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PV1983-07-20

SEANCE DU MERCREDI 20 JUILLET 1983

Le Conseil constitutionnel se réunit à 10 heures, tous ses membres étant présents à l'exception de Monsieur Valéry GISCARD d'ESTAING qui est excusé.

Monsieur le Président indique que l'ordre du jour porte sur la poursuite de l'examen de la loi relative à la démocratisation du secteur public. (Sur les articles 1er à 4 ; suite) :

Monsieur le Président donne alors la parole au rapporteur.

Monsieur Verdel indique que les considérations qu'il a développées lors de la séance du 19 juillet, à propos du principe d'égalité, ne constituent nullement le support de sa décision. Il s'agissait plutôt de considérations générales, d'une disgression. En revanche, la décision qu'il soumet au Conseil, dans sa partie consacrée au principe d'égalité, se situe dans le droit fil de sa jurisprudence traditionnelle. Il n'y a donc aucun revirement jurisprudentiel. Le rapporteur indique que ses propos ont dépassé la question précise qui est posée au Conseil.

Pour répondre aux réserves exprimées par Monsieur LEGATTE en ce qui concerne la délégation de compétences de la loi au règlement (deuxième considérant de la page 9), le rapporteur indique qu'il s'agit là d'une application traditionnelle de la jurisprudence du Conseil, jurisprudence qui est d'ailleurs parallèle à celle du Conseil d'Etat en la matière.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE constate que dans l'affaire soumise au Conseil, deux grands principes dominent le débat, à savoir le principe d'égalité et le droit de propriété. Il importe donc de se prononcer sur ces deux thèmes essentiels, le reste de la décision n'étant somme toute que mineur. C'est pourquoi Monsieur JOZEAU-MARIGNE quant à lui, approuve la méthode proposée par le Président et par le rapporteur, à savoir l'examen fractionné de la décision.

Monsieur LECOURT se demande si la critique des sénateurs quant au champ d'application de la loi ne se fonde pas essentiellement sur le fait que la loi de démocratisation dépasse ce qui était prévu dans la loi de nationalisation. En effet, les sénateurs saisissants s'en prennent au fait que la présente loi dépasse largement le champ de l'article 51 de la loi du 11 février 1982 qui renvoyait l'organisation et la démocratisation du secteur public, à une loi ultérieure. Pour eux, la loi de démocratisation ne devrait se présenter que comme une "suite indissociable de la loi de nationalisation". On voit mal, en réalité, comment faire défense à une loi de dépasser un cadre prévu par une autre loi.

En ce qui concerne la question de l'égalité, il importe, avant tout, que le Conseil évite de s'opposer à l'appréciation que le législateur a pu faire de telle ou telle situation.

Monsieur LECOURT se demande si le Conseil n'est pas abusé par le terme même de l'égalité. Il souhaiterait que le Conseil réfléchisse plutôt sur la notion de discrimination. Ne lui appartient-il pas de censurer uniquement les situations extrêmes à la limite de l'arbitraire.


Monsieur VEDEL reconnaît que les termes de discrimination ou de non-discrimination sont peut-être moins équivoques que celui d'égalité.

Monsieur LEGATTE considère que le champ d'application de la loi est librement fixé par le législateur. Il n'est d’ailleurs pas certain quant à lui, que cette question ait été soulevée par les saisissants.

Monsieur GROS rappelle qu'une saisine défère au Conseil le texte de loi dans son intégralité.

Monsieur VEDEL confirme cette précision. Le Conseil, dans ses décisions, ne soulève d'office expressément que les dispositions qu'il censure. Il serait inconcevable qu'il indique, dans une décision qu'il examine d'office, tel ou tel article pour la déclarer ensuite conforme. Si cette pratique était adoptée, les décisions du Conseil se présenteraient comme un examen article par article des textes de loi. Il n'empêche qu'il est saisi de l'ensemble du texte critiqué.

Monsieur le Président constate que l'accord du Conseil est réuni en ce qui concerne la méthode. Il propose donc que le Doyen VEDEL donne lecture de la première partie de sa décision, page 3 à 9, (articles 1 à 4 relatifs au champ d'application).

Monsieur LEGATTE ne voit pas quels principes fondamentaux seront mis en cause. Il déclare pour sa part faire confiance au législateur.

Monsieur VEDEL indique que les-principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales recouvrent le fait que les sociétés commerciales qui, d'après la loi de 1966 sont administrées par leurs actionnaires, voient leur conseil d'administration composé pour partie de salariés. Il y a là manifestement application par la loi d'un principe fondamental du droit des sociétés. Pour ce qui est des principes fondamentaux du droit du travail, il est clair qu'il appartient au législateur de déterminer le rôle que les salariés doivent jouer dans la direction des entreprises. L'instauration d'une forme de cogestion est manifestement de nature législative.

Ceci dit, il est probable que le fait que la loi (art. 4) renvoie à un décret pour la fixation du nombre des représentants dans les sociétés dont le nombre des salariés est inférieur à 200, provient d'une malfaçon. En effet, il est vraisemblable que le législateur a estimé que les dispositions de l'article 6, alinéa 4, qui posent la règle suivant laquelle les salariés constituent le tiers du conseil d'administration de surveillance devaient avoir application générale. Malheureusement, il apparaît que l'article 4 exclut in fine l'application de l'article 6. Il n'est pas certain que le législateur lui-même se soit rendu compte de cette situation.

Monsieur MARCILHACY se déclare hérissé par le fait que la loi renvoie en la matière au décret.

A la demande de Monsieur le Président qui s'interroge sur les conséquences de l'annulation de la phrase du second alinéa de l'article 4, le Doyen VEDEL indique qu'il appartiendra vraisemblablement au Gouvernement de déposer un projet de loi ponctuel pour déterminer la proportion des salariés dans les conseils d'administration des sociétés dont les salariés sont moins de 200. Par ailleurs, ce retranchement n'empêchera aucunement l'ensemble de la loi de démocratisation d'être promulguée.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE souhaiterait que le Conseil réserve son vote quant à cette première partie jusqu'à ce qu'il se soit prononcé sur l'examen de la seconde partie, c'est-à-dire qu'il se soit penché sur la question du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre.

Monsieur le Président prend acte de la requête de Monsieur JOZEAU-MARIGNE et demande donc au rapporteur d'engager l'examen de la seconde partie de son projet.

- Sur le principe de la représentation des salariés (articles 5 et 6)

Monsieur VEDEL indique que ces articles ont fait l'objet d'une critique particulièrement vive de la part des sénateurs qui y voient une atteinte tant au droit de propriété qu'à la liberté d'entreprendre. Leurs griefs ne visent évidemment que le cas des sociétés commerciales comprenant des actionnaires privés. Les salariés n'ayant aucun droit de propriété sur l'entreprise, n'ont pas à désigner de représentants au conseil d'administration ou de surveillance. Le fait que la loi les autorise à désigner de tels représentants constitue une amputation du droit des actionnaires. Les sénateurs insistent sur le fait que le droit de vote d'un actionnaire est un élément de propriété et qu'en restreignant ce droit d'une partie de son étendue il y a une véritable expropriation non indemnisée au préjudice des actionnaires privés.

Monsieur VEDEL indique que cette argumentation n'a pas emporté sa conviction et ceci pour plusieurs raisons.

L'article 17 de la Déclaration de 1789 sur laquelle s'appuient les sénateurs doit être situé dans son contexte. Cet article visait la propriété immobilière. L'extension du droit des sociétés ne s'est développée qu'au 19ème siècle. Il est donc certain que la privation d'un attribut d'un actionnaire de société commerciale n'a pas pu être envisagée en 1789 comme une atteinte au droit de propriété devant être indemnisée. Il ne faut pas oublier, d'autre part, que le droit de propriété lui-même n'a jamais revêtu un caractère absolu. Il suffit d'évoquer la question des servitudes d'urbanisme ou la question du droit de préemption en matière rurale. Ces mesures n'ont jamais été considérées comme équivalentes à des expropriations bien qu'il s'agisse de réelles limitations au droit de propriété. Bien entendu, il ne saurait être question de permettre à la loi de vider le droit de propriété de sa substance. Il faut donc faire appel à une notion de seuil. Il s'agit de chercher si la loi va au-delà d'un certain point. Dans ce cas, constitutive d'une mesure d'expropriation, elle doit prévoir une indemnisation. Aujourd'hui, cela ne semble pas le cas.


Le droit des actionnaires aux bénéfices sociaux est intégralement maintenu de même que le droit de disposer de leurs actions et que la faculté de participer aux bonis de liquidation. De même, est maintenu leur droit de vote aux assemblées générales sur toutes questions autres que celle de la représentation des salariés.

Pour sa part, Monsieur VEDEL pense qu'il serait difficile en 1983 de considérer qu'une restriction au droit de vote des actionnaires de sociétés relevant du secteur public soit équivalente à une mesure d'expropriation.

Il ne faut pas, par ailleurs, se fait d'illusion sur la situation concrète des actionnaires minoritaires dans une société commerciale. Ceux-ci n'ont pratiquement aucune influence sur le marché de la société.

Pour toutes ces raisons et sous réserve, bien entendu, d'indiquer que la loi ne peut s'autoriser toutes restrictions au droit de propriété sans indemnisation, le rapporteur propose au Conseil de rejeter les moyens développés par les saisissants. Pour sa part, il voit difficilement le Conseil affirmer qu'une atteinte au droit de propriété se trouve constituée du fait de l'introduction de représentants salariés au conseil d'administration d'une société commerciale.

Une deuxième série de motifs de rejet est développée dans le projet de décision (pages 11 et 12). Il s'agit d'un argument tiré de l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution de 1946 qui dispose : "tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises". Ce principe dit de participation a déjà de longue date reçu application dans le secteur public. Les salariés sont en effet le plus souvent représentés au sein des conseils d'administration des divers établissements publics. Peut-on soutenir aujourd'hui que la mise en oeuvre de ce principe à valeur constitutionnelle implique une obligation d'indemnisation ? Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu'il n'existe aucune hiérarchie entre les normes constitutionnelles, qu'il s'agisse de principes tirés de la Déclaration de 1789 ou du Préambule de la Constitution de 1946. La participation des salariés à la gestion d'une entreprise implique une certaine restriction des pouvoirs reconnus aux actionnaires et il appartient donc au législateur de combiner ces deux principes de valeur constitutionnelle.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE fait part au Conseil des réserves qu'il éprouve quant au fond de la décision proposée par Monsieur VEDEL. Il ne conteste pas que le droit de propriété, notamment en matière d'urbanisme ou de baux, ne présente plus un caractère absolu. Cependant, la formulation du considérant de principe lui paraît discutable. Il se demande si l'idée de seuil au-delà duquel une atteinte au droit de propriété constitue une expropriation ne permettra pas, peu à peu, de vider le droit de propriété de son contenu. Certes, aujourd'hui, il ne s'agit que d'une partie des prérogatives de vote d'actionnaires privés de sociétés commerciales. Cependant, Monsieur JOZEAU-MARIGNE considère que les sérieuses objections formulées par les sénateurs auteurs de la saisine sont balayées, certes avec talent, mais de façon trop catégorique dans le projet qui est soumis au Conseil.

Monsieur GROS se demande si les considérations de fait développées dans le considérant central de la page 11 sur la situation des actionnaires minoritaires ont bien leur place dans la décision du Conseil. Le Conseil n'est pas une juridiction du fond. La situation des actionnaires minoritaires n'est pas d'ailleurs, toujours aussi réduite que l'indique le projet. Il ne faut pas oublier, bien souvent, qu'avec 20 % des actions d'une société une personne dispose d'une minorité de blocage.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE éprouve une grande difficulté à accepter la formulation excessivement tranchée du considérant relatif au droit de propriété. Un rejet aussi catégorique de la saisine des sénateurs conduirait Monsieur JOZEAU-MARIGNE à un vote négatif quant au projet de décision qui vient d'être lu.

Monsieur SEGALAT pense que les considérations de fait sur la situation des actionnaires minoritaires ne sont pas utiles. Ce qui importe c'est de bien indiquer que ces actionnaires ne sont privés que d'une partie de leur droit de vote et que cette atteinte ne justifie pas indemnisation.

Monsieur LECOURT considère que le considérant liminaire sur le droit de propriété est de nature à choquer certains membres du Conseil en ce qu'il affirme de façon péremptoire que les lois ou règlements peuvent limiter ou restreindre l'exercice du droit de propriété.

Monsieur VEDEL pense, lui, au contraire, que ce considérant était de nature à rassurer les personnes inquiètes de toutes les atteintes qui peuvent être portées au droit de propriété. Il pensait, en revanche, que l'invocation du Préambule de 1946 aurait dû susciter de leur part une plus grand inquiétude. Manifestement, il n'en est rien puisque, à plusieurs reprises, les saisissants eux-mêmes ont invoqué l'alinéa 8 de ce Préambule.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : la saisine considère que le législateur aurait dû ouvrir aux actionnaires minoritaires un droit de rachat de leurs actions. C'est dire que les sénateurs eux-mêmes considèrent qu'il y a une faible atteinte au droit de propriété mais il est cependant navrant de voir que de pas en pas le droit de propriété est restreint.

Monsieur MARCILHACY : il est incontestable que depuis la Libération le principe du droit de propriété a subi d'importantes mutations. Il considère, par ailleurs, qu'il est très dangereux d'invoquer le Préambule de 1946.

Monsieur GROS estime que si le Préambule de 1946 invoque le principe de participation, il est difficile d'admettre, comme le fait la loi, que les salariés immigrés puissent à présent devenir administrateurs de sociétés du secteur public.

Monsieur SEGALAT : il a été admis en 1945 que les immigrés peuvent participer aux élections des comités d'entreprise.

La séance est suspendue de 13 heures à 14 h 30.



A 14 h 30 Monsieur le Président déclare la séance à nouveau ouverte.

Monsieur VEDEL indique à ses collègues que réflexion faite, il estime qu'il n'est pas indispensable de faire mention de l'alinéa 8 du Préambule de 1946. La réponse aux griefs avancés par les saisissants est suffisamment développée par la référence faite aux pouvoirs du législateur en matière de droit de propriété.

Monsieur VEDEL indique qu'il propose donc une nouvelle rédaction refondant totalement les considérants des pages 10, 11 et 12 du projet initial ("Considérant que l'article 17 liberté d'entreprendre n'est en rien fondée").

Les quatre considérants du projet initial (joint au présent procès-verbal) sont remplacés par un seul considérant qui figure à la page 11 du nouveau projet.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE fait part au Conseil de la satisfaction qu'il éprouve à la suite des modifications proposées par le rapporteur. Il lui apparaît à la suite des réserves qu'il a formulées lors de la précédente séance que ce qui le séparait du rapporteur n'était qu'une question de relativité. Puisque le rapporteur a effectué un effort de synthèse, Monsieur JOZEAU-MARIGNE quant à lui se déclare prêt à approuver la nouvelle rédaction.

- Sur la composition des conseils d'administration et de surveillance (articles 5 et 6 de la loi).

Monsieur VEDEL : ces dispositions font l'objet de plusieurs griefs qu'il faut examiner distinctement.

• En ce qui concerne l'article 5, alinéa 1er :

Monsieur VEDEL : l'article 5, alinéa 1er, concerne les établissements publics et les entreprises nationales dont plus de 90 % du capital est détenu par des personnes morales de droit public ou par d'autres sociétés mentionnées à l'article 1er de la loi. Il est prévu que le conseil d'administration de ces entreprises comprendra :

1) des représentants de l'Etat et "le cas échéant des actionnaires nommés par décret" ;

2) des personnalités extérieures ;

3) des représentants des salariés.

Les sénateurs, auteurs de la saisine, considèrent que ces dispositions excluent les actionnaires privés de la désignation de membres des conseils d'administration, ce qui constitue une atteinte non indemnisée au droit de propriété.

Il faut bien se rendre compte que nous sommes en présence de sociétés dans lesquelles la prépondérance des capitaux publics est écrasante. Les personnes publiques disposent d'une majorité dépassant 90 %. Le fait qu’il soit prévu que les actionnaires minoritaires seront représentés le cas échéant, c'est-à-dire s'il en existe, constitue pour ceux-ci une réelle garantie car de par le jeu normal du droit des sociétés il est vraisemblable que ces actionnaires minoritaires n'auraient eu aucun représentant au Conseil d'administration.


En revanche, il apparaît que cet article recèle une méconnaissance de l'article 34 de la Constitution. Il s'agit en effet de la désignation par décret le cas échéant de représentants des actionnaires minoritaires.

En matière d'entreprises publiques, la règle habituelle voulait, lorsqu'il existait des actionnaires minoritaires que leurs représentants au conseil d'administration soient nommés par décret sur proposition desdits actionnaires. On ne comprend pas pourquoi là présente loi a omis de prévoir la proposition par les intéressés de leurs représentants. Il s'agit vraisemblablement d'une "bavure législative". Quoiqu'il en soit cela aboutit à une situation inacceptable. On ne peut admettre lorsque des personnes sont individualisées que leurs représentants soient désignés par l'Etat. Par ailleurs, sur le terrain de l'article 34, le législateur ne peut s'en remettre au Gouvernement pour assigner des représentants à des actionnaires privés.

Monsieur le Président déclare ouverte la discussion sur ce point.

Monsieur LEGATTE considère que les termes "le cas échéant” indiquent qu'il n'y a aucune obligation de désigner des représentants des actionnaires minoritaires.

Monsieur VEDEL considère tout au contraire que l'expression "le cas échéant" signifie que s'il existe des actionnaires privés, une représentation propre leur est garantie.

Monsieur SEGALAT partage l'avis du Doyen VEDEL. Les termes "le cas échéant" répondent à la question de savoir s'il y a ou non des actionnaires privés. En effet, l'article 5 vise à la fois les établissements publics et les sociétés commerciales.

Monsieur LEGATTE déclare se rallier à cette interprétation des termes "le cas échéant".

Monsieur SEGALAT fait part au Conseil de son expérience de dirigeant d'une entreprise publique. La participation de personnes privées au conseil d'administration d'entreprises nationales est un moyen de trouver des concours auprès de ces personnes. Le fait de les faire désigner autoritairement par décret lui apparaît très irréaliste. Une personne désignée par ses pairs aura une attitude toute autre qu'une personne nommée par voie de décret.

Monsieur SEGALAT indique au Conseil qu'en faisant participer des entrepreneurs privés au conseil d'administration de la S.N.C.F., il était parvenu à attirer au rail un important trafic privé.

Monsieur le Président demande au Doyen VEDEL de poursuivre son exposé.

• En ce qui concerne l'article 5, alinéa 5 :

Monsieur VEDEL : l'article 5, alinéa 5 prévoit que dans les établissements publics, le nombre des représentants de chacune des trois catégories figurant au conseil d'administration est déterminé par décret. Le nombre des salariés devant être au moins égal au tiers.

Les députés soutiennent qu'il y a là une méconnaissance de la Constitution en ce que ces dispositions, si elles assignent à la représentation des salariés un minimum, ne lui fixent aucun maximum.



La lecture des débats montre que l'expression "égal au moins au tiers" avait pour objet d'éviter des partages impliquant l'usage de décimales. En réalité, le législateur a mal traduit ses intentions dans le texte de loi.

Le moyen des saisissants est en fait inopérant. En effet, l'élévation du nombre des représentants du personnel aboutirait à une modification des règles constitutives d'un établissement public ce qui reviendrait à créer une nouvelle catégorie d'établissements publics, matière réservée par l'article 34 au législateur. Les pouvoirs conférés aux décrets sont donc limités. Un règlement ne pourrait pas ainsi porter à 95 % la représentation des salariés dans un établissement public ce qui reviendrait à instaurer une véritable autogestion, mesure que seul pourrait décider le législateur.

Monsieur le Président invite les membres du Conseil à présenter leurs observations sur ce point.

Monsieur GROS considère que le projet du rapporteur est d'une grande subtilité. Plutôt que d'affirmer qu'une disposition est inopérante, il aurait souhaité pour sa part dire qu'il n'appartenait pas au décret de dépasser le tiers.

• En ce qui concerne les quatre premiers alinéas de l'article 6 :

Monsieur VEDEL : le grief ici développé par les députés paraît de "nature folklorique".

De quoi s'agit-il ?

L'article 6 prévoit dans les entreprises non visées à l'article 5 que le conseil d'administration comportera suivant les cas de 9 à 18 membres. Pour ce qui est des entreprises filiales et codétenues dont l'effectif est compris entre 200 et 1000 salariés, il est prévu que le nombre des représentants des salariés est fixé à deux.

Selon les saisissants, le fait que ces deux représentants des salariés peuvent constituer soit un neuvième, soit deux neuvièmes, constitue une méconnaissance par la loi de sa propre compétence en matière de détermination des principes du droit du travail.

On ne peut sérieusement pas retenir ce grief, la loi ayant elle-même fixé une fourchette entre un neuvième et deux neuvièmes en matière de représentation des salariés.

Monsieur le Président invite alors le Doyen VEDEL à lire son projet de décision sur ce point.

Aucune observation n'étant présentée, il invite le rapporteur à poursuivre son exposé.

• En ce qui concerne l'alinéa 6 in fine :

Monsieur VEDEL : le dernier alinéa de l'article 6 dispose que les autres membres des conseils d'administration des sociétés commerciales sont désignés par l'assemblée générale des actionnaires conformément à la loi du 24 juillet 1966, "sous réserve, le cas échéant, des représentants de l'Etat qui sont nommés par décret".


Pour les sénateurs, cette disposition permet la nomination d'administrateurs par décret et non par l'assemblée générale des actionnaires.

Il s'agit là d'une erreur de lecture de la part des saisissants. Cela signifie tout simplement que les représentants de l'Etat seront nommés par décret si une disposition expresse le prévoit. Il s'agira d'ailleurs le plus souvent de dispositions statutaires.

Monsieur le Président constatant qu'aucune observation n'est formulée sur ce point invite le rapporteur à poursuivre son exposé.

• En ce qui concerne l'ensemble des articles 5 et 6 :

Les députés, auteurs de la saisine formulent un grief général à l'encontre de ces articles 5 et 6 à savoir la méconnaissance du principe d'égalité. Ils soutiennent en effet que la variation du nombre des représentants des salariés suivant les entreprises en cause est discriminatoire.

On ne peut pas retenir ce moyen car on ne voit pas quel principe imposerait qu'il y ait une stricte égalité en matière de représentation des salariés alors que les caractéristiques et les formes juridiques des entreprises en cause sont très variables.

Monsieur le Président constatant qu'aucune observation n'est présentée sur ce point invite alors le Conseil à se prononcer, lecture faite, sur l'ensemble du projet concernant les six premiers articles de la loi (pages 1 à 18).

Cette partie du projet est adoptée à l'unanimité des membres du Conseil.

- Sur l'article 12 relatif à la révocation des membres du conseil d'administration :

Monsieur VEDEL : l'article 12 fixe les modalités de révocation des membres des conseils d'administration ou de surveillance. Les représentants de l'Etat peuvent être révoqués ad nutum. Les personnalités choisies peuvent l’être par décret en cas de faute grave. Les représentants des actionnaires privés peuvent l'être par l'assemblée générale. Enfin, les représentants des salariés ne peuvent être révoqués que pour faute grave par décision de l'autorité judiciaire (article 25).

• En ce qui concerne l'alinéa 1er de l'article 12 : révocation des représentants de l'Etat.

Il est soutenu que la révocation de ces représentants par décret méconnaît le principe d'autonomie de gestion des entreprises publiques et le principe d'égalité.

On ne peut soutenir qu'il existe un principe d'autonomie de gestion des entreprises publiques à valeur constitutionnelle. Le raisonnement des saisissants qui se fonde sur les dispositions du Préambule de 1946 est suffisamment exposé dans le projet de décision pour qu'il soit inutile d'y revenir et d'en souligner le caractère peu convaincant.

Pour ce qui est du principe d'égalité, il est évident que la situation des représentants de l'Etat est différente de celle des autres membres des conseils d'administration.

• En ce qui concerne l'article 12, alinéa 2 :

Monsieur VEDEL : ici encore, on ne peut soutenir qu'il y a méconnaissance du principe d'égalité car la situation des personnalités extérieures est distincte de celle des représentants des salariés.

Monsieur le Président constatant qu'aucune observation n'est formulée sur ce point demande au rapporteur de poursuivre son exposé.

- Sur l'article 13 relatif à la révocation en cas de dissension :

Monsieur VEDEL renvoie les membres du Conseil à la lecture de son projet de décision, qui n'appelle aucun autre commentaire de sa part.

- Sur l'article 14 de la loi relatif à l'élection des représentants des salariés :

Monsieur VEDEL : cet article dispose que les représentants des salariés sont élus par les salariés remplissant les conditions pour être électeurs au comité d'entreprise soit dans l'entreprise elle-même, soit dans l'une de ses filiales dont le siège social est situé en France.

Pour les députés, il y a méconnaissance du principe d'égalité en ce que cet article autorise les salariés étrangers d'une filiale dont le siège social est situé en France à désigner des représentants alors que les salariés français de filiales dont le siège social est situé à l'étranger sont privés de ce droit.

Il n'y a là aucune inégalité, la différence de traitement est le résultat de la différence de la situation juridique des entreprises en cause, les unes étant soumises au droit français, les autres étant soumises à des règles de droit étranger.

Monsieur le Président constatant qu'aucune observation n'étant formulée, demande à Monsieur VEDEL de poursuivre son rapport.

- Sur l'article 15, alinéa 1 :  éligibilité

Monsieur VEDEL : l'article 15 fixe les conditions d'éligibilité : il faut avoir 18 ans et être employé depuis une durée d'au moins deux ans dans l'entreprise ou dans l'une de ses filiales.

Les députés prétendent que cette disposition permet à des personnes travaillant dans des filiales situées hors de France d'être éligibles, ce qui serait en contradiction avec l'article 14 qui vient d'être examiné.

Ce moyen manque en fait, les saisissants ayant mal lu la loi ; en effet, il ressort des termes même de l'article 15 que seuls sont "éligible ... les électeurs...".

- Sur l'article 15, alinéa 2 : permanent syndical :

Monsieur VEDEL : cet article 15, alinéa 2, dispose qu'est réputé travailler dans une entreprise un salarié qui exerce les fonctions de permanent syndical et ceci que son contrat de travail soit ou non suspendu.

Il est soutenu que ces dispositions ouvrent les fonctions de représentants des salariés dans les organismes de gestion des sociétés du secteur public à des personnes qui ne répondent pas aux exigences de l'alinéa 8 du préambule de 1946 au terme duquel "tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises".

La qualité de permanent syndical serait en effet étrangère aux exigences de la gestion des entreprises et ne saurait donc ouvrir vocation à être représentant des salariés dans les organes de gestion des entreprises.

Ce moyen manque en fait car il ressort des termes mêmes du deuxième alinéa de l'article 15 que les permanents syndicaux, pour être éligibles, doivent être titulaires d'un contrat de travail avec l’entreprise concernée ; que ce contrat soit suspendu ou non, il n'en demeure pas moins qu'il doit exister. L'argument des députés saisissants ne peut donc être retenu.

Monsieur le Président demande à Monsieur le Doyen VEDEL, aucune observation n'étant formulée, de poursuivre son rapport.

- Sur l'article 16, alinéa 2, relatif à la représentation des cadres :

Monsieur VEDEL : cet alinéa est relatif à la représentation des cadres. Ceux-ci se voient réserver au moins un siège dans les conseils d'administration des entreprises mentionnées aux 1, 2 et 3 de l'article 1er et dans les filiales et sociétés codétenues mentionnées aux 4 et 5 de cet article dont le nombre des salariés est au moins égal à mille ou qui comptent au moins 25 cadres.

Les députés soutiennent qu'il y a là méconnaissance du principe d'égalité.

Selon eux, il y a discrimination dans le fait que les cadres disposent d'un seul représentant quelle que soit l'importance de la société en cause. Sur ce point, on peut répondre que le législateur n'était pas en mesure de moduler l'importance de la représentation des cadres entreprise par entreprise et qu'il lui était loisible de poser une règle générale.

Les députés formulent un second grief toujours sur le terrain de l'égalité. Selon eux, il y aurait discrimination entre les cadres mentionnés aux 1, 2 et 3 de l'article 1er et ceux des entreprises filiales ou codétenues (4 et 5).

Ce grief doit être retenu. Effectivement, on cherche vainement où se trouve la justification du régime distinct fait aux entreprises 4 et 5 par rapport aux entreprises 1, 2 et 3.

Monsieur VEDEL a demandé des explications sur ce point au secrétariat général du Gouvernement qui s'est borné à lui répondre que les entreprises 1, 2 et 3 seraient de taille supérieure aux entreprises 4 et 5, ce qui évidemment ne peut constituer une explication satisfaisante car elle repose sur une simple affirmation. C'est pourquoi, le rapporteur propose au Conseil de considérer qu'il y a là une discrimination injustifiée et de censurer le membre de phrase suivant : "dont le nombre des salariés est au moins égal à mille ou dont le nombre des cadres est au moins égal à 25". Cette annulation a pour effet d'aligner les entreprises 4 et 5 sur le régime des entreprises 1, 2 et 3 de l'article 1er.

Monsieur le Président déclare ouverte la discussion générale.

Monsieur LEGATTE considère que le Conseil prend un risque en affirmant qu'il n'existe pas de différence de situation entre ces cadres. Il s'agit là d'une simple affirmation.

Monsieur VEDEL considère tout au contraire qu'il n'y a aucune affirmation de la part du Conseil mais constatation d'une différence de traitement. Cette différence de traitement n'est justifiée par aucune considération de fait ou de droit. Pour sa part, Monsieur VEDEL ne peut se fier à la bonne foi du Parlement. Il rappelle enfin que ses demandes d'explication auprès du secrétariat général du Gouvernement sont restées sans réponse sérieuse.

Monsieur LEGATTE considère que l'interlocuteur du Conseil constitutionnel doit être non le Gouvernement mais le Parlement lui-même. Si le Conseil n'est pas en mesure d'affirmer qu'il n'existe pas de différence de situation, il ne peut censurer la disposition législative en cause.

Monsieur SEGALAT se déclare pour sa part gêné d'affirmer qu'il n'y a pas de différence de situation. La référence aux catégories d'entreprises visées à l'article 1er n'est pas en elle-même cependant suffisante pour justifier la différence de traitement faite aux divers cadres.

Monsieur MARCILHACY éprouve, quant à lui, des doutes et ne peut se prononcer.

Monsieur le Président constatant qu'aucune autre observation n'est présentée, soumet cette partie du projet de décision au vote du Conseil.

Le projet du rapporteur est adopté par le Conseil constitutionnel, Monsieur LEGATTE votant contre et Monsieur MARCILHACY s'abstenant.

- Sur l'article 16, alinéa 6, relatif au raturage :

Monsieur VEDEL : cet article dispose que lorsque le nom d'un candidat est raturé, ces ratures ne sont prises en compte que lorsqu'elles dépassent 10 % des suffrages exprimés en faveur de la liste sur laquelle figure ce candidat.

Les députés prétendent que cette disposition viole le principe de la démocratie électorale ainsi qu'un principe tiré de l'alinéa 8 du préambule de 1946 suivant lequel les travailleurs peuvent seulement être représentés par des délégués effectivement élus par leurs pairs.

Monsieur VEDEL : il semble difficile de trouver un principe qui interdirait au législateur d'empêcher la modification de la composition et de l’ordre des listes car il faut se souvenir qu'en matière d'élections au conseil d'administration, la loi retient le système de la représentation proportionnelle au scrutin de liste sans panachage. A fortiori, il paraît difficile de reprocher à la loi d'autoriser la modification de la composition et de l'ordre des listes au delà d'un certain seuil.

Monsieur le Président constatant qu'aucune observation n'est formulée demande au rapporteur, lecture faite, de poursuivre son exposé.

- Sur l'article 22 de la loi : relatif au statut des représentants des salariés :

Monsieur VEDEL : cette disposition qui a fait l'objet d'un véritable déluge de critiques dispose que le mandat des représentants des salariés est gratuit ; que leur responsabilité d'administrateurs ne peut être mise en cause qu'en tenant compte de ce caractère gratuit ; qu'ils ne peuvent être déclarés solidairement responsables avec les administrateurs représentant les actionnaires.

Il est soutenu que le mandat de ces administrateurs ne serait pas gratuit du fait qu'ils bénéficient du remboursement de certains frais et du paiement par leur employeur des heures de travail consacrées à l'exercice de leur mandat.

Il faut indiquer tout de suite que ces remboursements ne transforment en rien le mandat gratuit des salariés et un mandat rémunéré.

Il faut observer d'autre part, que l'article 22 ne concerne que la responsabilité civile des représentants des salariés et non leur responsabilité pénale. En effet, le principe de la légalité des délits et des peines aurait nécessité une disposition expresse en matière de responsabilité pénale.

• En ce qui concerne le principe d'égalité :

Monsieur VEDEL : II suffit de souligner qu'il n'y a pas d'analogie entre le régime des représentants des salariés et celui des représentants de l'Etat. En effet, l'Etat peut répondre des fautes commises par ses agents, alors que les représentants des salariés ne sont couverts par aucune autre personne physique ou morale.

Il n'y a pas non plus discrimination du fait de la différence entre les administrateurs salariés et les administrateurs élus par les actionnaires. Les premiers exercent un mandat gratuit et n'ont pas part aux bénéfices sociaux, ce qui n'est pas le cas des seconds.

• En ce qui concerne le principe dit de responsabilité :

Monsieur VEDEL rappelle que lors de son rapport sur la loi relative aux institutions représentatives du personnel (décision n° 82-144 DC du 22 oct. 82) il avait indiqué que s'il existe un principe de responsabilité, il était délicat de se prononcer sur sa nature législative ou constitutionnelle. Il n'a pas changé de position et il est aujourd'hui inutile au Conseil de se prononcer sur la nature de ce principe, il lui suffit simplement de souligner que rien ne s'oppose à l'aménagement de divers régimes de responsabilité. L'article 1992 du Code civil va d’ailleurs dans ce sens puisqu'il dispose : qu'en matière de mandat "la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire".

• En ce qui concerne le principe dit du droit à réparation :

Monsieur VEDEL : ici encore, il est inutile de chercher à déterminer si un tel principe a ou non valeur constitutionnelle. Il suffit de se référer à l'article 1992 du Code civil. Aucune règle ne s'oppose à ce qu'une loi prévoit certaines exonérations de responsabilité pour fautes estimées excusables.

Monsieur VEDEL indique alors à ses collègues qu'il s'est informé auprès de spécialistes en droit commercial sur le point de savoir s'il existe des hypothèses dans lesquelles des victimes de dommages se trouveraient dans une situation où elles ne pourraient obtenir réparation. Il lui a été répondu que les tiers disposeront toujours d'un recours contre l'Etat ou contre les actionnaires privés. Pour ce qui est des associés, il semblerait qu'ils puissent se heurter à un cas de non-responsabilité dans l'hypothèse d'école où un administrateur salarié aurait commis une faute excusable mais dommageable aux actionnaires. Ce serait le cas où un conseil d'administration chargerait un administrateur salarié de dresser un rapport sur telle ou telle option. Rapport dans lequel ledit salarié commettrait une erreur de bonne foi dommageable cependant pour la société.

• En ce qui concerne l'intérêt général :

Monsieur VEDEL déclare que c'est par souci de répondre à la présentation de la saisine qu'il a fait figurer ce grief. En effet, il ressort de ce qui précède que l'article 22 ne méconnaît aucun principe constitutionnel. Dès lors, il n'y a pas lieu de rechercher si l'intérêt général pouvait ou non justifier une atteinte au principe d'égalité.

Monsieur le Président invite le Doyen VEDEL, lecture faite de son projet, à poursuivre son exposé, aucune observation n'étant formulée.

- Sur l'article 33 relatif au droit syndical :

Monsieur VEDEL : cet article introduit un nouvel article L. 412-23 au Code du travail. Il prévoit que l’employeur doit engager la discussion avec les syndicats représentatifs dans son entreprise sur divers points relatifs à l'exercice des droits syndicaux.

Pour les saisissants, il y a méconnaissance du Préambule de 1946 qui garantit la liberté syndicale ; la disposition critiquée étant de nature à favoriser des pressions de la part des syndicats sur les salariés.

Cette simple éventualité ne suffit pas à faire déclarer l'article 33 inconstitutionnel.

- Sur l'article 35 relatif à la représentation du comité d'entreprise au conseil d'administration :

Monsieur VEDEL : cet article prévoit que pour les sociétés visées à l'article 1er (sauf celles des annexes II et III) la représentation du comité d'entreprise au conseil d'administration instituée par la loi du 28 octobre 1982 (a.L.432-5) sera assurée par le secrétaire général dudit comité d'entreprise.

Il est soutenu qu'il y aurait là méconnaissance du principe d'égalité.

Comme il a déjà été exposé, ces entreprises sont soumises à un régime spécial. La critique faite à l'article 35 ne peut donc être retenue.

Monsieur le Président invite le rapporteur à poursuivre son exposé aucune observation n'étant formulée.

- Sur l'article 37, alinéa 4 :

Monsieur VEDEL : cette disposition prévoit que la participation des salariés des houillères de bassin à l’élection des représentants des salariés au conseil d’administration des charbonnages de France sera fixée par décret.

Il est prétendu que la loi aurait du elle-même prévoir un minimum de représentation des salariés au sein des conseils d'administration.

Il ne faut pas oublier que les charbonnages de France constituent une sorte de fédération des houillères de bassin. L'article en question a pour objet non pas de fixer le nombre des salariés dans les conseils d'administration des houillères de bassin ou de charbonnage de France mais d'organiser la participation des salariés des houillères à l'élection des représentants des salariés au conseil d'administration central des charbonnages de France. Il était loisible au législateur de renvoyer cette question au règlement.

Monsieur le Président demande au rapporteur, lecture faite, de poursuivre son exposé, aucune observation n'ayant été présentée par des membres du Conseil.

- Sur l'article 41, alinéa 2 :

Monsieur VEDEL : cet article prévoit que lorsque l'employeur prend l'initiative des négociations syndicales et de celles relatives aux conseils de bureau et d'atelier imposées par les nouveaux articles L. 412-23 et L. 462-3 du Code du travail il en informe toutes les organisations syndicales représentatives.

Il est prétendu qu'il y a là une atteinte à la liberté syndicale, les salariés non syndiqués étant privés d'une information essentielle.

Ce moyen ne peut être retenu. Il paraît évident que lorsqu'un employeur engage la discussion sur la liberté syndicale, il en informe les principaux intéressés à savoir les syndicats eux-mêmes. Il n'a aucune obligation de diffuser cette information au-delà.

Monsieur le Président demande au rapporteur de poursuivre son exposé, après avoir lu la partie de son projet concernant l'article 41.

- Sur diverses dispositions méconnaissant l'article 37 de la Constitution :

Sur ce point, le Doyen VEDEL indique à ses collègues qu'il s'est purement et simplement inspiré des termes de la décision n° 82-143 DC du 30 juillet 1982 relative à la loi sur les prix et revenus.

Monsieur VEDEL indique qu'il en a alors terminé avec son rapport.

Monsieur le Président invite les membres du Conseil à présenter toutes les observations qu'ils jugeront utiles.

Monsieur GROS indique qu'il approuve désormais pleinement la jurisprudence "prix et revenus" que vient de reprendre Monsieur le rapporteur.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE partage ce point de vue. Il indique que la Commission des lois au Sénat s'était rangée totalement aux vues du Conseil constitutionnel après la décision sur la loi prix et revenus.

Aucune autre observation n'étant formulée, Monsieur, le Président invite alors les membres du Conseil à se prononcer sur le projet de décision.

Ce projet est alors adopté à l'unanimité des membres du Conseil.

Monsieur le Président lève alors la séance à 18 h 35.

Décision n° 83-162 DC

du 20 juillet 1983

PROJET INITIAL SOUMIS PAR LE RAPPORTEUR

NON ADOPTE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er juillet 1983, d'une part, par MM. Etienne DAILLY, André BOHL, Alfred GÉRIN, Alphonse ARZEL, Yves LE COZANNET, Georges LOMBARD, Adolphe CHAUVIN, Maurice PRÉVOTEAU, Pierre VALLON, Auguste CHUPIN, Raoul VADEPIED, Jean-Marie BOULOUX, Marcel LEMAIRE, Pierre SALVI, André RABINEAU, Jean FRANCOU, Charles BOSSON, Henri LE BRETON, Paul PILLET, François DUBANCHET, Daniel HOEFFEL, Jacques MOSSION, Roger BOILEAU, Jean GRAVIER, Marcel DAUNAY, Roger POUDONSON, Pierre LACOUR, Octave BAJEUX, Paul SÉRAMY, Jean CAUCHON, Pierre CECCALDI-PAVARD, Jean COLIN, Louis JUNG, Jean-Marie RAUSCH, René JAGER, Pierre SCHIÉLÉ , René TINANT, Georges TREILLE, Raymond BOUVIER, Edouard LE JEUNE, Louis VIRAPOULLE, Charles FERRANT, Raymond POIRIER, Charles ZWICKERT, Jacques GENTON, Charles PASQUA, François O. COLLET, Roger ROMANI, Henri BELCOUR, Georges REPIQUET, Yvon BOURGES, Edmond VALCIN, Jean CHAMANT, Paul KAUSS, Paul MALASSAGNE, Adrien GOUTEYRON, Geoffroy de MONTALEMBERT, Jean AMELIN, Henri PORTIER, Charles de CUTTOLI, Pierre CAROUS, Marcel FORTIER, Louis SOUVET, Jean-François LE GRAND, Sosepho Makapé PAPILIO, Michel ALLONCLE, Marc BÉCAM, Michel M^URICE-BOKANOWSKI Jacques VALADE, Jean NATALI , Jean CHERIOUX, Paul d'ORNANO, Lucien GAUTIER, Jacques CHAUMONT, Jacques DELONG, Bernard HUGO, Michel GIRAUD, Michel CHAUTY, Raymond BRUN, Jacques BRACONNIER, Maurice LOMBARD, Philippe FRANÇOIS, Henri COLLETTE, Philippe de BOURGOING, Jacques DESCOURS DESACRES, Michel MIROUDOT, Louis BOYER, Jacques MÉNARD, Guy PETIT, Louis de la FOREST, Pierre-Christian TAITTINGER, Bernard BARBIER, Guy de LA VERPILLIERE, Serge MATHIEU, Frédéric WIRTH, Roland RUET, Jean PUECH, Roland du LUART, Louis LAZUECH, Marc CASTEX, Jean-Pierre FOURCADE, Pierre LOUVOT, Pierre CROZE, Jean-Marie GIRAULT, Jules ROUJON, Michel d’AILLIÈRES, Louis MARTIN, Lionel CHERRIER, Michel CRUCIS, Jean BÉNARD-MOUSSEAUX, Jacques LARCHÉ, Jacques PELLETIER, Paul GIROD, Raymond SOUCARET, Joseph RAYBAUD, André MORICE, Jean-Pierre CANTEGRIT, Mme Brigitte GROS, MM. Max LEJEUNE, Guy BESSE, Jacques MOUTET, Pierre JEAMBRUN, Henri COLLARD, Sénateurs, et, d'autre part,

par MM. Claude LABBE, Jean FALALA, Jacques CHABAN-DELMAS, Jacques MARETTE, Philippe SÉGUIN, Michel BARNIER, Etienne PINTE, Jacques TOUBON, Mme Hélène MISSOFFE, MM. Emmanuel AUBERT, Roger. CORRÈZE, Gabriel KASPEREIT, Jean-Louis GOASDUFF, Pierre MAUGER, Bernard PONS, Marc LAURIOL, Mme Nicole de HAUTECLOCQUE, MM. Robert-André VIVIEN, Bruno BOURG-BROC, Christian BERGELIN, Michel COINTAT, Roland VUILLAUME, Jacques GODFRAIN, Michel NOIR, Serge CHARLES, Claude-Gérard MARCUS, Gérard CHASSEGUET, Pierre GASCHER, Pierre-Charles KRIEG, Jean de LIPKOWSKI, Daniel GOULET, Jean-Louis MASSON, Georges TRANCHANT, Camille PETIT, Benjamjn BRIAL, Didier JULIA, Robert WAGNER, Michel DEBRE, Yves LANCIEN, Jean-Paul de ROCCA SERRA, Alain PEYREFITTE, Georges GORSE, Pierre BACHELET, François FILLON, Charles MIOSSEC, Jacques LAFLEUR, Jean FOYER, Jean-Claude GAUDIN, Charles MILLON, Pascal CLÉMENT, Michel d'ORNANO, Jean BROCARD, Philippe MESTRE, Jean-Pierre SOISSON, Gilbert GANTIER, Jean RIGAUD, Francisque PERRUT, Roger LESTAS, Jacques FOUCHIER, Jean BEGAULT, Yves SAUTIER, Jean BRIANE, Jean-Marie CARO, Olivier STIRN, René HABY, Jacques DOMINATI, Georges MESMIN, Jean PRORIOL, Claude WOLFF, Maurice DOUSSET, François d'AUBERT, Alain MADELIN, Députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative à la démocratisation du secteur public.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Considérant que les députés et les sénateurs respectivement auteurs des saisines par lesquelles la loi sur la démocratisation du secteur public est déférée au Conseil constitutionnel, font valoir à l'encontre des dispositions de cette loi des griefs tantôt communs à l'une et à l'autre saisines, tantôt propres à l'une d'elles ;

SUR LES ARTICLES 1ER à 4, RELATIFS AU CHAMP D'APPLICATION DE LA LOI :

Considérant que le champ d'application de la loi est défini par le Titre 1er comprenant les articles 1 à 4 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi : "Sont régies par les dispositions de la présente loi les entreprises suivantes : 1- Etablissements publics industriels et commerciaux de l'Etat, autres que ceux dont le personnel est soumis à un régime de droit public ; autres établissements publics de l'Etat qui assurent tout à la fois une mission de service public à caractère administratif et à caractère industriel et commercial lorsque la majorité de leur personnel est soumise aux règles du droit privé. 2- Sociétés mentionnées à l'annexe I de la présente loi. 3- Entreprises nationales, sociétés nationales, sociétés d'économie mixte où sociétés anonymes dans lesquelles l'Etat détient directement plus de la moitié du capital social ainsi que les sociétés à forme mutuelle nationalisées. 4- Sociétés anonymes dans lesquelles plus de la moitié du capital social est détenue, directement ou indirectement, depuis plus de six mois, à lui seul par l'un des établissements ou sociétés mentionnées au présent article, et dont le nombre de salariés employés en moyenne au cours des vingt-quatre derniers mois est au moins égal à 200. 5- Autres sociétés anonymes dans lesquelles plus de la moitié du capital social est détenue, directement ou indirectement, depuis plus de six mois, conjointement par l'Etat, ses établissements publics ou les sociétés mentionnées au présent article et dont le nombre de salariés employés en moyenne au cours des vingt- quatre derniers mois est au moins égal à 200". ;

Considérant que les articles 2 et 3 de la loi ont pour objet d'exclure la prise en compte pour le calcul de la majorité du capital social visée aux alinéas 4 et 5 de l’article 1er certaines participations ou actions ;

Considérant que l'article 4 de la loi dispose : "Les établissements publics et sociétés mentionnés aux 1 et 3 de l'article 1er dont le nombre de salariés employés en moyenne au cours des vingt-quatre derniers mois est inférieur à 200 et qui ne détiennent aucune filiale au sens du 4 de l'article 1er, ainsi que les établissements publics et sociétés énumérés à l'annexe II de la présente loi, sont exclus du champ d'application des dispositions du chapitre premier du Titre II. - Toutefois, les conseils d'administration ou de surveillance de ces établissements publics et sociétés comprennent des représentants des salariés élus dans les conditions prévues au chapitre II. Un décret fixe le nombre de ces représentants : il peut prévoir si les spécificités de l'entreprise le justifient, la représentation de catégories particulières de salariés au moyen de collèges électoraux distincts. Les dispositions du chapitre III sont applicables à tous les représentants des salariés. - En outre les établissements et entreprises publics énumérés à l'annexe III de la présente loi sont exclus du champ d'application de l'ensemble des dispositions du titre II" ;

En ce qui concerne les 4 et 5 de l'article 1er :

Considérant qu'il est reproché aux dispositions des 4 et 5 de l'article 1er, par les sénateurs auteurs de l'une des saisines, d'avoir inclus dans le champ d'application de la loi non seulement les entreprises publiques proprement dites dans lesquelles l'Etat détient directement plus de la moitié du capital social, et qui sont visées au 3 de l'article 1er, mais encore des sociétés dont la majorité du capital social n'est aux mains de la puissance publique que de façon indirecte ;

Considérant que la détermination du champ d'application d'une loi est, dans le respect de la Constitution, librement opérée par le législateur lui-même ; qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne limite le secteur public aux entreprises nationalisées ou à celles dont l'Etat détient directement la majorité du capital social, à l'exclusion des autres entreprises où la majorité du capital social est sous contrôle public ; que la définition du secteur public retenue par l'article 1er est si peu arbitraire que c'est en substance celle à laquelle, bien avant le vote de cette loi, se référaient diverses dispositions législatives et diverses décisions de justice ;

Considérant que, sans doute, il convient de réserver le point de savoir si chacune des prescriptions de la loi est conforme à la Constitution à l'égard de chacune des catégories d'entreprises ou de chacune des entreprises entrant dans le champ d'application ainsi défini ; que cet examen concret résultera de l'analyse des critiques dirigées par les auteurs des saisines contre les dispositions des Titres II, III et IV de la loi et du jugement qu'appellent ces critiques ;

Considérant qu'ainsi les dispositions des 4 et 5 de l'article premier de la loi ne sont pas contraires à la Constitution ;

En ce qui concerne le 2 de l'article 1er, l'article 4 et les annexes I, II et III de la loi :

Considérant que les députés et les sénateurs respectivement auteurs de chacune des deux saisines font valoir qu'après avoir donné du champ d'application de la loi des critères généraux, le législateur y a dérogé, soit en incluant dans ce champ, aux termes du 2 de l'article 1er, des entreprises nominativement désignées dans une annexe I et ne répondant pas à ces critères généraux, soit en en excluant, au moins partiellement, aux termes de l'article 4, d'autres entreprises répondant à ces critères généraux et nominativement désignées dans les annexes II et III ;

Considérant que, toutes les dispositions législatives ayant la même force juridique, aucune règle constitutionnelle n’interdit en principe au législateur, après avoir adopté une règle générale, d'y faire exception ou d'y déroger fût-ce par voie de disposition particulière ;

Considérant cependant que ce pouvoir du législateur trouve ses limites dans le respect du principe d'égalité ; que, précisément, les auteurs de l'une et l'autre saisines font valoir que les dérogations apportées au critère général définissant le champ d'application de la loi, par le 2 de l'article 1er renvoyant à l'annexe I et par l'article 4 renvoyant aux annexes II et III, seraient contraires à ce principe ; que ces dérogations conduiraient à des inégalités contraires à la Constitution au détriment de certaines entreprises, de leurs actionnaires et de leurs salariés ;

Considérant que l'inclusion dans le champ d'application de la loi des entreprises visées par le 2 de l'article 1er renvoyant à la liste de l'annexe I n'enfreindrait le principe d'égalité que s'il était établi que ces entreprise ne présentent pas de caractéristiques particulières les différenciant objectivement des sociétés du secteur non public ; qu'au contraire, il apparaît que, concrètement, ces sociétés ne peuvent être regardées comme identiques ou analogues aux sociétés commerciales du secteur privé ;

Considérant que l’exclusion partielle du champ d'application de la loi des entreprises visées à l’article 4 et aux annexes II et III ne serait contraire au principe d’égalité que si ces entreprises ne présentaient point de caractéristiques particulières par rapport à celles auxquelles la loi est totalement applicable ; qu’aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne s'opposait à ce que le législateur module les effets de la loi en tenant compte, par exemple, du nombre de salariés des entreprises considérées, des équilibres déjà établis dans certaines entreprises entre les intérêts locaux, professionnels ou catégoriels, de la spécificité de certaines activités, des engagements précédemment pris par l'Etat ;

Considérant, enfin, de façon générale qu'avant même le vote de la présente loi, le secteur public constituait un ensemble d'une extrême complexité et groupait des entreprises nombreuses présentant de l'une à l'autre des différences d'origine, d'évolution, d'objet, de forme juridique, d'organisation, d'importance, de telle sorte que l'emploi de critères généraux définissant ce secteur et de règles générales s'y appliquant devait nécessairement s'accompagner de dérogations et d'exceptions qui, loin d'être contraires au principe d'égalité, permettaient de traiter de façon spécifique des situations concrètes ne pouvant entrer dans un cadre uniforme ;

En ce qui concerne la deuxième phrase de l'alinéa 2 de l'article 4 :

Considérant que les députés auteurs de l'une des saisines soutiennent que la deuxième phrase de l'alinéa 2 de l'article 4 de la loi est contraire à l'article 3 de la Constitution ;

Considérant que, après avoir, dans son alinéa 1er, exclu du champ d'application des dispositions du chapitre 1er du Titre II certaines entreprises, l'article 4 précité, dans son alinéa 2, prévoit que leurs conseils d'administration ou de surveillance comprendront obligatoirement des représentants des salariés ; que le début de la deuxième phrase de l'alinéa 2 dispose : "Un décret fixe le nombre de ces représentants ..." ;

Considérant que la fixation du nombre des représentants des salariés met en cause tout à la fois un principe fondamental du droit du travail et un principe fondamental des obligations civiles et commerciales ; qu'il n'était donc pas loisible au législateur d’abandonner totalement au pouvoir discrétionnaire du Gouvernement cette fixation ; que, par suite, doit être déclaré contraire à la Constitution le membre de la deuxième phrase de l'alinéa 2 de l'article 4 de la loi ainsi conçu : "Un décret fixe le nombre de ces représentants" ; que la suite de la phrase, rédigée comme suit : "il peut prévoir, si les spécificités de l'entreprise le justifient, la représentation de catégories particulières de salariés au moyen de collèges électoraux distincts", qui ne comporte en elle-même aucun chef d'inconstitutionnalité n'est qu'une disposition accessoire de celle contenue dans les premiers mots de la phrase dont elle ne saurait être séparée ; que, pour cette raison, elle est atteinte par la déclaration d'inconstitutionnalité qui concerne la disposition principale contenue en début de phrase ;

SUR LE PRINCIPE DE LA REPRESENTATION DES SALARIES DANS LES CONSEILS D'ADMINISTRATION OU DE SURVEILLANCE, POSÉ PAR LES ARTICLES 5 et 6 DE LA LOI :

Considérant que les articles 5 et 6 de la loi présentement examinée déterminent la composition des conseils d'administration ou de surveillance des entreprises entrant dans le champ d'application de la loi ; qu'il ressort de ces dispositions que tous les conseils d'administration ou de surveillance desdites entreprises comportent des représentants des salariés élus par ces derniers ;

Considérant que les sénateurs auteurs de l'une des deux saisines contestent, dans son principe même, la représentation des salariés dans les conseils d'administration ou de surveillance des sociétés commerciales comprenant des actionnaires privés et entrant dans le champ d'application de la loi ; qu'ils soutiennent que les dispositions imposant dans ces conseils la présence de représentants élus des salarié portent atteinte au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre et doivent donc être déclarées non conformes à la Constitution ;

Considérant qu'au soutien de ce grief, la saisine fait valoir que "la propriété d'une action, à la différence des obligations, confère en effet à son titulaire le droit de participer à la vie de la société, principalement par la désignation ou la révocation de ses dirigeants" et que, de façon générale, "le droit de vote est un attribut essentiel de l'action" ; que "les actionnaires privés seront tenus à l'écart de la désignation des représentants des salariés puisque ces derniers ne seront pas élus par l’assemblée générale, mais par les salariés eux- mêmes" ; que "les actionnaires privés seront en quelque sorte "expropriés" de ce droit’ au profit des salariés" ; qu'ainsi "les dispositions de la présente loi violent le droit de propriété comme la liberté d'entreprendre en ce qu'elles retirent, sans aucune indemnisation, aux actionnaires privés le droit de participer à - la désignation de la totalité ou d'une partie du conseil d'administration ou du conseil de surveillance des sociétés concernées" ;

Considérant que l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'implique nullement que les lois et règlements ne puissent limiter ou restreindre l'exercice de tel ou tel élément du droit de propriété sans une indemnisation corrélative ; que, sans doute, il en irait autrement si l'étendue et la gravité de ces limitations ou restrictions aboutissait à une véritable expropriation déguisée ; que tel n'est évidemment pas le cas ;

Considérant, en effet, que les actionnaires des sociétés commerciales entrant dans le champ d'application de la loi présentement examinée conservent la propriété de leurs actions qui ne sont frappées d'aucune indisponibilité ainsi que le droit au partage des bénéfices sociaux et, éventuellement, les droits qui naîtraient pour eux de la liquidation de la société dont ils sont actionnaires ; que la restriction apportée à leur droit de vote ne concerne que la désignation de certains des dirigeants sociaux ; que, pour apprécier la portée réelle de cette restriction, il convient de rappeler que, selon le droit et la pratique des sociétés commerciales, l'influence des actionnaires minoritaires dans la désignation des dirigeants sociaux est très généralement peu importante ; que, d'ailleurs, les règles du droit des sociétés relatives à la protection des actionnaire minoritaires contre les abus de majorité demeurent applicables ; qu'ainsi les dispositions des articles 5 et 6 de la loi présentement examinée relatives à la représentation des salariés dans les conseils d'administration ou de surveillance n'opèrent aucune privation de propriété qui tomberait sous le coup de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Considérant, en outre, que le Préambule de la Constitution de 1946, dans son alinéa 8, dispose : "Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises" ;

Considérant que les articles 5 et 6 de la loi présentement examinée ne font que mettre en oeuvre dans le secteur public, en ce qui concerne la participation à la gestion, le principe ainsi proclamé qui, d’ailleurs, avait reçu depuis 1945, dans ce même secteur, de nombreuses applications ;

Considérant que, de plus, la participation des travailleurs à la gestion d'une entreprise en forme de société implique nécessairement une certaine limitation des pouvoirs de gestion reconnus auparavant aux actionnaires et à leurs représentants ; que, sauf dans le cas où cette limitation irait au-delà de ce qu'exige la participation des travailleurs ou constituerait une véritable expropriation, la mise en oeuvre par le législateur d'un principe ayant valeur constitutionnelle ne saurait ouvrir droit à indemnisation ; qu'ainsi, à plus forte raison, le moyen tiré, à l'encontre de la loi présentement examinée, du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre n'est en rien fondé ;

SUR LA COMPOSITION DES CONSEILS D'ADMINISTRATION OU DE SURVEILLANCE TELLE QU'ELLE RESULTE DES ARTICLES 5 ET 6 DE LA LOI

En ce qui concerne la représentation de l'Etat et des actionnaires dans les sociétés entrant dans le champ d'application de l'alinéa 1er de l'article 5 de la loi :

Considérant que l'alinéa 1er de l'article 5 de la loi concerne : "les établissements publics mentionnés au 1 de l'article 1er, d'une part, et, d'autre part, ... les entreprises mentionnées au 3 du même article dont plus de 90% du capital est détenu par des personnes morales de droit public ou par des sociétés mentionnées à l'article 1er, ainsi que ... les sociétés centrales de groupes d'entreprises nationales d'assurance, les sociétés à forme mutuelle nationalisées, la banque française du commerce extérieur et la compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur" ;

Considérant qu'aux termes des alinéas suivants du même article, le conseil d'administration ou de surveillance de chacune de ces entreprises comprend : "1°- des représentants de l'Etat et, le cas échéant, des actionnaires nommés par décret ; 2° - des personnalités choisies, soit en raison de leur compétence technique, scientifique ou techno- logique, soit en raison de leur connaissance des aspects régionaux, départementaux ou locaux des activités en cause, soit en raison de leur connaissance des activités publiques et privées concernées par l'activité de l'entreprise, soit en raison de leur qualité de représentants des consommateurs ou des usagers, nommées par décret, pris, le cas échéant, après consultation d'organismes représentatifs desdites activités ; 3°- des représentants des salarié élus dans les conditions prévues au chapitre II" ;

Considérant que, selon les sénateurs auteurs de l'une des saisines, ces dispositions auraient pour effet, dans les sociétés visées à l'alinéa 1er de l'article 5, d'exclure les actionnaires privés de la désignation des membres des conseils d'administration ou de surveillance directement nommés par l'Etat et donc de les priver du droit de participer à la nomination et à la révocation des administrateurs de la société, ce qui, selon une thèse déjà exposée, équivaudrait à une expropriation sans indemnité ;

Considérant que, compte tenu de la nature des entreprises visées à l'alinéa 1er de l'article 5, dans lesquelles l'importance des capitaux publics est très largement prépondérante, la désignation directe par décret de représentants de l'Etat, d'ailleurs souvent prévue par la législation antérieure, si elle déroge au droit commun des sociétés commerciales, ne retire en fait aux actionnaires privés, très étroitement minoritaires, aucun avantage, alors d'ailleurs qu'ils se voient assurer, "le cas échéant", c'est-à-dire quand il existe de tels actionnaires privés, une représentation propre qui ne leur aurait pas été garantie par le jeu normal de l'élection des dirigeants sociaux par l'assemblée générale ;

Considérant, en revanche, que la disposition prévoyant la désignation par décret, "le cas échéant", des représentants des actionnaires n'est pas conforme à la Constitution ; qu'en effet, la détermination des conditions dans lesquelles est assurée la représentation d'une personne privée pour l'exercice de ses droits patrimoniaux met en cause un principe fondamental du droit de propriété et des obligations civiles et commerciales relevant, aux termes de l'article 34 de la Constitution, du domaine de la loi ; que, dès lors, il n'appartenait pas au législateur de conférer purement et simplement au Gouvernement le pouvoir discrétionnaire d'assigner des représentants à des actionnaires privés ;

Considérant qu'il y a donc lieu de déclarer non conformes à la Constitution les mots "par décret" figurant au 1° de l'article 5.

En ce qui concerne l'alinéa 5 de l'article 5 de la loi :

Considérant que l'alinéa 5 de l'article 5 de la loi est ainsi conçu : "Dans les établissements publics de l'Etat mentionnés à l'article 1er, le nombre des représentants de chacune de ces catégories est déterminé par décret, le nombre des représentants des salariés devant être égal au moins au tiers du nombre des membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance" ;

Considérant que les députés auteurs de l'une des deux saisines soutiennent que ces dispositions sont contraires à la Constitution ; qu'en effet, selon eux, si elles assignent à la représentation des salariés une proportion minimale, elles ne lui assignent aucune proportion maximale et permettent ainsi au Gouvernement de mettre en cause un principe fondamental du droit du travail, relevant, en vertu de l'article 34 de la Constitution, du domaine de la loi ;

Considérant que, si le grief ainsi fait aux dispositions précitées n'est pas inexact dans son principe, il est inopérant ; qu'en effet, s'agissant d'établissements publics, tels que ceux visés à l'article 1er de la loi, en dehors des cas où la proportion des représentants des salariés dans les conseils d'administration ou de surveillance est déjà fixée à un taux sensiblement supérieur au tiers, l'élévation du nombre des représentants du personnel à une telle proportion aboutirait à la création d'une ou de plusieurs nouvelles catégories d'établissements publics, matière réservée par l'article 34 au législateur, qui n'a point, dans la loi présentement examinée, entendu autoriser une telle création ; qu'ainsi les pouvoirs conférés à l'autorité règlementaire par les dispositions présentement examinées relatives à la proportion des représentants des salariés, demeurent dans des limites répondant aux exigences de l'article 34 de la Constitution ;

En ce qui concerne les quatre premiers alinéas de l'article 6 :

Considérant que les quatre premiers alinéas de l'article 6 de la loi présentement examinée sont ainsi conçus : "Dans les entreprises non visées à l'article 5, le conseil d'administration ou de surveillance compte dix-huit membres, lorsque la majorité du capital social est détenue par l'Etat et de neuf à dix-huit membres dans les autres cas. Toutefois, dans les banques, le nombre des membres des conseils d'administration ne peut excéder quinze. - Dans tous les cas, le conseil comprend des représentants des salariés élus dans les conditions prévues au chapitre II. - Dans les entreprises mentionnées aux 4 et 5 de l'article 1er dont l'effectif est compris entre 200 et 1000 salariés, à l'exclusion des banques nationalisées par la loi du 11 février 1982 précitée, le nombre de ces représentants est de deux. - Dans les autres entreprises, ces représentants constituent le tiers des membres du conseil"

Considérant que les députés auteurs de l'une des saisines soutiennent que ces dispositions permettent au Gouvernement de faire varier à son gré la proportion des représentants des salariés dans les conseils d'administration ou de surveillance ; qu’en effet, pour les entreprises visées à l’alinéa 3 de l'article 6 le nombre des représentants des salariés est fixé à deux, cependant qu'en vertu de l'alinéa 1er, le nombre total des membres du conseil d'administration ou de surveillance peut varier de neuf à dix-huit, de telle sorte que les deux représentants des salariés dans ces entreprises peuvent constituer soit un neuvième, soit deux neuvièmes, soit une proportion comprise entre ces deux fractions, de l'effectif total du conseil considéré ;

Considérant que, selon la même saisine, s'agissant de la mise en cause d'un principe fondamental du droit du travail, le législateur ne pouvait en vertu de l'article 34 de la Constitution, laisser à une autre autorité que lui-même le soin de moduler l'importance de la proportion des représentants des salariés dans les conseil d'administration ou de surveillance ;

Considérant que le législateur, dans le cas particulier présentement examiné, a fixé lui-même indirectement mais certainement à un neuvième et à deux neuvièmes la proportion minimale et la proportion maximale des représentants des salariés et a ainsi déterminé avec une précision suffisante les conditions dans lesquelles devait être mis en oeuvre le principe de la participation des salariés ; qu'il a ainsi satisfait aux exigences de l'article 34 de la Constitution ;

En ce qui concerne le dernier alinéa de l'article 6 de la loi :

Considérant que le dernier alinéa de l'article 6 de la loi dispose : "Les autres membres desdits conseils sont désignés, dans les entreprises constituées en forme de sociétés, par l'assemblée générale des actionnaires conformément aux disposition ; de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 modifiée sur les sociétés commerciales, sous réserve, le cas échéant, des représentants de l'Etat, qui sont nommés par décret..." ;

Considérant que les sénateurs auteurs de l'une des deux saisines font valoir que ces dispositions paraissent ouvrir la possibilité à l'égard des sociétés entrant dans le champ d'application de l'article 6, de la nomination d’administrateurs par décret et non par l’assemblée générale des actionnaires ; que, selon un raisonnement déjà exposé, l’atteinte portée par-là aux droits des actionnaires constituerait une expropriation sans indemnité entachée d'inconstitutionnalité ;

Considérant que les termes "sous réserve, le cas échéant, des représentants de l'Etat qui sont nommés par décret" ne formulent aucune prescription de caractère positif ou négatif et, selon leur lettre même, réservent seulement l'éventualité de dispositions particulières, de nature législative, règlementaire ou statutaire, en vigueur ou à intervenir, qui assureraient à l'Etat, dans certaines sociétés visées par l'article 6, une représentation propre au sein des conseils d'administration ou de surveillance ;

Considérant qu'ainsi le dernier alinéa de l'article 6, qui ne préjuge ni la validité de telles dispositions ni l'appréciation qui pourrait être portée par les autorités ou juridictions compétentes sur leur régularité, ne saurait être regardé comme contraire à la Constitution ;

En ce qui concerne l'ensemble des articles 5 et 6 :

Considérant qu'indépendamment des critiques qui viennent d'être examinées, les députés auteurs de l'une des deux saisines reprochent aux articles 5 et 6 de la loi de créer des inégalités considérables dans la représentation des salariés au sein des conseils d'administration ou de surveillance ; qu'en effet, que ce soit en valeur absolue, ou que ce soit en valeur proportionnelle, les nombres exprimant l'importance de la représentation des salariés varient considérablement selon les catégories d'entreprises visées ; que cette atteinte au principe d'égalité entacherait d'inconstitutionnalité la loi déférée à l'examen du Conseil constitutionnel ;

Considérant qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n'exige que le nombre ou la proportion de représentants des salariés dans les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises du secteur public soient les mêmes pour toutes les entreprises ; qu'en tenant compte, pour déterminer l'importance de la représentation des salariés, de caractéristiques telles que la forme juridique des entreprises, la nature de leur activité, le nombre de leurs salariés, ou la répartition de leur capital, le législateur n'a procédé à aucune discrimination arbitraire contraire à la Constitution ;

SUR L'ARTICLE 12 DE LA LOI RELATIF A LA REVOCATION DES MEMBRES DES CONSEILS D'ADMINISTRATION OU DE SURVEILLANCE :

Considérant que l'article 12 de la loi dispose : "Il peut être mis fin à tout moment par décret au mandat des représentants de l'Etat dans les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises mentionnées à l'article 1er, nommés par décret. - En cas de faute grave, il peut être mis fin par décret au mandat des personnalités choisies comme membres desdits conseils au titre du 2° de l'article 5 ci-dessus. - L'assemblée générale ordinaire des sociétés mentionnées à l'article 1er peut révoquer à tout moment les membres des conseils d'administration ou de surveillance qu'elle a nommés. - Les représentants des salariés peuvent être révoqués individuellement pour faute grave dans les conditions prévues à l'article 25" ;

Considérant que les députés auteurs de l'une des deux saisines font valoir diverses critiques à l'égard des dispositions précitées ;

En ce qui concerne l'alinéa 1er de l'article 12 relatif à la révocation des représentants de l'Etat :

Considérant qu'il est reproché aux dispositions de l'alinéa 1er de l’article 12 d'être contraires au principe d'autonomie de gestion des entreprises publiques en ce qu'elles placeraient les représentants de l'Etat dans les conseils d'administration ou de surveillance sous la dépendance du Gouvernement et au principe d'égalité en ce qu'elles institueraient, pour ces représentants, un régime de révocation différent de celui applicable aux autres membres des conseils ;

Considérant que, pour établir qu'il existe un principe d'autonomie de gestion des entreprises publiques ayant valeur constitutionnelle, la saisine présentement examinée invoque les dispositions du Préambule de 1946, selon lesquelles "tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité", desquelles il résulterait implicitement "que les entreprises publiques sont la propriété non pas du Gouvernement, mais la propriété de la Nation et qu'en conséquence le Gouvernement qui a nommé les administrateurs au sein des conseils d'administration des entreprises publiques n'est pas en droit de les révoquer librement sans invoquer à leur encontre une quelconque faute grave" ;

Considérant que l'existence d'un principe ou d'une règle de valeur constitutionnelle ne saurait procéder de telles déductions ;

Considérant d'autre part que, si les conditions dans lesquelles peuvent être révoqués les représentants de l'Etat sont différentes de celles concernant la révocation des autres membres des conseils d'administration ou de surveillance, cette différence qui s'applique à des situations elles-mêmes différentes ne constitue pas une atteinte au principe d’égalité ;

En ce qui concerne l'alinéa 2 de l'article 12 de la loi :

Considérant qu'il est reproché à l'alinéa 2 de l'article 12 de la loi de permettre, en cas de faute grave, la révocation par décret des personnalités choisies comme membres des conseils au titre du 2° de l'article 5, alors que la révocation des représentants des salariés ne peut, aux termes de l'article 25 de la loi, auquel renvoie le dernier alinéa de l'article 12, être prononcée que par l'autorité judiciaire sur la demande de la majorité du conseil d'administration ou de surveillance intéressé ; qu'ainsi l'alinéa 2 de l'article 12 méconnaîtrait le principe d'égalité ;

Considérant que les procédures de révocation de membres procédant les uns de la nomination par le Gouvernement, les autres de l'élection par les salariés peuvent être différentes sans qu'il soit porté atteinte au principe d'égalité ;

SUR L'ARTICLE 13 RELATIF A CERTAINES MESURES DE REVOCATION EN CAS DE DISSENSIONS GRAVES ENTRAVANT L'ADMINISTRATION DE LA SOCIETE :

Considérant que, selon les députés auteurs de l'une des saisines, les dispositions de l'article 13 ouvrant la possibilité de certaines révocations de membres des conseils d'administration ou de surveillance en cas de dissensions graves entravant l'administration de la société seraient contraires au principe de l'autonomie de gestion des entreprises publiques ;

Considérant que, comme il a été dit plus haut, il n'existe pas de principe de l'autonomie de gestion des entreprises publiques ayant valeur constitutionnelle ;

SUR L'ARTICLE 14 DE LA LOI :

Considérant que l'article 14 de la loi dispose : "Les représentants des salariés sont élus par les salariés qui remplissent les conditions suivantes : -dans chacune des entreprises mentionnées aux 1, 2, 3 et 5 de l'article 1er de la présente loi, remplir les conditions requises pour être électeur au comité d'entreprise ou à l'organe en tenant lieu, soit dans l'entreprise elle-même soit dans l'une de ses filiales au sens du 4 dudit article 1er, dont le siège social est fixé sur le territoire français ; - dans chacune des entreprises entrant dans la catégorie définie au 4 de l’article 1er, remplir les conditions requises pour être électeur au comité d'entreprise" ;

Considérant que les députés auteurs de l'une des saisines reprochent aux dispositions de l'article 14 précité concernant les entreprises mentionnées aux 1, 2, 3 et 5 de l'article 1er de conférer l'électorat pour la désignation des représentants de l'une de ces entreprises aux salariés, même étrangers, d'une filiale dont le siège social est fixé sur le territoire français et a contrario de le refuser aux salariés, même français, des filiales dont le siège social est fixé hors du territoire national ; qu'il y aurait là une atteinte au principe d'égalité ;

Considérant que la différence de traitement ainsi établie, en ce qui concerne le droit de vote, entre les salariés des filiales dont le siège social est fixé sur le territoire français et ceux des filiales dont le siège social est fixé à l'étranger se justifie par la différence de situation juridique de l'entreprise qui, dans un cas, est soumise aux règles du droit français et, dans l'autre cas, est soumise à des règles de droit non françaises ;

SUR L'ARTICLE 15, ALINEA 1ER, DE LA LOI :

Considérant que l'alinéa 1er de l'article 15 de la loi dispose : "Sont éligibles au conseil d’administration ou de surveillance d'une des entreprises mentionnées à l'article 1er les électeurs âgés de dix-huit ans accomplis, travaillant dans cette entreprise ou l'une de ses filiales au sens du 4 de l'article 1er, et ayant travaillé pendant une durée d'au moins deux ans au cours des cinq dernières années soit dans ladite entreprise, soit dans l'une de ses filiales, soit dans une société dont ladite entreprise est une filiale, soit dans une société ayant fusionné avec elle" ;

Considérant qu'il est fait grief à cette disposition de permettre l'élection de personnes travaillant dans une filiale située hors du territoire national, et, de ce fait, n'ayant pas, aux termes de l'article 14 de la loi, la qualité d'électeur ; qu'ainsi serait méconnu un principe de droit électoral ayant valeur constitutionnelle liant inconditionnellement la qualité d'éligible à la qualité d'électeur ;

Considérant que, sans qu'il soit besoin de rechercher si un tel principe existe et quelle en serait la valeur, il suffit de relever qu'aux termes mêmes du texte précité "Sont éligibles ... les électeurs..." ; qu'ainsi le moyen manque en fait ;

SUR L'ARTICLE 15, ALINEA 2, DE LA LOI, RELATIF AUX CONDITIONS D'ELIGIBILITE DES REPRESENTANTS DES SALARIES :

Considérant que, pour définir l'une des conditions d'éligibilité concernant les représentants des salariés dans les conseils d'administration ou de surveillance, l'article 15, alinéa 2, de la loi dispose : "Est réputé travailler ou avoir travaillé dans une entreprise le salarié de cette entreprise qui exerce ou a exercé des fonctions de permanent syndical avec ou sans suspension du contrat de travail" ;

Considérant qu'il est fait grief à cette disposition d'ouvrir les fonctions de représentant des salariés dans les organismes gérant les entreprises à des personnes qui ne peuvent être regardées comme répondant aux exigences du principe pose par le Préambule de 1946 selon lequel "tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises" ; qu'en effet, la qualité de représentant syndical qui correspond à une fonction de défense des intérêts des salariés, étrangère à la gestion même de l'entreprise, ne saurait à elle seule ouvrir vocation à la qualité de délégué en vue de la participation à la gestion ;

Considérant que, sans qu'il soit besoin de rechercher si la disposition du Préambule invoquée par les auteurs de la saisine revêt la portée que ceux-ci lui prêtent, il ressort des termes mêmes de l'article 15, alinéa 2 précité, que les représentants syndicaux ne sont éligibles que s'ils sont titulaires d'un contrat de travail avec l'entreprise concernée ; que la suspension du contrat de travail ne rompt point les liens entre le titulaire de celui-ci et l'entreprise ; qu'ainsi le moyen manque en fait ;

SUR L'ALINEA 2 DE L'ARTICLE 16 DE LA LOI RELATIF A LA REPRESENTATION DES INGENIEURS, CHEFS DE SERVICE ET CADRES :

Considérant que les deux premiers alinéas de l'article 16 de la loi sont ainsi conçus : "L'élection a lieu au scrutin secret de liste, avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne et sans panachage. - Toutefois, dans les entreprises mentionnées aux 1, 2 et 3 de l'article 1er et dans les entreprises mentionnées aux 4 et 5 du même article dont le nombre de salariés est au moins égal à 1000 ou dont le nombre de cadres est au moins égal à 25, un siège est réservé aux ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification et est attribué à la liste ayant obtenu le plus de voix dans cette catégorie, sous réserve que cette liste comporte au moins un candidat appartenant à ladite catégorie. Ce siège est, le cas échéant, imputé sur le ou les sièges déjà obtenus par la liste bénéficiaire" ;

Considérant que les députés auteurs de l'une des deux saisines reprochent aux dispositions de l'alinéa 2 précité de méconnaître le principe d'égalité à plusieurs points de vue : par une discrimination entre les cadres des entreprises mentionnées aux 1, 2 et 3 de l'article 1er et ceux des entreprises mentionnées aux 4 et 5 de cet article ; par une discrimination dans l'ensemble de ces dernières entreprises entre les cadres de celles qui remplissent certaines conditions d'effectifs et les autres ; par l'inégale représentation des cadres d'entreprise à entreprise puisque, quelle que soit le nombre de sièges à pourvoir, un seul siège leur est réservé ;

Considérant que le législateur a pu, sans manquer au principe d'égalité, dans les cas où il prévoyait une représentation des cadres, fixer uniformément à un siège la part faite à cette représentation, en raison notamment des difficultés arithmétiques qu'aurait entraînées une formule respectant strictement la proportionnalité entre le nombre de sièges réservés aux cadres et le nombre total de sièges revenant aux représentants des salariés ;

Considérant en revanche qu'il n'existe pas de différences de situation entre les cadres des entreprises visées aux 1, 2 et 3 de l'article 1er de la loi et les cadres des entreprises visées aux 4 et 5 de ce même article ; qu'il était donc contraire au principe d'égalité de limiter par des conditions d'effectifs la représentation des cadres des entreprises visées aux 4 et 5, alors que cette limitation n'existe pas pour les cadres des entreprises visées aux 1, 2 et 3 ;

Considérant que, par suite, dans l'alinéa de l'article 15 doivent être déclarés non conformes à la Constitution les mots "dont le nombre de salariés est au moins égal à 1000 ou dont le nombre des cadres est au moins égal à 25" ;

SUR L'ALINEA 6 DE L'ARTICLE 16 DE LA LOI CONCERNANT LES BULLETINS PORTANT DES RATURES :

Considérant que l'alinéa 6 de l'article 16 de la loi est ainsi conçu : "Lorsque le nom d'un candidat a été raturé, les ratures ne sont pas prises en compte si leur nombre est inférieur à 101 des suffrages valablement exprimés en faveur de la liste sur laquelle figure ce candidat ; dans ce cas, et sous réserve de l'application éventuelle du 2ème alinéa du présent article, les candidats sont déclarés élus dans l'ordre de présentation " ;

Considérant que, selon les députés auteurs de la saisine, les dispositions de l'alinéa 6 précité constitueraient une "violation manifeste des principes de la démocratie électorale" ; que serait également méconnu le principe formulé par le Préambule de 1946 aux termes duquel tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises, principe qui implique que, seuls, les délégués effectivement élus par les travailleurs doivent siéger au sein des organes compétents pour la gestion des entreprises ;

Considérant qu'à supposer que certains principes constitutionnels régissant les élection politiques soient applicables à la matière faisant l'objet de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur ayant choisi un système de représentation proportionnelle au scrutin de liste et sans panachage d'exclure toute possibilité pour les électeurs de modifier la composition et l'ordre de chaque liste ; qu'il lui est donc d'autant plus loisible, par atténuation de cette rigueur, d'ouvrir une telle possibilité quand un pourcentage de ratures dépasse un seuil déterminé ; que, dès lors, le grief fait à l'alinéa 6 de l'article 15, analogue- d'ailleurs à l'article L 423-14, alinéa 3 du code du travail, n'est pas fondé ;

SUR L'ARTICLE 22 DE LA LOI RELATIF AU STATUT DES REPRESENTANTS DES SALARIES DANS LES CONSEILS D'ADMINISTRATION OU DE SURVEILLANCE :

Considérant que l'article 22 de la loi présentement examinée dispose : "le mandat de membre du conseil d'administration ou de surveillance des représentants des salariés est gratuit, sans préjudice du remboursement par l'entreprise des frais exposés pour l'exercice dudit mandat. - Lorsque leur responsabilité d'administrateur est mise en cause, elle s'apprécie en tenant compte du caractère gratuit de leur mandat. En aucun cas, ils ne peuvent être déclarés solidairement responsables avec les administrateurs représentant les actionnaires. - Lorsque leur responsabilité de membre du conseil de surveillance est mise en cause, elle s'apprécie en tenant compte du caractère gratuit de leur mandat" ;

Considérant que les députés auteurs de l'une des deux saisines soutiennent que l'atténuation de la responsabilité des membres des conseils d'administration ou de surveillance représentant les salariés qui résulte des dispositions précitées et qui, en fait, équivaudrait à une suppression de toute responsabilité, confère à ces représentants par rapport aux autres membres desdits conseils un "privilège exorbitant" contraire tout à la fois au principe d'égalité, au principe de responsabilité, au principe de réparation et qui ne se justifie par aucun motif d'intérêt général ;

Considérant qu'avant d'en venir à l'examen de ces critiques il convient d'observer que, contrairement aux allégations de la saisine, le mandat des représentants des salariés est gratuit, car il ne comporte aucune rémunération, le remboursement des frais exposés n'ayant pas un tel caractère ; que, si les articles 26 et 27 de la loi mettent à la charge de l'entreprise le paiement, au titre du salaire, des heures de travail consacrées à l'exercice du mandat, ces dispositions qui ne font qu'éviter un manque à gagner, pour le salarié, ne confèrent à celui-ci aucun avantage ayant le caractère d'une rémunération spécifique ;

Considérant qu'il convient encore d'observer que, contrairement aux allégations de la saisine, les dispositions de l'article 22 ne concernent à l'évidence que la responsabilité civile des représentants des salariés et non leur responsabilité pénale qui ne pourrait être soustraite au droit pénal commun que par un texte législatif spécifique déterminant, de manière précise, les effets de l’atténuation de responsabilité sur les conditions constitutives des infractions ou sur l'application de l'échelle des peines ;

Considérant enfin que l'atténuation de responsabilité résultant des termes de l'article 22 de la loi, visiblement inspirée de l'alinéa 2 de l'article 1992 du code civil, n'équivaut ni en droit ni en fait à la suppression de toute responsabilité ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité :

Considérant que le fait que le régime de responsabilité civile applicable aux membres des conseils d'administration ou de surveillance représentant les salariés n'est pas identique à celui des membres des conseils représentant l'Etat ne méconnaît pas le principe d'égalité ; qu'en effet, l'Etat répond des fautes commises par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions et ne peut mettre en cause la responsabilité personnelle de ceux-ci qu'en cas de faute personnelle de leur part ; que le respect du principe d'égalité au regard des représentants des salariés dont la responsabilité n'est couverte par aucune autre personne physique ou morale justifie au contraire leur soumission à un régime de responsabilité moins rigoureux ;

Considérant que, si le régime de la responsabilité civile applicable aux membres des conseils d'administration ou de surveillance représentant les salariés est différent.de celui des membres élus par les actionnaires, cette différence n'est pas contraire au principe d'égalité, étant donné qu'à l'inverse des seconds, les premiers exercent gratuitement leur mandat et n'ont point part aux bénéfices sociaux ;

En ce qui concerne le moyen tiré du "principe de responsabilité" :

Considérant que, selon les auteurs de la saisine, il existerait un principe de responsabilité de valeur constitutionnelle, consacré par la Déclaration de 1789 et reconnu par les lois de la République, notamment par le code civil et par le code pénal ; que ce principe qui imposerait à l'auteur de toute faute d'en répondre civilement, serait méconnu par l'article 22 delà loi ;

Considérant que, sans qu'il soit besoin de rechercher si un tel principe a valeur constitutionnelle, il suffit d'observer qu’en tout état de cause, il ne s'opposerait pas à l'aménagement de régimes de responsabilité spéciaux moins rigoureux que le régime de droit commun, comme en témoigne d'ailleurs l'alinéa 2 de l'article 1992 du code civil qui, comme il a été dit, a visiblement inspiré la rédaction de l'article 22 de la loi ;

En ce qui concerne le moyen tiré du "principe du droit à réparation" :

Considérant que, selon les auteurs de la saisine, il existerait un "principe de réparation" de valeur constitutionnelle ouvrant à toute victime d'une faute le droit d'en obtenir réparation, soit de la part de l'auteur de cette faute, soit de la part d'un tiers qui lui serait substitué ;

Considérant que, sans qu'il soit besoin de rechercher si un tel principe a valeur constitutionnelle, il suffit d'observer que s'il s'oppose au refus absolu de toute réparation sans égard à la gravité de la faute, il ne s'oppose pas, comme en témoigne d'ailleurs l'alinéa 2 de l'article 1992 du code civil, à certaines exonérations de responsabilité pour des fautes présumées excusables ; qu'en un tel cas, d'ailleurs, la loi n'exclut pas l'action éventuelle des victimes contre d'autres administrateurs ou contre la société elle-même ;

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le législateur aurait inexactement apprécié l'intérêt général justifiant le régime de responsabilité applicable aux membres des conseils d'administration ou de surveillance représentant les salariés ;

Considérant que les députés auteurs de l'une des deux saisines soutiennent que la méconnaissance du principe d'égalité par les dispositions de l'article 22 de la loi ne saurait être justifiée par des motifs d'intérêt général ;

Considérant que, sans qu'il soit besoin de rappeler que, sous réserve du respect des règles et principes de valeur constitutionnelle, l'appréciation de l'intérêt général appartient au législateur, il ressort de ce qui précède que les dispositions de l'article 22 de la loi ne méconnaissent en rien le principe d'égalité, étant donné qu'elles sont justifiées par les différences existant entre les situations respectives des diverses catégories des membres des conseils d'administration ou de surveillance ; qu'il n'y a donc pas lieu de rechercher si l'intérêt général pouvait justifier une atteinte au principe d'égalité ;

Considérant au total que l'article 22 de la loi n'est pas contraire à la Constitution ;

SUR L'ARTICLE 33 DE LA LOI (NOUVEL ARTICLE L 412-23 DU CODE DU TRAVAIL) :

Considérant que l'article 33 de la loi introduit dans le code du travail de nouvelles dispositions applicables aux établissements et entreprises mentionnées à l'article 1er de la loi relative à la démocratisation du secteur public ; que l'une de ces dispositions figurant au nouvel article L 412-23 du code du travail prévoit que la négociation que l'employeur doit engager avec les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise sur des modalités complémentaires d'exercice du droit syndical doit porter notamment sur "les conditions dans lesquelles pourra être facilitée la collecte des cotisations syndicales” ;

Considérant qu'il est fait grief à cette disposition de permettre aux organisations syndicales de faire pression sur les salariés de l'entreprise en vue de leur adhésion à un syndicat ou du maintien de celle-ci, en violation du principe de la liberté syndicale formulé par le Préambule de 1946 ;

Considérant que la seule éventualité d'abus contraires à la Constitution dans l'application d'une disposition législative n'entraîne pas l'inconstitutionnalité de celle-ci ; que la disposition critiquée ne saurait permettre que soit imposé en droit ou en fait, directement ou indirectement, l'adhésion ou le maintien de l'adhésion des salariés d'une entreprise à une organisation syndicale ; qu'il appartiendrait à la direction des entreprises intéressées de refuser de souscrire à toute clause tendant à un tel résultat et, le cas échéant, aux juridictions compétentes, d'en prononcer la nullité ou d'en interdire l'application ;

Considérant que, sous le bénéfice de ces observations, le moyen ne saurait être retenu ;

SUR L'ARTICLE 35 DE LA LOI (NOUVEAU 3ème ALINEA DE L'ARTICLE L 432-5 DU CODE DU TRAVAIL) :

Considérant que le 3ème alinéa ajouté à l'article L 432-5 du code du travail par l'article 35 de la loi est ainsi rédigé : "Toutefois, dans les sociétés mentionnées à l'article 1er de la loi n° du relative à la démocratisation du secteur public, à l'exception de celles qui figurent aux annexes II et III de ladite loi, la représentation du comité d'entreprise auprès du conseil d'administration ou de surveillance est assurée par le secrétaire du comité d'entreprise ou de l'organe qui en tient lieu" ;

Considérant que les députés auteurs de l'une des saisines reprochent à ces dispositions d'instituer, dans la matière qu'elles traitent, une dérogation concernant les entreprises figurant aux annexes II et III de la loi, dérogation qui serait contraire au principe d'égalité ;

Considérant que la dérogation ainsi critiquée n'est que la conséquence du régime spécial établi par la loi pour les entreprises figurant aux annexes lI et III dont la conformité à la Constitution a été plus haut reconnue par la présente décision ; qu'ainsi la critique faite à l'article 33 ne saurait être retenue ;

SUR LE 4ème ALINEA DE L'ARTICLE 37 DE LA LOI RELATIF AUX MODALITES DE PARTICIPATION DES SALARIES DES HOUILLERES DE BASSIN A L'ELECTION DES REPRESENTANTS DES SALARIES AU CONSEIL D'ADMINISTRATION DES CHARBONNAGES DE FRANCE :

Considérant que l'alinéa 4 de l'article 37 de la loi est ainsi conçu : "Par dérogation aux dispositions de l'article 14 de la présente loi, un décret en Conseil d'Etat déterminera les modalités de participation des salariés des Houillères de bassin à l'élection des représentants des salariés au conseil d'administration des Charbonnages de France" ;

Considérant que les députés auteurs de l'une des deux saisines critiquent ces dispositions au motif que la loi aurait dû prévoir elle-même "un minimum de représentation des salariés au sein des conseils d'administration" ;

Considérant que l'objet du texte critiqué n'est pas de fixer le nombre des représentants des salariés dans les conseils d'administration des Houillères de bassin ou dans le conseil d'administration des Charbonnages de France, qui résulte d'autres dispositions de la loi, mais d'organiser, compte tenu de la structure particulière du secteur public de production de charbon, les conditions de participation des salariés des houillères de bassin à l'élection des représentants des salariés au conseil d'administration de l'établissement public central ; qu'il était loisible au législateur de renvoyer le règlement de cette question à un décret en Conseil d'Etat ;

SUR L'ARTICLE 41, ALINEA 2, DE LA LOI RELATIF A CERTAINES INFORMATIONS DONNEES PAR L "EMPLOYEUR :

Considérant que l'article 41, alinéa 2, de la loi prévoit que, lorsque l'employeur prend l'initiative de la négociation en vue de la conclusion des accords prévus aux articles L 421-23 et L 462-3 du code du travail, "il en informe toutes les organisations syndicales de salariés représentatives dans l'entreprise" ;

Considérant qu'il est reproché à cette disposition de faire échec à la liberté syndicale en privant les salariés n'adhérant pas à des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise d'informations essentielles ;

Considérant que la liberté syndicale n'est pas méconnue du fait que la loi prévoit, de façon d'ailleurs superfétatoire, que lorsque l'employeur entend engager une négociation avec les organisations syndicales dans l'entreprise, il en informe ces organisations sans être obligé d'étendre cette information au-delà du cercle de ses partenaires ; qu'ainsi le moyen ne saurait être retenu ;

SUR DIVERSES DISPOSITIONS QUI MECONNAITRAIENT L'ARTICLE 37 DE LA CONSTITUTION :

Considérant que, selon les députés auteurs de la saisine, certaines dispositions de la loi figurant dans les articles 7, 8, 9, 11 et 18, ne relèvent pas du domaine législatif et ont donc été votées en violation de l'article 37 de la Constitution

Considérant que les dispositions des articles 34 et 37, alinéa 1er, de la Constitution ne sauraient être interprétées indépendamment de celles des articles 41 et 37, alinéa 2 ; qu'il résulte du rapprochement de ces divers textes que, par les articles 34 et 37, alinéa 1er, la Constitution n'a pas entendu frapper d'inconstitutionnalité une disposition de nature règlementaire contenue dans une loi, mais a voulu, à côté du domaine réservé à la loi, reconnaître à l'autorité règlementaire un domaine propre et conférer au Gouvernement, par la mise en oeuvre des procédures spécifiques des articles 37, alinéa 2, et 41. le pouvoir d'en assurer la protection contre d'éventuel: empiètements de la loi ; que, dans ces conditions, les députés auteurs de la saisine ne sauraient se prévaloir de ce que le législateur serait intervenu dans le domaine règlementaire pour soutenir que les dispositions ainsi critiquées seraient contraires à la. Constitution :

SUR L'ENSEMBLE DE LA LOI :

Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumises à son examen ;

D E C I D E :

Article premier. - Sont déclarés contraires à la Constitution :

- la deuxième phrase de l'alinéa 2 de l'article 4 de la loi relative à la démocratisation du secteur public ainsi conçu : "Un décret fixe le nombre de ces représentants ; il peut prévoir, si les spécificités de l'entreprise le justifient, la représentation de catégories particulières de salariés au moyen de collèges électoraux distincts" ;

- Dans le 1er alinéa de l'article 5 le membre de phrase formé par les mots "nommés par décret" ;

- Dans l'alinéa 2 de l'article 16 le membre de phrase formé par les mots "dont le nombre de salariés est au moins égal à mille ou dont le nombre de cadres est au moins égal à vingt-cinq".

Article 2. - Les autres dispositions de la loi relative à la démocratisation du secteur public sont conformes à la Constitution.

Article 3. - Les dispositions déclarées contraires à la Constitution ne sont pas inséparables de l'ensemble de la loi.

Article 4. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 juillet 1983

Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.