SEANCE DU 21 DECEMBRE 1972
COMPTE-RENDU
La séance est ouverte à 10 heures en présence de tous les membres du Conseil à l'exception de M. MONNET, excusé.
M. le Président PALEWSKI rappelle que l'ordre du jour comporte l'examen en application de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, de la nature juridique des dispositions :
- du deuxième alinéa de l'article 48 de la loi du 22 juillet 1889, tel que cet alinéa résulte de la loi n° 63-761 du 30 juillet 1963 ;
- de l'article 13, paragraphes 1 et 2, de la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963 portant unification ou harmonisation des procédures, délais et pénalités en matière fiscale.
M. LUCHAIRE, rapporteur, déclare que le Conseil est saisi dans les formes constitutionnelles de deux textes postérieurs à la Constitution mais qu'il y a néanmoins un problème de recevabilité.
En effet, le Conseil est généralement saisi de textes de forme législative en vue de leur modification éventuelle par voie réglementaire conformément aux dispositions de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution aux termes duquel les textes de forme législative intervenus "après l'entrée en vigueur de la Constitution ne pourront être modifiés par décret que si le Conseil constitutionnel a déclaré qu'ils ont un caractère réglementaire ..."
Cette fois le Conseil est saisi en vue de la rédaction d'un code et non de l'intervention d'un décret. Il est vrai que le Conseil avait déjà été saisi dans des circonstances analogues une fois dans le passé et qu'il s'était alors reconnu compétent (n° 71-68 L) du 1er avril 1971, Rec. p. 35).
On peut estimer, en effet, que si le Conseil autorise le déclassement d'une disposition de forme législative en vue de son insertion dans la partie réglementaire d'un code, il y a une certaine modification de la force juridique du texte et que le Conseil devient dès lors compétent.
M. LUCHAIRE demande alors si tel est bien l'avis du Conseil sur sa compétence.
M. GOGUEL partage cette opinion car par la suite le texte pourra être modifié par décret sans que le Conseil ait à être consulté.
En réponse à une question de M. DUBOIS, M. GOGUEL précise que si l'autorité de codification plaçait dans la partie réglementaire un texte de forme législative intervenu après l'entrée en vigueur de la Constitution, sans que le Conseil constitutionnel l'ait déclassé, il y aurait incontestablement une irrégularité.
Le Conseil s'étant reconnu compétent, M. LUCHAIRE poursuit son rapport en rappelant que la commission de codification avait placé tous les textes dont le Conseil est aujourd'hui saisi dans la partie législative du code. Le rapporteur auprès de cette commission a d'ailleurs indiqué à M. LUCHAIRE qu'une décision de déclassement des textes prise par le Conseil serait gênante pour la commission, mais cette opinion ne doit évidemment pas guider le choix du Conseil.
Les textes qui lui sont déférés sont extraits de la loi du 22 juillet 1889 sur la procédure à suivre devant les tribunaux administratifs. On se trouve donc dans le domaine de la procédure. Or l'article 34 de la Constitution ne réserve à la compétence du législateur que les dispositions relatives à la procédure pénale d'où il a été déduit que les autres domaines de la procédure étaient du ressort du règlement sauf si, par ce biais, il est porté atteinte à d'autres principes qui sont de nature législative en application de l'article 34. Ainsi, il est certain que les tribunaux administratifs interviennent en matière pénale puisqu'ils jugent certaines contraventions de grande voirie. De même, ils interviennent également en matière fiscale et aux termes de l'article 34, la loi fixe les règles concernant le taux, l'assiette et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.
Les textes soumis au Conseil se trouvent donc au confluent de deux matières : la procédure administrative est de nature réglementaire mais la procédure pénale ainsi que les modalités de recouvrement des impôts sont nature législative.
Le Conseil d'Etat a déjà rencontré ce problème à propos des attributions pénales des tribunaux administratifs et il a été amené à décider que la compétence que ces tribunaux pouvait avoir en matière répressive ne signifiait pas pour autant que toutes les règles de procédure devant ces juridictions relevaient du domaine législatif mais seulement les règles qui concernent spécialement la procédure répressive. Ainsi le Conseil d'Etat a estimé que les dispositions de la loi de 1963 ne pouvaient être modifiées que par la loi car elles concernaient une matière pénale.
La position de cette haute juridiction est donc la suivante : d'une manière générale, tout ce qui concerne la procédure est du domaine réglementaire, mais ce qui a trait spécialement aux attributions répressives est du domaine législatif.
En matière fiscale, les choses ne sont pas aussi nettes. Tout ce qui a trait au contentieux fiscal se trouve aujourd'hui dans le code général des impôts notamment aux articles 1939 et suivants. Or ces textes ont été modifiés après l'entrée en vigueur de la Constitution en particulier par les lois de 1959 et de 1963. S'agissant de textes d'origine gouvernementale, il est donc vraisemblable que le Conseil d'Etat a admis que ces modifications se fassent en la forme législative.
On peut donc dire que la procédure devant la juridiction administrative est de nature réglementaire sauf pour les dispositions qui concernent spécialement les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.
Ces principes étant dégagés, il convient de les appliquer aux textes soumis au Conseil.
Le premier de ces textes résulte de la loi du 30 juillet 1963 qui a modifié l'article 48, alinéa 2, de la loi du 27 juillet 1889.
Il y avait dans cette loi une disposition qui concernait spécialement la matière pénale ainsi rédigée : "lorsque le tribunal administratif statue en matière répressive, les dispositions législatives doivent être textuellement rapportées". Il a fallu une loi pour faire disparaître cette phrase mais aujourd'hui il n’y a plus rien dans le texte déféré au Conseil qui ait trait à la matière répressive. En effet ce texte est le suivant : "ils contiennent les noms et conclusions des parties, les visas des pièces et les dispositions législatives dont ils font application". Cette disposition est d'ordre très générale, elle ne concerne pas spécialement la matière répressive et elle peut donc être placée dans le domaine du règlement.
Le Conseil est également saisi de deux dispositions de la loi du 27 décembre 1963. La première de ces dispositions tend à modifier le troisième alinéa de l'article 11 de la loi du 27 juillet 1889.
Le code général des impôts prévoit une procédure spéciale pour l'instruction des réclamations fiscales devant le tribunal administratif. Cette procédure spéciale qui s'appliquait avant 1963 à certains impôts seulement (contributions directes notamment) a été étendue à d'autres contributions par la loi du 27 décembre 1963 (toutes les réclamations relatives aux impôts et taxes dont l'assiette est confiée à la direction générale des impôts donc essentiellement la taxe sur le chiffre d'affaires, c'est-à-dire aujourd'hui la T.V.A.)
Pour statuer sur la nature juridique de ces textes, trois solutions sont possibles :
1°) Dire que les textes relatifs à la procédure spéciale sont entièrement d'ordre réglementaire, par conséquent leur extension au contentieux portant sur d'autres impôts ou taxes doit être considérée comme relevant du domaine réglementaire. Il parait difficile d'adopter cette solution car certaines des dispositions résultant des lois spéciales concernent les modalités de recouvrement d'impôts notamment les dispositions des articles 1952 et suivants du code général des impôts. D'ailleurs le mot recouvrement revient très souvent dans ces articles et on ne peut donc prétendre que toute la procédure prévue par des lois spéciales soit réglementaire.
2°) Une seconde solution consisterait à soutenir que toute cette procédure est du domaine législatif. Il existe en ce sens des arguments qui paraissent valables puisque la procédure à suivre en matière fiscale se trouve dans le code général des impôts dans le livre III sous le titre "recouvrement". Or le code existait dans cette présentation lorsqu'on a rédigé l'article 34 et on peut penser que les constituants ont voulu donner au mot "recouvrement" le sens qu'il avait dans le code général des impôts. Il appartiendra au Conseil de dire si cette présomption est suffisante pour entraîner sa conviction.
Le rapporteur ne s'en déclare pas convaincu ce qui l'incite à envisager la troisième solution qui consisterait, pour le Conseil, à se livrer à un travail de dichotomie, c'est-à-dire à examiner les dispositions du code général des impôts relatives à la procédure devant les tribunaux administratifs en matière fiscale et à en extraire celles de ces dispositions qui touchent aux modalités de recouvrement et qui, par conséquent, sont de nature législative et ne peuvent être étendues à de nouvelles catégories d'affaires que par une loi.
Ce serait un travail énorme qu'il faudra peut être faire un jour, mais auquel le Conseil ne doit pas se livrer immédiatement car parmi les textes susvisés certains sont législatifs (articles 1939 et 1940), postérieurs à la Constitution et ils ne sont pas soumis au Conseil. Ceci conduit à rechercher une quatrième solution.
En effet, lorsque le Gouvernement interroge le Conseil sur l'extension du champ d'application de textes pris en la forme législative sans l'interroger sur la nature juridique des textes dont l'application est ainsi étendue, il n'appartient pas au Conseil de trancher cette dernière question. Ce serait donc aller trop loin que de dire que les textes portant extension doivent être législatifs. Il faut dire qu'ils ne relèvent de la compétence du législateur que lorsque les textes postérieurs à la Constitution n'ont pas été reconnus de caractère réglementaire par le Conseil constitutionnel. Si, par la suite, le Gouvernement demandait au Conseil de déclarer que ces textes sont de nature réglementaire, l'acte d'extension deviendrait lui-même réglementaire sans qu'il y ait lieu de saisir à nouveau le Conseil.
La dernière disposition dont le Conseil doit connaître tend à modifier l'article 44 de la loi du 22 juillet 1889 et elle est la suite de la précédente disposition de l'article 13 de la loi du 27 décembre 1963. En matière fiscale, la loi de 1889 disposait que l'avertissement n'est donné qu'aux parties qui ont fait connaître antérieurement leur intention de présenter des observations orales devant le tribunal. Les mots sur lesquels le Conseil doit statuer sont ceux qui ont permis d'étendre à certaines contributions, notamment la T.V.A., des règles qui auparavant n'étaient applicables qu'aux impôts directs et assimilés. L'avertissement ne concerne pas directement les modalités de recouvrement, par suite, il est nature réglementaire.
M. LUCHAIRE conclut donc à la reconnaissance du caractère réglementaire des dispositions qui ont modifié les articles 44 et 48 de la loi de 1889 et au caractère législatif de celles qui ont modifié l'article 11 de cette loi dans la mesure où elles comporteraient l'extension du champ d'application de règles de nature législative intervenues postérieurement à l'entrée en vigueur de la Constitution et non déclassées par le Conseil constitutionnel.
A l'issue du rapport, M. GOGUEL demande si la procédure suivie devant les tribunaux administratifs statuant en matière de contraventions est de nature législative puisqu'on vertu de l'article 34 de la Constitution la détermination des seuls crimes et délits relève de la compétence du législateur, celle des contraventions étant donc de nature réglementaire.
M. LUCHAIRE rappelle que les mots "procédure pénale" dans l'article 34 ont été considérés comme s'appliquant à toute la procédure pénale sans distinguer entre celle qui concerne les contraventions et celle qui a trait aux crimes et délits.
M. COSTE-FLORET conteste l'interprétation qui a été donnée aux mots "crimes et délits" dans l'article 34, considérés comme excluant les contraventions.
Rappelant l'article de M. LEVASSEUR, M. COSTE-FLORET pense que le constituant n'a employé ces mots que par référence à la règle "nullum crimen, nulla poena, sine lege" sans vouloir exclure les contraventions.
D'ailleurs aux termes de l'article 66 de la Constitution : "Nul ne peut être arbitrairement détenu.
L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi."
Or, les contraventions peuvent entraîner⁻des peines d'emprisonnement, elles doivent donc être prévues par la loi.
Pour le reste, il est évident que toute la procédure pénale est du domaine de la loi.
Le Conseil ayant donné son accord aux conclusions du rapporteur, M. LUCHAIRE donne lecture du projet de décision ci-après :
"LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Saisi le 5 décembre 1972 par le Premier Ministre dans les conditions prévues à l'article 37, alinéa 2, de la Constitution d'une demande tendant à l'appréciation de la nature juridique :
- du deuxième alinéa de l'article 48 de la loi du 22 juillet 1889, tel que cet alinéa résulte de la loi n° 63-761 du 30 juillet 1963 ;
- de l'article 13 paragraphes 1 et 2 de la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963 modifiant les articles 11 et 44 de la loi précitée du 22 juillet 1889 ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 34, 37 et 62 ;
Vu la loi du 22 juillet 1889 sur la procédure à suivre devant les tribunaux administratifs ;
Vu la loi n° 63-761 du 30 juillet 1963 modifiant l'article 48 de la loi du 22 juillet 1889 sur la procédure à suivre devant les tribunaux administratifs ;
Vu la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963 portant unification ou harmonisation des procédures, délais et pénalités en matière fiscale ;
Vu le code général des impôts et les textes qui l'ont modifié, notamment la loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959 et la loi précitée n° 63-1316 du 27 décembre 1963 ;
Considérant que si l'article 34 de la Constitution réserve au législateur le soin de fixer "les règles concernant ... la procédure pénale ... la création de nouveaux ordres de juridiction ... les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures, les dispositions de la procédure à suivre devant les juridictions administratives relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu'elles ne concernent spécialement ni la procédure pénale ni les modalités de recouvrement d'une imposition, ne mettent en cause aucune des autres matières réservées au législateur par l'article 34 de la Constitution et ne portent atteinte ni aux caractères fondamentaux d'un ordre de juridiction ni aux principes généraux du droit ;
Considérant que l'extension du champ d'application de dispositions intervenues après la Constitution en la forme législative relève de la compétence législative dans la mesure où le Conseil constitutionnel saisi dans les conditions prévues par l'article 37 de la Constitution n'a pas constaté la nature réglementaire desdites dispositions ;
Considérant que les dispositions du deuxième alinéa de l'article 48 de la loi du 22 juillet 1889 tel que cet alinéa résulte de la loi n° 63-761 du 30 juillet 1963 ne font que déterminer les mentions - noms et conclusions des parties, les visas des pièces, dispositions législatives dont il est fait application - devant figurer dans le texte des jugements des tribunaux administratifs ; qu'elles sont relatives à la procédure à suivre devant les juridictions administratives sans concerner spécialement ni la procédure pénale ni le recouvrement d'une contribution ; qu'elles ne portent atteinte ni aux caractères fondamentaux d'un ordre de juridiction ni aux principes généraux du droit ; qu'elles sont en conséquence de nature réglementaire ;
Considérant que les dispositions du paragraphe premier de l'article 13 de la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963 modifiant le troisième alinéa de l'article 11 de la loi du 22 juillet 1889 ont pour objet d'étendre à toutes les réclamations relatives aux impôts ou taxes dont l'assiette est confiée à la Direction générale des impôts la procédure de présentation et d'instruction prescrite par les lois spéciales en la matière qui ne s'appliquaient antérieurement qu'aux réclamations en matière de contributions directes et taxes assimilées ;
Considérant que ces lois spéciales aujourd'hui contenues dans le code général des impôts comprennent des dispositions de forme législative intervenues postérieurement à la Constitution et dont la nature juridique n'a pas été soumise à l'appréciation du Conseil constitutionnel ;
Considérant, en conséquence, que les dispositions précitées du paragraphe premier de l'article 13 de la Loi du 27 décembre 1963 ont le caractère législatif en tant qu'elles étendent le champ d'application de dispositions de forme législative dont le Conseil constitutionnel n'a pas eu à constater la nature réglementaire ;
Considérant que les dispositions du paragraphe 2 de l'articLe 13 de la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963 modifiant le troisième alinéa de l'article 44 de la loi du 22 juillet 1889 ont pour effet de déterminer les catégories de réclamations fiscales pour lesquelles la notification du jour de leur examen n'est donnée que si les parties ont fait connaître antérieurement à la fixation du rôle leur intention de présenter des observations orales ; qu'elles ne sont qu'une modalité d'application du principe général de l'examen contradictoire des réclamations fiscales devant le tribunal administratif ; qu'elles ne concernent pas directement les modalités de recouvrement d'une imposition et qu'elles relèvent en conséquence de la compétence réglementaire ;
DECIDE :
Article premier - Les dispositions de deuxième alinéa de l'article 48 de la loi du 22 juillet 1889 telles qu'elles résultent de la loi n° 63-761 du 30 juillet 1963 ont le caractère réglementaire.
Article 2 - Les dispositions du paragraphe premier de l'article 13 de la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963 modifiant l'article 11 de la loi précitée du 22 juillet 1889 ont le caractère législatif dans la mesure où elles étendent le champ d'application de textes de forme législative dont la nature réglementaire n'a pas été constatée dans les conditions prévues par l'article 37 de la Constitution.
Article 3 - Les dispositions du paragraphe 2 de l'article 13 de la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963 modifiant l'article 44 de la loi précitée du 22 juillet 1889 ont le caractère réglementaire.
Article 4 - La présente décision sera notifiée au Premier Ministre et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 décembre 1972."
Après la lecture du premier considérant M. LUCHAIRE explique qu'il a voulu marquer les limites du pouvoir réglementaire dans le domaine de la procédure.
M. GOGUEL se demande alors si le Conseil ne va pas au delà de la question qui lui est posée.
En effet la phrase précisant que les dispositions de procédure sont du domaine réglementaire dans la mesure où elles ne mettent en cause aucune des matières réservées au législateur par l'article 34 suffit à garantir qu'en matière de procédure le pouvoir réglementaire ne peut aller trop loin.
L'appel aux principes généraux du droit est un dangereux précédent car le Conseil constitutionnel doit se référer à des textes écrits et non à des principes généraux.
M. REY suggère que ce considérant s'arrête au mot "Constitution".
M. le Président PALEWSKI pense qu'il n'est pas opportun de faire appel aux principes généraux du droit dans une matière secondaire.
M. COSTE FLORET est de l'avis de M. GOGUEL.
M. LUCHAIRE fait observer que si les caractères fondamentaux des ordres de juridiction sont effectivement couverts par la mention de l'article 34, les garanties des droits de la défense ne peuvent l'être que par la référence aux principes généraux du droit.
M. DUBOIS estime que la référence à ces principes n'est pas mauvaise lorsque le Conseil statue sur des questions intéressant des juridictions.
Pour M. DUBOIS, il peut y avoir une certaine atteinte aux droits de la défense lorsqu'une des parties n'est pas informée de la date à laquelle son affaire viendra devant le tribunal et seule la référence aux principes généraux du droit présente une garantie à cet égard.
M. LUCHAIRE propose de remplacer la mention des principes généraux du droit par celle des droits de la défense.
Cette solution est adoptée et le projet de décision modifié en conséquence.
A l'avant dernier considérant, M. LUCHAIRE précise en réponse à M. le Secrétaire général qu'il n'a pas voulu faire mention du rôle du Conseil d'Etat par crainte que cela ne soit interprété comme une obligation pour le Conseil constitutionnel de surseoir à statuer en attendant la décision du Conseil d'Etat lorsqu'il est saisi d'une disposition, intervenue postérieurement à l'entrée en vigueur de la Constitution, tendant à étendre l'application d'une loi antérieure à cette entrée en vigueur.
Pour le dernier considérant, M. LUCHAIRE rappelle que le Conseil n'est saisi que des mots "en matière de contributions directes et de taxes assimilées" qui ne concernent donc pas la procédure en matière de contraventions.
M. LUCHAIRE se demande néanmoins si le fait de ne pas prévenir les parties de la date de l'enrôlement de leur affaire ne constitue pas une atteinte aux droits de la défense.
M. GOGUEL rappelle qu'il est demandé aux parties si elles ont l'intention de présenter des observations orales et que dans l'affirmative elles sont avisées de la date de l'audience.
M. DUBOIS évoque le cas où une partie se raviserait.
M. LUCHAIRE répond que les parties peuvent toujours produire un mémoire écrit, ce qui est la règle générale en matière fiscale.
Finalement le Conseil décide de maintenir le dernier considérant.
La décision ainsi modifiée est adoptée. L'original en sera annexé au présent compte rendu.
M. le Président PALEWSKI déclare ensuite :
"Par lettre du 24 novembre dernier, le Garde des Sceaux m'a demandé de lui communiquer l'original d'une lettre du 9 octobre 1971, portant la signature d'un groupe de citoyens du territoire des iles Wallis et Futuna et qui tendait à protester contre des irrégularités commises au cours de la campagne pour l'élection du sénateur de ce territoire en septembre 1971.
Je rappelle qu'il s'agit d'un document qui nous avait été transmis en son temps par le Ministre des départements et territoires d'outre-mer, destinataire de l'original, et qui avait été joint au dossier du contentieux électoral alors en cours d'examen par le Conseil, sur la requête de M. LOSTE contre l'élection de M. Sosefo MAKEPE PAPILIO.
La lettre en cause comporte effectivement un certain nombre de signatures dont certaines ont été contestées ce qui a conduit le juge de la section du tribunal de Mata-Utu à ouvrir une information en faux contre X. La législation applicable dans de telles procédures exige que l'original de la pièce contestée soit déposé au greffe du tribunal et c'est la raison pour laquelle cette pièce nous est réclamée.
Jusqu'à présent le Conseil constitutionnel a toujours conservé les documents versés dans les dossiers en application de l'article 19 du règlement qu'il a adopté pour la procédure suivie en matière de contentieux électoral et dont je rappelle les dispositions "la requête, les mémoires ainsi que les pièces ou leurs copies et photocopies versées au dossier sont conservées aux archives du Conseil constitutionnel". Toutefois, le Conseil constitutionnel est saisi pour la première fois d'une demande émanant d'un juge d'instruction et c'est pourquoi je voudrais consulter le Conseil avant de répondre au Garde des Sceaux.
A mon sens, il convient que cette réponse soit favorable mais qu'elle fasse apparaître :
1°) le caractère exceptionnel de cette communication et le fait que nous y consentons uniquement pour répondre à la demande du juge d'instruction.
2°) notre souci d'obtenir des avantages réciproques lorsque nous aurons besoin à notre tour de consulter des documents pouvant se trouver en possession de l'autorité judiciaire, par exemple, lors du règlement du contentieux électoral. J'ajoute que le Conseil d'Etat et, d'une manière
générale, les juridictions administratives, ont passé un accord analogue avec le Ministère de la Justice.
Je me propose donc de répondre au Garde des Sceaux dans le sens que je viens d'indiquer si le Conseil en est d'accord, étant bien entendu que sera conservée ici la copie du document transmis au juge."
M. LUCHAIRE demande si le document n'est pas protégé par les règles de la loi de 1881 sur l'imunité qui couvre les écrits produits devant les juridictions.
Il est précisé en réponse que la lettre dont il s'agit avait été adressée au Ministre des départements et territoires d'outre-mer qui l'avait transmise au Conseil.
Le Conseil admet le principe de la transmission sous réserve qu'il soit fait observer qu'il ne s'agit que d'une communication.
La séance est levée à 11 h. 45
Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.