SEANCE DU 16 NOVEMBRE 1977
COMPTE-RENDU
La séance est ouverte à 10 heures. Tous les membres du Conseil sont présents.
M. le Président introduit M. Louis JOXE dont il rappelle la carrière administrative et politique, puis il donne lecture de l'ordre du jour :
- Examen de la requête n° 77-826 déposée par M. DELAFAYE contre les élections sénatoriales du 25 septembre 1977 dans le département du Rhône.
Rapporteur : M. BECHADE
- Appréciation, en application de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, de la nature juridique de certaines dispositions du code de l'urbanisme et de l'habitation et de textes divers relatifs à la construction et à l'habitation.
Rapporteur : M. SEGALAT
M. BECHADE, rapporteur adjoint est introduit et présente son rapport. Il s'agit des élections sénatoriales qui ont eu lieu le 25 septembre 1977 dans le département du Rhône.
M. DELAFAYE, conseiller municipal de Tarrare, commune de 9 000 habitants, délégué sénatorial de droit, demande une enquête pour vérifier la désignation d'un délégué sénatorial suppléant aux lieu et place du titulaire par le maire de Tarrare bien qu'il sache et qu'il écrive que le vice de cette désignation ne saurait entraîner l'annulation des élections.
L'écart des voix entre les moyennes pour l'attribution du dernier siège n'a été que de 13 voix 1/2. L'annulation d'un seul suffrage serait donc sans incidence sur les résultats du scrutin. Un délégué sénatorial suppléant aurait été désigné pour remplacer un titulaire, lequel se serait abstenu de prendre part au scrutin sans donner au maire une justification permettant de le remplacer. La requête ayant été communiquée, les sénateurs élus sur la liste d'union pour l'extension des libertés et de l'autonomie communale remarquent qu'il n'y a pas de remise en cause possible des élections et que, de plus, il n'existe d'après les textes aucune obligation pour le titulaire de justifier des raisons pour lesquelles il ne prend pas part à un scrutin. Ceux de la liste de l'union pour la défense et le développement des collectivités locales, indiquent que la requête ne conlut qu'à une demande d'enquête et qu'elle est donc irrecevable.
M. GERIN fait la même observation sur l'irrecevabilité et ajoute que si le vice invoqué existait effectivement, il n'aurait aucune incidence sur le résultat du scrutin. Le Ministère de l'Intérieur note qu'il s'agit simplement d'une demande d'enquête, qu'il apparaît, au surplus, que le remplacement était régulier, le maire faisant état d'évènements familiaux qui auraient empêché le titulaire de prendre part au scrutin, enfin, remarque que le titulaire qui s'est abstenu, n'a pas été condamné à l'amende prévue au cas ou un électeur sénatorial ne participe pas au scrutin sans justification valable.
La requête de M. DELAFAYE répond à plusieurs conditions de recevabilité : elle est parvenue au secrétariat général du Conseil dans le délai de 10 jours à compter du scrutin, elle est formée par un délégué titulaire, elle mentionne clairement de quelle élection il s'agit, mais son objet est de demander une enquête.
La jurisprudence du Conseil qui s'appuie sur les articles 33 et 35 de l'ordonnance organique sur le Conseil constitutionnel (ce dernier article prévoyant que la requête doit contenir les moyens d'annulation invoqués) est claire à ce sujet)
Je souligne, en outre, que quand bien même cette requête serait recevable, elle devrait être rejetée au fond.
Ici, il semble bien que le délégué titulaire s'est abstenu volontairement qu'il n'y avait aucun motif d'empêchement valable.
Mais l'irrégularité de la désignation d'un suppléant n'aurait pu qu'ajouter une voix à l'une des quatre listes ce qui n'aurait en rien modifié l'attribution des sièges.
M. MONNERVILLE, président de la section, indique que la section a approuvé unanimement les conclusions du rapporteur.
M. BECHADE donne alors lecture du projet de décision qui est adopté à l'unanimité.
M. le Président donne la parole à M. SEGALAT qui présente le rapport ci-après sur les textes relatifs à la construction et à l'habitation.
La saisine du Conseil par le Premier Ministre le 17 octobre 1977 est faite dans le cadre de la préparation d'un code de l'urbanisme et de l'habitation. Il existe un code de ce nom qui ne comporte qu'une partie des textes fort nombreux pris en cette matière. Certaines dispositions qui nous sont soumises étaient déjà codifiées, d'autres sont comprises dans des textes différents postérieurs à ce premier code et relatifs aux mêmes matières.
Je souligne que la saisine était matériellement mal présentée, ce qui vous explique que le texte des visas de la décision ne reprend pas mot pour mot celui de la lettre de saisine.
- L'article 24 de la loi du 30 juillet 1970
- L'article 48 de la loi du 29 juillet 1976
- Les articles 6, 20, 21, 22 et 39 de la loi n° 77-I du 3 janvier 1977.
Je grouperai les observations sous 4 titres :
1) dispositions concernant la désignation d'autorités et la détermination de la forme de leurs interventions.
Il s'agit des textes que vous trouverez dans votre dossier dans les fiches 1, 2, 4, 6, 6-1, 8, 10, 11, 11-1, 13, 18, 20, 22 et 23. Les unes concernent la désignation des ministres sur le rapport desquels doivent être pris certains décrets, d'autres d'un ministre habilité à prendre une décision ou à faire une proposition, certaines, enfin, désignent une autorité administrative habilitée à prendre une décision ou à donner un avis (Préfet ou directeur départemental de la construction).
Ces dispositions sont nombreuses et diverses, mais toutes ont trait à l'exercice d'attributions qui appartiennent au pouvoir exécutif.
Elles sont, en vertu d'une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, de nature réglementaire.
2) dispositions concernant le personnel (fiches 3 et 3-1) article 171, alinéas 2, 3 et 4 du code de l'urbanisme et de l'habitation résultant de l'article 8 de la loi du 16 juillet 1971.
Ces dispositions règlent certains points concernant la situation pécuniaire des agents des offices de H.L.M. Les éléments pris en compte pour cette rémunération sont les mêmes que ceux appliqués aux fonctionnaires. Les indices sont alignés sur ceux de la Fonction Publique. Les postes sont liés à des indices. Il s'agit là de garanties apportées au personnel des offices en leur faisant application des règles définies pour les fonctionnaires de l'Etat.
On peut soutenir que ces dispositions se trouvent dans la loi alors que le premier alinéa de l'article 171 - article qui les contient dans ses alinéas 2, 3 et 4 - prévoit que le statut de ces agents sera fixé par un règlement d'administration publique. L'explication se trouve dans l'exposé des motifs du projet de loi où il est indiqué que ces agents sont les seuls du secteur public à ne pas bénéficier des garanties de rémunération dont il s'agit.
Je note, d'ailleurs, que c'est à cette place que sont fixées les règles identiques concernant les statuts particuliers des offices non couverts par le statut général ; ainsi en va-t-il pour l'office public des H.L.M. de Paris.
Je propose donc de classer cette disposition en partie réglementaire.
3) mesures d'ordre financier.
a) redevance (fiche 9), article 235 du code de l'urbanisme (résulte de l'article 24 du 16 juillet 1971.
La question posée au Conseil est celle de savoir s'il s'agit en la matière d'une redevance pour service rendu ou d'une taxe. La jurisprudence du Conseil sur les redevances pour service rendu est claire depuis une décision du 6 octobre 1976 sur les droits de port et de navigation. Elle rejoint d'ailleurs celle du Conseil d'Etat. Pour qu'il y ait redevance pour service rendu il faut :
- que la redevance bénéficie d'une prestation de service,
- que le produit de la redevance soit affecté au service prestataire.
Ici, des sommes sont perçues sur les offices d'H.L.M. qui sont destinées à couvrir les frais de contrôle de l'Etat sur les offices d'H.L.M., les frais d'administration de la caisse des prêts aux organismes d'H.L.M., les frais de liquidation des organismes défaillants.
C’est pourquoi, je conclus que cette disposition est du domaine de la loi.
b) prêts à taux réduit pour frais d’études (fiche 14), article premier de l’ordonnance du 31 décembre 1958.
Cet article permet au ministre compétent de consentir des prêts à taux réduit aux organismes de H.L.M. pour payer les honoraires d’architecte et les frais de sondage de terrains d’assiette, c’est-à-dire des frais d’études avant travaux. Cette disposition se borne à ouvrir une faculté. Elle ne crée aucun droit juridique puisqu'il s'agit de l'octroi éventuel de prêts et que l'organisme qui sollicite le prêt ne peut opposer aucun droit à l'Etat, ni engagement financier puisque ces prêts ne peuvent être accordés que dans la mesure des crédits accordés par la loi de finances, qui sont plafonnés par le Parlement, c'est pourquoi, je conclus à la nature réglementaire de cet article.
c) mesures diverses (fiches 15, 16, 17, 19 et 21). Il s'agit de simples mesures d'application de la loi. (elles sont contenues dans les articles 4, 6, 6 bis et 10, alinéa 2, de l'ordonnance du 4 février 1959 et de l'article 5 de la loi du 10 juillet 1963).
L'ordonnance de 1959 institue l'épargne-crédit (régime qui reste en vigueur pour les opérations en cours avant la création de l'épargne-logement en 1965).
L'article 4 de cette ordonnance prévoit une convention entre le ministre des finances et la Caisse des dépôts et consignations. Il s'agit là de la simple exécution de l'alinéa précédent qui fait intervenir la Caisse des dépôts et consignations dans ces prêts. L'article 6 prévoit une convention du même type pour l'exécution d'une disposition de l'article 2.
4) organismes consultatifs :
il s'agit dans la saisine :
- du comité consultatif d’utilisation de l’énergie.
- des comités régionaux des H.L.M.
- du conseil supérieur des H.L.M. .
a) le comité consultatif de l'utilisation de l’énergie. (fiches 1-1 et 26). L’article 92, alinéa 2, du code de l’urbanisme et de l’habitation et l’article 5-II, alinéa 1, de la loi du 29 octobre 1974 prévoient la consultation de ces comités lors de la fixation des caractéristiques thermiques imposée par décret pour les locaux neufs et la transformation de locaux existants. Il s’agit évidemment de dispositions réglementaires.
b) comités régionaux de H.L.M. L'article 7 de la loi du 16 juillet 1971 est ainsi libellé : "il pourra être créé des comités régionaux des habitations à loyer modéré, dans des conditions qui seront définies par un décret en Conseil d’Etat."
On remarque le caractère facultatif de ces comités dont le rôle est purement consultatif. De plus, la loi confie au règlement le soin de fixer leur composition et leurs attributions.
On ne peut donc conclure qu’au caractère réglementaire de cet article.
Les offices publics d'aménagement et de construction sont créés par décret en Conseil d'Etat après avis du conseil consultatif des H.L.M.
Le texte qui est soumis au Conseil ne porte pas sur la nature de ce Conseil supérieur mais simplement sur une attribution qu'il exerce dans un cas précis, la création des O.P.A.C.
Les O.P.A.C. sont des offices d'un type nouveau institués par la loi du 16 juillet 1971. Ce sont des établissements publics qui ont le caractère industriel et commercial alors que les offices d'H.L.M. classiques sont de caractère administratif. Ceci influe sur la condition du personnel puisque les O.P.A.C. peuvent recruter leurs agents dans des conditions du marché de l'emploi et avoir ainsi des collaborateurs de qualité : architectes, ingénieurs etc. Leur rôle est beaucoup plus étendu que celui des offices classiques puisqu'ils peuvent réaliser des programmes classiques de H.L.M. mais aussi de grandes opérations d'aménagement urbain et qu'il leur est possible de construire, hors des normes des H.L.M., des locaux destinés à la vente. Leur compétence territoriale, enfin, est très large. Elle s'étend sur tout le territoire de la région et sur les départements limitrophes de la région où ils ont leur siège. C'est pour la création de ces offices que l'on demande l'avis du conseil supérieur des H.L.M.
Cette disposition doit-elle se trouver dans la loi ? Est-elle en rapport avec la libre administration des collectivités locales ? Le conseil supérieur des H.L.M. ne comprend pas de représentants de ces collectivités aussi ne saurait-on voir dans sa composition une garantie pour celles-ci.
La procédure de création est entièrement administrative. La création est une décision d'une autorité de l'Etat. C'est simplement pour éclairer l'Administration sur divers intérêts en cause que la consultation a lieu.
M. le Président remercie M. SEGALAT de la clarté de son exposé sur des dispositions particulièrement touffues.
M. COSTE-FLORET demande pourquoi la saisine a été réduite.
M. SEGALAT répond qu'il pense que c'est en raison du caractère très récent de la loi de janvier 1977 dont les dispositions dont le déclassement était demandé à l'origine ont été longuement et parfois difficilement acquises au Parlement.
M. COSTE-FLORET demande s'il y a déjà eu des précédents à de telles restrictions de la saisine.
Il lui est répondu que le cas s'est déjà produit notamment en octobre 1976 au sujet des textes sur les ports autonomes.
Aucune observation n'étant présentée, il est procédé à la lecture du projet, lequel est adopté à l'unanimité tel qu'il est joint au présent compte-rendu.
La séance est levée à 12h10.
Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.