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PV1975-11-19

Kenza MAADI

SEANCE DU 19 NOVEMBRE 1975

La séance est ouverte à 15 h 30 en présence de tous les membres du Conseil.

Le Président FREY indique que l'ordre du jour comporte trois affaires : la première relative à la soumission de certains spectacles de variétés à une taxe parafiscale dont le rapport sera présenté par M. REY, la seconde relative aux dispositions de l'article L 328 du code de la Sécurité sociale indiquant l'âge à compter duquel les droits recouvrés par le veuf ou la veuve antérieurement titulaire d'une pension d'invalidité sont des droits à pension d'invalidité ou de vieillesse et dont le rapport sera présenté par M. SAINTENY et la troisième à des mesures nombreuses concernant l'administration communale, les regroupements fusions, syndicats de communes et les agglomérations nouvelles, dont le rapport sera présenté par M. COSTE-FLORET.

Il donne la parole à M. REY qui présente le rapport ci-après :

"Par lettre du 27 octobre 1975, le Premier Ministre a demandé au Conseil constitutionnel d'apprécier, par application de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, la nature juridique de la deuxième phrase de l'article 9.I. de la loi n° 70-601 du 9 juillet 1970 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

Par la première phrase de 1'article 9.I de ladite loi, les dispositions de l'article 1560 du code général des impôts sont rendues applicables aux spectacles de variétés, à l'exception de ceux donnés dans des établissements où il est d'usage de consommer pendant les séances.

La deuxième phrase de l'article 9.I, celle dont le Conseil doit apprécier la nature juridique, soumet "lesdits spectacles de variétés aux dispositions du décret modifié n° 64-1075 du 23 octobre 1964", lequel a institué la taxe parafiscale additionnelle aux prix des places de théâtre destinée à l'association pour le soutien du théâtre privé.

Une loi du 21 décembre 1970 a remplacé, pour les théâtres et les spectacles de variétés susvisés, le régime de l'impôt sur les spectacles, organisé par les articles 1559 et suivants du code général des impôts, par celui de la T.V.A. Cette réforme a eu pour conséquence indirecte de rendre aléatoire le recouvrement de la taxe, puisqutelle a entraîné la disparition des recouvrements quotidiens par les agents du Trésor, et qu'au surplus, en raison du secret professionnel liant les agents du fisc, l'association bénéficiaire de la taxe n'a aucun moyen de connaître les redevables qui négligent de la payer.

Ces raisons, et d'autres tenant à l'évolution des fréquentations et du coût des productions, ont amené le Gouvernement à réformer le système de la taxe.

Sa perception sera confiée à l'Association, qui pourra mandater les sociétés d'auteurs pour accomplir cette tâche, et son taux sera calculé en pourcentage des recettes brutes. Le Conseil d'Etat consulté le 24 mai 1975 a estimé ne pouvoir donner un avis favorable au projet de décret tant que le Conseil constitutionnel n'aurait pas déclaré de nature réglementaire la disposition de l'article 9.I de la loi n° 70-601 qui soumet certains spectacles de variétés à la taxe parafiscale. En effet cette disposition résultant d'un texte intervenu après l'entrée en vigueur de la Constitution ne peut être modifiée par décret que si le Conseil constitutionnel a déclaré qu'il a un caractère réglementaire.

Les textes constitutionnels applicables en la matière sont : l'article 34 de la Constitution, qui dispose notamment que "les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique." et ladite loi organique (ordonnance 59-2 du 2 janvier 1959, portant loi organique relative aux lois de finances) dont l'article 4, alinéa 3, est ainsi rédigé : "les taxes parafiscales perçues dans un intérêt économique ou social au profit d'une personne morale de droit public ou privé autre que l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs, sont établies par décret en Conseil d'Etat pris sur les rapports du ministre des finances et du ministre intéressé. La perception de ces taxes au delà du 31 décembre de l'année de leur établissement doit être autorisée chaque année par une loi de finances".

Il en résulte que l'établissement des taxes parafiscales est du domaine réglementaire. Il en va naturellement de même pour la modification des règles d'établissement des taxes parafiscales et notamment pour l'extension du domaine d'une telle taxe à une activité primitivement non assujettie.

La seule difficulté pourrait tenir à la qualification de taxe parafiscale pour le prélèvement obligatoire considéré. Il s'agit indiscutablement d'une taxe parafiscale : elle est perçue au profit d'une association dans un intérêt social et au surplus elle a été régulièrement établie par décret en Conseil d'Etat, sur le rapport du ministre des finances et du ministre intéressé, après visa de l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959.

Cette taxe figure au projet de loi de finances pour 1976 à la ligne 52 de l'état des taxes parafiscales.

Notons enfin qu'il est indiqué au dossier que les statuts de l'association pour le soutien du théâtre privé seront modifiés pour créer une section plus spécialement chargée des actions en faveur des spectacles de variétés.

Par conséquent, je propose de reconnaître le caractère réglementaire de la disposition soumise."

M. le Président FREY demande aux membres du Conseil s'ils ont des observations à faire. La question paraissant très claire, il n'y a pas d'intervention et il est donné immédiatement lecture de la décision.

Sur cette lecture, la seule remarque est faite par M. GOGUEL indiquant qu’il serait opportun d'ajouter dans les visas l'article 47 de la Constitution lequel prévoit la loi organique en matière financières. Sous réserve de cette modification le projet est adopté tel qu'il sera joint au présent compte-rendu.

M. le Président FREY donne la parole à M. SAINTENY qui expose le rapport ci-après :

"Le Conseil constitutionnel a été saisi par une lettre du Premier Ministre en date du 27 octobre 1975 de l'appréciation de la nature juridique, en application de l'article 37, alinéa 2 de la Constitution, de la référence faite au "soixantième" anniversaire par les alinéas 2 et 3 de l'article L 328 du code de la sécurité sociale pour déterminer la nature des droits que recouvre, après son divorce ou nouveau veuvage, le veuf ou la veuve qui avait été privé de sa pension d'invalidité de veuf ou de veuve par l'effet de son remariage.

Cette saisine a été motivée par le fait que le Gouvernement a entrepris de modifier et simplifier la matière des pensions et allocations des conjoints survivants, des mères de famille ou des personnes âgées.

Antérieurement à cette réforme, la pension d'invalidité de veuf ou de veuve était transformée en pension de vieillesse de veuf ou de veuve lorsque son titulaire atteignait l'âge de 60 ans (art. L 329 du code de la Sécurité sociale). Il perdait son droit à pension en cas de remariage, mais, s'il était à nouveau veuf ou s'il divorçait, sa pension d'invalidité de veuf était tétablie avant l'âge de 60 ans et, il avait un droit à pension de vieillesse de veuf ou de veuve après cet âge (art. L 328).

A présent, par l'effet conjugué de la loi 75-3 du 3 janvier 1975 et de son décret d'application 75-109 publié le 24 février 1975, les transformations des pensions de veuf ou de veuve d'invalidité en pensions de vieillesse interviennent à l'âge de 55 ans. Le Gouvernement avait proposé de modifiér pour les mettre en conformité avec cette nouvelle règle, les dispositions de l'article 327, soumises au Conseil ce jour, mais le Conseil d'Etat donnant son avis sur le projet de décret à disjoint ces dispositions puisqu'elles résultent d'un texte de forme législative intervenu après l'entrée en vigueur de la Constitution, la loi n° 66-335 du 3 juin 1966 et, que par application de l'article 37 de la Constitution elles ne peuvent, dès lors, être modifiées par décret que si le Conseil constitutionnel a préalablement déclaré qu'elles ont un caractère réglementaire.

Le seul point dont le Conseil soit saisi est la nature juridique de la référence au "soixantième anniversaire".

Avant d'examiner les principes juridiques applicables à la matière, notons qu'il n'apparaît pas que les droits des titulaires de la pension cè vieillesse de veuf ou de veuve diffèrent sensiblement de ceux du titulaire de la pension d'invalidité de veuf ou de veuve qui se substitue à la précédente ou qui est rétablie à la place de la précédente après son divorce ou son nouveau veuvage.

Le taux de la pension de vieillesse reste le même que celui de la pension d'invalidité. Les deux pensions ouvrent droit aux allocations de maladie sans condition de durée, sans ticket modérateur en ce qui concerne personnellement, avec ticket modérateur pour ses yants droit.ayants droit au lieu de yants droit??

La différence entre les deux modalités de pension semble être exclusivement d'ordre administratif et comptable, la charge de la pension n'incombant pas aux mêmes caisses.

Les principes juridiques applicables en cette matière résultent de l’article 34 de la Constitution qui dit notamment que "la loi fixe les principes fondamentaux de la Sécurité sociale". Le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de statuer sur ces matières le 22 décembre 1961 et le 2 juillet 1966 (recueil page 75). Sa jurisprudence consiste à considérer comme étant des principes fondamentaux de la Sécurité sociale, ressortissant du domaine législatif, tant l’existence de régimes particuliers que les grands principes de chacun de ces régimes ; parmi ces principes il range l'exigence des conditions d'un certain type pour l'admission à un régime donné telles que les conditions d'âge, les conditions de duré de service etc.

La détermination précise des divers éléments de ces conditions ressortit par contre à la compétence réglementaire. Ainsi, s'il peut apparaître que l'existence mène des pensions de reversion d'invalidité ou de vieillesse et que l'exigence de conditions d'un certain type pour l'admission à ces régimes est du domaine législatif, la détermination des éléments précisant ces conditions est du domaine réglementaire.

Donc sauf à dénaturer la condition d'âge, ce qui serait le cas si, par exemple, elle était fixée beaucoup trop tard pour permettre le bénéfice de ladite pension à la majorité des intéressés, la fixation de l'âge est du domaine réglementaire.

Je conclus donc à la nature réglementaire des dispositions de l'article L 328 relatives au soixantième anniversaire."

M. COSTE-FLORET demande quelle serait la solution au Conseil ai su lieu d'aligner la situation de la nature des droits des veuves ou des veufs âgés de 55 ans, on avait proposé de modifier la nature de ces pensions à l'âge de 65 ans.

M. GOGUEL remarque que les droits de l'intéressé, quel que soit l'âge auquel intervient la modification,restent inchangés. Le seul intérêt de la transformation dont il s'agit concerne l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale puisqu'elle transfère la charge de certaines pensions entre les caisses.

M. CHATENET indique qu'il peut y avoir un problème du fait de ce transfert de charges puisque les régimes de la Sécurité sociale sont autonomes et que la décision peut avoir une portée financière et aussi politique. Les régimes de financement ne sont pas tous fondés sur des principes identiques. Si donc par le biais de transformation de pensions changeant la charge des différents types de caisses on remettait en cause l'équilibre du régime de Sécurité sociale, il y aurait lieu à demander l'arbitrage du législateur.

M. SAINTENY fait remarquer que le transfert dont il s’agit ici n’a qu’une incidence financière très faible puisqu'il ne s'agit dans le cas soumis au Conseil que des "double veufs" ou des divorcés après veuvage dans la mesure ou le recouvrement de leurs droits se produit entre 55 ans et 60 ans.

M. le Président FREY rappelle que le Conseil constitutionnel a déjà une jurisprudence bien établie sur ces matières. Qu'en effet si les principes fondamentaux de la Sécurité sociale, au nombre desquels il y a lieu de classer l'existence de régimes divers et les principes d'organisation de chacun de ceux-ci, sont du domaine de la loi, les modalités d'application de ces principes sont du domaine du règlement.

M. CHATENET précise qu'il conviendrait d'indiquer dar la décision qu'il n'y a pas mise en cause de l'équilibre respectif des différents régimes à assiette financière différente.

M. SAINTENY fait remarquer qu’à cet égard la rédaction du deuxième considérant suffit.

M. GOGUEL demande si c'est la loi ou le décret qui a modifié l'âge retenu d'une façon générale à l'article 329 pour le changement de nature des pensions et dont la disposition soumise fait une application particulière en cas de nouveau veuvage ou divorce.

M. le Secrétaire général répond qu'il s'agit de l'article premier du décret.

Aucune difficulté ne subsistant quant au fond, M. SAINTENY donne lecture du projet, lequel est approuvé sans modification.

M. le Président FREY donne la parole à M. COSTE- FLORET sur la troisième affaire.

"Le problème de la nature juridique de divers textes relatifs à l'administration communale dont nous sommes saisis, d'une manière régulière par une lettre du Premier Ministre en date du 21 octobre dernier que vous trouverez au dossier trouve sa source dans la refonte en cours du texte du code de l'administration communale entreprise par le Ministre de l'intérieur en conséquence d'un décret du 22 mai 1957.

A l'inverse du code actuel qui ne comprend que des dispositions législatives le nouveau code dénommé "code des communes" regroupera l'ensemble des lois et décrets concernant l'organisation communale.

C'est dans ces conditions que le Premier Ministre, conformément à l'article 37, alinéa 2, de la Constitution nous a saisi d'une demande tendant à l'appréciation de la nature juridique, législative ou réglementaire, de diverses dispositions de textes votés en forme de lois postérieurement à la mise en vigueur de la Constitution.

Le premier problème que je soulèverai à ce sujet, en avant propos à ce rapport, est une question de compétence que pose et que pose seul, le premier des textes soumis à notre examen à savoir l'article premier de l'ordonnance n° 55-29 du 5 janvier 1959, remplaçant et modifiant l'article 149, alinéa 3, du code de l'administration communale.

En effet, si l'on va au fond des choses, l'on s'aperçoit que l'ordonnance de 1959 en cause, se borne, en ce qui concerne la disposition qui nous est soumise, à reprendre l'alinéa 3 de l'article 149 du code de l'administration communale sans aucun changement "alinéa sans changement" dit expressément le texte.

Or celui-ci date, dans sa dernière forme, d'une loi du 13 novembre 1917, antérieure à la Constitution, et il semble donc à première vue que nous ne sommes pas compétents pour statuer sur la nature juridique de ce texte. C'est la conclusion à laquelle j'étais arrivé dans un premier examen et que je me proposais de vous soumettre. D'autant que le texte originaire date d'une loi des 22-27 mars 1890 qui l'a incorporé à l'avant dernier alinéa de l'article 177 de la loi du 5 avril 1884.

Cependant, pourquoi ne pas vous le dire, le maire que je suis depuis plus de 20 ans, qui s'est toujours passionné pour les problèmes communaux, qui, sous la direction de notre collègue Chatenet alors Ministre de l'Intérieur, a longuement collaboré, et avec le plus grand intérêt à une réforme d'ailleurs trop modeste de la loi du 5 avril 1884, était choqué de devoir renoncer à statuer sur le fond, à propos d'une disposition importante, qui semble de nature législative, et qu'une déclaration d'incompétence risquait de laisser au Gouvernement la possibilité de modifier par décret.

Heureusement qu’une analyse de la jurisprudence antérieure du Conseil constitutionnel a désarmé le juridisme étroit du professeur et donné satisfaction aux scrupules du maire.

En effet le Conseil constitutionnel s’est déjà à maintes reprises déclaré compétent quand un texte nouveau reprend postérieurement à la Constitution, les termes identiques d’un texte ancien.

Ce qui fait la difficulté particulière d’aujourd'hui, c'est que l'ordonnance de 1959 ne reprend pas en termes identiques la loi de 1917 mais se borne à la mention "alinéa sans changement".

Je vous soumets cette difficulté pour apaiser mes scrupules : si l'ordonnance de 1959 avait reproduit intégralement et sans y rien changer le texte ancien, ou même si elle s'était simplement bornée à changer le numéro de cet article, cette compétence, en vertu de notre jurisprudence constante, ne serait pas douteuse.

Dans ces conditions j'estime qu'elle existe aussi en la matière, puisque le fond est identique, les termes "alinéa sans changement" aboutissant au même résultat que la reproduction intégrale du texte ancien. C'est pourquoi je propose en définitive au Conseil constitutionnel de se déclarer compétent, sans qu'il soit probablement besoin de reprendre cette longue analyse dans notre décision, et je passe immédiatement à l'examen au fond des textes qui nous sont soumis.

Pour la clarté de mon exposé, j'examinerai d'abord les textes de nature législative puis ceux qui procèdent à la fois de la nature législative et de la nature réglementaire, enfin les textes de nature réglementaire.

I.- Et d'abord les textes de nature législative.

Le premier d'entre eux est celui qui nous est aussi soumis le premier dans la lettre de saisine et dont je viens de discuter longuement à propos de notre compétence.

L'ordonnance n° 59-29 du 5 janvier 1959, article 1 modifiant l'alinéa 3 de l'article 149 du code de l'administration communale.

Le texte a pour objet d'assurer l'information des conseils municipaux des communes faisant partie d'un syndicat de communes. C'est pourquoi, à propos du budget de celui-ci, il dispose.

"Copie de ce budget et des comptes du syndicat est adressée chaque année au Conseil municipal des communes syndiquées"

Je crois que ce texte est de nature législative parce que la communication obligatoire des comptes et du budget du syndicat aux conseils municipaux des communes membres, est la meilleure garantie de contrôle pour ceux-ci de dépenses dont les communes doivent assurer obligatoirement la charge, dans toute la mesure où elles ne sont pas couvertes par d'autres recettes propres au syndicat. Il s’agit donc bien là d'une garantie fondamentale de la libre administration et des ressources des collectivités locales, qui, aux termes de l'article 34 de la Constitution, relève du domaine de la loi.

Second texte de nature législative incontestable, (je les prends dans l’ordre de la lettre de saisine)

Article 3 de la loi n° 70-610 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la création d'agglomérations nouvelles en tant qu’il prévoit en son alinéa 2 que les avis du Conseil général, des conseils municipaux, et éventuellement de la commission urbaine "sont pris sur le vu d’un rapport préalable permettant d'apprécier la cohérence des objectifs à atteindre compte tenu du nombre de logements prévus, énumérant les communes intéressées et délimitant un périmètre d’urbanisation pour la création de l'agglomération nouvelle" et en son alinéa 2 que le décret de création "énumère les communes intéressées et fixe le périmètre d’urbanisation".

Les deux dispositions en cause sont du domaine législatif. En effet, en ce qui concerne l’alinéa 2, les avis demandés ne peuvent avoir de portée véritable que dans la mesure où les autorités consultées ont connaissance de l’ensemble des conditions dans lesquelles se fera la création de l'agglomération nouvelle.

Il s'agit donc pour cet alinéa 2 des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales.

En ce qui concerne l'alinéa 3, la définition de l'agglomération nouvelle par le décret de création a pour élément essentiel les communes intéressées et le périmètre d’urbanisation. La disposition est donc de nature législative puisqu'il s'agit des règles de création d'un établissement public appelé à devenir par la suite une commune et, d'autre part, de limitations apportées aux attributions des communes, sur le territoire desquelles l'agglomération nouvelle est instituée.

Troisième, et dernier texte, ressortissant intégralement à la nature législative : l'article 11 de la loi du 31 décembre 1970 remplaçant le premier alinéa de l'article 175 du code de l'administration communale, en tant qu'il prévoit que "les crédits sont votés par chapitre et, si le conseil municipal en décide ainsi par article".

Il s'agit d'une limitation des pouvoirs du maire, le conseil municipal pouvant imposer, lors du vote du budget la répartition des crédits. Il s'agit donc d'une règle fondamentale d'administration des collectivités locales. D'autre part, et à titre subsidiaire, l'article 34 se suffisant à lui-même,on peut faire remarquer qu'elle applique un principe de valeur constitutionnelle, l'article 72 de la Constitution disposant que les collectivités locales s'administrant librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi. La nature législative n'est donc pas douteuse.

II. J'en arrive à la seconde partie de ce rapport qui concerne les dispositions législatives sur certains points, réglementaires sur d'autres. Elles sont également au nombre de quatre.

Article I de la loi n° 70-1297 du 31 décembre 1970 remplaçant l'article 41 du code de l'administration communale en tant qu'il prévoit qu'expédition de toute délibération du conseil municipal est adressée "au préfet ou au sous-préfet qui en constate la réception sur un registre et en délivre immédiatement récépissé. Faute de cette délivrance "le point du départ du délai de quinze jours prévu à l'article 46 du code de l'administration communale est fixé au jour de l'envoi de cette délibération au préfet ou au sous-préfet."

En droit commun les délibérations du conseil municipal sont exécutoires de plein droit dans un délai de quinze jours après la notificcation faite au préfet ou au sous-préfet.

Les dispositions dont le déclassement est demandé concernent d’abord l'autorité à laquelle est faite la notification. Il n'y a aucun doute sur le caractère réglementaire de cette disposition conformément à notre jurisprudence constante.

En revanche les formalités qui assurent la constatation du point de départ du délai du terme duquel les décisions deviendront exécutoires automatiquement, ressortissent à la compétence législative car elles sont indissociables de ce délai et relèvent dès lors de la loi. Elles donnent en effet à cet automatisme son efficacité et constituent une garantie qui touche directement à la libre administration des collectivités locales.

Second texte. Même article premier de la loi du 31 décembre 1970 remplaçant l'article 46 du code de l'administration communale en tant qu'il prévoit que "le dépôt à la préfecture ou à la sous-préfecture de toute délibération du conseil municipal, et dispose que "le préfet ou le sous-préfet soit d'office, soit à la demande du maire peut abréger le délai de quinze jours.

Le lieu du dépôt est de caractère réglementaire. En revanche "le dépôt à la préfecture ou à la sous-préfecture est incontestablement de nature législative puisqu'il est indissociable du délai après lequel les délibérations du conseil municipal deviennent exécutoires de plein droit.

Il en est de même du pouvoir donné à l'autorité de tutelle d'abréger le délai de quinze joirs soit d'office, soit à la demande du maire, le principe même de cette abréviation étant une garantie supplémentaire donnée aux libertés communales.

Troisième texte ressortissant à la fois à la compétence législative et à la compétence réglementaire.

Article 29 de la loi du 31 décembre 1970 modifiant l'article 4 de l'ordonnance n°59-30 du 5 juin 1959 en tant qu'il prévoit en son alinéa 2 que la décision modifiant les conditions initiales de fonctionnement ou de durée du district ou étendant ses attributions est prise par le ou les préfets intéressés.

Cette disposition en tant qu'elle désigne le préfet pour exercer certains pouvoirs est, conformément à notre jurisprudence constante, de nature réglementaire.

Mais en tant qu'elle confie à l'autorité de tutelle le droit de modifier les conditions initiales de fonctionnement ou de durée du district, ou d'en étendre les attributions, elle touche directement aux compétences des communes, délimitent le domaine de la tutelle administrative, et ressortissent dès lors à la loi.

Quatrième et dernier texte ressortissant à la fois à la nature législative et à la nature réglementaire.

L'article 5, alinéa 2, de la loi n° 70-610 du 10 juillet 1970 prévoyant que "l'autorisation de créer le syndicat communautaire d'aménagement" est donnée par arrêté du ministre de l'intérieur.

Conformément à notre jurisprudence constante cette disposition relève de la loi en tant qu'elle donne compétence à l'Etat pour autoriser la crationcréation ? du syndicat communautaire d'aménagement, et ressortit au domaine réglementaire en tant qu'elle désigne l'autorité administrative habilitée à exercer cette compétence et précise la forme de sa décision.

III. Les dispositions de nature réglementaire.

1) Les dispositions contenues à l'article 3 de l'ordonnance n° 59-30 du 5 janvier 1959 qui se bornent à rappeler que les centres de secours contre l'incendie dont le district urbain exerce de plein droit la gestion au lieu et place des communes "ont été créés en application des articles 3 et 4 d'un décret du 20 mai 1975. Le caractère réglementaire semble s'imposer.

2) Les textes qui ne concernent que la désignation de l'autorité administrative chargée de prendre une décision au nom de l'Etat. C'est le cas des alinéas 2 et 3 de l'article premier de l'ordonnance 59-30 du 5 janvier 1959 modifiée par l'article 28-I de la loi n° 70-1297 du 31 décembre 1970 (préfets compétents pour prendre les décisions institutives d'un district urbain). Conformément à notre jurisprudence, ces textes sont de nature réglementaire

3) Les alinéas 3 et 4 de l'article 9.II de la loi du 16 juillet 1971 qui, après avoir posé la règle qu'après la fusion des communes la commission consultative comprend de droit des membres des conseils municipaux, indique le nombre des membres désignés par le conseil municipal de la nouvelle commune au prorata des habitants et, d'autre part, à l'alinéa 4 stipule que la commission se réunit dans l'annexe de la mairie. Il semble ici que le principe de la représentation des élus de chaque groupe territorial d'électeurs étant respecté, le nombre de leurs représentants peut être fixé par voie réglementaire.

J'ai gardé pour la fin les dispositions de l'article 8, alinéa 3, de la loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 qui sont celles qui pose la difficulté la plus importante. Il s'agit du cas où une fusion de communes étant envisagée à la demande d’un certain quorum des élus municipaux un referendum est demandé aux électeurs des communes concernées sur ladite fusion. Les opérations de ce referendum peuvent être contestées par une procédure contentieuse organisée selon les dispositions de l'article sus-indiqué qui sont soumises à notre examen.

Tout électeur participant à la consultation ainsi que le Préfet a le droit de contester la régularité des opérations devant le tribunal administratif qui statue dans le délai de deux mois à compter de 1'enregistrement de la réclamation au greffe, faute d'avoir statué dans ce délai, le tribunal administratif est déssaisi et la requête transmise au Conseil d'Etat.

Dans tous les cas le pourvoi est jugé comme affaire urgente. Les recours fixés au présent alinéa ont un caractère suspensif. En ce qui me concerne, je pense que les dispositions à examiner sont réglementaires puisqu'il s'agit à mon sens de simples règles de procédure administrative. La procédure administrative est du domaine réglementaire mais aussi notons, néanmoins, qu'il y a une atteinte évidente au principe du double degré de juridiction. S'impose-t-il en matière administrative sauf dérogation par la loi.

Il faut bien voir qu'en matière administrative, la vraie garantie des justiciables semble être bien davantage que l'affaire puisse être soumise au Conseil d'Etat plutôt que d'être examinée par deux juridictions différentes.

Je trouve d'ailleurs dans le livre d'Auby et Drago "le Contentieux administratif" sous son article 1342 la phrase suivante "la jurisprudence des tribunaux est tellement proche de celle du Conseil d'Etat que les parties savent qu'aucun changement ne peut espérer en appel aussi bien en cas de rejet qu'en cas d'annulation ou de condamnation" et dans les mêmes auteurs sous le n°1377 : "on pourrait presque dire que dans les affaires qui lui sont soumises en appel, le Conseil d'Etat a tendance à tenir pour négligeable la décision des premiers juges et à reprendre le procès dans son ensemble quelque nom qu'il donne à la procédure qu’il met en oeuvre". Il convient d'ailleurs de noter que les affaires les plus importantes sont soumises directement au Conseil d'Etat ce qui semble bien être la vraie garantie du sérieux apporté à leur examen puisque pour ces affaires d'un intérêt fondamental il n'y a aucun double degré ni d'appel ni même de cassation.

Je conclus donc sous réserve d'une meilleure appréciation de votre part au caractère réglementaire des règles de la procédure que nous venons d'examiner.

M. le Président FREY remercie M. COSTE-FLORET de ce rapport très clair qui, mettant bien en évidence tous les principes qui peuvent d'appliquer à chaque cas, a simplifié l'examen des matières à première vue embrouillées et complexes.

M. le Président FREY demande à M. COSTE-FLORET s'il y a, à son avis, d'autres points à discuter avant celui concernant la procédure.

M. COSTE-FLORET estime qu'il est sans doute préférable de commencer par celui-ci.

M. DUBOIS exprime l’avis qu’il s'agit bien plus de règles de fond que de règles de procédure. En effet, une consultation est organisée et la saisine du tribunal administratif sur la régularité de ce referendum ouvre un recours à l'évidence juridictionnel. La disposition de la saisine automatique du Conseil d'Etat si le tribunal administratif n'a pas répondu dans les deux mois oblige le tribunal administratif à répondre rapidement ce qui est nécessaire puisque la dernière phrase du texte, qui d'ailleurs n'est pas soumise à l'examen du Conseil, indique bien que tous ces recours sont suspensifs et que la non réponse du tribunal administratif pourrait ainsi bloquer tout le processus si on estimait que la saisine du Conseil d'Etat n'est pas législative, et qu'ainsi un règlement supprimant cette règle particulière empêcherait la garantie qu'elle offre contre un déni de justice. Il analyse ainsi cette règle comme garantissant d'une façon stricte le droit du plaideur à obtenir une décision et l'assurant qu'il n'y aura pas de déni de justice. Pour cette raison de fond, il estime la règle de portée législative.

M. CHATENET se rallie à la position du rapporteur. Il estime en effet que l'histoire de la juridiction administrative démontre bien que celle-ci n'est pas fondée sur l'idée de double juridiction qui est le Conseil d'Etat. Les aubes juridictions administratives ont toujours eu un rôle mineur. Leur organisation correspond à une répartition des tâches tendant à soulager le Conseil d'Etat qui autrement serait surchargé, bien plus qu'à une répartition des compétences à proprement parler entre le Conseil d'Etat et les tribunaux administratifs. Ceci reste vrai même si on a peu à peu augmenté le rôle des tribunaux administratifs en les organisant comme des juridictions.

M. GOGUEL est de l'avis de M. COSTE-FLORET. Qu'il s'agisse de règles de procédure ne veut évidemment pas dire qu'il ne s'agit pas de règles souvent très importantes. Il n'en reste pas moins que la procédure administrative n'est pas du domaine de la loi.

M. le Président FREY indique qu'après avoir lui aussi remarqué la difficulté de la question et en avoir pesé les différents aspects, il se range à l'avis de MM. COSTE-FLORET, GOGUEL et CHATENET. En effet, l’article 34 de la Constitution ne donne aucune indication qui puisse conduire, dans le cas particulier, à retenir la compétence législative. La disposition dont il s'agit, qui est justifiée par l'urgence, ne porte pas une atteinte véritable au principe du double degré de juridiction puisqu'on sait sa portée en droit administratif. D'autre part, il ne voit pas, pour sa

part, comment on pourrait motiver de la compétence législative dans ce cas précis par d'autres arguments que ceux relatifs à l'atteinte au double degré.

M. le Président FREY demande si les membres du Conseil désirent ouvrir la discussion sur d'autres points.

Tel n'étant pas le cas, la parole est donnée à M.COSTE-FLORI pour lire le projet de décision.

A la lecture du premier considérant de 1 a page 4, M. CHATENET remarque que la communication imposée en faveur des communes est certainement législative dans son principe, mais qu'elle soit active telle que prévue au texte ou passive, les conseillers généraux ayant, par ailleurs, le droit de consulter les documents dont il s'agit,semble une simple modalité.

M. GOGUEL estime qu'en pratique, il est préférable de prévoir la communication active mais qu'on peut s'interroger pour savoir s'il s'agit là d'un principe fondamental.

M. le Président MONNERVILLE remarque, en tant que maire, qu'il s'agit d'une disposition extrêmement utile particulièrement pour les petites communes qui n'ont en fait d'autres moyens d'être bien renseignées que celui prévu par la disposition soumise au Conseil.

M. COSTE-FLORET remarque que les dispositions en question remontent à 1890 et que c'est une garantie qui a pour elle d'être restée tout au long de l'organisation municipale, depuis ses origines.

M. CHATENET d'ailleurs admet que la distinction qu'il proposait est bien compliquée et se rallie au texte du projet du fait de sa rédaction qui ne vise que "la communication".

M. le Président FREY demande si certains membres désirent encore intervenir sur l'aspect législatif ou réglementaire des dispositions du recours administratif de l'article 8.

M. DUBOIS précise, pour sa part, qu'il ne peut indiquer une rédaction qui tiendrait compte des observations qu'il avait faites en début de séance et que, dans ces conditions, il abandonne sa position antérieure.

M. le Président FREY demande à M. COSTE-FLORET s'il y a, à son avis, d'autres points à discuter avant celui concernant la procédure.

M. COSTE-FLORET estime qu'il est sans doute préférable de commencer par celui-ci.

Le projet est adopté. M. le Président FREY remercie les membres du Conseil et donne la parole à M. SAINTENY puisque certains membres désirent savoir quand viendront les affaires électorales.

M. SAINTENY indique que la section estime la requête de M. HOURCQ irrecevable et que l'autre requête doit recevoir une instruction dont les délais ne peuvent être fixés précisément puisque l'avocat n'a pas encore remis son mémoire qu'il doit déposer vendredi Il paraît préférable de juger les deux affaires ensemble de façon à vider tous les aspects de la contestation de cette élection. La date sera fixée ultérieurement.

La séance est levée à 15 h 45.

L'original de la décision sera annexée au présent compte-rendu.

Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.