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PV1978-05-31

Kenza MAADI

CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Séance du mercredi 31 mai 1978 

Le Conseil se réunit au complet à dix heures.

Le Président rappelle l'ordre du jour ci-après :

Examen des recours formés contre les élections à l'Assemblée nationale : 

78-867 - Recours formé par Mme A. LAVENIR contre M.Parfait JANS - Hauts de Seine - 4ème circonscription -

78-870 - Recours formé par M. Jean-Paul BENOIT contre M. Parfait JANS - Hauts de Seine - 4ème circonscription -

Rapporteur : M. Alain BACQUET, Maître des Requêtes au Conseil d'Etat, Rapporteur adjoint.

78-869 - Recours formé par M. Marcel PUJOL contre M. Gaston DEFFERRE Bouches du Rhône - 3ème circonscription -

Rapporteur : M. Maurice BRELAZ Conseiller référendaire à la Cour des Comptes, Rapporteur adjoint.

- Examen, en application de l'article 61, alinéa 1, de la Constitution, d’une résolution tendant à modifier les articles 24, 39, 42, 44, 45 et 60 bis du Règlement du Sénat.

Rapporteur : M. François GOGUEL

- Appréciation, en application de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, de la nature juridique de certaines dispositions de lois de 1962 et de 1972 et d'une ordonnance de 1967 relatives aux institutions et aux organismes agricoles.

Rapporteur : M. René BROUILLET

NOTA- Lors de la séance du 30 Mai la section, présidée par M. MONNERVILLE a décidé une enquête dans l'affaire DEPREZ c/WILQUIN aux fins de déterminer dans quelles conditions s'est déroulé à NEUVILLE s/ MONTREUIL le vote des handicaptés mentaux pensionnaires de l'hospice "LA CHARTREUSE" et, d'autre part, de faire préciser si les gaullistes de gauche du mouvement dirigé par M. CHARBONNEL (F.R.P.) et de celui dirigé par M. GALLEY (U.G.P.) ont donné des consignes spéciales concernant le second tour, tant au plan national que dans la circonscription dont il s'agit.

Le texte de la décision ordonnant enquête est joint au présent procès-verbal.

Le Président fait introduire M. BACQUET qui présent son rapport (joint au dossier) pour les requêtes formées nar Mme LAVENIR et par M. BENOIT contre l'élection dé Parfait JANS (Hauts-de-Seine 4ème) .

M. MONNERVILLE, invité à donner l'avis de la section par le Président, résume l'opinion de celle-ci en disant que ce dossier présente beaucoup plus de volume que de poids.

En effet, les moyens nombreux proposés s'effondrent chacun quand on les examine. C'est pourquoi la section conclut au rejet, tout comme le fait le rapporteur.

M. GOGUEL n'a pas d'observation particulière.Il estime qu'il s'agit d'une série d'incidents qui ne dépassent pas les limites de la polémique électorale.

Ce qui le choque néanmoins est que l'utilisation de la carte orange soit prévue pour contrôler l'identité des électeurs.

M. BROUILLET remarque qu'un volet de procuration n'était pas parvenu à la bonne date à la mairie. Il souligne, à cette occasion qu'il y a une mauvaise organisation du service public du courrier.

Du temps des votes par correspondance, la Poste distribuait le courrier le dimanche des élections. Cette pratique a été abandonnée pour des raisons d'économie. On à là une preuve supplémentaire que l'on a eu tort de renoncer à cette distribution.

Pour les cartes oranges, il est évident qu'en les acceptant on a vidé le contrôle de son sens.

En ce qui concerne le moyen relatif aux procurations ayant circulé sans enveloppe entre le Ministère des Affaires Etrangères et les mairies, le moyen n'apparaît qu'au conditionnel dans la requête et il ne peut avoir d'incidences dans l'affaire actuelle.

M. COSTE-FLORET estime également inadmissible qu'il n'y ait pas de distribution le dimanche des élections.

M. MONNERVILLE indique que la section désire que l'attention des pouvoirs publics soit appelée tant sur la question des cartes oranges que sur celle de la distribution du courrier.

M. SEGALAT remarque qu'à PARIS, il n'y a pas de distribution, non seulement le dimanche, mais le samedi qui précède les élections.

M. GROS demande par quel moyen a été distribué le tract incriminé.

M. BACQUET répond que cela n'est pas précisé, mais que c'est vraisemblablement par distribution assurée par les militants dans les boîtes à lettres.

M. GROS pense que les arguments avancés ont tous un faible poids, mais qu'ils sont nombreux et que l’accumulation de ces irrégularités a peut-être suffi à modifier l'élection.

En ce qui concerne l'incidence du tract, M. PERETTI remarque que si le candidat l'envoie aux électeurs, c'est bien parce qu'il estime que cela pourra avoir une incidence sur l'élection. Il insiste, lui aussi, pour que la question des cartes oranges apparaisse dans le rapport du Conseil à la fin du contentieux électoral et demande aussi que l'on signale l'inconvénient qu'il y a à ne munir les machines à voter que d'un fil de 80 cms. En effet, si une raison technique impose ici que le président du bureau soit tout près de l’isoloir, cela est de nature à favoriser bien des réserves.

Le Président est d’accord sur ces différents points.

M. JOXE est frappé par l'abondance des arguments, mais il n'en trouve aucun qui soit déterminant. Le rôle du Conseil est néanmoins de veiller à une meilleure organisation des futures élections. C'est pourquoi, il conviendra de signaler les défauts d'organisation rappelés ci-dessus.

Le Président constatant que le Conseil est d'accord pour prendre en considération le rapport de M. BACQUET lui donne la parole pour qu'il lise le projet.

Le projet est adopté.

Le Président remercie M. BACQUET et fait introduire M. BRELAZ.

M. BRELAZ présente, dans l'affaire PUJOL/DEFFERRI le rapport qui est joint au dossier.

M. MONNERVILLE indique que la section est d'accoi sur les conclusions du rapporteur.

En effet, l'inscription sur les listes électorale peut être contestée près du Tribunal d'instance et le Conseil Constitutionnel n'apparaît compétent en cette matière que si les irrégularités d'inscriptions sont consécutives à des manoeuvres.

En l'occurrence, le seul élément de fait invoqué par le requérant est que des documents électoraux n'ont pas été retirés des boîtes à lettres de leurs destinataires. Il en déduit que l'on a à tort inscrit des électeurs sur la liste, alors qu'ils n'étaient pas domiciliés dans la circonscription. Aucune manoeuvre particulière n'est visée dans sa requête.

M. GOGUEL est d'accord pour estimer que le Conseil n'est pas compétent sur les inscriptions, mais simplelent sur les manoeuvres relatives à la constitution des listes.

Il a néanmoins le souci que le Conseil ne prenne pas une position trop nette sur ce point avant les dossiers sur lesquels cette question de procédure se posera principalement afin de ne pas préjuger dès à présent sur la compétence.

M. MONNERVILLE rappelle qu'il y a déjà eu une jurisprudence sur cette matière (élections de la GUYANE - 1967 et que le Conseil d'Etat, par des jurisprudences nombreuses, a affirmé une position rigoureusement identique à l'occasion des élections administratives.

M. COSTE-FLORET estime que le Conseil ne doit pas se sentir lié par une jurisprudence unique de sa part, qui remonte à plus de 10 ans. Il souhaiterait que la question ne soit pas évoquée dans la décision qui sera rendue, puisque le moyen, ici, manque complètement. Il ne voit pas l'utilité de parler de manoeuvres dans cette affaire.

Il est fait remarquer que la requête, si elle ne spécifie pas les manoeuvres, emploie le mot.

A 13 heures, la discussion se poursuivant sur le texte du projet, la séance est levée. Le Président décide qu’elle reprendra à 15 heures, pour que le Conseil choisisse entre les deux types de rédaction qui ont été soumis à la discussion.

A 15 heures, la discussion reprend, le Conseil étant en présence du texte de M. GOGUEL et du texte de M.SEGALAT cités ci-après :

PROJET DE MONSIEUR GOGUEL

Considérant que, pour contester la régularité de l’élection de M. Gaston DEFFERRE le 19 mars 1978 dans la troisième circonscription des Bouches-du-Rhône, M. PUJOL soutient que des électeurs ne résidant pas effectivement dans cette circonscription auraient été inscrits à tort sur les listes électorales ; qu’il demande au Conseil constitutionnel d’ordonner une enquête en vue de déterminer le nombre de ces inscriptions irrégulières résultant selon lui d’une manoeuvre devant entraîner l’annulation de l’élection ;

Considérant qu’en vertu de l’article L. 25 du code électoral les décisions de la commission administrative chargée d’établir les listes électorales ne peuvent être contestées par les électeurs intéressés ou par l’administration préfectorale que devant le tribunal d’instance sous le contrôle éventuel de la Cour de Cassation qui statue définitivement ; qu'ainsi il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, juge de l’élection, de se prononcer sur la régularité des inscriptions contestées par le requérant ;

Considérant, en effet, que M. PUJOL n’apporte aucune précision sur la nature des manoeuvres qui auraient, selon lui, permis des inscriptions irrégulières ; qu’à l’appui de ses allégations il se borne à faire état de la circonstance qu’un certain nombre d’électeurs n’auraient pas retiré de leur boite à lettres des documents qui leur étaient adressés à l’occasion des élections ; qu’ainsi il n’apporte aucun commencement de preuve de l’existence des manoeuvres qu'il invoque ; que, dès lors, sa requête : tant en ce qui concerne - la demande d’enquête qui y est formulée que ses conclusions ai fins d’annulation, doit être rejetée ;

DECIDE:

PROJET DE MONSIEUR SEGALAT

Considérant qu’en vertu de l’article L 25 du code électoral les décisions de la commission administrative chargée de la révision des listes électorales ne peuvent être contestées par les électeurs intéressés que devant le tribunal d'instance sous le contrôle éventuel de la Cour de Cassation qui statue définitivement ; qu’ainsi, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, juge des élections, de se prononcer sur la régularité des inscriptions sur la liste électorale, sauf dans le cas où il y a eu manoeuvre susceptible de porter atteinte à la sincérité du scrutin ;

Considérant que, pour contester la régularité de l'élection de M. Gaston DEFFERRE le 19 mars 1978 dans la troisième circonscription des Bouches-du-Rhône, M. PUJOL soutient que des électeurs ne résidant pas effectivement dans cette circonscription auraient été inscrits à tort sur les listes électorales ; qu'il demande au Conseil constitutionnel d'ordonner une enquête en vue de déterminer le nombre de ces inscriptions irrégulières résultant, selon lui, de manoeuvres devant entraîner l'annulation de l'élection ;

Considérant que le requérant n'apporte aucune précision sur la nature de ces manoeuvres ; qu'il se borne, en effet, à faire état de la circonstance qu'un certain nombre d'électeurs n'auraient pas retiré de leur boîte à lettres des documents qui leur étaient adressés à l'occasion des élections ; que, dès lors la requête de M. PUJOL, tant en ce qui concerne la demande d'enquête qui y est formulée que ses conclusions aux fins d'annulation, doit être rejetée ;

DECIDE :

M. GOGUEL indique qu'il est en accord pour se rallier, le cas échéant, au texte de M. SEGALAT, celui qu'il présente pour sa part, n'en différent que par l'implicite de ce qui est énoncé expressément dans le texte de M. SEGALAT.

M. SEGALAT remarque que "l'implicite" se rapproche de "l'élusif" et que celui qui n'a pas suivi la discussion du Conseil aura le plus grand mal à comprendre le sens de la régie de droit.

M. COSTE-FLORET estime que l'on est en face, avec ce texte, d'un élargissement de la compétence du Conseil contraire à toutes ses traditions, et qui ne se justifie ni par une référence à la Constitution, ni par une référence au Code Electoral.

En ce qui le concerne, il votera contre ce projet et remarque d'ailleurs que, si celui de M. GOGUEL lui paraît préférable, il ne le satisfait pas vraiment non plus.

MM. GROS, MONNERVILLE, JOXE, BROUILLET, PERETTI sont d'accord sur la rédaction de M. SEGALAT.

Chacun ayant pu exprimer ses arguments, le Président soumet les deux projets au vote du Conseil.

Le projet de M. SEGALAT recueille tous les suffrages, moins ceux de M. COSTE-FLORET qui vote contre.

Après quelques améliorations de forme, proposées par M. SEGALAT, le texte du projet est adopté tel qu'il est annexé au présent procès-verbal.

Le Président remercie le rapporteur, le Conseil poursuit ses travaux.

Le Président donne la parole à M. GOGUEL, pour qu'il présente son rapport sur l'examen de la conformité à la Constitution des modifications du réglement du Sénat.

M. GOGUEL indique que les modifications portent :

- 1) sur l'adoption de la procédure du scrutin public à la tribune, pour le vote de la Loi de Finances. Cette disposition entraînant nécessairement le vote personnel, seule exigence en la matière, cette modification est donc conforme à la Constitution.

- 2) L'article 42 du Réglement du Sénat concerne la procédure de discussion d'un texte adopté par une Commission Mixte Paritaire.

Actuellement, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte qui lui est ainsi soumis. Ceci est la conséquence du fait que l'on a envisagé la seule hypothèse où le texte de la Commission Mixte Paritaire a été soumis à l'Assemblée Nationale avant de l'être au Sénat. Dans ce cas, le texte ne peut devenir définitif que par un vote identique des deux Assemblées. Rien dans la Constitution n'exige que l'examen de l'Assemblée Nationale soit préalable à celui du Sénat. C'est pourquoi, il est apparu souhaitable de prévoir une procédure applicable au cas où le texte de la Commission Mixte Paritaire est soumis en premier lieu au Sénat. C'est ce que prévoit la résolution, modifiant le réglement, en permettant un vote pour chaque amendement proposé par la Commission Mixte Paritaire.

Il ressort de cette explication que cette modification est conforme à la Constitution.

- 3) L'article 44 - alinéa 2 du Réglement du Sénat concerne les exceptions d'irrecevabilité en général, sans distinguer les irrecevabilités financières des autres

Il y avait une apparente contradiction entre les deux articles anciens 44 et 45. Le nouveau texte proposé constitue une simple amélioration de rédaction qui ne modifie rien quant au fond.

- 4) L'article 45 - 1er alinea, telle qu'en est proposée la modification, prévoit que l’exception d'irrecevabilité fondée sur l'article 40 de la Constitution peut être opposée par tout sénateur. Une régie identique existe dans le réglement de l'Assemblée Nationale et il n'y a aucune raison d’estimer que la Constitution ne permettrait pas qu'il en soit ainsi au Sénat.

- 5) L'article 45 - 2ème alinéa, donne des précisions en ce qui concerne le rôle de la Commission des Finances quand est invoquée l’exception de l'article 40 de la Constitution :

- a) ou bien la Commission n'est pas en état de faire connaître immédiatement ses conclusions, l'article est alors réservé ;

- b) ou bien elle estime la question douteuse ; il y a alors lieu à un mini-débat. Le Gouvernement est entendu et, pendant 5 minutes, l'auteur de l'amendement. Si le doute subsiste, le texte est réservé. Dans le cas contraire, la Commission des Finances fait connaître sa décision.Elle doit faire connaître sa décision avant la fin du débat, sinon son silence équivaut à une décision d'irrecevabilité.

- 6) L'article 45 - 3ème alinéa, étend à présent la même procédure aux propositions de loi des sénateurs. Il s'agit là d'une simple amélioration de rédaction.

- 7) L'article 45 - 4ème alinéa, concerne les exceptions d'irrecevabilité fondées sur la loi organique relative aux lois de finances (n° 59-2) qui sont traitées de la même façon que les irrecevabilités fondées sur l'article 40 de la Constitution. La nouvelle rédaction les soumet aux mêmes régies que celles indiquées ci-dessus.

- 8) L'article 24 du réglement, modifie la procédure initiait d'examen des propositions de résolution et des propositions de loi.

En ce qui concerne les propositions de résolution, la disposition prévoyant que le bureau, ou une délégation de celui-ci, peut statuer sur l'irrecevabilité au moment du dépôt reste dans le nouveau texte ; simplement il est précisé que cette disposition s'applique sous réserve de celles de l'article 11 qui concernent les commissions d'enquête et de contrôle. Dans ce cas, la recevabilité de la proposition est examinée par la Commission Permanente compétente.

En ce qui concerne les propositions de loi, l’examen par le bureau statuant sur la recevabilité au regard de l’article 40, avant le dépôt et l'annonce publique, est supprimé. Il n'y a donc plus de contrôle préventif avant impression et distribution de la proposition ; mais ensuite durant toute la procédure parlementaire, l'irrecevabilité peut être soulevée par tous les intéressés (Gouvernement, Commission des Finances, ou tout sénateur).

La conformité de cette disposition à la Constitution ne parait pas douteuse. L'article 40 de la Constitution exige qu'il y ait un contrôle de la recevabilité financière, mais il n'indique pas les modalités selon lesquelles, ce contrôle doit avoir lieu. Il semble donc que les Assemblées soient maîtresses d'organiser toute procédure à leur convenance pour assurer ce contrôle de recevabilité.

A l'Assemblée Nationale, le contrôle préventif existe d'une façon très lâche, puisque l'irrecevabilité n'est prononcée par le bureau que quand elle est "évidente" (article 81 du réglement).

En fait, il n'y a aucun contrôle à l'Assemblée Nationale. On a pu constater que des propositions qui étaient distribuées à l'Assemblée Nationale étaient bloquées par le bureau du Sénat. On assiste donc par cette réforme à un alignement sur la pratique de l'Assemblée Nationale, réalisé par la disparition en droit du contrôle préventif.

Cet allègement du contrôle, au stade initial, est largement compensé ensuite par l'octroi à tout sénateur du droit de soulever l'irrecevabilité.

Enfin, on peut noter que l'article 41 de la Constitution ne fait aucune différence entre les amendements et les propositions.

M. GOGUEL conclut donc à la conformité à la Constitution de la résolution soumise à l'examen du Conseil.

M. COSTE-FLORET exprime des réserves sur cette conformité à la Constitution, le contrôle préventif disparaît. Or, si une proposition est irrecevable, il faut la tuer dans l'oeuf. Elle ne doit donner lieu ni à impression, ni à distribution de document.

M. SEGALAT est également troublé. L'article 40 est une pièce maîtresse de la Constitution et tout le raisonnement du rapporteur repose sur un rapprochement entre amendement et proposition. Si le contrôle préventif est en pratique inefficace à l'Assemblée Nationale, il demeure dans les textes. Si cet écran , même léger, tombe au Sénat, l’Assemblée ne manquera pas de s'aligner sur la nouvelle procédure du Sénat. Il y a là un danger d'affaiblissement du contrôle.

M. GOGUEL propose de modifier son projet pour expliciter son raisonnement. L'article 40 de la Constitution pose un principe, mais laisse les Assemblées libres d'organiser leur procédure de contrôle.

La Constitution prévoit d'ailleurs que l'irrecevabilité peut n'apparaître qu'en cours de discussion. L'irrecevabilité semble signifier, non pas qu'un projet ne peut être discuté, mais qu'il ne doit pas aboutir.

M. COSTE-FLORET estime qu'il y a une différence de nature entre proposition et amendement. Si l'amendement peut prendre naissance au cours des débats, la proposition, elle, doit pouvoir être examinée au regard de sa recevabilité dès le début.

M. BROUILLET est en accord avec M. COSTE-FLORET.

M, GROS indique la pratique au Sénat. Si l'article 24 ancien est interprêté littéralement dans l'ordre de ses alinéas, il n'empêche pas l'impression de documents. En fait, la proposition est passée au crible par les bureaux du Secrétariat Général. S'il y a irrecevabilité certaine, une discussion a lieu avec l'auteur de la proposition pour qu'il modifie son texte .On lui suggère éventuellement de reprendre son texte initial, en cours de séance, par voie d'amendement. S'il n'y a pas d'opposition du Gouvernement, son texte peut alors passer.

La pratique, beaucoup plus souple de l’Assemblée Nationale a créé une certaine amertume chez les sénateurs. Ainsi, M. GROS a vu 8 propositions imprimées à l'Imprimerie Nationale et distribuées pour l'indemnisation des rapatriés d'Afrique du Nord, alors qu'aucune n'a pu franchir le dépôt au Sénat. Bien entendu, les intéressés faisaient des reproches aux sénateurs, les estimant moins actifs en ces matière que les députés.

L'article 40, qui est un des piliers de la Constitution, est traité en fait comme un article de procédure. Si le Gouvernement ne s'oppose pas, un amendement passera. Il devrait être traité en droit et s'imposer à tout le monde. Donc,il devrait faire l'objet d'une sanction sur les textes parlementaires dès le début de la procédure.

M. BROUILLET remarque qu'il est curieux que l'on se plaigne du fait qu'être un bon gardien de la Constitution vous rende impopulaire pour en tirer la conséquence que l'on doit être encore plus laxiste que ceux qui ne remplissant pas leur rôle se rendent ainsi populaires dans l'autre Assemblée.

Devant ces discussions et la complexité de cette affaire qui implique une prise de position fondamentale sur la nature-même de ce qu’est une recevabilité, le Président décide de reporter l’examen de la résolution du Sénat à la séance qui aura lieu dans 15 jours, ce qui devra permettre à chacun des membres d’étudier à nouveau les implications de la modification du réglement du Sénat et d'en voir plus complètement les aspects constitutionnels.

Il donne alors la parole à M. BROUILLET pour l'examen de l'affaire de l'article 37 - alinéa 2 (de la nature juridique de certaines dispositions de lois de 1962 et de 1972 et d'une ordonnance de 1967 relatives aux institutions et aux organismes agricoles).

M. BROUILLET indique que divers textes relatifs à l'orientation de l'agriculture sont soumis, pour déclassement au Conseil. Il ne s'agit que de dispositions désignant des autorités au sein du Gouvernement ou de l'Administration. Une jurisprudence constante et assurée range de telles dispositions dans le domaine réglementaire.

Une des dispositions soumises précise que certaines décisions doivent être prises après avis du Conseil Supérieur de la Coopération Agricole ou de commissions régionales ou départementales.

Comme il s'agit d'un avis et que les commissions concernées sont définies par décret, tant en ce qui concerne leurs attribution que leur composition, on est encore là dans le domaine réglementaire.

M. BROUILLET propose donc un projet reconnaissant le caractère réglementaire à toutes les dispositions soumises. Ce projet est adopté à l'unanimité sans autre discussion.

L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à 17 heures.

Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.