SEANCE DU 7 JUILLET 1987
En ouvrant à 10 heures la séance, Monsieur le Président exprime l'affliction commune des membres du Conseil à la suite de la disparition de Monsieur MARCILHACY. Celui-ci est décédé dans la nuit de dimanche à lundi ; selon les informations recueillies auprès de Madame MARCILHACY, il avait commencé à souffrir beaucoup dès vendredi, puis la situation s'était aggravée jusqu'à la fin.
Monsieur le Président indique que la cérémonie funéraire se tiendra jeudi 9 juillet à 10 h 30 en la chapelle du Val-de-Grâce selon les souhaits du défunt. Le Président de la République y sera présent.
On connait les liens unissant Monsieur MITTERAND à la famille MARCILHACY. Monsieur MARCILHACY sera enterré non pas à Jarnac mais à Neuilly.
Monsieur le Président ajoute : c'est une très grande perte pour le Conseil constitutionnel ; en dehors de ses grandes qualités intellectuelles, notre collègue était un être exquis.
Monsieur VEDEL : Je suis bouleversé par la mort de Monsieur MARCILHACY, mais je ne pourrais pas assister aux obsèques, je dois aller au Maroc pour traiter avec le Roi d'affaires juridiques. En revanche, si à Jarnac le Conseil constitutionnel doit être représenté, je tiendrais à y aller.
Monsieur le Président soumet au Conseil le projet de nomination, en qualité de rapporteur-adjoint, de Monsieur ROBINEAU, maître des requêtes au Conseil d'Etat, en remplacement de Monsieur LABETOULLE nommé Conseiller d'Etat. Cette nomination est adoptée à l'unanimité.
Monsieur FABRE, à l'invitation de Monsieur le Président, présente le rapport suivant, après avoir exprimé une pensée particulière pour son voisin disparu.
Il est à noter que cette proposition émanait de quatre sénateurs MM. LUCOTTE, HOEFFEL, ROMANI et PELLETIER, qui ne sont pas, il faut le souligner, marseillais, mais respectivement Présidents des quatre groupes de la majorité du Sénat, ce qui donne toute son importance à leur proposition.
La loi qui est déférée au Conseil substitue de nouveaux secteurs électoraux et de nouvelles répartitions de sièges à ceux qui avaient été retenus pour la ville de Marseille par une Loi du 31 décembre 1982.
Avant d'étudier les moyens exposés par les auteurs de la saisine -60 députés socialistes qui concluent à l'inconstitutionnalité de la loi adoptée le 4 juin- il m'est apparu nécessaire, tant sont complexes les systèmes électoraux, même si vous êtes tous d'ancien parlementaires avisés en cette matière, de faire un rapide retour en arrière. Le régime de la ville de Marseille se singularise par des dérogations qui lui sont propres.
A. LA SITUATION ACTUELLE
Depuis la fameuse loi du 5 avril 1884, le régime administratif et électoral de la ville de Marseille a connu une évolution en trois étapes principales au terme desquelles Marseille présente un caractère tout à fait original, distinct tant des autres communes que des grandes villes qui lui sont comparables telles que Paris et Lyon.
1° Jusqu'en 1939, la ville de Marseille était soumise au régime de droit commun de la loi du 5 avril 1884. Après la période de 1939 à 1945 marquée par un régime spécial d'administration directe par les autorités de l'Etat, le décret du 18 octobre 1946 a divisé Marseille en seize arrondissements. Paris et Lyon étaient déjà pourvus respectivement de vingt et neuf arrondissements municipaux. Cette division administrative a eu pour effet de transférer aux.adjoints d'arrondissement des compétences d'Etat concernant l'état civil et les affaires militaires. Mais l'arrondissement n'avait alors, aucun lien avec les différentes procédures de votations. A la différence de Lyon, les limites cantonales ne coïncident pas avec celles des arrondissements. L'ensemble de la ville de Marseille formait, depuis la loi du 5 septembre 1947, une circonscription unique pour les élections municipales.
Le nombre des arrondissements marseillais est resté inchangé jusqu'à aujourd'hui; mais on s'accorde pour reconnaître que, faute sans doute de reposer sur une tradition historique, comme à Paris et à Lyon, ces arrondissements ne réussirent guère à s'imposer comme des réalités administratives. Il y a là, la source d'un divorce entre les arrondissement: et les secteurs électoraux qui est apparu lors de la 2ème phase de l'évolution.
2° La loi du 27 juin 1964 a organisé des secteurs électoraux à Marseille et à Lyon, à l'instar de ce qui se faisait à Paris, pour l'élection des conseillers municipaux. Chaque secteur électoral à Marseille regroupait, sous l'empire de cette loi, deux arrondissements, tandis qu'à Lyon chaque secteur correspond à l'un des neuf arrondissements existants. Vous voyez la distorsion entre Marseille et Lyon.
Ce principe qui consiste à coupler deux arrondissements pour former un secteur électoral ne fut pas affecté par la loi du 31 décembre 1975 qui se borna à porter à 63 le nombre des conseillers municipaux de Marseille.
3° La singularité du régime électoral de Marseille s'est affirmée davantage encore à la suite de l'adoption de la loi n° 82-1170 du 31 décembre 1982 sur les circonscriptions électorales qu'il ne faut pas confondre avec la loi n° 82-1169 du même jour relative à l'organisation administrative.
Alors que le régime électoral de Paris s’aligne sur celui de Lyon dans la mesure où chaque arrondissement correspond désormais à un secteur, la loi procède à Marseille à un découplage des secteurs et des arrondissements jusqu'alors réunis par paires.
D'une part, le nombre des secteurs électoraux y est ramené de huit à six. D'autre part, et surtout, le ressort territorial des conseils d'arrondissements institués par la loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982 dite "Loi P.L.M.", et qui constitue en même temps la base des nouveaux secteurs électoraux, regroupe, selon les cas un, deux, trois ou même quatre arrondissements. Il y a eu en 1982 un découpage assez "sophistiqué"...
Il en résulte des écarts fort importants de population entre les secteurs : 69 % au dessus de la moyenne dans le premier secteur composé de quatre arrondissements, 51 % au dessous de cette moyenne dans le 5ème secteur qui correspond à un seul arrondissement.
J'ai apporté des cartes que vous pouvez consulter, mais il n'est pas certai qu'il soit facile de s'y retrouver dans les méandres du découpage. En revanche, cette disparité dans la délimitation des secteurs, est parfaitement compensée par la répartition des sièges à la stricte proportionnelle, grâce notamment à une augmentation sensible du nombre total des conseillers municipaux qui passent de 63 à 101.
L'écart extrême de représentation entre les secteurs n'excède pas 6,7 %
Pour compléter la description de la situation antérieure à la loi qui nous est déférée, je ferai une dernière observation. Je rappellerai le mode de scrutin toujours applicable en matière d'élections municipale
Il convient en effet d'avoir présent à l'esprit le mode de scrutin pour les élections municipales issu de la loi n° 82-974 du 19 novembre 1982. Celle-ci prévoit, dans les communes de plus de 3 500 habitants, d'attribuer à la liste qui a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour de scrutin ou qui a obtenu le plus de voix au second tour, un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir arrondi, le cas échéant, à l'entier supérieur lorsqu’il y a plus de quatre sièges à pourvoir.
Le nouveau régime électoral de 1982 que je viens de présenter était en vigueur lors des élections municipales de mars 1983. La liste conduite par le maire sortant a recueilli 176 601 voix et obtenu 64 sièges tandis qu'avec près de 2 500 voix de plus la liste de l'opposition municipale se voyait attribuer seulement 37 sièges. Tel a été le résultat du scrutin majoritaire corrigé de proportionnelle à la plus forte moyenne appliqué au découpage issu de la loi du 31 décembre 1982.
Je rappelle que la loi du 19 novembre 1982 de même que la loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982 relative à l'organisation administrative de Paris, Lyon et Marseille ont été en leur temps soumises au Conseil constitutionnel. En revanche, l'autre loi du 31 décembre 1982, qui concerne les secteurs électoraux, ne nous fut pas déférée. On peut s'en étonner, vu les résultats que cela a donné en 1983
B. L'ECONOMIE DE LA LOI PRESENTEMENT EXAMINEE
Cette loi a pour objet unique de modifier le régime électoral et, par voie de conséquence, le régime administratif de Marseille. Elle ne remet pas en cause la situation acquise à Paris et à Lyon.
Elle laisse également inchangé le nombre des conseillers municipaux à Marseille qui reste fixé à 101. Il est toujours extrêmement difficile de réduire le nombre des élus, comme on a pu le voir pour les députés.
Les modifications portent sur le découpage des secteurs électoraux et sur la répartition des sièges entre eux.
La loi revient au nombre des secteurs qui existait avant la loi n⁰ 82-1170 du 31 décembre 1982 : la ville de Marseille est divisée en huit secteurs électoraux, et non plus en six secteurs.
Elle adopte également le principe, abandonné en 1982, de regrouper deux arrondissements contigüs dans un même secteur. Chaque secteur compte ainsi un nombre uniforme d'arrondissements. Le législateur n'a pas cru bon d'aligner le régime de Marseille sur celui de Paris et de Lyon en augmentant le nombre des secteurs pour les faire coïncider avec les seize arrondissements, ce qui aurait coûté fort cher.
Telles sont les deux seules règles reprises du système de la loi du 27 juin 1964 dans le choix des arrondissements regroupés par paire.
Si pour quatre des secteurs, les 2ème, 6ème, 7ème et 8ème, la délimitation retenue est identique à celle qui résultait de la loi du 27 juin 1964, les quatre autres s'inspirent, selon le rapporteur de la proposition de loi devant l'Assemblée nationale, des circonscriptions électorales pour la désignation des députés. Ces nouveaux appariements ne font pas l'objet de contestation.
II est évident que, par rapport à la loi de 1982, le nouveau découpage présente l'avantage de créer des secteurs mieux équilibrés du point de vue démographique : l'écart entre le secteur le plus peuplé, le 7ème, et le secteur de moins peuplé, le 2ème, n'est que de 1 à 2, comme l'a souligné le rapporteur devant l'Assemblé nationale.
2° La répartition des sièges.
Ce sont les choix retenus ici par le législateur qui sont critiqués par les auteurs de la saisine. :
au 1 er secteur (1er et 7ème arrondissements) sont attribués 11 sièges
au 2è secteur (2ème et 3ème ” ) " 8 sièges
au 3è secteur (4ème et 5ème ” ) " 11 sièges
au 4è secteur (6ème et 8ème " ) " 15 sièges
au 5è secteur (9ème et 10ème " ) " 15 sièges
au 6è secteur (11ème et 12ème " ) " 13 sièges
au 7è secteur (13ème et 14ème " ) " 16 sièges
au 8è secteur (15ème et 16 ème " ) " 12 sièges
101 sièges
On observera, tout d'abord, que cinq secteurs comptent un nombre impair de sièges (les 1er, 3è, 4è, 5è et 6è secteurs). : la liste majoritaire dans ces secteurs bénéficiera de la surprime prévue par l'article L. 262 du code électoral.
Il résulte, ensuite, de la répartition des sièges que les écarts de représentation les plus grands par rapport au nombre moyen d'habitants par siège se situent à - 10,1 dans le 1er secteur (sur-représenté), à - 6,1 Hans; le 4ème secteur (également sur-représenté) et au contraire à + 9,4 dans le 7è secteur (le plus peuplé en même temps que le plus sous-représenté).
Cet aspect des choses n'a pas échappé aux auteurs de la saisine.
3° Les autres dispositions de la loi.
Elles se bornent à tirer les conséquences de l'article 1er de la loi. Le ressort territorial des conseils d'arrondissement est modifié conformément à la nouvelle délimitation des secteurs électoraux. L'article 3 de la loi renvoie à des décrets en Conseil d’Etat le soin de préciser les conditions de transfert des biens, personnels et équipements des mairies actuelles aux huit mairies nouvellement instituées, ainsi que les nouvelles modalités de calcul des dotations des arrondissements. Il n'y a pas de critiques dans la saisine à l'encontre de ces dispositions.
J'en arrive maintenant à l'examen de l'argumentation des auteurs de la saisine.
I. Le débat me paraît clair dans ses données de base en ce sens que :
- d'une part, l'argumentation des saisissants est très précise ;
- d'autre part, notre jurisprudence a d'ores et déjà défini l'étendue de notre contrôle tant sur la délimitation des circonscriptions que sur la répartition des sièges à pourvoir.
Cette clarté, jointe à cette complexité, explique pourquoi je proposerai deux projets de décisions, mais je prendrai mes responsabilités de rapporteur.
1.1. L'argumentation des auteurs de la saisine est fondée sur la méconnaissance du principe d'égalité.
Elle comporte deux aspects :
a) A titre principal il est soutenu que l'égalité des citoyens devant le pouvoir de suffrage est méconnue dans la mesure où les sièges attribués à chaque secteur n'ont pas été, dans tous les cas, répartis proportionnellement à la population.
La critique porte sur trois secteurs : les 1er, 4e et 7e secteurs.
Pour les saisissants la majoration de la représentation des 1er et 4e secteurs ne repose sur aucun critère recevable.
Sa seule justification serait, nous disent-ils, d'ordre politique. Il s'agirait de privilégier les secteurs favorables à la majorité parlementaire actuelle.
b) A titre subsidiaire, les auteurs de la saisine font observer qu'il y aurait rupture d'égalité entre Marseille et les autres collectivités publiques si le critère qui a été retenu par le législateur pour minorer la représentation du 7e secteur par rapport à celle des 1er et 4e secteurs est fonction, non de l'importance de la population comme l'impose la tradition républicaine, mais du nombre d'électeurs inscrits.
Comme on le voit la saisine, et il faut en savoir gré au mandataire des saisissants, est étroitement circonscrite dans son argumentation.
1-2. Notre jurisprudence en matière de délimitation des circonscriptions et de répartition des sièges, nous fournit des indications très précieuses.
Les décisions qui viennent à l'esprit sont :
- celles des 8 août 1985 et 23 août 1985 que vous avez rendues à propos de la délimitation des régions au sein du territoire de Nouvelle-Calédonie ;
- celles qui sont relatives à la délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés : il s'agit des décisions des 2 juillet 1986 et 18 novembre 1986, que j'ai eu l'honneur de rapporter devant vous.
Plusieurs points me paraissent ressortir de ces décisions :
. En 1er lieu, la délimitation des circonscriptions et la répartition des sièges doivent, pour être conforme au principe d’égalité, reposer sur des bases essentiellement démographiques ;
. En deuxième lieu, le législateur a la possibilité de s'écarter de cette règle fondamentale, en fonction d'impératifs d'intérêt général ;
. Il ne peut le faire, et c'est le 3e enseignement que l'on tire de votre jurisprudence, que dans une mesure limitée ;
. En 4e lieu, tout écart de représentation qui serait manifestement excessif tomberait sous le coup de notre censure. Vous n'exercez donc sur ce point qu'un contrôle restreint.
. Enfin, la délimitation des circonscriptions elle-même ne doit procéder d'aucun arbitraire.
C'est ce qu'a affirmé pour les élections législatives la décisions du 18 novembre 1986. Encore avons-nous précisé en,la circonstance que notre contrôle sur l'absence d'arbitraire du découpage était limité. Je note que l'on peut faire une projection de la jurisprudence relative aux élections législatives sur les élections municipales, comme on l'a fait au cours des débats parlementaires.
Je cite sur ce point le 10e considérant de la décision :
"Considérant que la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient donc pas de rechercher si les circonscriptions ont fait l'objet de la délimitation la plus équitable possible ; qu'il ne lui incombe pas davantage de faire des propositions en ce sens, comme peut être amené à le faire le Conseil d'Etat dans l'exercice de ses fonctions administratives".
II - C'est au vu de ces éléments qu’il nous faut prendre position sur la constitutionnalité de la loi soumise à notre examen.
Il me paraît utile de souligner liminairement que la délimitation des secteurs électoraux n'est pas contestée par les auteurs de la saisine. Les indications que j'ai fournies précédemment montrent d'ailleurs que cette délimitation n'est pas sérieusement contestable sur le plan juridique. Les secteurs sont formés de deux arrondissements chacun. Leur territoire est contigû. L'importance démographique de chaque secteur est plus satisfaisante que sous l'empire de la loi du 31 décembre 1982.
Est seule en cause la répartition des sièges entre les secteurs. Et même de ce dernier point de vue, la contestation ne porte directement que sur trois secteurs pour un ensemble de huit secteurs. Les auteurs de la saisine, ainsi que je l’ai indiqué, font observer que l'application stricte de la répartition des sièges proportionnellement à la population aurait voulu que le 7e secteur soit affecté de 18 sièges au lieu des 16 retenus et que les 1er et 4e secteurs disposent respectivement de 10 sièges au lieu de 11, et de 14 sièges, au lieu de 15.
Il est incontestable, et cela n'a pas été mis eh doute par le Gouvernement, qu'il y a un écart de représentation qui s'éloigne de l'application d'un critère démographique.
Cet écart de représentation est-il ou non contraire aux exigences constitutionnelles ?
Pour répondre à cette question, il convient, à mon sens, de se placer successivement d'un point de vue quantitatif et d'un point de vue qualitatif.
2.1. - L'aspect quantitatif -
Les rapporteurs de la proposition de loi devant chaque assemblée ; (M. HAENEL devant le Sénat ; M. CLEMENT devant l'Assemblée nationale) se sont plu à mettre en évidence que les écarts de représentation d'un secteur à l'autre demeuraient limités.
C'est ainsi que M. HAENEL s'expirmait le 14 mai 1987 au Sénat, en ces termes :
"en aucun cas l'écart maximal par siège par rapport à la moyenne des habitants ne dépasse 10 p. 100. Cet écart est donc bien loin d'atteindre l'écart admis récemment par le Conseil constitutionnel pour le découpage des circonscriptions législatives".
Dans les débats, il a été souvent fait allusion au Conseil constitutionnel : je ne sais si lion doit y voir un hommage ou l’effet d’une dissuasion....
M. CLEMENT n'a pas tenu un langage substantiellement différent devant l’Assemblée nationale. Après avoir insisté sur le fait que l'écart serait de plus 9,4 p. 100 dans un cas et de moins 10,1 p. 100 dans l'autre, il concluait ainsi :
" Nous sommes très loin des marges tolérées par le Conseil constitutionnel" (J.O. Déb. Ass. Nat. 3 juin p. 1926).
L'impression que l'on retire de la lecture des débats parlementaires est que la répartition des sièges échapperait à votre censure du seul fait que l'écart de représentation entre les secteurs resterait en deçà de la marge de variation de plus ou moins 20 p. 100 au sein d'un même département, qui a été retenue pour les élections législatives au scrutin majoritaire.
Face à cette logique purement quantitative, il importerait peu que la répartition proposée par les auteurs de la saisine soit plus satisfaisante sur le plan démographique que la répartition résultant de la loi déférée.
Mais si l'écart de représentation doit être limité, il résulte également de votre jurisprudence que tout écart de représentation doit reposer sur des impératifs d'intérêt général. On peut se référer sur ce point à votre décision du 8 août 1985 concernant la loi sur l'évolution de la Nouvelle- Calédonie .
L'analyse quantitative doit donc s'accompagner d'une analyse qualitative.
2.2. Aspects d'ordre qualitatif.
2.2.1. Les débats parlementaires ont été très éclairants en ce sens qu'une authentique discussion a eu lieu sur le mérite et les justifications de la répartition des sièges résultant de la proposition de loi.
- Deux impératifs d'intérêt général ont été expressément mis en avant pour justifier dette sur-représentation des 1er et 4ème secteurs et la minoration corrélative de la représentation du 7ème secteur.
. Il s'agit tout d'abord, de l'idée d'anticipation sur l'évolution démographique du centre-ville. L'exposé des motifs de la proposition de loi est à cet égard très net :
" La répartition proposée a été effectuée sur la base de la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Il a été également tenu compte subsidiairement de l'évolution démographique de la ville de Marseille qui devrait être fortement influencée dans les prochaines années par les mesures prises pour repeupler le centre-ville".
. Une deuxième considération d'intérêt général a été invoquée pour justifier la minoration de la représentation du 7e secteur. Elle ressort du rapport de M. CLEMENT devant l'Assemblée nationale et de diverses interventions de députés.
Ce motif est tiré de l'importance de la population d'origine étrangère dans le 7e secteur.
- Enfin, dans son mémoire écrit le Gouvernement a cherché à conforter le mérite de la répartition des sièges opérée par la loi en se plaçant sur un terrain un peu différent.
La légère sur-représentation des 1er et 4e secteurs résulterait de ce qu'il s'agit du centre historique de la ville, centre au sein duquel se trouvent implantés les services collectifs municipaux et les services culturels les plus importants et où il est projeté de construire la nouvelle préfecture de région.
Or, fait observer le Gouvernement les secteurs électoraux sont et demeurent des arrondissements municipaux, dotés depuis la loi du 31 décembre 1982 de conseils d'arrondissements, chargés de la gestion d'un certain nombre d'équipements collectifs.
Cette argumentation du Gouvernement a été rattachée par lui à un alinéa du rapport n° 214 de M. HAENEL, sénateur, qui est ainsi libellé :
" Il a semblé par ailleurs souhaitable d'effectuer un lissage du nombre des sièges de chaque secteur afin de donner une certaine homogénéité numérique aux futurs organes représentatifs, tels que les conseils d'arrondissement."
Mais à la vérité, cet argument n'a pas été repris dans la suite du débat.
2.2.2. L'instruction contradictoire dont a fait l'objet la saisine, de même que les recherches complementaires effectuées à ma demande par le Service juridique, m'ont convaincu de l'extrême fragilité des justifications qui ont été invoquées pour ne pas faire une application logique du critère de représentation démographique.
Je vais reprendre ces justifications l'une après l'autre :
a) Je crois qu'on peut écarter immédiatement de l'analyse l'argument tiré de la nécessité d'assurer une certaine homogénéité numérique des conseils d'arrondissement. Outre le fait, comme je l'ai déjà dit, que cet argument ne s'évince guère des débats parlementaires, il ne résiste pas davantage à l'analyse et ceci pour deux raisons.
D'une part, selon l'article 4 de la loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982 qui demeure inchangé, le nombre des conseillers d'arrondissement est le double de celui des conseillers municipaux, sans toutefois pouvoir être inférieur à dix ni supérieur à quarante. Compte tenu de doublement prévu par la loi, il n'y a pas lieu de craindre qu'un quelconque conseil d'arrondissement à Marseille, puisse ne pas comprendre un nombre suffisant de membres pour faire face à ses missions.
D'autre part, on note que le conseil d'arrondissement compétent pour le 1er secteur aurait 22 membres suivant la loi déférée, et 20 membres si l'on faisait droit jusqu'au bout à l'argumentation des saisissants.
Le Conseil d'arrondissement du 4ême secteur aurait 30 membres suivant la loi déférée et 28 membres dans la logique développée par les auteurs de la saisine.
En tout état de cause les nombres de 20 et de 28 membres restent supérieurs au nombre total de membres qu'aura le Conseil d'arrondissement du 2ème secteur, à savoir 16 membres.
b) Je ne crois pas davantage pertinent l'argument tiré de l'importance de la population étrangère dans le 7ème secteur. On peut formuler à son encontre plusieurs objections.
. Tout d'abord, une objection de droit. Si l'on examine la législation applicable à l'élection des conseillers municipaux depuis plus d'un siècle, on constate que le critère dominant est celui du nombre d'habitants et non celui du nombre des électeurs inscrits. Cette question a été traitée de façon très approfondie le 24 mars 1885 devant la Chambre des députés lors de la discussion d'une loi électorale. En la circonstance, le Ministre de l'intérieur Waldeck ROUSSEAU fit observer que le système consistant à prendre comme base de la loi électorale, le nombre des électeurs inscrits, était contraire aux principes qui régissent l'ensemble de notre organisation administrative. Il soulignait à ce propos que la population est prise en considération :
"quand il s'agit de déterminer le nombre des conseillers municipaux d'une commune, quand il s'agit en certains cas de répartir entre les cantons d'arrondissement
les membres du Conseil d'arrondissement. Elle entre en ligne de compte pour la détermination de certaines charges, de certaines contributions et doit, par suite également entrer en ligne pour la détermination des droits et des avantages, alors précisément qu'il s'agit d'être représenté dans l'assemblée qui établit ces charges."
On ne saurait mieux dire. Le Conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune, nous dit la loi municipale. Et ces affaires de la commune intéressent tous ses habitants et pas seulement les électeurs inscrits sur les listes électorales ; elles intéressent les enfants, les adultes non inscrits et également la.population étrangère.
J'observe d'ailleurs que c'est en ce sens que s'est prononcé le Conseil d'Etat statuant au contentieux à propos de l'application du critère démographique au découpage cantonal,dans un arrêt du 28 janvier 1987, TANGUY et GUILLOU.
Notre propre jurisprudence a elle aussi mis au premier plan le critère démographique dans les décisions d'août 1985 sur la Nouvelle-Calédonie. La même idée a été retenue en 1986 pour les élections législatives.
Il est vrai qu'on peut invoquer en sens inverse le fait que l'article L. 254 du Code électoral prévoit la possibilité de diviser une commune en sections électorales quand elle se compose de plusieurs agglomérations distinctes chaque section élisant un nombre de conseillers proportionné au chiffre des électeurs inscrits.
Mais, comme me l'ont précisé les représentants du ministère de l'intérieur, il n'est recouru dans ce cas au chiffre des inscrits que parce que l'on ne dispose pas directement d'éléments résultant du recensement de la population.
. On peut souligner en deuxième lieu que le recours aux inscrits dans le 7ème secteur apparaît comme assez peu logique.
Si l'on se reporte au rapport écrit de M. Pascal CLEMENT où cette question est abordée, on constate que le rapport de la population électorale par rapport à la population totale n'est nullement atypique dans le 7ème secteur. Ce rapport est certes de 51 % dans c.e septième secteur alors qu'il s'élève à 63,5% dans le 4ème secteur. Mais à lire les chiffres mentionnés par M. CLEMENT, on note que le rapport entre la population électorale et la population totale est encore plus faible dans le 8ème secteur que dans le 7ème secteur. Il est en effet de 45,4 % dans le 8ème secteur alors qu'il est, comme je viens de le dire de 51% dans le 7ème secteur.
Il est surprenant que le nombre des inscrits ait été pris en compte uniquement pour le 7ème secteur. Aucune explication n'a pu m'être fournie sur ce point.
Ce système n’a pas été globalement retenu.
. En réalité, le fait que le législateur se soit référé, comme en filigrane, aux inscrits a été contesté par les représentants du Gouvernent. On doit souligner sur ce point que devant l'Assemblée nationale, le ministre chargé des collectivités locales M. GALLAND a pris soin d'insister sur le fait que "la répartition des sièges retenue par la commission des lois repose essentiellement sur des données démographiques" (J.O. Déb. Ass. Nat. 4 juin 1987 p. 1961);et dans le même sens, ibidem p. 1963). Pour le ministre, c'est seulement à la marge que l'on s'écarte du critère démographique et cela tient principalement "à la revitalisation en cours du centre-ville pour le premier secteur et à l'expansion démographique rapide du sud de la ville pour le quatrième".
Le rapporteur du texte devant l'Assemblée nationale a adopté quant à lui une attitude quelque peu contradictoire... Au cours du même débat et à la même page du Journal officiel, il a, dans un premier temps, reproché aux élus du Front national qui plaidaient en faveur d'une attribution des sièges proportionnellement à la population, de vouloir représenter les étrangers de la ville de Marseille.
Puis, dans un second temps, M. CLEMENT a relevé, au contraire,que la tradition républicaine prenait pour base de calcul le nombre d'habitants et non pas le nombre d'inscrits.
Au vu de ces divers éléments, on ne peut donc justifier la répartition des sièges opérée par la loi, par une référence au nombre des inscrits.
c) Reste, et c'est là l'essentiel, l'anticipation qui a été faite sur l'évolution démographique prévisible de la ville et plus spécialement du centre-ville.
Pas plus que les précédentes justifications, cette idée d'anticipation sur l'évolution démographique prévisible ne me paraît pourvoir être retenue, et ceci pour deux séries de raisons, les unes d'ordre juridique, les autres touchant aux éléments de fait.
Sur un plan juridique tout d'abord on peut faire deux observations.
En premier lieu, l'idée d'anticipation pure et simple, n'est pas en harmonie avec la règle traditionnellement adoptée en matière municipale. Selon l'article R 114-2 du Code des Communes : "Le chiffre de la population totale, telle qu'elle résulte du dernier recensement général de la population, reste le chiffre de population auquel il convient de se référer en matière électorale, notamment dans les cas prévus par l'article R 121-2 et R 121-6", c'est-à-dire pour la détermination de l'effectif du conseil municipal ou d'une délégation spéciale. Je rappelle que nous-mêmes nous nous étions référés aux chiffres du recensement et nous avions souhaité que les opérations de recensement soient rapprochées de celles du renouvellement des instances élues (1). En second lieu, il est en soi curieux que le critère tiré de l'évolution prévisible de la démographie soit pris en compte uniquement pour deux ou trois secteurs et non pour l'ensemble. En droit strict, il'y a là matière à interrogation.
On pourrait penser a priori qu'il n'y a d'augmentation prévisible de la population que pour les 1er et 4e secteurs.
Mais précisément, les renseignements recueillis par votre rapporteur ne plaident pas dans ce sens ; tout au contraire.
Au cours des débats parlementaires, il a été fait état du nombre très élevé de permis de construire délivrés pour des opérations d’urbanisme concernant le centre-ville.
Mais plusieurs parlementaires qui connaissent le champ d’application de la législation sur le permis de construire n’ont pas manqué de faire observer qu’il y a permis et permis. Aussi bien, Mme RAPUZZI, sénateur socialiste, que M. Guy HERMIER, député communiste ou M. Pascal ARRIGHI, député du Front national, ont rappelé que le permis de construire n’est pas limité aux seuls bâtiments à usage d'habitation et qu'il est, de plus, exigé non seulement pour des constructions nouvelles mais également pour l'aménagement de constructions existantes.
Qui plus est, les informations statistiques fournies par les saisissants (par M. CARCASSONNE) dans une note complémentaire, font apparaître que si de nombreuses, constructions sont prévues dans le 1er secteur (qui regroupe les 1er et 7e arrondissements), elles concernent des commerces, des bureaux, des espaces collectifs, tandis que le nombre de logements est appelé à diminuer de manière très importante, soit 1305 logements de moins.
Cette note complémentaire a été communiquée au Secrétariat général du gouvernement qui n'a pas produit d'observations en réplique.
Force est de déduire de l'instruction qu'il n'y a pas de justifications convaincantes aux écarts de représentation constatés respectivement dans les 1er et 4e secteurs, d'une part, et dans le 7e secteur, d'autre part.
Pour en avoir le coeur net, j'ai demandé au service juridique de faire une 'sorte de test, de chiffrer, à partir des résultats des élections législatives du 16 mars 1986, quelle serai la répartition des sièges entre les forces politiques en présence, dans les deux cas suivants.:
- selon la loi déférée,
- selon la répartition proportionnelle à la population.
Avec la loi déférée, une liste UDF/RPR obtiendrait, avec 33 % des voix, 52 sièges sur les 101 sièges à pourvoir, avec notamment 8 sièges dans le 1er secteur et 12 sièges dans le 4e secteur. Au demeurant, devant l'Assemblée nationale M. GAUDIN avait indiqué que, dans le 4e secteur, il était assuré d'avoir la majorité absolue (J.O. Déb. Ass. Nat. 4 juin 1987 p. 1953).
Une application plus stricte du critère démographique aurait pour conséquence de faire perdre la majorité absolue des sièges à cette même liste d'union UDF/RPR
Avec 33 % des voix, elle obtiendrait 50 sièges sur les 101 sièges à pourvoir, avec cette fois 7 sièges (et non 8) dans le 1er secteur et 11 sièges (et non 12) dans le 4e secteur.
C es extrapolations ont selon toute vraisemblance été effectuées lors de l’élaboration de la loi qui nous est déférée. Elles expliquent, mieux que de laborieux développe- ments sur le centre-ville et son devenir, les écarts de représentation que nous constatons aujourd'hui. Ces:petites retouches peuvent modifier considérablement la géopolitique de la ville.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, je suis enclin pour ma part à vous proposer d'adopter un projet de non-conformité de la loi à la Constitution.
J'ai néanmoins beaucoup hésité avant d'arrêter ma position. Je suis conscient que des objections peuvent m'être faites. Elles sont essentiellement au nombre de deux.
En premier lieu, je reconnais bien volontiers que la loi dont je propose la censure est en réalité plus satisfaisante au regard des exigences constitutionnelles que ne l'est la loi n° 82-1170 du 31 décembre 1982. N'y-a-t'il pas un paradoxe, à s'opposer aux dispositions nouvelles qui sont juridiquement meilleures que le texte antérieur ?
Mais ce paradoxe est inhérent au caractère facultatif et a priori du contrôle exercé par le Conseil. L'appréciation de la constitutionnalité d'une loi ne résulte pas de la comparaison de ce texte avec la législation antérieure dont, au demeurant, nous n'avons pas eu à connaître. La constitutionnalité d’un texte qui vous est déféré, est fonction simplement de sa confrontation avec les exigences constitutionnelles.
Or, au cas présent, il me semble que le texte déféré ne satisfait pas pleinement au principe constitutionnel d'égalité.
Une autre objection tient à l'étendue de votre contrôle. Comme je l'ai rappelé, votre jurisprudence implique que nous n'exercions qu'un contrôle restreint sur la répartition des sièges effectuée par le législateur.
Mais la présente affaire tend à montrer que la portée réelle de votre contrôle n'a pas été pleinement comprise par le législateur, ou n'a pas voulu l'être. Ce dernier a cru que dès lors que les écarts de représentation restaient limités, il pouvait, par le biais de la répartition des sièges, avantager une liste par rapport à ses concurrentes.
Je n'ignore pas que de telles pratiques ont pu avoir cours par le passé, à une époque où le contrôle de constitutionnalité des lois n'était pas devenu une réalité.
Mais l'affirmation de votre contrôle doit conduire aujourd'hui, me semble-t'il, à censurer, en l'état, la loi soumise à notre examen.
Ainsi en vous proposant en définitive un projet de non-conformité, j'ai choisi la position qui me paraissait la plus cohérente sur le plan juridique et, si cela peut être pris en compte, la plus conforme a la morale électorale, si souvent bafouée dans le cas de Marseille. Je laisse à votre sagesse le soin de trancher en dernier ressort.
Monsieur le Président : je remercie Monsieur le rapporteur de son rapport extrêmement complet sur un sujet dont les conséquences ne sont pas aussi importantes que celles d'autres affaires que nous avons eu à traiter.
Il ne s'agit ici que du conseil municipal de Marseille, à l'égard duquel on ne peut pas dire que la loi de 1982 ait été un modèle des vertus républicaines. Pour les prochaines élections, le problème sera le Front national et l'importance qu'il prendra. Je suis également convaincu que les manipulations des chiffres à l'égard du Front national risquent d'être déjouées.
Sur le plan juridique, cependant, c'est intéressant : il y a les principes qui se posent et leur application à une ville, ville qui a été souvent soumise à des particularités remarquables.
J'ouvre la discussion.
Monsieur. SIMONNET qui a demandé la parole : vous avez parlé des principes et de leur application. On confond toujours les 1er et 4e secteurs. En fait, les critiques ne portent que sur le premier secteur, celui de la Canebière : c'étaient les champs-Elysées, c'est devenu Bab El Oued. Donc on veut réhabiliter. On implante des centres de commerce, on va y construire la nouvelle préfecture. Là où l'on a trouvé les magnifiques remparts qui ont tenu à distance même César, on a aménagé des jardins. La Canebière a beaucoup changé. Hélas la propagande du Front national.sur le thème "rendre Marseille aux Marseillais" a donné 26 % de voix au Front national et en a fait la première force politique à Marseille.
Tout le monde veut réhabiliter la Canebière. C'est la même chose qu'à Bruxelles : autour de la Grande Place, c'est un quartier arabe dans des magnifiques immeubles des 17e et 18e siècles. Egalement à Lyon, et Monsieur JOXE ne me démentira pas, dans le 5e arrondissement au pied de la colline de Fourvière, on réhabilite très bien.
Donc dans le premier secteur, c'est un problème de qualité et non pas de quantité, comme l'a dit le rapporteur.
Mais le 4e secteur est différent : c'est le secteur en pointe, le Prado, il est peuplé ; c'est une zone agréable, peu bruyante, avec beaucoup d'arbres, les fameux platanes^ près de la corniche, avec des opérations immobilières, comme la remise en état de ce qu'on a appelé selon une dénomination regrettable "la cité du Fada", la réalisation de Le Corbusier.
Avant, il y avait des usines ; maintenant des ensembles immobiliers naissent dans le 4e secteur. Sa population a augmenté entre 1975 et 1982, à la différence des autres secteurs de la ville ; selon l'agence d'urbanisme de Marseille il y a un grand nombre de permis de construire.
Tous les raisonnements sont permis pour le 1er secteur, mais non pour le 4e secteur ; d'ailleurs on n'en parle pas dans lés débats.
Donc, cela réduit le litige à deux sièges sur cent un : ce n'est pas beaucoup.
D'autre part, la démographie marseillaise est très mobile, la plus mobile que l’on connaisse. Marseille est une ville d'immigration. On arrive dans un quartier, puis les gens s'éparpillent à la recherche d'un meilleur logement. Certains quartiers connaissent une population intense puis, quelques mois plus tard, la démographie a changé. Il y a un siècle, il y avait moins d'étrangers : les italiens étaient peintres, les polonais mineurs ; ce n'était pas l'arrivée massive actuelle. Il y a parfois jusqu'à 60 % d'immigrés, comme dans l'ilôt Belsunce, qui vont ensuite ailleurs.
Il existe un deuxième facteur de grand changement, parfaitement légal mais qui pose plus de questions. En vertu de la loi sur les conseils généraux, on tire au sort les cantons renouvelables. Alors, beaucoup de Marseillais changent de domicile tous les trois ans ; on va chez un parent. En 1982, on a pris les gens où ils étaient, mais beaucoup n'habitaient là qu'à titre fictif. On l'a vu quand les documents électoraux revenaient par paquets ; on s'est aperçu que des gens se domiciliaient même dans des immeubles non achevés. Si Monsieur PAOLI n'était pas là, je dirais que c'est la Corse étendue jusqu'à Marseille.
Monsieur VEDEL : Mais Monsieur PAOLI est là !
Monsieur SIMONNET poursuivant.: Iln'écoute pas. Les Corses ont amené ’’ une pratique politique... Je note que personne n'a cité les mêmes chiffres au cours des débats parlementaires. Entre les rapports de Messieurs HAENEL et CLEMENT, il y a environ 2 % de différence. Quel a été le vrai résultat du recensement de 1982 ? Personne, ne peut le dire. Nous sommes sur un sable mouvant.
Il n'y a qu'une seule certitude : le 4e secteur, est le seul secteur en expansion. Marseille s'étend vers le sud.
Reste la Canebière : pour favoriser la revitalisation, on lui attribue un siège que l'on prend sur le secteur le plus représenté. Qu'est-ce que cela au regard du gerry mandering pratiqué en 1982 ? Tout plutôt que cela ! Ce projet est 95 fois meilleur que l'autre : certes il eût été préférable qu'il soit 100 fois meilleur, mais il est vraiment 95 fois meilleur.
Si on censure, que va-t-il se passer ? On en resterait au découpage de 1982, qui est une véritable galéjade. Le découpage de 1982 est farfelu. On nous propose mieux. Je crois qu'il faut retenir le 2e projet, celui de conformité, même si le découpage n'est pas parfait pour le 1er secteur.
Monsieur FABRE : Monsieur SIMONNET ne discute pas du 1er secteur. Moi, je m'en tiens aux. principes. Si l'on fait de la proportionnelle, pourquoi ne pas l'appliquer partout, pourquoi accorder un régime spécial à un seul ?
De plus, l'argument de la population flottante se retourne contre la thèse de Monsieur SIMONNET : on ne peut s'appuyer sur aucune prévision valable, onne peut anticiper. Il faut donc au contraire s'en tenir aux chiffres du recensement.
Enfin, par rapport au système de la loi de 1982, on n'a pas à se poser de question. Notre problème est d'apprécier la loi déférée au regard des normes constitutionnelles.
Donc je pense pour ma part qu'il faut maintenir le principe de la proportionnelle.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : J'ai écouté avec infiniment d'intérêt le rapporteur, tous les renseignements qu'il nous a donnés, et j'ai lu les deux projets de décision.
Mes réflexions personnelles sur la situation qui nous est soumise et le rappel de principes généraux sont les suivants :
Nous ne sommes pas un deuxième Parlement. Le Parlement vote la loi ; nous devons voir si le texte voté par la majorité dans sa sagesse frappe d'une manière certaine, et non d'une certaine manière, les principes constitutionnels, l'égalité devant la loi.
Je ne crois pas que ce texte heurte nettement le principe d'égalité. Il y a deux choses dans ce texte : il crée des secteurs ; il répartit des sièges. En ce qui concerne les secteurs, pas de contestation ; en ce qui concerne les sièges, il y a 101 sièges et trois secteurs seulement sont contestés, les cinq autres sont considérés comme parfaitement pourvus. Les trois secteurs en cause varient de - 2 sièges pour l'un et de + 1 siège pour les deux autres.
Le législateur, dans sa sagesse, a-t-il commis une inégalité certaine en ne faisant pas un rapport parfait pour deux sièges sur 101 ? Chacun a sa conception personnelle, mais le grand principe de l'égalité a-t-il été bouleversé parce qu'un siège a été transféré ?
Quand je pense à notre jurisprudence relative au découpage électoral et quand je vois combien il est difficile de répartir 101 sièges, peut-on vouloir faire tomber toute une loi pour 1 ou 2 sièges, attribués à tort, sur 101 ?
Quand on pense à la loi précédente, pourquoi n'y avait-il pas de comparaison ? On voit les résultats des précédentes élections municipales. Si l'on censure, en cas d'élections on appliquera la loi de 1982 et on arrivera à un résultat de 35 sièges pour la majorité. Il est tout de même un peu gaulois que ceux qui crient à l'inégalité pour ce siège sont ceux-là mêmes qui ont voté la loi de 1982.
Je ne vais pas chercher le problème de l'intérêt général. J'estime que l'inégalité n'existe pas quand on ne peut critiquer que deux sièges sur 101.
Si même on a songé à prendre en considération l'écart entre la population et les électeurs, je ne crois pas que cela a été fait dans un esprit de tromperie.
Il existe un moyen : la population, c'est le recensement ; mais il est toujours possible aux communes de demander un recensement exceptionnel aux frais de la commune. En tant qu'élu, je le sais bien. C'est le cas de La Hague ; la population a explosé en 2 ou 3 ans. Quel moyen avons-nous en ce qui concerne la différence entre
la population et les électeurs inscrits ? On connaît à peu près les proportions : dans les communes où l'on attribue un cela représente entre 3 % et 4 % d'habitants. Il y a une sorte de balance qui se produit, on le constate avec les variations de la liste électorale. Donc on peut projeter.
Moi, en définitive, je ne vais pas jusqu'à l'intérêt général, je laisse mon ami SIMONNET parler du Prado. Pour moi, il y a une injustice criante dans la loi de 1982 qui aurait été censurée.
Alors que c'est le Parlement qui fait la loi, allons-nous appliquer le principe d'égalité proclamé dans la Déclaration des droits de l'homme quand l'erreur ne concerne qu'un ou deux sièges sur 101 ? Où serait alors la marge d'appréciation du Parlement ?
Monsieur LECOURT : je ferai deux observations : sur la jurisprudence électorale du Conseil constitutionnel qui est à préserver et sur les limites du contrôle exercé par le Conseil.
Sur ces deux points, je m'éloigne des conclusions du rapporteur. Mais son rapport a été présenté avec beaucoup d'objectivité et a exposé l'ensenible des éléments.
I. Prenons bien garde, nous sommes ici dans un cadre spécial prévu par la Constitution, le titre XI : il ne concerne pas les assemblées législatives mais les collectivités territoriales. Par conséquent, ce que l'on décide ici sera valable pour les départements, les communes et les T.O.M.
Notre jurisprudence était parfaitement claire avec les deux décisions d'août 1985. Dans la première décision, nous disons que les principes posés sont manifestement méconnus. La deuxième décision intervient après un remodelage selon lequel un secteur a trois sièges de plus ; les requérants faisaient valoir que la correction ainsi opérée laissait subsister un déséquilibre très important entre les secteurs et entre le chiffre de la population et le nombre des sièges. C'est la même chose qu'aujourd'hui.
Le Conseil constitutionnel a alors fixé certains principes dont on s'éloigne un peu et même - je le regrette - beaucoup :
"Considérant que le Congrès, dont le rôle comme organe délibérant d'un territoire d'outre-mer ne se limite pas à la simple administration de ce territoire, doit, pour être représentatif du territoire et de ses habitants, dans le respect de l'article 3 de la Constitution, être élu sur des bases essentiellement démographiques qu'il ne s'ensuit pas que cette représentation doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque région et qu'il ne puisse être tenu compte d'autres impératifs d'intérêt général, lesquels peuvent intervenir dans une mesure limitée ; que cette mesure (...) n'a pas été manifestement dépassée" (décision n° 85-197 DC du 23 août 1985, Rec. p. 70).
Aujourd'hui disparaît la remarque du Conseil constitutionnel qui a son poids : "qu'il ne s'ensuit pas que cette représentation doive être nécessairement proportionnelle..." Je vois dans cette formule plusieurs implications que je ne retrouve pas dans les projets de décision : elle permet au législateur de tenir compte de tous les particularismes delà géographie, des conditions économiques, de la démographie et même, comme cela a été le cas en Nouvelle-Calédonie, de la répartition éthnique.
Si on laisse entendre que désormais la répartition doit être strictement proportionnelle, il n'y a plus de libèrté pour le législateur, plus de liberté pour tenir compte des circonstances, même dans une mesure limitée ; le législateur devient un répartiteur automatique des sièges selon une règle créée par le Conseil constitutionnel lui-même.
Dans cette évolution de la jurisprudence, il y a un crescendo dans la rigueur à l'égard du législateur.
Après ces décisions de 1985, on a reproduit une partie de ces considérants, mais en introduisant la phrase suivante : "si le législateur peut tenir compte d'impératifs d'intérêt général susceptibles d'atténuer la portée de cette règle fondamentale, il ne saurait le faire que dans une mesure limitée" (CC., 1er et 2 juillet 1986, cons. 21). Et le considérant 24 de la même décision fait application de ce principe : "si, en elles-mêmes, les exceptions apportées au principe de l'égalité de suffrage ne procèdent pas, pour chacune d'elles, d'une erreur manifeste d'appréciation, elles pourraient par leur cumul aboutir à créer des situations où ce principe serait méconnu".
Le Conseil constitutionnel a équilibré en 1.986 la limitation apportée à la liberté du législateur par le contrôle restreint, alors que finalement vous vous faites le contrôleur du détail.
Dans la décision du 18 novembre 1986, un nouvel élément contraignant est introduit "en fonction d'impératifs précis" (cons. 7).. Mais, en contre partie, il est dit pour les élections législatives, au considérant 10, "que la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement ; il ne lui appartient donc pas de rechercher si les circonscriptions ont fait l'objet de la délimitation la plus équitable possible". Et le Conseil a conclu que les choix effectués par le législateur n'avaient manifestement méconnu les exigences constitutionnelles (cons. 12)
Donc progressivement, nous introduisons plus de rigueur pour les législatives. Ici, je critique les deux projets proposés que ce soit de conformité ou de non conformité. Nous sommes dans des élections territoriales.
Si nous avions à rejuger l'affaire de la Nouvelle-Calédonie avec la jurisprudence proposée dans ces deux projets, nous serions obligés de censurer. Peut-on appliquer la jurisprudence développée par les législatives aux élections territoriales ?
II. Le rôle du Conseil constitutionnel.
Il se trouve considérablement renforcé par rapport à la jurisprudence ancienne : la notion d’erreur manifeste disparaît, on admet seulement, dans le projet de conformité, que nous sommes en présence de quelque chose de bénin. Nous n'avons pas à entrer dans le détail de ce que font les parlementaires.
Je suis préoccupé par la liberté de plus en plus résiduelle laissée au législateur au fur et à mesure de nos décisions. Le Conseil constitutionnel n'est pas le Conseil d'Etat dont on nous a distribué une décision du 28 janvier 1987 (Tanguy et Guillou) pour nous faire occrôjre que le rôle du Conseil constitutionnel est semblable à celui du Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat doit contrôler l'application de la loi. Notre contrôle, qui n'est pas le même, ne doit pas aller dans le détail, dans tous les éléments qui opposent le rapporteur et Monsieur SIMONNET.
Avons-nous les moyens d'examiner l'évolution de la population de tel ou tel secteur, comme l'a fait le législateur. Celui-ci peut s'écarter de la règle dans une mesure limitée. La seule question à se poser est la suivante : a-t-il manifestement excéder cette mesure limitée, les limites permises ? Je ne le crois pas.
Notre contrôle est restreint; pour moi cela suffit ; le contrôle du détail ne paraît pas nous appartenir. Si l'on contrôle le détail, il n'y aura pas un découpage qui ne nous sera pas déféré et le Conseil constitutionnel devra apprécier les raisons, jusqu'où le principe de proportionnalité a été respecté.
Le législateur ne devrait pas s'en tenir seulement aux chiffres, mais doit pouvoir, regarder d'autres éléments.
Monsieur SIMONNET semblait passer en pertes et profits la Canebière. Je ne suis pas d'accord. Il peut très bien se faire quel le législateur veuille privilégier un centre-ville à revitaliser, valoriser des quartiers particuliers. Il appartient au législateur d'apprécier la valorisation à apporter.
Avec le contrôle restreint, nous devons rester aux décisions de 1985 et éviter de remettre en vigueur une loi antérieure.
Monsieur MAYER : je présenterai quelques observations dangereusement élémentaires. S'il y a une équivoque qui risque de surgir de notre décision d'aujourd'hui, cela tient à l'absence de saisine contre la loi Defferre ; en ce qui me concerne, je l'aurais censurée.
Il faut éviter que notre censure donne lieu à l'équivoque qu'il s'agirait d'un retour à la loi antérieure.
J'ai habité 187 avenue du Prado : je n'ai jamais vu d'usine...
Monsieur SIMONNET : si ! L'usine de chocolaterie du Prado.
Monsieur MAYER : ce genre de détail intéresse fort peu le Conseil constitutionnel. Ce qui m'intéresse, c'est le 7e secteur et la prise en compte du nombre des inscrits : exclure les étrangers, cela me choque déjà : exclure les. enfants, les jeunes et les vieilles personnes qui ne peuvent pas âe faire inscrire, cela me scandalise. Il ne faut pas entériner, sous quelque forme, que ce soit, la substitution des inscrits à la population.
Il n'y a pas péril en la demeure : les prochaines élections sont lointaines : on a le temps de refaire une loi.
Je fais beaucoup de réserves sur la revalorisation des centres par une augmentation des sièges. Pourquoi la voix du concierge de la. préfecture devrait-elle plus compter ?
Je présente une motion préjudicielle : nous demandons au Gouvernement de proposer une loi après le prochain recensement ou nous suggérons l'organisation d'un recensement exceptionnel pour que la loi soit conforme aux chiffres et non à l'imagination.
Monsieur VEDEL : que voilà un débat intéressant ! Ouvert par un rapport d'une extraordinaire clarté et d'une parfaite objectivité. Le débat par la suite n'a pas été moins éclairant et j'en remercie les intervenants. Mais c'est seulement avec Monsieur LECOURT que je me suis senti sur la même longueur d'ondes. Non. pas sur les faits précis mais sur les voies que,volens nolens, bribe par bride, nous sommes en train de tracer sans peut-être nous en rendre compte.
J'ai le souvenir d'un débat qui a laissé dans mon coeur une plaie ouverte, le jour où nous avons écarté la Constitution et bridé le Parlement, .au nom de principes, quand nous avons écarté un texte écrit relatif au vote personnel et, dans la même séance, par une construction juridique, nous avons ajouté à la Constitution quelque chose sur le droit d'amendement (23 janvier 1987) : c'est le début du Gouvernement des juges. Par une construction juridique qui n'était certes pas infâme, nous avons ajouté aux dispositions constitutionnelles sur le droit d'amendement. Ce jour là, j'ai eu le sentiment d'être alarmé et sceptique.
Alarmé : c'est, dans une matière qui ne touche pas aux droits de l'homme (matière sacrée) mais qui touche à des agencements (matière politique), le fait que nous étions sur la voie d'un système où nous faisions peser une tutelle insupportable sur le Parlement et où, en même temps, nous étions attentifs moins à la Constitution qu'aux constructions. Nous entrions dans un système où nous faisions supporter une tutelle insupportable pour tout le monde.
Je retrouve aussi les affaires de Nouvelle-Caledonie : souvenez-vous des péripéties de nos délibérés et le contenu des saisines. Dans le premier dossier était en cause le principe d’égalité,. La première idée du rapporteur était que le découpage était légitime sur un territoire au caractère bariolé. Ce n'est que parce que les limites étaient dépassées, qu"'on y avait été un peu fort", qu'en introduisant l'erreur manifeste le Conseil constitutionnel a dit : "il faut arrêter tout de suite" (8 août 1985). Dans l'affaire suivante, à ce qui était pour beaucoup une erreur réelle mais non plus manifeste, le Conseil a donné l'absolution (23 août 1985).
Les élections législatives posaient un problème particulier touchant à l'exercice de la souveraineté nationale et cela ne traitait pas du régime électoral des collectivités territoriales comme pour la Nouvelle-Calédonie.
Ce n'est pas prudent de corseter le législateur, car il faut penser à ce qu'il adviendra avec Paris et Lyon.
La décision du Conseil d'Etat (28 janvier 1987) parle des principes légalement applicables ; mais sont-ce là des principes constitutionnellement applicables ? Si j'étais consulté sur ce point -inscrits ou habitants- je ne serais pas sûr que je pencherais pour les habitants. Il y a certes une tradition qui reposait sur la répartition homogène de la population sur le territoire ; mais aujourd'hui est-ce toujours ainsi ?
Si je reste fidèle à 1985, je ne me sens pas en état de dire -c'est la seule motivation que je voudrais voir adopter- autre chose qu'en l'état il n'y a pas d'erreur manifeste dans la loi ; il y a des limites à ne pas franchir; vous ne les avez pas franchies. C'est comme à Saint-Pierre de Rome, il y des confessionnaux réservés aux péchés véniels... Ce qui rend suspects ceux qui entrent dans d'autres confessionaux. Ici le péché est véniel.
Pour illustrer mon propos, je demande un renseignement : supposons l'élection du maire de Marseille au suffrage universel dans une seule circonscription, quels en seraient les résultats ?
Mon argument est innocent.
Monsieur le Secrétaire général transmet à Monsieur VEDEL la simulation faite à partir des élections législatives de mars 1986.
Monsieur MAYER : La question, elle, l'est moins...
Monsieur VEDEL reprenant..: de toute façon le mode de scrutin déforme tout : le suffrage universel passe par des filtres successifs : division en secteurs, prime, surprime... Dans un tel cas de figure, le premier projet (de non conformité) est l'équivalent d'un rapport d'expert établi au moyen d'une chaîne d'arpenteur, qui dirait i:il y a une erreur de 2 % par rapport à la surface idéale. Ce serait censurer quelques centimètres avec un instrument qui ne mesure que les mètres, de par le génie du mode de scrutin. Plus que jamais, je n'aperçois pas l'erreur manifeste.
Monsieur JOXE : avec moins de talent que les précédents intervenants, je dirai que je repousse le projet de non-conformité. Je comprends le risque des avatars. Scruter avec tant de soin Marseille, c'est s'exposer à retrouver des erreurs partout. Je suis convaincu par les explications et le talent de Messieurs LECOURT et VEDEL.
Monsieur le Président : la tâche du Président est malaisée : il veut parfois intervenir et il doit faire la synthèse ; il parle en dernier alors que les positions sont arrêtées. En.l'espèce, tout paraît déjà réglé. J'ai un certain sentiment d'inutilité.
L'affaire soumise n'est pas majeure.
Si nous suivons l'opinion préférée du rapporteur, Monsieur MAYER a raison on peut reprendre la loi, ce n'est pas de nature à susciter les passions.
Dès le départ, je ne suis pas d'accord avec le Doyen VEDEL sur les missions du Conseil constitutionnel. Certes, celui-ci a la mission de veiller à ce que soient garantis les droits fondamentaux, mais il y a autre chose : le respect du Parlement. Le Parlement est l'expression de la volonté nationale. Nous savons tous que cette volonté est celle de la majorité du Parlement. C'est effectivement la volonté populaire pour les grandes décisions comme les nationalisations, les privàtisations, etc... Mais il me paraît difficile qu'il en soit de même quand la majorité utilise sa majorité parlementaire pour se consolider : cette tentation est constante.
Monsieur VEDEL commente le propos liminaire du Président en ces termes : "vous énoncez des principes qui vous mèneront loin".
Monsieur le Président poursuit : si l'on est en présence d'un abus carac .térisé de majorité .en matière de procédure parlementaire, la minorité trouvera dans le Conseil constitutionnel la barrière qui le protège. Ce faisant, ce n'est pas au Conseil de brider l'institution parlementaire ou la volonté du souverain. C'est la majorité parlementaire d'un moment.
Monsieur le Président se tournant vers Monsieur VEDEL déclare sur le ton de la confidence : vous avez raison, Monsieur le Doyen, nous aurions dû avoir l'âme plus ferme. Nous avons eu tort de ne pas censurer le non respect du vote personnel en janvier dernier. Vous avez vous même changé d'opinion sur ce point avant et après le déjeuner, ce qui était votre droit.
Quand il s'agit de lois électorales, la consolidation par la majorité des situations acquise est un cas où nous avons le droit d'être très vigilants. Si nous ne le sommes pas, chaque majorité en profitera quand elle en aura l'occasion.
Je le dis très franchement, je suis convaincu que la loi Defferre n'était pas bonne. Je le lui avais, dit. Il m'avait répondu qu'il était certain qu'elle ne serait pas déférée. A ce moment là on ne souhaitait pas que le Conseil constitutionnel fixe des règles du jeu qui seraient applicables aux successeurs du Ministre.
En ce qui concerne la loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, il y a des aspects factuels et la question des principes. Le rôlé. du Conseil constitutionnel, ce n'est pas le détail. Pourquoi, a t-on dit, la voix du concierge de la préfecture devrait acquérir plus de poids que celle de tout autre ? Quels sont les principes ?
Il y a tout d'abord l'article de Monsieur Boulouis publié à l'A.J.D.A d'avril 1987 qui, reprendant l'ensemble de nos décisions, conclut qu'elles ne prennent jamais en compte que la population résultant du recensement, selon la tradition républicaine. C'est donc bien la population.
Comme vous, Monsieur FABRE, j'ai Iu les propos de Monsieur CLEMENT : j'ai eu peur. Si nous nous laissons aller sur la pente invoquée par Monsieur CLEMENT, jusqu'où irions-nous ? Car Marseille n'est pas un cas isolé. Il faut s'en tenir à la population tout particulièrement dans la période actuelle.
Ensuite, il y a notre jurisprudence sur la Nouvelle-Calédonie. Vous avez raison, Monsieur LECOURT,. de souligner que le problème ici est différent du découpage des circonscriptions pour les élections législatives. Il ne faut pas démentir le considérant fondamental "Le Congrès, dont le rôle comme organe délibérant d'un territoire d'outre-mer ne se limite pas à la simple administration de ce territoire doit, peur être représentatif du territoire et de ses habitants dans le respect de l'article 3 de la Constitution, être élu sur des bases essentiellement démographiques" (8 août 1985, cons. 16).
Dans le coursdudélibéré sur cette décision, la considération des pouvoirs du Congrès a-t-elle été un facteur très important ?
Monsieur VEDEL acquiesce : le Gouvernement disait : l'inégalité électorale est la loi dans les collectivités territoriales. Or le Conseil constitutionnel a été sévère parce qu'il a considéré que le Congrès avait des pouvoirs politiques. Il l'aurait été moins si le Congrès n'avait eu que des pouvoirs administratifs.
Monsieur MAYER confirme cette analyse en ajoutant qu'il fallait également prendre en compte la situation.
Monsieur LECOURT souligne aussi que dans son rapport il s'en était tenu à l'aspect administratif du Congrès et que le Doyen VEDEL avait rectifié cette appréciation.
Monsieur VEDEL précisant sur ce point : dans la discussion, il y a une certaine stratégie. J'avait le sentiment que la loi tombait sous le coup de la censure. Mais l'argumentation de Monsieur LECOURT comparant la Nouvelle-Calédonie et le découpage cantonal d'un département y faisait obstacle. J'ai dit que je serai d'accord avec la thèse de Monsieur LECOURT si on admettait le caractère purement administratif du Congrès, mais, compte tenu de la nature politique qui était la sienne, on pouvait être plus exigeant et,en augmentant le poids des pouvoirs du Congrès, être plus sévère. Mais il n'y a pas autant d'exigence à l'égard d'une collectivité territoriale ordinaire.
Monsieur SIMONNET : on a été sensible au mot "Congrès".
Monsieur le Président reprenant la parole : nous devons distinguer le découpage et la répartition des sièges. Ici, le découpage n'est pas remis en question. Je rappelle que pour la décision du 18 novembre 1986 seule se posait la question du découpage.
La question aujourd'hui est la suivante : qu'est-ce qui permet, avec un découpage satisfaisant, de déroger à la règle de la répartition démographique ? On a X et Y et, en conséquence X : il est donc facile de voir ce qu'est la répartition. Y
Certes,pour le découpage, on peut prendre en compte les aspects géographiques, socialogiques, historiques : il faut suivre là notre jurisprudence. Mais, s’agissant de la répartition, une fois cette opération effectuée à laquelle il faut faire attention (le subtil scalpel de Monsieur DEFFERRE), quelle considération peut faire qu’on modifie la répartition purement mathématique ?
Monsieur VEDEL : la Nouvelle-Calédonie...
Monsieur le Président : vous avez jugé alors cela parce que le Congrès avait des pouvoirs spécifiques. Mais Marseille est comme toutes les communes métropolitaines. Nous ne sommes pas avec l'histoire d'un territoire, des éthnies, un statut particulier comme en Nouvelle- Calédonie. Ici, toutes ces considérations n'existent pas.
Oublions un instant la Nouvelle-Calédonie : comment expliquer qu'un habitant sur pied ne vaille pas un autre habitant sur pied à l'intérieur du territoire métropolitain avec un découpage accepté. Nous voyons pour la première fois une construction dans laquelle le découpage est bon mais la répartition injuste. Comment pourrait-on expliquer une telle inégalité ? C'est cela qui me gêne. A l'intérieur d'une même ville, qu'est-ce qui peut justifier l'inégalité entre électeurs ?
Je comprends la prudence qu'il faut avoir sur le découpage : au delà, je ne comprends plus. Cette aristocratie électorale me fait frémir.
Quhest-ce qui: interdirait à toute majorité de se livrer à ce genre d'exercice en l'absence de justification ? Ici : rien ne justifie la plus-value accordée à l'électeur du centre-ville.
Une latitude est donnée pour le découpage ; après le découpage, il faut procéder à une opération mathématique (vous, Monsieur le Doyen, vous ne regardez que le résultat et non pas l'opération elle-même). Il faudrait qu'on nous apporte la preuve que l'écart qui déroge à l'opération mathématique est manifestement justifié. Ce "manifestement", nous ne l'avons pas. Ma démarche me pousse à dire non.
Je suis partisan de rappeler les principes, ensuite le calcul qui est mathématique, enfin les dérogations s'il existe des impératifs. Sinon on affirme des principes pour peu de chose.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : je suis un peu ému par votre raisonnement qui me choque profondément. Je vous suis dans votre raisonnement jusqu'à l'énoncé des principes généraux. Mais, pour la suite, je suis choqué comme rarement je l'ai été, parce que nous donnons ainsi au Conseil constitutionnel un rôle qui n'est pas le sien. Vous réduisez le Parlement au rôle d'un distributeur automatique. Vous omettez quelque chose complètement : si la répartition est automatique, ce n'est pas la peine qu'il y ait :un Parlement. Vous commettez une erreur fondamentale. Nous ne sommes pas là pour faire de la politique, nous sommes là pour savoir si une loi, qui met fin à une situation que nous trouvons tous odieuse, même si elle a été faite par nos amis politiques, si cette loi est ou non conforme au principe d'égalité. Nous ne sommes pas une nouvelle chambre, ni un nouveau Parlement qui se permettrait de censurer une loi qui est meilleure que l’ancienne,
Il y a huit circonscriptions. Cinq circonscriptions sur huit sont valables. Sur les trois restantes, on répartit un siège ici et là. Cette règle est-elle si mauvaise que cela ? Moi, je ne vois pas l’erreur, comme vous. Personnellement, je m'élève vivement contre céla, parce que je suis meurtri.
Monsieur le Président : vous avez été très éloquent, mais vous n’avez pas répondu à mon interrogation qui est celle-ci : "vous avez fait un découpage qui n’est pas mis en cause ; pourquoi ne pas avoir appliquer la règle lors de la répartition des sièges ?
Monsieur VEDEL intervient pour évoquer les précédents concernant la Nouvelle-Calédonie.
Monsieur le Président rétorque qu'il a pris soin dans son propos de raisonner à l'intérieur d'une même commune.
Monsieur VEDEL souligne que ce faisant il a écarté le précédent d'août 1985.
Monsieur le Président poursuit en évoquant la situation d'une même commune, où rien, une fois le découpage éffectué correctement, ne devrait conduire à introduire des distorsions entre électeurs.
Monsieur SIMONNET l'interrompt en se référant au cas des cantons.
Monsieur VEDEL reprend alors, à l'attention de Monsieur le Président : "vos propos ne m'ont pas choqué, mais m'ont ravi". Voyez la pratique de la dissolution en Grande-Bretagne où le Premier ministre choisit le moment qui lui paraît le plus opportun. Chaque majorité veut aussi avoir une loi électorale qu'elle croit bonne pour elle.
Monsieur le Président : je ne suis pas certain que cette règle selon laquelle la majorité essaie de dépouiller la minorité soit la meilleure forme de la démocratie.
Monsieur MAYER : c'est comme la nomination récente d'un juge à la Cour Suprême prolongeant la vie du reaganisme : cela ne me paraît pas bon.
Monsieur VEDEL : je conteste la différence que vous établissez entre un découpage sujet à arbitraire et la répartition des sièges déterminée mathématiquement.
Quand on laisse mesurer une surface avec un instrument grossier, on ne relève pas l'erreur d'un centimètre.
Prenez les cantons qui sont de pures circonscriptions électorales : le découpage et le nombre de sièges correspondant y sont fixés dans la même opération. Quelle règle faut-il appliquer ? Laissera-t-on les cantons inégaux ou sera-t-on strict ?
On est ici dans une matière où le législateur est libre ; il ne doit pas dépasser les limites tolérables.
Je me retourne vers, la seule décision dont nous disposons : en Nouvelle-Calédonie le découpage et la répartition sont inégalitaires ; on dit qu'il appartient au législateur de faire des infractions à la règle de l'égalité pour des motifs d'intérêt général ; mais le Conseil constitutionnel n'a pas jugé de ces motifs. Il n'a pas dit : il est louable ou sage de favoriser les Canaques (ce serait peut être du racisme à rebours que de privilégier les voix canaques) ; le Conseil a dit : le législateur poursuit des motifs d'intérêt général.. Aujourd'hui on doit dire la même chose. Il faut bien voir où l'on met les pieds. La structure départementale est complexe.
Ce n'est pas à nous de vérifier, si l'on ne voit pas pourquoi le législateur a fait ce qu'il avfait. Si le législateur voit pourquoi, laissons le faire ! la question n'est pas : pourquoi ? Mais pourquoi pas ?
On ne peut pas se ballader là-dedans comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Ou bien il faut admettre le détournement de pouvoir.
Monsieur le Président : nous avançons. Le problème pour nous, c'est de prévoir, de s'élever pour savoir ce qui arrivera. Pouvons-nous acquiescer, avec ou sans motif, à l'avantage qui sera donné à la représentation des quartiers du centre parce que c'est le coeur historique ?
Monsieur VEDEL : dans un conseil général, 500 électeurs désignent un élu A et .5 000 électeurs désignent un élu B. C'est l'affaire du législateur. Au cas présent, si cela jouait sur 10 à 15 % des sièges, il faudrait intervenir car il y aurait erreur manifeste.
Monsieur le Président : pensez-vous que cela doit jouer non seulement pour le découpage mais aussi pour la répartition des sièges ?
Monsieur VEDEL : gardez l'erreur manifeste, qui permet de faire face à tous les pouvoirs : il y a un moment où la limite est dépassée comme au pénal si l'on punissait de la peine de mort un individu qui a battu une bête.
Laissons jouer le jeu tout en nous assurant qu'il n'y a pas dénaturation de la règle du jeu.
Si l'on dit qu'il ne résulte pas du dossier qu'il y ait erreur manifeste, le législateur n'est pas à l'abri de l'avenir.
Monsieur FABRE : j'ai été sensible à la qualité du débat sur un dossier qui, d'apparence anodine, est explosif. Au début, vous avez plaidé les circonstances atténuantes, Messieurs SIMONNET et JOZEAU-MARIGNE. Ensuite, vous avez retourné les choses en reprochant au Conseil constitutionnel d'aller trop loin, Messieurs LECOURT et VEDEL.
La seule chose que je voudrais dire est que ce qui est en cause, c'est le principe d'égalité. On n'a pas appliqué uniformément les mêmes règles à tous les secteurs. Pourquoi la proportionnelle ; dans cinq secteurs et pas dans les trois autres ? C'est là qu'il y a une inégalité dans les choix opérés.
Au point où nous en sommes, devons-nous rester fidèles à nos positions antérieures prises sur la Nouvelle-Calédonie et les élections législatives ? Je les ai moi-même mentionnées mais j'ai souligné qu'il ne fallait pas toujours passer sous, la coupe de nos précédents, en être prisonnier. Je n’ai pas tout repris car le cas présent est peut-être .différent. Certains aspects du problème de la Nouvelle-Calédonie et ses éthnies ne se projettent pas sur la ville de Marseille et ses problèmes internes.
Le seul problème est de savoir s'il y a une erreur manifeste : exerçant son contrôle à l'occasion d'une question minime et localisée- mais qui a son importance, le Conseil constitutionnel devient-il de plus en plus un gouvernement des juges ou bien, en prenant une position de rigueur, remplit-il son rôle ?
Je rappelle que nous avons accepté de passer l'éponge sur le non- respect du vote personnel et, quelques temps plus tard, il y a eu une erreur manifeste dans la manipulation des clefs électroniques. Si cela s'était passé avant, .le Conseil constitutionnel aurait peut-être fait preuve de plus de rigueur.
Le Conseil constitutionnel ici doit-il être rigoureux ou se replier ?
En tout état de cause, il ne faut pas donner l'impression de baisser les bras. La loi nouvelle reste mauvaise. On se sert d'une loi électorale complexe (celle de novembre 1982) pour en tirer un avantage excessif.
Monsieur VEDEL : Il y a quelque chose d'incontournable, c'est l'assemblée départementale : chaque canton compte un élu. Donc en découpant le canton on opère en même temps une répartition. Or c'est le modèle du découpage tout à fait inégalitaire. Le législateur de la tradition républicaine n'a jamais respecté une égalité millémètrée Soyons sérieux, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt.
Dans ma pensée, pour rassurer Monsieur FABRE, il ne faut pas lâcher d'un pouce. Il faut simplement dire que cette disproportion ne procède pas d'une erreur manifeste.
La vraie raison de cette disproportion ne peut être donnée, mais elle est bonne (Monsieur VEDEL avait pris connaissance de la projection sur les nouveaux secteurs des résultats des élections de mars 1986 à Marseille).
Monsieur le Président : nous aurons d'autres lois électorales et il y aura d'autres décisions à prendre. La démographie est le premier principe. Il peut y être dérogé pour des motifs d'intérêt général. C'est là où nous divergeons. Il appartient à celui qui se réclame de l'intérêt général d'en justifier. Vous estimez que c'est au Parlement d'apprécier l'intérêt général, de le définir à condition qu'il n'y ait pas d'erreur manifeste.
Monsieur VEDEL : c'est tout le problème des nationalisations : le Parlement allègue un intérêt général, le Conseil constitutionnel s'en tient là.
Monsieur le Président : en matière de nationalisations, le Conseil constitutionnel aurait entravé la volonté populaire.
Ici nous laissons donc une marge de manoeuvre qui constitue une prime à la majorité.
Monsieur VEDEL : il y a une dilatation du contrôle selon les matières. Vous nous enfermez dans le dilemne : absence du contrôle ou contrôle complet. Il y a une hypothèse intermédiaire ; c'est le contrôle restreint.
Monsieur le Président : cela m'intéresserait de savoir ce que cela donnerait avec un mode de scrutin proportionnel.
Monsieur LECOURT : nous sommes en présence de deux principes : la démographie et l'appréciation de l'intérêt général. Sur le premier, vous écartez la décision de 1985 à raison du caractère politique du Congrès. Mais les conséquences sont contraires à celles que vous y trouvez. Avec une assemblée administrative on ne peut pas être plus exigeant. La base démographique est une chose, la propor- tionnalité en est une autre ; elles ne sont pas liées. Vous proposez l'inverse de ce que dit notre jurisprudence en imposant la fidélité à la propor tionnalité.
En ce qui concerne le deuxième principe, c'est au Parlement d'apprécier 1''intérêt général. Vous inversez la place du "manifeste" : selon vous, le Parlement devra respecter la proportionnalité sauf si manifestement des intérêts généraux imposent d'y déroger. C'est le contraire dans notre jurisprudence.
Monsieur le Président : nous avons bien écrit en 1986 que l'on doit être élu sur des bases essentiellement démographiques avec des impératifs d'intérêt général pour y déroger. Laissons de côté la Nouvelle-Calédonie ; nous ne pouvons projeter la situation de la Nouvelle-Calédonié pour régler les problèmes de la métropole.
Monsieur LECOURT : mais l'inverse est plus grave encore.
Monsieur VEDEL : nous n'avons pas dit que nous serions juges de ces considérations d'intérêt général.
Monsieur SIMONNET : l'essentiellement démographique vaut pour les législatives. Je ne suis pas d'accord avec cette règle pour les collectivités territoriales : il suffit de voir le conseil général de mon département et le Vercors.
Monsieur LECOURT insiste à nouveau auprès de Monsieur le Président pour souligner qu'il s'agit ici d'assemblée territoriale.
La séance est suspendue à 13 h 10 pour être reprise à 14 h 50.
Monsieur le Président invite le rapporteur à donner lecture de son projet de conformité.
Monsieur FABRE : les premières pages des deux projets que j'ai proposés sont identiques.
Si l'on adopte la position de Monsieur LECOURT, qui consiste à dénier le droit au Conseil constitutionnel de s'immiscer dans ces affaires, il n'est pas nécessaire de reprendre nos considérants traditionnels qui iraient à l'encontre de l'application qu'on en ferait. A la limite on pourrait commencer par dire que tout ceci ne nous concerne pas.
Pour ma part, je ne suis pas d'avis, pour se donner bonne conscience, de se raccrocher à nos décisions antérieures.
Si l'on veut laisser entrouverte la porte et ménager l'avenir, il faut se limiter au cas de Marseille et à une rédaction sommaire. Si l'on prend le projet, il ne faut changer que la fin, en exprimant l'idée que ça.va pour cette fois mais attention à l'avenir. Comment en outre tenir compte des souhaits de Monsieur MAYER ?
Avant que ne s'engage la lecture de la page 4 du projet, Monsieur le Président donne lecture du télégramme de condoléances du Premier ministre qui vient d'être transmis.
Monsieur SIMONNET (sur le 4e considérant du projet) : que vient faire le Sénat ?
Monsieur le Secrétaire général explique que le Sénat est l'émanation des collectivités territoriales et que c’est le seul moyen de faire le lien avec l'expression de la souveraineté nationale énoncée à l'article 3 de la Constitution qui ne vise que les élections politiques. La décision du 25 février 1982 sur la Corse laissait entrevoir cette solution.
Monsieur SIMONNET : ce n'est pas indispensable ; le lien me paraît ténu.
Monsieur VEDEL : cela semble difficile de faire autrement parce que l'article 3 vise le suffrage sans autre précision et l'on ne saurait pas de quel suffrage il s'agit.
Monsieur LECOURT : (sur le 5e considérant) : je présenterai deux observations. Je ne crois pas inutile de reproduire ce qu'est une assemblée territoriale. Donc il ne faut pas oublier le passage de la décision de 1985 qui exigeait que le Congrès soit représentatif du territoire et de ses habitants. Mais ici il ne s'agit pas d'une représentation politique.
Notre Texte servira de jurisprudence pour les élections à tous les échelons visés au titre XI de la Constitution. C'est une photographie : c'est le territoire et ses habitants qui sont ici représentés.
Monsieur FABRE intervient pour proposer un amendement tendant à insérer dans la première phrase du considérant la subordonnée : "pour être représentatif de son territoire et de ses habitants".
Monsieur SIMONNET : Vous condamnez les.conseils généraux. Nous sommes dans un autre registre ; ce serait une erreur de recopier. Les petits cantons, unités spécifiques, doivent pouvoir être représentés ; chaque conseiller général ne peut être égal à un autre. Il ne faut pas appliquer la règle démographique valable pour l'Assemblée nationale et le Congrès de Nouvelle-Calédonie.
Monsieur le Président : on ne peut modifier notre position de base pour la seule raison qu'il s'agit d'une collectivité territoriale.
Monsieur SIMONNET : ce n'est pas un changement de jurisprudence, c'est un nouveau domaine. Vous condamnez les conseils généraux.
Monsieur VEDEL propose de substituer aux mots : "collectivités territoriales" le mot "commune", compte-tenu de la nature très différente des collectivités territoriales.
Monsieur le Président suggère de supprimer alors la référence au territoire et à ses habitants.
Monsieur LECOURT, qui demandait la parole pour terminer son propos interrompu : je ferai une deuxième objection. Vous admettez, Monsieur le Président, que l’on compare notre décision à celle de 1985. Or on laisse de côté la phrase de 1985 : "il ne s'ensuit pas que cette représentation doive être nécessairement proportionnelle"
Monsieur MAYER : on aboutit à nier pratiquement les bases essentiellement démographiques. Je ne suis pas d'accord.
Monsieur le Secrétaire général : la formule du projet proposé par le rapporteur est reprise de la décision du 18 novembre 1986. Faut-il plutôt se.rapprocher de celles d'août 1985 ? D'après le délibéré de ce matin, on irait dans le sens de 1985.
Monsieur le Président : entre la commune et une circonscription électorale, peut-on faire une différence d'approche ?
Monsieur VEDEL : tout est pourri dans cette affaire.
Vous voulez séparer découpage et répartition des sièges. Au niveau des découpages national et départemental, les écarts sont considérablement plus forts, en raison du scrutin uninominal, que ceux au niveau de la commune.
Ayons des formulations prudentes et concluons qu'en l'espèce il n'y a pas d'erreur manifeste.
On a des mutilations à la Procuste dansfesystème électoral de 1985 comme en 1986 ; c'était la même chose avec la proportionnelle. En comparaison, le vote au niveau de la commune est moins atteint. En scrutin uninominal, je découpe et cela devient un siège.
Monsieur SIMONNET : c'est comme dans les communes divisées en . sections : on donne aux sections le droit d'élire leurs conseillers et il en faut deux au moins ; il convient d'en tenir compte.
La notion de territoire est aussi importante que la notion de démographie, c'est pourquoi je préfère la formulation utilisée pour la Nouvelle-Calédonie.
Monsieur le Président : mais dans cette décision sur la Nouvelle- Calédonie, il y a un Congrès.
Monsieur VEDEL : c'était un raisonnement à fortiori.
Monsieur MAYER : on risque d'aboutir à nier le principe de la base démographique après lui avoir donné un coup de chapeau.
Monsieur FABRE : si on se raccroche à notre jurisprudence antérieure, il faut choisir entre celle de 1985 et celle de 1986.
Monsieur VEDEL : dans les décisions sur la Nouvelle-Calédonie, on ïP'mvoque pas la formule sur des "impératifs précis". On l'a utilisée lors de la loi électorale pour laquelle il faut serrer les écrous parce qu'il s'agit alors de savoir si un électeur vaut une ou deux ou trois voix.
Il en est tout autrement dans le système des élections municipales qui est déjà égalitaire. Il n'y a pas les mêmes contraintes pour les élections administratives que pour les élections politiques.
Monsieur MAYER propose de remplacer les mots "intérêt général" par les mots "intérêt public".
Monsieur SIMONNET : il n'y. a pas d'intérêt général ni d'impératif précis à considérer.
Monsieur VEDEL : l'intérêt général s'oppose, d'une part, aux intérêts privés et, et d'autre part, aux intérêts locaux. La notion d'intérêt public éviterait cette ambiguïté.
Monsieur le Président : la suppression de l'expression "impératifs précis" risque d'être interprétée comme étant en retrait par rapport à nos positions antérieures. Ne cherchons pas à synthétiser les deux versions, il vaut mieux choisir entre 1985 et 1986.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : alors que retient-on : intérêt général ou intérêt public ?
Monsieur le Président : gardons la notion d'intérêt général et reproduisons la version de la Nouvelle-Calédonie.
Le Conseil adopte, après avoir recueilli l'avis de Monsieur PAOLI, la nouvelle rédaction du 5e considérant.
Monsieur FABRE propose la suppression du 6e considérant au profit d'une formule lapidaire. :
Monsieur VEDEL défend le maintien du 6e considérant.
Monsieur LECOURT suggère de terminer ce 6e considérant par la formule "Les écarts... ne sont pas manifestement,disproportionnés", et de remplacer les mots "a cru pouvoir... ne pas faire" par les mots "a fait" soutenu en cela par Monsieur le Président.
Monsieur le Secrétaire général fait observer que cette rédaction laisse le législateur seul juge des motifs d'intérêt général qu'il invoque. Il peut y avoir sur ce point un risque d'arbitraire qui serait soustrait à tout contrôle.
Monsieur VEDEL intervient alors : le boulanger peut vendre du pain de 450 grammes qui en pèse moins : cela se mesure. Au contraire, à quel degré peut-on dire qu'il y a pêché véniel ou capital. Ce n'est pas une erreur mais une appréciation d'opportunité. Il faudrait une formule de l'erreur manifeste qui réunisse le quantum et les motifs de choix.
Monsieur MAYER fait remarquer qu'après toutes les critiques dont il a fait l'objet, en fin de compte le texte propose est correct.
Monsieur VEDEL, poursuivant son idée, suggère d'insérer la formule : "les écarts... ne sont pas injustifiables" qui accorde le bénéfice du doute.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE est d'avis de maintenir en l'état le projet tandis que d'autres participants préféreraient le mot "injustifié" à l'adjectif "injustifiable" estimant, comme Monsieur le Président que tout peut être injustifiable.
Monsieur le Secrétaire général avance pour la fin du 6e considérant la formule "manifestement injustifié (ou injustifiable) ni disproportionnés de manière excessive".
Après une réflexion sur le sens respectif des deux mots en litige du point de vue de la temporalité, le Conseil en reste au mot injustifiable ; il choisit l'expression "a jugé opportun" au lieu des mots "a cru pouvoir".
Monsieur MAYER propose d'ajouter un nouveau considérant ains.i rédigé : "Considérant qu'il serait souhaitable, pour que le degré de représentation de la population soit le plus proche de la réalité, qu'un recensement ait lieu avant l'adoption de loi".
Monsieur le Président et d'autres : c'est un injonction au Parlement.
Le Conseil pour retenir l'idée de Monsieur MAYER, complète le 5e considérant en y insérant à la fin de la première phrase les mots "résultant d'un recensement récent".
Le Conseil adopte ainsi à 16 h 10 la version définitive de la décision.
Monsieur le Président conclut en ces termes : les élections de Marseille ne sont pas jouées. Il indique ensuite auxmembres du Conseil le Calendrier prévisionnel des prochaines séances qui se conjuguera avec la cérémonie de prestation de serment du membre qui sera nommé par le Président de l'Assemblée nationale.
Il invite également les membres du Conseil à participer aux auditions comme sachants, de professeurs de l'Université, Messieurs VERDIER et JAVILLIER, qui seront organisées sur le problème de la grève, objet de la saisine relative à la loi portant diverses mesures d'ordre social..
portant nomination d'un rapporteur-adjoint auprès du Conseil constitutionnel
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son titre VII ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 36, alinéa 2 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel en date du 24 octobre 1986 portant nomination des rapporteurs-adjoints auprès du Conseil constitutionnel pour la période octobre 1986 - octobre 1987 ;
DECIDE :
Article premier. - Monsieur Yves ROBINEAU, maître des requêtes au Conseil d'Etat, est nommé rapporteur-adjoint auprès du Conseil constitutionnel en remplacement de Monsieur Daniel LABETOULLE, Conseiller d'Etat. .
Article 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 juillet 1987.
Loi modifiant l'organisation administrative et le régime électoral de la ville de Marseille
PROJET DE CONFORMITE
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 9 juin 1987, par MM. Pierre JOXE, Lionel JOSPIN, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jean BEAUFILS, Guy BECHE, André BELLON, Jean-Michel BELORGEY, Pierre BEREGOVOY, Louis BESSON, André BILLARDON, Jean-Marie BOCKEL, Augustin BONREPAUX, Jean-Michel BOUCHERON (Ille-et-Vilaine), Roland CARRAZ, Guy CHANFRAULT, Jean-Pierre CHEVENEMENT, André CLERT, Michel COFFINEAU, Gérard COLLOMB, Mme Edith CRESSON, MM. Louis DARINOT,. Michel DELEBARRE, André DELEHEDDE, Bernard DEROSIER, Jean-Pierre DESTRADE, Paul DHAILLE, Raymond DOUYERE, René DROUIN, Mme Georgina DUFOIX, MM. Jean-Paul DURIEUX, Job DURUPT, Claude EVIN, Henri FISZBIN, Jacques FLEURY, Mme Martine FRACHON, MM. Pierre GARMENDIA, Jean GIOVANNELLI, Joseph GOURMELON, Edmond HERVE, André LABARRERE, Jean LACOMBE, Mme Catherine LALUMIERE, MM. Jérôme LAMBERT, Christian LAURISSERGUES, Georges LE BAILL, Jean-Yves LE DEAUT, Robert LE FOLL, Jean LE GARREC, André LEDRAN, André LEJEUNE, Jean-Jacques LEONETTI, François LONCLE, Jacques MAHEAS, Guy MALANDAIN, Philippe MARCHAND, Michel HARGNES, Pierre MAUROY, Joseph MENGA, Louis MERMAZ, Louis MEXANDEAU, Jean-Pierre MICHEL, Mme Christiane MORA, MM. Louis MOULINET, Henri NALLET, Mmes Véronique NEIERTZ, Paulette NEVOUX, Jacqueline OSSELIN, MM. Michel PEZET, Charles PISTRE, Jean-Claude PORTHEAULT, Philippe PUAUD, Noël RAVASSARD, Alain RICHARD, Michel ROCARD, Alain RODET, Jacques ROGER-MACHART, Mme Yvette ROUDY, MM. Philippe SANMARCO, Jacques SANTROT, Michel SAPIN, Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, Jacques SIFFRE, René SOUCHON, Mmes Renée SOUM, Gisèle STIEVENARD, M. Dominique STRAUSS-KAHN, Mmes Marie-Josèphe SUBLET, Ghislaine TOUTAIN, MM. Michel VAUZELLE, Gérard WELZER, Pierre ORTET, Jean-Hugues COLONNA, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la loi modifiant l'organisation administrative et le régime électoral de la ville de Marseille ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que les auteurs de la saisine critiquent certaines des modifications apportées par l'article premier de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel au tableau des secteurs pour l'élection des conseillers municipaux de Marseille qui est annexé au code électoral ;
Considérant que, tout en laissant inchangé le nombre de conseillers municipaux à Marseille qui est de 101, la loi déférée a pour objet, en premier lieu, de substituer aux six secteurs électoraux délimités par la loi n° 82-1170 du 31 décembre 1982 et qui recouvraient un nombre d'arrondissements compris selon le cas entre un et quatre, huit secteurs composés chacun d'un nombre uniforme d'arrondissements ; qu'en second lieu, la loi répartit le nombre de sièges à pourvoir à raison respectivement, de 11 sièges pour le 1er secteur, 8 sièges pour le 2ème, 11 sièges pour le 3ème, 15 sièges pour le 4ème, 15 sièges pou/ le 5ème, 13 sièges pour le 6ème, 16 sièges pour le 7ème et 12 sièges pour le 8ème secteur ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'organe délibérant d'une collectivité territoriale de la République doit être élu sur des bases essentiellement démographiques ; que, si le législateur peut tenir compte d'impératifs d'intérêt général susceptibles d'atténuer la portée de cette règle, il ne saurait le faire que dans une mesure limitée et en fonction d'impératifs précis ;
DECIDE :
Article premier.- La loi modifiant l'organisation administrative et le régime électoral de la ville de Marseille n'est pas contraire à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du juillet 1987.
Loi modifiant l'organisation administrative et le régime électoral de la ville de Marseille
PROJET DE NON-CONFORMITE
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 9 juin 1987, par MM. Pierre JOXE, Lionel JOSPIN, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jean BEAUFILS, Guy BECHE, André BELLON, Jean-Michel BELORGEY, Pierre BEREGOVOY, Louis BESSON, André BILLARDON, Jean-Marie BOCKEL, Augustin BONREPAUX, Jean-Michel BOUCHERON (Ille-et-Vilaine), Roland CARRAZ, Guy CHANFRAULT, Jean-Pierre CHEVENEMENT, André CLERT, Michel COFFINEAU, Gérard COLLOMB, Mme Edith CRESSON, MM. Louis DARINOT, Michel DELEBARRE, André DELEHEDDE, Bernard DEROSIER, Jean-Pierre DESTRADE, Paul DRAILLE, Raymond DOUYERE, René DROUIN, Mme Georgina DUFOIX, MM. jean-Paul DURIEUX, Job DURUPT, Claude EVIN, Henri FISZBIN, Jacques FLEURY, Mme Martine FRACHON, MM. Pierre GARKENDIA, Jean GIOVANNELLI, Joseph GOURMELON, Edmond HERVE, André LABARRERE, Jean LACOMBE, Mme Catherine LALUMIERE, MM. Jérôme LAMBERT, Christian LAURISSERGUES, Georges LE BAILL, Jean-Yves LE DEAUT, Robert LE FOLL, Jean LE GARREC, André LEDRAN, André LEJEUNE, Jean-Jacques LEONETTI, François LONCLE, Jacques MAHEAS, Guy MALANDAIN, Philippe MARCHAND, Michel HARGNES, Pierre MAUROY, Joseph MENGA, Louis MERMAZ, Louis MEXANDEAU, Jean-Pierre MICHEL, Mme Christiane MORA, MM. Louis MOULINET, Henri NALLET, Mmes Véronique NEIERTZ, Paulette NEVOUX, Jacqueline OSSELIN, MM. Michel PEZET, Charles PISTRE, Jean-Claude PORTHEAULT, Philippe PUAUD, Noël RAVASSARD, Alain RICHARD, Michel ROCARD, Alain RODET, Jacques ROGER-MACHART, Mme Yvette ROUDY, MM. Philippe SANMARCO, Jacques SANTROT, Michel SAPIN, Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, Jacques SIFFRE, René SOUCHON, Mmes Renée SOUM, Gisèle STIEVENARD, M. Dominique STRAUSS-KAHN, Mmes Marie-Josèphe SUBLET, Ghislaine TOUTAIN, MM. Michel VAUZELLE, Gérard WELZER, Pierre ORTET, Jean-Hugues COLONNA, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la loi modifiant l'organisation^⁷ administrative et le régime électoral de la ville de Marseille ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que les auteurs de la saisine critiquent certaines des modifications apportées par l'article premier de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel au tableau des secteurs pour l'élection des conseillers municipaux de Marseille qui est annexé au code électoral ;
Considérant que, tout en laissant inchangé le nombre de conseillers municipaux â Marseille qui est de 101, la loi déférée a pour objet, en premier lieu, de substituer aux six secteurs électoraux délimités par la loi n° 82-1170 du 31 décembre 1982 et qui recouvraient un nombre d'arrondissements compris selon le cas entre un et quatre, huit secteurs composés chacun d'un nombre uniforme d’arrondissements ; qu'en second lieu, la loi répartit le nombre de sièges à pourvoir à raison respectivement, de 11 sièges pour le 1er secteur, 8 sièges pour le 2ème, 11 sièges pour le 3ème, 15 sièges pour le 4ème, 15 sièges pour le 5ème, 13 sièges pour le 6ème, 16 sièges pour le 7ème et 12 sièges pour le 8ème secteur ;
Considérant que la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel satisfait à ces exigences en ce qui concerne la délimitation des secteurs pour l'élection des conseillers municipaux de Marseille ; qu'en effet, cette délimitation a été effectuée en regroupant par deux les 16 arrondissements municipaux créés, en application de la loi n° 46-245 du 20 février 1946, par le décret n° 46-2285 du 18 octobre 1946 ; que chaque secteur est composé de territoires contigus ; que demeure applicable à l'élection de l'ensemble des conseillers municipaux de la commune un même mode de scrutin ;
Considérant qu'il résulte tant des indications chiffrées qui figurent dans le rapport présenté devant chaque assemblée au nom de la commission compétente, que de l'ensemble des débats que l'anticipation sur l'évolution supposée de la démographie est partielle ; qu'en outre, elle n'est pas assortie de justifications probantes ;
Considérant qu'ainsi, l'énoncé du nombre des sièges à pourvoir respectivement dans les 1er, 4ême et 7ème secteurs, dans le tableau des secteurs pour l'élection des conseillers municipaux de Marseille, tel qu'il est modifié par l'article 1er de la loi, doit être déclaré non conforme à la Constitution ; que les autres dispositions, tant du tableau précité que de la loi dans son ensemble, sont inséparables de l'énoncé du nombre des sièges à pourvoir et doivent en conséquence être déclarées non conformes à la Constitution ;
Article premier.- L'énoncé du nombre des sièges à pourvoir respectivement dans les 1er, 4ème et 7ème secteurs dans le tableau des secteurs pour l'élection des conseillers municipaux de Marseille, tel qu'il résulte de la loi modifiant l'organisation administrative et le régime électoral de la ville de Marseille, est déclaré non conforme à la Constitution.
Article 2.- Les dispositions déclarées contraires â la Constitution par l'article 1er de la présente décision ne sont pas séparables des autres dispositions de la loi modifiant l'organisation administrative et le régime électoral de la ville de Marseille.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du juillet 1987.
Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.