SEANCE DU MERCREDI 27 AVRIL.1977
COMPTE-RENDU
La séance est ouverte à 10 heures en présence de tous les membres du Conseil.
M. le Président indique l'ordre du jour ci-aprês :
I - Installation des nouveaux membres du Conseil constitutionnel.
II- Tirage au sort des sections.
III- Examen, en application de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, de dispositions du code forestier et de lois annexes.
Rapporteur : M. GOGUEL
IV - Examen, en application de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, des dispositions relatives à l'enseignement et à lajformation professionnelle agricole. *
Rapporteur : M. BROUILLET
V- Examen, en application de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, de dispositions de l'article 841, alinéa 1er, du code rural.
Rapporteur : M. COSTE-FLORET
VI- Communication de M. le Président relative à l'affaire Dassault.
Puis dans les termes suivants,^fait la présentation des nouveaux membres : .
"Mes chers Collègues,
L'ordre du jour de notre séance comporte
tout d'abord le tirage au sort des sections prévues par l'article 36 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mais auparavant m'appartient l'agréable devoir de souhaiter la bienvenue parmi nous à nos nouveaux collègues.
Leur doyen, M. Louis GROS, a commence très jeune une brillante carrière d'avocat au barreau de Casablanca avant de devenir en 1948 sénateur représentant les Français du Maroc. Depuis lors notre collègue, en dehors de ses activités proprement parlementaires, n'a cessé de se dévouer pour nos compatriotes établis hors de France et au cours de ses presque trente années passées au Sénat il eut l'occasion de visiter tous les pays du monde où se trouvent nos compatriotes. Tâche qui ne manquait sans doute pas d'agrément mais qui lui imposa de lourdes contraintes et de multiples fatigues en raisor même du soin et de .1'attention qu'il portait à les défendre. C'est d'ailleurs cette efficacité dans l'action qui le fit nommer parlementaire en mission auprès du Ministre des Affaires Etrangères et qui l'amena à être élu Vice-Président du Conseil supérieur des Français à 1'Etranger. Ce furent là pour M. Louis GROS des missions extrêmement enrichissantes qu'il mena de pair avec des tâches multiples qui le conduisirent^ en tant que délégué de la France,à 1'O.N.U. à l'Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe, à l'Assemblée de l'Union de l'Europe Occidentale, à la Conférence des parlementaires de l'OTAN.
Je me suis d'ailleurs souvent demandé si notre Collègue n'avait pas un don d'ubiquité car en étant toujours ailleurs il réussissait à être toujours présent au Sénat où il présida avec distinction la Commission des Affaires Culturelles. Je ne me souviens d'ailleurs pas au cours de ma carrière ministérielle avoir été au Sénat sans rencontrer notre Collègue qui m'accueil- lait toujours avec une affabilité et une bonne humeur dont je lui savais le plus grand gré. .
C'est tout naturellement qu'ensuite notre Collègue devint Vice-Président du Sénat. Ses qualités humaines, sa compétence technique, sa courtoise -autorité en firent très rapidement un Président de Séances qui s'imposa à ses pairs et je ne trahirai pas un secret en disant qu'il était unanimement appréci et que son départ a laissé de vifs regrets.
C'est donc aujourd'hui avec un grand plaisir que je retrouve M. Louis GROS dont je ne doute pas qu'il apportera au Conseil une vaste expérience et un savoir juridique particuli rement précieux.
C'est une carrière tout à fait différente que celle que je vais essayer de retracer maintenant. En effet M. André SEGALAT, s'il a été mêlé pendant 12 ans à toutes les décisions les plus importantes au sommet de l'Etat, est avant tout un de ces hauts fonctionnaires que l'étranger nous envie.
Auditeur au Conseil d'Etat en 1937,il est nommé Maître des Requêtes en 1944 après avoir dès 1940 participé activement à la Résistance où il fut le collaborateur direct de M. Alexandre PARODI dont il devait devenir le Directeur dé Cabinet en 1944 au Ministère du Traail et de la Sécurité Sociale. Il fut ensuite Directeur de Cabinet de M. Jules MOCH ministre des Travaux Publics, avant d'être nommé Secrétaire général du Gouvernement en septembre 1946, poste qu'il occupa jusqu'en janvier 1958. Devenu Président de la S.N.C.F. à la même époque, il y resta jusqu'en août 1975 date à laquelle il atteignit la limite d'âge.
Membre du Conseil d'administration de l'Ecole Polytechnique, du Conseil d'administration de la Fondation nationale des Sciences Politiques, du Conseil de Direction de l'institut d'Etudes Politiques de Paris, Membre du Conseil de l'Ordre dé la Légion d'Honneur, Grand Officier de 1; Légion d'Honneur, Grand Officier de l'Ordre National du Mérite Médaillé de la Résistance, aujourd'hui Membre du Conseil constitutionel. Telle est sèchement résumée la carrière de M. André SEGALAT et tel que je le connais je devrais m'arrêter là Car je connais trop son immense pudeur pour ne pas savoir qu'il préférerait que je n'en dise pas plus. Mais comment ne pas rendre hommage à l'homme de devoir au coeur généreux, au haut fonctionnaire, à l'humaniste, au résistant, à l'ami sûr et fidèle qui pendant tant d'années fut mêlé de si près à la vie de la France et qui, dépositaire de tant de secrets, assuma avec une discrétion et une modestie incomparables les tâches les plus lourdes et les plus délicate Comment ne pas lui dire aujourd'hui la haute estime et l'amitié que lui portent tous ceux qui savent ce qu'au cours d'une carrière exemplaire, il a fait pour notre Pays. Mais je me tais car il va m'en vouloir et je lui souhaite simple- ment de se trouver aussi à l'aise dans notre Assemblée qu'il l'a été partout où il est passé.
C'est également le voeu que je ferme pour M. Achille PERETTI dont le cas est si j'ose dire plus complexe que celui de ses deux collègues car il a été,lui, et un avocat et un fonctionnaire et un hmme politique.
Avocat attaché au Parquet d'Ajaccio, il entre en 1938 dans 1'Administration, devient Préfet en août 1944 et embrasse à partir de 1945 une carrière politique qui l'amène du Conseil général de la Corse à la Mairie de Neuilly,où il vient d'être brillamment réélu, à l'Assemblée nationale, au Conseil Général des Hauts-de-Seine, à la Vice- Présidence de l'Assemblée nationale, fonction qu'il occupera de 1969 à 1973 et qu'il exercera avec une efficacité reconnue par tous. C'est ainsi que le Conseil constitutionnel s'honore aujourd'hui d'avoir dans son sein un ancien président de chacune des Assemblées parlementaires de la République.
Cette activité débordante s'est accompagnée au cours de la guerre d'une action résistante que chacun connait et dont je rappellerai æulement l'essentiel.
Engagé volontaire dès juin 1940 dans les F.F.L. il fait tout d'abord partie du Réseau Paillolle et du Réseau Ali avant de devenir le fondateur et le chef du réseau Ajax groupant les réseaux Candide, Zadig, Micromegas et Stuart. Pendant plus de quatre années, il contribuera ainsi avec un courage souriant et tranquille et de façon décisive en bien des occasions, à la lutte contre l'occupant ce qui lui vaudra d'être Commandeur de la Légion d'Honneur, Compagnon de la Libération, Croix de Guerre avec quatre citations, et titulaire d'un nombre impression- nant de décorations étrangères.
Voilà, mes chers collègues, un palmarès qui se passe de commentaires. J'en ajouterai toutefois un avec votre permission. Une Assemblée n'est, parait-il, vraiment complète que si y figure un Corse. Je ne suis pas éloigné de croire par expérience que cette remarque est justifiée car j'ai bien souvent observé que les vertus fondamental-es des Corses et notamment leur finesse et leur esprit inventif et ingénieux en font des partenaires éminemment souhaitables et comme M.Achille PERETTI est un vrai Corse je pense que le Conseil constitutionnel peut estimer à bon droit aujourd'hui que la présence dé. notre nouveau collègue lui permettra d'aborder à l'avenir les problèmes qui se poseront à lui avec une efficacité accrue en maintenant fermement ce qui doit avant tout caractériser le Conseil : Son indépendance totale vis-à-vis de tout et de tous. Chacun d'entre nous a ses opinions et ses préférances mais celles-ci doivent s'effacer lorsque nous sommes réunis autour de cette table et je me plais à souligner qu'il en a toujours été ainsi. C'est notre mission et notre raison d'être que de faire respecter la Constitution sans indulgence et sans crainte.C'est en cela que nous pouvons servir notre Pays et je suis certain, parce que je connais bien les hommes qui siègent ici que, quoi qu'il arrive, quelles que soient les circonstances ou les évènements, le Conseil constitutionnel suivra son chemin avec la hauteur de vue, la sérénité et la discrétion qui doivent être sa marque.
Nous allons maintenant, Nfessieurs, procéder par la voie du tirage au sort à la désignation des trois sections prévues par l'article 36 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. Je vais donner lecture de l'article 36 : "Le Conseil constitutionnel forme en son sein trois sections composées chacune de trois menb res désignés par le sort. Il est procédé à des tirages au sort séparés entre les membres nommés par h Président de la République, entre les membres nommés par le Président du Sénat et entre les membres nommés par le Président de l'Assemblée nationale".
J'invite M Achille PERETTI qui est le plus jeune membre à tirer dans chacune des séries les bulletins portant le nom des menb res qui doivent composer chaque section?'
Le tirage au sort auquel il est procédé donne les sections ci-apres :
Section n° 1 : M. le Président FREY, MM REY et COSTE-FLORET.
Section n° .2 : MM. les Présidents GROS, SE GA.LAT et PERETTI.
Section n° 3 : M. le Président MONNERVILLE, M. GOGUEL et
M. L'Ambassadeur BROUILLET.
M. le Président donne alors la parole à M. CD GUEL qui présente son rapport sur l'appréciation de la nature juridique des dispositions du code forestier.
"Le Premier Ministre, par lettre du 30 mars 1977, a demandé au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la nature juridique, au regard de l'article 34 de la Constitution de dispositions figurant dans 47 articles qui se trouvent au nonb re de 12, dans le code forestier. Ce code résulte actuellement d'un décret de codification du 29 octobre 1952 ; mais la rédaction des articles soumis au Conseil constitutionnel résulte de lois postérieures à la promulgation de la Constitu- tion : c'est donc bien le Conseil constitutionnel qui a compétence pour décider si ces textes sont '.de nature législative ou de nature réglementaire.
- Au nombre de 1, dans la loi du 2 août 1960, relative au remembrement des propriétés rurales, à certains échanges et cessions d'immeubles ruraux, à l'usage et
à l'écoulement des eaux d'irrigation, à certains boisements.
- Au nombre de 10, dans la loi du 6 août .1963, pour l'amélioration de la production et de la structure foncière de la forêt française.
- Au nombre de 8, dans l'article 1 de la loi de finances rectificative pour 1964, du .23 décembre 1964 .: c'est par cet article, "cavalier budgétaire" d'origine gouvernemental qu'a été créé l'Office Nationale des Forêts.
- Au nombre de 3, dans la loi du 12 juillet 1966; relative aux mesures de protection et de reconstitution à prendre dans les massifs forestiers particulièrement exposés aux incendies, et modifiant diverses dispositions du Code forestier.
- au nombre de 3, dans la loi de finances rectificative pour 1969 du 24 décembre 1969 (art.11) nouveau "cavalier budgétaire".
- au nombre de 4, dans la loi du 22 mai 1971 relative à l'améiora- tion des essences forestières (71-383).
- au nombre de 3, enfin, dans la loi du 22 mai 1971, relative à l'amélioration des structures forestières (71-384)
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RG
Je/me propose pas d'examiner ces 47 articles de loi dans l'ordre chronologique des textes où ils figurent, mais en les regroupant selon un ordre déterminé par la nature des problèmes juridiques qu'ils me paraissent soulever.
I - Je commencerai par ceux dont je considère qu'ils appartiennent au domaine législatif : il y en a trois.
II - J'examinerai ensuite ceux qui me paraissent relever du domaine réglementaire, en les groupant de la manière suivante :
A - d'abord ceux qui comportent désignation du ou des ministre® appelés à exercer certaines attributions conférées par la loi à 1'Etat ;
B - ensuite, ceux qui comportent désignation des préfets comme appelés à exercer certaines attributions conférées par la loi à l'Etat ;
C - puis, ceux qui concernent la désignation de certains agents de l'Office National des Forêts comme appelés à exercer certaines attributions conférées par la loi à cet Office Celui-ci, il convient de le rappeler, est chargé de façon générale d'assurer la mise en oeuvre du régime forestier même à l'égard de bois, forêts et terrains n'appartenant pas à l'Etat ;
D - enfin, ceux qui concernent des dispositions diverses de procédure.
III - Je concluerai par quelques remarques concernant la rédaction des articles que la Commission de codification, d'après les documents qui nous ont été communiqués, se propose de substituer à celle des textes législatifs qui nous sont soumis; si nous déclassons celles de leurs dispositions qui nous sont soumises.
¹ - Dispositions dont je considère qu'elles sont de nature législative.
1° - Paragraphe VIII de l'article 1er de la loi de finances rectificative pour 1964 (fiche n° 10).
Ce texte dispose que, chaque année, à l'occasion du vote de la loi de finances, un rapport de gestion est déposé par 1'0.N.F. sur le bureau de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Sans doute l'article 34 de la Constitution n'a-t-il pas placé une dispositi on de cette nature dans le domaine de la loi.
Mais l'article 47 de la Constitution dispose que "le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique".
Et le 2ème alinéa de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances - ordonnance prise en application de l'article 47 de la Constitution - est ainsi conçu : "les dispositions législatives destinées à organiser 1'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ... sont contenues dans les lois de finances".
Le texte qui nous est soumis figurant dans une loi de finances rectificative ne saurait donc être considéré comme étant de nature réglementaire ; c'est en parfaite conformité avec une loi organique prévue par la Constitution qu'il a été voté par le Parlement. Il ne saurait donc être déclassé.
2° - Article 3 de la loi du 6 août 1963 pour 1'améliora tion de là production et de la structure foncière des forêts françaises.
• Ce texte figure à la fiche n° 23.
Pour en faire comprendre la portée, il faut rappeler que l'article 6 de la loi du 6 août 1963 fait obligation à tout propriétaire d'une forêt susceptible d'aménagement et d'expldLta- tion régulière de présenter à l'agrément des centres régionaux de la propriété forestière un plan simple de gestion, comprenant obligatoirement un programme d'exploitation des coupes et, le cas échéant, un programme des travaux d'amélioration.
En cas de désaccord entre le propriétaire et le Centre régional (c'est-à-dire si le centre régional a refusé son agrément au plan de gestion qui lui a été soumis), le Ministre de 1'Agriculture statue sur le recours formé par le propriétaire, mais_(z)en vertu du texte qui nous est soumis,!! statue obligatoirement après avis de la commission nationale professionnelle de la propriété forestière privée, créée par l'article 3 qu'il nous est demandé de déclasser.
Il est incontestable que l'article 6 de la loi du 6 août 1963 constitue une limitation du droit de propriété. Le fait que le Ministre ne puisse statuer sur le recours d'un propriétaire qu'après avoir pris l'avis d'une commission nationale composée de représentants des centres régionaux (eux-mêmes composés de membres élus par les propriétaires forestiers et de représentants des organisations professionnelles les plus représentatives de la forêt privée), me paraît constituer pour le propriétaire qui a formé un recours devant le Ministre une garantie essentielle. Il m'apparaît en conséquence que non seule- ment la nécessité de cet avis, mais aussi la composition de l'organisme appelé à le donner, touchent aux principes fondamen- taux du droit de propriété, que l'article 34 de la Constitution a placés dans le domaine de la loi.
Par contre, les dispositions de l'article 3 concernant le fait que la commission nationale professionnelle de 1 a propriété forestière privée soit créée "auprès du ministre de l'agriculture" et qu'elle soit compétente pour fournir au ministre un avis "sur toute question concernant les attributions et le fonctionne- ment des centres régionaux", ne me paraissent pas relever de questions placées par l'article 34 de la Constitution dans le domaine de la loi ; elles sont donc de nature réglementaire.
3) - Article 157 du code forestier, tel qu'il résulte de l'article 11-1 de la loi de finances rectificative sur 1969 du 24 décembre 1969.
Vous trouverez ce texte à la fiche n° 32.
Cet article soumet à une autorisation administrative préalable l'exercice par un particulier du droit d'anacher ou de défricher ses bois et forêts - disposition de nature . évidemment législative puisqu'elle porte atteinte au droit de propriété, - et qu'il ne nous est pas demandé de déclasser.
Mais l'article 11-1 de la loi du 24 décembre 1969 définit par ailleurs une procédure relative au dépôt des déclarations de défrichement et à la façon dont il sera pio cédé à l'instruction de ces déclarations avant la décision du Ministre de 1'Agriculture, étant précisé que celui-ci ne pourra refuser l'autorisation qu'après avis de la section compétente du Conseil d'Etat.
Cette dernière disposition me paraît constituer pour le propriétaire, dont les droits sont restreints par la loi, une garantie suffisamment importante pour qu'on doive considérer qu'elle concerne les principes fondamentaux du droit de propriété.
Je vous propose donc de décider que la phrase du 4ème alinéa de l'article en question aux termes de laquelle "le ministre ... ne peut refuser son autorisation qu'après avis de la section compétente du Conseil d'ETat" est de nature législative.
Il n'en est pas de même, d'une part de la désignation comme compétent en la matière du ministre de 1'agriculture qui concerne la répartition entre autorités de l'Etat d'attribu- tions dévolues par la loi à celui-ci, cette répartition étant, selon notre jurisprudence, de nature réglementaire.
De même, en ce qui concerne la procédure d'enquête, la notification au propriétaire du procès-verbal d'enquête dans un délai déterminé (4 mois) et le délai (6 mois) à l'expiration duquel le fait que le minifctre n'ait pas rendu sa décision entraîne ipso facto autorisation de défrichement, sont à mon sens des dispositions de procédure, qui relèvent à ce titre du domaine réglementaire de même que le fait que l'autori- sation de défrichement soit valable pendant 10 ans.
Peut-être pourrait-on se demander s'il n'y aurait pas lieu de p réciser que ces règles de procédure ne relèvent du domaine réglementaire qu'à condition que ne soit pas dénaturée par un allégement injustifié des délais, la volonté du législa- teur... A la réflexion, cela ne m'a pas paru nécessaire, car un décret prévoyant un délai excessif serait certainement attaqué devant le Conseil d'Etat et annulé par celui-ci.
¹¹ “ Dispositions dont je considère qu'elles sont de nature réglementaire.
A) Désignation du Ministre compétent pour exercer certaines attributions conférées par la loi à l'Etat.
Nous venons d'évoquer cette question à propos de l'article 157 du code forestier, tel qu'il résulte de l'article II-I de la loi du 24 décembre 1961, comme de l'article 3 de la
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loi du 6 août 1963 : à propos de ces deux textes, je vous ai proposé de décider que la désignation du Ministre de 1¹Agriculture était de nature réglementaire.
Le même problème se pose pour 2 5 des articles de loi qui nous sont soumis.
Il s¹ agit de :
- l'article 1er, paragraphe I, 1er alinéa, 1ère phrase de la loi du 23 décembre 1964 (fiche n° 1)
- l'article 19, paragraphe I, 1èr alinéa, 2ème phrase de la même loi (fiche n° 2)
- partie de l'article 1er, paragraphe I, 2ème alinéa, de la même loi (fiche n° 3)
- partie de l'article 1er, paragraphe II, 1er alinéa, de la même loi (fiche n° 4)
- partie de l'article 1er, paragraphe III, 5ème alinéa, de la même loi (fiche n° 7).
A noter que, dans le cas de cet article, il nous est demandé de déclasser, non seulement la désignation des ministres compétents pour exercer une attribution que la loi confère à l'Etat, mais également une disposition aux termes de laquelle ces Ministres fixeront la part des excédents budgétaires de 1'0.N.F. à verser au budget général de l'Etat "au vu de l'estima- tion des ventes à réaliser l'année suivante", étant donné qu'il s'agit là d'un élément de procédure administrative sans rapport avec une recette de caractère fiscal, cette formule paraît en effet relever du domaine réglementaire.
- partie de l’article 1er, paragraphe VII, de la loi du 23 décem- bre 1964 (fiche n° 9)
- partie de l'article 14 du code forestier, 3ème alinéa, tel qu'il résulte de l'article 15 de la loi du 24 décembre 1969 (fiche n° 11)
- partie de l'article 18 du code forestier tel qu'il résulte de l'article 16 de la même loi (fiche n° 12)
- partie de l’article 20, 1er alinéa, de la loi du 22 mai 1971 (fiche n° 20).
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----------- ---- ------------------------------ ------------------ ------------- -------------- -------------------- ----------- - partie de l'article 5, 2 ème alinéa, de la loi du 6 août 1963 (fiche n° 21) . - partie de l'article 5, 3ème alinéa, de la même loi (fiche n° .22) - partie de l'article 4, 5 ème alinéa, de la même loi (fiche n° .24) A noter que, dans ce texte, il est également fait mention ■ du fonctionnaire de 1 'Etat placé , en quelque sorte à titre de commissaire du Gouvernement, auprès de chaque ----------- ---- ------------------------------ ------------------ ------------- -------------- -------------------- -----------
centre régional de la propriété forestière privée. Là encore, cette désignation paraît relever du domaine réglementaire.
- partie de l'article 6, 1er à 3ème alinéas, de la loi du
6 août 1963 (fiche n° 25)
A noter que dans cet article, il ne s'agit pas seul ment de la désignatinn d'un Ministre pour exercer certaines compétences conférées par la loi à l’Etat,. mais aussi de la désignatinn du Préfet pour exercer d'autres attributions de même nature.
Le caractère réglementaire de l'une et l'autre
de ces dispositions ne me paraît pas faire difficulté.
- partie de l'article 6, 10 et llème alinéas, de la même loi (fiche n° .2 7)
A noter que, dans ces textes, il ne s'agit pas . seulement de la désignation du Ministre, mais aussi de celle d'un fonctionnaire de l'Etat (cf. fiche n° 29)
- partie de l'article 10, 4ème et 5ème alinéas, de la même loi du 6 août 1963 (fiche n° .28)
- partie dé l'article 1er du décret du 3.0 décembre 1954, tel qu'il résulte de l'article 11-1 de la même léi du 6 août 1963 (fiche n° .29)
- partie de l'article 16, 1er alinéa, du même décret, tel qu'il résulte de l'article 13-III de la même loi du 6 août 1963 (fiche n° 30)
- partie de l'article 11-XIV de la loi du 24 décembre 1969 (fich n° 34)
- partie de l'article 7, 1er alinéa, de la loi du 12 juillet 1966 (fiche n° 37)
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- partie de l'article 8, 1ère phrase, de la même loi (fiche n°38)
- partie de l'article 2 de la loi du 22 mai 1971 relative à l'amé- lioration des essences forestières (fiche n° 44)
- partie de l’article 4 de la même loi (fiche n° 45)
- partie de l'article 6, 1er alinéa, de la même loi (fiche n° 46)
A noter que, dans cet article, il nous est également demandé de déclasser la désignation précise d'un règlement d'administration publique datant de 1919 et d'un article de ce règlement, cette précision ne paraissant pas de nature législa- tive. . . .
Je dois avouer que l'intérêt intrinsèque de ce déclassement ne m'apparaît pas clairement ; mais je dois reconnaître que l'article 34 de la (Institution ne place pas dans le domaine de la loi une telle précision ...
- partie de l'article 1er de la loi du 22 mai 1971 relative à l'amélioration des essences forestières (fiche n° .47) .
Quoi qu'il en soit, les 25 textes que je viens d'énumérer comportent tous la désignation, soit d'un, soit de plusieurs Ministres comme habilité à exercer certaines compétence; données par la loi à .l'Etat. Notre jurisprudence, en ce domaine, est nettement établie ; la répartition entre représentants de l'Etat des compétences conférées à celui-ci appartient au domaine réglementaire.
Je vous propose donc de nous conformer à cette jurisprudence en décidant que les parties qui nous sont soumises de ces divers articles loi sont de nature réglementaire en tant qu'elles désignent le ministre compétent pour exercer certaines attributions de l'Etat.
- Désignation du Préfet comme compétent pour exercer certaines attributions' conférées par la loi a l'Etat.
Ce problème se pose pour huit des articles de loi qui nous sont soumis.
Il s'agit de :
- partie de l'article 3, 1er alinéa, de la loi du 22 mai 1971 (fiche n° 16)
A noter qu'il nous est également demandé de déclasser la partie de ce texte qui prévoit que les études préalables à la création ou à l'extension d'un syndicat intercommunal de gestion forestière sont réalisées dans des conditions fixées par décret - ce qui, en effet, ne me paraît pas être une disposi- tion de nature, législative, le pouvoir gouvernemental étant toujours libre de choisir la forme de ses interventions dans les
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domaines où il est compétent (procédure)
- partie de l’article 10 dqla même loi du 22 mai 1971 (fiche n° 17)
- partie de l'article 14, 1er alinéa, de la même loi du 22 mai 1971 (fiche n° 18)
- parties de l’article 178-1, 1er alinéa, du code forestier, tel qu'il résulte de l'article 10 de la loi du 12 juillet 1966 (fiche n° 39)
- partie de l'article 74 du code forestier, tel qu'il résulte de l'article I, § II, 6e alinéa, de la loi du 23 décembre 1964 (nous aurons à évoquer de nouveau cet article dans la suite de ce rapport) (fiche n° 14)
- partie de l'article 178-1, 2e alinéa du code forestier^ tel qu'il résulte du même article 10 de la même loi (fiche n 40)
- parties de l'article 178-2 du code .forestier, tel qu'il résulte du même article 10 de la même loi (fiche n° 41)
- parties de l’article 180-1 du code forestier, tel qu'il résulte du même article 10 de la même loi (fiche n° 42)
- parties de l'article 185, .2 ème et 3ème alinéas, du code forestier, tel qu'il résulte de l'article 20 de la loi du 6 août 1963 (fiche n° 43)
Tous ces textes désignent les Préfets pour exercer certains pœvoirs de tutelle et diverses attributions du pouvoir exécutif. Il résulte de notre .jurisprudence 4^(ue) la désignation de l'autorité, compétente pour exercer de tels pouvoirs et attributions est de nature réglementaire. Lés! déclassements qui nous sont demandés doivent donc à mon sens être prononcés par notre décision.
“ Désignation de certains agents de 1'0.N.F. pour intervenir dans l'exercice des- attributlors conférées par la loi à celui-ci .
Le prohZLème se pose pour six des articles de loi qui nous sont soumis.
- Partie de l'article 31 du code forestier, tel qu'il résulté de l'article 1er, paragraphe II, 6ème alinéa de la loi du 23 décembre 1964 (fiche n 5)
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- Partie de l’article 32 du code forestier, tel qu'il résulte de l'article 1er, paragraphe II, 6ème alinéa, de la même loi. (fiche n° 6)
- Partie de l'article 47 du code forestier, tel qu'il résulte de l'article 1er, paragraphe II, 4ème et 6ème alinéas de la même loi (fiche n° 13).
La fiche n° 13 pose la question de savoir si la procédure administrative définie dans ce texte est séparable de la procédure pénale qui peut éventuellement la suivre.
Voici ce dont il s'agit : pendant la périodqbù l'adjudicataire ou acheteur d'une coupe effectue les abattages auxquels il a droit, il est responsable de la surveillance de la partie de la forêt où il travaille ; il pourrait être poursuivi s'il abattait en dehors de la section sur laquelle il a acquis des droits, ou s'il abattait plus d'arbres qu'il n'est autorisé à le faire. Il est en outre responsable des contraventions ou délits forestiers commis par des tiers dans la coupe pendant qu'il en a la garde.
La procédure administrative prévue par cet article est destinée à mettre fin à cette responsabilité.: si l'adminis- tration de l'O.N.F., mise en demeure par .l'acheteur de procéder à l'arpentage (vérification de la surface de la coupe) et au récolement (comptage de souches) n'y procède pas dans le mois, l'acheteur ne pourra plus être poursuivi.
En l'espèce, il me semble que la procédure administrative est parfaitement distincte de la procédure pénale,et que l'alinéa tout .entier est donc de nature réglementaire. A plus forte raison en est-il ainsi.de la désignation de l'agent de 1'0.N.F., à qui devra être signifié l'acte, extra-judiciaire, seule dispôstion sur la nature réglementaire de laquelle nous avons à nous prononcer.
- partie de l'article 74 du code forestier, 3ème alinéa, tel qu'il résulte de l'article 1er, paragraphe II,. 6e alinéa de la loi du 23 décembre 1964 (question déjà évoquée à propos du préfet) (fiche n° 14)
- partie de l'article 75 du code forestier, tel qu'il résulte de l'article 1er, paragraphe II, 6e alinéa, de la même loi (fiche n° 15)
A Noter que se pose ici le même problème de lien entre procédure administrative et procédure pénale que pour l'article 47 du code forestier. La solution doit être la même.
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- Partie de l'article 1er, paragraphe IV, 3ème alinea delà loi du 23 décembre 1964 (fiche n° 8).
Il s’agit ici des procédures de nomination aux emplois de l’Office ; certains relèvent du Directeur général de 1’0.N.F., d’autres du ministre de l’agriculture.
Les agents de l’O.N.F., même s’il s’agit de fonction- naires appartenant à des corps de l’Etat (ingénieurs des eaux et forêts et du génie rural) mis à la disposition de l’Office, ne sont pas, en tant qu'agents de l’O.N.F., Actionnaires de l’Etat. .
' C’est la raison pour laquelle la garantie de déroulement d’une carrière normale à 1'intérieur dql'O.N.F. non menacée par des parachutages de l’extérieur pour des emplois d’encadrement et de direction, que constituait la disposition législative selon laquelle le ministre devait nommer à ces exmplois sur proposition du directeur général dde l’O.N.F., ne m’a pas paru, à la réflexion, constituer une "garantiè fondamen- tale accordée" à des fonctionnaires civils de l'Etat, au sens de l’article 34 de la Constitution.
. La disposition qui nous est soumise me paraît donc
de nature réglementaire.
D - Dispositions diverses' de procédure administrative
-Partie de l’article 19, 3ème alinéa,dé la loi du 22 mai 1971 (fiche n° .19)
Ce texte prévoit l’intervention d'un décret pour régler les conditions de cession de ses droits par une collecti- vité participant à un groupement syndical forestier.
La matière me paraît de nature réglementaire et l'alinéa tout entier pourrait donc être déclassé. Mais il ne nous est demandé que de déclasser les termes "un décret", la commis- sion de codification semble avoir considéré que ce terme était imprécis - sans doute parce qu'à l'article 18 de la même loi il est précisé Décret en Conseil d'Etat - et souhaiterait que le nouveau texte mentionne simplement la fixation "par voie régle- mentaire".
L'intérêt de cette modification, je dois l’avouer, n<me paraît pas évident, mais, d'autre part, je ne vois pas de raison pour considérer que les mots "Un décret ” seraient de nature législative puisque la totalité de l'alinéa me paraît relever du domaine réglementaire.
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- Partie de l’article 6, 5e alinéa, de la loi du 6 août 1963 (fiche n° 26)
Il s’agit ici des conditions dans lesquelles un propriétaire forestier, astreint à exploiter sa forêt cnnformé- ment au plan de gestion agréé par le centre régional forestier, peut prendre des mesures d’urgence (par définition non conformes à ce plan de gestion) en cas d'évènements fortuits, accidents, maladies ou sinistres.
Ces conditions relèvent de dispositions de procédure administrative, et relèvent donc du domaine réglementaire.
. Il va de soi que, s’agissant de mesures d'urgence
(ces mots restent de nature législative). une nesure réglementaire ne pourrait pas fixer des délais tels qæ l'abattage ne puisse êtr fait qu'après .1'expiration d'un délai excessif. Mais je ne crois pas nécessaire de faire une réserve de non-dénàturation, car il me paraît certain qu'une mesure réglementaire qui, par exemple, ferait passer le délai de 15 jour à 6 mois serait frappée de recours et annulée par la juridiction administrative.
- Partie de l'article 25-1, 1er alinéa, du décret du 30 décembre 1954, tel qu'il résulte de l'article 22 de la loi du 2 août 1960 (fiche n° 31).
L'intervention du notaire relève à l'évidence de la procédure, qui est de nature réglementaire.
- Partie de l'article II-VIII, 1er et 2ème alinéas, de la loi du 24 décembre 1969. (fiche n° 33)
La taxe dont il s'agit est perçue (§ IV du même article) à l'occasion du défrichement de surface en nature de bois ou de forêts.
Les dispositions à déclasser - désignation de fonctionnaires, procédure à suivre - sont à l'évidence de nature réglementaire.
- Partie de l'article II-XV de la même loi (fiche n° 35)
La consultation du Conseil supérieur de la forêt en vue d'un acte réglementaire relève,selon notre jurisprudence, du domaine réglementaire.
- Partie de l'article 2, 1er alinéa, de la loi du 12 juillet 1966 (fiche n° .36) .
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Le texte dont il s'agit comporte, dans l'intérêt de la protection de certains massifs forestiers contre l'incendie une limitation du droit de propriété. Mais la consultation du Centre régional de la propriété forestière, dont il nous est demandé de décider qu'elle est de nature réglementaire, constitue pour les propriétaires une garantie beaucoup moins forte, que le recours à la procédure prévue par les lois et décrets sur l'expropriation. Or,1'obligation du recours à cette procédure en vue de la déclaration d’utilité publique des travaux dont il s'agit demeurera dans le texte législatif. Il est donc légitime de déclasser en ce qui concerne là consultation de la commission départementale de la protection civile et du centre régional de la propriété forestière.
III - Remarques finales
Ce que je vais dire en terminant ne concerne pas directement les problèmes qui nous sont soumis : le Conseil constitutionnel, en effet, n'a pas à connaître officiellement la rédaction que la Commission de codification se propose de donner aux textes législatifs dont le Conseil aura décidé de déclasser certains éléments.
Mais ces rédactions nous ayant été communiquées, je les ai naturellement examinées, et j'ai été frappé de l'incerti- tude de terminologie dont elles témoignent.
32 des 47 articles de foi qui nous ont été soumis, et pour lesquels je vous propose d'accepter les déclassements qui nous sont demandés, comportent, dans la rédaction, actuelle, la désignation d'un ou.de plusieurs ministres, ou celles des préfets, comme compétents pour exercer certaines attributions que la loi confère à l'Etat.
Dans les textes qui seraient substitués aux . rédactions actuelles, les mots "ministre" ou "préfet" seraient remplacés tantôt par l'expression "autorité administrative", tantôt par l'expression "autorité supérieure", sans qu'il soit possible de déterminer la moindre cohérence dans le choix de l'une ou l'autre de ces expressions.
L'expression "autorité administrative" est utilisée huit fois. Dans un cas (fiche n° .6) elle se substituait à la désignation, dans le texte législatif actuel, d'un agent de l'O.N.F. ; dans les deux cas (fiches n° 18 et n° .43) à la désignation, dans le texte législatif actuel,, du préfet; dans cinq cas (fiches n° 20, n° 29, n° .30, n° 38 et n° 44), à la désignation , dans le texte législatif actuel, d'un ministre
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Dans douze cas, on utilise l’expression "autorité supérieure" - sans préciser d'ailleurs à quoi cette autorité est supérieure. Dans sept cas (fiches n° 16, n° 17, n° 25, n° 39, n 41 et n° 42) l'expression "autorité supérieure" se substituerait à la désignation, dans le texte législatif actuel, du préfet ; dans cinq cas (fiches n° 7, n° 12, n° 21, n° 24 et n 25), à la désignation, dans le texte législatif actuel, d'un ministre.
L'exemple le plus frappant de cette incertitude terminologique est celui de la fiche n° 25 : le texte législatif actuel mentionne d'une part le préfet, d'autre part, le ministre de l'agriculture. Dans le texte de la Commission de codification, l'un et l'autre seraient désignés par l'expression "autorité supérieure".
J'ai fait part de cette remarque à l'ingénieur général des Eaux et Forêts et du Génie rural Francis MEYER, qui avait bien voulu venir me voir pour me donner certaines explications tec niques nécessaires à une pleine compréhension de la portée des textes qui nous ont été soumis, notamment en ce qui concerne le lien qui aurait éventuellement pu exister entre procédure administrative et procédure pénale. L'Inspecteur général Francis MEYER a volontiers reconnu les inconvénients de l'incertitude terminologique sur laquelle j'ai attiré son attention, et pris note des projets d'articles du futur code forestier où elle se manifestait.
Mais il me semble qu'il serait utile que notre Président attirât l'attention du Premier Mnistre sur la nécessité d'une plus grande rigueur et d'une plus grande cohérence dans la terminologie utilisée par la Commission de codification."
La discussion est ouverte et M.SEGALAT exprime qu'il lui apparaît quelque peu ridicule d'assister à cette "chasse aux sorcières" ou plutôt aux ministres dont on veut faire disparaître la désignation précise dans des textes ou elle était très pratique pour l'administré qui trouvait immédiatement le renseignement convenable sur la compétence sans être obligé d'aller consulter à titre de complément des textes réglementaires Il n'entend pour autant pas remettre en cause la jurisprudence du Conseil mais simplement, il exprime une surprise de néophyte devant une patique qui apparaît fort mal commode.
M. GOGUEL pense que cette remarque serait utile pour la ommission de codification. De plus jl contiendrait de lui signaler que la terminologie qu'elle emploie dans les textes proposés pour remplacer ces désignations apparaît de la plus haute fantaisie.
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Il pense qu’il serait bon d’en faire la remarque dans une lettre au Premier Ministre.
M. SEGALAT approuve cette remarque de M. GOGUEL et note spécialement que les termes "autorité supérieure" proposés pour remplacer tantôt le ministre, tantôt le Préfet n’ont aucun sens précis et ne permettent en rien de découvrir qui détient ladite autorité.
M. MONNERVILLE approuve ces remarques et pense que c'est un très mauvais service à rendre à l'administré que de l'obliger à rechercher le texte de divers décrets pour comprendre le sens de la loi.
M. GOGUEL estime que pour le moins il y a lieu de souhaiter qu'il existe une doctrine précise pour l'emploi des divers termes. Il est dans l'esprit de la codification que la partie réglementaire donne des précisions mais cela n'empêche pas la partie législative de n'être pas elle-même extrêmement vague.
A propos de la fiche 31 et du texte qui prévoit que la propriété de.certains terrains peut être établie par déclaration de deux témoins reçue par acte notarié, M. GROS remarque que si cette: disposition passait en partie réglementaire, il resterait bien peu de garantie pour la proprié té.
M. GOGUEL répond qu'il a eu les mêmes scrupules mais qu'il a proposé le classement en partie réglementaire en constatant que le texte réserve, de toute façon, l’action en. revendication.
Pour M. GROS, il n'en reste pas moins que le notaire devant procéder à des vérifications dont l'absence engagerait sa responsabilité offre par son intervention une indéniable garantie.
Le rapporteur répond que les vérifications ici n'apportent en fait pas de garanties quant à la propriété puisqu'elles ne portent pas sur la véracité des faits déclarés mais simplement sur l'identité des témoins, le notaire ici n'a qu'un rôle très passif qui consiste à constater la déclaration.
M. COSTE-FLORET approuve le point de vue‘ dqM.GOGUEL.
Le texte du projet proposé par M. GOGUEL, qui est alors lu, est adopté sous réserve de quelques modifications de détail et dans la forme.
M. le Président donne alors la parole à M. L'Ambas-^ sadeur BROUILLET qui présente, sur l'appréciation de la nature " juridique de dispositions relatives à l’enseignement et à la formation professionnelle agricoles le rapport ci-après :
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Mercredi 27 avril 1977
Les dispositions relatives à l'enseignement et à la formation professionnelle agricoles de la loi n® 60-791 du 2 avril 1960 et de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 que j'ai mission de soumettre à votre examen pour satisfaire à la demande formulée par M. le Premier Ministre par lettre en date du 30 mars dernier, retiéndront incomparablement moins longtemps votre atten- tion que celles que vous venez d'examiner sur le rapport de notre collègue M. GOGUEL.
Ces dispositions dont la Commission supérieure chargée d'étudier la codification et la simplification des textes législa- tifs et réglementaires poursuivant son travail de révision du Code rural et venant de procéder à l'examen du titre VIII de ce code intitulé "Enseignement et formation professionnelle agricoles Recherche agronomique" a été portée, pour sa part, à retenir qu'elle ressortissaient à la compétence du pouvoir réglementaire, ces dispositions, dis-je, sur la nature juridique desquelles, au regard de l'article 34 de la Constitution nous avons à nous prononcer maintenant, sont en effet, beaucoup moins nombreuses que celles du code forestier, et, réserve faite de deux d'entre elles, vous partagerez, je pense, mon sentiment en estimant qu'elles ne posent pas pour nous un problème délicat d'appréciation.
Je vous donnerai tout d'abord quelques indications destinées à situer les dispositions soumises à notre examen dans leur contexte historique, pour ne pas dire sociologique. Nous passerons, ensuite, article par article et alinéa par alinéa à l'étude des dispositions dont il s'agit.
Les indications de caractère historique, dont il est utile, à mon sens, qu’elles soient présentes à notre esprit, me semblent pouvoir être présentées en cinq groupes :
1) premier groupe d'indications, celles qui sont relatives à l'attitude des Pouvoirs Publics français, face aux problèmes de l'enseignement et de la formation professionnelle agricoles, tant au cours du XlXè siècle que jusqu'à l'avènement de la IVè République. C'est, à maints égards, un paradoxe que, dans un pays comme le nôtre qui jusqu'à une date relativement récente est
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demeuré un pays à vocation principalement agricole, l'enseignement agricole et la formation professionnelle des futurs agriculteurs aient, durant une aussi longue période, tenu une place relativement aussi restreinte dans les préoccupations de nos dirigeants.
Sans doute, la sagesse commande-t-elle d'observer qu'il faut un commencement à tout. La création d'un ministère de l'ins- truction Publique prenant le relais de l'université napoléonienne est de 1824, à moins qu'il ne faille dire 1828. La grande loi Guizot sur l'instruction primaire est du 28 juin 1833. L'adminis- tration de 1'Agriculture n'est elle-même détachée du ministère de l'intérieur qu'en 1830 et, au cours du demi-siècle suivant, les services qui la composent demeurent groupés avec d'autres, de finalité différente, d'abord au sein d'un ministère du Commerce et des Travaux Publics, puis d'un ministère des Travaux Publics de 1'Agriculture et du Commerce, puis d'un ministère de l'Agricultui et du Commerce, je passe sur les changements ultérieurs de titu- lature. C'est en 1881 seulement, qu’au sein du ministère présidé pai Gambetta est créé un ministère autonome de 1'Agriculture.
Quoi d'étonnant, dans ces conditions, à ce que la pre- mière intervention de la Puissance Publique en France pour l'orga- nisation d'un enseignement agricole ait été un décret du 3 octobre 1848, lequel, sous l'autorité du ministre qui s’appelait alors le ministre de 1'Agriculture et du Commerce,crée un ensei- gnement à trois degrés :
- au premier degré,des fermes écoles où doit s'effectuer une scolarité de 3 ans, fermes écoles qui, de 70 en 1849, tombent
à 52 en 1870, à 10 en 1912 et disparaissent définitivement en 1926;
- au second degré, des écoles régionales, prévues au nombre de 20, mais qui ne seront jamais plus de 4, les futures Ecoles nationales d'agriculture ;
- au troisième degré enfin l'institut National Agronomique.
Je passe brièvement sur les étapes ultérieures,
- une loi du 16 juin 1879 organisant sur le plan départemental un enseignement de l'agriculture dans les écoles normales primaires,
- beaucoup plus tard, dans les derniers mois de la 1ère guerre mondiale, la loi du 2 août 1918., créant dans les locaux des écoles primaires de s _ cours d'enseignement po s t scolaire agricole dispensés par les instituteurs sous le contrôle du ministre de 1'Agriculture : enseigneme-nt post-scolaire, je précise, facultatif, qui ne sera rendu obligatoire que 20 ans plus tard, par le décret du 17 juin 1938 ;
- troisième enfin de ces étapes ultérieures, sous le régime de Vichy, la loi du 5 juillet 1941, créant un certi- ficat d'aptitude professionnelle à l'enseignement pour les maîtres, un certificat d'études post-scolaires pour les élèves et édictant des règles de reconnaissance des cours privés, mais plaçant désor- mais cet enseignement post-scolaire agricole sous l'autorité du ministre de 1'Education nationale.
Parallèlement à ces lois sur l'enseignement scolaire et post-scolaire agricole, s’est développé à partir de 1919, un premier ensemble de mesures concernant l'apprentissage agricole : arrêté du 13 décembre 1919, lois du 12 mars 1920 et du 3 janvier 1924, arrêté du 26 avril 1926, loi du 18 janvier 1929 autorisant la création de centres d'apprentissage, de maisons familiales et de cours professionnels à l'initiative des chambres d'agriculture, des syndicats et groupements professionnels agricoles et des oeuvres privées et prévoyant que ces centres, maisons ou cours d'apprentis- sage peuvent être reconnus par l'Etat et subventionnés par lui.
2) deuxième groupe d'indications, celles qui sont relatives aux transformations^ qui, dans la dernière partie de cette longue période de temps, s'opèrent, si je puis dire, sur le terrain; au sein de la paysannerie et du monde agricole, à la faveur notam- ment de deux initiatives, toutes deux antérieures à 1939, à savoir, d'une part, en 1929, la création de la Jeunesse agricole chrétienne, suivie 4 ans plus tard en 1933, de celle de la Jeunesse agricole féminine et, d'autre part, en 1935, la création par un prêtre du sud-ouest, l'abbé Granereau, de la première maison familiale d'apprentissage rural.
Commandé par l'évolution économique et favorisé, entre autres circonstances, par l'action tant de la J.A.C. que de ces maisons familiales, un souci plus vif s'affirme dans les milieux agricoles de connaissances et de formation techniques et profes- sionnelles plus poussées. Il anime, au lendemain de la seconde guerre mondiale, les efforts du syndicalisme agricole et de la C.G.A. Il inspire, dès 1944, la création des C.E.T.A.(Centres d'études techniques agricoles) et celle du Cercle dés Jeunes de la C.G.A. qui deviendra, en 1954 le Cercle national des Jeunes agri- culteurs et, un peu plus tard, le Centre national des Jeunes agriculteurs.
3) troisième groupe d'indication^ celles qui sont relatives à l'écho qu'ont trouvé ces transformations et ces ini- tiatives auprès des Assemblées parlementaires et du Gouvernement dès les premières années de la IVè République. Vous avez tous, présente à l'esprit, cette floraison de propositions de loi
du début des années 1950 : proposition Deshors, au nom du groupe paysan, proposition Charpentier, au nom du M.R.P., proposition Saint-Cyr, au nom du groupe radical, proposition Rincent,au nom du groupe socialiste, proposition Lambert, au nom du groupe communiste : toutes propositions dont l'Assemblée nationale a décidé qu'elles feraient l'objet d'un rapport unique qui a été confié en 1953 à M. Saint-Cyr.
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Je vous rappelle brièvement l'économie des propositions formulées dans ce rapport, car elles projettent un éclairage utile sur le texte que nous avons nous-même à examiner : elles concer- naient essentiellement l'enseignement agricole du 1er degré, lequel voyait confirmer son caractère obligatoire, était placé sous la tutelle du ministre de 1'Agriculture, avec le concours du ministre de 1'Education nationale, chargé d'assurer le complément d'ins- truction générale et était dispensé dans les centres publics à raison d'un par canton ou dans des établissements privés, auxquels était appliqué un statut inspiré de la loi Astier sur l'enseigne- ment technique, avec obligation d'une autorisation préalable et possibilité d'une reconnaissance et d'une aide financière par l'Etat : un comité national et des comités départementaux étant chargés d'un rôle de consultation et de coordination et étant appelés, d'autre part, à donner leur avis sur la reconnaissance des établissements privés.
Adopté par la Commission de l'agriculture de l'Assemblée nationale en juin 1954, le rapport Saint-Cyr venait en discussion - au Palais-Bourbon en novembre et donnait lieu à de longs débats. Devant les oppositions rencontrées, M. Saint-Cyr démissionnait. Un nouveau rapporteur était désigné en la personne de M. Boscary Monsservin et un texte sensiblement amendé à l’initiative notamment de M. Laurens était adopté par l'Assemblée nationale le 30 juin 1 955 .
Ce texte rapporté devant la Commission de l'agriculture du Conseil de la République par M. Claudius Delorme que nous retrou- verons trout à l'heure comme rapporteur de la loi de 1960 était adopté par ladite Commission à la fin de novembre 1955. Mais les travaux parlementaires ayant été interrompus par la dissolution de l'Assemblée nationale, le Conseil de la République se trouvait dans l'obligation de reporter la discussion de ce texte en 1956. Renouveau des oppositions, à ce moment là, contre le texte proposé. Difficulté de trouver un nouveau rapporteur, contre-projet Restai. Autre contre-projet Blondelle. En définitive, sur le rapport de ' M. Houdet était finalement adopté en Commission, à la fin de novembre 1956, puis par le Conseil de la République lui-même le 31 janvier 1957 un texte sensiblement analogue à celui que la Commission de l'agriculture de l'Assemblée nationale avait adopté en juin 1954 en approuvant les propositions du rapport Saint-Cyr.
De ce texte était désigné comme rapporteur au Palais Bourbon, M. Rincent, lequel proposait de lui apporter d'assez profondes modifications. Adopté par la Commission de l'agriculture le 10 juillet 1958, le texte rapporté par M. Rincent ne pouvait venir en discussion devant l'Assemblée nationale du fait de la séparation de cette assemblée.
En fermés généraux, de toutes ces vicissitudes il y a lieu de retenir que les oppositions qui durant plus de 5 ans de 1953 à 1958 ont empêché le Parlement sous la IVè République de parvenir à une conclusion ont porté principalement sur la dési- gnation du ministère de tutelle de cet enseignement et de cette . formation professionnelle agricoles dont chaque formation politique reconnaissait l'opportunité et, à un degré moindre, sur la
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coexistence d'un secteur public et d'un secteur prive.
Cependant que la proposition Saint-Cyr, dans le même sens que la F.N.S.E.A. et l'A.P.C.A., se prononçait, comme il a été dit, en faveur delà tutelle du ministre de 1'Agriculture avec la collaboration du ministre de 1'Education nationale, la proposition Rincent, en passe de compromis maintenait ces dispositions pour l'enseignement du second degré, mais plaçait l'enseignement du 1er degré sous l'autorité du ministre de 1'Education nationale avec la collaboration du ministre de 1'Agriculture.
Pour ce qui est du secteur privé, son existence était autorisée par l'ensemble des textes approuvés tant au Luxembourg qu'au Palais Bourbon. La reconnaissance d'établissements de ce secteur privé par l'Etat et l'octroi sur les fonds publics d'une aide financière à ces établissements reconnus étaient prévus éga- lement tant dans le texte adopté par l'Assemblée nationale en 1955 que dans celui adopté par le Conseil de la République en 1957, ainsi que dans le texte Rincent de 1958. .
Retenons pour citer quelques chiffres, par delà toutes les controverses auxquelles a donné lieu de 1953 à 1958, le problème de l'enseignement et de la formation professionnelle agricoles, que les crédits consacrés à cet enseignement, tant sur le budget du ministère de 1'Agriculture que sur celui de 1'Education nationale, en cette année 1958, montaient à 6 milliards 670 millions alors qu'ils étaient pour l'enseignement technique de 72 milliards. D'une comparaison faite, sur la base des chiffres de 1955, par M. Rincent avec un certain nombre de pays étrangers, il résultait que les crédits pour l'enseignement agricole représentaient en France, 2.138 francs par exploitation, alors qu'ils montaient en Suède, en Belgique et aux Pays-Bas à plus de 8.000 francs et étaient supérieurs à 10.000 francs aux Etats-Unis et au Danemark.
4) quatrième groupe d'indications, celles qui sont relatives aux réformes de portée générale intéressant les domaines de l'enseignement et de la promotion sociale dans leur ensemble qui ont été adoptées dans les premiers mois de l'avène- ment de la Vè République et qui ont constitué, en quelque sorte, les prolégomènes de la loi soumise à notre examen du 2 août 1960 sur l'enseignement et la formation professionnelle agricoles, à savoir :
- en premier lieu, 1'ordonnance du 6 janvier 1959 prolon- geant jusqu'à 16 ans révolus la scolarité obligatoire, et préci- sant, en son article 2 que cette-scolarité a pour objet "1'édu- cation et les connaissances de base, les éléments de la culture générale, et, selon le choix, de la formation professionnelle et technique¹;
ainsi que le décret en date du même jour portant réforme de 1' enseignement duquel il résulte que le but de cette réforme est de donner à l'enfant des possibilités d'orientation et de réorientation à tous les niveaux et que les deux années supplé- mentaires doivent être, non une répétition de l’école primaire, mais une préparation directe à la vie pratique ;
- en second lieu, la loi du 31 juillet 1959 relative à la promotion sociale en ce qui concerne les adultes, qui fait notamment concourir à cette promotion sociale : au stade de la formation professionnelle, les établissements d'enseignement professionnel du 1er et du second degré relevant du ministre de 1'Agriculture et,au stade de la promotion supérieure du travailles établissements d'enseignement supérieur relevant du même ministère.
5) cinquième et dernier groupe d'indications de caractère historique, celles qui concernent les textes mêmes dont certaines des dispositions sont soumises à notre examen
1.- La loi h° 60—791 du 2 avril 1960, d'abord. Le projet de loi dont elle est l'aboutissement a été compris dans un train de sept projets de loi, tous intéressant 1’agriculture-qui ont été déposés par le Gouvernement sur le Bureau de l'Assemblée nationale, au printemps de 1960 et comportant les intitulés suivante
- projet de loi d'orientation agricole
- projet de loi de programme relatif aux investissements agricoles
- projet de loi relatif à l'enseignement et à la formation professionnelle agricoles (c'est celui qui nous occupe)
- un projet de loi relatif au remembrement des propriétés rurales, à certains échanges et cessions d'immeubles ruraux, à l'usage et à l'écoulement des eaux d'irrigation, à certains boisements
- projet de loi relatif aux assurances maladie, invalidité et maternité des exploitants agricoles et des membres non salariés de leur famille
- projet de loi relatif à la création de parcs nationaux
- projet de loi de finances rectificative, enfin, pour 1960.
Ces sept textes ont,, devant l'Assemblée nationale, donné lieu à une discussion générale commune qui s’est déroulée au cours des séances des 26, 28, 29 avril, 3 et 4 mai I960. Melle . Dienesch, chargée de rapporter le projet relatif à l'enseignement et à la formation professionnelle agricoles au nom de la Commis- sien des affaires culturelles et sociales a présenté son rapport au cours de la séance du 28 avril. Et le rapport de Melle Dienesch a été suivi le lendemain du rapport pour avis de M. Grasset Morel au nom de la commission de la production et des échanges. La discussion des articles du projet de loi relatif à 1’enseignement et la formation professionnelle agricoles s'est effectuée ensuite au cours des séances du 31 mai, 1er et 7 juin 1960 et le projet de loi a été adopté le 7 juin au terme de cette discussion par l’Assemblée nationale à mains levées.
La commission des affaires culturelles et sociales avait été saisie d'un certain nombre d’amendements présentés, les uns par M. Duchateau et le groupe socialiste, les autres par M. Waldeck Rochet et le groupe communiste, tendant essentiellement, les urîs et les autres, d'une part, à placer l'enseignement agricole sous la tutelle du ministre de 1'Education nationale et la formation professionnelle agricole sous la tutelle conjointe du ministre de 1'Agriculture et du ministre de L'Education nationale ; d'autre part, à n'accorder l'aide financière de l'Etat qu'aux établisse- ments privés qui auraient été intégrés. Ces amendements avaient été rejetés en Commission.
Les mêmes amendements ont été repris en séance par leurs auteurs et les deux thèmes de la tutelle du ministère de 1'Agricul- ture et de l'octroi d'une aide de l'Etat aux établissements privés reconnus ont fourni l'aliment essentiel des critiques formulées en séance à l'encontre du projet de loi. Les amendements dont il s'agit ont été repoussés par l'Assemblée comme ils avaient été repoussés par la commission des affaires culturelles.
En revanche, à l'article 7, c'est un sous amendement de M. Grasset Morel, considéré par le ministre de 1'Agriculture comme de nature à alourdir inutilement la procédure qui a spécifié que les décrets en Conseil d'Etat destinés à déterminer les conditions de reconnaissance des établissements privés, seront pris sur avis du Conseil de l'enseignement et de la formation professionnelle agricoles.
Le projet de loi relatif à l'enseignement et à la forma- . tion professionnelle agricoles ainsi voté par l'Assemblée nationale a été rapporté devant le Sénat au nom de la commission des affaires culturelles par M. Claudius Delorme et pour avis au nom de la com- mission des affaires économiques et du plan par M. Raymond Brun. Il a été discuté par la Haute Assemblée au cours de sa séance dù 6 juillet et adopté au début de la séance du lendemain 7 juillet par 171 voix contre 85. Les critiques qui ont été formulées à l'encontre du projet au cours de cette discussion et les princi- paux amendements présentés ont porté essentiellement sur les deux sujets qui avaient alimenté le débat devant l'Assemblée nationale à savoir la tutelle du ministre de l'Agriculture et l'aide à l'enseignement privé. Ces critiques.toutefois ont revêtu un carac- tère sensiblement plus vif au Luxembourg qu'au Palais Bourbon. "Cette loi a déclaré notamment l'un des intervenants, est la plus antilaîque que la République ait connue.”
En revanche, c'est à l'initiative de la Commission des affaires culturelles et avec l'accord du Gouvernement qu'a été introduit à l'article 5 un amendement faisant précéder le texte de cet article des mots "conformément au principe du droit à l'instruction reconnu par la Constitution".
De très faibles différences séparaient le texte voté par le Sénat du texte voté par l'Assemblée nationale. Le texte adopté par la Haute Assemblée a été discuté par 1'Assemblée natio- nale en seconde lecture au cours de sa séance du 18 juillet. Il a fallu, néanmoins, après l'adoption de ce texte en seconde lecture par l'Assemblée nationale au cours de cette même séance, une ultime navette. Adopté en seconde lecture par le Sénat au cours de sa séance du 21 juillet, le projet de loi relatif à l'enseignement et à la formation professionnelle agricoles a été définitivement adopté par l'Assemblée nationale en 3ème lecture au cours de sa séance du même 21 juillet 1960.
2.- Après avoir survolé ainsi le cheminement de la loi n° 60-791 du 2 août 1960 devant les assemblées parlementaires, il nous faut brièvement jeter un regard sur les textes réglemen- taires qui ont été pris pour son application" Ces textes ont été a nombre de 4 F
a) pris en application de l'article 5 de la loi du 2 août 1960, le décret n° 61-60 du 18 janvier 1961 est venu fixer la composition et les modalités de fonctionnement du Conseil de l'enseignement et de la formation professionnelle agricoles.
Il ne fournit en ce qui concerne les attributions du Conseil dont il s'agit, aucune précision complémentaire par rappor aux énonciations de la loi du 2 août 1960 et de son article 5, se bornant à parler d'adaptation permanente de l'enseignement et d la formation professionnelle agricoles, non pas seulement aux besoins de la nation, mais aux transformations techniques écono- miques et sociales de l'agriculture et à ajouter que "le conseil peut être consulté par le ministre de 1'Agriculture sur tout projet de loi ou de réglement relatif à l'enseignement agricole”.
b) le décret n° 61-632 du 20 juin 1961 portant application de la loi du 2 août 1960 relative à l'enseignement et à la formation professionnelle agricoles est un décret en Cpnseil d'Etat pris après consultation tant du Conseil de l'en- seignement et de la formation professionnelle agricoles que du Conseil supérieur de 1'Education nationale. Il traite, dans son titre I de l'enseignement agricole long et de l'enseignement agricole court, dans son titre II de l'enseignement féminin agricole, dans son titre III de 1'enseignement . supérieur agri- cole et dans son titre IV du personnel enseignant et d'inspection
c) le décret n° 63-431 du 30 avril 1963 portant application de l'article 7 de la loi n° 60-791 du 2 août 1960 relatif à la reconnaissance des établissements d'enseignement agricole privés est, comme l'avait prévu ledit article 7, un décret en Conseil d'Etat, pris sur avis du Conseil de l'enseigne- ment et de la formation professionnelle agricoles ainsi que
- est-il indiqué dans les visas- du Conseil supérieur de l'Edu- cation nationale.
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Il prévoit la consultation du Conseil de l’enseignement et de la formation professionnelle agricoles tant pour l'octroi de dérogations individuelles aux dispositions relatives aux titres exigés des directeurs et maîtres des établissements privés que pour la reconnaissance, le refus de reconnaissance ou le retard de reconnaissance aux établissements privés, ainsi que pour l'oc- troi de subventions et de prêts d'équipement aux établissements d'enseignement ou de formation professionnelle agricoles privés reconnus.
d) en quatrième lieu, enfin, il y a lieu de mentionner le décret n° 64-862 du 3 août 1964 portant règlement d'administration publique et relatif à la réorganisation de certains des conseils et commissions du ministère de l'agriculture. Ce texte pris sur avis du Conseil supérieur de l'éducation nationale, prononce, en vertu de son article 1er, la création au ministère de l'agriculture de 7 conseils supérieurs :
- le conseil supérieur de l'enseignement, de la formation professionnelle, de la promotion sociale agricole et de 1 jeunesse rurale,
coles,
- le conseil supérieur des prestations sociales agri-
- le conseil supérieur des structures,
- le conseil supérieur de l'aménagement rural,
- le conseil supérieur de l'hydraulique,
- le conseil supérieur de la forêt et des produits forestiers,
- le conseil supérieur de l’élevage,
conseils supérieurs dont il est spécifié qu'ils "assistent le ministre de l'agriculture dans l'orientation et la mise en oeuvre de la politique agricole poursuivie dans le cadre des options faites par les Pouvoirs Publics en vue notamment de l'adaption nécessaire aux actions concertées de la C.E.E.” et qu'ils, "peuvent être amenés à participer, à titre consultatif, à l'élaboration de la réglementation".
Le titre II de ce R.A.P. "Dispositions particulières à chaque conseil supérieur" traité en son chapitre I du "Conseil supérieur de l'enseignement, delà formation professionnelle, de la promotion sociale agricoles et de la jeunesse rurale". Il prévoit,, en son article 10, la création au sein du Conseil supérieu d'une commission permanente et de quatre sections:
1° La commission permanente peut être saisie notamment en cas d'urgence, de toutes questions intéressant une ou plusieurs sections pour lesquelles la compétence d'une section particulière n'est pas obligatoire en vertu de dispositions législatives ou réglementaires.
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2° "La section de l’enseignement et de la formation professionnelle agricoles -est-il déclaré selon une rédaction fort subtile- constitue le conseil de l'enseignement et de la formation professionnelle agricoles prévu à l'article 5 de la loi du 2 août 1960 relative à l'enseignement et à la formation professionnelle agricoles. Elle en exerce les attributions.
Elle comporte une sous-section qui, en appli- cation du décret du 30 avril 1963 pris pour l'exécurion de l'article 7 de ladite loi du 2 août 1960 se prononce sur les demandes de reconnaissance, de retrait de reconnaissance et de subventions formulées par les établissements de formation profes- sionnelle agricole.
3°La section de la promotion sociale en agriculture.
4° La section de la taxe d'apprentissage.
5° La section des activités socio-culturelles et de jeunesse en milieu rural.
3.- Quelques mots enfin sur le second des textes dont un article nous est soumis, pour une partie de ses énonciations, à savoir la loi h° 63-156 du 23 février 1963 portant loi de finances pour 1963.
L'article dont il s'agit présenté sous le n° 49 dans le projet gouvernemental et devenu l'article 39 de la loi, destiné à permettre l'érection en établissements publics nationaux à caractère administratif, dotés de l'autonomie financière des établissements d'enseignement agricole créés en application de la loi n° 60—791 du 2 août i960 et du décret n° 61-632 du 20 juin 1961 a été adopté sans débat par l'Assemblée nationale dans sa 3ème séance du 11 janvier 1963 et par le Sénat dans sa séance du 8 février 1963.
Venons en maintenant à l'objet même de notre mission, à savoir l'appréciation du caractère législatif ou réglementaire de celles des dispositions qui nous sont soumises des deux lois précitées du 2 août 1960 et 23 février 1963.
Ces deux lois, nous les examinerons, cela va sans dire, dans leur ordre chronologique. Pour ce qui est de la première d'entre elles, la loi du 2 août 1960, nous prendrons ses articles dans l'ordre où ils se présentent. En considération de
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l’interdépendance dans laquelle ils se situent, l'un par rapport à l'autre , pour l'appréciation même que nous avons à porter, il sera fait seulement exception à cet ordre pour le 2ême alinéa de l'article 7 dont je vous proposerai d'examiner les disposi- tions conjointement avec celles du 1er alinéa de l'article 5. L'ordre que nous suivons de la sorte pour la conduite de notre examen, ne nous empêchera pas pour la présentation de nos considérants, à l'intérieur de notre décision, de rester fidèles à l'ordre traditionnellement retenu par le Conseil et de placer en tête de ces considérants, ceux en vertu desquels il sera déclaré que telles dispositions du ou des textes examinés ont le caractère législatif.
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Fiche n° 1 - Article 2 de la loi n° 60—791 du 2 août 1960.
C'est de la totalité des dispositions de cet article que la Commission supérieure de codification vous demande de bien vouloir autoriser le déclassement et le transfert, dans les mêmes termes, dans la 2ème partie réglementaire du code rural.
Les dispositions de cet article n'ont effecti- vement d'autre objet que de fixer les attributions res- pectives des départements ministériels compétents en matière d'enseignement et de formation professionnelle agricoles. Ne sont mis en cause, à l'évidence, ni les règles, ni les principes fondamentaux dont la fixation ou la détermination sont placés, par l’article 34 de la Constitution, dans le- domaine de la loi et,selon une jurisprudence constante le Conseil constitutionnel a toujours estimé que la répartition des attributions entre membres du Gouvernement était du domaine réglementaire.
Il y a - ce n'est pas douteux - quelque paradoxe à ce que, dans le cas d'espèce, le fait de placer l'ensei- gnement et la formation professionnelle agricoles sous l'autorité, non pas du ministre de l'éducation nationale, mais du ministre de l'agriculture, ait été, tant lors du vote même de cette loi que durant toute la décennie antérieure, le sujet le plus controversé. Et, bien que le Gouvernement en 1960, sur la base des dispositions de la Constitution de 1958, eut eu la possibilité de trancher lui-même ce problème de compétence par voie réglementaire sous réserve de faire sanctionner ultérieurement sa décision par le Parlement lors du vote de la loi de finances, il paraît évidemment, qu'en opportunité, le Gouvernement, en 1960, ne pouvait suivre une démarche autre que celle qu'il a, nous l'avons vu, adoptée.
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Fiche n° 2 - Article 3 - alinea 2 de la loi n° 60791
du 2 août I960.
Au sein de cet alinéa qui fait obligation au gouvernement de prendre les dispositions propres à permettre a tout élève de s'orienter en cours d'études vers une forma- tion de nature différente, 1'énonciation,qui de l'avis de la Commission Supérieure de Codification, n'a pas sa place dans la partie législative du livre VIII du Code Rural,est celle qui désigne expressément les ministres auxquels il appartient de prendre les dispositions dont il s'agit.
Pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées à propos de l'article 2, l'énonciation dont il s'agit est,sans nul doute, passible de caractère réglemen- taire.
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Fiche n° 3 - Article 3 - alinea 3 de la loi n° 60 791 du 2 août I960.
Au sein de cet alinéa posant cette règle que "les diplômes destinés à sanctionner l'enseignement et la formation professionnelle agricoles doivent comporter des équivalences avec les diplômes de l'enseignement géné- ral ou de l'enseignement technique de niveau correspondant',' membre de phrase dont la Commission Supérieure de Codifica- tion estime qu'il n'a pas sa place dans la partie législa- tive du Livre VIII du Code Rural est celui
le
- qui, d'une part, comporte l'énonciation "suivant des modalités qui seront précisées par décrets"
- qui, d'autre part, spécifie que ces décrets "sont pris sur le rapport du Ministre de 1'Agriculture et du Ministre de 1'Education nationale".
Là encore, nous nous trouvons en présence de données dépourvues d'ambiguïté
- comme l'observe la fiche placée sous vos yeux l'énonciation "suivant des modalités qui seront fixées par décret est à l’évidence superflue, dès lors qu’en vertu de l’article 21, alinéa 1er de la Constitution c'est au Premier Ministre qu'il appartient d'assurer l'exécution des lois et d'exercer le pouvoir réglementaire”
- l'autre énonciation comme celle de même sens qui figurait à l'alinéa précédent est sans nul doute de caractère réglementaire.
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Fiche n° 4 - Alinea 1, 2 et 3 de l'article 5 de la loi
n° 60 791 du 2 août 1960.
C'est à propos de cet article 5 et plus préci- sément de son alinéa premier que nous nous trouvons en pré- sence du seul problème véritablement important posé par la loi actuellement soumise à notre examen.
La Commission Supérieure de Codification,par- tant de cette considération que le Conseil de l'enseignement e de la formation professionnelle agricoles a un rôle purement consultatif et se fondant,au surplus,sur une citation tron- quée du premier considérant que le Conseil constitutionnel a placé en tête de la décision du 28 novembre 1973,croit pouvoir en conclure que l'institution de ce Conseil est, semble-t-il, de nature réglementaire.
Que le législateur ait clairement senti que le Conseil dont il s'agit était appelé à fournir une garantie importante des principes mis en cause par la loi est attesté, par ce fait que le Sénat lui-même a cru devoir prendre l'ini- tiative de placer, par voie d'amendement, à la première ligne de cet article 5 la mention "conformément au principe du droit à l'instruction et à la formation professionnelle reconnu par la Constitution".
Mais cette adjonction pourrait apparaître comme ne se suffisant pas à elle-même, aucune précision complé- mentaire n'étant fournie dans la loi sur la contribution pouvant être apportée par le Conseil à une garantie de prin- cipe du droit à l'instruction.
C'est en corrélation avec cet alinéa 1er de l'ar- ticle 5 qu'il convient que nous prenions en considération les énonciations de l’article 7, alinéa 2 de la même loi du
2 août 1960, ainsi conçue "Des décrets en Conseil d'Etat pris sur avis du Conseil de l'enseignement et de la forma- tion professionnelle agricole,prévu à l'article 5 ci-dessus, détermineront les conditions de reconnaissance des établis- sements privés'.'
Contrairement à l'opinion formulée au paragraphe
3 de la fiche n° 7 que vous avez sous les yeux, il ne paraît pas possible d'admettre que l'intervention de ce Conseil, organisme purement consultatif,pour l'exercice d'une compé- tence de l'Etat,ne met en cause aucun des principes fonda- mentaux sur aucune des règles que l'article 34 de la Consti- tution a placés dans le domaine de la loi, puisque précisé- ment le Conseil, au terme de cet alinéa 2 de l'article 7, est appelé à donner son avis pour la détermination des conditions de reconnaissance des établissements privés, donc
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pour la garantie de ce principe fondamental de l'enseignement qu'est le principe de la liberté d'enseignement.
Le rôle assigné au Conseil,pour la garantie de ce principe,ne se limite pas d'ailleurs à l'expression d'un avis pour la détermination sur un plan général des conditions de reconnaissance des établissements privés, l'autorité régie mentaire a bien été consciente de l'importance centrale de la contribution que le Conseil de l'enseignement et de la forma- tion professionnelle agricole pouvait donner à une garantie du principe fondamental de la liberté d'enseignement en spé- cifiant elle-même,ultérieurement, aux articles 11 et suivants du décret n° 63 431 du 30 avril 1963 portant application de l'article 7 de la loi n° 60 791 du 2 août 1960 relatif à la reconnaissance des établissements d'enseignement agricole privés que les décisions de reconnaissance, de rejet de reconnaissance et de retrait de reconnaissance des établisse- ments privés sont pris après consultation du Conseil de l'en- seignement et de la formation professionnelle agricole.
Vous proposant, par conséquent, de statuer dans le sens des considérants 1, 2 et 3 de la décision du Conseil constitutionnel du 28 novembre 1973. Je crois donc devoir conclure à une reconnaissance du caractère législatif des énonciations de 1'alinéa premier de l'article 5 et de l'ali- néa 2 de l'article 7 de la loi du 2 août 1960, en tant, d'une part, qu'elles instituent un Conseil de l'enseignement et de la formation professionnelle agricoles et, d'autre part, qu'elles précisent que des décrets en Conseil d'Etat pris sur avis de ce Conseil détermineront les conditions de reconnaissance des établissements privés.
Les autres énonciations de l'alinéa premier de l'article 5 et les énonciations des alinéas 2 et 3 du même article 5, en tant , d'une part, qu'elles précisent que la composition et les modalités de fonctionnement du Conseil sont fixées par décret et , d'autre part, qu'elles lui confèrent le soin de se tenir en rapport permanent avec d'autres comités, conseils ou commissions, ainsi que d'étu- dier les mesures tendant à assurer le plein développement des établissements d'enseignement agricoles , ne mettant en cause aucune des règles, non plus qu'aucun des principes fondamentaux que la Constitution a placés dans le domaine de la loi ,doivent être considérés comme de caractère régle- mentaire.
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Fiche n° 5 - Article 6 de la loi n° 60791 du 2 août 1960.
La mission assignée au comité de coordination prévu à l'article dont il s'agit '
- établir une liaison organique entre le Minis- tère de 1'Agriculture et le Ministère de 1'Education nationale
- et donner un avis, notamment, sur les équiva- lences de diplôme et les questions pédagogiques communes
ne met, à l'évidence, en cause aucun des prin- cipes non plus qu'aucune des règles que la Constitution a placés dans le domaine de la loi.
L'institution d'un tel comité et la fixation de ses attributions ressortissent donc à la compétence du pouvoir réglementaire.
Les dispositions de l'article 6 précité sont, par conséquent, comme le propose la fiche que vous avez sous les yeux, à reprendre dans la seconde partie régle- mentaire du Livre VIII du Code rural.
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Fiche n° 6 - Article 7 - alinea 1 de la loi n° 60 791
du 2 août 1960 .
L'enonciation que les établissements reconnus bénéficient de l'aide financière de l'Etat est assortie de cette précision "sur les crédits ouverts au budget du Ministère de 1'Agriculture".
Cette précision, conformément à la jurispru- dence du Conseil constitutionnel, plusieurs fois rappelée à propos des articles précidents relative à la répartition des compétences entre les membres du gouvernement,est à l'évidence de caractère réglementaire.
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Fiche n° 7 - Article 39 de la loi n° 63 156 du 23 février 1963.
L'énonciation selon laquelle les décrets des- tinés à ériger en établissements publics nationaux à carac- tère administratif dotés de l'autonomie financière les éta- blissements d'enseignement agricole créés en application de la loi du 2 août 1960 sont pris sur le rapport du Ministère de 1'Agriculture et du Ministère des Finances et des Affai- res économiques est,à 1'évidence, comme l'énonciation simi- laire du 3è alinéa de l'article 3 précédemment examiné, de caractère réglementaire.
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M. le President remercie le rapporteur et donne la parole à M. GOGUEL pour commencer la discussion.
M. GOGUEL pense que les compétences données au ministr de l’agriculture en matière d'enseignement agricole constituent un principe fondamental de l'enseignement.
M. COSTE-FLORET répond que pour sa part, il lui apparaît impossible d'affirmer qu'une attribution de compétence à un ministre donné, si souhaitable soit-elle, puisse en aucune façon constituer un principe fondamental.
M. le Président PERETTI indique, qu'à son sens, quand le Parlement intervient dans une matière réglementaire c'est parce qu'il^nlobtient pas satisfaction sur le fond, par la voie normale, c'est/la voie réglementaire,mais qu'ainsi quand il a bien obtenu cette satisfaction, il n'y a aucune raison de ne pas remettre les dispositions dont il s'agit aux autorités normale ment compétentes. Il se range donc, pour sa part, à l'avis exprimé par M. COSTE-FLORET et par le rapporteur.
M. GROS souligne les nombreuses inexactitudes qui apparaissent dans la rédaction actuelle du texte soumis, notamment en ce que des compétences sont attribuées par la loi en matière d'enseignementfparticulièrement d'enseignement supérieur,et de formation professionnelle,qui ne correspondent plus aux structures actuelles du Gouvernement. Z. Y a-t-il lieu de considérer que les structures définies par les textes sont fondamentales et doivent être réservées à la loi?
M. BROUILLET est resté longtemps perplexe sur ce sujet en raison tout spécialement de l'importance des débats auxquels il a donné lieu. Il lui apparaît, comme.il l'a déjà exprimé, difficile, en effet, de déclarer réglementaire des questions pour lesquelles le Parlement s'.est à ce point passionné. Par ailleurs, il faut bien constater,comme .1'a dit M. GROS, que les structures gouvernementales font l'objet de modifications constantes et que celles-ci rendraient, en pratique, précaires toutes dispositions législatives attribuant telle compétence à tel ministre particulier.
M. COSTE-FLORET rappelle que le rôle du Conseil n'est pas de chercher ce qui est mieux ou ce qui est moins bon, mais d'appliquer les textes. Dans cette optique, il ne voit pas ce qui pourrait justifier un changement de la jurisprudence sur les attributions des compétences au Ministre. .
- 40 -
M. SEGALAT indique qu'en la matière examinée, il semble résulter des débats que si la répartition des compétences ministérielles notamment entre les départements de 1'Education nationale et de 1'Agriculture a fait l'objet de discussion^politique^importante^ ces discussions n'ont .pas abouti à poser le principe fondamental. Il y a donc lieu d'appliquer, ici comme ailleurs, la jurisprudence habituelle du Conseil constitutionnel... .,
M. MONNERVILLE approuve cette façon de voir.
M. GOGUEL reste intimement convaincu qu'il s'agit là d'un principe fondamental, mais n'est pas en mesure de le démontrer.
M. le Président constate que la jurisprudence du Conseil en la matière est tout à fait constante et sans aucune variation et pense, lui aussi, qu'il n'y a pas lieu de la modifier.
Le texte proposé par le rapporteur (1er alinéa de la page 3 de la décision) pour l'appréciation de l'article 2 de la loi du 2 août 1960 est adopté ; est adopté également le texte des considérants qui suivent celui indiqué ci-dessus.
La discussion porte à présent sur les mesures énoncées aux fiches 4 et 7 qui concernent les dispositions des articles 5 alinéas 1,2 et 3, et 7, alinéa 2, de la loi du 2 août 1960.
Il s’agit du Conseillelënseignement et de la formation professionnelle agricoles et de sa consultation pour avis lors de l’élaboration des décrets déterminant les conditions de reconnaissance des établissements privés.
M. BROUILLET indique qu’en cette matière,qui touche directement à la liberté de 1’enseignement, il convient de noter que le rôle du Conseil,institué par le texte qui est soumis au Conseil constitutionnel,n*est pas limité à ce qu'indique la loi. puisque l'avis de cet organisme est également requis par application des dispositions d'un décret (articles 11 et suivants du.décret du 11 décembre 1963).
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M. GROS est d'accord avec le rapporteur sur le fait qtfils'agit bien d'un principe fondamental, mais il remarque que si le Conseil supérieur de l'enseignement agricole apparaît de nature législative, on.se demande comment il se peut que sa composition soit - fixée par le règlement, la loi se contentant de dresser un acte de naissance. On comprend mal en quoi consiste vraiment la garantie.
M. 1'Ambassadeur répond que c'est effectivement embarrassant. C'est la loi qui dit qu'il en est ainsi. Ce système n'est pas satisfaisant mais il n'appartient pas au Conseil d'améliorer la rédaction de la loi.
M. SEGALAT est parti de l'idée qu'il s'agissait bien ici de là liberté de l'enseignement, principe fondamental. Puis ayant constaté que le législateur renvoie au décret pour donner la composition du Conseil, il en a conclu qu'il n'entendait pas faire de l'intervention de ce Conseil une garantie pour les libertés de l'enseignement, d'où il lui apparaît que cette matière est de nature réglementaire tant en ce qui concerne la création du Conseil que l'exigence de ses avis.
M. COSTE-FLORET : il y a une déclaration de principe en tête de 1 ' alinea qui a été introduite- par le Sénat (référence au "principes constitutionnels du droit à l'enseignement") à laquelle il suffira de se référer pour mo- tiver. Cet appel à un principe constitutinnnel est indissociable de l'institution du Conseil et cette indissociabilité justifie sa nature législative.
M. SEGALAT remarque que ces indissociabilités seraient un curieux appui pour la motivation puisque,comme le fait remarquer M. COSTE-FLORET lui-même, ce n'est que par un amendement au Sénat que ce membre de phrase a été ajouté,, après la rédaction de l'article.
M. BROUILLET indique que le décret du 18 janvier 1961,qui donné la composition du Conseil, répond bien au souci de donner une garantie à la liberté de l'enseignement puisqu'il fait au sein de ce Conseil, une place très importante aux organisations familiales, professionnelles etc... et que donc le pouvoir réglementaire a ainsi reconnu que l'institution de ce Conseil devait être une garantie pour ce principe fondamental.
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M. MONNERVILLE répond que l’article 5 de la loi prévoit simplement que la composition sera fixée par décret.
M. BROUILL ET rappelle que dans la décision du 28 novembre 197,3, le Conseil a considéré que pouvaient être exigés par une disposition de nature législative les avis de la commission des structures "créée par acte du pouvoir réglementaire'.'
M. GOGUEL donne à l'appui de cette théorie
1 ' arguaient suivant : le rolq^du Conseil étant défini tant par le principe fixé dans le début de l'article 5 de la loi que dans son article 7 qui définit ses compétences , on ne saurait s'attacher au fait que sa composition sera fixée par décret pour en tirer des conclusions sur la nature réglementaire des dispositions dont il s'agit puisque la loi empêche le pouvoir réglementaire de fixer librement cette composition, celle-ci devant, naturellement, être en accord tant avec le rôle du Conseil qu'avec les principes qu'il est destiné à sauvegarder.
M. BROUILLET donne lecture des trois considérants relatifs à cette question (1ère partie de la décision).
M. SEGALAT, bien qu'en désaccord sur le fond puisque, pour lui,le Conséil est de nature réglementaire, critique la rédaction du projet dont le premier considérant général,absolu * lui paraît extrêmement dangereux. De plus, il n'est nullement nécessaire,pour fonder la solution retenue par le rapporteur et amplement justifiée dans le seul deuxième considérant. Enfin, il lui apparaît qu'il serait préférable de faire appel ici à la liberté de choix de l'enseignement plutôt qu'au droit à 1'enseignement.
M. BROUILLET répond, sur ce dernier point, que le Sénat a introduit, dans son article, la référence au principe du droit à l'instruction. Il apparaît donc cohérent de se fonder sur le même principe. '
. Ce à quoi M. SEGALAT réplique que, de toute façon, le premier considérant lie le Conseil sans aucune nécessité..
M.M. le Président et MONNERVILLE s'expriment en plein accord avec M. SEGALAT dont ils partagent le souci de prudence
M. GROS pense que le premier considérant avait l’avantage de souligner le souci du Conseil à l'égard de ces commissions de plus en plus nombreuses et de préciser leur double nature possible : législative quand elles constituent des garanties pour certains droits ou quand elles participent à l'élaboration^ de la loi, réglementaire quand elles constituent de simples organes consultatifs administratifs. Peut être est-il bon d'exprimer clairement cette distinction.
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M. MONNERVILLE répond que cela se déduit du seul 2ème considérant.
M. COSTE-FLORET pense lui aussi que le premier considérant est beaucoup trop général et qu'il est bien préférable de se fonder sur le seul cas de l'espèce.
M. BROUILLET n'est pas en désaccord sur la nouvelle rédaction proposée par M. SEGALAT à la condition que celui-ci ajoute quelque part dans son texte_(?)par exemple après l'indication des prin- cipes fondamentaux de 1'enseignement,que ceux-ci comprennent notamment le principe de la liberté de l'enseignement.
M. le Président fait remarqué qu'il est 13 heures et propose de suspendre la séance qui sera reprise après le repas.
La séance ayant été reprise à 15 heures, M. 1 *Ambassadeur rappel1e qu’il avait été. décidé, en œ qui concerne lé premier groupe de considérants, que le premier considérant général disparaîtrait et que le second serait modifié mais qu'il n'avait pas été pris de décision sur la proposition faite in extremis par M. COSTE-FLORET de fonder la décision sur la garantie "de là liberté de l'enseignement, principe fondamental reconnu par les lois de la République".
M. SEGALAT propose subsidiairement "et notamment cel du droit à l'instruction" mais il est en désaccord avec M.BROUILLET pour penser qu'il est difficile de mentionner ce principe sans citer celui de IqZliberté de .1 ' enseignement., Il apparaît en effet exact étant donné la matière traitée que lès commentateurs gloseraient largement sur l'énonciation de l'un et l'omission de l’autre principe. C'est pourquoi il retire son premier amende- ment et s'en tient au texte initial soumis au Conseil par le rapporteur.
M. COSTE-FLORET son amendement, c'est-à-dire à l'enseignement est un principe de la République.
précise que lui s'en tient à 1'indication que la liberté de fondaiental reconnu par les lois
M. le Président
est extrêmement sensible à
Il lui apparaît, en effet,
1'obj ec- que
tion présentée par M. SEGALAT.
faire référence à un principe àusâprécis sans que cela soit absolu- ment nécessaire pour fonder la solution, va provoquer, en cette matière particuliàement sensible un tohu bohu qui n'est pas souhaita- ble. De plus, faire appel ici à un principe fondamental des lois de la République est indiscutablement aller très loin,peut être même trop loin. '
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Le Conseil ici se prononce sur une saisine de l'article 37 et non sur un projet de loi qui lui serait soumis par application de l'article 61. Agir ainsi serait pour le Conseil manquer gravement de prudence, certains ne manqueraient pas de lui reprocher d'être sorti de son rôle et on pourrait l'accuser d'instaurer le Gouvernement des juges.
M. GOGUELest en accord avec le Président : il est exact que les principes fondamentaux de l'enseignement sont du domaine de la loi et qu'il ne convient pas de confondre les princi- pes fondamentaux de cette nature avec les principes reconnus par les lois de la République,qui eux ont valeur constitutionnelle et s'imposent à la loi.
Ce serait outrepasser la question posée que de se situer sur un tel plan.
M. GOGUEL, quant à lui, pense qu'il ÿ a bien ici un tel principe fondamental de valeur constitutionnelle mais reconnaît que tel n'est pas l'objet de l'affaire soumise au Conseil et que ce n'est pas le lieu dans cette décision de poser une telle affirmation. C'est pourquoi, lui aussi, conclut pour un retour à la rédaction initiale du rapporteur.
M. COSTE-FLORET retire son amendement et propose de rédiger le considérant en s'appuyant sur la référence faite dans le premier alinéa au principe constitutionnel etc..
Cette proposition ne recevant aucun écho,M. COSTE- FLORET retire également son dernier amendement.
Sur ce, le rapporteur lit 1 'ensemble de son projet qui est adopté dans la forme de la décision jointe au présent procès-verbal.
M. COSTE-FLORET est invité à présenter son rapport sur l'appréciation de la nature juridique de la 2ème phrase de l'article 841 du code rural.
Il indique qie le Conseil est saisi de la disposi- tion du code fcutal relative à la contestation du congé de bail à ferme donné par le preneur qui prévoit qu'en cas de non concilia- tion, la partie la plus diligente peut saisir le tribunal du fond dans les quatre mois de Iq/tentative de conciliation demeurée sans effet. Les termes exacts de la disposition dont le Conseil est saisi sont les suivants :
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"Apres tentative infructueuse de conciliation et dans les quatre mois de celle-ci, il appartiendra à la partie là plus diligente de saisir le tribunal au fond".
Cette disposition a été soumise au Conseil puisque le Gouvernement désire mettre en harmonie la procédure devant le tribunal des baux ruraux ou celle suivie en général en application de l'article 888 du code civil. On remarque en effet que dans sa nouvelle rédaction, l'article 888 prévoit une modalité différente puisque c'est le président de la juridiction qui est chargé de faire revenir l'affaire quand elle a donné lieu à une tentative infructueuse de conciliation.
L'article 888 nouveau tel qu'il est entré en vigueur le 1er janvier 1976 prévoit en effet "qu'à défaut de conciliation, ou en cas de non comparution de l'une des parties, l'affaire est renvoyée pour être jugée à une audience dont le président indique la date aux parties présentes".
Il est apparu souhaitable de pouvoir mettre en harmonie la règle de l'article 841 du code rural avec la nouvelle règle de procédure civile sans être obligé de recourir à une loi pour cela, c'est ce qui justifie la saisine du Conseil.
Pour le Gouvernement, ainsi qu'il l'expose dans sa fiche justificative, cette affaire n'.offre pas de difficulté puisqu'on vertu de l’article 34, sont de la compétence du législatei les règles de la procédure pénale ce qui veut dire a contrario que les autres règles de procédure, civile par exemple, sont de la compétence réglementaire.
Il est certain que ce raisonnement a contrario est un raisonnement un peu rapide. En effet si l'on peut bien dire que les principales règles de la procédure civile sont du domaine réglementaire, cette information doit être nuancée.
Il y a trois raisons pour affirmer que les règles de la procédure civile sont du domaine réglementaire :
1°) les travaux préparatoires de la Constitution ne laissent aucun doute à ce sujet.
Le projet de l'article 34 ne visaient pour les mettre dans la compétence du législateur que les règles de la procédure pénale. Le comité consultatif constitutionnel y a ajouté celles de la procédure civile, le Gouvernement_(?)en ne tenant pas compte de cet avis_(z)n'a laissé aucun doute sur son intention de les exclure.
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2°) Cette règle est affirmée par une jurisprudence nombreuse du Conseil d'Etat notamment le 3 décembre 1969 Charrot Dalloz 1970 p . 69, conclusion Dutet , 4 juillet 1969 J.C.P. 69 II 16.126 notes Bôcara. Cet arrêt affirme d’une façon générale "les règles de la procédure civile ne snnt pas au nombre de celles qui doivent être fixées par la loi par application de l'article 34 de la Constitution". Enfin la 3eme raison est la jurisprudence du Conseil constitutionnel en cette même matière, décision du 8 juillet 1966 ,page 30 :"Considérant que la disposition qui a pour objet de fixer la durée du délai imparti pour faire appel de décisions rendues par le juge des enfants en matière d'assitance éducative ressortit au domaine delà procédure civile et ne met en cause aucun des principes fondamentaux ni aucune des règles que l’article 34 de la Constitution a réservés à la compétence du législateur".
On remarque ici la motivation plus prudente que celle de l'arrêt du Conseil d'Etat puisqu'il est procédé par analyse du cas d'espèce dont on dit qu'il ne porte atteinte à aucun principe fondamental et non par l'affirmation que toutes lesrèglesde la procédure civile sont de la compétence réglementair»
C'est une motivation du même type que je vous propose dans mon projet de décision.
M. le Président déclare la discussion ouverte et donne la parole à M. GROS .
M. GROS tient à souligner l'importance qu'â,pour le maintien des droits,la procédure civile que tout le monde a actuellement tendance à mettre,un peu vite jintégralement dans le domaine du règlement. Tous les spécialistes de la matière remarquent que l'énumération de l'article 34 maintient certaines règles de la procédure civile dans le domaine de la loi,notamment la création des ordres de juridiction. D'une façon plus générale il pense que lesrègles de procédure seraient législative quand elles touchent un droit. Il en va ainsi notamment du caractère contradictoire de la procédure, du nombre des degrés de juridictio: du fait de h connaissane acquise etc...
. M. MONNERVILLE est heurté lui aussi par l'affirmatio péremptoire de là fiche que, a contrario, toutes lesrègles de la procédure civile seraient réglementaire. Il est donc en plein accord avec M. GROS.
Après ces quelques remarques, il est donné lecture du projet de M. COSTE-FLORET lequel fait, sans aucune modification l'objet d'une approbation unanime.
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M. le President donne alors les informations ci-aprês au Consèil au sujet de l'évolution de l'affaire DASSAULT.
"Il m'a paru utile de rappeler pour l'information du Conseil et notamment de ses nouveaux membres, les conditions dans lesquelles nous avons eu à connaître dql'affaire DASSAULT et de faire le point de la question en tenant compte des derniers développements qu'a connus cette affaire.
Le Conseil constitutionnel a été, vous le savez, saisi le 28 octobre 1976 par Monsieur Marcel DASSAULT d'une demande tendant à l'appréciation de la compatibilité de ses activités professionnelles avec.son mandat parlementaire et il a, par une décision du 20 décembre 1976, estimé que cette demande n'était pas recevable en l'état. Il l'a donc rejetée comme telle.
Pour fonder cette décision, le Conseil a, tout d'abord, posé en principe que, d'après son interprétation de l'article L.O. 151 du code électoral, il ne peut être appelé à apprécier si un parlementaire se trouve dans un cas d'incompati- bilité qu'après seulement que ce cas a été examiné par le bureau de l'Assemblée à laquelle appartient ce parlementaire et à condition que cet organisme ait exprimé un doute à ce sujet ou encore que la position qu’il a prise ait fait l'objet d'une contestation de la part soit du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, soit du parlementaire lui-même.
Faisant application de ces principes au cas qui lui était soumis, le Qnseil a ensuite constaté qu'en l'espèce "le Bureau(de l'Assemblée nationale) s'est borné à prendre acte du fait que la saisine du Conseil constitutionnel avait été opérée le 28 octobre 1976 par l’intéressé lui-même ; qu’ainsi il n’a pas pris position sur le cas de celui-ci comme il lui appartenait de le faire en application des dispositmns précitées et conformé- ment aux prérogatives des bureaux des assemblées parlementaires ; que, dès lors, le Conseil constitutionnel ne se trouve pas en mesure, en l'état actuel de la procédure, de se prononcer sur la demande qui lui a été adressée par M. DASSAULT".
Il convient de signaler tout de suite que cette décision n'a été suivie d'aucun effet, bien qu'en principe et en application de l’article 62 de la Constitution elle s'imposât "aux pouvoirs publics", au nombre desquels figurent naturellement l'Assemblée nationale et son Bureau.
Au reçu de cette décision et dans l'obligation où il était donc ainsi de s’y conformer, le Bureau de l'Assemblée nationale aurait dû normalement procéder à l'examen du cas de . Monsieur DASSAULT ce qui aurait permis à cet organisme lui-même, au Garde des Sceaux ou à Monsieur DASSAULT de saisir ensuite le Conseil constitutionnel qui aurait, dès lors, été mis en mesure de se prononcer régulièrement sur le cas litigieux.
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Or, il n'en a rien été. Le Bureau a antinué d'ignorer la décision du Conseil et dé tenir pour lettres mortes les obligations qui en découlaient pour lui.
Ce n'est qu’à la fin du mois de mars que, sur les demandes pressantes et réitérées de MM. BALLANGER et DUCOLONE, députés communistes, il a consenti à sortir de son indifférence. Mais cela n'a pas été comme on aurait pu le croire pour se ’ saisir enfin du cas de Monsieur DASSAULT, ainsi que l'y invitait formellement la décision du Conseil.
Son initiative s'est bornée à la publication le 25 mars dernier, par l'Agence France Presse,, d'un communiqué qui a été reproduit par la plupart des quotidiens et aux termes duquel il était indiqué que le "Bureau de 1'Assemblée nationale avait décidé de demander au Conseil constitutionnel de poursuivre l'examen de la requête présentée personnellement par M. Marcel DASSAULT au sujet de la compatibilité de son mandat législatif avec ses différentes activités professionnelles".
On aurait été en droit d'attendre du Président de l'Assemblée nationale qu'avant de donner ce communiqué à la Presse, il m'en eut, au préalable, fait connaître la teneur.
. Or, ce n'est que tout récemment, le .21 avril dernier, que M. Edgar FAURE m'a écrit pour me faire connaître sa position dans une lettre dont je vous ai fait adresser copie à laquelle était joint un extrait du procès-verbal de la réunion du Bureau du 23 mars 1977.
Dans cette dernière pièce je retiendrai seulement un passage, car il me paraît essentiel : c'est .celui dans lequel, après avoir fait référence aux termes de l'article 20 de l'ordonnance portant loi organique du 24 octobre 1958 modifiée, d'après lesquels la saisine du Conseil constitutionnel peut avoir lieu en cas de doute ou de contestation, le procès-verbal du Bureau reconnaît expressément que "au cas de l'espèce, il existe à la fois doute et contestation",, précisant même que "la contesta- tion émane précisément de membres du Bureau et s'exprime à l'intérieur de cette instance".
Ce passage est capital à mes yeux,, car, en dépit des dénégations du Bureau, et sous réserve d'un examen plus approfondi, il me paraît bien constituer la prise de position préalable dont le Conseil constitutionnel avait .fait la condition indispensable à la recevabilité de la requête de M., DASSAULT et dont l'absence avait motivé le rejet de cette requête, comme "non recevable en l'état” le 20 décembre denier.
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Je ne m'attarderai pas sur l'avant dernier alinéa de ce procès-verbal dans lequel le Bureau chargerait le Président de l'Assemblée nationale demander au Président de la République','en tant que gardien de la Constitution", d'appuyer la position du Bureai auprès du Conseil. Le moins que l'on puisse dire d'une telle démarche c'est qu'elle est incongrue et qu'elle méconnaît les dispositions de l'article 62 de la Constitution aux termes duquel "les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles". Je n'estime pas nécessaire d'ouvrir sur ce point une polémique avec'le Président de l'Assemblée nationale mais je compte bien le rappeler verbalement à l'Elysée.
Quant à la lettre de M.. Edgar FAURE, elle ne fait qu'expliciter le procès-verbal du Bureau en développant les motifs qui l'ont conduit à prendre la décision qui nous est communiquée. Vous l'avez sous les yeux. Je pense que, compte tenu notamment du fait qu'elle se présente comme une réponse à notre décision du 20 décembre 1976, laquelle s'impose à tous les pouvoirs publics et donc au Bureau de l'Assemblée, cette lettre ne mérite aucun commentaire ni d'autre réponse qu'un simple accusé de réception.
De toute manière, le procès-verbal du Bureau n'étant pas encore approuvé, ce n'est que lorsque son texte définitif nous sera parvenu que nous pourrons envisager, ce me semble, l'orienta- tion à donner à cette affaire.
A ce moment là, en effet, il serait possible d'examiner l'éventualité d'une reprise d'instance de la part du Conseil en ce qui concerne la requête de M. DASSAULT et qui pourrait se traduire par une décision de recevabilité de cette requête se fondant sur la récente prise de position du Bureau de l'Assemblée natinale. Je ne manquerai pas de vous tenir informé d'un telle éventualité., si elle vient à se produire, et à convoquer une réunion du Conseil pour en délibérer.
En attendant, si vous en êtes d'accord, je me bornerai, à communiquer un accusé de réception à M. Edgar FAURE, ainsi rédigé :
"Monsieur le Président,
J'ai l'honneur d'accuser réception de votre lettre du 21 mars 1977 et de l'extrait du procès-verbal de la réunion . du Bureau de l'Assemblée nationale en date du 23 mars 1977 qui y était joint.
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Je vous serais oblige de bien vouloir faire parvenir au Conseil constitutionnel un nouvel extrait de ce procès-verbal lorsque celui-ci aura reçu l'approbation du Bureau.
Je vous prie, Monsieur le Président, de bien vouloir agréer l'assurance de ma haute considération.
Roger FREY"
M. COSTE-FLORET trouve indécent l'appel qui est fait au Président de la République. Pour sa part, il n'était pas d'accord avec les conclusions de M. DUBOIS lors de la dernière décision, mais à présentque la décision est rendue, l'article 62. exige sa pleine application par toutes les autorités et, dès lors, M. COSTE-FLORET appuie intégralement les conclusions du Président. Il remarque, pour sa part, que quand le Conseil rendra sa décision, il conviendra qu'il soit fait référence de façon précise à tous ces éléments de la procédure et notamment il conviendra que soit citée dans les considérants la phrase du procès-verbal :**il y a doute et contestation".
M♦ GOGUEL et M. le Président sont d'accord sur ces divers points estimant qu'il est exact que toutes ces péripéties devront apparaître avec leur date afin que l'on sache bien que ce n'est pas le Conseil constitutionnel qui a voulu enterrer cette affaire.
M., COSTE-FLORET insiste.pour dire qu'il serait utile de répondre aussi vite que possible pour couper court à toute insinuation selon laquelle le Conseil attendrait que de nouvelles élections aient lieu afin de ne pas avoir à statuer.
M. MONNERVILLE remarque qu'au moins, il faut attendre le procès-verbal approuvé de la réunion du Bureau et qu'alors certainement il sera souhaitable de convoquer le Conseil le plus tôt possible et de désigner un rapporteur. Il exprime, par ailleurs, son indignation en ce qui concerne la proposition faite à la fin du procès-verbal d'en appeler au Président de la République pour donner quelque indication que ce soit au Conseil constitutionnel.
M. le President remercie les membres du Consei de leur collaboration et lève la' séance à 17 h.
Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.