CONSEIL CONSTITUTIONNEL
ORDRE DU JOUR
Séance du jeudi 10 mars 1988
10 heures
1° Examen, en application des articles 46 et 61 de la Constitution, de la loi organique relative à la transparence financière de la vie politique.
Rapporteur : Monsieur Daniel MAYER
2° Examen, en application de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, de deux demandes de déclassement concernant la nature juridique :
- des deux premiers alinéas de l'article 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public (n° 88-154.L) ;
- du premier alinéa de l'article 393 du code rural (n° 88-155 L).
Rapporteur : Monsieur Maurice-René SIMONNET
3° Election du Président de la République :
- Examen, en application des dispositions combinées du III de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée et de l'article 46 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée, de trois projets de textes :
I. circulaire relative aux tarifs d'impression des documents de propagande pour l'élection présidentielle ;
2 -
II. circulaire aux services extérieurs du ministère délégué auprès du ministre de l'industrie
III. circulaire aux maires de Nouvelle-Calédonie relative à l'organisation des élections aux conseils de région et au congrès du 24 avril 1988 ;
Rapporteur : Monsieur Robert FABRE
- Communication du Secrétaire général sur la nomination des délégués du Conseil constitutionnel chargés de suivre sur place les opérations relatives à l'élection du Président de la République et décision portant nomination des délégués.
SEANCE DU JEUDI 10 MARS 1988
ORDRE DU JOUR :
I. Examen, en application des articles 46 et 61 de la Constitution, de la loi organique relative à la transparence financière de la vie politique.
II. Election du Président de la République.
. Examen, en application des dispositions combinées du III de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée et de l'article 46 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée, de trois projets de textes :
- Circulaire relative aux tarifs d'impression des documents de propagande pour l'élection présidentielle (p. 26 ) ;
- Circulaire aux services extérieurs du ministre délégué auprès du ministre de l'industrie,
- Circulaire aux maires de Nouvelle-Calédonie relative à l'organisation des élections aux conseils de région et au congrès du 24 avril 1988 (p. 28) (1).
M. Robert FABRE, rapporteur.
. Communication du Secrétaire général sur la nomination des délégués du Conseil constitutionnel chargés de suivre sur place les opérations relatives à l'élection du Président de la République et décision portant nomination des délégués.
III. Examen, en application de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, de deux demandes de déclassement :
- Décision n° 88-154 L (p. 41 )
- Décision n° 88-155 L (p.60 )
M. Maurice-René SIMONNET, rapporteur.
Monsieur le Président ouvre la séance à dix heures. Tous les membres sont présents, à l'exception de Monsieur LECOURT. Le Président dit au Conseil gue Monsieur LECOURT se porte bien. Monsieur FABRE s'est entretenu avec lui la veille sur le dossier de la Nouvelle-Calédonie,
2 -
dans l’état où était ce dossier, c'est-à-dire quand le Conseil était saisi pour avis. Le Président note qu'il est bon que les rapporteurs prennent ainsi le sentiment des membres qui ne peuvent siéger pour faire état de leur position. Il donne ensuite la parole à Monsieur MAYER qui présente son rapport sur la loi organique relative à la transparence financière de la vie politique.
I.- LOI ORGANIQUE RELATIVE A LA TRANSPARENCE FINANCIERE DE LA VIE POLITIQUE
Nous examinons aujourd'hui la loi organique relative à la transparence financière de la vie politique. Cette loi nous est soumise sans sa jumelle, à savoir la loi ordinaire portant le même intitulé. Tout au long des débats parlementaires, il fut pourtant assez dit et relevé combien ces deux textes avaient le même objet et constituaient un ensemble justifiant une discussion commune.
Si nous sommes privés de la soeur
I. LE GENESE DU PROJET DE LOI ORGANIQUE :
Point n'est besoin de rappeler que la France est l'un des derniers grands pays européens à être dépourvu d'une législation sur le financement de la vie politique. Et pourtant les propositions de loi et les engagements programmatiques n'ont pas manqué (je vous renvoie aux rapports parlementaires sur ce point). Ce qui a manqué paraît avoir été la volonté politique d'aboutir effectivement.
Cette première expérience législative montre combien il est difficile de réunir les conditions pour mener à bien cette tâche.
1° La première mèche fut allumée par le Président de la République dans un contexte où la polémique faisait rage. Interrogé, le 16 novembre 1987, par les journalistes de R.T.L. sur le rapport Barba accusant le Parti Socialiste d'avoir bénéficié de commissions sur des livraisons frauduleuses d'armes à l'Iran, le Chef de l'Etat terminait son intervention par ces mots : "Il faut réglementer le financement des campagnes électorales et des partis politiques ; il faut le faire maintenant (...). Je suis prêt à signer un décret de convocation d'une session extraordinaire en janvier."
2° D'aucuns dans la majorité dénoncèrent un piège dans cette initiative. Mais le Premier ministre, pour sa part, déclarait, le 19 novembre 1987, au "Figaro" : "J'ai décidé d'inviter les responsables des partis, représentés à l'Assemblée nationale par un groupe, à se réunir avec moi afin d'arrêter la procédure permettant à tous les partis de s'exprimer et d'aboutir ensemble à la définition d'une position commune."
Ainsi, deux réunions rassemblant les cinq chefs de partis représentés à l'Assemblée nationale se sont tenues à Matignon les 26 novembre et 9 décembre 1987.
3 -
A l'issue de ces réunions, le porte-parole du Premier ministre annonçait qu'un projet de loi allait être préparé qui tiendrait "le plus grand compte de l'ensemble des observations formulées."
Ce projet unique devait être dédoublé après son examen devant le Conseil d'Etat pour tenter de distinguer dispositions organiques et dispositions législatives ordinaires.
C'est ainsi qu'un projet de loi organique "modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel et le code électoral" fut déposé le
13 janvier 1988 devant l'Assemblée nationale, en même temps qu'un projet de loi relatif à la transparence financière de la vie politique.
J'ouvre ici une parenthèse. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi nous ne sommes pas saisis de la loi ordinaire. Certes, il est relativement plus sain que l'opposition ne nous saisisse pas systématiquement de tous les textes qu'elle a combattus sous prétexte de leur non-conformité à la Constitution. Ainsi, l'opposition ne cherche pas à faire du Conseil une sorte de troisième chambre législative. Mais, ici, je ne comprends pas pourquoi nous ne sommes pas saisis. Peut-être est-ce parce que l'opposition, tout en estimant que le texte n'est pas bon, constate que c'est déjà une avancée ? Toujours est-il que nous ne sommes saisis que de la loi organique.
Je relèverai que l'intitulé du projet de loi ordinaire qui deviendra le titre également de la loi organique, est une reprise seulement partielle de l'énoncé de la proposition de loi déposée le 16 mars 1987 par Monsieur VASSEUR, "la moralisation du financement" de la vie politique étant tombée à la trappe.
Les premiers signes de dissensions au sein des formations de la majorité n'ont pas tardé à se manifester. Le principal point de discordance touchait à un domaine dont nous n'aurons pas directement à connaître : le financement public des partis politiques. Le bureau du R.P.R. se ralliait, le 14 janvier 1988, aux positions de Monsieur PINTE farouchement opposé à un tel financement, tandis que l'U.D.F. ne pouvait ignorer que Monsieur BARRE avait déposé en 1979 un projet de loi "relatif au financement public des partis politiques".
Mais, ce que le porte-parole du Premier ministre avait appelé "le droit qu'ont les électeurs de savoir si leurs élus s'enrichissent pendant leur mandat" devait également déjà susciter quelques inquiétudes. Et il est certain que la manière dont ce problème a été présenté était de nature à faire porter la suspicion sur les hommes politiques.
II.- LA PROCEDURE PARLEMENTAIRE :
Quoi qu'il en soit, à l'ouverture de la session extraordinaire, le 2 février 1988, le Ministre de l'intérieur
4 -
Il n'est pas sûr que cette confiance n'ait pas revêtu le caractère d'un voeu
1° Dès les premières interventions, Monsieur Pierre JOXE, au nom du groupe socialiste, s'interrogeait : "Est-ce que le projet présenté par le Gouvernement a été conçu pour faire avancer la législation ou bien est-ce un faux-semblant destiné à donner l'impression que le Gouvernement veut agir dans un sens pendant que les parlementaires de la majorité, soutenant le Gouvernement, démantèleraient ce dispositif, de telle sorte qu'en fin de parcours il y aurait certes une loi, mais qui n'aurait plus rien à voir, ni avec les objectifs annoncés quelques semaines auparavant, ni même avec le projet de loi déposé par le Gouvernement ?" (J.O. Débats, A.N. 2ème séance du 2 février 1988, p. 39).
Cette incertitude sur le résultat des débats trouvait à s'alimenter dans les amendements de la commission.
Quelles ont donc été les principales modifications apportées au texte initial en première lecture à l'Assemblée nationale ?
Je laisserai de côté les changements intervenus dans l'ordonnancement du texte : on ne peut dire qu'ils ont contribué à lui conférer une lisibilité parfaite.
Il faut, en revanche, relever une double initiative de la commission des lois en ce qui concerne la procédure de déclaration patrimoniale incombant aux parlementaires. Je dis bien patrimoniale et non "situation matrimoniale", ce qui aurait touché par trop la vie intime. Mais l'on sait qu'aux Etats-Unis cette situation matrimoniale joue un grand rôle dans la vie politique. Il est vrai que nous ne sommes pas, heureusement, aux Etats-Unis. Il y a donc eu une double initiative.
D'une part, tant par recherche de neutralité politique que par souci de simplicité, l'Assemblée nationale a confié à une commission, composée des plus hauts magistrats, le soin de recueillir et d'apprécier les déclarations patrimoniales des élus.
D'autre part, des sanctions pénales ont été prévues en cas de publicité ou de divulgation par des tiers du contenu de ces déclarations.
Les plafonds des dépenses autorisées ou des dons faits aux candidats ont connu un relèvement tandis qu'étaient atténuées les sanctions pour méconnaissance par les élus des règles sur le dépôt des déclarations patrimoniales et des comptes de campagne.
Mais le point le plus débattu fut sans conteste l'introduction d'un financement privé assorti de détaxation fiscale. A l'origine, il y eut l'amendement de Monsieur BUSSEREAU, adopté par la commission des lois de l'Assemblée contre l'avis du rapporteur-président de cette commission, et repris à son compte par le Gouvernement au cours des débats. Modifié par quelques sous-amendements, il a été voté par la majorité tandis que le rapporteur, fidèle à ses réserves, s'abstenait.
C'est cette question qui a été invoquée par les députés socialistes pour justifier leur abstention sur le vote d'ensemble en première lecture.
5 -
2° Le texte ainsi modifié a été transmis au Sénat qui prit plus de temps que prévu pour l'examiner. Le texte est venu en discussion le 11 puis les 16 et 17 février 1988.
Comme le reconnaît le rapporteur, la partie du texte qui a posé à la commission le plus de problèmes est celle relative à la déclaration des patrimoines. Non contents des sanctions pénales introduites par les députés pour réprimer toute divulgation ou publicité, les sénateurs se sont attachés à prévenir dès l'abord tout risque en la matière en invoquant tout à la fois les atteintes à la vie privée, la protection des personnes et les craintes de débats politiques centrés sur ce sujet.
Cette volonté d'assurer une pleine et entière confidentialité s'est traduite par un ensemble de mesures restrictives par rapport au projet soumis au débat.
En ce qui concerne l'élection du Président de la République, le Sénat, contrairement au projet gouvernemental adopté par l'Assemblée nationale, a supprimé la publication des déclarations patrimoniales des candidats autres que le candidat élu, pour la grande satisfaction du Front national qui l'avait demandé en vain devant l'Assemblée nationale. Pour prévenir toute fuite malencontreuse, ces déclarations seront déposées "sous pli scellé" et leur sincérité et leur exactitude ne seront plus garanties par un notaire : une déclaration sur l'honneur suffira.
En ce qui concerne les parlementaires, les mêmes précautions ont été retenues et le bureau des assemblées, comme dans le projet initial, devient le destinataire des déclarations. Aucun rapport ne devait être rendu public.
Pour faire reste de droit, les sénateurs de la majorité ont supprimé les précisions relatives à la nature des éléments de patrimoine devant figurer sur la déclaration ainsi que leurs règles d'évaluation.
Enfin, selon la même logique, le Sénat aggrava les sanctions pénales dont pouvaient être passibles les auteurs de divulgation ou de publication mais atténua les sanctions encourues par les élus pour dépassement du plafond de dépenses électorales.
3° Les députés de la majorité comme le Gouvernement ont pu épiloguer pour savoir si le texte issu du Sénat avait connu ou non ainsi un bouleversement. Sur un point du moins, ils ont dû admettre une certaine contradiction entre les objectifs du texte tels qu'énoncés par son titre, et la "confidentialité" stricte mise en place par les sénateurs.
Monsieur BUSSEREAU le dit avec un sens de la litote : "En ce qui concerne le patrimoine, il est exact que le Sénat a sensiblement modifié la copie de l'Assemblée nationale, mais la majorité de la commission des lois a pu faire un pas supplémentaire dans la voie de la transparence, laquelle avait subi, au Sénat, quelques légers assauts".
Le Ministre de l'intérieur
6 -
En revanche, le rapporteur devant l'Assemblée nationale et les députés de la majorité ont accepté, contrairement à leur opinion en première lecture, la limitation de la publication au seul candidat élu à l'élection présidentielle et le changement de l'autorité chargée de recevoir les déclarations des parlementaires. Sur ce dernier point, a été rappelée la jurisprudence des bureaux en matière d'incompatibilité et le Ministre de l'intérieur
Le Sénat, en deuxième lecture, adopta définitivement le texte, une sorte de commission mixte paritaire officieuse entre les membres de la majorité des deux assemblées s'étant tenue pour harmoniser les positions.
Au terme de cette discussion parlementaire, on peut relever un certain nombre de paradoxes :
- engagée pour parvenir au plus large consensus, elle s'est achevée difficilement sur des bases sauvegardant l'unité de la seule majorité, il n'y a donc pas eu de consensus global ;
- rejeté en première lecture par l'Assemblée nationale, le contenu d'un amendement du Front national se trouve repris par la majorité sénatoriale puis par la majorité de l'Assemblée nationale ;
- l'objectif de la transparence financière de la vie politique se traduit par un régime renforcé de confidentialité et du secret ;
- le souci de restaurer la confiance des électeurs envers les élus de la Nation emprunte des voies encourageant les financements multiples et nombreux.
Après ces indications dans lesquelles je vous demande de ne voir aucune malignité de ma part, mais qui sont destinées à éclairer le climat général dans lequel se situe le texte, je puis en venir à un examen de chacune de ses dispositions.
EXAMEN DES DISPOSITIONS DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE A LA TRANSPARENCE FINANCIERE DE LA VIE POLITIQUE
Les quatorze articles de cette loi sont répartis en trois titres.
Les articles 1er à 4 forment le titre I. Ses dispositions sont relatives au Président de la République.
Le titre II, articles 5 à 12, contient les dispositions relatives aux membres du Parlement.
Enfin, le titre III, articles 13 et 14, traite des dispositions transitoires.
I. S'agissant des dispositions relatives au Président de la République, nous examinerons, d'une part, celles concernant les déclarations du patrimoine des candidats à l'élection présidentielle et du Président de la République et, d'autre part, celles consacrées au financement des campagnes pour l'élection du Président de la République.
7 -
Mais au préalable, je ferai deux observations :
La première sur le fait qu'en retenant la forme organique pour prendre de telles dispositions le législateur a fait une très exacte application du second alinéa de l'article 6 de la Constitution. Il y est en effet prévu que les modalités d'application de l'élection du Président de la République sont fixées par une loi organique.
La seconde sera critique. Il est regrettable que les dispositions relatives à l'élection du Président de la République n'aient pas toutes été rassemblées dans la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, texte de base en la matière. Le choix du renvoi à des articles du code électoral (article L.O. 135-1, L.O. 163-1 à L.O. 163-3 et L.O. 179-1) rend la lecture du texte beaucoup moins aisée. On peut d'ailleurs se demander si ce choix s'imposait, dès lors que dans certains cas (articles L.O. 163-1 et L.O. 163-2) les dispositions, pour s'appliquer, ont dû faire l'objet d'adaptations.
A. Venons en
Dans l'état actuel des textes, il appartenait au Conseil constitutionnel, avant d'arrêter la liste des candidats, de s'assurer du consentement des personnes présentées.
La loi déférée soumet les candidats à une obligation nouvelle : cette obligation est imposée à peine de nullité de la candidature.
Les candidats devront en effet remettre au Conseil constitutionnel une déclaration de leur situation patrimoniale. Cette déclaration doit être remise je cite à nouveau "sous pli scellé". Elle doit être conforme aux dispositions de l'article L.O. 135-1 du code électoral.
En se reportant à cet article, on constate qu'il s'agit d'une déclaration certifiée sur l'honneur exacte et sincère concernant la totalité des biens propres du candidat et, éventuellement, ceux de la communauté ou les biens réputés indivis en application de l'article 1538 du code civil. Il y aura certainement toute une série de plis en ce qui concerne la communauté.
La déclaration est remise sous pli scellé. Seule en effet la déclaration du candidat proclamé élu sera rendue publique. Elle fera l'objet d'une publication au Journal officiel jointe à la décision du Conseil constitutionnel arrêtant et proclamant les résultats de l'élection.
En revanche, l'ensemble des candidats doivent s'engager, en cas d'élection, à déposer une nouvelle déclaration en fin de mandat. Cette nouvelle déclaration sera elle aussi rendue publique.
B. Les articles 2 à 4 concernent le financement des campagnes pour l'élection du Président de la République.
La réforme du financement des campagnes peut s'analyser en trois temps :
8 -
1° l'institution d'un compte de campagne ;
2° le plafonnement des dépenses électorales ;
3 ° le remboursement de ces dépenses.
1° Institution d'un compte de campagne :
A l'instar de ce qui est prévu pour les élections législatives, mais sous réserve des adaptations rendues nécessaires par la spécificité de l'élection présidentielle, chaque candidat est désormais tenu d'établir un compte de campagne.
Ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses effectuées en vue de son élection par lui-même ou pour son compte.
Le compte de campagne recouvre la période de six mois précédant le scrutin. Il couvre donc une période bien plus étendue que celle de la campagne électorale au sens du code électoral et ce qui explique peut-être la déclaration de Monsieur PASQUA sur la rétroactivité des comptes par Monsieur CHIRAC.
Dans les soixante-dix jours qui suivent le tour de scrutin où l'élection a été acquise, chaque candidat présent au premier tour adresse au Conseil constitutionnel le compte de sa campagne.
Ces comptes sont publiés au Journal officiel.
2° Le plafonnement des dépenses électorales :
La loi prévoit ensuite de plafonner les dépenses électorales autres que celles directement prises en charge par l'Etat, à savoir les affiches et déclarations officielles de propagande électorale.
Ce plafond est de 120 millions pour les candidats présents au premier tour, augmenté de 20 millions pour les deux candidats restant en lice, le cas échéant, au second tour.
Ce plafond est réévalué par décret en fonction de l'évolution des prix à la consommation des ménages.
3° Le remboursement des dépenses électorales :
Jusqu'ici, il était prévu que l'Etat remboursait le cautionnement de 10 000 F. et les dépenses de propagande à hauteur de 250 000 F. à tout candidat ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés.
La loi déférée opère désormais une différenciation entre le remboursement du cautionnement et celui des autres dépenses.
9 -
Comme par le passé, pour obtenir le remboursement du cautionnement destiné à dissuader les candidatures "fantaisistes", il faudra avoir obtenu 5 % des suffrages exprimés. On peut, mais j'ouvre ici une parenthèse, s'interroger sur le montant demeuré inchangé, du cautionnement et qui est toujours de dix mille francs (10 000 F.).
Par contre, chaque candidat présent au premier tour se verra rembourser à titre forfaitaire, c'est-à-dire quelque soit le nombre de suffrages obtenus, une somme égale au vingtième du plafond des dépenses de campagne, soit 6 millions de francs. Il est cependant précisé que le montant du remboursement ne peut excéder le montant des dépenses retracées par chaque candidat dans son compte de campagne.
Pour les candidats ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés, ce remboursement forfaitaire est porté au quart du plafond, soit 30 millions pour les candidats présents au premier tour et 35 millions pour ceux présents au second tour.
Ce remboursement ne sera cependant acquis qu'à deux conditions :
- la première est que le candidat dépose, dans les délais, son compte de campagne ;
- la seconde est que les dépenses retracées dans ce compte ne soient pas supérieures aux plafonds de dépenses fixés par la loi.
Avant d'en terminer avec l'examen des dispositions relatives à l'élection présidentielle, je ferais deux remarques.
Si les dispositions prévues pour la déclaration de la situation patrimoniale des candidats sont moins contraignantes que celles initialement proposées, elles n'appellent pas, de ma part, de commentaire particulier, pour en rester au plan de leur constitutionnalité, dès lors, notamment, que le cas du conjoint, qui aurait pu faire l'objet de remarques, ne se pose plus. Je dois cependant signaler que Monsieur le Président LECOURT a, par le truchement de Monsieur Bruno GENEVOIS, bien voulu appeler mon attention sur le fait que la déclaration du patrimoine, bien que s'appliquant aux biens de communauté, ne devrait pas avoir pour conséquence de subordonner la présentation d'une candidature à l'accord du conjoint du candidat. Je ne sais s'il est indispensable de préciser cela dans le texte même de notre décision. Honnêtement je ne le crois pas. Mais je me devais de vous présenter cette observation.
Je me suis aussi interrogé sur la constitutionnalité des dispositions concernant le plafonnement des dépenses électorales.
En effet, je me dois d'indiquer que la Cour Suprême des Etats-Unis a jugé, par un arrêt du 30 janvier 1976 que l'Etat ne saurait plafonner des dépenses de campagne dès lors que le candidat contribue par lui-même et sur ses propres ressources au financement de sa campagne.
Au regard de cette jurisprudence, il m'apparaît tout d'abord que le texte qui nous est déféré prévoit un plafonnement global qui est doublé d'un mécanisme de prise en charge partielle des dépenses par l'Etat. Une
10-
telle mesure tempère les effets inégalitaires tenant aux différences de ressources entre candidats. Le législateur a essayé de concilier un impératif libéral et un souci d'égalité. Une telle orientation ne me paraît pas discutable sur le plan constitutionnel. Au demeurant, dans notre décision du 18 septembre 1986, à propos de la publicité politique à la télévision, le Conseil, à mon rapport, a tenu à souligner que la richesse ne devait pas faire obstacle à l'égalité entre candidats.
Je vous propose donc de ne pas vous engager dans la même voie que la Cour Suprême des Etats-Unis.
Monsieur le Président interrompt alors le rapporteur car il veut faire deux observations concrètes.
La première concerne les déclarations de situation patrimoniale qui veut être adressées au Conseil constitutionnel par les candidats sous pli scellé. Faudra-t-il les remettre le lendemain de la proclamation des résultats sans les avoir ouvertes ? Par ailleurs, il me semble que nous n'avons pas au Conseil les installations nécessaires pour les conserver. Il sera préférable de se faire ouvrir un coffre à la Banque de France.
Monsieur le Secrétaire général indique que le dispositif de sécurité va être renforcé puisqu'un escadron de gendarmerie va s'installer au Conseil du 17 mars au 18 mai.
Monsieur le Président maintient que les déclarations de situation patrimoniale des candidats devront être disposées à la Banque de France.
Monsieur VEDEL : Cela va faire augmenter l'encaisse de la Banque de France !
Monsieur le Président demande alors au rapporteur s'il compte traiter dans la suite de son rapport du problème singulier du remboursement forfaitaire.
J'attire l'attention du Conseil sur ce point. C'est une situation très particulière que je connais pour avoir participé à deux campagnes présidentielles. Quel est, en effet, le système ? Des supporters, personnes physiques et morales, versent des fonds aux candidats. Ces fonds sont très importants, notamment ceux donnés par les entreprises. Selon des proportions qui varient selon la sympathie pour les différents candidats.
Le scrutin achevé, l'Etat, c'est-à-dire nous, va verser une somme qui se situe entre six et trente millions. C'est une somme énorme.
Or tout aura été réglé sur les fonds qui auront été versés aux candidats, et l'Etat va verser à chaque candidat trois milliards de centimes, puisque le versement est forfaitaire. Le texte de la loi qui dit que le remboursement ne peut excéder le montant des dépenses est d'ailleurs peu précis. Si un candidat a dépensé moins, cela va être tout profit pour lui. Il va donc gagner de l'argent du fait de sa campagne. Ce n'est plus un remboursement, c'est une plus-value.
Monsieur VEDEL : Mais le remboursement ne peut excéder le montant des frais engagés.
11-
Monsieur le Président : Si, puisque le texte, en parlant de remboursement forfaitaire, permet au candidat de dire "j'ai droit à ça".
Messieurs VEDEL et SIMONNET disent que le texte ne le permet pas.
Monsieur le Président se rejouit
Monsieur VEDEL : Certes, Monsieur le Président, je vous suis, mais ici on ne peut pas interpréter. On ne peut interpréter un texte que lors qu'il est douteux. Dès lors que le texte est clair, on ne peut que l'admettre ou le censurer.
Monsieur le Président : Monsieur Le PEN, par exemple, va dépenser cinquante millions et il va récupérer trente millions et ce remboursement, il ira dans sa poche ou à sa formation politique.
Monsieur VEDEL : Vous soulevez là, Monsieur le Président, un problème pratique très difficile à résoudre. Comment faudrait-il rembourser les donateurs ? Au marc le franc, comme dans une liquidation judiciaire ?
Monsieur le Président : Ce problème est très important. Imaginez qu'un candidat qui aura obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés, va avoir droit à six millions de francs.
Monsieur SIMONNET : Mon expérience de trésorier de parti m'a enseigné que les campagnes se financent à crédit. Ce n'est qu'après que l'on pense à rembourser. En 1965, la campagne pour l'élection présidentielle (allusion à la campagne de Monsieur LECANUET) était entièrement financée par l'emprunt.
Monsieur le Président : Pour ma part, je connais le cas d'une campagne où des fonds considérables ont été reversés à une grande formation politique. Il faut donc rembourser à l'Etat.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Vous me révélez une chose que j'ignorais. Je suis trop candide. Une société qui participe au financement d'une campagne électorale verse cet argent à qui ?
Monsieur le Président : Au comité de soutien. De plus, il y a des financements occultes et c'est rarement la société qui apparaît.
Monsieur FABRE : Personnellement, mes campagnes ont été financées à crédit. Sur le plan national, on peut prévoir des dispositions plus précises mais on n'évitera jamais que le remboursement soit contrôlé.
Monsieur le Président : Il faut s'assurer que le candidat ne garde pas les fonds pour lui.
12-
Monsieur FABRE : Ceux-ci serviront à payer les frais de la campagne. C'est un minimum garanti pour un candidat peu argenté. L'idée du législateur est d'assurer au candidat qui n'a pas de fortune le remboursement d'une somme minimale. Je comprends votre souci mais je ne vois pas comment on peut procéder autrement.
Monsieur le Président : Il peut y avoir un bénéfice net pour le candidat. Je suis sceptique sur le remboursement effectif aux donateurs, sauf à ajouter une disposition ainsi rédigée : "A la condition que les sommes attribuées par l'Etat à chaque condidat
Monsieur VEDEL : Cette rédaction ne me paraît pas possible parce que vous faites dépendre la conformité du texte de la pratique qui sera suivie. Or ces dispositions soulèvent une foule de questions.
Monsieur le Président : Je ne le crois pas, Monsieur le Doyen. Le décret peut préciser les modalités de l'application.
Monsieur VEDEL : Votre hypothèse repose sur le cas non-invraisemblable d'un candidat qui se trouve bénéficiaire du fait du remboursement. Normalement ces fonds devraient être reversés au Trésor mais le remboursement des donateurs se heurte à des difficultés. Il faut les retrouver et définir les modalités de cette répartition. En outre, se pose le problème des dons anonymes. Cette question ne peut être résolue par voie réglementaire. Il faut une loi spéciale et cette interprétation risquerait de paralyser le texte.
Monsieur le Président : Vous mesurez l'enjeu du problème. Le destinataire du don sera le parti contrairement à l'intention du législateur. On ne peut concevoir le financement des partis politiques par ce biais. Soit on ferme les yeux, soit sous l'expression "candidat", on vise l'enrichissement d'une personne physique ou morale. Mais l'introduction d'une telle disposition ne manquerait pas de faire du bruit. Un décret pourrait prévoir la mise en place d'un compte spécial de campagne sur lequel serait versé le remboursement et des fonds feraient l'objet d'un contrôle. Il convient de prendre des précautions.
Monsieur MAYER : J'évoque cette question par la suite mais je voudrai nous donner lecture du considérant 5, du projet de décision, page 3.
Il conviendrait d'insérer après les mots "le remboursement par l'Etat des dépenses électorales", les mots "dans la mesure où il n'excède pas le solde...".
Monsieur VEDEL : Je suis désolé mais cette formulation ne répond pas à la question de savoir à qui et comment cet argent sera remboursé.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Je comprends votre argumentation en faveur d'un décret contre l'enrichissement sans cause mais est-ce nécessaire dans la mesure où le texte de la loi organique confie au Conseil le soin de recevoir les comptes de campagne des candidats à l'élection présidentielle ?
13-
J'ajoute que le remboursement forfaitaire ne peut excéder le montant des dépenses retracées dans le compte de campagne. Par conséquent, le législateur a donné à mon sens les moyens au Conseil pour qu'il s'assure qu'il n'y ait pas d'enrichissement personnel. Enfin, il me paraît peu opportun de demander au Gouvernement de prendre un décret.
Monsieur le Président : Le Conseil constitutionnel reçoit les comptes de campagne mais je ne souhaite pas qu'il s'engage sur la voie du contrôle. Je vous pose la question : estimez-vous que le législateur donne une compétence de contrôle au Conseil ?
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Je pense que oui. Le texte prévoit que le remboursement forfaitaire n'est pas accordé si les candidats ont dépassé le plafond de dépenses électorales et n'ont pas déposé leurs comptes de campagne dans les conditions requises par la loi.
Monsieur VEDEL : Je serai plus radical. Il faudrait préciser que le remboursement n'est affecté qu'aux dépenses personnelles supportées par le candidat.
Monsieur le Président : L'ouverture d'un compte au nom du candidat est nécessaire.
Monsieur VEDEL : Le compte de campagne devant retracer tous les dons, par une simple soustraction, il est aisé de déduire ce qui est à la charge du candidat.
Monsieur le Président : Dans la logique du texte, le remboursement forfaitaire s'applique aux dépenses effectuées par le candidat lui-même. Il faut interpréter ce texte comme une invitation à la clarté des comptes alors que d'habitude les dépenses sont supportées par un comité de soutien. Le compte de campagne sera le compte du candidat.
Monsieur FABRE : Ceci n'empêchera pas les financements occultes.
Monsieur le Président : J'en conviens mais l'existence d'un compte à part évitera que l'argent n'aille au parti.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Je me pose le problème des rapports entre un candidat et une imprimerie. Fera-t-elle tout à crédit ? Je ne connais pas le financement des campagnes électorales à l'échelon national. Je n'ai que l'expérience des campagnes départementales et je n'ai jamais touché de l'argent de qui que ce soit, ni été aidé par un comité de soutien.
Monsieur le Président : Les frais de campagne sont pris en charge par le parti politique puis peut-être ensuite par le comité de soutien.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Le Conseil constitutionnel reçoit les comptes de campagne et s'assure qu'il n'y a pas d'enrichissement de la part du candidat.
Monsieur le Président : La formule du projet du cinquième considérant me convient sous réserve des mots "d'un candidat" après les mots "l'enrichissement". A partir du moment où le candidat a reçu le remboursement forfaitaire et où il a couvert ses dépenses, il ne doit pas conserver l'excédent. Or c'est ce qui nous menace.
14-
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Je suis d'accord avec l'adjonction que vous proposez.
Monsieur le Secrétaire général : Je voudrais attirer votre attention sur une difficulté concernant le renvoi des textes entre le titre 1er et le titre II dans le texte soumis à votre examen. Ces difficultés portent sur plusieurs points.
D'abord s'agissant de l'élection du Président de la République, l'article 2 du projet de loi organique renvoie à l'article L.O. 163-1 du code électoral mais le compte de campagne s'applique en l'espèce à une durée de six mois précédant le scrutin et non de trois mois.
Les dispositions transitoires du projet de loi organique prévoient que "le compte de campagne couvrira la période comprise entre la date de publication de la présente loi et la date du scrutin".
Ensuite, le même article 2 soumet chaque candidat présent au premier tour à l'obligation d'adresser au Conseil le compte de sa campagne accompagné des pièces mentionnées à l'article L.O. 179-1 du code électoral.
A cet égard, on peut s'interroger sur la règle de publicité imposée au Conseil constitutionnel.
La loi fait obligation aux candidats de déposer leurs comptes de campagne au Conseil constitutionnel. Celui-ci doit-il exercer un contrôle de l'existence ou de la régularité des comptes ? Je pense qu'à tout le moins, dès lors que ces comptes sont présentés par un expert-comptable agréé, il faut s'en tenir à un contrôle de l'existence des comptes et de leur cohérence au regard des exigences légales.
Monsieur le Président : En effet, je pense qu'il ne faut pas aller au-delà d'un contrôle de l'existence.
Monsieur le Secrétaire général : J'ajoute enfin que le remboursement forfaitaire des dépenses de campagne ne peut excéder le montant des dépenses du candidat rétracées
Monsieur VEDEL : La première piste que j'avais suivie consistait à rembourser les tiers. En fait cette idée me paraît fausse et irréalisable. Si le remboursement forfaitaire ne vise que les dépenses du candidat, cette solution aura le mérite de faire faire de grosses économies à l'Etat.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Les donateurs financeront à ce moment là
15-
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Je dois avouer mon ignorance sur le financement des partis politiques. La suggestion qui a été faite de déposer les déclarations de situation patrimoniale à la banque de France me gène dans la mesure où la loi organique prévoit expressément que les déclarations doivent être remises au Conseil constitutionnel. Celui-ci pourrait avoir un coffre (1).
Monsieur le Président : Le Conseil resterait dépositaire de ces déclarations tout en étant locataire du coffre.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Quant au reste, je tiens à dire que je partage entièrement le point de vue de Monsieur JOZEAU-MARIGNE.
Monsieur FABRE : Je suis favorable à tout verrouillage mais je nourris un grand scepticisme à l'égard de la loi tout entière. Il est toujours possible de présenter des comptes de campagne réguliers mais les donateurs ont le souci de rester discrets. J'ai le souvenir d'un don de 500.000 F remis sans reçu par un chef d'entreprise qui le tirait de sa poche. On peut donc apaiser notre conscience mais il faut être sans illusion.
Monsieur le Président : A ce stade de la réflexion nous pouvons poursuivre et nous verrons ensuite.
Ce qui est révélateur d'un changement, c'est l'indifférence des électeurs à l'égard des sommes en jeu. Cette absence de réaction traduit le triomphe absolu de la publicité et de la communication en matière politique. Des sommes considérables sont engagées.
Monsieur SIMONNET : J'ajoute que chaque candidat a droit à une heure de télévision gratuite. Or ces émissions sont très coûteuses.
Monsieur le Président : Elles sont prises en charge par l'Etat.
Monsieur VEDEL : Elles sont gratuites pour les candidats mais elles constituent néanmoins des économies pour les chaînes qui n'ont pas à dépenser ainsi de l'argent pour les films.
Monsieur SIMONNET : Ces subventions en nature représentent des montants très importants.
Monsieur MAYER : Cette dégradation est malheureuse mais on peut espérer que le public sera saturé de la publicité en général et de la politique en particulier.
II.- LOI RELATIVE AUX MEMBRES DU PARLEMENT
Nous abordons maintenant les dispositions du titre II de la loi relative aux membres du Parlement :
Ces dispositions concernent, d'une part, la déclaration de la situation patrimoniale et, d'autre part, le financement de la campagne électorale.
16-
Précisons, tout d'abord, que l'intitulé de ce titre ne doit pas nous tromper.
Seules, en effet, les dispositions relatives à la déclaration de situation patrimoniale sont communes aux sénateurs et aux députés par l'effet de l'article L.O. 296, alinéa 2, du code électoral. Les dispositions qui ont trait au financement des campagnes électorales n'intéressent que les députés.
A. La déclaration de situation patrimoniale des sénateurs et des députés :
Comme je vous l'ai indiqué précédemment, ces dispositions ont fait l'objet de débats entre le Sénat et l'Assemblée nationale, notamment en ce qui concerne la teneur de cette déclaration, l'organe compétent pour la recevoir et l'apprécier et la publicité qu'il convenait de lui donner.
Pour ce faire, les députés estimaient que serait mieux assurée une unité de jurisprudence, dès lors que le même organe se voyait chargé d'apprécier les variations de situation patrimoniale de l'ensemble des personnes soumises à déclaration.
A l'arrière-plan, et c'est l'idée qui me tient à coeur,
Mais je ferme ici cette parenthèse. La solution retenue ne paraît pas inconstitutionnelle.
Cette nouvelle obligation imposée aux parlementaires ne porte atteinte à aucun principe de valeur constitutionnelle. Par ailleurs, et dès lors que l'absence du dépôt de déclaration est sanctionnée, en vertu de l'article L.O. 128 du code électoral tel que rédigé par la loi déférée, par une déchéance et une inéligibilité d'un an, la nature organique de ce texte s'imposait, du moins dans l'obligation nouvelle qu'il posait. Cela vise concrètement les deux premiers alinéas de l'article L.O. 135-1 du code électoral.
B. Le financement des campagnes pour l'élection des députés :
1° Les dispositions relatives à ce financement sont prévues par les articles L.O. 163-1 à L.O. 163-4 du code électoral, qui résultent des articles 7 et 8. Ces dispositions, comme je vous l'ai indiqué, ne s'appliquent pas aux élections sénatoriales.
a) L'article L.O. I63-1 dispose que chaque candidat est tenu d'établir un compte de campagne, pour les mois précédant le scrutin, qui retrace, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses effectuées, en vue de son élection ou pour son compte.
Cet article n'appelle pas de ma part de commentaire particulier. Je note qu'il s'agit bien là d'une disposition devant revêtir le caractère organique, puisque le défaut d'établissement de compte est sanctionné par la déchéance de l'élu et son inéligibilité pendant un an.
17-
La loi qui nous est déférée prévoit que chaque parlementaire, dans les quinze jours suivant son entrée en fonctions, et non son élection, est tenu de déposer sur le bureau de son assemblée une déclaration certifiée sur l'honneur exacte et sincère de sa situation patrimoniale concernant notamment la totalité de ses biens propres ainsi que, éventuellement, ceux de la communauté ou les biens réputés indivis en application de l'article 1538 du code civil.
Cette déclaration ne fait l'objet d'aucune publicité. Bien au contraire, le bureau en assure le caractère confidentiel, de même qu'il assure le caractère confidentiel des observations que pourront formuler les parlementaires sur l'évolution de leur patrimoine.
En fin de mandat, une nouvelle déclaration doit être déposée.
Le bureau apprécie la variation des situations patrimoniales des parlementaires, telle qu'elle résulte des déclarations et des observations qu'ils ont pu formuler.
Le Président de chaque assemblée établit, chaque fois qu'il le juge utile, et en tout état de cause à l'occasion de chaque renouvellement, un rapport, publié au Journal officiel de la République française, qui peut comporter, soit à son initiative, soit à la demande des intéressés, les observations des parlementaires.
J'ouvre ici une parenthèse, une de plus peut-être penserez-vous, mais qui me tient à coeur
b) L'article L.O. 163-2 plafonne les dépenses de campagne de chaque candidat à 500 000 F.
Je note, au passage, qu'à la différence de ce qui est prévu pour l'élection présidentielle, le plafonnement est identique, quelque soit le tour de scrutin auquel l'élection a été acquise.
Ce plafond est réévalué, par décret, en fonction des prix à la consommation des ménages.
En tant qu'il s'applique aux députés, cet article n'est pas du ressort d'une loi organique.
.
également à l'élection présidentielle, fixe les règles relatives aux dons consentis aux candidats.
18-
Ces règles sont les suivantes :
- l'alinéa 1 prévoit que les dons manuels consentis par une personne physique ne peuvent excéder 20 000 F., et ceux consentis par une personne morale 50 000 F. Aucune limite n'est fixée pour les dons consentis par un parti ou groupement politique ;
- l'alinéa 2 dispose que tout don supérieur à 2 000 F. doit être versé par chèque ;
- les alinéas 3 et 4 limitent les dons en espèces faits aux candidats au cinquième du total des recettes mentionnées dans le compte de campagne et prévoient que, en tout état de cause, les dons consentis à un candidat ne peuvent excéder le plafond des dépenses de campagne ;
- enfin, l'alinéa 5 interdit aux personnes morales de droit public, aux casinos, cercles et maisons de jeux, d'effectuer des dons aux candidats.
J'indique que l'article L.O. 163-3 a valeur de loi organique en ce qu'il concerne l'élection du Président de la République. A l'inverse, il a simplement valeur de loi ordinaire en tant qu'il s'applique à l'élection des députés.
Cette différence d'ordre juridique réside de la différence des domaines d'intervention de la loi organique, qui résultent respectivement de l'article 6, alinéa 2, de la Constitution et de l'article 25.
d) L'article L.O. 163-4 enfin, introduit par l'article 8, interdit aux candidats de recevoir directement ou indirectement, pour quelque dépense que ce soit, des dons d'un Etat étranger ou d'une personne physique ou morale de nationalité étrangère.
Ce texte, qui ne s'applique pas à l'élection du Président de la République, n'a, à aucun degré, valeur de loi organique.
e) Pour avoir une vision complète du mécanisme de financement, il convient d'indiquer que l'article 9 de la loi complète l'article 238 bis du code général des impôts afin de permettre une déductibilité sur le plan fiscal des dons consentis.
Cette déductibilité ne pourra jouer que dans les limites d'ores et déjà définies par la loi fiscale :
- 2 p. 1 000 du chiffre d'affaires des sociétés ;
- 1,25 % du revenu imposable des autres contribuables.
A mon sens, ce régime fiscal n'est pas du ressort de la loi organique.
2° Quoiqu'il en soit de ce dernier point, on peut dire que les dispositions concernant certaines modalités de financement ont donné lieu à une vive controverse lors des débats parlementaires.
19-
a) Deux logiques antagonistes se sont opposées : une logique libérale et une logique égalitaire.
En fonction d'une certaine idée de la liberté d'expression, il pourrait être soutenu qu'une personne physique, et même une personne morale peut apporter librement son soutien financier au candidat de son choix et que la loi organique ou ordinaire ne doit pas pouvoir entraver ce libre choix, ni quant au destinataire de l'aide, ni quant à l'ampleur de celle-ci.
En sens inverse, plusieurs intervenants ont exprimé la crainte que le mode de financement par dons émanant de personnes morales, joint à des possibilités de déduction sur le plan fiscal, ne s'avère par trop inégalitaire. Du côté du parti socialiste notamment, l'accent a été mis sur le fait que les déductions fiscales, dès lors qu'elles sont ouvertes aux entreprises, allaient favoriser essentiellement les partis conservateurs qui sont proches des milieux d'affaires.
b) Qu'en est-il sur le plan constitutionnel ?
- Un premier point me paraît pouvoir être aisément admis. Le plafonnement des dons émanant d'une même personne me semble devoir être admis en fonction de la nécessité d'assurer l'indépendance du candidat.
- En deuxième lieu, une limitation des dons se justifie d'autant plus que ces derniers bénéficient d'un régime fiscal favorable.
En effet, l'exonération fiscale aboutit à créer une aide publique indirecte.
Cette aide publique est mise en oeuvre
Elle recèle des risques d'inégalité. Mais ces derniers sont tempérés dans leurs effets, par le jeu des limitations prévues par la loi :
.
.
- En troisième lieu, il ne faut pas perdre de vue qu'il existe un plafonnement d'ensemble des dépenses de campagne et que l'Etat prend en charge une part de ces dépenses.
Cela est indiqué discrètement dans le texte de l'article L.O. 163-2 du code électoral. Cela est confirmé par le texte de la loi ordinaire sur la transparence financière de la vie politique.
- Reste un dernier problème, qui est sans doute le plus délicat. Si l'on conçoit fort bien que l'Etat encourage et réglemente l'aide apportée par des personnes physiques (qui sont des électeurs) aux candidats, est-il pleinement justifié que les mêmes faveurs puissent être consenties dans le cas des personnes morales ?
20-
La question ainsi posée a été très controversée en Allemagne Fédérale. Au sein de la Cour constitutionnelle, une minorité de juges a contesté la possibilité de permettre aux personnes morales de faire des dons aux candidats, sous un régime fiscal favorable.
Il y a effectivement un seuil qualitatif à franchir pour ouvrir à une société poursuivant un but lucratif et qui n'est en rien électeur des possibilités comparables à celles offertes au citoyen, pris en sa qualité d'électeur.
Eu égard cependant aux conditions dans lesquelles les entreprises apportent présentement leur concours aux candidats à une élection, il me semble que le mieux risque d'être l'ennemi du bien. On peut tolérer une intervention des personnes morales dans la financement des campagnes, dès lors qu'elle fait l'objet d'un encadrement destiné à éviter deux choses :
1° qu'une atteinte ne soit portée à l'indépendance du candidat ;
2° qu'il n'y ait une trop forte inégalité.
En définitive, et avec un enthousiasme dont vous mesurez vous-mêmes les nuances, car le texte voté est défectueux tant en la forme que sur le fond, je vous propose d'admettre la conformité à la Constitution de la loi parfois improprement dénommée, loi organique relative à la transparence financière de la vie politique.
La séance est suspendue puis reprise à 11 heures 40.
Monsieur SIMONNET : Je m'interroge sur l'application de la notion de communauté aux déclarations de patrimoine des candidats à l'élection présidentielle, du Président de la République et des membres du Parlement. Je suis publiciste et non civiliste. Je ne sais pas si cette disposition de l'article 5 est contraire à la Constitution, aussi j'avance à pas comptés. Elle a pour objet non de connaître la fortune de l'élu mais de s'assurer que le parlementaire ou le Président de la République ne s'est pas enrichi en cours de mandat.
Dans ces conditions, on peut se demander pour quelles raisons il est fait appel à la notion de communauté. La communauté a changé. Elle n'est plus inégalitaire comme avant. Elle est gérée paritairement. On ne peut négliger l'hypothèse où le conjoint de l'élu exercerait une profession très lucrative.
Monsieur VEDEL : L'élu fera valoir à ce moment-là que c'est son conjoint qui a gagné de l'argent et non lui.
Monsieur SIMONNET : Je veux bien mais je crains que cette réponse ne convainque pas le public.
Monsieru
Monsieur le Président : La séparation de biens signifie que chacun à la liberté de disposer de ses biens.
21-
Monsieur VEDEL : Cette loi est immorale, hypocrite et n'est que de la poudre aux yeux. Dans sa logique il aurait fallu aller encore plus loin.
Monsieur le Président : Si le législateur veut déceler une fraude possible, il convient d'étendre ces investigations à la communauté de vie, aux concubins et aux concubines. Imaginez le cas d'un parlementaire gui ait pour concubine la femme d'un de ses collègues. Cette situation serait courtelinesque.
A moins que ce ne soit du Feydeau, comme me le suggère Monsieur le Secrétaire général. En tout cas cela ne me paraît pas d'ordre constitutionnel.
Le doyen VEDEL a raison mais il est désagréable pour le conjoint d'être l'objet d'une curiosité particulière. Cette disposition prouve que ce texte est idiot. Seul le "Canard enchaîné" y trouvera son compte.
Monsieur SIMONNET : Il ne faut pas être pessimiste. Il y a un effet de dissuasion. Je pense à Monsieur DASSAULT.
Monsieur VEDEL : Pourquoi, il a triché ?
Monsieur SIMONNET : Non, je pense au plafond de dépenses de campagne électorale.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : J'attends la lecture du projet de décision.
Monsieur FABRE : Cette loi est une passoire. Je prends l'exemple de l'article L.O. 163-3. Les dons transiteront par les partis et les groupements politiques mais rien n'interdit aux donateurs de faire dix chèques de 1999 F pour contourner les dispositions de cet article.
Monsieur VEDEL : Vous avez mis le doigt sur une possibilité : je donne à un parti politique comme j'effectue un don à une association cultuelle pour le denier du culte.
Monsieur MAYER : Vous avez observé que je n'avais pas manifesté un grand enthousiasme pour cette loi. On a tout mis dans ce texte composite. Je ne peux gue nous renvoyer à Condorcet qui conseillait d'apprendre par coeur
Monsieur MAYER procède à la lecture des considérants 1 à 5 du projet de décision.
Monsieur le Président : Je souhaiterai que l'on vise les personnes physiques ou morales au considérant 5.
Monsieur VEDEL : Il convient peut-être dans un souci de cohérence de remanier ce texte après que nous ayons examiné l'article L.O. 163-3 du code électoral. J'ajoute que si l'on introduit les mots "sous réserve", cela annonce une réserve. Il faudra revenir sur cette question lorsque l'article 7 sera appelé.
Le considérant 5 du projet est réservé.
22-
Monsieur MAYER poursuit la lecture des considérants 6 à 10.
Monsieur VEDEL : Je ne comprends pas les dispositions du cinquième alinéa de l'article L.O. 135-1 aux termes desquelles le rapport sur la situation patrimoniale des députés établi par le président de l'Assemblée nationale "peut comporter, le cas échéant, soit à son initiative, soit à la demande des intéressés, les observations des députés".
Monsieur le Secrétaire général : Ces observations sont les mêmes dans les deux cas, mais dans l'une des hypothèses elles auront reçu l'accord des députés.
Monsieur MAYER donne lecture des considérants 11 à 15 du projet de décision.
Monsieur le Président : Je m'interroge sur les dispositions autorisant les dons consentis par une personne physique ou morale respectivement à hauteur de 20.000 et 50.000 F. Ces dispositions légalisent-elles le principe du don par une entreprise à un parti ?
Monsieur le Secrétaire général : Les dispositions relatives aux dons manuels visent les dons consentis aux candidats.
Monsieur VEDEL : Compte tenu de l'autonomie de la loi fiscale, cela ne confère pas une bénédiction automatique aux sociétés.
Monsieur le Président : On peut s'interroger sur le cas des sociétés commerciales dont l'objet est fixé par les statuts.
Monsieur VEDEL : Cela ne met pas en échec la loi sur les sociétés et le code de commerce.
Monsieur le Président : Est-ce que cela signifie que pour le fisc les sommes qui dépassent ces seuils seront réintégrés ?
Oui. Nous sommes donc d'accord.
Les considérants 16 à 24 ne font pas l'objet d'observations.
Monsieur le Président : Avez-vous des remarques à présenter sur la rédaction du considérant 25 ?
Monsieur VEDEL : Sa rédaction me paraît très utile et très satisfaisante.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : C'est aussi mon point de vue.
Le Conseil aborde l'examen du 26ème considérant.
Monsieur SIMONNET : Je voudrais revenir sur la formulation "qu'il s'en suit..."
Monsieur VEDEL : Ce considérant appelle en effet des remarques de fond.
Le texte dit le contraire de ce que nous pensons. Si le texte précisait qu'il n'y a pas d'enrichissement nous ne nourririons pas cette inquiétude.
23-
Or, que souhaitons-nous dire ? Si l'on apporte des précisions, il faut indiquer que le remboursement ne s'applique pas aux candidats qui reçoivent des dons.
Il convient de limiter ce remboursement au montant des dépenses non couvertes par des recettes, c'est-à-dire, à celles que les candidats ont exposées personnellement. Il reste à savoir si l'on peut s'engager dans cette voie. Je demande à voir les textes mais soit nous en disons trop, soit nous n'en disons pas assez.
Monsieur MAYER : Je serais d'avis de supprimer le membre de phrase sur l'enrichissement du candidat.
Monsieur le Président : Je suggère de le rédiger ainsi : "Que le remboursement (ou que les sommes ainsi versées) ne sauraient en aucun cas conduire à...".
Monsieur VEDEL : Il y a une différence entre le fait d'interpréter le texte et de lui faire dire quelque chose de nouveau. La loi ne peut donner lieu à interprétation que si elle s'y prête. Or ce n'est pas le cas ici, nous ne pouvons qu'analyser le texte.
Monsieur le Secrétaire général : Je me permets de rappeler les dispositions de l'article L.O. 179-1 du code électoral qui soumettent les candidats aux élections législatives à l'obligation de dépôt d'un compte de campagne retraçant l'ensemble de leurs dépenses et l'ensemble de leurs recettes.
Monsieur VEDEL : Avec quoi le candidat aura-t-il payé sa campagne ? Prenons l'exemple d'une campagne qui lui aura coûté 150 F alors qu'il n'a que 100 F de recettes.
Monsieur SIMONNET : L'article L.O. 179-1 est très précis. Il renvoie à un compte de campagne "accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que de ses factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par lui ou par son mandataire". Le compte comprendra donc une colonne "recettes" et une colonne "dépenses".
Monsieur VEDEL : Si l'on rembourse la dépense électorale, on permet au candidat de réaliser un bénéfice. Si le Conseil veut dire quelque chose, il est conduit à donner une interprétation du texte. Cette phrase du considérant pourrait être alors ainsi rédigée : "Que compte tenu des recettes recueillies de source tierce, le remboursement ne saurait lui procurer un enrichissement..." Il nous appartient de définir une doctrine sur cette question.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Je ne suis pas partisan de l'établissement d'une doctrine sur ce sujet. Ce qui compte c'est la pratique. Je prends l'exemple de l'imprimeur qui facture une prestation au candidat. Ce dernier lui dira : voici une avance et je vous réglerai lorsque je serai remboursé.
Monsieur VEDEL : Le compte de campagne retracera ce qui sera payé effectivement et les paiements à valoir.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Je pense qu'il convient de distinguer les dépenses payées des dépenses engagées. Les candidats diront : je n'ai qu'un moyen (à savoir le remboursement) et les sommes engagées seront inscrites sur le compte de campagne.
24-
Monsieur le Président : Si vous le permettez, je crains pour ma part que le candidat ne reçoive plus qu'il n'ait à dépenser et qu'il ne garde le reste pour lui.
Monsieur SIMONNET : Le premier réflexe du candidat sera d'ouvrir un compte en banque.
Monsieur VEDEL : Les opérations de recettes et de dépenses seront retracées en comptabilité. Si le candidat bénéficie d'un remboursement sans qu'aucune obligation de reversement lui soit imposée, il en retirera un bénéfice. Aussi je vous propose d'introduire une formule du type : "... que le calcul des sommes versées au titre du remboursement soit établi, de telle sorte qu'il ne puisse en résulter pour lui aucun enrichissement".
Monsieur le Président : Je souscris à votre idée mais je trouve cette dernière disposition trop précise. Nous avons une volonté commune qu'il convient d'affirmer mais nous ne devons pas nous livrer à une analyse trop minutieuse.
Monsieur MAYER : Je vous suggère la rédaction suivante : "...que les remboursements ainsi effectués ne sauraient en aucun cas conduire à un enrichissement".
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Je préfère : "que cette prise en charge ne saurait en aucun cas conduire...".
Monsieur le Président : Je propose le texte suivant : "Que les sommes ainsi versées ne sauraient en aucun cas conduire à un enrichissement du candidat".
Monsieur VEDEL : Je me permets de maintenir une légère nuance car avec une telle disposition, on fait obstacle à un mécanisme inscrit dans la loi.
Monsieur MAYER donne lecture du considérant 26 modifié.
Monsieur VEDEL : Je crains que cette rédaction soit incohérente dans la première partie, le Conseil analyse le texte puis ensuite dans la seconde partie, il émet un voeu
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Je pense que l'argent ne sera pas remis aux candidats mais directement aux partis.
Monsieur FABRE : On perd de vue que le but du remboursement forfaitaire est de favoriser les candidats impécunieux. On ne doit donc pas faire état des concours extérieurs.
Monsieur le Président : L'objection du doyen VEDEL sur la portée de cette insertion est importante. Il convient de veiller à la cohérence de la décision.
Monsieur VEDEL : Je propose un texte ainsi rédigé : "Qu'il résulte des diverses dispositions et de l'intention du législateur...".
25-
Monsieur SIMONNET : Il faut être fort pour s'enrichir.
Monsieur le Président : C'est vrai s'agissant des députés mais le problème se pose surtout pour les élections présidentielles.
Monsieur VEDEL : Comme nous sommes d'accord, traitons alors de cette question page 3.
Monsieur le Président : Oui, je crois que vous avez raison.
Monsieur le Secrétaire général : Ne devrait-on pas la mentionner sous forme d'une affirmation du principe au considérant 25 ?
Une nouvelle rédaction sera établie conformément à la décision du Conseil.
Il est donné lecture des considérants 27 à 30 du projet de décision.
Monsieur VEDEL : Il conviendrait de rédiger le considérant 30 autrement, à la lumière de la décision du 7 janvier 1988 relative au contrôle du Parlement sur les finances des régimes obligatoires de sécurité sociale.
Monsieur le Secrétaire général : Dans une décision du 28 janvier 1976 le Conseil a opéré un partage entre des dispositions qui lui apparaissaient relever d'une loi organique et celles qui ressortissaient au domaine de la loi ordinaire.
Le Conseil a procédé de même à propos de la situation des magistrats nommés à des fonctions du premier grade dans une décision du 26 juin 1987.
Dans sa décision du 7 janvier 1988, il a estimé que la loi relative au contrôle parlementaire sur les finances des régimes obligatoires de sécurité sociale échappait à la compétence ouverte à la loi organique par l'article 34, alinéa 7 de la Constitution.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Effectivement cette loi avait le caractère d'une loi ordinaire alors qu'en l'espèce le texte qui nous est soumis contient des dispositions relevant à la fois de la loi ordinaire et de la loi organique.
Monsieur VEDEL : C'est seulement une question de formulation.
La séance est levée à 12 heures 45.
La séance est reprise à 14 heures 45.
Monsieur le Président étudie le projet de communiqué à la presse relatif à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi organique examinée le matin : "Il est important que nous indiquions des principes clairs non seulement pour nous mais aussi pour les autres. Je ne suis pas certain que la formule "mettre en cause l'expression démocratique des divers courants d'opinions" soit parfaitement claire. Que veut-on dire par "expression démocratique ?"
26-
Monsieur le Secrétaire général : C'est un décalque de la décision du 18 septembre 1986.
Monsieur le Président : Soit, mais qu'en est-il de la mise en cause ? J'aimerai recueillir votre sentiment.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : C'est le "concept" de l'expression démocratique qui peut être mise en cause.
Monsieur SIMONNET : On pourrait préférer l'expression "mettre en péril".
Monsieur VEDEL : "Compromettre" est le terme le plus neutre, sinon on dispose de nombreuses variantes telles que "ruiner", "porter atteinte", "faire obstacle", que sais-je ?
Monsieur le Président : Du moment que cela ne jaillit pas spontanément, on laisse la formule inchangée, mais je ne suis pas dans le bonheur stylistique.
Monsieur VEDEL : Il ya
La parole est donnée à Monsieur FABRE pour ses rapports sur les circulaires touchant à l'élection présidentielle.
II.- ELECTION DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE (c'est plutôt un III non ?)
Monsieur FABRE : Je suis désolé de revenir au ras des pâquerettes ; je pourrais invoquer la maxime "de minimis non curât praetor" qu'un étudiant de Toulouse traduisait "le curé des minimes n'est pas prêteur".
1. Dans la première circulaire relative au grammage, le Gouvernement, si j'ose dire, veille au grain... du papier, bien entendu. Si vous le souhaitez, je peux vous expliquer la différence entre le papier satiné et le couchage, ce qui n'est pas ce que vous pourriez croire. Mais hormis ces renseignements d'ordre technique et la correction d'une faute de frappe qui a eu pour effet, en bas de la page 2 de la circulaire, de qualifier des documents "d'écartés" au lieu "d'encartés", je relèverai seulement qu'il est prévu en principe un tarif unique pour les bulletins de vote et plusieurs tarifs, pouvant aller jusqu'à neuf, pour les déclarations.
Je vous propose de dire que cette circulaire n'appelle pas d'observations de la part du Conseil constitutionnel.
2. La circulaire émanant du ministre délégué chargé des Postes et télécommunications aborde de façon très technique tout ce qui touche aux transmissions des divers documents tels que procurations, déclarations des candidats, bulletins, procès-verbaux des résultats.
27-
J'ai retenu, sur l'ensemble de ce texte, deux ou trois observations.
Tout d'abord, à la page 11, il est question des facilités de routage accordées aux journaux de propagande : les chefs de service départementaux sont autorisés à les dispenser de timbrage. Encore faut-il que ce pouvoir discrétionnaire respecte le principe d'égalité.
Il est vrai que la circulaire prescrit qu'il soit fait "un très large usage de ces dispositions pendant la période électorale", formule administrative qui peut être interprétée comme satisfaisant au principe d'égalité.
C'est pourquoi je ne vous propose pas, sur ce point, d'émettre d'observation particulière.
Ensuite, il y a une erreur à rectifier en page 16 : il s'agit de la transmission des procès-verbaux au Conseil constitutionnel. Au deuxième alinéa, il est fait malencontreusement allusion à une "commission nationale" en lieu et place du Conseil constitutionnel.
Dans la même page, au quatrième alinéa, il convient d'inciter les services à transmettre sans délai les procès-verbaux complémentaires qui seraient établis postérieurement à l'envoi normal adressé au Conseil constitutionnel. C'est pourquoi il serait bon de supprimer les mots "formée habituellement pour Paris", pour permettre l'acheminement le plus rapide de l'envoi complémentaire.
Enfin, la proposition la plus importante vise à réparer une omission. Il convient en effet de signaler que les commissions de recensements des votes, notamment outre-mer, ont la possibilité de communiquer au Conseil constitutionnel, par voie télégraphique ou par télex, les résultats de leurs travaux, sans attendre la transmission nécessairement longue des procès-verbaux.
Je vous propose d'insérer à cet effet un paragraphe nouveau dont le texte a reçu l'assentiment des services du ministère : "Dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer, les commissions de recensement des votes devront, dès l'achèvement de leurs travaux, au plus tard le lundi suivant chaque tour de scrutin à minuit, transmettre au Conseil constitutionnel les résultats des élections accompagnés de leurs observations.
Les services devront se mettre en relation avec les présidents des commissions de recensement, siégeant dans les locaux du représentant de l'Etat, pour prendre les mesures permettant d'assurer sans délai, ces transmissions."
Ce texte prendra place, à la page 18, dans la partie relative au service des télécommunications, service télégraphique, transmission et centralisation des résultats.
28-
Je passe par ailleur
Monsieur le Président : Vous avez toute notre admiration pour la patience avec laquelle vous conduisez votre investigation sur ces textes. Venons-en à la circulaire qui concerne la Nouvelle Calédonie. Auparavant je donne lecture de la rédaction qui me paraît la plus judicieuse pour la décision concernant la loi organique. Il suffit d'adopter un verbe par trois fois.
Monsieur FABRE : 3. Dans la ronde des circulaires, il y a là quelque chose qui s'apparente au rebondissement du quatrième acte. Par l'effet d'un rectificatif communiqué ce matin même, nous devons passer de l'examen de ce texte pour avis à un examen relevant de la simple information.
Je ne dirais pas que j'ai un discours rentré, mais j'ai étudié dans le détail le contenu de cette circulaire, dont nous ne sommes saisis maintenant que pour information.
Monsieur le Président : Nous devons en conséquence être informés.
Monsieur FABRE : Il s'agit donc d'un projet de circulaire émanant du ministre des D.O.M. T.O.M. et destinée au Haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie pour transmission aux maires du territoire.
Vous vous souvenez que nous avons déjà examiné les circulaires aux préfets et aux maires des D.O.M. T.O.M. concernant les opérations des élections présidentielles. Ici il est question d'élections régionales.
Cela pose, dès l'abord, le problème de la compétence du Conseil constitutionnel.
En y regardant de plus près, je me suis aperçu que des mesures prévues par cette circulaire avaient des répercussions sur l'organisation et le déroulement des élections présidentielles qui se tiennent le même jour et qu'elles pouvaient soulever des difficultés importantes.
Les auteurs de la circulaire en ont été bien conscients puisque, dès la page 2, ils soulignent que "la coïncidence de deux scrutins le 24 avril 1988 ne doit en aucun cas retentir sur le traitement des opérations électorales respectives qui ressortissent des dispositions spécifiques à chacun des deux scrutins et doivent être conduites parallèlement."
On peut rapidement évoquer les difficultés qui se poseront du fait de la simultanéité des deux scrutins tant sur le plan du matériel que sur celui des hommes à mobiliser.
A la page 5, il est prescrit de mettre en place des "bureaux de vote spécifiques pour chacun des deux scrutins", "matériellement singularisés" pour éviter le risque de confusion. Pour ce faire il est recommandé de mettre en place une signalisation.
29-
Le directeur des affaires politiques au ministère que j'ai rencontré m'a dit qu'il y avait 140 bureaux de vote en Nouvelle-Calédonie. Il faudra donc aménager, pour la circonstance, 280 bureaux de vote.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Seulement !
Monsieur FABRE : Il m'a été également indiqué qu'il n'y avait que 20 magistrats pour couvrir l'ensemble des opérations, dont certains seront d'ailleurs immobilisés dans les juridictions pour assurer la seule permanence des litiges relatifs à la liste électorale.
Je me suis procuré la circulaire du ministre de l'intérieur
J'en veux pour preuve le passage relatif à la composition des bureaux de vote (pages 5 et 6). Il va falloir, compte tenu du doublement des bureaux de vote, prévoir "à l'avance" de s'assurer du concours des personnes qualifiées tant pour présider que pour tenir le secrétariat de ces bureaux. Or selon l'article R 42 du code électoral, le secrétaire du bureau de vote est choisi par les membres mêmes du bureau.
La circulaire souligne également, avec quelque maladresse, que durant la journée il suffit que trois membres du bureau soient présents. Dans ce rappel du minimum légal, il y a comme une antienne de la crainte de voir surgir les difficultés.
Si l'on se reporte aux pages 7 et 8 qui concernent les panneaux électoraux, on constate qu'aucune indication n'est donnée pour éviter la confusion des affichages propres à chaque élection. A ma question sur ce point, il m'a été répondu que chaque maire décidera. De même, rien n'est précisé sur le mode de répartition des panneaux : le Conseil constitutionnel, dans ses avis précédents, avait été attentif à ce sujet puisqu'il avait complété les circulaires par la mention des règles d'attribution. En l'absence de toute précision, il y a un risque de chevauchement accru par l'effet même du dédoublement des bureaux.
En poursuivant la lecture, et sans même s'arrêter sur le recours à la photocopie des listes d'émargement, on arrive aux pages 11 et 12 qui touchent aux votes par procuration. L'article R 74 du code électoral dispose que "lorsque plusieurs élections ont lieu le même jour, il n'est établi qu'une procuration valable pour toutes ces élections". Ainsi n'y aura-t-il qu'un seul talon pour deux bureaux de vote distincts ; le contrôle des procurations sera rendu plus difficile. Sur ce problème pratique que j'avais signalé, on m'a répondu que le talon serait sans doute photocopié ! Les complications possibles risquent, en l'espèce, d'être aggravées par la non-validité des procurations délivrées à l'occasion du 13 septembre 1987.
30-
J'ai déjà mentionné le nombre restreint de magistrats sur le territoire, alors qu'il faudra composer deux commissions de propagande et quatre commissions de contrôle des opérations de vote (pour Nouméa et Mont-Dore), sans compter la commission territoriale de recensement.
J'ai demandé aussi à mes interlocuteurs de respecter une parfaite synchronisation pour l'ouverture et la fermeture des deux scrutins et de préciser qu'en tout état de cause les scrutins devaient être clos au plus tard à 20 heures.
Les derniers alinéas de la page 13 montrent bien les risques nés de cette double consultation : "il convient impérativement de se conformer à cette obligation (opérations de vote autonomes et séparées), car toute autre disposition serait contraire à la loi et ne garantirait ni la sincérité ni la régularité du scrutin".
Je passe sur l'annonce des résultats sur place immédiatement après le dépouillement, qui peut interférer avec les opérations en cours de l'autre scrutin. Je rappelle seulement qu'avec 9 heures de décalage par rapport à la métropole, les résultats de Nouvelle-Calédonie risquent d'être différés sur les ondes en métropole avant la clôture du scrutin.
J'en terminerai en relevant, page 18, qu'il est prévu des dépenses nouvelles de fonctionnement pour l'acquisition d'urnes et d'isoloirs, ce qui montre bien que le matériel existant est en nombre insuffisant.
J'en arriverais à la conclusion qu'il y avait insuffisance des matériels et des hommes et qu'il existait donc des difficultés ; il fallait appeler l'attention du Gouvernement sur ces problèmes, le Conseil constitutionnel étant attaché au principe de clarté et de régularité de toute élection. Celui-ci ne peut fuir ses responsabilités, mais il lui incombe de mettre chacun devant ses responsabilités en ce qui concerne un acte majeur, ce que j'ai appelé dans le projet d'avis "le moment essentiel de l'expression de la souveraineté nationale".
Il est vrai que déjà en 1986 on a assisté à un double scrutin, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'incertitude sur l'organisation de deux consultations le même jour en 1988 en Nouvelle-Calédonie.
Monsieur le Président : Je vous remercie. Il y a plusieurs questions à examiner. Tout d'abord celles qui résultent du changement de nature de la consultation du Conseil constitutionnel. Si un avis nous est demandé, nous devons le donner. Si nous sommes saisis pour information, faut-il ou peut-on donner une réaction et quelle type de réaction ?
Vous avez très bien travaillé dans l'optique d'un avis. La nature de la consultation aujourd'hui permet-elle ou interdit-elle une réponse de la part du Conseil ?
Monsieur PAOLI, à votre souvenance, y a-t-il eu des cas analogues dans les années passées ?
31-
Monsieur PAOLI fait un signe négatif.
Monsieur LOLOUM (du service juridique) rappelle qu'en 1969 (en fait, séance du 17 avril 1974) à la suite d'une initiative de la Commission nationale de contrôle, le Conseil constitutionnel avait délibéré sur un projet de lettre du Président du Conseil constitutionnel qui fût adressée au Président de la Commission nationale de contrôle (voir aussi lettre du Président au Premier ministre sur la publication d'un sondage par le ministre de l'intérieur
Monsieur le Président : J'ai le souci que le Conseil constitutionnel ne laisse pas tomber en quenouille une de ses prérogatives ; il n'en a pas beaucoup. Devons nous
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Très simplement, ma pensée est la suivante : lors des débats au Parlement, il y a eu discussion sur la dualité des scrutins le même jour. Certains ont pensé que si le Conseil constitutionnel devait donner son avis, ce serait conforter le Gouvernement sur ce choix.
Aujourd'hui, on nous informe. La conséquence en est que nous ne sommes pas tenus de donner une réaction pour conforter ou ne pas conforter le Gouvernement. Notre réaction ne présente plus le même intérêt.
Si le Conseil constitutionnel délibère et donne un avis, nous remplissons un rôle qui n'est pas le nôtre, qui n'est pas nécessaire puisqu'il s'agit d'une simple information.
Cela ne faciliterait pas les choses dans le moment présent. Je ne souhaite pas que nous ayons à répondre.
Sur le problème lui-même, je présenterai deux observations :
1° Sur la dualité du scrutin.
Il existe le précédent de 1986 réalisé par le Gouvernement d'alors. Je l'ai vécu, je n'étais pas enthousiasmé, mais enfin on l'a vécu. Dans le département du Calvados, on a connu un problème avec inversion des chiffres par suite de l'invalidation de bulletins de vote de l'autre élection. De tels problèmes ont donc déjà eu lieu.
2° Sur les observations que vous avez faites.
Elles ont été connues et résolues déjà par le Gouvernement FABIUS : le matériel existe, il a été doublé pour cette expérience de 1986.
Au demeurant, le Parti socialiste prépare un calendrier des échéances électorales qui prévoit des scrutins se déroulant le même jour pour éviter leur éparpillement.
En toute franchise, je pense que nous devons classer cette lettre : puisqu'on ne nous demande pas de "couvrir" un mode de scrutin, nous n'avons pas de réponse à donner.
32-
D'ailleurs, quel serait cet avis ? Quelle mesure et quelle importance devrait-il avoir ? On découvrirait sur ce point une majorité et une minorité parmi nous ; nous n'avons pas besoin de cela. La lettre est là, on la classe.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : J'ai été sensible à deux arguments qui viennent d'être présentés : d'une part, celui de ne pas laisser tomber en quenouille une prérogative du Conseil constitutionnel. Je vous suis, Monsieur le Président, une telle prérogative trouve sa cause dans un texte ; d'autre part l'argument touchant à la nature de la consultation, avis ou information.
En partant de ces deux remarques que je partage, je vous donne un sentiment personnel.
Nous sommes alertés par une première demande qui s'avère erronée à la suite de l'envoi rectificatif du 10 mars : il s'agit d'une transmission à titre d'information et non pour avis.
Faute d'un texte nous obligeant à donner un avis, ma première réaction est de ne pas en donner.
Ma deuxième réflexion porte sur le cas d'une saisine par un particulier qui se rétracte par la suite : c'est le risque pour le Conseil constitutionnel d'instaurer une autosaisine qu'aucun texte n'autorise.
Donc en partant de là, réfléchissant et m'engageant personnellement, je ne suis pas partisan de donner notre opinion.
Monsieur MAYER : Je suis en désaccord avec Monsieur JOZEAU-MARIGNE, une fois n'est pas coutume. Pour moi, dans le cas présent, il s'agit beaucoup plus des élections présidentielles que des élections régionales. Or l'article 58 de la Consitution
Si l'on tient les deux élections le même jour, il y aura boycott des deux scrutins, dans la meilleure des hypothèses. S'il y a des violences, le parallélisme des opérations entraînera le mélange des incidents pour les deux élections.
Ne pas s'y intéresser, c'est abandonner notre rôle de contrôleur des élections présidentielles et risquer, en plus, d'être responsable des violences, faute de les avoir empêchées.
Admettons qu'il n'y ait pas une astuce, qu'il n'y ait pas eu volonté de nous enfermer, il est incontestable que dans l'opinion on ne distinguera pas la saisine pour avis et celle pour information. Si on ne répond rien, on en concluera
33-
II n'y a rien de contraire à la Constitution. Donc il faut un avis et mon avis est négatif.
Monsieur VEDEL : Si je pense que l'on n'a rien à dire, ce n'est pas que je conteste notre compétence, c'est que je demande ce que l'on pourrait dire.
Pour les difficultés et les risques de confusion dus à l'organisation d'une double élection, l'idée n'en est pas nouvelle depuis mars 1986. C'est une pratique que le pouvoir a à sa disposition et dont il abuse en pensant qu'elle aura des effets sur les résultats. Il n'est pas sûr que la réalité lui donne raison. Mais qu'est-ce qui me prouve qu'une élection sera plus claire et plus sincère si l'on organise deux scrutins successifs au lieu de les faire le même jour ? On n'en sait rien, il peut y avoir deux fois plus de violence.
Apprécier d'ici, face aux colonnes de Buren, ce qui peut se passer en Nouvelle-Calédonie, c'est le type même de jugement à vue de nez qui risque de nous faire dire une bêtise, quoi qu'on dise.
Monsieur SIMONNET : Le 21 octobre 1945 on a voté deux fois le même jour ; c'était de la démocratie directe pour ce qui concernait l'adoption de la loi sur l'organisation des pouvoirs publics, et de la démocratie représentative pour la désignation des élus.
Les gens ont voté sans la moindre difficulté. Chez moi, il y a cent communes de moins de 100 habitants, l'une même ne regroupant que trois habitants. Les gens se débrouillent sans problème, et il n'y a pas de photocopieuse ; à 8 h 05 tout est fini, on envoie le procès-verbal au sous préfet,
Donc pas de difficulté sous l'aspect technique. Si nous ne nous arrêtons pas sur l'aspect technique, devons-nous alors entrer dans le domaine politique ? Là, attention !
Nous ne disposons d'aucun pouvoir d'autosaisine, ni d'aucune compétence tant au point de vue du sens commun, comme l'a dit le doyen VEDEL, qu'au point de vue juridique, la décision du Gouvernement relève du pouvoir réglementaire, cela n'a rien à voir avec la Consitution.
Donc prudence, prudence et silence.
Monsieur MAYER : Pour répondre très rapidement à Monsieur SIMONNET, je dirai que la comparaison avec 1945, en métropole après la guerre et quand il s'agissait de la reconstruction de la France, ne tient pas debout.
Monsieur SIMONNET : Vous auriez dû voir 1945 chez nous, avec les jugements et les exécutions, les violences...
34-
Monsieur MAYER : Monsieur le doyen ne voit pas ce que nous devrons dire. Il suffit et il faut dire que le texte qui nous est transmis pour avis ou pour information n'est pas non conforme à la Constitution mais nous en laissons toute la responsabilité au Gouvernement.
Je ne veux rien rendre dramatique mais je ne veux en rien me sentir responsable de ce qui peut se passer.
Monsieur VEDEL : Si les opérations électorales se déroulent en deux fois et qu'il y a des incidents la deuxième fois, vous en sentirez-vous responsable ? C'est comme pour 1968, on dit que si le recteur n'avait pas fait évacuer la Sorbonne, rien ne se serait passé. Je n'en sais rien.
Moi, à la différence de ceux qui ont eu des responsabilités, je ne me sens pas à l'aise devant une question de maintien de l'ordre. On veut différer pour des raisons de pure commodité.
Le précédent de 1945 n'est pas topique, l'exemple de 1986 ne m'a pas enthousiasmé compte tenu de ce que c'étaient les élections régionales ; mais cela ne donne aucune valeur à mon opinion. En 1958 De Gaulle a fait voter les populations des territoires d'outre-mer à la fois sur la rectification de la Constitution et sur leur maintien au sein de la République Française ; certains auraient sans doute voulu pouvoir accepter un tel maintien sans adopter cette Constitution... Nous avons ici un nouvel exemple de ce cumul des opérations électorales.
Personnellement je ne suis pas convaincu au point d'engager la responsabilité du Conseil constitutionnel pour savoir si une solution serait meilleure ou non.
Monsieur MAYER : Je constate seulement que les Mélanésiens ayant déclaré leur intention de boycotter les élections régionales, Monsieur PONS a prévu de les organiser le même jour que les élections présidentielles pour diminuer le nombre des voix qui lui seraient contraires.
Monsieur VEDEL : Ce serait pour lui un camouflet plus grand si on dénombrait plus de suffrages exprimés aux élections présidentielles qu'aux élections régionales.
Monsieur FABRE : En tant que rapporteur, s'il en est encore besoin, mais jusqu'à ce matin il fallait tenir compte d'une demande d'avis, je dirai que je suis sensible autant que Monsieur MOLLET-VIEVILLE ce qu'a dit le Président sur les prérogatives du Conseil, mais je n'aboutis pas aux mêmes conclusions : à mon sens, il faut pas se taire. Le minimum est l'accusé de réception, mais pour le surplus faut-il s'effacer complètement ? Ces élections régionales peuvent-elles avoir une incidence sur les élections présidentielles ?
Je suis d'accord avec Monsieur JOZEAU-MARIGNE que pour l'avenir, quand on sera doté de machines à voter, le regroupement des élections ne prêtera pas à confusion.
35-
En ce qui concerne les autres observations, il ne s'agit certes pas d'entrer dans la politique mais cela ne nous oblige pas à nous taire. Notre attitude doit être de prudence : éviter l'accusation d'immixtion, mais notre silence ne doit pas être approbation.
Dans le souci de préserver nos prérogatives et de ne pas laisser dire que le Conseil a donné un aval, ne peut-on pas dire qu'il y a des élections présidentielles à la régularité desquelles le Conseil constitutionnel doit veiller, et des élections régionales qui sont d'une nature différente et relèvent de la responsabilité du Gouvernement, que le Conseil constitutionnel est attaché à ce que l'élection présidentielle soit exempte de tout trouble, qu'il souhaite que l'élection présidentielle ne soit pas affectée par la tenue d'une autre consultation.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : C'est irritant !
Monsieur le Président : Pour résumer le débat sur une question intéressante :
1° Je suis sensible à l'écho qu'ont trouvé chez Monsieur MOLLET-VIEVILLE mes propos préliminaires, mais j'entendais marquer seulement un problématique. Le secrétariat dit : nous pouvons répondre, cela ne veut pas dire que nous le devons.
2° Sur la situation elle-même je ferai une observation puis une remarque d'ordre juridique.
a) Le cumul des scrutins, on en discute, en général, on n'y est pas très favorable ; mais ici l'innovation consiste à combiner, non pas deux élections sur le plan national, mais un vote national et un vote dans une région. C'est une situation particulière par rapport à tous les précédents.
b) Le problème des compétences. Il est certain que le choix relève de la compétence du Gouvernement, il a le droit de le faire si l'on considère la Constitution. Quant aux pouvoirs du Conseil constitutionnel, dire que par notre réaction nous censurerions un acte du Gouvernement, je ne le crois pas. Si l'on nous demandait un avis, je dirais de ne pas confondre deux scrutins de nature profondément différente dans une situation particulière ; mais saisis pour information, nous ne pouvons pas aller jusque là.
Mais j'ai une préoccupation : le scrutin en Nouvelle-Calédonie sera connu avant la fin du scrutin en métropole : l'heureuse nouvelle d'un succès aux élections peut fournir un avantage politique, mais je crains la réponse du berger à la bergère, à savoir, en réaction, des violences, du tumulte.
36-
Le pire serait que l'on se trouve face à un écart de trente à quarante mille voix et que l'on doive trancher à partir des points sensibles (en Nouvelle-Calédonie, on enverra nos délégués, je le dis déjà). Loin de nous le calice d'une annulation des opérations électorales à cause de la Nouvelle-Calédonie.
Dans une formule que je souhaite la plus enveloppée, la moins politique, dire que l'on prenne toutes les précautions.
On ne peut laisser ces choses de côté. Il faut être très prudent en ce qui concerne le Conseil constitutionnel dans une matière où il y a un conflit entre le Président de la République et le Gouvernement ; j'ai lu dans la presse que l'Elysée avait eu le projet de saisir le Conseil. Il ne s'agit pas d'interférer dans un conflit de ce type, mais il faut éviter aussi de laisser croire que le Conseil n'a pas été à la hauteur de ses responsabilités. Moins nous interférerons, mieux ce sera. Plus nous serons prudents, mieux ce sera.
Donner des recommandations générales - prendre toutes les précautions utiles, compte tenu du cumul des scrutins pour que les élections se déroulent sans difficultés - sans reprendre le détail des critiques. Voilà ce qui est conforme à notre mission : signaler qu'il y a à faire attention.
Monsieur VEDEL : C'est trop donner au Gouvernement que de dire : le procédé est correct à condition que vous preniez vos précautions.
Monsieur le Président : Non, car il faut marquer au départ que la fixation de la date des élections relève de la compétence du Gouvernement, mais on lui dit : attention.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Je crois que nous sommes dans l'erreur. Je le dis de façon très nette. Je pence comme le doyen VEDEL que ce serait un moyen indirect de critiquer le cumul. Il suffit d'accuser réception : "le Conseil constitutionnel en a pris note". On n'a pas à entrer dans ce détail là, on est informé, on n'a pas à délibérer. Le Gouvernement socialiste a pris la même décision en 1986, le projet du même parti socialiste est de cumuler les élections.
Monsieur le Président et Monsieur MAYER : Ici on combine une élection nationale et une élection en Nouvelle-Calédonie.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Tâchons d'oublier nos appartenances politiques. La question est très grave : c'est le F.L.N.K.S. contre toute la nation. Le Conseil constitutionnel ne doit pas donner l'impression d'exprimer une sensibilité politique. Elevons-nous au-dessus de tout cela.
Monsieur le Président : Votre position est donc de dire : abstenons-nous, ne faisons rien, on verra après-coup.
Ma préoccupation, notre devoir est que, s'il advient quelque chose de désastreux, on ne puisse dire que le Conseil constitutionnel a su et n'a rien dit.
37-
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Il faut rester à notre place, sinon nous sommes un troisième juge. C'est un acte de Gouvernement.
Monsieur le Président : Certes.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : C'est irritant, je suis navré.
Monsieur le Président : Dire seulement "Faites attention" parce qu'ici il y a cumul et risques.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Je suis très hostile à cette manière de faire, c'est de la politique.
Monsieur le Président : C'est la prudence.
Monsieur VEDEL : Il est clair que la date est une affaire du Gouvernement. Si nous disons "prenez toutes les précautions", il nous faut lire la circulaire et y ajouter les dispositions qui nous paraissent utiles, sinon il s'agit d'approuver la circulaire.
Monsieur le Président : Soit, approuvons, mais dégageons notre responsabilité.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Ne mentionnez pas le cumul.
Monsieur le Président : Si vous le voulez.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Nous somme
Monsieur FABRE : En passant de l'avis à une lettre, on opère un retrait, une adaptation. Je souscris à la suppression de la mention de la dualité des élections puisque cela existe. Il faut plutôt insister sur les rôles différents et complémentaires du Gouvernement et du Conseil constitutionnel ;
Celui-ci a pris acte des mesures prévues par le Gouvernement pour les élections régionales, il apportera pour sa part la plus grande attention sur le déroulement de l'élection présidentielle dont il contrôle la régularité.
Monsieur le Président : Selon la Constitution, le Conseil veille à la régularité et ne contrôle pas et, d'autre part, prendre acte n'est pas la même chose qu'accuser réception.
A ce stade des débats je souhaite qu'on ne se prononce pas immédiatement. Messieurs PAOLI et LOLOUM, allez préparer la rédaction d'une lettre...
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Enfin, Monsieur le Président...
Monsieur le Président : Vous vous déterminerez selon votre choix. Si vous le permettez nous avons un membre que la Nouvelle-Calédonie intéresse beaucoup, Monsieur LECOURT qui a été joint hier, à l'époque de l'avis.
38-
Monsieur FABRE : J'ai eu en effet une communication téléphonique avec Monsieur LECOURT. Je lui ai indiqué le sens de ma conclusion : nous soulignions la dualité des votes et la distinction des compétences respectives du Gouvernement et du Conseil constitutionnel et qu'il convenait de surmonter les difficultés qui pouvaient découler de la dualité des scrutins.
Monsieur le Président : Monsieur PAOLI pourriez-vous communiquer par téléphone à Monsieur LECOURT le texte de la lettre ?
Monsieur VEDEL : Il faut répondre comme le colonel BRAMBLE : ..."j'ai pris bonne note et renvoie le communiqué ci-joint"...
Monsieur MAYER : "Les mesures prises ne doivent pas entacher la régularité de l'élection présidentielle sur laquelle il appartient au Conseil constitutionnel de veiller."
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Je me rallie la position de Monsieur de Monsieur VEDEL.
Monsieur JOXE : Nous ne pouvons pas tolérer cette situation.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Il faut faire voter les vivants. Les interrogations par téléphone ne sont pas à instaurer comme une habitude. Cela va conduire au vote par procuration. Monsieur LECOURT va mieux. Pourquoi ne pas remettre au 22 mars la décision que nous prenons ?
Monsieur MAYER : Je suis sensible à cette courtoisie. Monsieur le bâtonnier s'élève contre le vote par procuration ou procurotélévision ; j'éprouve la même réticence à reporter à une prochaine séance.
Monsieur VEDEL : Nous sommes tous d'accord sur le fait que la circulaire n'appelle pas d'observations.
Monsieur le Président : Non. Monsieur FABRE a évoqué l'insuffisante précision de la circulaire.
Monsieur VEDEL : Je prends alors le problème à l'envers : il faut entrer dans l'examen des problèmes posés par la circulaire. Mais je me refuse à prendre position sur la date retenue pour les élections. Si l'on a quelque chose à dire sur la circulaire, il faut le dire tout de suite. Si l'on veut faire une observation d'ordre général sur la date, on peut attendre le retour de Monsieur LECOURT ; comme pour le quorum, il n'y a pas ici urgence.
Monsieur FABRE : Mes observations portaient sur la concomitance des deux élections qui entraînait des difficultés. Si l'on passe sous silence cette coexistence, il n'y a plus rien à dire sur la circulaire.
Monsieur VEDEL : Une chose est de regretter le choix de la date, autre chose est de dire que, le choix étant fait, il faut améliorer tel ou tel point.
39-
Monsieur JOZEAU-MARIGNE (à Monsieur FABRE) Vous avez fait des observations sur le matériel qui serait insuffisant. Vous n'en savez rien, c'est un détail qui n'est pas dans la compétence du Conseil constitutionnel.
Monsieur VEDEL, puis Monsieur le Président sortent de la salle (16 h 30).
Monsieur FABRE (en réponse à Monsieur JOZEAU-MARIGNE) : Ces observations particulières figuraient dans mon rapport oral et non pas dans le projet d'avis.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Ce que je disais, c'était pour répondre à Monsieur VEDEL. J'essaie de trouver une formule de compromis ; il faut accuser réception pour être gentil et poli : "Le Conseil constitutionnel a bien reçu votre circulaire ; il en a pris acte. Soyez assuré que le Conseil constitutionnel, comme la loi le lui impose, sera toujours attentif à la régularité de l'élection présidentielle".
Mais on ne peut laisser entendre que le Conseil constitutionnel émet une critique.
Monsieur FABRE : On est d'accord.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Nous ne devons pas critiquer le Gouvernement. Le cumul des élections, c'est une invention des socialistes en 1986.
Monsieur MAYER : Cela n'a rien à voir. Robert BADINTER nous a expliqué que le précédent de 1986 concernait deux élections au niveau national, alors que le cas de la Nouvelle-Calédonie a pour but de priver de leurs droits les Mélanésiens.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Jamais je n'aurai pu penser que ce Monsieur TSIBAOU - je ne sais comment il s'appelle - serait porté au pinacle. Si vous saviez ce que l'on en pense dans les familles !
Monsieur MAYER : ...parce que ses deux frères ont été tués par l'armée française dans une embuscade ?
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Il y a aussi les morts qu'il a provoqués. Si vous croyez que cela soit bien de voir assassinés des gendarmes... Tout cela crée un grand malaise.
Monsieur FABRE : Vous ne devriez pas dévier vers de telles considérations.
Monsieur le Président rentre en séance. Monsieur FABRE l'informe du dernier état du projet de rédaction.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE intervenant : "Le Conseil constitutionnel a pris acte du texte. Il tient à vous informer que, conformément à l'article 58 de la Constitution, il sera attentif à la régularité de l'élection présidentielle."
40-
Monsieur le Président : Si l'on n'en tire pas de conséquence, cela ne va pas. A ce stade, je réfléchis à la situation. On va attendre le retour du doyen. Je donne la parole à Monsieur le Secrétaire général parer sa communication sur les délégués du Conseil.
Monsieur le Secrétaire général : Monsieur le Président, Messieurs les Conseillers, l'article 48 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel est rendu applicable à l'élection présidentielle par l'article 3-III de la loi du 6 novembre 1962 modifiée.
Il dispose que "le Conseil constitutionnel peut désigner un ou plusieurs délégués choisis, avec l'accord des ministres compétents, parmi les magistrats de l'ordre judiciaire ou administratif et chargés de suivre sur place les opérations".
Sur le fondement de ces dispositions, le Conseil constitutionnel prend une décision portant désignation de ses délégués. Ce fut le cas lors de la précédente élection présidentielle avec la décision du 19 mars 1981.
Aujourd'hui il convient de prendre une décision du même type qui ne diffère du texte de 1981 que sur trois points d'ordre rédactionnel :
- En 1981 le Conseil avait cité nommément les rapporteurs-adjoints. Au cas présent on mentionne les rapporteurs-adjoints sans citer leurs noms mais on introduit dans les visas la décision portant nomination de chacun d'eux. Cette modification permet de donner à la décision d'aujourd'hui plus d'homogénéité. Les fonctions dépassent les personnes.
- En ce qui concerne le respect de la procédure prescrite, le Garde des sceaux a donné son accord à la reconduction du dispositif de 1981, qui permet de désigner comme délégués les premièrs
- En sus de cette décision, des mesures complémentaires devront être prises. Certains rapporteurs-adjoints ne pourront pas se déplacer. Il est loisible de faire appel à des membres de la Cour des comptes, du Conseil d'Etat ou des tribunaux administratifs, notamment ceux d'Outre-mer.
Cette première décision donc permet de faire un pas. Il serait nécessaire que le Conseil constitutionnel me donne des directives pour le choix des lieux d'affectation. Il est évident que la Nouvelle-Calédonie, comme cela ressort du débat qui vient d'avoir lieu, sera au nombre des territoires visités.
Monsieur le Secrétaire général donne alors lecture du projet de décision qui est adopté, Monsieur VEDEL étant revenu dans la salle au cours de l'exposé.
41-
Monsieur le Président : Merci, revenons maintenant à notre problème.
Il ne s'agit pas d'une question juridique : il est clair que le choix de la date relève de la compétence du Gouvernement. Mais il est question de l'intérêt du Conseil constitutionnel. Sur ce point le Conseil se partage à voix égales et donc ma voix est prépondérante. S'il s'agissait d'une demande de principe, je passerais au vote, mais ici une interprétation politique est susceptible d'interférer, je souhaite en conséquence attendre le retour du Président LECOURT. Nous ne sommes pas astreints à un délai, on peut donc attendre jusqu'au 22 mars. Il faudra alors répondre aux deux questions suivantes : faire ou non une lettre ? Quel contenu donner à cette lettre ? Accusé de réception ou autre chose ? Monsieur FABRE élaborera un projet.
Je n'aime pas les situations où le Conseil constitutionnel est divisé, surtout sur une question touchant la Nouvelle-Calédonie, en l'absence de Monsieur LECOURT qui a toujours rapporté sur ce sujet.
Monsieur le Secrétaire général : Le Gouvernement est averti de la réunion d'aujourd'hui et sait que l'examen de la circulaire est inscrit à son ordre du jour : par ailleurs il a l'obligation de diffuser cette circulaire en temps utile. Que dois-je lui dire ?
Monsieur le Président (sur un ton vif) : Le Gouvernement nous a saisis pour avis, il a forcé le rapporteur à travailler dans des délais très courts et il n'a apporté son rectificatif que ce matin 10 mars.
Vous lui répondrez que le Conseil a renvoyé l'examen au 22 mars, un point c'est tout ; qu'il attende.
La parole est donnée, à 16 h 45, à Monsieur SIMONNET pour son rapport sur une demande du Premier ministre en application de l'article 37, alinéa 2 de la Constitution (art. 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978).
Monsieur SIMONNET : Le premier ministre nous a demandé le 19 février 1988, en application du second alinéa de l'article 37 de la Constitution, d'apprécier la nature juridique de l'article 7, alinéas 1 et 2 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, modifiée par la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public.
La loi du 17 juillet 1978 contient un ensemble de dispositions destinées à améliorer les relations entre l'administration et le public. Les dispositions les plus importantes de ce texte sont relatives à l'accès des administrés aux documents administratifs. Elles font l'objet du titre 1er de la loi, au nombre duquel figure l'article 7 qui nous est soumis.
42-
Ce titre 1er a été introduit par deux amendements déposés en début de procédure devant l'Assemblée nationale par des députés. Le Gouvernement ne s'est pas opposé à ces initiatives mais c'est au Sénat qu'elles ont reçu l'accueil le plu favorable.
Un an après, la loi du 11 juillet 1979 a eu pour objet essentiel de rendre obligatoire la motivation en la forme des décisions administratives individuelles défavorables. Elle a accessoirement eu pour objet de modifier la loi du 17 juillet 1978 et, notamment, son article 7, qui nous est soumis.
S'agissant de ce dernier article, la portée de ces modifications est seulement de remplacer le terme d'administré par celui de demandeur ou d'intéressé.
oOo
Pour nous en tenir à l'accès des citoyens aux documents administratifs, que concerne l'article 7 qui nous est soumis, la loi du 17 juillet 1978 énonce le principe de la liberté d'accès. Elle renverse le régime issu d'un décret du 11 février 1977, qui, tout en améliorant la situation antérieure, avait fait de la liberté d'accès une exception : le décret avait créé une commission chargée d'établir une liste de documents communicables ; la commission s'était vite aperçue qu'il était pratiquement impossible d'établir cette liste et avait demandé au Gouvernement d'adopter le principe inverse, consistant à admettre que tous les documents sont communicables, à la seule exception de ceux dont la libre communication porterait atteinte à l'intérêt général ou à des droits des particuliers.
La loi du 17 juillet 1978 institue au profit des personnes un droit à la communication des documents administratifs de caractère non nominatif ainsi que des documents de caractère nominatif les concernant, que ces documents émanent des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, ou des organismes chargés de la gestion d'un service public. L'article 6 de la loi prévoit qu'un refus de communication peut être opposé pour les documents dont la divulgation porterait atteinte à des secrets protégés par la loi, au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables du pouvoir exécutif, à la monnaie, au crédit public, à la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique et au déroulement des procédures juridictionnelles.
L'article 5 de la loi institue une commission dite "commission d'accès aux documents administratifs" (C.A.D.A.) chargée de veiller au respect de la liberté d'accès aux documents administratifs, notamment, en émettant des avis lorsqu'elle est saisie par une personne qui rencontre des difficultés pour obtenir la communication d'un document administratif.
43-
L'article 7, sur lequel nous avons à nous prononcer, fixe la procédure applicable lorsqu'une personne essuie un refus de communication. Cette procédure est la suivante.
Le refus de communication doit être notifié au demandeur sous forme de décision écrite motivée. Le défaut de réponse pendant plus de deux mois vaut décision de refus.
En cas de refus, qu'il soit exprès ou tacite, le demandeur, s'il ne se satisfait pas de ce refus, doit solliciter l'avis de la C.A.D.A. dans un délai que la loi ne précise pas mais que le Conseil d'Etat a estimé être le délai de recours pour excès de pouvoir, soit deux mois à compter de la décision de refus (Conseil d'Etat, 19 février 1982, Mme COMMARET Rec. p. 78). Par cette même décision, le Conseil d'Etat a jugé que la demande d'avis de la C.A.D.A. par l'intéressé constitutait
La commission doit donner son avis au plus tard dans le mois de sa saisine. L'autorité compétente est tenue d'informer la commission de la suite qu'elle donne à l'affaire dans les deux mois de la réception de cet avis. Si l'autorité compétente refuse la communication du document, l'intéressé peut alors - et alors seulement - saisir le juge administratif jusqu'à la notification à l'administré de la réponse de l'autorité compétente.
Le troisième alinéa - non soumis au Conseil constitutionnel - de l'article 7 prévoit que, lorsqu'il est saisi d'un recours contentieux contre un refus de communication, le juge administratif doit statuer dans un délai de six mois à compter de l'enregistrement de la requête.
oOo
Le dispositif qui vient d'être décrit est complexe, ce qui a pour effet d'allonger la procédure : dans le cas où l'administration ne répond pas à une demande de communication, le refus opposé ne peut être déféré au juge administratif avant six mois ; à ce long délai s'ajoute la durée de la procédure contentieuse.
La commission d'accès au documents
44 -
propositions tendant, notamment à la réduction de moitié des délais actuels et à l'intégration dans les textes d'un certain nombre de règles posées par la jurisprudence. Ces propositions ont recueilli l'accord de l'Association des maires de France et de l'Assemblée des présidents de conseils généraux.
Reprises dans un projet de décret porté à la connaissance du Conseil constitutionnel, elles consistent à :
- ramener de 2 mois à 1 mois le délai au terme duquel le demandeur se trouve en face d'un refus tacite .
- prévoir dans le décret que le demandeur dispose d'un délai de 2 mois à compter de la décision expresse ou tacite de refus pour saisir la C.A.D.A. d'une demande d'avis ;
- prévoir que le silence gardé pendant 2 mois par l'administration à compter de la saisine de la C.A.D.A. fait naître une décision confirmative de refus qui peut être déférée au juge administratif, alors que, en vertu de la jurisprudence, la délai actuel est de 4 mois (Conseil d'Etat, 11 février 1983, ministre de l'urbanisme c/ association "atelier libre d'urbanisme de la région lyonnais - Rec. p. 56) :
- prévoir que l'autorité"
45 -
Par l'effet de ces réductions de délais, le particulier ayant demandé la communication d'un document administratif pourrait, en cas de silence persistant de l'administration, saisir le juge administratif à l'issue d'un délai de 3 mois, alors que la durée minimale du délai est actuellement de 6 mois.
La modification des délais ainsi envisagée comporte nécessairement la modification de l'article 7 de la loi du 17 juillet 1978, à l'exception du troisième alinéa. D'où la présente demande de déclassement.
x
x x
Appréciation de la nature juridique des alinéas 1 et 2 de l'article 7 :
Les dispositions de ces deux alinéas concernent principalement la procédure administrative non contentieuse, secondairement la procédure administrative contentieuse.
J'examinerai en premier lieu ce second point, qui ne présente pas de difficultés.
A. Une seule disposition parmi celles qui nous sont soumises est relative à la procédure devant la juridiction administrative. Il s'agit de la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 7, qui dispose que le délai de recours contentieux
46 -
contre le refus de communication opposé par l’administration après l'avis rendu par la C.A.D.A. est proposé
En matière de procédure juridictionnelle, seules les règles concernant la procédure pénale relèvent du domaine de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution. Il a été jugé par un raisonnement a contrario que les règles concernant la procédure juridictionnelle non pénale et, notamment, celles concernant les délais, ressortissaient, en principe, au domaine réglementaire :
- décision n° 66-40 du 8 juillet 1966 (recueil 1966 P. 30) ;
- décision n° 77-101 du 3 novembre 1977 (recueil 1977, p. 70) ;
- décision n° 83-134 du 12 octobre 1983 (recueil 1983, p. 87) ;
- décision n° 88-153 du 23 février 1988.
Cette compétence du pouvoir réglementaire n'est sans doute pas illimitée. Certaines règles de procédure peuvent affecter des règles ou des principes qui, en vertu de l'article 34, relèvent du domaine de la loi. (cf. les mêmes décisions).
En l'espèce, la prorogation du délai de recours contentieux jusqu'à la notification à l'administré de la réponse de l'autorité compétente ne met en cause aucun de ces principes ou règles. Cette disposition est, dès lors, de nature réglementaire.
47 -
B. Voyons maintenant ce qu'il en est des autres dispositions de l'article 7 qui nous sont soumises.
Ces dispositions sont relatives à la procédure administrative non contentieuse. Elles sont au nombre de cinq :
- le refus de communication d'un document est notifié au demandeur sous forme de décisions écrite motivée
- le défaut de réponse pendant plus de deux mois vaut décision de refus ;
- en cas de refus exprès ou tacite, l'intéressé sollicite l'avis de la C.A.D.A. ;
- cet avis doit être donné au plus tard dans le mois de la saisine de la C.A.D.A. ;
- l'autorité compétente est tenue d'informer la commission de la suite qu'elle donne à l'affaire dans les deux mois de la réception de cet avis.
La troisième disposition déborde d'ailleurs la procédure non contentieuse et touche à la procédure contentieuse en ce sens qu'elle rend irrecevable un recours contentieux non précédé d'une saisine de la C.A.D.A.
Ce qui a été dit ci-dessus en matière de procédure juridictionnelle est transposable à la procédure administrative non contentieuse.
48 -
En principe, la matière est réglementaire :
C.C. : décision n° 80-113 du 14 mai 1980 (recueil 1980 p. 61) ;
décision n° 80-119 du 2 décembre 1980 (recueil 1980, p. 74).
Mais, dans la mesure où des règles de procédure administrative sont susceptibles de mettre en cause des principes ou des règles relevant du domaine de la loi en vertu de l'article 34, ces règles de procédure ressortissent au domaine de la loi (cf. les mêmes décisions).
Trois des cinq dispositions précitées relatives à la procédure administrative non contentieuse ne mettent, à mon avis, en cause aucun principe ou règle ressortissant au domaine de la loi. Il s'agit :
1°- de celle prévoyant que le défaut de réponse pendant plus de deux mois vaut décision de refus de communication ;
2°- de celle prévoyant que l'avis de la C.A.D.A. doit être donné au plus tard dans le mois de la saisine de cette commission ;
3°- de l’obligation imposée à l'autorité compétente d'informer la commission de la suite qu'elle donne à l'affaire dans les deux mois de la réception de l'avis de cette commission.
Restent deux dispositions qui font problème.
x
49 -
a) Il s'agit, en premier lieu, de la disposition selon laquell
L'exigence d'une décision motivée ne relève-t-elle pas du domaine de la loi ? La question doit être examinée au regard tant de la personne destinataire de la décision que de l'auteur de celle-ci.
L'obligation de motiver les décisions administratives constituant une garantie pour les particuliers, notamment au regard du régime des preuves, il pourrait être envisagé de reconnaître à cette garantie une nature législative.
Une autre solution pourrait consister à distinguer selon les décisions : l'obligation de motiver serait de nature législative lorsqu'elle concernerait des décisions intervenant dans des matières que l'article 34 range dans le domaine de la loi, par exemple les décisions intervenant en matière de libertés publiques, en matière d'impôts. Elle serait de nature réglementaire dans les autres cas.
Bien qu'il n'ait pas élaboré de doctrine sur ce point, le Conseil constitutionnel parait s'être orienté vers cette dernière solution. Dans une décision n° 80-119L du 2 décembre 1980 (recueil 1980, p. 74), il a estimé qu'une disposition du code général des impôts posant le principe de la motivation obligatoire des notifications de redressements ainsi que des réponses par lesquelles l'administration rejette les observations du contribuable constituait une garantie accordée aux contribuables en matière d'assiette et de recouvrement des impositions et était, dès lors, du domaine de la loi. Il ne
50 -
faudrait pas, semble-1-il, donner une portée générale à cette décision d’espèce en l'interprétant comme signifiant que toute obligation de motivation est de nature législative dès lors qu'elle s'applique à des décisions individuelles prises dans le cadre de dispositions relevant du domaine de la loi. On peut du moins tirer de cette décision du Conseil la conséquence que l'obligation de motiver est normalement du domaine réglementaire et ne relève du domaine de la loi que dans des matières législatives.
En l'espèce, l'obligation de motiver les décisions de refus de communication de documents administratifs ne paraît pas constituer une règle ou un principe fondamental que l'article 34 range dans le domaine de la loi.
Par rapport, non plus à la personne destinataire de la décision, mais à l'auteur de celle-ci, il convient de distinguer selon quel'obligation
S'agissant de l'Etat - ou de ses établissements publics - l'obligation relève du domaine réglementaire. Dès lors qu'on ne retient pas l'idée que l'obligation de motivation constitue pour les particuliers une garantie relevant du domaine de la loi, cette obligation est une règle de procédure administrative non contentieuse, normalement réglementaire.
En revanche, dans la mesure où l'obligation concerne les collectivités territoriales ou leurs établissements publics ainsi qu'il résulte de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978, elle met, semble-t-il, en cause le principe fondamental
51 -
de la libre administration des collectivités locales et de leurs compétences. Sans doute aurions-nous pu hésiter si la notion de principes fondamentaux n'avait pas, été interprétée de façon extensive ; mais ce n'est pas le cas, spécialement en ce qui concerne l'administration des collectivités locales. Bien que l'obligation de motivation affecte, non le domaine de compétence des autorités locales, mais seulement le mode d'exercice de cette compétence, cette obligation porte une atteinte à la libre administration des collectivités locales.
On citera, dans un domaine il est vrai quelque peu différent, la décision du Conseil constitutionnel n° 75-84 du 19 novembre 1975 (recueil 1975 p. 35) : mettent en cause les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales les dispositions concernant la détermination du délai à l'expiration duquel les délibérations des conseils municipaux deviennent exécutoires de plein droit et celles qui prévoient que les crédits sont votés par chapitre et, si le conseil municipal en décide ainsi, par article. Or, dans cette affaire, le domaine de compétence des collectivités locales n'était pas davantage en cause. C'était le mode d'exercice de ces compétences qui était concerné.
Ainsi l'obligation d'une décision écrite motivée en cas de refus de communication parait relever du domaine réglementaire, sauf en tant qu'elle s'applique aux décisions des collectivités territoriales de leurs établissements publics.
On notera que c'est la position qui avait été adoptée par la commission du rapport et des études du Conseil d'Etat sur la motivation obligatoire (rapport du 10 juillet 1978 p. 28).
52 -
L'obligation de motivation des refus de communication s'appliquant aussi, en vertu de l'article 2 de la loi de 1978, aux organismes, même de droit privé, chargés de la gestion d'un service public, ce qui couvre les organismes de sécurité sociale, la question se pose de savoir si, en tant qu'elle les concerne, l'obligation n'est pas aussi du domaine de la loi La commission du rapport et des études du Conseil d'Etat était en ce sens.
La réponse n'est pas certaine, sauf en ce qui concerne les services publics des collectivités territoriales, pour lesquels il y a lieu, comme pour ces collectivités, d'affirmer la nature législative de l'obligation de motivation. S'agissant des services publics de l'Etat, la circonstance que leur gestion est assurée par un organisme privé ne doit pas, semble- t-il, justifier une dérogation à la compétence réglementaire. Ce n'est que pour les organismes de sécurité sociale qu'on peut hésiter : la réponse dépend du point de savoir si l'obligation qui leur est faite de motiver les refus de communication des documents met en cause un principe fondamental du droit de la sécurité sociale. Je vous proposerai d'appliquer aux caisses de sécurité sociale la solution proposée pour les collectivités territoriales.
x
b) La seconde disposition de l'article 5 de la loi du 17 juillet 1978 qui pose une question délicate est celle contenue dans la première phrase du deuxième alinéa : "en cas de refus exprès ou tacite, l'intéressé sollicite l'avis de la commission prévue à l'article 5".
53 -
La question s'est posée de savoir si, lorsqu'une demande de communication de documents administratifs a été rejetée par l'autorité compétente, ce refus pouvait être déféré directement au juge de l'excès de pouvoir ou si l'intéressé ne devait pas obligatoirement saisir au préalable la commission (la C.A.D.A.), le juge de l'excès de pouvoir ne devant être saisi que d'une confirmation du refus initial, après que la C.A.DA. ait exprimé son avis. Comme il a été dit, par un décision du 19 février 1982, Mme COMMARET, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a fait sienne la seconde interprétation : en cas de refus de communication, l'intéressé ne peut pas saisir directement le juge de l'excès de pouvoir ; il doit auparavant solliciter l'avis de la C.A.D.A. et ce n'est que lorsque cet avis a été donné et que l'administration persiste dans son refus qu'il peut déférer ce refus au juge de l'excès de pouvoir.
Cette disposition prévoyant que l'intéressé sollicite l'avis de la C.A.D.A., ainsi interprétée dans le sens d'un préalable obligatoire, est-elle de nature législative ou réglementaire ?
La question doit être examinée sous deux aspects :
- en tant que la saisine de la C.A.D.A. constitue une garantie pour l'intéressé ;
- en tant qu'elle lui impose une voie procédurale qui a pour effet de lui interdire provisoirement d'autres voies de droit.
54 -
x
L'institution de la commission d'accès aux documents administratifs (C.A.D.A.) et l'énumération de ses missions prévues à l'article 5 de la loi de 1978 me paraît relever du domaine de la loi. Dans les premières années qui suivirent l'entrée en vigueur de la Constitution, il fut admis que les dispositions relatives à la création et aux attributions d'organismes purement consultatifs relevaient du pouvoir réglementaire. Mais, assez vite, le Conseil constitutionnel a été appelé à nuancer cette affirmation en estimant que l'exercice d'une fonction consultative ressortissait à la compétence du législateur dans la mesure où elle apportait aux intéressés une garantie essentielle dans une matière de nature législative, que l'administration soit tenue ou non de se conformer à l'avis émis :
- décision n° 77-98 du 27 avril 1977 (Rec. 1977 p. 56)
- décision n° 72-73 du 29 février 1972 (rec. 1972 p. 21
- décision n° 73-80 du 28 novembre 1973 (rec. 1973 p. 45
- décision n° 77-96 du 27 avril 1977 (rec. 1977 p. 52)
La compétence est en revanche réglementaire si les avis portent sur des questions ne mettant en cause aucune des règles ou principes de valeur législative : décision n° 77-100 du 16 novembre 1977 (rec. 1977, p. 65).
55 -
L’article 5 (dont nous ne sommes pas saisis) de la loi de 1978 instituant la C.A.D.A. et définissant ses missions parait bien ressortir au domaine de la loi, compte tenu de la garantie que constitue cette commission pour l'exercice de cet aspect du droit à l'information que constitue la liberté d'accès aux documents administratifs.
Toutefois, la disposition de l'article 7 prévoyant qu'en cas de refus de communication, l'intéressé sollicite l'avis de la C.A.D.A., constitue, à mon avis, une modalité d'application de l'article 5 qui définit les missions de la commission, une explicitation de cet article qui énonce déjà la règle que la C.A.D.A. émet des avis lorsqu'elle est saisie par une personne qui rencontre des difficultés pour obtenir la communication d'un document administratif. Dans ces conditions, elle parait de nature réglementaire.
56 -
B) - Cette disposition de la première phra.se du deuxième alinéa de l'article 7 ne relève-t-elle pas cependant de la loi dans la mesure où, imposant à l’intéressé une voie procédurale, elle lui ferme d'autres voies de droit.
La disposition en cause fait obstacle à ce que, en présence d'un refus de communication opposé par l'administration, l'intéressé saisisse directement le juge de ce refus ou forme un recours administratif, gracieux ou hiérarchique. L'intéressé n'a d'autre voie que de demander l’avis de la Commission.
Cette procédure particulière déroge à trois principes traditionnels : le droit d'agir en justice, le droit de former un recours administratif, le libre choix entre le recours administratif et le recours contentieux. Si l'un de ces trois principes avait valeur législative, la disposition en cause, qui y déroge, relèverait du domaine de la loi.
Il ne semble pas en être ainsi.
Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le. libre exercice du droit d'agir en justice relève de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution (décision n° 80-119L du 2 décembre 1980, rec. p. 74). Mais ce droit d'agir en justice n'est pas mis en cause en l'espèce : son exercice est seulement différé. D'ailleurs, la décision du 2 décembre 1980 est intervenue à propos d'une disposition du Code général des impôts prévoyant, en matière de redresse- ment, l'intervention préalable d'une commission et, ce que le Conseil a relevé est que, après ce préalable administratif, l'intéressé conservait le droit de présenter une réclamation contentieuse. L'article 7 ne porte pas davantage que cette disposition attieinte
57 -
Quant au principe du libre choix entre recours administratif et recours contentieux, qui sont deux voies de droit indépendantes l'une de l'autre, il comporte de nombreuses exceptions (notamment, en matière de remembrement, d'ordres professionnels, de contributions directes, de recours contre les délibérations des conseils municipaux). Il ne figure pas, selon le cours du Président ODENT, au nombre des principes généraux du droit, de valeur législative, dont seule la loi pourrait s'écarter.
Il en est de même de la faculté d'exercer un recours administratif, rendue semble-t-il impossible par la procédure définie à l'article 7. La faculté d'exercer, même sans texte, un recours administratif, constitue un principe du droit public (Conseil d'Etat, 13 avril 1881, p. 432 ; 12 janvier 1917, p. 42 ; 20 avril 1956, p. 163 ; 30 juin 1950, p. 413).
Mais ce principe n'a pas valeur législative. C'est une règle générale à laquelle la loi ou le règlement peut déroger. (conclusions RIGAUD sur Conseil d'Etat, 10 juillet 1964 SIREY 1965, p. 84). Ainsi une loi n'est pas nécessaire pour y déroger. Une disposition de caractère réglementaire peut y procéder. Dans ces conditions on ne saurait soutenir que la disposition de l'article 7 organisant une procédure de saisine obligatoire de la C.A.D.A. pour avis, en tant qu'elle a pour effet de faire obstacle à un recours gracieux ou hiérarchique - serait de nature législative.
0 0 0
En conclusion, j'ai l'honneur de proposer au Conseil constitutionnel de déclarer de nature législative la disposition du premier alinéa de l'article 7 contenue dans les mots "sous forme de décision écrite motivée”
58 -
en tant qu'elle concerne les collectivités territoriales et leurs établissements publics et les organismes privés de sécurité sociale.
Je vous propose de reconnaître aux autres dispositions des alinéas 1 et 2 de l'article 7 de la loi du 17 juillet 1978 le caractère réglementaire.
59-
Monsieur le Président : Merci pour ce rapport très complet.
Monsieur FABRE : Je constate que les demandes de déclassement se multiplient. On arrive à mélanger les domaines législatifs et réglementaires et à retrouver surtout du règlement.
Je connais bien ce problème en tant de médiateur. Mon prédécesseur avait été à l'origine de la loi de 1978. Pendant six ans j'ai pu mesurer les barrières que mettaient les administrations, les cas sont très fréquents.
J'approuve si aujourd'hui on dit que l'on accélère la procédure. Mais on distingue aussi deux niveaux d'obligations relevant l'une du domaine législatif, l'autre du règlement. Cela crée un régime à deux vitesses : les contacts avec l'Etat iront plus vite qu'avec la sécurité sociale ou les collectivités locales. Il est fâcheux que cette réforme n'entraîne pas la même obligation pour tous.
Monsieur VEDEL : Nous ne sommes pas fondés à nous plaindre. C'est l'effet de notre jurisprudence qui refuse de sanctionner la méconnaissance de l'article 37 lors de l'examen de conformité des lois en application de l'article 61 (1).
Pour ma part, je pose une seule question : existe-t-il déjà une jurisprudence du Conseil d'Etat sur ce point ?
Monsieur SIMONNET : Oui, le Conseil d'Etat a affirmé l'obligation de passer par le C.A.D.A. avant toute saisine du juge.
Monsieur VEDEL : Mais il n'est pas question de cela dans votre projet de décision.
Monsieur le Secrétaire général : La section du rapport et des études du Conseil d'Etat s'est penché sur ces problèmes en 1978. A l'instigation du Président Bernard TRICOT la section du rapport a considéré que l'obligation de motiver en la forme un acte administratif relevait du domaine de la loi en tant qu'elle s'applique aux collectivités locales,
à leurs établissements publics, et aux organismes privés de sécurité sociale. En revanche, pour l'Etat et ses établissements publics, le rapport TRICOT a considéré que l'obligation de motiver relevait du domaine du règlement. Toutefois, il a été jugé opportun de regrouper l'ensemble des dispositions sur la motivation obligatoire dans un même projet de loi. C'est ce projet qui est à l'origine de la loi du 11 juillet 1979 laquelle a, sur certains points, modifié la loi du 17 juillet 1978.
Monsieur VEDEL : Ce n'est pas une jurisprudence contentieuse. Il est en effet vital de ne pas ouvrir un hiatus entre le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat ou bien au sein de notre jurisprudence dans des domaines où les droits fondamentaux ne sont pas en jeu. En l'espèce je m'incline. Mais si j'avais été plus loin, je ne serais pas sûr que l'obligation de motiver touche à la libre administration des collectivités locales. Cela me paraît de la cuistrerie jurisprudentielle. Mais si l'on maintient le statu quo, je n'insiste pas.
60-
Monsieur SIMONNET : Ce sont les gouvernements successifs qui ont ouvert la porte aux déclassements. En cours des débats parlementaires, les gouvernements pourraient s'opposer à l'introduction de dispositions réglementaires dans les lois en faisant jouer leurs pouvoirs de l'article 41.
Il est vrai que la solution que je propose dans le cas présent risque de créer une inégalité temporaire. Le Gouvernement prendra un décret en ce qui concerne les relations avec l'Etat, mais il peut faire prendre aussi une loi rapidement pour ce qui touche aux autres administrations.
Vous êtes bien pointilleux sur les droits des collectivités locales, me dit-on, mais cela restreint ici leur liberté.
Monsieur FABRE : Ce sont des garanties importantes en cas de sanction infligée à un secrétaire de mairie.
Monsieur SIMONNET : On a affaire ici aux relations entre administré et administration, qu'il ne faut pas confondre avec celles qui existent entre l'administration et ses agents. Ceux-ci bénéficient d'une protection statutaire avec le droit à la communication du dossier, le recours au conseil de discipline...
En revanche, les maires doivent motiver les refus de permis de construire.
Monsieur VEDEL : Sur le permis de construire et la motivation, on pourrait faire un cours de deux heures...
Le rapporteur donne lecture du projet de décision qui est adopté à 17 h 30, moyennant une légère modification en la forme.
Monsieur SIMONNET : Le deuxième texte est plus facile. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 février 1988 par le Premier ministre, dans les conditions prévues à l'article 37, alinéa 2 de la Constitution, d'une demande de déclassement du premier alinéa de l'article 393 du code rural en tant qu'il désigne le ministre de l'agriculture,
L'article 393 du code rural, dans sa rédaction actuelle, résulte de l'article 14.IV de la loi du 27 décembre 1968 portant loi de finances pour 1969, modifié par un décret du 27 avril 1972. Cet article 14.IV est un bel exemple de cavalier budgétaire.
oOo
Si nous sommes saisis de cette demande, c'est parce que le Gouvernement envisage de déconcentrer la réglementation de la destruction des animaux nuisibles.
Le code rural comporte un livre III, consacré à la chasse et à la pêche.
Le titre premier de ce livre, relatif à la chasse, comporte quatre chapitres. Le chapitre premier concerne l'exercice du droit de chasse ; y figurent, notamment les dispositions relatives au permis de chasser et au temps où la chasse est ouverte.
61 -
Le chapitre II fixe les pénalités en cas d'infraction à la réglementation de la chasse. Un chapitre IV traite des groupements de chasseurs. Quant au chapitre III dont fait partie l'article 393, il est relatif à la destruction des animaux nuisibles et constitue, en quelque sorte, un régime dérogatoire aux règles prévues au chapitre premier.
Aux termes du premier alinéa de l'article 393, "le ministre de l'agriculture
Il est apparu souhaitable au Gouvernement de déconcentrer le pouvoir de décision en cette matière.
Une directive du Conseil des Communautés européennes du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages a prévu la possibilité de déroger aux mesures de protection qu'elle édicte, notamment pour des motifs relatifs à la santé publique, à la sécurité aérienne, à la protection des cultures. Le Conseil des Communautés a estimé que ces dérogations devaient être fixées au vu de la situation locale et devaient pouvoir être révisées fréquemment.
De façon générale l'actuelle réglementation française relative aux animaux nuisibles, issue de l'article 393 du code rural, résulte d'arrêtés réglementaires permanents du ministre chargé de la chasse et qui sont propres à chaque département. La modification de ces arrêtés, qui intervient parfois à plusieurs reprises au cours d'une même année ne peut être décidée qu'à l'issue d'un procédure relativement lourde.
62 -
Telles sont les raisons de la déconcentration prévue par le projet de décret porté à la connaissance du Conseil constitutionnel.
Ce texte institue une procédure à deux niveaux.
Dans un premier temps, le ministre chargé de la chasse établit, après avis du Conseil supérieur de la chasse et de la faune sauvage, une liste des espèces d'animaux susceptibles d'être classés nuisibles.
Dans un second temps, le préfet détermine pour chaque département, chaque année, trente jours au moins avant la date de clôture de la chasse, parmi les espèces figurant sur la liste établie par le ministre, les espèces d'animaux nuisibles que le propriétaire, possesseur ou fermier pourra, dans le département, détruire sur ses terres. L'arrêté du préfet sera pris sur proposition du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt, après avis du Conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération des chasseurs.
Cette réforme suppose une modification de la disposition de l'article 393 prévoyant que c'est le ministre de l'agriculture
x
63 -
De prime abord, il est très aisé de se prononcer sur la demande figurant dans la lettre de saisine signée du Premier Ministre.
En effet, la désignation du ministre de l'agriculture
Le Conseil a rendu des dizaines de décisions dans ce sens. Une des plus récentes est celle du 20 février 1987 (décision n° 87-149 L rendue, à mon rapport, à propos d'une disposition du code rural).
Ce n'est que dans des cas exceptionnels que la désignation d'une autorité compétente pour prendre une décision au nom de l'Etat ressortit à la compétence législative. Notre jurisprudence n'en donne que deux exemples :
- l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat lorsqu'elle constitue une garantie pour les propriétaires
ou les collectivités locales (décision 73-76 L du 20 février 1973, Rec.p 29)
- l'intervention d'une Autorité administrative indépendante, comme il a été jugé à propos de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (décision n° 84-173 DC du 26 juillet 1984 p63)
Au cas présent, ces exceptions ne trouvent pas à s'appliquer.
*
Si la réponse à apporter au Premier ministre ne fait pas de doute, il y a lieu de souligner que le dossier soulève malgré tout une difficulté.
En effet, lorsqu'on examine les pièces jointes à la lettre du Premier ministre, on constate que le déclassement qui est demandé ne porte pas seulement sur la désignation du ministre de l'Agriculture
64 -
Je me suis en conséquence interrogé sur le point de savoir si notre décision ne devait pas aborder cette dernière question.
J'y ai renoncé cependant et ceci pour deux raisons complémentaires :
1) En premier lieu, les mots "du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage" ont d'ores et déjà été déclassés par le décret n° 72-334 du 27 avril 1972 pris en Conseil d'Etat, mais sans décision préalable du Conseil constitutionnel.
Dans la mesure ou la mention faite du Conseil national de la chasse dans le texte de l'article 393 du code rural résultait d'une loi postérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution, le Conseil constitutionnel aurait dû être consulté en application du deuxième alinéa de l'article 37.
Ce défaut de consultation du Conseil entache le texte d'incompétence comme le Conseil d'Etat statuant au contentieux l'a jugé à plusieures
Autrement dit le décret du 27 avril 1972 est illégal en tant qu'il procède à un déclassement en violation de l'article 37 de la Constitution - Mais aussi longtemps qu'il n'a pas été annulé ou rapporté, le décret du 27 avril 1972 subsiste dans l'ordonnancement juridique. Il a donc pour effet de substituer une norme de forme réglementaire à une norme de forme législative.
Or le Conseil constitutionnel ne peut être saisi sur le fondement de l'article 37, alinéa 2, que de textes de forme législative.
Dans une hypothèse comme celle que je viens d'indiquer, le Conseil estime qu'il n'y a lieu pour lui de statuer ; voyez en ce sens la décision n° 63-24 L du 9 juillet 1963 - réc. p.31.
65-
Ainsi, si nous voulions étendre les termes de la demande en y englobant la consultation du Conseil national de la chasse, nous devrions rendre une décision de non-lieu sur le point considéré en mettant par là même l'accent sur l'illégalité du décret du 27 avril 1972.
Je ne suis pas sûr que cela serait très opportun.
2) Il y a une deuxième raison qui me dissuade de faire prévaloir le dossier joint à la demande du Premier ministre sur le contenu de la lettre signé par ce dernier.
A ma demande, le Secrétaire général a consulté le Secrétariat général du Gouvernement. Madame PUYBASSET a reconnu qu'une erreur a été commise. Après réflexion elle a indiqué que dans l'esprit du Gouvernement il convenait de limiter la portée de la demande de déclassement aux mots concernant le ministre de l'agriculture.
C'est ce que fait le projet de décision.
Monsieur FABRE : Je ne suis pas chasseur, mais derrière ce dossier il y a une lettre entre les fédérations départementales de chasse qui relèvent de l'agriculture et l'administration de l'environnement.
Je prends l'exemple de la chasse à la sauvagine dans nos départements du Sud-Ouest qui touche à des intérêts sensibles en raison des fourrures de ces animaux : les décisions à prendre ne sont pas les mêmes selon qu'elles émanent du préfet ou du responsable agricole.
Monsieur SIMONNET : Le texte est dirigé contre les renards tout simplement, le reste est de la broutille.
Monsieur le Président : Avant que l'on crée un secrétariat d'Etat aux animaux, ce qui me paraît une innovation intéressante, veuillez lire le projet de décision.
Celui-ci est adopté et la séance levée à 17 h 40.
Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.