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Coline DIAZ

Les mots en fin de phrase sont régulièrement coupés dans le pdf, je les ais à chaque fois signalés par un commentaire en soumettant une correction lorsqu'elle m'apparaissait comme évidente.



SEANCE DU 26 JANVIER 1967

La séance est ouverte à 15 h 10 en présence de MM. Palewski, président, Cassin, Monnet, Waline, Gilbert-Jules, Michard-Pellissier et Luchaire.

MM. Deschamps et Michelet sont excusés.

M. le Président PALEWSKI fait connaître aux membres du Conseil que la première affaire inscrite à l’ordre du jour porte sur l'examen de la conformité à la Constitution, en application des articles 46 et 61 de celle-ci, du texte d'une loi organique, adoptée par le Parlement, modifiant et complétant l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

M. le Président donne ensuite la parole au rapporteur M. CASSIN.

M, CASSIN reprend devant le Conseil l'argumentation développée dans son rapport écrit annexé au présent compte rendu, concluant à la non conformité à la Constitution d'une partie des dispositions des articles 28 et 80-1 de la loi organique.

A l'issue de cet exposé M. le Président PALEWSKI remercie M. CASSIN en soulignant la qualité et la clarté de son rapport et fait observer que le Conseil se trouve pour cettil manque un "e" à la fin de "cette" qui n'est pas présent dans le texte original affaire dans une situation difficile car il doit examiner la conformité à la Constitution d'une loi excellente quant au but poursuivi, animée par un esprit de rénovation des institutions judiciaires très souhaitable, votée par le Parlement, mais dont il parait évident qu'elle peut porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs qu'il importe cependant de maintenir dans son intégralité.


M, le Président précise également que le Premier Ministre et le Garde des Sceaux ont envoyé des Commissaires du Gouvernement et demande aux membres du Conseil s'ils désirent les entendre avant que ne commence le débat.

M. MICHARD-PELLISSIER tient à faire remarquer immédiatement qu'il lui est apparu que l'étude des conséquences d’une déclaration de non conformité constituait un point faible dans l'exposé de M. CASSIN.

M. MICHARD-PELLISSIER pense que le texte soumis au Conseil porte atteinte au principe de l'inamovibilité mais il estime également que cette atteinte demeurera dans la mesure où les conseillers référendaires seront nommés pour une durée limitée, quel que puisse être le nombre de postes proposés à ces magistrats à l'expiration de leurs fonctions. En effet l'inamovibilité pour le magistrat n'est pas la propriété de son siège mais une garantie pour le justiciable.

Le problème qui se pose au Conseil est donc de savoir si la nomination d'office des conseillers référendaires au bout de dix ans ne constitue pas en elle-même une atteinte au principe de l'inamovibilité et de voir s'il existe une solution logique conciliant la limitation de la durée des fonctions avec ce principe.

M. GILBERT-JULES pense également que dans l'absolu une telle solution n'existe pas mais que des solutions moyennes peuvent être dégagées, par exemple celle qui consisterait à donner à un conseiller référendaire dans les six mois qui précèdent l'expiration de ses fonctions la possibilité de choisir le poste de son grade qui lui conviendra.

M. MICHARD-PELLISSIER répond que cela constituerait l'atteinte meme au principe de l'inamovibilité qui est le droit pour le magistrat de rester sur son siège, droit non pas relatif mais absolu.


M. LUCHAIRE estime qu'il faut effectivement raisonner dans l'absolu. La seule solution, à son avis, serait d'affecter le magistrat à un poste du siège et de le déléguer dans des fonctions à la Cour de cassation. Dans l'hypothèse où aucun des postes offerts à ce magistrat à l'expiration de ses fonctions ne lui conviendrait, il pourrait reprendre le poste dont il est titulaire. M. LUCHAIRE suppose qu'une telle solution serait de nature à satisfaire le Gouvernement car en fait la plupart des magistrats refuseront de reprendre leur ancien poste et choisiront une des nouvelles affectations qui leur seront offertes.

M. WALINE déclare : "Je crois que tous ceux qui sont intervenus avant moi avaient raison. Il y a atteinte à l'inamovibilité dès lors que l'on impose un poste à un magistrat du siège. C'est au législateur qu'il appartient de trouver une solution au problème de la conciliation de l'inamovibilité avec la limitation de la durée des fonctions mais nous devons cependant y penser. La solution proposée par M. LUCHAIRE me parait bonne. Une autre solution consisterait à nommer les conseillers référendaires à un poste en avancement qu'ils garderaient pendant dix ans".

M. GILBERT-JULES remarque que la nomination aux fonctions de conseiller référendaire allant de pair pour les magistrats avec leur accession au 1er grade, ils bénéficient d'un avancement automatique du fait de cette nomination. Ce qui est incompatible avec le principe de l'inamovibilité c'est que ces magistrats soient nommés pour une durée limitée sans être délégués à la Cour de cassation à partir d'un poste qu'ils pourraient retrouver s'ils le désirent.

M. le Président PALEWSKI fait observer que le recours à la procédure de la délégation supprimerait les avantages apportés par la réforme proposée par la Chancellerie.

M. MONNET s'étonne du peu d'importance attaché au principe de l'inamovibilité des magistrats du siège lors de la présentation par le Gouvernement et du vote par le Parlement du texte de loi soumis au Conseil.

Il relève en effet, dans l'exposé des motifs du projet de loi soumis à l'Assemblée nationale, l'alinéa suivant relatif à la nomination d'office des conseillers référendaires à l'expiration de leurs dix années de fonctions :


"Ces dispositions dérogeant à la règle de l’inamovibilité des magistrats du siège fixée par l'article 4 du statut de la magistrature doivent figurer dans la loi organique".

L’article 4 du statut de la magistrature reproduisant une règle posée à l'article 64 de la Constitution, M. MONNET estime que le Gouvernement semble faire peu de cas de cet article.

Le rapporteur du projet de loi devant l'Assemblée nationale, M. KRIEG, a vu la difficulté et l'a résolue par la thèse de l'acceptation anticipée, les magistrats du siège sachant lorsqu'ils acceptent un poste de conseiller référendaiil semblerait qu'il manque à nouveau la fin du mot "référendaire" qu'au bout de dix ans ils devront l'abandonner pour aller remplir d'autres fonctions.

Mais le Parlement dans son ensemble, y compris le Sénat, a négligé ce problème de l'inamovibilité. M. MONNET pense qu'en conséquence "il est du devoir du Conseil Constitutionnel de remettre les choses en place".

Il poursuit en rappelant que le sens profond de l'inamovibilité est une garantie du justiciable mais que le magistrat est quand même soumis aux règles inhérentes au bon fonctionnement du service public auquel il appartient. Il importe donc que le Conseil, s'il donne des indications au Gouvernement en motivant une décision de non conformité, ne fasse pas abstraction de cette idée de service public.

M. LUCHAIRE approuve ces propos et il ajoute : "L'inamovibilité est faite pour le justiciable comme pour le juge et dans la perspective du texte qui est soumis au Conseil le justiciable se trouve devant un magistrat qui peut être déplacé d'office".

M. CASSIN déclare que l'inamovibilité est faite dans le seul intérêt du justiciable. Il peut être porté atteinte à ce principe dans la mesure où l'ordre et la justice commandent de le faire mais dans des limites imposées or dans la présente affaire ces limites ont été dépassées.

Quant aux solutions permettant de rester dans les limites constitutionnelles, M. CASSIN pense que leur choix est important, car il ne voudrait pas qu'une réforme utile soit menacée par la mauvaise application qui pourrait en être faite.


A cet égard la solution consistant à laisser au conseiller référendaire la possibilité de reprendre son ancien poste, à l'issue de ses fonctions à la Cour de cassation, est critiquable car il lui parait dérisoire de parler de retour à l'ancien poste au bout de dix ans.

M. MICHARD-PELLISSIER rappelle que le Conseil n'a pas à se préoccuper de la recherche des solutions permettant de concilier le principe de l'inamovibilité et la durée limitée des fonctions de conseiller référendaire à la Cour de cassation. Il déclare cependant que si le législateur tranchait la question sous la forme proposée par M. CASSIN, à savoir le choix entre trois postes pour le conseiller référendaire parvenu à l'expiration de ses fonctions, et que ce nouveau texte fut soumis au Conseil, il considérerait ce texte également contraire au principe de l'inamovibilité.

M. GILBERT-JULES maintient que la meilleure solution serait de nommer les conseillers référendaires à un poste de magistrat du siège du premier grade en province et de les déléguer à la Cour de cassation.

M. CASSIN pense que cette solution se heurterait à une opposition certaine de la part des magistrats qui voudront toujours rester à Paris. M. CASSIN rappelle que cela s'est vu pour les substituts du centre d'études et de documentation à la Cour de cassation, conformément d'ailleurs aux craintes dont il avait fait part à M. BATTESTINI, alors Premier Président de la Cour de cassation, lorsqu’avait été créée cette catégorie de magistrats.

M. CASSIN regrette que contrairement aux autres corps ole mot est coupé sur le pdf il y a une tendance certaine à obliger les fonctionnaires à allefin du mot "aller" ? coupé du pdf en province, on semble vouloir attirer les magistrats vers Parisil manque le point de fin de phrase

M. LUCHAIRE fait observer que même dans l'hypothèse où une conception assez souple du principe de l'inamovibilité seraiil manque le "t" à la fin de "serait" qui est coupé dans le pdf adoptée, il resterait que les conditions de nomination des conseillersle mot "conseillers" est partiellement coupé dans le pdf référendaires à un autre poste au bout de dix ans, doivent être fixées par la loi organique elle-même et non pas renvoyées à un règlement d'administration publique.


M. CASSIN rappelle que c'est cela même qu'il a critiqué dans son rapport, car le législateur n'a pas suffisamment précisé les limites de sa délégation.

M. GILBERT-JULES pense que dans une matière reconnue législative par la Constitution, la délégation du pouvoir législatif par renvoi à un règlement d'administration publique est inconstitutionnelle.

M. WALINE ayant fait remarquer que les dispositions renvoyées par la loi organique à un règlement d'administration publique échappent au contrôle du Conseil Constitutionnel, M. GILBERT-JULES approuve cet argument et ajoute que même si la délégation faite par le législateur est précise, en matière de loi organique le pouvoir d'appréciation de la conformité à la Constitution n'appartient pas au Conseil d'Etat mais au Conseil Constitutionnel et qu'il importe donc de lui laisser ce contrôle.

Les Commissaires du Gouvernement :

M. LARCHE, directeur des services législatifs au Secrétariat Général du Gouvernement accompagné de M. GROUX, chargé de mission et M. MAYRAS, Directeur des services judiciaires au Ministère de la Justice accompagné de M. THOMAS, Sous-directeur de l'organisation judiciaire et de la règlementation, sont alors introduits.

M. le Président PALEWSKI demande à M. MAYRAS d'indiquer au Conseil quelle a été la genèse du projet du texte de l'article 28 soumis au Conseil et comment ce texte a pu être jugé compatible avec le principe de l'inamovibilité par les services de la Chancellerie.

M. MAYRAS rappelle que la genèse du texte prévoyant l'institution de conseillers référendaires à la Cour de cassation remonte à un conseil restreint qui date de trois ans.

Au cours de ce conseil avait été admise la nécessité


d’inclure dans les structures de la Cour de cassation des magistrats plus jeunes que les conseillers qui apporteraient à la Cour avec des possibilités de rendement élevé, des connaissances plus immédiates de problèmes récents dont ils auraient eu à connaître dans les juridictions.

Mais pour la mise en oeuvre de ces idées il fallait se garder de créer une carrière unique pouvant se dérouler entièrement à la Cour de cassation. Ceci aurait pu se produire si des magistrats avaient été intégrés comme auditeurs à la Cour de cassation pour y poursuivre leur carrière comme conseillers référendaires et devenir enfin conseillers. Le désir d’éviter cette possibilité impliquait la limitation de la durée des fonctions de conseiller référendaire de manière à ce qu’un délai suffisant s’écoule entre la fin desdites fonctions et le retour à la Cour de cassation comme conseiller.

Il fallait également tenir compte pour fixer cette durée de l'obligation pour les conseillers référendaires de se familiariser pendant une année ou deux avec leurs nouvelles tâches avant d’atteindre un rendement normal.

Enfin, dernière préoccupation, les conseillers référendaires se recrutant à un niveau assez élevé, il fallait faire en sorte que leur carrière ne fut pas trop rapide par rapport à celle de leurs collègues demeurés dans d’autres juridictions.

La limitation dans le temps de la durée de certaines fonctions ne créait d’ailleurs pas une situation nouvelle puisqu'un certain nombre de fonctions ne sont confiées à des magistrats que pour une durée déterminée. Il en est ainsi, par exemple, des juges d'instruction, des juges des enfants, des juges de l'expropriation, des juges de l'application des peines, nommés pour une période de trois ans avec possibilité de renouvellement.

Bien entendu la question s'est posée de savoir quelle serait la situation des conseillers référendaires, magistrats du siège, à l'issue de leurs dix années de fonctions.

Cette question s'était déjà posée dans d'autres circonstances et en particulier lorsque des modifications furent apportées aux structures judiciaires. Tel a été le cas pour la réforme judiciaire de 1958 qui a entraîné la suppression de nombreux tribunaux, ce qui a impliqué des mesures particulières pour régler la situation de certaines catégories de magistrats.

On aurait pu prévoir en effet que les magistrats du siège exerçant leurs fonctions dans des tribunaux supprimés pourraient y demeurer jusqu'à ce qu'ils acceptent une autre affectation.


Mais il était impossible de s'engager dans cette voie et c'est une autre solution qui a été choisie.

C'est ainsi que l’article 26 du décret n° 58-1281 du 22 décembre 1958 a prévu que lorsqu'un juge suppléant qui devait être provisoirement affecté à la suite d'un tribunal de grande instance, avec le titre de juge, refusait l'affectation qui lui était proposée, une nouvelle affectation dans trois nouvelles juridictions lui était de nouveau proposée. Ce même texte disposait que l'intéressé avait un délai d'un mois pour accepter l'une de ces affectations et que le refus de sa part pouvait être considéré comme une faute disciplinaire.

De même lorsqu'un magistrat du siège a accepté un détachement auprès d'un Etat étranger au titre de la coopération, ce détachement peut se trouver rompu avant la fin de la période de détachement.

Dans ce cas aussi c'est la procédure décrite ci-dessus qui est appliquée pour affecter le magistrat.

La limitation de la durée des fonctions dans le temps doit également être considérée comme conforme aux dispositions des articles 64 de la Constitution et 4 de l'ord. n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature parce qu'il s'agit, dans le cas présent, d'une réforme qui entraîne un certain nombre d'exigences d’ordre public.

La durée des fonctions des conseillers référendaires qui est de dix ans sera suffisante pour permettre à tous ces magistrats quel que soit le niveau auquel ils auront été recrutés de se voir proposer durant leur passage à la Cour de cassation une mutation en avancement.

Ainsi le magistrat recruté au deuxième grade se verra proposé il me semble qu'il y a une faute d'orthographe et qu'il faudrait écrire "proposer"un poste du 1er grade et le magistrat recruté au premier grade aura une ancienneté suffisante pour prétendre à un poste hors hiérarchie. 

On ne peut évidemment exclure l'hypothèse où un magistrat déclinerait toutes les propositions qui lui seraient faites dans ce domaine. Mais la solution à apporter dans ce cas parait relever plutôt de la procédure que du fond.

En effet il sera toujours possible de donner au magistrat se trouvant dans cette situation le choix entre trois postes, étant bien entendu que ces postes seront à un niveau au moins équivalent à celui qu'il aura eu à la Cour de cassation car la rétrogradation ne peut avoir lieu que dans le cas d'une mesure disciplinaire prononcée par le Conseil supérieur de la magistrature.


L'article 28 de la loi organique soumise au Conseil, dans lequel est prévue l'affectation d'office des conseillers référendaires, tire les conséquences de l'hypothèse où un de ces magistrats refuserait toutes les affectations qui lui sont offertes. Même si la rédaction de ces dispositions est choquante elles ne sont que la conséquence nécessaire de la limitation de la durée des fonctions.

M. GILBERT-JULES demande à M. MAYRAS si, étant donné que les conseillers référendaires seront recrutés parmi les magistrats du second grade, il ne serait pas possible de les nommer immédiatement à un poste du premier grade dans une juridiction et de les détacher ensuite dans les fonctions de conseiller référendaire.

Dans ce cas il n'y aurait pas d'atteinte au principe de l'inamovibilité car ce détachement dans des fonctions particulières serait assimilable à celui des juges d'instruction ou des juges de l'application des peines. De plus, le conseiller référendaire aurait la possibilité de reprendre son poste à l'expiration de ses fonctions à la Cour de cassation.

M. MAYRAS répond qu'une telle solution ne parait pas être conforme à l'intérêt des magistrats car en principe le détachement fait perdre tout lien avec le poste d'origine.

M. GILBERT-JULES propose alors de recourir à la procédure de la délégation en insistant sur le fait que le retour du conseiller référendaire à son poste d'origine ne se produira que très rarement.

M. MONNET explique qu'au point de vue financier cette manière de procéder n'entrainerait aucune dépense supplémentaire car il importe peu qu'un magistrat soit payé comme conseiller dans une cour d'appel ou à la Cour de cassation dès lors que le traitement est le même. Ainsi seraient évitées les difficultés que le Ministère des Finances a soulevées pour s'opposer au projet de la Chancellerie prévoyant la possibilité de nommer des conseillers référendaires en surnombre auprès de cours d'appel.


M. MAYRAS précise que l’opposition de la Chancellerie à la procédure de la délégation se situe avant tout sur le plan psychologique. En effet pour garder à la réforme envisagée toute l'importance qu’elle doit avoir il apparait nécessaire que les conseillers référendaires soient réellement titulaires d'un poste à la Cour de cassation plutôt que d'y être délégués.

M. WALINE fait remarquer qu'il existe dans l'enseignement supérieur des problèmes voisins de ceux qui se posent pour les magistrats car les professeurs titulaires d'une chaire sont également inamovibles. Lorsque ces professeurs sont détachés ils bloquent évidemment une chaire mais l'expérience a montré que cela ne posait pas de problèmes insolubles.

De même les maîtres de conférences agrégés qui acceptent de partir Outre-Mer savent qu'ils retrouveront leur poste en rentrant.

M. MICHARD-PELLISSIER pense que la distinction faite entre l'application du principe de l'inamovibilité et ce principe lui-même conduit à une nouvelle atteinte à l'article 64 de la Constitution.

En précisant qu'il ne parle que d'une délégation faite par une loi organique et non ordinaire, M. MICHARD-PELLISSIER constate que les conditions d'affectation des conseillers référendaires ne sont pas précisées par la loi organique mais renvoyées à un règlement d’administration publique ce qui abouti il semblerait qu'il manque le "t" à la fin d'"aboutit" dans le pdf à éluder le contrôle du Conseil Constitutionnel.

Celui-ci en effet ne peut dans ce cas faire porter son contrôle sur le fait d'application de la loi organique qui doit cependant lui aussi être conforme à la constitution et ne pas porter atteinte au principe de l'inamovibilité.

M. LARCHE fait observer qu'à cet égard le problème n'est pas tout à fait nouveau car le Conseil a déclaré conforme à la Constitution la loi organique n° 60-887 du 17 Août 1960 relative à l'intégration des juges de paix en Algérie dans le corps judiciaire unique. Le texte de cette loi est le suivant : "Les juges de paix en Algérie nommés, après la date de mise en vigueur de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 Décembre 1958, dans le Cadre institué par l'article 80 de ladite ordonnance, peuvent être intégrés dans le corps judiciaire unique aux conditions et selon les modalités prévues par règlement d'administration publique" V. décision n°60-7-DC du 11 Août 1960, Recueil 1960 p. 22.


M. MICHARD-PELLISSIER répond que dans le cas dont il s'agit il n'était pas porté atteinte aussi directement à un principe de la Constitution et que, quoi qu'il en soit, il ne faut pas que le contrôle du fait conséquent à la loi organique échappe au Conseil Constitutionnel.

M. GILBERT-JULES ayant rappelé que l'expression "nomination d'office" contenue dans l'article 28 de la loi organique soumise au Conseil était choquante s'agissant de magistrats du siège, M. LARCHE explique que les conséquences de cette expression peuvent être aménagées par voie règlementaire.

M. le Président PALEWSKI intervient pour rappeler que le Conseil statue sur la conformité à la Constitution de la loi organique et non du règlement d'application.

M. GILBERT-JULES demande alors à M. MAYRAS quelle difficulté il y aurait à ce que les conseillers référendaires, inscrits au tableau d'avancement, fussent nommés à un poste du premier grade qu'ils retrouveraient dans le cas où, par hasard, ils n'accepteraient aucun autre poste à l'expiration de leurs fonctions à la Cour de cassation.

M. MAYRAS pense qu'il serait ennuyeux qu'un magistrat nommé dans une cour d'appel ait à connaître, étant à la Cour de cassation, de la validité d'arrêts rendus par ladite cour d'appel.

M. GILBERT-JULES estime que cet inconvénient est de peu d'importance car il peut y être facilement remédié.

M. le Président PALEWSKI invite M. LARCHE à préciser les conséquences pratiques qui résulteraient d'une déclaration de non conformité par le Conseil Constitutionnel en ce qui concerne l'article 28 de la loi organique qui lui est soumise.

M. LARCHE répond que tout cela dépend en premier lieu de la décision que rendra le Conseil quant au caractère séparable de ces dispositions par rapport à l'ensemble du texte.

Si ces dispositions sont jugées séparables des autres le Gouvernement a deux solutions :

- ou promulguer immédiatement la loi organique, sans les dispositions en cause, mais alors cette publication perd beaucoup de son intérêt

- ou bien demander une seconde lecture au Parlement mais cette procédure n'a jamais été utilisée jusqu'à présent.

Dans cette hypothèse la promulgation de la loi organique serait retardée jusqu'à la prochaine session parlementaire.

Pour le choix entre les deux solutions exposées ci-dessus le Secrétaire Général du Gouvernement s'en reportera à l'avis du Gouvernement et de la Chancellerie.

M. CASSIN insiste sur le fait que le texte de loi modifiant l'organisation de la Cour de cassation compte tenu de l'institution des conseillers référendaires n'est pas encore voté et que, par conséquent, il est en définitive préférable pour le Gouvernement que les dispositions de la loi organique relatives à ces magistrats ne soient pas promulguées avant le texte de la loi ordinaire susvisée.

Quant aux autres dispositions de la loi organique et notamment celles qui ont trait au tableau d'avancement, elles peuvent parfaitement être promulguées immédiatement.

M. LARCHE ne veut pas préjuger de la décision du Gouvernement à cet égard et rappelle que le projet de loi relatif à la Cour de cassation a déjà été voté par l'Assemblée Nationale.

M. le Président PALEWSKI remarque que : "Nous notons que cela rendrait la procédure du vote et de la publication simultanés des deux textes d’autant plus expéditive".


M. GILBERT-JULES approuve les propos de M. CASSIN et précise que seule une phrase de l’article 28 de la loi organique pourrait être éventuellement déclarée inconstitutionnell il manque le "e" à la fin du mot dans le pdf ce qui permettrait de publier dès à présent une partie de cet article.

Le Gouvernement pourrait dans ce cas présenter simultanément au Sénat dès la rentrée parlementaire, les nouvelles dispositions complétant l'article 28 et la loi ordinaire relative à la Cour de cassation qui en est le complément nécessaire. Après le vote par les deux assemblées ces deux textes seraient publiés en même temps.

M. LARCHE demande alors si c'est seulement le mot "d'office" qui dans la 3e phrase du deuxième alinéa de l'article 28 susvisé peut être jugé comme inconstitutionnel.

M. GILBERT-JULES répond qu'il ne peut aller plus avant dans les renseignements relatifs à l'avis du Conseil.

M. MAYRAS pose à son tour la question de savoir si, dans l'hypothèse où le texte de loi organique prévoierait la possibilité du choix entre trois postes pour les conseillers référendaires parvenus à l'issue de leurs fonctions, ce texte serait jugé constitutionnel.

M. MICHARD-PELLISSIER rappelle en réponse que le Conseil Constitutionnel n'est pas un organe consultatif et qu'il s'est fixé pour règle de ne jamais donner un avis sur un texte avant que celui-ci ne lui ait été soumis.

M. MAYRAS déclare en conclusion que la meilleure solution au problème de la compatibilité de la durée limitée des fonctions de conseiller référendaire avec le principe de l'inamovibilité, serait de pouvoir nommer ces magistrats en surnombre dans un poste de leur choix à l'expiration de leurs fonctions mais rappelle que les services du Ministère des Finances se sont montrés hostiles à cette solution.


M. CASSIN signale qu’une décision de non conformité du Conseil Constitutionnel constituerait peut-être un argument valable à l'égard desdits services.

un crochet manuscrit désigne ce paragrapheLes Commissaires du Gouvernement quittent alors la salle de séance.

M. MICHARD-PELLISSIER propose de voter sur la question de conformité à la Constitution des dispositions de l’article 28, 2e alinéa, 3e phrase de la loi organique soumise au Conseil.

M. le Président PALEWSKI déclare avec l’approbation des membres du Conseil que tout le monde est d’accord pour constater la non conformité de ces dispositions avec celles de l’article 64 de la Constitution.

M. CASSIN donne alors lecture du projet de décision ci-après :

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Saisi le 3 janvier 1967 par le Premier Ministre, conformément aux dispositions de l’article 61 de la Constitution, du texte définitif du projet de loi organique adopté par le Parlement, modifiant et complétant l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu la Constitution et notamment ses articles 61 et 64 ;

Vu l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel, notamment le chapitre II du Titre II deladite il manque l'espace entre "de" et "ladite" ordonnance ;

Considérant qu’aux termes de l’article 64 de la Constitution "les magistrats du siège sont inamovibles” ; que l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique rela-


tive au statut de la magistrature reprend, dans son article 4, premier alinéa, cette même disposition et, dans son deuxième alinéa, fait du principe ainsi posé une application nécessaire en précisant "qu’en conséquence le magistrat du siège ne peut recevoir sans son consentement une affectation nouvelle, même en avancement" ;

Considérant que la loi organique dont le texte est, avant sa promulgation, soumis au Conseil Constitutionnel pour examen de sa conformité à la Constitution, prévoit, dans son article 28, 2ème alinéa, 4ème phrase, que par dérogation aux dispositions précitées de l'article 4, alinéa 2, de la loi organique relative au statut de la magistrature, les conseillers référendaires à la Cour de cassation peuvent, à l’expiration de leurs fonctions, être affectés d'office à un emploi de magistrat du siège dans les conditions qui seront fixées par un règlement d'administration publique ;

Considérant que la faculté, qui est ainsi ouverte sans réserve au Gouvernement par cette disposition, de pourvoir d'office à l'affectation des conseillers référendaires lorsque ceux-ci ont atteint le terme de dix années assigné par la loi à la durée de leurs fonctions, est contraire, s'agissant de magistrats du siège, au principe sus-énoncé de la Constitution ; qu'il en est de même du renvoi qui est fait par ce même texte à un règlement d'administration publique du soin de fixer les conditions dans lesquelles ladite affectation doit avoir lieu, et par lequel cette opération est laissée au pouvoir discrétionnaire de l'autorité réglementaire sans être assortie d'aucune des garanties qui eussent été de nature à concilier les conséquences découlant du caractère temporaire des fonctions de conseiller référendaire à la Cour de cassation avec le principe de l'inamovibilité des magistrats du siège ; qu'il y a lieu, dès lors, pour ces motifs, de déclarer les dispositions précitées de l'article 28, 2ème alinéa, 4ème phrase, du texte du projet de loi organique soumis à l'examen du Conseil Constitutionnel non conformes à la Constitution ;

Considérant qu'il ne résulte ni du texte dont il s'agit, tel qu'il a été rédigé et adopté ni des débats auxquels la discussion du projet de loi organique a donné lieu devant le Parlement que la disposition précitée de l'article 28 soit inséparable de l'ensemble du texte de la loi organique ;

Considérant, enfin, qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil Constitutionnel de soulever aucune question de conformité à la Constitution des autres dispositions de la loi organique soumise par le Premier Ministre à son examen ;


DECIDE

Article premier - Les dispositions précitées de l’article 28, 2ème alinéa, 4ème phrase, du texte du projet de loi organique adopté par le Parlement, modifiant et complétant l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature sont déclarées non conformes à la Constitution.

Article 2 - Les autres dispositions dudit projet de loi sont déclarées conformes à la Constitution.

Article 3 - La présente décision sera publiée au Journal Officiel de la République française.

Il est décidé de remplacer dans le premier visa l'expression "texte définitif du projet de loi organique" par "texte de loi organique", M. WALINE ayant fait remarquer qu'à l'article 61, premier alinéa, de la Constitution, il est spécifié que ce sont les lois organiques qui avant leur promulgation sont soumises au Conseil Constitutionnel et non les projets de loi.

Dans le deuxième visa, sur proposition de M. LUCHAIRE la mention de l'article 46 de la Constitution est ajoutée ainsi que celles des alinéas 3 et 4 de l'article 64.

M. CASSIN ayant proposé de supprimer à la fin du premier considérant le mot "nécessaire", M. LUCHAIRE demande le maintien de ce mot qui répond à l’argumentation de M. KRIEG, député, rapporteur du projet de loi devant l'Assemblée Nationale.

En effet, M. KRIEG avait fait une distinction entre le premier et le deuxième alinéa de l'article 4 de l'ordonnanc le "e" à la fin d'"ordonnance" est coupé dans le pdf d'origine n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

A son avis le premier alinéa dudit article, reproduisant les dispositions de la Constitution sur le principe de l'inamovibilité, ne peut pas être modifié, alors qu'il peut être dérogé par un texte de valeur équivalente, c’est-à-dire une loi organique, aux dispositions du second alinéa rappelant l’impossibilité de déplacer un magistrat du siège, même en avancement, sans son consentement.


Il importe donc selon M. LUCHAIRE que le Conseil Constitutionnel montre bien qu’il considère la règle fixée au second alinéa de l'article 4 susvisé comme indissociable du principe de l’inamovibilité rappelé au premier alinéa.

Sur proposition de M. MICHARD-PELLISSIER il est également décidé de reproduire à la fin du deuxième considérant, le texte exact des dispositions de la phrase de l’article 28 jugée inconstitutionnelle.

M. GILBERT-JULES suggère une nouvelle rédaction pour la première phrase du troisième considérant afin notamment de supprimer l'expression "sans réserve" qui laisserait supposer que sous certaines réserves le Gouvernement pourrait procéder à des nominations d'office de magistrats du siège.

Sur une question de M. LUCHAIRE, M. MICHARD-PELLISSIER précise qu'il lui paraît indispensable de mentionner dans la décision que le renvoi à un règlement d'administration publique pour la fixation des conditions de nomination des conseillers référendaires à d'autres postes est également inconstitutionnel.

Un débat s'instaure alors sur la rédaction du considérant relatif à cette question dans lequel interviennent notamment M. le Président PALEWSKI et M. LUCHAIRE.

M. MICHARD-PELLISSIER propose en dernier lieu un projet qui est adopté et constitue le quatrième considérant de la décision définitive.

M. WALINE demande que les dispositions de l'article 80-1 de la loi organique se référant au deuxième alinéa de l'article 28 soient également déclarées inconstitutionnelles. Il en est ainsi décidé et cette mention est insérée à la fin du cinquième considérant de la décision.

M. le Président PALEWSKI fait remarquer enfin qu'il importe, dans un intérêt psychologique et pour que le Gouvernemen le "t" de la fin du mot "gouvernement" est coupé dans le pdf d'originesoit conduit à promulguer les dispositions de la loi organique qui n’auront pas été déclarées inconstitutionnelles, de préciser que ces dispositions sont bien conformes à la Constitution en la forme et au fond.


Un dernier considérant est en conséquence ajouté au projet qui, ainsi modifié, est adopté.

L’original de cette décision sera annexé au présent compte rendu.

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M. le Président PALEWSKI fait connaître au Conseil que la seconde affaire inscrite "à l'ordre du jour a trait à l'examen, sur la demande du Premier Ministre et en application de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, de la nature juridique des dispositions du deuxième alinéa, première phrase, de l'article 108 du code minier, en tant qu'elles visent le département de la Seine et donne la parole à M. GILBERT-JULES, rapporteur.

M. GILBERT-JULES rappelle qu'en principe tout propriétaire a le droit d'exploiter les carrières situées sur un terrain lui appartenant.

Toutefois l'article 54 du règlement annexé au décret impérial du 4 juillet 1813 a interdit "toute exploitation de carrières de pierres à bâtir, moëllons, pierre à chaux, etc., dans Paris.

La loi du 27 juillet 1880 a abrogé ce texte tout en maintenant l'interdiction d'exploiter des carrières souterraine il manque un "s" à la fin de souterraines dans le pdfde toute nature dans l'intérieur de Paris.

Lors de l'élaboration du code minier (décret n° 56-838 du 16 août 1956) cette disposition fut reprise dans le deuxième alinéa de l'article 108 ainsi rédigé :

"L'exploitation des carrières souterraines de toute nature est soumise à la surveillance de l'administration des mines dans les conditions prévues par les articles 77, 79, 84, 86, 87, 90, 91 et 92 ci-dessus.
Elle est interdite dans l'intérieur de Paris".

La loi n° 62-549 du 9 mai 1962 devait substituer à cette dernière phrase l'alinéa suivant :

"Elle est interdite dans le département de la Seine. Elle peut également être interdite dans des zones délimitées par décrets en Conseil d'Etat, après enquête publique et avis du Conseil Général des Mines ; ces décrets fixent en tant que de besoin des dispositions transitoires".


Or, il est stipulé à l’article 45 de la loi n° 64-70 le n° de loi est coupé dans le pdf du 10 juillet 1964 portant réorganisation de la région parisienne que la ville de Paris et les départements des Hauts de Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val de Marne sont, pour l’application de tous les textes de nature législative visant le département de la Seine, substitués à ce département.

Par conséquent, dans la mesure où les dispositions interdisant l'exploitation des carrières souterraines dans la Seine sont de nature législative, cette interdiction s'étend aux trois nouveaux départements précités. Une telle conséquence devrait donc entraîner la fermeture de certaines carrières se trouvant dans des communes de banlieue situées autrefois dans le département de la Seine-et-Oise mais rattachées désormais à l'un des trois nouveaux départements susvisés. Or ces carrières font fonctionner des usines à plâtre employant un personnel important et le Gouvernement n'est donc pas favorable à une telle mesure. Il lui importe par conséquent de savoir si les dispositions précitées de l'article 108 du code minier, deuxième alinéa, première phrase sont de nature règlementaire ou législative.

Dans la première hypothèse en effet, l'application des dispositions dont il s'agit reste limitée au département de la Seine, dans le second cas, elles s'appliquent aux départements des Hauts de Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val de Marne, conformément à l'article 45 de la loi du 10 juillet 1964 précitée, et un texte de loi est nécessaire pour soustraire ces trois nouveaux départements à l'interdiction relative aux carrières souterraines, édictée initialement pour la Seine.

Après avoir ainsi posé le problème dont le Conseil doit connaitre, le rapporteur rappelle les arguments du Secrétariat Général du Gouvernement en faveur du caractère règlementaire des dispositions en cause de l'article 108 du code minier.

1°) L'interdiction d'exploiter certaines carrières est une mesure de protection de la sécurité publique et par conséquent une telle interdiction peut être regardée comme relevant des pouvoirs propres que le Chef du Gouvernement tient de la Constitution à l'effet d'édicter des mesures de police nécessaires au maintien de la sécurité publique.

M. GILBERT-JULES objecte à cela que les pouvoirs de police du Chef du Gouvernement, à l'instar de ceux que détiennent les maires, peuvent lui permettre de prendre des mesures à champ d'application restreint mais certainement pas une interdiction à la fois permanente et générale.


2°) L'exercice de la profession d’exploitant de carrières souterraines est soumis par le code minier à une sévère règlementation dans laquelle s’inscrit notamment l’interdiction depuis cent cinquante ans d’exploiter des carrières à Paris.

Or le Conseil Constitutionnel a estimé à plusieurs reprises que lorsqu’une matière a fait l’objet dans le passé d’une règlementation particulière apportant des limitations à des principes fondamentaux ou à des garanties fondamentales énoncées à l’article 34 de la Constitution, le Gouvernement peut, sans porter atteinte à ces principes et garanties, modifier et compléter cette règlementation.
(Voir à cet égard décision n° 59-1 FNR du 27 novembre 1959 recueil 1959 p. 71, N° 60-7 L du 8 juillet 1960 recueil 1960 p. 35, 61-3 FNR et 4 FNR des 8 septembre et 18 octobre 1961 rec 19 la fin du numéro est coupée dans le pdfp. 48 et 50, n° 64-28 L du 17 mars 1964, recueil 1964 p. 35)

Le rapporteur n’admet pas non plus cet argument car selon lui, si la législation antérieure soumet l’exploitation des carrières à un certain contrôle, le droit de les exploiter n’en existe pas moins en son intégralité, hormis bien entendu dans le département de la Seine.

3°) Il est enfin fait valoir dans la note du Secrétariat Général du Gouvernement qu’en 1962, le législateur a lui-même consacré la compétence du pouvoir règlementaire en autorisant le Gouvernement à étendre à de nouvelles zones l'interdiction formulée à l’article 108, deuxième alinéa, première phrase du code minier, par décret en Conseil d'Etat pris après enquête publique et avis du Conseil Général des Mines.

M. GILBERT-JULES oppose à cette interprétation que si justement le législateur a cru devoir déléguer au Gouvernement la faculté d'interdire localement l'exploitation des carrières, en utilisant une certaine procédure, c’est qu'il estimait détenir normalement ce pouvoir.

Dans le cas contraire en effet aucune délégation n'était nécessaire.

Le rapporteur conclut au caractère législatif des dispositions soumises au Conseil en ce qu'elles portent atteinte au régime de la propriété et à la liberté du commerce et de l'industrie et par là même, touchent à des principes fondamentaux qui, aux termes de l'article 34 de la Constitution, relèvent du domaine de la loi.


M. LUCHAIRE intervient pour faire connaître qu'à son avis la loi du 10 juillet 1964 peut recevoir une interprétation différente de celle qui lui a été donnée par le Secrétariat Général du Gouvernement mais que par manque de temps il ne tient pas à développer cet argument.

Il souhaiterait cependant que ce texte n'étant pas lui-même soumis au Conseil et sa référence n'étant pas indispensable dans l'affaire en cause, il ne soit pas mentionné dans les visas de la décision.

Pour le reste M. LUCHAIRE partage l'avis de M. GILBERT JULESici il n'y a pas de tiret dans le nom de M. GILBERT-JULES, il semble oublié ou coupé dans le pdf quant au caractère législatif de la première phrase du deuxième alinéa de l'article 108 du code minier, pour deux raisons :

- D'une part, il existe une jurisprudence constante selon laquelle l'exploitation d'une carrière constitue un simple aspect de l'exercice du droit de propriété, les différends qu'elle peut entraîner relevant de la compétence des tribunaux judiciaires (Req. 7.12.1904, Cons. d'Etat 9 mai 1913, Rec. Cons. d'Etat p. 514)

- D'autre part, une interdiction totale de l'exercice d'un droit ne peut relever que du pouvoir législatif.

M. MICHARD-PELLISSIER rappelle la jurisprudence du Conseil selon laquelle le Gouvernement peut intervenir par décret dans des matières où des limitations ont déjà été apportées par une législation antérieure aux principes fondamentaux ou aux garanties fondamentales. En l'espèce, l'interdiction d'exploiter des carrières souterraines date de 1813 et tous les textes suivants n'ont fait que reprendre cette interdiction. C'est donc dans ce cadre qu'il faut apprécier s'il y a une nouvelle atteinte aux principes fondamentaux.

M. GILBERT-JULES objecte qu'en 1962, il est apparu nécessaire de prendre un texte législatif pour étendre à tout le département de la Seine une interdiction qui jusqu'alors s'appliquait à Paris seulement.

M. MICHARD-PELLISSIER répond que le précédent de 1962 ne prouve rien en lui-même, le Gouvernement pouvant parfaitement laisser insérer dans une loi des dispositions de caractère règlementaire. Le droit d'exploiter les carrières a été limité pour Paris il y a donc limitation habituelle de ce droit.


M. LUCHAIRE pense que les précédentes décisions du Conseil conduisent à approuver la thèse soutenue par M. MICHARD-PELLISSIER lorsqu'il s'agit de réglementer une activité commerciale et industrielle. Toutefois l'exploitation d'une carrière n'est pas un acte de commerce mais un mode d'exercice du droit de propriété.

M. CASSIN fait observer que ce n'est pas l'ensemble de la nature du droit d'exploiter les carrières qui a été atteinte par la règlementation antérieure mais une activité dans une aire géographique donnée.

M. le Président PALEWSKI pense que l'argument de M. MICHARD-PELLISSIER est convaincant.

M. WALINE précise que pour reconnaître le caractère législatif aux dispositions soumises au Conseil il faut se fonde la fin du mot "fonder" est coupée dans le pdf uniquement sur l'atteinte au régime de la propriété et non au libre exercice du commerce et de l'industrie.

M. GILBERT-JULES répondant à une objection de M. MICHARD-PELLISSIER donne lecture d'un considérant de la décision n° 59-1 FNR du 27 novembre 1959 relative à une propositio la fin du mot "proposition" est coupée dans le pdfde loi déposée par MM. BAJEUX et BOULANGER.

Ce considérant est le suivant :

"Considérant que ceux de ces principes (principes fondamentaux du régime de la propriété et des obligations civiles) qui sont ici en cause, à savoir la libre disposition de son bien par tout propriétaire, l'autonomie de la volonté des contractants et l'immutabilité des conventions, doivent être appréciés dans le cadre des limitations de portée générale qui y ont été introduites par la législation antérieure pour permettre certaines interventions jugées nécessaires de la puissance publique dans les relations contractuelles entre particuliers ;

M. GILBERT-JULES fait remarquer que dans cette décisi la fin du mot "décision" est coupée dans le pdf comme dans toutes les autres intervenues dans des matières semblables, le Conseil n'a tenu compte des limitations apportées par la législation antérieure aux principes fondamentaux que da la fin du mot "dans" est coupée dans le pdf la mesure où ces limitations étaient de portée générale. Dans


l'affaire soumise au Conseil l'interdiction d'exploiter des carrières souterraines est particulière puisque limitée à un seul département.

Le Conseil étant d'accord sur cette thèse, le rapporteur donne lecture du projet de décision suivant :

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Saisi le 12 janvier 1967 par le Premier Ministre, dans les conditions prévues à l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, d'une demande tendant à l'appréciation de la nature juridique des dispositions du deuxième alinéa, première phrase, de l'article 108 du code minier, en tant qu'elles visent le département de la Seine ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 34, 37 et 62 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ;

Vu l'article 108 du code minier, tel qu'il a été modifié par l'article unique de la loi n° 62-549 du 9 mai 1962 ; 

Vu la loi n° 64-707 du 10 juillet 1964 portant réorganisation de la région parisienne, notamment son article 45 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution "la loi fixe les règles concernant .... les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques" et "détermine.... les principes fondamentaux du régime de la propriété" ;

Considérant que la disposition susvisée du deuxième alinéa, première phrase, de l'article 108 du code minier, soumise à l'examen du Conseil Constitutionnel a pour objet d'interdire l'exploitation des carrières souterraines de toute nature dans le département de la Seine ;

Considérant que la disposition dont il s'agit, qui prive totalement toute une catégorie de personnes de


l'exercice d'un droit qu'elles tiennent de leur qualité de propriétaires ou de titulaires d'un droit réel, porte atteinte tant au régime de la propriété et des droits réels qu'à la liberté du commerce et de l'industrie ; que, dès lors, elle touche aux règles et aux principes fondamentaux susénoncés que l'article 34 de la Constitution a placés dans le domaine de la loi ; que, par suite et bien qu'elle s'applique à une aire géographique limitée, ladite disposition ressortit à la compétence du législateur ;

DECIDE :

Article premier - La disposition précitée du deuxième alinéa, première phrase, de l'article 108 du code minier a le caractère législatif.

Article 2 - La présente décision sera notifiée au Premier Ministre et publiée au Journal Officiel de la République française.

Pour les raisons exposées plus haut, M. LUCHAIRE demande la suppression dans les visas de la référence à la loi n° 64-707 du 10 juillet 1964.

De même, il est décidé de supprimer toutes les mentions relatives à l'atteinte aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques et en l'espèce à la liberté du commerce et de l'industrie, l'exploitation d'une carrière n'étant pas un acte de commerce mais l'exercice du droit de propriété.

Pour cette même raison il est décidé d'ajouter les mots "droits réels” dans la citation de l'article 34 figurant dans le premier considérant.

Quelques modifications de forme sont également retenuele "s" de la fin de retenues semble oublié ou coupé dans le pdf

Le projet ainsi modifié est adopté.

L'original de cette décision sera annexé au présent compte rendu.

La séance est levée à 18 h 40.


Cette délibération contient des annexes

Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.