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Maxence Hammann
PV1966-11-17

SEANCE DU 17 NOVEMBRE 1966

La séance est ouverte à 15 h 5 en présence de tous les membres du Conseil.

M. le Président PALEWSKI déclare que le Conseil Constitutionnel a été saisi par le Premier Ministre d’une demande tendant à l’appréciation de la nature juridique de certaines dispositions de L’ordonnance n° 59-106 du 6 janvier 1959, modifiant la loi du 1er août 1936 relative au statut des cadres des réserves de l’armée de l’air, et donne la parole a M. DESCHAMPS, rapporteur.

M. DESCHAMPS rappelle tout d’abord les conditions de saisine du Conseil Constitutionnel ainsi que la liste des pièces qui se trouvent dans le dossier de l’affaire en cause, à savoir : le texte des articles à examiner, une note du secrétariat général du Gouvernement et le projet du décret qui interviendrait pour modifier la loi du 1er août 1936 dans l’hypothèse où les dispositions de ladite loi, soumises à l’examen du Conseil Constitutionnel, seraient reconnues comme ayant valeur réglementaire en application de l’article 34 de la Constitution de 1958.

Le rapporteur poursuit son exposé par l'énumération des textes régissant le statut des officiers de réserve des différentes armées et qui sont :
- pour l'armée de terre la loi n° 56-1221 du 1er décembre 1956 qui s'est substituée à la loi du 8 janvier 1925.

- pour l'armée de mer la loi du 13 décembre 1932 qui, en son article 88, porte renvoi à un règlement d'administration publique pour fixer : "l'état des officiers de réserve, leurs droits au commandement, les conditions de leur avancement et de leur admission à l'honorariat,.. ledit règlement étant intervenu le 19 août 1958.

- pour l'armée de l'air enfin, la loi du 1er août 1936 dont certaines dispositions sont soumises à l'examen du Conseil Constitutionnel, cette loi ayant été modifiée en grande partie par un texte de nature législative • pris postérieurement à la mise en application de la Constitution de 1958, en l'espèce l'ordonnance n° 59-106 du 6 janvier 1959.



M. DESCHAMPS donne lecture de l’article 1er de la loi susvisée et mentionne les principales matières qui y sont traitées, c'est-à-dire après les généralités, les dispositions concernant les différents corps d’officiers de réserve de l'armée de l'air et leur recrutement, les dispositions particulières à chaque corps, les dispositions communes qui comportent notamment les règles relatives à l’avancement et, enfin, le statut des assimilés spéciaux et des sous-officiers de réserve.

Le rapporteur explique ensuite que l'ordonnance n° 59-106 du 6 janvier 1959 qui a modifié la loi du 1er août 1936 a été élaborée en vue de rapprocher le statut des officiers de réserve de l'armée de l'air de celui des officiers de réserve de l'armée de terre tel qu'il résultait de la loi du 1er décembre 1956.

Toutefois, selon M. DESCHAMPS, un texte législatif n'était pas nécessaire pour l'armée de l'air car, entre temps, la Constitution de 1958 avait été promulguée, qui permettait de modifier la loi du 1er août 1936 par décret en conseil d'Etat.

La forme adoptée pour modifier ladite loi s'explique donc, non par des raisons d'ordre juridique mais par des considérations de fait, à savoir, le peu d'expérience acquise en matière de délimitation des domaines législatif et réglementaitaire depuis la mise en application de la nouvelle Constitution et l'importance du travail législatif entrepris à l'époque (plus de 40 ordonnances au cours du mois de janvier 1959).

Quoi qu'il en soit, c'est la forme législative qui fu adoptée et c'est ce qui explique la présente saisine du Conseil

M. DESCHAMPS maintient cependant que les dispositions soumises au Conseil sont de caractère purement règlementaire puisqu'elles ne concernent que les officiers de réserve. C'est d'ailleurs la solution retenue par le Conseil d'Etat qui, en 1964, à l'occasion de l'examen du projet de la loi n° 64-662 du 2 juillet 1964 portant suppression de corps et cadres d'officiers des cadres actifs de l'armée de l'air, avait spécifié dans une note, élaborée par M. DESCHAMPS lui-même, que les textes correspondants pour les cadres de réserve, devant modifier par conséquent, la loi du 1er août 1936, pourraient être pris par voie règlementsire et c'est effectivement par un décret du 11 décembre 1964 que la loi précitée a été modifiée.



Après avoir évoqué ce précédent, le rapporteur se propose d’apporter de nouveaux arguments à sa thèse en montrant que les différentes dispositions de l'article 34 de la Constitution, qui définissent le domaine législatif et auxquelles pourraient éventuellement se rattacher les textes soumis à l'examen du Conseil Constitutionnel, ne sont pas en réalité applicables à l'espèce examinée.

Tout d'abord, il est précisé à l'article 34 susvisé, que la loi détermine "les principes fondamentaux de l'organisation générale de la défense nationale" et, M. DESCHAMPS indique que dans l'esprit du constituant, le statut des officiers de réserve ne pouvait être considéré comme un de ces principes fondamentaux.

M. DESCHAMPS rappelle à cet égard la genèse de cette partie de l'article 34.

Dans l'avant-projet soumis par le Gouvernement au Comité Consultatif Constitutionnel il n'était fait aucune référence à la Défense nationale. C'est ce Comité qui estima nécessaire de réserver au domaine législatif "l'organisation des forces armées".

Devant le Conseil d'Etat cette modification, à laquelle s'opposait le Commissaire du Gouvernement, fut amendée et dans le texte proposé par le Conseil d'Etat il était précisé que la loi devait déterminer le cadre général du régime "de la Défense Nationale et des sujétions imposées par elle aux citoyens en leur personne et en leurs biens".

Le texte actuel de l'article 34 fut finalement mis au point par le Gouvernement.

Ainsi, les principes fondamentaux auxquels ont pensé les rédacteurs de cet article étaient les grands principes de la Défense Nationale tels qu'ils étaient définis à l'époque par la loi du 11 juillet 1938 sur l'organisation générale de la nation pour le temps de guerre, remplacée ensuite par l'ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la Défense Nationale et, par exemple, les règles concernant le recrutement et les effectifs des forces armées.

C'est ce qui explique qu'il ait fallu prendre l'ordonnance du 7 janvier 1959 pour déterminer notamment les catégories de personnes soumises au service national (article 25), la nature du service national (article 26) et fixer la durée des obligations militaires (article 29).


Ce sont là des règles fondamentales au sens de l’article 34 de la Constitution, mais il convient d'observer que dans ce texte même il était prévu que des règlements d'administration publique seraient pris pour la fixation des statuts des officiers.

De même, si c'est une loi qui a fixé les règles relatives au recrutement en vue de l'accomplissement du service national, cette loi n° 65-550 du 9 juillet 1965, renvoie à un décret, en son article 5, pour la répartition annuelle des effectifs budgétaires entre les différentes armées et les services.

Cet exemple éclaire également ce qu'il faut entendre par principe fondamental "de l'organisation générale de la Défense Nationale" et montre que les dispositions relatives aux cadres des réserves de l'armée de l'air ne peuvent être rattachées à un tel principe.

M. DESCHAMPS s'interroge alors sur le point de savoir si les dispositions en cause peuvent être considérées comme une "des garanties fondamentales des fonctionnaires civils et militaires" qui, aux termes de l'article 34 de la Constitution, ressortissent également du domaine législatif.

Il n'existe, pas plus dans ce cas que dans le précédent, aucune mention dans les travaux préparatoires de la Constitution qui laisse supposer que l'on puisse rattacher à la disposition précitée le statut des officiers de réserve, ceux-ci ne pouvant être considérés comme des fonctionnaires civils ou militaires de l'Etat.

D'ailleurs, si la loi n° 63-819 du 6 août 1963 a fixé les règles relatives aux changements d'armes des officiers d'active c'est par le décret n° 63-1108 du 7 novembre 1963 que les règles dont il s'agit ont été précisées pour les officiers de réserve.

M. DESCHAMPS en vient ainsi à examiner en dernier lieu si le statut des officiers de réserve n'est pas du domaine de la loi comme touchant aux "sujétions imposées par la Défense Nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens."

Pour M. DESCHAMPS les sujétions imposées aux citoyens en leur personne par l'accomplissement du service militaire ne figurent pas dans la loi du 1er août 1936 mais résultent notamment des articles 25 et 29 de l'ordonnance n° 59-247 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense, qui sont ainsi conçus :


article 25 - "sont assujettis au Service national de dix huit à soixante ans les citoyens de sexe masculin s’ils possèdent la capacité physique nécessaire".

article 29 - "La durée totale du service militaire est la même pour tous. Elle s'étend sur dix-sept années, dont les cinq premières constituent la disponibilité et les douze autres la réserve.

Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent et dans les conditions fixées par leur statut spécial :

1°- Dans la réserve, la durée des obligations des sous-officiers est de vingt ans ;

2°- Les officiers de réserve sont assujettis aux obligations militaires jusqu'aux âges limites d'emploi des officiers d'active des grades correspondants. "

Certaines sujétions sont également imposées par la loi n° 65-550 du 9 juillet 1965 qui organise le Service national et la loi du 31 mars 1928 relative au recrutement de l'armée.

C'est en particulier dans ce texte et notamment aux articles 32 et 33 que sont contenues les règles de base relatives au recrutement des officiers de réserve. Or, la première phrase de l'article 33 susvisé est ainsi rédigée :
" Tous les Français incorporés, appelés ou engagés par devancements d'appel, peuvent, à leur arrivée au corps, demander leur admission à un peloton préparatoire au peloton d'élèves officiers de réserve ; ..."

Par conséquent, le fait d'être officier de réserve repose uniquement sur le volontariat et il n'y a donc là aucune sujétion particulière imposée à cette catégorie de citoyens.

M. DESCHAMPS poursuit son rapport en donnant lecture de l'article 1er de la loi n° 66-470 du 5 juillet 1966 qui a modifié l'article 29 de l'ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la Défense, relatif à la durée du service militaire, notamment en ce qui concerne les obligations des officiers de réserve à cet égard :
" L'article 29 de l'ordonnance n° 59-147 modifiée du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense est remplacé par les dispositions suivantes :
"Article 29 - La durée du service militaire est de dix-sept ans dont cinq ans dans le service actif et la disponibilité et douze ans dans la réserve."


"Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent et à celles de l'article 1er de la loi n° 65-550 du 9 juillet 1965 relative au recrutement en vue de l'accomplissement du service national :

1°) Les officiers et les sous-officiers de réserve peuvent être maintenus à la disposition du ministre des armées, au-delà de cette durée, au plus tard jusqu'à la limite d'âge, augmentée de cinq ans, des personnels d'active des corps et grades correspondants. Priorité est accordée aux officiers et sous-officiers de réserve ayant, au cours des cinq années précédentes, manifesté leur attachement à leurs devoirs d'officier ou de sous-officiers, suivant des critères déterminés, ces critères étant précisés par décret.
La décision de leur maintien et, éventuellement, de leur radiation, est prise par le ministre des armées en fonction des besoins des armées et de l'aptitude des personnels intéressés.
2°) Certains personnels, volontaires ou désignés en fonction de la situation civile qu'ils occupent et de leurs capacités professionnelles, peuvent, pour la constitution des corps spéciaux et des cadres d'assimilés spéciaux, être affecté à des emplois dont la liste est fixée par décret. Dans ces emplois, ils sont à tous points de vue considérés comme militaires.

Leur affectation est prononcée par le ministre des armées ou par l'autorité militaire déléguée, en accord avec le ministre dont relève leur emploi habituel ou avec l'autorité déléguée. Ils reçoivent des grades d'assimilation spéciale en rapport avec les emplois qu'ils sont appelés à remplir. Les décrets constitutifs des corps spéciaux précisent les conditions d'âge dans lesquelles lesdits personnels peuvent être affectés et maintenus dans ces emplois".

M. DESCHAMPS explique que la loi du 5 juillet 1966 est intervenue à la suite de la réorganisation de l'armée, compte tenu des nouvelles conceptions stratégiques qui nécessitent des forces armées mieux équipées mais moins nombreuses qu'auparavant.

En effet, 40.000 officiers de réserve seulement sont maintenant nécessaires à l'encadrement de ces forces alors qu'en juillet 1966 leur effectif s'élevait à 140.000 environ.

La loi en cause a donc pour but de permettre au Ministère des armées de n'avoir à gérer qu'un corps d'officiers de réserve plus restreint correspondant aux effectifs nécessaires.


Cette réduction des effectifs a été réalisée en ramenant les obligations militaires à la même durée pour tous les citoyens, sauf les exceptions précisées dans l'article précité.

Les différents textes régissant les corps des officiers de réserve des trois armées doivent être adaptés aux nouvelles dispositions de la loi du 5 juillet 1966 et des décrets ont été préparés à cet effet. Toutefois, pour l'armée de l'air, le décret ne pourra être pris que si le Conseil Constitutionnel a auparavant reconnu le caractère réglementaire des dispositions de la loi du 1er août 1936, telles qu'elles résultent de l'ordonnance n° 59-106 du 6 janvier 1959, qui doivent être modifiées.

Le rapporteur fait observer que le Conseiln'a été saisi que d'une partie des dispositions de la loi du 1er août 1936 modifiées en 1959 et que cela s'explique par un souci plus politique que juridique. Il s'agit, en effet, de limiter la réforme afin d'éviter une réaction des officiers de réserve, regroupés en deux associations et qui sont très attachés à leur statut et à leur grade.

M. DESCHAMPS n'en estime pas moins en résumant son argumentation, que les dispositions soumises au Conseil Constitutionnel sont de caractère règlementaire, d'une part, parce qu'elles ne touchent pas aux garanties fondamentales des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat et, d'autre part, parce qu'elles n'imposent aucune nouvelle sujétion aux citoyens le statut des officiers de réserve reposant sur le volontariat. Le rapporteur note en terminant que pour les officiers de réserve de l'armée de mer le caractère règlementaire de leur statut a été reconnu depuis longtemps puisque la loi du 13 décembre 1932 renvoyait déjà à un règlement d'administration publique pour la fixation dudit statut.

M. le Président PAIEWSKI remercie M. DESCHAMPS de son rapport et donne la parole à M. CASSIN qui fait part de son accord avec le rapporteur sur l’ensemble de ses conclusions.

M. CASSIN estime en effet que ce sont les dispositions du 5 juillet 1966 qui devaient être prises sous forme législative mais que les textes d’application sont du domaine règlementaire car ils ne se rattachent pas aux principes fondamentaux de l’organisation de la Défense Nationale et n'imposent pas de sujétions aux citoyens.


Toutefois, M. CASSIN dit avoir relevé deux anomalies dans les textes soumis au Conseil Constitutionnel :
En premier lieu, des textes commencent, dans l’ordre numérique, à l'article 24 de la loi du 1er août 1936. Or, dans le projet de décret tendant à modifier cette loi qui a été joint, pour information, à la lettre de saisine du Premier Ministre, figurent des dispositions modifiant les articles 2, 5, 13, 15 et 17 de la loi susvisée. M. CASSIN s'étonne donc que ces dispositions n'aient pas été soumises également à l'examen du Conseil.

M. DESCHAMPS répond que ces dispositions de la loi de 1936 n'ont pas été modifiées comme les autres par l'ordon- nance du 6 janvier 1959, c'est-à-dire par un texte de forme législative pris après la mise en application de la Constitution de 1958 et que, par conséquent, lesdites dispositions peuvent être remaniées par simple décret en Conseil d'Etat ainsi que cela a d'ailleurs été fait notamment pour les articles 3, 8, 10 11, 12 et 17 par le décret n° 64-1244 du 11 décembre 1964.

M. CASSIN en vient alors à énoncer la seconde anomalie qu'il a relevée dans le texte soumis au Conseil.

En effet, l'article 63 bis de la loi du 1er août 1936 est ainsi conçu : "un règlement d'administration publique règle les conditions d'application du présent chapitre".

M. CASSIN pense qu'il est difficile de reconnaître le caractère règlementaire à un tel texte car, à son avis, le renvoi à un règlement d'administration publique ne peut être fait que par l’autorité législative.

M. CASSIN pense qu'en fait la reconnaissance du caractère règlementaire des dispositions de la loi du 1er août 1936 soumises au Conseil annulerait la délégation prévue à l'article 63 bis. Il importe cependant de mentionner dans la décision que si l'article 63 bis doit être considéré comme annulé il ne saurait pour autant être déclaré comme étant de nature règlementaire.

M. GILBERT-JULES fait observer en réponse que l'article 63 bis doit être considéré comme anticonstitutionnel depuis la mise en vigueur de la Constitution de 1958, car la délégation du pouvoir règlementaire à l'exécutif par le pouvoir législatif n'existe plus, le Gouvernement possédant ledit pouvoir en propre.


M. DESCHAMPS répondant également à l’observation de M. CASSIN cite un passage de l’étude de M. GROUX sur les domaines respectifs de la loi et du règlement <(1) Notes et études documentaires - Document n° 2908 duu 28 juillet 1962, p. 42.>(1) dans lequel il est précisé que, dès lors qu'un texte pris en la forme législative postérieurement à 1958, peut être en partie modifié par le Gouvernement, celui-ci peut modifier ou abroger "les articles relatifs aux compétences dévolues aux autorités administratives".

A titre d'exemple, M. DESCHAMPS rappelle les dispositions de l'article 1er du décret n° 61-26 du 11 janvier 1961 relatif aux conditions d'application des livres III et IV du Code de la Sécurité Sociale et qui sont ainsi conçues : "les termes" décret en Conseil d'Etat" sont substitués aux termes "règlement d'administration publique" pour l'application de l'ensemble des dispositions des livres III et IV du Code de la Sécurité Sociale".

M. GILBERT-JULES demande si les articles 49 et 50 de la loi du 1er août 1936 modifiée, faisant référence à la législation sur les pensions de retraite, la déclaration du caractère règlementaire de ces dispositions ne risque pas de permettre à un gouvernement d'enlever à des officiers d'active des droits à la retraite auxquels ils pouvaient prétendre.

Ces articles sont ainsi rédigés :

"article 49 - Les officiers de l'armée active, retraités, maintenus à la disposition du Ministre des armées pendant le temps fixé par la législation sur les pensions militaires et qui n'auraient pas atteint la limite d'âge prévue à l'article 50 ci-après, adressent au Ministre, à l'expiration de ce temps une déclaration analogue à celle prévue pour les autres offi- ciers de réserve. Ces demandes reçoivent satisfaction sous les conditions indiquées à l'article 48 ci-dessus.

"article 50 - Sous réserve des dispositions particulières fixées pour les officiers de réserve de l'air du cadre navigant à l'article 11 de la présente loi, les limites d'âge des officiers de réserve sont celles des officiers de l'armée active des mêmes corps ou cadres augmentées de cinq ans".

M. DESCHAMPS répond que les officiers d'active auxquels il est fait référence dans les articles précités sont déjà retraités et que la possibilité qu'ils ont alors de rester, dans la réserve, à la disposition du Ministre des Armées ne change rien à leurs droits à une pension de retraite.

M. WALINE n’est pas entièrement d'accord avec les conclusions du rapporteur. Il estime aussi que les dispositions soumises au Conseil ne touchent pas aux principes fondamentaux de l'organisation générale de la Défense Nationale ni aux garanties fondamentales des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat, mais il fait observer qu'il est moins affirmatif en ce qui concerne les sujétions imposées aux citoyens par la Défense Nationale.

En effet, M. WALINE pense que l'article 34 attribue à la loi la fixation des règles concernant toutes les sujétions imposées aux citoyens parla Défense Nationale. Or, c'est une façon d'accomplir son service militaire et par conséquent de subir une de ces sujétions que d'être officier de réserve.

De plus, certains élèves des grandes écoles sont officiers de réserve d'office, sans être volontaires, par suite de la règlementation sur l'instruction militaire obligatoire.

M. WALINE reconnaît que la plupart des articles de la loi du 1er août 1936 dont est saisi le Conseil, sont du domaine règlementaire parce qu'ils ont trait à l'avancement, les distinctions, les décorations, l'honorariat dont l'attribution ne se rapporte à aucune sujétion mais, à l'inverse, tout ce qui concerne la façon d'accomplir les obligations militaires et la durée de celles-ci relève bien des sujétions imposées par la Défense Nationale et, dès lors, ressortit du domaine législatif

M. WALINE note en particulier que l'article 24 de la loi du 1er août 1936 paraît appartenir à cette catégorie de dispositions. L'article 24 est ainsi rédigé :
" Sont placés "hors cadres" les officiers de réserve dépourvus d'emploi dans les formations et services de l'armée de l'air mais maintenus à la disposition du Ministre des Armées, pour être affectés, soit à certains emplois particuliers prévus ou à prévoir à la mobilisation, soit dans le cadre des assimilés spéciaux".

M. DESCHAMPS estime que les dispositions de cet article ont un caractère règlementaire car elles ne comportent aucune sujétion particulière, l'affectation dans le cadre des assimilés spéciaux n'étant pas obligatoire puisque le mot "peuvent" figure dans le texte de la loi n° 66-470 du 5 juillet 1966 relatif à ce cadre (article 1er- 2°).

Quant aux élèves des grandes écoles soumis à l'instruction militaire obligatoire, M. DESCHAMPS fait observer qu'ils ont toujours la faculté de démissionner de leur grade d'officier de réserve.

M. WALINE répond : "cette faculté de démissionner ne pourrait être exercée par un élève sans que la situation morale de ce dernier n’en soit gravement perturbée".

M. LUCHAIRE indique qu’en fait il n'y a pour l'élève aucun droit à démissionner puisque sa décision n'a d'effet que dans la mesure où elle est acceptée.

D'un point de vue plus général, M. LUCHAIRE est d'accord pour admettre que les officiers de réserve ne sont pas des fonctionnaires civils ou militaires de l'Etat à condition qu'il soit précisé que c'est au sens de l’article 34 de la Constitution.

En effet, ces officiers sont assimilés aux fonctionnaires pour la protection que leur assure, contre les violences et outrages, les articles 224 et suivants du Code pénal et il importe de ne pas prendre une décision qui risquerait de mettre fin à cette jurisprudence.

M. LUCHAIRE pense également que si la valeur règlementaire est reconnue aux textes soumis au Conseil Constitutionnel c'est toute la loi du 1er août 1936, c'est-à-dire tout le statut des officiers de réserve de l'armée de l'air, qui est déclassé, mais il ne s'agit là que d'un argument d'ordre moral et, par conséquent, non déterminant.

L'orateur fait remarquer qu'un autre aspect du problème lui paraît beaucoup plus important, c'est la répercussion que le statut des officiers de réserve peut avoir sur la situation des officiers d'active.

En effet, les grades qui sont conférés aux cadres de réserve sont la reconnaissance de leur aptitude à exercer des fonctions de commandement dans lesquelles ils peuvent être amenés à avoir des officiers d'active sous leurs ordres.

M. LUCHAIRE rappelle que cette situation s'est souvent produite pendant la guerre et que dans certains cas les officiers de réserve ont eu un avancement plus rapide que leurs collègues d'active, ce qui peut porter préjudice à ces derniers.

Pour cette raison, M. LUCHAIRE se demande si l'article 63 de la loi du 1er août 1936 modifiée, qui permet à certaines personnalités notoires d'être appelées comme "conseillers techniques" avec un grade dans la réserve en rapport avec la nature des missions qui peuvent leur être confiées, n'est pas du domaine législatif.

Les dispositions de l'article 63 sont les suivantes : "A titre exceptionnel et afin de permettre l'utilisation en temps de guerre des services que peuvent rendre à la défense nationale certaines personnalités notoires du pays comme "conseillers techniques", il pourra être conféré à celles d'entre elles dégagées de toute obligation militaire, qui seraient volontaires et dont il conviendrait de s'assurer le concours, le grade dans la réserve en rapport avec la nature des missions qui peuvent leur être confiées.

Les grades dont il s'agit ne pourront être conférés qu'en temps de guerre ou à l'occasion d'une opération militaire et pour la durée de la guerre ou de l'opération.
Toutefois, après la fin de la guerre ou de l'opération pourront être admis à l'honorariat, dans les conditions générales fixées à l'article 56, les officiers visés par le présent article qui auront rendu des services éminents.
Les conditions de nomination, de radiation, d'admission à l'honorariat des intéressés seront précisées dans le règlement d'administration publique prévu à l'article 63 bis ci-après".

M. DESCHAMPS fait observer que de toutes façons à égalité de grade et d'ancienneté c'est l'officier d'active qui prend le commandement sur l'officier de réserve. Il donne ensuite lecture du texte de l'article premier 2° de la loi du 5 juillet 1966 précitée, relatif aux assimilés spéciaux afin de prouver qu'en fait les dispositions de l'article 63 en cause de la loi du 1er août 1936, n'ont plus d'intérêt désormais puisqu'elles ont été reprises dans un texte de loi, ce qui conduit à penser que l'article 63 est abrogé implicitement.

M. LUCHAIRE répond qu'une telle affirmation mérite une vérification approfondie et qu'au surplus si les dispositions de l'article 63 ont été reprises dans un texte de loi c'est précisément qu'elles ont un caractère législatif.

M. GILBERT-JULES pense également que si des dispositions du statut des officiers de réserve peuvent de manière même indirecte porter atteinte aux garanties fondamentales des fonctionnaires civils ou militaires elles ressortissent du domaine de la loi.

M. MICHAHD-PELLISSIER partage cette opinion mais il n'estime pas qu’en l'espèce, le fait de donner à des officiers de réserve des grades assimilés à ceux des officiers d'active porte atteinte aux garanties de ces derniers.

M. LUCHAIRE fait observer que la question s'est posée de manière très grave pendant la dernière guerre pour l'attribution des commandements à la mer, car un tel commande- ment est nécessaire dans l'armée de mer pour l'accession à un grade supérieur, or dans ce cas lorsque le commandement d'un bâtiment était confié à un officier de réserve cela avait des conséquences sur l'avancement des officiers de carrière attendant un commandement.

En conséquence, M. LUCHAIRE demande si dans la décision du Conseil il ne pourrait pas être précisé que les dispositions qui lui sont soumises n'ont un caractère règlementaire que dans la mesure où elles ne portent pas atteinte aux droits des officiers d'active.

M. DESCHAMPS déclare qu'une telle réserve est inutile puisqu'il est admis que le statut des officiers d'active est du domaine de la loi.

M. LUCHAIRE craint qu'une décision qui aboutirait à permettre une attribution trop facile des grades dans le corps des officiers de réserve, à la suite d'un décret, ne fasse naître un certain malaise dans les cadres de l'armée active.

M. CASSIN fait remarquer que le Conseil Constitutionnel n'est saisi que du dernier alinéa de l'article 63 relatif à l'honorariat et qui par conséquent a une valeur règlementaire beaucoup plus sûre que le premier alinéa du même article.

M. DESCHAMPS rappelle que dans sa décision n° 61-2 FNR du 30 juin 1961, le Conseil Constitutionnel a spécifié s'agissant d'officiers de l'armée de mer : "que toute disposition ayant pour objet d'aménager le déroulement de la carrière et notamment de fixer les conditions d'avancement ne saurait, même pour les personnels militaires, être regardée comme constituant en elle-même et dans tous les cas une garantie fondamentale pour ces personnels

Par conséquent, estime le rapporteur, si les conditions de l'avancement des officiers d'active peuvent être fixées par voie règlementaire, il en va, a fortiori, de même pour leurs collègues de réserve.

M. le Président PALEWSKI rappelle qu'il a eu l'occasion pendant la guerre d'avoir sous ses ordres des officiers d'active et que par la suite ceux-ci ont eu un avancement accéléré en réparation de "l'humiliation" que représentait pour eux le fait d'être sous les ordres d'un officier de réserve.

M. LUCHAIRE convient que le Conseil n'étant saisi que du dernier alinéa de l'article 63 de la loi du 1er août 1936, ses observations précédentes relatives à cet article sont sans objet.

Toutefois, il revient sur la remarque faite par M. WALINE quant aux sujétions imposées aux officiers de réserve qui garde toute sa valeur notamment en ce qui concerne l'article 47 de la loi du 1er août 1936 susvisée, reproduit ci-après :
"article 47 - La perte du grade n'intervient que pour l'une des causes ci-après :
1°) Démission du grade accepté par le Ministre ;
2°) Radiation des cadres prononcée d'office par le Ministre pour l'un des motifs énumérés à l'article 51 ci-dessous ;
3°) Radiation prononcée dans les formes et conditions prévues à l'article 52 ci-dessous ;
4°) Révocation prononcée dans les formes et conditions prévues à l'article 53 ci-dessous ;
5°) Destitution prononcée par jugement.

Les officiers de réserve démissionnaires ou rayés des cadres dans les conditions prévues par les articles 48, 49, 51 (6° et 7 et 52 peuvent être réintégrés dans les conditions prévues à l'article 55 ci-dessous. "

M. LUCHAIRE constate que même si à l'origine il y a acte de volonté pour devenir officier de réserve, comme il y en a un pour devenir fonctionnaire, ils ne doivent pas moins être protégés et ils subissent quand même certaines sujétions qui en l'espèce sont imposées à une catégorie représentant 140.000 citoyens.

M. DESCHAMPS répond à cela que dans l'armée de mer il existe les mêmes sujétions et que la loi du 13 décembre 1932 n'en a pas moins renvoyé à un règlement d'administration publique pour la fixation du statut des officiers de réserve.

M. WALINE déclare : "Depuis 1932, il y a eu un fait nouveau, c'est la Constitution de 1958 qui a délimité les domaines respectifs de la loi et du règlement. A mon sens, l'accomplissement du service militaire comme officier de réserve est un mode d'accomplissement des sujétions militaires et tout ce qui concerne la durée et l'importance, le volume de ces sujétions est du domaine législatif. Tel est le cas, par exemple, des dispositions de l'article 47 qui nous est soumis".

M. DESCHAMPS observe : "Pour l'armée de terre le texte est le même et pourtant il est règlementaire".

M. WALINE : "nous ne sommes pas liés par les précédent".

M. GILBERT-JULES demande alors si le fait pour un officier de réserve, soumis aux obligations militaires, d'être rayé des cadres ou de son grade n'est pas une sujétion ?

M. LUCHAIRE insiste sur ce point en indiquant que pour un officier de réserve le fait d'être radié de son grade et de remplir ensuite ses obligations militaires comme soldat de 2ème classe comporte une sujétion. Il ajoute qu'au surplus l'officier de réserve peut être maintenu à la disposition du Ministre des armées au-delà de dix-sept ans et qu’il s'agit là également d'une sujétion.

M. le Président PALEWSKI pense que les difficultés soulevées par les différents orateurs pourront être évoquées plus précisément en examinant le projet de décision préparé par M. DESCHAMPS dont les considérants et le dispositif sont les suivants :
"Considérant que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur le soin de fixer "les règles concernant les sujétions imposées par la Défense Nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens", "les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat", ainsi que la détermination des "principes fondamentaux de l'organisation générale de la Défense Nationale" ;
"Considérant que les articles 49 et 50 de la loi du 1er août 1936, tels qu'ils résultent de l'ordonnance n° 59-106 du 6 janvier 1959 doivent être regardés comme abrogés du fait de l'intervention de la loi n° 66-470 du 5 juillet 1966 ; que, par suite, la demande susvisée du Premier Ministre est sans objet en tant qu'elle concerne les dispositions desdits articles ;
"Considérant que les autres dispositions de cette ordonnance soumises à l'examen du Conseil Constitutionnel, concernent certaines positions des personnels appartenant aux cadres des réserves de l'armée de l'air, les conditions de leur avancement et de la perte éventuelle de leur grade, les limites d'âge qui leur sont applicables, les conditions dans lesquelles il peut être procédé à leur radiation d'office des cadres et à leur réintégration : que ces dispositions visent également les cas dans lesquels l'honorariat de leur grade peut leur être conféré ou retiré, précisent les récompenses qui peuvent leur être accordées et renvoient à un règlement d'administration publique la détermination des conditions d'application de certaines dispositions de ce texte ;

"Considérant que les personnels rélevant des cadres des réserves de l'armée de l'air n'appartiennent pas à la catégorie des "fonctionnaires civils et militaires de l'Etat" : que, d'autre part, aucune des dispositions susvisées de l'ordonnance du 6 janvier 1959 ne met en cause les principes fondamentaux de l'organisation générale de la Défense Nationale ; qu'enfin, aucune de ces dispositions ne soumet les personnels appartenant aux cadres des réserves de l'armée de l'air à des sujétions imposées par la Défense Nationale, de la nature de celles mentionnées à l'article 34 sus-rappelé ; que, dès lors, les dispositions dont il s'agit n'ont pas le caractère législatif ;

DÉCIDE :

Article premier - Il n'y a lieu pour le Conseil Constitutionnel de se prononcer sur la demande susvisée du Premier Ministre, en tant qu'elle concerne les dispositions des articles 49 et 50 de la loi du 1er août 1936, telles qu'elles résultent de l'ordonnance n° 59-106 du 6 janvier 1959.
Article 2 - Les autres dispositions de la loi susvisée du 1er août 1936, telles qu'elles résultent de l'ordonnance n° 59-106 du 6 janvier 1959, soumises à l'examen du Conseil Constitutionnel, n'ont pas le caractère législatif.
Article 3 - La présente décision sera notifiée au Premier Ministre et publiée au Journal Officiel de la République Française. "

M. GILBERT-JULES pense qu'il est difficile de déclarer que les articles 49 et 50 de la loi du 1er août 1936, tels qu'ils résultent de l'ordonnance n° 59-106 du 6 janvier 1959 sont abrogés et qu'au surplus cette affirmation est inutile si on reconnaît auxdits articles le caractère règlementaire .

M. DESCHAMPS déclare à son tour qu'il n'attache pas une grande importance à cette partie du projet et le 2ème considérant de celui-ci est donc supprimé ainsi que l'article 1er du dispositif.

Ensuite les différentes dispositions de la loi du 1er août 1936 modifiée qui sont soumises au Conseil sont successivement examinées.

L'article 24 précité (p.10) est reconnu comme ayant valeur règlementaire par application de la loi n° 66-470 du 5 juillet 1966.

Il est également admis que les dispositions du premier alinéa de l'article 27 et du dernier alinéa de l'article 28, reproduits ci-après ressortissent du domaine règlementaire :
"article 27 - Tout officier de réserve peut être mis en non- disponibilité par mesure de discipline par décret du Président

du Conseil des Ministres, sur le rapport du Ministre des armées pendant trois mois au moins, un an au plus.

Article 28- 3° § - La non-disponibilité par mesure de discipline éteint tout droit à l’honorariat sauf en cas de promotion, d'action d'éclat ou de fait de guerre constaté par une citation, intervenue postérieurement à la mise en non-disponibilité."

M. MICHELET demande si on peut interdire par décret la restitution de l’honorariat après action d'éclat.

M. DESCHAMPS répond que la collation de l’honorariat est du domaine règlementaire et donne ensuite lecture du dernier alinéa de l'article 40 ainsi conçu :
"Les officiers de réserve de l'air du cadre navigant doivent en outre, pour être promus aux grades de capitaine à colonel inclus, avoir effectué dans le grade inférieur les services aériens fixés par le Ministre".

Le rapporteur explique que le cadre navigant a été supprimé par une loi et qu'il importe de rectifier en conséquence les dispositions ci-dessus auxquelles le Conseil reconnaît le caractère règlementaire.

Le même avis est donné pour le premier alinéa de l'article 41 qui a trait aux conditions d'avancement, cette question ayant déjà été reconnue comme relevant du domaine du règlement :
"article 41 - Aucune période d'exercice n'est exigée pour la promotion au grade supérieur des officiers de réserve qui figuraient au tableau d'avancement pour ce grade dans l'armée active."

Le Conseil passe ensuite à l'examen des dispositions de l'article 43 qui sont les suivantes :
"article 43 - Aucun officier de réserve ne peut être promu s'il ne compte, dans son grade, une ancienneté réelle au moins égale à celle de l'officier d'active du même corps et du même grade le moins ancien dans le grade, déjà promu, à titre normal, la même année.
Le Ministre des armées fixe chaque année, d'une part, les conditions dans lesquelles l'aptitude au grade supérieur sera vérifiée et notamment la durée des périodes des candidats à l'avancement ; d'autre part, les conditions d'ancienneté de grade et éventuellement d'âge auxquelles les intéressés devront satisfaire pour faire l'objet d'une proposition soit à titre normal, soit à titre exceptionnel. Dans tous les cas, les conditions d'ancienneté réelle de grade à exiger ne pourront être plus favorables que celles qui sont fixées la même année à l'égard des officiers d'active du même corps et du même grade pour être proposés à titre normal.

M. LUCHAIRE estime que les dispositions du premier alinéa de cet article qui lient la rapidité de l’avancement des officiers de réserve à celui des officiers d'active constituent pour ces derniers, fonctionnaires militaires de l'Etat, une garantie fondamentale et ont, de ce fait, un caractère législatif. Pour M. LUCHAIRE il y a là une règle protectrice du grade de l'officier d'active qui est fondamentale dans le statut de celui-ci.
En réponse à une question de M. GILBERT-JULES,

M. DESCHAMPS admet qu'un officier ayant quitté les cadres actifs peut être ensuite réintégré comme officier de réserve servant en situation d'activité pour une période déterminée.

M. MONNET souligne que dans ce cas l'officier dont il s'agit ne peut plus faire carrière.

M. MICHARD-PELLISSIER propose de regrouper en un seul considérant toutes les dispositions litigieuses analogues à celles de l'article 43 en spécifiant qu'elles ne sont réglementaires que dans la mesure où elles ne portent pas atteinte aux garanties fondamentales des officiers d'active conformément à ce qui a déjà été fait par le Conseil Constitutionnel dans de précédentes décisions.

M. le Président PALEWSKI pense que la solution proposée par M. MICHARD-PELLISSIER est bonne.

M. WALINE expose que la garantie accordée aux officiers d'active par l'article 43 constitue à ses yeux, incontestablement, une garantie fondamentale.

M. DESCHAMPS objecte à cela que l'article 43 a trait à l'avancement et que les règles relatives à l'avancement des officiers sont du domaine réglementaire.

M. MICHELET évoque le grave traumatisme qui a frappé l'armée. Il pense que cela donne une importance particulière au texte soumis au Conseil et qu'il faut donc se garder de donner l'impression aux officiers d'active qu'il est fait peu de cas des garanties dont ils bénéficient.

M. GILBERT-JULES fait observer que les conditions d'avancement à l'intérieur d'un groupe donné relèvent effec- tivement de textes règlementaires mais que dans le cas soumis au Conseil il faut se placer à l'extérieur du Groupe.
Il est alors décidé de réserver le cas de l'article 4 : et de passer à l'examen des articles suivants.

M. DESCHAMPS donne lecture des articles 44 et 45 ci-après dont le caractère règlementaire n'est pas contesté.
"article 44 - Pour être promus au choix les officiers de réserve doivent figurer sur le tableau d'avancement publié au Journal Officiel.
Ils sont inscrits au tableau d'avancement et peuvent en être rayés dans les mêmes formes que les officiers de l'armée active."

"article 45 - Les conditions de nomination et de promotion dans la Légion d'honneur des officiers de réserve, y compris le officiers honoraires, sont fixées par décret.
Il sera tenu compte, sous forme d'annuités et fractions d'annuités, des titres acquis en dehors des périodes d'exercice (assiduité et résultats obtenus dans l'instruction, le perfectionnement et la préparation militaires, épreuves et services aériens, services accomplis dans les détachements de météorologie de l'armée de l'air en application de la loi n° 52-351 du 31 mars 1952, etc..) dans les conditions qui seront précisées par instruction ministérielle.
En outre, seront pris en considération les services signalés rendus en collaborant à la préparation militaire scientifique, industrielle et technique de la défense nationale

Le Conseil aborde ensuite l'étude des dispositions de l'article 47- reproduit précédemment (p.14).

M. WALINE souligne que cet article énumère limitativement les cas de pertes de grade des officiers d'active et que, par voie de conséquence, le Conseil en lui reconnaissant le caractère règlementaire permettrait à un Gouvernement d'ajouter d'autres cas par simple décret et de porter ainsi un préjudice grave à la situation des officiers de réserve.

M. LUCHAIRE insiste sur le fait que le réserviste désirant devenir officier de réserve s'impose des travaux et de charges supplémentaires qui lui donnent droit à l'accession à un certain grade et qu'il paraît dès lors excessif de permettre au Gouvernement de lui ôter son grade en application d'un simple texte règlementaire.

Il est alors fait remarquer que l'article 47 est lié à l'article 51 et que ces deux articles soulèvent les mêmes difficultés.

L'article 51 est, en effet, le suivant :
"article 51 - Sont rayés des cadres, d'office, les officiers de réserve atteignant la limite d'âge de leur grade ou pour l'une des causes définies ci-après :
1°- Rejet de la demande du maintien dans les cadres prévus à l'article 48 ;
2°- Perte de la qualité de Français prononcée par jugement ou par décret pris sur avis conforme du Conseil d'Etat ;
3°- Condamnation à une peine criminelle ;
4°- Condamnation à une peine correctionnelle pour fait qualifié crime, avec application de l'article 463 du Code pénal ou pour délits prévus par les articles 379 à 408, 460 et 461 du Code pénal, l’article 25 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les articles 81, 82, 83 et 85 du Code pénal, l'article 2 et les paragraphes 2 et 3 de l’article 5 de la loi du 28 juillet 1894 ayant pour objet de réprimer les menées anarchistes ;
5°- Condamnation à une peine correctionnelle d’emprisonnement, si le tribunal a prononcé, en outre, l’interdiction de résidence ou de séjour, ou l'interdiction totale ou partielle des droits civiques, civils ou de famille ;
6°- Mise en état de faillite prononcée par jugement ;
7°- Destitution d'une charge d’officier public ou ministériel prononcée par jugement ;
8°- Condamnation entraînant l'exclusion de l'armée dans les conditions prévues par la loi de recrutement de l'armée."

Le problème se pose de savoir si la radiation du cadre des officiers de réserve, consécutive à une des condamnations susvisées, constitue une peine accessoire à ces condamnations, ce qui donnerait à l’article 51 un caractère législatif comme déterminant une peine particulière pour certains crimes et délits.

Un représentant de la Chancellerie consulté, à la demande du Conseil, sur la nature exacte de la radiation de grade d’officier de réserve fait connaître que celle-ci ne constitue pas une peine à proprement parler, elle n'est d’ailleurs pas prononcée par la juridiction de jugement, mais une mesure administrative consécutive au prononcé de la peine elle-même.

M. GILBERT-JULES constate qu'il lui paraît impossible de rattacher les articles 47 et 51 de la loi du 1er août 1936 à une sanction pénale.

Pendant le délai nécessaire à la consultation de la Chancellerie, il a été procédé à l'examen de toutes les autres dispositions soumises au Conseil et qui sont reproduites ci-après :

"article 52 - La radiation des cadres des officiers de réserve peut être prononcée par décret rendu sur la proposition du Ministre des armées :
1°- Après avis de la commission consultative médicale à l'égard de tout officier reconnu par une commission de réforme comme étant atteint d'infirmités le mettant définitivement hors d'état de servir ;
2°- Après avis d'un conseil d'enquête à l'égard de tout officier signalé par son commandant de formation ou son chef de service comme reconnu incapable de remplir les fonctions de son grade."

....................

"article 55 - Les officiers visés au dernier alinéa de l'article 47 sont admis à solliciter leur réintégration avec leur ancien grade dans le cadre des officiers de réserve.
Les demandes doivent être accompagnées :
Dans tous les cas, d'un certificat constatant leur aptitude physique à faire campagne ;
Pour les officiers de réserve rayés des cadres pour avoir été déclarés en faillite ou destitués d'une charge d'officier public ou ministériel, de pièces attestant de leur réhabilitation et, éventuellement, de leur réintégration dans leur charge ;
Pour les officiers rayés des cadres pour inaptitude technique ou pour incapacité professionnelle à remplir les fonction : de leur grade, en application des articles 48, deuxième alinéa, et 52 (2°), de l'avis d'un conseil d'enquête.
La réintégration est prononcée par décret fixant dans tous les cas la nouvelle date de prise de rang de l'officier intéressé.
Le temps écoulé entre la radiation des cadres ou l'acceptation de la démission d'une part, et la réintégration, d'autre part, ne compte pas pour la fixation du rang d'ancienneté, sauf dans les cas suivants :

"a) Officiers ayant offert la démission de son grade en vue de contracter un engagement dans l’armée active. Dans ce cas, la durée des services accomplis pendant le rengagement entre en ligne de compte dans la fixation du nouveau rang d'ancienneté ;
b) Officier rayé des cadres pour affection contractée ou aggravée dans le service ou à l'occasion du service. Dans ce cas, l'officier réintégré reprend le rang d'ancienneté qu'il détenait avant d'être rayé des cadres.
L'officier réintégré dans le cadre des officiers de réserve qui est de nouveau rayé des cadres ne peut demander à nouveau sa réintégration."

"article 56 - Sont admis de droit à l'honorariat de leur grade :
a) Les officiers de réserve qui ont atteint sans interruption de service depuis leur entrée dans le cadre des officiers de réserve, dans la position "dans les cadres", "hors cadres" ou dans la position de "non-disponibilité" pour infirmités temporaires, les limites d'âge prévues à l'article 50 ;
b) Les officiers qui, ayant été maintenus dans les cadres dans les conditions fixées à l'article 48, à l'expiration de leurs obligations légales, sont rayés des cadres avant la limite d'âge de leur grade, définie comme ci-dessus, indépendamment de leur volonté et pour toute autre cause que par mesure disciplinaire ;
c) Les officiers de réserve qui, à une époque quelconque, sont rayés des cadres pour blessures, maladies ou infirmités contractées ou aggravées au service ;
d) Les officiers de réserve, provenant des anciens officiers de l'armée active, qui ont acquis dans la réserve un grade supérieur à celui qu'ils détenaient dans l'armée active et qui remplissent l'une des conditions prévues à l'un des paragraphes a), b), c) ci-dessus ;
e) Les officiers de réserve ayant été mis en non-disponibilité par mesure de discipline et qui ont été, postérieurement à leur réintégration dans les cadres, l'objet d'une promotion au grade supérieur, d'une nomination ou promotion dans la Légion d'honneur à titre militaire, ou d'une citation à l'ordre pour fait de guerre.
Peuvent être admis à l'honorariat, sur leur demande, les officiers de réserve rayés des cadres pour blessures, maladies, ou infirmités contractées en dehors du service, ainsi que ceux n'ayant pas été maintenus dans les cadres à l'expiration du temps de service exigé par la loi de recrutement.

"Nul officier placé dans la position d'officier honoraire ne pourra être réintégré dans les cadres, ni mobilisé, sauf dans le cadre des assimilés spéciaux."

"article 57 - L’honorariat du grade se perd pour les motifs et dans les conditions prévus par les dispositions de l'article 51 et celles de l'article 53 de la présente loi. Les règles relatives à la composition et au fonctionnement des conseils d'enquête des officiers de réserve s'appliquent aux officiers de réserve honoraires."

"article 81 - Pour l'avancement, tant dans le grade que dans l'ordre de la Légion d'Honneur et pour l'attribution de la médaille militaire, ainsi que pour l'octroi de récompenses diverses, il sera tenu compte des titres acquis par les sous-officiers de réserve à l'occasion et en dehors des périodes obligatoires :
- services accomplis sous contrat d'engagement spécial d'entraînement volontaire dans les réserves, au titre du deuxième ou troisième alinéa de l'article 51 de la loi du 31 mars 1928 relative au recrutement de l'armée ;
- services accomplis en affectation dans les détachements de météorologie de l'armée de l'air, dans les conditions fixées par la loi n° 52-351 du 31 mars 1952 ;
- services aériens, même accomplis en dehors de la situation d'activité ;
- assiduité et travail fourni aux organismes d'instruction et d'entraînement gérés ou contrôlés par l'armée de l'air, assiduité et travail fourni aux écoles de perfectionnement ;
- participation, en qualité d'instructeur, à la préparation militaire ;
- services rendus à la préparation militaire scientifique, industrielle et technique de la défense nationale.
Lors de la préparation des tableaux d'avancement et de concours, le classement des candidats s'effectuera en tenant compte de l'ensemble des éléments témoignant de l'aptitude au commandement des candidats, lorsqu'il s'agira d'avancement, et de la qualité des services rendus, lorsqu'il s'agira de la Légion d'honneur ou de la médaille militaire.

....................

Le caractère règlementaire des dispositions qui précèdent ayant été admis, le Conseil revient à l'examen des dispositions litigieuses et, tout d'abord, l'article 43 de la loi du 1er août 1936 modifiée.

Le premier problème qui se pose est de savoir quelles sont les dispositions de cet article qui sont soumises au Conseil.

M. le SECRETAIRE GENERAL fait observer qu'il ne peut être statué que sur les deux premiers alinéas de l'article 43 car les textes soumis au Conseil sont ceux de la loi du 1er août 1936 tels qu'ils résultent de l'ordonnance n° 59-106 du 6 janvier 1959 et le troisième alinéa a été ajouté à l'article 43 par la loi n° 61-822 du 29 juillet 1961. <(1) le texte de l'alinéa ajouté à l'article 43 de la loi du 1er Août 1936 par la loi du 29 juiller 1961 était le suivant : 
"Nonobstant toutes dispositions contraires en matière d'avancement et de décompte d'ancienneté, les officiers de réserve servant en situation d'activité en dehors des période : d'instruction, pourront être promus, pour services exceptionnels, dans les mêmes conditions que les officiers d'active. Mention du détail de ces services exceptionnels devra figurer au Journal Officiel.">

Ce point de vue est admis.

M. WALINE affirme qu'il serait mal venu de dire que l'article 43 est du domaine règlementaire alors que précisément il a été modifié par une loi en 1961.

M. DESCHAMPS propose alors d'ajouter à son projet de décision, le considérant suivant :
" Considérant, toutefois, que les dispositions de l'article 43, alinéas 1 et 2, ont le caractère règlementaire, dans la mesure où leur modification n'est pas susceptible de porter atteinte aux garanties fondamentales des fonctionnaires militaires de l'Etat ;"

M. MICHARD-PELLISSIER estime qu'il ne faut pas écrire : "dans la mesure où..." mais "parce que..."

M. GILBERT-JULES propose de dire que le texte en cause a un caractère législatif dans la mesure où il apporte aux officiers d'active une garantie fondamentale.

Toutefois, M. DESCHAMPS refuse cette modification car le texte soumis au Conseil concerne les officiers de réserve et non les officiers d'active.

M. GILBERT-JULES pense, quant à lui, que le texte du considérant proposé par M. DESCHAMPS n'est pas suffisamment clair.

M. le Président PALEWSKI demande alors un effort général de conciliation.

M. MICHARD-PELLISSIER note que si le texte de l'article 43 ne porte pas atteinte aux garanties fondamentales des officiers de carrière il est forcément règlementaire et qu'il n'est donc pas utile de répéter cette affirmation dans le considérant.

M. WALINE répond à cet argument que le texte dont il s'agit ne porte effectivement pas atteinte aux garanties fondamentales des officiers d'active puisqu'il donne et constitue lui -même la garantie et, de ce fait, est d'ordre législatif.

M. DESCHAMPS maintient le texte qu'il a proposé et qui est mis aux voix.

Ce texte est adopté par cinq voix contre trois et trois abstentions.

Toutefois, M. GILBERT-JULES élabore un nouveau projet de considérant qui sera adopté par le Conseil en fin de séance après avoir été amendé, sur proposition de M. le Président PALEWSKI et de M. DESCHAMPS, et constituera le texte qui figure dans la décision définitive reproduite ci-après.

L'examen de l'article 47 est ensuite abordé et M. DESCHAMPS fait observer que cet article pose les mêmes questions que le précédent.

M. WALINE, approuvé par M. MICHELET, rappelle que le texte de l'article 47 précité, énumère les cas de perte de grade pour les officiers de réserve et lui paraît donc être de nature législative en ce qu'il concerne les sujétions imposées par la défense nationale à une catégorie de citoyens

M. MICHARD-PELLISSIER demande quel inconvénient il y aurait à reconnaître à ce" texte un caractère législatif.

M. DESCHAMPS pense que ce serait aller au-delà de ce qu'a voulu le constituant.

M. LUCHAIRE propose de procéder à un vote sur le caractère législatif ou règlementaire de l'article 47 susvisé.

Ce vote donne les résultats suivants :
- Pour le caractère règlementaire : 3 voix
(MM. PALEWSKI, DESCHAMPS et MONNET)
- Pour le caractère législatif : 3 voix
(MM. WALINE, GILBERT-JULES et LUCHAIRE)
abstentions : 3
(MM. CASSIN, MICHELET et MICHARD-PELLISSIER)

Les voix étant également partagées, M. le Président PALEWSKI décide d'user de sa voix prépondérante et il est donc décidé d'admettre le caractère règlementaire des dispositions de l'article 47 ainsi que de toutes les autres dispositions de la loi du 1er août 1936, telles qu'elles résultent de l'ordonnance n° 59-106 du 6 janvier 1959, soumises au Conseil Constitutionnel à l'exclusion d'une seule réserve pour l'article 43.

La décision suivante est donc adoptée :

Considérant que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur le soin de fixer "les règles concernant les sujétions imposées par la Défense Nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens", "les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat", ainsi que la détermination des "principes fondamentaux de l'organisation générale de la Défense Nationale" ;

Considérant que les dispositions de la loi du 1er août 1936, telles qu'elles résultent de l'ordonnance n° 59-106 du 6 janvier 1959 et qui sont soumises à l'examen du Conseil Constitutionnel, concernent certaines positions des personnels appartenant aux cadres des réserves de l'armée de l'air, les conditions de leur avancement et de la perte éventuelle de leur grade, les limites d'âge qui leur sont applicables, les conditions dans lesquelles il peut être procédé à leur radiation d'office des cadres et à leur réintégration ; que ces dispositions visent également les cas dans

lesquels l’honorariat de leur grade peut leur être conféré ou retiré, précisent les récompenses qui peuvent leur être accordées et renvoient à un règlement d'administration publique la détermination des conditions d'application de certaines dispositions de ce texte ;

Considérant que les personnels relevant des cadres des réserves de l'armée de l'air n'appartiennent pas à la catégorie des "fonctionnaires civils et militaires de l'Etat" au sens de l'article 34 de la Constitution ; que, d'autre part, aucune des dispositions susvisées de la loi du 1er août 1936 modifiée ne met en cause les principes fondamentaux de l'organisation générale de la Défense Nationale ; qu'enfin, aucune de ces dispositions ne soumet les personnels appartenant aux cadres des réserves de l'armée de l'air à des sujétions imposées par la Défense Nationale, de la nature de celles mentionnées à l'article 34 sus-rappelé ; que, dès lors, les dispositions dont il s'agit n'ont pas le caractère législatif ;

Considérant, toutefois, que les dispositions de l'article 43 de cette loi telles qu'elles résultent des modifications apportées par l'article 4 de ladite ordonnance n'ont pas le caractère règlementaire dans la mesure où, en établissant, dans le 1er alinéa et la dernière phrase du second alinéa dudit article, une relation entre les conditions d'avancement des officiers de réserve et celles des officiers d'active, elles présentent pour ces derniers le caractère d'une garantie fondamentale de la nature de celles que l'article 34 de la Constitution a rangées dans le domaine de la loi ;

DECIDE :

Article premier - Les dispositions de l'article 43, 1er alinéa et 2ème alinéa, dernière phrase de la loi susvisée du 1er août 1936, telles qu'elles résultent de l'ordonnance n° 59-106 du 6 janvier 1959, n'ont pas, dans la mesure susindiquée, le caractère règlementaire.

Article 2 - Toutes les autres dispositions susvisées de ladite loi, soumises à l'examen du Conseil Constitutionnel, ont le caractère règlementaire.

Article 3 - La présente décision sera notifiée au Premier Ministre et publiée au Journal Officiel de la République Française.

Délibéré par le Conseil Constitutionnel dans sa séance du 17 novembre 1966.

L'original de cette décision sera annexé au présent compte-rendu.

A la fin de la séance, M. le Président PALEWSKI informe les membres du Conseil Constitutionnel des démarches qu’il a entreprises afin de faire reconnaître la compétence du Conseil pour veiller à la régularité des opérations de référendum qui doivent se dérouler sur le territoire de la Côte française des Somalis au cours de l’année 1967.

M. le Président PALEWSKI rappelle, notamment, qu'il a adressé une lettre au Premier Ministre dans laquelle, après avoir rappelé les dispositions de l'article 60 de la Constitution qui précisent que "le Conseil Constitutionnel veille à la régularité des opérations de référendum et en proclame les résultats", M. le Président a fait valoir que l'importance de la consultation envisagée à Djibouti, en particulier au plan international, lui paraissait nécessiter l'intervention du Conseil Constitutionnel, eu égard au rôle qui lui est imparti par la Constitution et s'agissant au surplus d'une consultation qui met en jeu l'intégrité des territoires de la République.

M. le Président PALEWSKI ajoute qu'il s'est entretenu de cette question avec M. le Président de la République qui avait donné son accord à l'intervention du Conseil aux fins précisées ci-dessus, sous réserve qu'il n'y ait pas d'obstacle d'ordre juridique.

Toutefois, des difficultés de cet ordre ont précisément été soulevées par les services du Premier Ministre qui en a fait part à M. le Président PALEWSKI par une lettre dont il sera donné lecture lors d'une prochaine séance.

M. LUCHAIRE remercie M. le Président PALEWSKI de son intervention auprès des plus hautes autorités de la République et précise qu'à son avis les dispositions de l'article 60 donnent compétence au Conseil pour connaître de tous les référendums quels qu'ils soient.

M. WALINE mentionne l'article 51 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel qui semble réserver sa compétence aux seuls référendums portant adoption d'une loi par le peuple ce qui ne serait pas le cas à Djibouti.

M. le Président PALEWSKI fait observer, en conclu- sion, que la consultation qui doit avoir lieu en Côte française des Somalis conduira certainement à l'adoption d'une loi et lève la séance à 18 h 30.

Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.