui est intervenue après la promulgation de la Constitution. Or, l'article 37, 2° de celle-ci dispose que les textes de forme législative qui interviendraient après l'entrée en vigueur de la Constitution ne pourront être modifiés par décret que si le Conseil Constitutionnel a déclaré qu'ils ont un caractère réglementaire. L'ordonnance du 16 octobre 1958, prise en vertu de la loi du 3 juin 1958 relative aux pleins pouvoirs et ratifiée par une ordonnance législative du 5 décembre 1958, doit être regardée comme un texte de forme législative. D'autre part, si les articles 91 et 92 ont prévu une période transitoire de quatre mois pour la mise en place des institutions de la République, et pour l'exercice par le Gouvernement de pouvoirs exceptionnels, ces articles n'ont pas fait obstacle à l'entrée en vigueur dès la promulgation de la Constitution de celles de ses dispositions qui étaient immédiatement applicables, et notamment de ses articles 34 et 37. C'est dans ces conditions que le Conseil Constitutionnel a été amené à déclarer à plusieurs reprises, en vue de


leur modification par décret que des dispositions d'ordonnances intervenues au cours de la période de quatre mois susmentionnée, avaient ou non un caractère réglementaire.

Le Conseil d'Etat a, dès lors, estimé, qu'il ne pourrait examiner le projet de décret qui lui est soumis qu'au vu d'une délibération du Conseil Constitutionnel déclarant le caractère réglementaire de la disposition de l'ordonnance du 16 octobre 1958 que le projet se propose de modifier.

Cette note a été délibérée et adoptée par le Conseil d'Etat dans sa séance ordinaire du 17 décembre 1963".

M. CHENOT poursuit : (1)

"L'ordonnance du 16 octobre 1958 modifie les lois du 2 décembre 1945 et du 17 mai 1946 sur l'organisation du Crédit et la nationalisation de certaines banques en même temps que les lois de Vichy - maintenues en vigueur - des 13 et 14 juin 1941 relatives à la réglementation et à l'organisation des professions se rattachant à la profession de banquier.

L'article 5 de l'ordonnance vise certaines caisses de crédit mutuel agricole : celles qui ne sont régies ni par le Livre V du Code Rural ni par des lois particulières prévoyant un contrôle direct de l’Etat. Elles sont soumises à la loi du 10 septembre 1947 portant statut général de la coopération (BLD p. 847) puisqu'elles assument, selon l'article 1er de cette loi, "les fonctions d'intermédiaires", en l'espèce de banquiers, "dont la rémunération grèverait le prix de revient". Il s’agit de coopératives faisant des opérations de banque.

L’article 5 rappelle qu'elles ont exclusivement pour objet le crédit mutuel et ne peuvent accorder dé crédit ou de prêt qu’à leurs seuls sociétaires. Il déclare qu'elles sont considérées comme banques à statut légal pour l'application de l'article 1er de la loi du 13 juin 1941 précitée sur la profession bancaire, c'est à dire qu'elles sont placées comme toutes les banques - sous le contrôle direct ou indirect de l'Etat.

On arrive ainsi au 4e et dernier alinéa du 1° de l'article 5 - seul texte dont nous soyons saisis - qui fixe certaines des modalités selon lesquelles va s'exercer ce contrôle :

(1) Le texte figurant dans le présent ccompte-rendu constitue le rapport intégral de M. CHENOT (dont le manuscrit figure dans le dossier). 

- constitution de caisses départementales ou interdépartementales

- affiliation de ces caisses sur le plan national à un même établissement inscrit sur la liste des banques.

L'inscription sur la liste des banques est en effet l'une des conditions légales de l'exercice de la profession et la première modalité de l'assujettissement aux règles de contrôle.

Avant de statuer sur la nature juridique de la disposition qui nous est soumise, nous devons toutefois examiner une question préalable, de compétence, qui est posée par la nature même de l'ordonnance de 1958 où cette disposition est incluse ... Question évoquée et tranchée par la note du Conseil d'Etat, qui n'en reste pas moins délicate ...

L'ordonnance du 16 octobre 1958 est en effet une ordonnance prise sur la base de la loi du 3 juin 1958 relative aux pleins pouvoirs - loi qui a accordé au Gouvernement le pouvoir de prendre par décrets en Conseil des Ministres (décrets dénommés ordonnances par l'article 1er), les dispositions jugées nécessaires au redressement de la Nation, en abrogeant, modifiant ou remplaçant, s'il y a lieu, les dispositions législatives en vigueur.

Ces textes sont donc tout à fait analogues à ceux que divers Gouvernements de la IVe République ont été habitués à prendre, notamment M. LANIEL et M. MENDES-FRANCE en vertu des lois des 11 juillet 1953 et 14 août 1954 ; analogues aussi aux textes que depuis Poincaré, maints gouvernements de la Ille République ont pris de 1926 à 1939 et que le Conseil d'Etat appelait "décrets pris en matière législative", réservant l'appellation de décrets lois aux actes législatifs pris en forme de décrets pendant les périodes impériales.

Ces textes, considérés en eux-mêmes, restent des actes du pouvoir exécutif. Ils ne changent pas de nature et demeurent, à ce titre, soumis à l'exercice du recours pour excès de pouvoir. C’était là une jurisprudence constante du Conseil d’Etat sous la Ille et sous la IVe République :


Ex. sous la Ille République :

Syndicat National des épiciers en détail - 30 mai 1930 (S. 31 III. 73)

Union des véhicules industriels - 25 juin 1937 (Rec. P. 619 - S. 37. III. 97)

Ex. sous la IVe République :

Jaujard, 7 mars 1947 (Rec. p. 103)

Sté. Etabl. Charlionais et Cie. 25 janv. 1957 (Rec. p. 54)

Toutefois ces décrets devaient être déposés dans un certain délai, au Parlement pour ratification. Si la ratification intervenait, le décret devenait loi, le recours n'était plus recevable. 

Or l'ordonnance en cause du 16 octobre 1958, postérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1958, a été ratifiée par une ordonnance du 5 décembre 1958. Cette seconde ordonnance est une ordonnance législative prise en application de l'article 92 de la Constitution, qui autorise expressément le Gouvernement à prendre pendant une période de 4 mois, par ordonnances ayant force de loi, en toutes matières, les mesures qu'il jugerait nécessaires à la vie de la Nation, à la protection des citoyens ou à la sauvegarde des libertés. Toutefois l'ordonnance loi du 5 décembre 1958, en ratifiant les ordonnances-décrets prises en vertu de la loi du 3 juin 1958, précise que celles-ci n'auront force de loi qu'en celles de leurs dispositions qui portent sur des matières énumérées à l'article 34 de la Constitution, c'est à dire des matières relevant du domaine législatif dans le cadre de cette Constitution.

Quelle est la situation juridique ainsi créée ? Quelles sont les conséquences dé cette ratification ?

La question est importante ; le Conseil Constitutionnel n'est compétent pour statuer sur le caractère législatif ou réglementaire des dispositions qui lui sont soumises en application de l'article 37 al. 2 de la Constitution que si celles-ci font l'objet de textes de forme législative intervenues après l'entrée en vigueur de la Constitution.


En l'espèce, textes intervenus après l'entrée en vigueur : sûrement ; mais s'agit-il de "textes de forme législative" ?

On peut s'arrêter à une objection : Le second alinéa de l'ordonnance du 5 décembre 1958 dispose - nous l'avons vu - que les ordonnances ainsi ratifiées n'ont force de loi qu'en celles de leurs dispositions qui portent sur des matières énumérées à l'article 34 de la Constitution. Si tel n'était pas le cas de la disposition qui nous est soumise (art. 5, 1°, 4e al; le Conseil Constitutionnel, ne serait pas compétent pour se prononcer. A vrai dire, cette objection conduirait à une situation un peu paradoxale. Nous devrions d'abord examiner le caractère de la disposition en cause et nous prononcer sur ce point, avant de déclarer le cas échéant que nous ne sommes pas compétents pour le faire.

En vérité, si nous opérions de cette façon, nous confondrions deux questions qui sont logiquement demeurées distinctes malgré l'entrée en vigueur de la Constitution de 1958 : 

1) la forme législative du texte ;

2) le caractère législatif ou réglementaire des dispositions qu'il contient.

1ère question. La ratification par une ordonnance- loi a le même effet qu'une ratification faite par le Parlement - en la forme d'une loi ordinaire - sous la Ille, la IVe ou la Ve République.

Cet effet juridique de la ratification par le Parlement, le Conseil d'Etat l'a précisé dans une jurisprudence constante : C'est assimiler le décret à une loi, de telle sorte qu'il ne peut plus être déféré au Conseil d'Etat par la voie d'un recours cortentieux. Sous la IVe République, la jurisprudence a même considéré que la modification de certaines dispositions d'un décret par la voie législative valait ratification implicite et interdisait de discuter par la voie contentieuse, la légalité du décret (Sté Etablissements Charlionnais et Cie - 25 janvier 1957).

Un arrêt rendu sous le régime de la Constitution de 1946 précise : "Si le décret a été validé ... cette validation


a eu pour effet de faire obstacle à ce que la légalité de cet acte réglementaire peut être discutée devant la juridiction administrative". (Syndicat des chirurgiens dentistes de la Seine. 18 avril 1958. Rec. p. 219) et un arrêt statuant sur une ratification par une ordonnance loi sous le régime de la Constitution de 1958, constate qu'elle "a eu pour effet de valider toutes les prescriptions du décret attaqué ; que, dès lors, aucunes de ces prescriptions n'est plus susceptible d'être discutée par la voie contentieuse".

2ème question. S'ensuit-il que toutes les dispositions du décret ratifié ont force législative ? Certainement non, pas plus que toutes les prescriptions d'une loi... Le Conseil d'Etat a fort bien vu qu'il y avait là une question différente - aussi bien sous la Constitution de 1946, après le partage des matières législative et réglementaire réalisé par la loi du 17 août 1948 que sous le régime de 1958 après le partage qu'opère l'article 34.

Les formules de la jurisprudence sont assez embarassées, assez ambiguës dans l'arrêt précité "Chirurgiens-dentistes de la Seine", rendu sous le régime de 1946 - puisqu'après avoir exclu le recours contentieux, l'arrêt indique que le décret ratifié n'a pas acquis "le caractère d'une disposition législative et que l'autorité investie du pouvoir réglementaire est demeurée compétente pour le modifier". La rédaction est beaucoup plus nette pour les mesures prises depuis 1958 parce que la Constitution est plus nette : Le décret pris dans son ensemble ne peut plus être discuté par la voie contentieuse mais puisqu'en vertu de l'ordonnance de ratification "lesdits décrets n'auront force de loi qu'en celles de leurs dispositions qui portent sur les matières énumérées à l'article 34 de la Constitution", par suite, "les dispositions portant sur des matières relevant dudit article 34 ne peuvent être modifiées que par le législateur alors que les autres dispositions peuvent l'être par voie réglementaire". (Orner Decugis - 15 juillet 1960).

La situation s'éclaire si l'on considère que dans la Constitution actuelle, en vertu des dispositions formelles de l'article 37, al. 2, une autorité et une seule est investie du pouvoir de déclarer le caractère réglementaire de dispositions insérées dans des textes de forme législative intervenues après


l'entrée en vigueur de la Constitution, c'est le Conseil Constitutionnel.

Tout parait net : Nous sommes en présence d'un décret ratifié par une ordonnance-loi, qui a donc pris une forme législative et qui n'est pas susceptible d'être attaqué par un recours contentieux. Il est possible que certaines de ses dispositions n'aient pas force législative mais il appartient au seul Conseil Constitutionnel de le dire ; le Conseil d'Etat ne se reconnaît pas compétent pour le faire ni au Contentieux ni dans ses formations administratives ; c'est le sens de la note de la Section des Finances qui est à l'origine de l'affaire.

Si le Conseil Constitutionnel déclassait certaines dispositions rien ne s'opposerait, je pense et réserve faite du problème des délais, à ce qu'un recours contentieux fut recevable - mais la question n'a pas été jugée et ne nous est pas posée.

Je propose donc de reconnaître implicitement notre compétence pour examiner la nature des dispositions incluses dans l'ordonnance-décret du 16 octobre 1958 qui nous sont déférées.

Le problème de fond est simple.

Quel est l'objet de l'article 5 (1° - 4e al,) de l'ordonnance ? Imposer certaines obligations aux Caisses de crédit mutuel agicole de façon à ce qu'elles soient soumises au contrôle général des banques. Le procédé employé, c'est la constitution d'organismes départementaux et interdépartementaux et l'affiliation de ces organismes à un établissement inscrit sur la liste des banques.

Le Gouvernement a l'intention d'y substituer un autre procédé, à savoir d'instituer une Caisse Centrale de Crédit mutuel qui serait l'instrument de contrôle de la Confédération Nationale de Crédit mutuel. Peu importe d'ailleurs

Il est certain que les lois précitées de 1941, 1945 et 1946 ont créé un cadre législatif qui limite strictement la liberté d'action de tous les organismes se livrant à des opérations bancaires et donne au Gouvernement une mission de contrôle avec de très larges pouvoirs de réglementation.


La disposition qui nous est soumise se borne à faire application de ces pouvoirs dans un cas particulier - celui de certaines caisses de crédit mutuel agricole. Par sa nature, elle est réglementaire. 

Quant à l'objection tirée de ce que la violation de la règle ainsi édictée serait passible des sanctions correctionnelles prévues aux articles 19 et suivants de la loi du 13 juin 1941, elle ne me parait pas valable. Nous n'avons pas à nous demander si ces sanctions correctionnelles seraient, le cas échéant, applicables à de nouvelles dispositions édictées par décret, La question ne nous est pas posée et ne peut pas nous être posée, elle relève de l'appréciation des tribunaux répressifs ; elle pourrait être posée au Conseil d'Etat sous forme de demande d’avis. Elle ne l’est pas aujourd'hui au Conseil Constitutionnel qui n'a pas à dire si les dispositions édictant des sanctions sont ici de caractère législatif (ce qui me parait certain) ou réglementaire, ni si elles sont applicables. Notre rôle se borne à considérer en elles-même les dispositions qui nous sont soumises, à apprécier leur nature et celle-ci ne varie pas en fonction des sanctions qui pourraient être applicables en vertu d'autres textes, dont nous n'avons pas, pour le moment du moins, à connaître.

Je propose donc de reconnaitre implicitement notre compétence en affirmant le caractère règlementaire de l'article 5, 1°, 4e alinéa de l'ordonnance du 16 octobre 1958.

M. le Président Léon NOËL remercie M. CHENOT pour son rapport qui lui a rappelé les conclusions d'un grand Commissaire du gouvernement.

M. GILBERT-JULES admet que le Conseil est compétent mais estime qu'en droit pur il ne/serait pas car les dispositions en question n'ayant pas le caractère législatif n'ont pu être ratifiées et n’ont donc pas la forme législative.

M. CHENOT croit qu'il s'agit, dans la formule de l'ordonnance de ratification, d'un simple rappel de l'article 34


M. CHENOT donne lecture d'un projet de décision ainsi rédigé :

Considérant que, si l'ordonnance du 16 octobre 1958 relative à diverses dispositions concernant le Trésor a été ratifiée par l'ordonnance du 5 décembre 1958, prise en application de l'article 92 de la Constitution, les ordonnances ainsi ratifiées n'ont force de loi, comme le rappelle d'ailleurs l'article 1er de ladite ordonnance du 5 décembre 1958, qu'en celles de leurs dispositions qui portent sur les matières énumérées à l'article 34 de la Constitution ; que, par suite, l'autorité investie du pouvoir réglementaire est compétente pour modifier ces textes quand le Conseil Constitutionnel déclare dans les conditions prévues à l'article 37 de la Constitution qu'ils ont caractère réglementaire.

Considérant que l'article 5 - 1° -  4ème alinéa de l'ordonnance précitée du 16 octobre 1958 a pour objet d'imposer aux caisses de crédit mutuel "autres que celles régies par le livre V du code rural ou par les lois particulières comportant un contrôle de l'Etat "l'obligation de constituer entre elles des caisses départementales ou interdépartementales affiliées, sur le plan national, à un même établissement inscrit sur la liste des banques ; que cette disposition se borne à fixer les modalités d'adaptation, en ce cas particulier, des principes édictés par l'article 1er de la loi du 13 juin 1941 relative à la réglementation et à l'organisation de la profession bancaire et par les articles 4 et 14 de la loi du 2 décembre 1945 relative à la nationalisation de la Banque de France et des grandes banques et à l'organisation du crédit ; qu'elle ne porte atteinte, ni aux règles concernant les garanties fondamentales pour l'exercice des libertés publiques, ni à celles concernant les nationalisations d'entreprises, ni aux principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales qui doivent être appréciés dans les limites fixées par les lois des 13 juin 1941 et 2 décembre 1945 susrappelées ; qu'enfin, le fait que les peines correctionnelles prévues aux articles 19 et suivants de la loi du 13 juin 1941 sanctionneraient éventuellement la méconnaissance des règles édictées par les dispositions de l'article 5 - 1° -  4ème alinéa de l'ordonnance du 16 octobre 1958, n'est pas de nature à modifier le caractère de ces dispositions, qui ne mettent en cause aucune des règles ni aucun des principes fondamentaux que l'article 34 de la Constitution a placés dans le domaine de la loi.



M. GILBERT-JULES n'est pas d'accord sur le 1er considérant : "Vous ne dites pas que le texte a une forme législative. D'autre part l'ordonnance-loi n'a pas ratifié ce qui est réglementaire".

M. CHENOT répond que la ratification vaut pour le tout.

M. GILBERT-JULES estime qu'il ne faut pas dire que l'ordonnance a force de loi. "Cela, dit-il, n'a pas d'intérêt pour nous. Ce qu'il faut constater c'est que le texte est ratifié et a donc forme législative ; si vous parlez de force de loi, vous troublez."

M. WALINE et M. MICHARD-PELLISSIER approuvent.

M. GILBERT-JULES donne lecture du projet du 1er considérant suivant qui est adopté :

Considérant que l'ordonnance du 16 octobre 1958, relative à diverses dispositions concernant le Trésor, a été ratifiée par l'ordonnance du 5 décembre 1958, prise en application de l'article 92 de la Constitution, qui lui a ainsi conféré forme législative ; que, par suite, l'autorité investie du pouvoir réglementaire est compétente pour modifier celles des dispositions de ce texte auxquelles le Conseil Constitutionnel aura, dans les conditions prévues à l'article 37 de la Constitution, reconnu un caractère réglementaire ;

Sur proposition de M. GILBERT-JULES, le 2e considérant est modifié par l'insertion de la formule déjà utilisée dans des décisions précédentes : "limites de portée générale tracées par la législation antérieure à la Constitution"

L'ensemble du texte est adopté.

Sur rapport de M. MICHELET et après un très bref débat, le Conseil constate la déchéance de sa qualité de parlementaire de M. LENORMAND, député.

M. le Président Léon NOËL donne lecture d'une lettre de M. LENORMAND demandant à être entendu par le Conseil ; Cette démarche paraissant inutile, il est décidé que M. le Président Léon NOËL répondra à l'intéressé.

La séance est levée à 18 h. 10.


< cette décision contient uen annexe >

Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.