A 10 heures, la séance est ouverte en présence de tous les membres du Conseil.
¹• PROJET DE CIRCULAIRE SUR L'ORGANISATION DES ELECTIONS REGIONALES EN NOUVELLE-CALEDONIE LE 24 AVRIL 1988 :
Monsieur le Président : Vous vous souvenez de l'interrogation qui s'était levée. Quelle réponse donner à ce projet de circulaire transmis désormais pour information et non plus pour avis ?
Si jamais, par malheur, quelque chose arrivait, il ne faudrait pas que l'on puisse dire que le Conseil constitutionnel a couvert cela. Mais il est clair qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de prendre position sur le choix de cette date qui relève de la compétence du Gouvernement.
Donc on ne saurait être trop prudent. Il faut une lettre mesurée dans ses termes où l'on appelle l'attention sur les mesures et précautions à prendre•
Mais je connais trop les hommes politiques. Il ne faut pas que le Conseil constitutionnel ait l'air d'approuver ; il doit dégager sa responsabilité : pas plus, pas moins. "Du moment que vous avez choisi le cumul des élections, vous devez faire attention". Mais je ne crois pas que nous ayons à prendre une position politique. Je propose une sauvegarde, une sorte de parachute en cas de réaction éventuelle. Ce serait trop grave si Monsieur PONS - je le connais - utilisait notre silence.
J'ai suggéré que nous attendions un peu. Monsieur JOZEAU-MARIGNE voulait que l'on ne fasse rien, Monsieur FABRE était pour que l'on adresse une lettre, Monsieur MAYER était tout à fait contre la mesure du Gouvernement, Messieurs SIMONNET et MOLLET-VIEVILLE se rangeaient sur la position de Monsieur JOZEAU-MARIGNE, Monsieur JOXE était contre le cumul.
Nous ne sommes soumis à aucun délai. La question pouvait être reprise avec vous, Monsieur LECOURT : vous êtes le spécialiste èsMonsieur LECOURT, par votre sagesse et votre compétence particulière en ce domaine, vous avez bien voulu faire une suggestion. Ma proposition en est la reprise, à deux mots près (jointe en annexe).
Je crois que nos travaux constituent un apport constructif qui n'est pas perçu comme des critiques de la part des administrations, ni par la C.N.C.L.
Dans la mesure où l'on nous tient au courant, nous ne sommes pas tenus au silence. Il est de notre devoir de dire ce qui est important et ce qui peut être amélioré.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Si l'on est saisi pour avis, il est normal et indispensable de le donner. Si on l'est pour information, en dehors d'un accusé de réception, toute réponse ne sera-t-elle pas interprétée comme une recommandation ?
Ce qui dégagerait deux conséquences :
- le Gouvernement pourrait en prendre prétexte et pourrait dire avoir satisfait à nos recommandations et être couvert ;
- ne serait-ce pas une saisine non prévue par les textes ?
Je suggère une lettre ainsi rédigée : "Le Conseil observe que cela relève des attributions du Gouvernement et prend acte de la décision de celui-ci".
Monsieur SIMONNET : le projet de rédaction mentionne "délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance...". Cela donne un caractère officiel, cela va paraître au Journal officiel.
Monsieur le Président : Non, c'est une simple formule qui n'implique pas la publication. La lettre est destinée uniquement au Gouvernement. C'est là une question subsidiaire.
Monsieur SIMONNET : Pour le reste, même si la rédaction proposée aujourd'hui est plus acceptable, je reste sur ma position antérieure. Pour une information, on fait une lettre de remerciement sans aller plus loin.
Monsieur le Président (à Monsieur SIMONNET) : Une petite question pour bien mesurer votre proposition : sur un avis, nous sommes tenus de répondre ; sur une information, nous pouvons répondre, n'est-ce pas ?
Il n'est pas possible de nous enfermer dans un silence absolu dès lors qu'il y a une information ; je pense à la recommandation de la C.N.C.L. ou au souhait qui serait le nôtre de faire modifier un décret. On ne doit surtout pas adopter une position qui bloquerait notre compétence et nous condamnerait au silence.
Monsieur le Secrétaire général confirme que ce texte a été transmis â chacun des membres.
Monsieur SIMONNET : Soit, mais je ne veux pas prendre, dans ce cas précis, position.
Monsieur le Président : Ce n'est donc pas une position de principe de votre part, mais seulement une attitude liée à la situation particulière.
Monsieur LECOURT : C'est abusivement que vous me considérez comme le spécialiste de la Nouvelle-Calédonie.
Sur la question de fond, mon opinion est inscrite dans le texte que vous avez sous les yeux, un texte qui peut "sentir la clinique” mais qui retrace ma position. Je pars du point de vue suivant : le texte qui nous a été envoyé pour avis, puis pour information, nous instruit des conditions matérielles dans lesquelles se dérouleront les élections régionales. Mais, â la faveur de cette organisation, il apparaît que l'ensemble des mécanismes mis en oeuvre risquent d'empêcher ou d'entraver l'élection présidentielle. A travers ce texte, nous avons mission de nous saisir, non pas de ce qui appartient à l'organisation d'une élection régionale, mais de tout ce qui peut avoir une incidence directe ou indirecte sur le scrutin présidentiel. Le Conseil constitutionnel ne peut rester muet devant ce risque de confusion. Le Conseil pourrait être critiqué si, après avoir été informé et ayant l'impression qu'il peut y avoir des problèmes, il ne disait rien.
Pour la sécurité du Conseil constitutionnel, il est bon de mettre en place une sorte de paratonnerre. J'ai estimé qu'il pouvait y avoir intérêt à mettre au point un texte indolore sur le fond mais qui relèverait les risques d'interférence entre les deux scrutins pour constater - ce qui est enfoncer une porte ouverte - la nécessité d'assurer la clarté et la sincérité de l'élection et de prendre des mesures de précaution pour éviter tout risque.
Je le crois d'autant plus que le Gouvernement, dans sa circulaire à la page 2, fait lui-même allusion à de telles interférences.
Il est donc prudent pour le Conseil constitutionnel de dire : "C'est votre responsabilité de fixer une date pour les élections régionales", mais c'est au Conseil de dire aussi "il faut veiller à la clarté et â la sincérité du scrutin et prendre des mesures de précaution", ce qui couvrira pour l'avenir le Conseil constitutionnel en cas de difficultés ultérieures.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Je dirai un mot. Suivant votre raisonnement, Monsieur le Président, et compte-tenu de la position exprimée par Monsieur SIMONNET, j'ai été convaincu par les arguments présentés par Monsieur LECOURT. Je propose une rédaction plus allégée : "Le Conseil constitutionnel prend acte que toute mesure a été envisagée pour éviter les interférences entre les deux scrutins".
Monsieur MAYER : Vous allégez dans le sens de l'allégeance !
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : le Gouvernement prendra toujours prétexte de notre avis.
Monsieur VEDEL : Au cours de notre dernière séance du 10 mars, j'étais très réservé à l'égard de toute réponse autre qu'un accusé de réception. Grâce â Dieu, j'ai réfléchi : on ne peut se contenter d'un accusé de réception. Celui-ci équivaut à dire : "Cela ne nous regarde pas" ; le silence est égal à de l'indifférence.
Or, la mission que nous impartit l'article 58 de la Constitution est générale et ne dépend pas des saisines. Même sans être saisis pour information nous pourrions intervenir et être amenés â présenter des observations.
J'avais pensé à donner un caractère moins solennel à notre intervention par une lettre du Président du Conseil constitutionnel mais cela suppose une unanimité au sein du Conseil. Dans une matière où il y a dissension, fût-elle d'un seul, il faut recourir à une procédure décisoire.
Est-il possible de rendre encore plus neutre le texte proposé ? Je ne pense pas que la proposition de Monsieur MOLLET-VIEVILLE soit plus légère, elle le leste davantage. C'est faire preuve d'une ironie excessive de déclarer : "Le Conseil constitutionnel espère que toute mesure a été envisagée...".
Je suis tout à fait convaincu par Monsieur LECOURT. S'il me le permets, je le rejoindrai.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Vous connaissez la position que j'ai exprimée la semaine dernière. On se retrouvait à quatre contre quatre sur un texte qui n'en mérite pas tant. J'estimais qu'il ne fallait pas répondre.
Il vient d'y avoir un nouveau tour de table. Le texte qui nous est proposé présente quelques défauts. Je relève deux problèmes. Sur l'aspect général, ce n'est pas parce que le Gouvernement choisit à un moment de nous informer que nous sommes tenus de donner un avis. Comme vous, je pense que si nous sommes informés nous ne sommes pas obligés de nous taire. C'est la distinction entre "nous devons" et nous "pouvons".
Au cas particulier, si Monsieur LECOURT, qui est le spécialiste de la matière, a qualifié le texte d'indolore, je me demande s'il l'est vraiment. J'avoue que lorsque l'on vient dire qu'il faut ouvrir un paratonnerre sur le Conseil constitutionnel, que l'on peut se saisir d'office sur le fondement d'une compétence générale conférée par l'article 58 de la Constitution et quand le texte proposé montre qu'il faut exercer une vigilance particulière, spécialement dans ce territoire, donnant à penser ainsi que le Gouvernement n'aurait pas tout mis en oeuvre, cela me déplaît.
J'aurais préféré la procédure, suggérée par Monsieur VEDEL, de la lettre du Président, mais elle suppose l'unanimité.
Voilà mon désir : une lettre de vous, Monsieur le Président, qui nous rassemble tous les neuf sur un sujet aussi délicat.
Monsieur le Président : que nous proposez-vous en cet instant ? Quel texte ? Telle est finalement la question présente.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Le texte qui a été proposé, en changeant deux ou trois mots.
Monsieur VEDEL : Certes on pourrait supprimer l’expression "avec une particulière vigilance" et substituer au mot "commande" un autre verbe tel que "suppose" ou "implique" (que soient mises en oeuvre toutes mesures...).
Monsieur le Président : On pourrait garder l'expression "avec vigilance".
Monsieur MAYER : Avant qu'on continue à enlever ce qui est l'essentiel pour moi, je voudrais préciser ma pensée. A vous entendre, vous nous faites un geste grâcieux pour accéder à l'unanimité. Mais le débat est à deux côtés. Si vous enlevez tout, c'est moi qui devient contre, qui empêcherais l'unanimité.
Par des sourires et quelques propos de Monsieur PONS, on sait que le choix de la date de ces élections a pour seul objet d'ôter quelques voix mélanésiennes au candidat socialiste. L'unanimité dont vous avez besoin n'est pas seulement d'un côté, elle doit être également de l'autre côté.
Monsieur le Président : Je rappelle que Monsieur PONS avait soutenu que le Conseil constitutionnel avait approuvé une loi sur la Nouvelle-Calédonie dont il n'avait pas été saisi.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Je n'ai pas demandé : "passe-moi la rhubarbe, voilà le senné !" C'est la proposition de Monsieur VEDEL qui m'a fait penser à une lettre du Président et je l'ai reprise.
Monsieur MAYER : J'ai dit la même chose.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Il y a deux ou trois mots en réplique à Monsieur PONS qui doivent être évités.
Monsieur MAYER : Les deux ou trois mots "particulière vigilance", "commande" donnent toute sa tonalité au texte.
Monsieur VEDEL : C'est bien pourquoi je ne voterai pas en faveur de ces mots.
Monsieur le Président : L'adjectif est l'acné du style !
Monsieur VEDEL : Je ne suis d'accord ni sur le fond ni sur la forme : c'est de l'hypocrisie.
En outre, il y a un précédent en 1986, avec la coïncidence des élections législatives et régionales : nous ne l'avons pas alors relevée.
Monsieur MAYER : Toute la Nation votait en 1986 : ici seuls les électeurs de Nouvelle-Calédonie connaissent cette situation de simultanéité entre un scrutin national et un scrutin local.
Monsieur le Président : C'était le trop grand nombre de scrutins existants qui était à l'origine de cette solution.
Monsieur FABRE : Ma première version était beaucoup plus dure. Je fais un grand pas en acceptant le texte ainsi amendé : "implique la mise en oeuvre...".
Monsieur MAYER : Quand le texte parle de l'organisation de la campagne, il vise R.F.O. : il faut garder ce passage.
Monsieur LECOURT : C'est la trame même de la circulaire.
Monsieur SIMONNET : A la dernière ligne, la formule "élection présidentielle qui doit demeurer en tous points distincte d'élections régionales" ne peut être admise : n'est-ce pas une condamnation implicite du cumul des élections â une même date ?
Monsieur le Secrétaire général : Cela est conforme à ce que dit la circulaire.
Monsieur le Président : Si l'expression "en tous points" visait aussi la conjonction de date, le texte n'aurait plus de sens.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Si ce texte reçoit l'accord des neuf membres, se présentera-t-il sous la forme d'une lettre ?
Monsieur le Président : Je préfère dans ce domaine une décision du Conseil. Je joindrai une lettre pour communiquer son avis. Une lettre de ma part sans indication de la décision du Conseil paraîtrait être de mon fait proprio motu.
Monsieur VEDEL : Le passage qui va du mot "vigilance" à celui de "scrutin" alourdit le texte sans rien lui apporter ; un texte court serait plus percutant.
Monsieur le Secrétaire général : Deux arguments ont été présentés pour justifier l'évocation de l'organisation du scrutin : Monsieur LECOURT a fait référence au contenu de la circulaire, Monsieur MAYER a fait état de l'actualité en ce qui concerne les média. En revanche, le terme "vigilance” a moins d'importance, me semble-t-il.
Monsieur MAYER : Faire appel à la vigilance signifie que l'on fait confiance.
Monsieur le Président : Nous abandonnons donc la vigilance.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : La fin du texte mentionne qu'il a été délibéré par le Conseil : est-ce bien une délibération ?
Monsieur VEDEL : On ne peut pas dire que nous n'avons pas délibéré.
Monsieur MAYER : On peut donner satisfaction à Monsieur
MOLLET-VIEVILLE en supprimant la lettre du Président...
A 10 h 55, le texte, dans son dernier état, est adopté à l'unanimité.
II. DECISION DE LA C.N.C.L. SUR L'ORGANISATION DES EMISSIONS DELA CAMPAGNE OFFICIELLE :
Monsieur FABRE : La saga continue. Aujourd'hui, nous sommes saisis, pour information, de la décision n° 88-73 du 10 mars 1988
Mais deux points méritent quelques observations : ils peuvent donner lieu à des discussions politiques.
En page 2, dans le titre II relatif aux genres d'intervention, la décision prévoit que "la C.N.C.L. s'assure que ces personnes (appelées à participer à des débats avec les candidats) ont la qualité de membres de partis ou de groupements politiques habilités par la Commission nationale de contrôle".
Il y a là une restriction excessive pour déterminer la catégorie des personnalités susceptibles d'être invitées.
Monsieur le Président : Cette disposition implique que ces personnes révèlent leur appartenance politique.
Monsieur FABRE : Avertie de cette difficulté, la C.N.C.L. a modifié, le 18 mars, son texte qui devient ainsi : "La C.N.C.L. s'assure que conformément à l'article 12, alinéa 3, du décret du 14 mars 1964 susvisé, les partis ou groupements politiques participant aux débats ont été habilités par la Commission nationale de contrôle".
L'exigence d'une habilitation ne s'applique plus aux personnalités mais aux partis, auxquels est reconnue implicitement la faculté de choisir comme intervenant qui ils veulent. J'aurais préféré que cela soit plus clair. Les partis font écran.
Monsieur le Président : La nouvelle formule se borne à reprendre le texte même du décret. Quant à l'ancienne formule, j'en avais parlé â Monsieur de BROGLIE, Président de la C.N.C.L.
Monsieur FABRE : Cette amélioration prouve que les contacts que nous prenons ne font pas apparaître le Conseil constitutionnel comme une instance critique. Cela ressemble plutôt au style du Médiateur.
La deuxième observation qu'appelle la décision du 10 mars porte sur l'article 22 (page 12) ainsi rédigé : "Au terme du contrôle technique de l'enregistrement par la S.F.P., l'une des personnes habilitées par le candidat signe un "bon à diffuser". A défaut, le candidat est réputé avoir renoncé à la diffusion de son intervention. Ce "bon à diffuser" est contresigné par un membre de la C.N.C.L.".
L'existence de ce contreseing par un membre de la C.N.C.L. pose la question de la nature du contrôle exercé et de son objet : peut-il y avoir une censure préalable sur le contenu du message ?
Nous avons signalé cette crainte. Il nous a été répondu que ces dispositions ne visaient pas la mise en place d'une censure mais se bornaient à permettre de vérifier le respect des prescriptions légales. Elles constituent une précaution contre d'éventuels abus.
Monsieur le Président : Dans le passé, j'en ai fait l'expérience concrète : entre plusieurs prises de vue, il faut faire un choix. Cette procédure a pour objet d'authentifier la signature du représentant du candidat, comme le ferait un notaire et pas davantage.
Monsieur FABRE donne lecture du projet d'avis, qui est adopté.
III. PROJET DE MEMENTO DESTINE AUX CANDIDATS ET A LEURS MANDATAIRES :
Monsieur FABRE : Comme en 1981, le ministère de l'intérieur a préparé un memento à l'usage des candidats à l'élection du Président de la République. Ce memento ne diffère, pour l'essentiel, du précédent de 1981 que pour tenir compte des changements intervenus dans la législation et la réglementation.
L'administration a dû en effet compléter son texte en ajoutant deux chapitres nouveaux concernant, d'une part, la déclaration de situation patrimoniale et, d'autre part, les comptes de campagne électorale. Il s'agit de tirer les conséquences de la loi organique du 11 mars 1988 que le Conseil constitutionnel a examinée le 10 mars.
Je vous indique tout de suite que l'administration ne me paraît pas avoir commis d'erreur grossière d'interprétation pour l'application de ces nouvelles dispositions.
Mes observations seront dès lors d'une portée limitée.
Je relèverai que le projet de memento se trompe sur la nature de notre consultation. Le Conseil constitutionnel se borne à émettre un avis qu'il serait loisible au Gouvernement de ne pas suivre. Plutôt que d'une approbation, il conviendrait de dire que "le présent memento a été soumis à l'avis du Conseil constitutionnel et de la commission nationale de contrôle".
Monsieur VEDEL : Il y a une alternative : ou bien le Gouvernement suit nos observations et il n'est pas besoin de modifier le terme "approuvé", ou bien le Gouvernement ne nous suit pas et il convient de rectifier par l'expression "soumis â l'avis...".
Monsieur FABRE : On tomberait alors dans une recommandation sous contrainte.
Monsieur VEDEL : Il s'agit d'un avis favorable sous réserve.
Monsieur MAYER : Quel est l'intérêt de ces deux lignes ? On recherche une caution ; à cet égard, il y a peu de différence entre les mots "soumis à l'avis" et "approuvé".
Monsieur le Président : C'est une question de pure rédaction et il faut que cela soit clair. On nous demande d'examiner le memento et non pas sa page de garde : il suffit d'une lettre d'accompagnement ou de précisions données au secrétariat général du Gouvernement pour lever toute ambiguïté.
Monsieur FABRE :
Page 6 :
Il serait opportun de compléter le chapitre 1 relatif aux présentations des candidats par l'indication que le Conseil constitutionnel a décidé de rendre publiques les présentations qui lui seraient régulièrement adressées, même celles qui ne seront pas publiées au Journal officiel après tirage au sort.
Monsieur le Président : Le Conseil constitutionnel a en effet pris cette décision, mais ici il s'agit d'un texte envoyé par le Gouvernement aux candidats. La décision du Conseil n'a pas à y être reprise. Je n'y suis pas personnellement favorable.
Monsieur FABRE :
A la page 11, je propose une modification d'ordre purement rédactionnel qui permet de témoigner à la Commission nationale de contrôle le respect dû à son rang et à sa jurisprudence.
En 1981, la Commission a prévu une majoration du nombre des affiches à imprimer de telle sorte que les affiches qui auraient été détruites, lacérées ou recouvertes puissent être remplacées. Cette précaution est qualifiée par le projet de circulaire d'"errements", ce qui vient mal à propos, c'est une condamnation de la C.N.C. qui a admis en 1981 une pratique.
Le memento n'a pas à porter de jugement sur cette position.
Monsieur VEDEL : Le Conseil constitutionnel n'est pas l'Académie Française, mais il doit être attentif à la langue française.
Des errements ne sont pas des erreurs mais des pratiques, désignées de façon neutre en termes de navigation, poursuivies de manière continue comme un navire sur son erre.
Si le Conseil constitutionnel abandonne les mots traditionnels, il lui faudra trouver de nouveaux mots.
Monsieur FABRE : Le mot a pris une connotation péjorative.
Monsieur VEDEL : Cela dit, j'ai soulagé ma conscience.
Monsieur MAYER : Comme Monsieur FABRE, je suis sensible à l'interprétation du mot donnée par le peuple, même si Monsieur VEDEL a raison.
Monsieur FABRE : Mon souci de perfectionnisme m'a fait tomber dans l'erreur.
Monsieur VEDEL (après consultation du Petit Robert) : Je reconnais que le sens courant est devenu la pratique admise. Je craignais qu'un fonctionnaire puisse se gausser du Conseil constitutionnel. Mais si j'ai le Robert contre moi, je n'ai plus qu'à me pendre. Je capitule.
Monsieur FABRE : En page 7, il est prévu que les candidats expédient au Conseil constitutionnel les plis scellés portant déclaration de leur situation patrimoniale exigée par la loi. Ne vaut-il pas mieux exiger le dépôt de ces documents au Conseil constitutionnel par les intéressés, par mesure de sécurité ?
Monsieur le Président : L'envoi postal représente une commodité mais expose, par suite d'une imprudence, au risque de divulgation. Je suis partisan d'imposer le dépôt des documents par les intéressés dans les locaux du Conseil.
Monsieur FABRE : La page 8 du memento propose une rédaction-type de la déclaration. Que se passera-t-il si le pli déposé par le candidat arrivé en tête ne contient pas de déclaration ?
Monsieur le Secrétaire général : Le Conseil constitutionnel se refusera à proclamer le candidat élu s'il découvre que l'enveloppe est vide. Mais le cas est peu probable.
Quant au contenu de la déclaration, la version recommandée par le memento s'inspire de la rédaction du texte voté en première lecture par l'Assemblée nationale : elle n'a qu'une valeur indicative.
Monsieur MAYER : Réservons la nature de notre approbation sur ce point, en utilisant, par exemple, la formule "dans ses grandes lignes" ou "dans son économie générale" (expression suggérée par Monsieur le Secrétaire général). '
Monsieur FABRE : On peut, dans ces conditions, signaler, à la fin de notre avis, que le Conseil constitutionnel n'entend formuler aucune observation sur le contenu de la page 8, qui n'est donné qu'à titre indicatif.
En page 9, conformément à la procédure retenue avant les élections, il faut imposer aux candidats de venir chercher leurs déclarations patrimoniales et, donc, remplacer le mot "retourner" par "restituer".
Monsieur MAYER : Je considère que tout cela nuit au bon fonctionnement des institutions. Il y a aura des fous rires dans le peuple, c'est donner des armes aux détracteurs des institutions.
Monsieur le Président : Je partage ce sentiment, mais nous n'avons pas à refaire les lois.
Monsieur VEDEL : C’est comme ce que l'on appelle,un heureux mariage : la jeune fille n'est pas un modèle de beauté mais elle était bien dotée.
Monsieur FABRE :
Page 13 :
1. Dans le dernier paragraphe de cette page, le projet de memento mentionne les dispositions de l'article L. 52-2 du code électoral mais le fait d'une manière partielle en omettant le cas des départements d'outre-mer. Il y a lieu de compléter ce paragraphe par la dernière phrase de l'article L. 52-2.
2. Dans la note au bas de cette même page 13, la dernière phrase soulève le problème des affichages ommerciaux hors des emplacements réservés à la propagande électorale. Cette note se livre à une interprétation de l'article L. 51 du code électoral qui est conforme à la jurisprudence pénale, même si elle laisse, dans les circonstances actuelles, subsister un malaise. Pendant la période électorale, tout affichage électoral en dehors des panneaux réservés à cet usage est interdit et peut être sanctionné pénalement (art. L. 90). Mais cette infraction a un caractère instantané dans le silence de la loi. Autrement dit, une affiche apposée avant l'ouverture de la campagne électorale ne tombe pas sous le coup des sanctions prévues par le code électoral. Elle peut subsister en l'état. Mais on ne peut la changer, la nettoyer ou la remplacer dès lors que la campagne électorale est ouverte.
Ce système trouve toutefois une limite dans les dispositions de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité. Les articles 24 et suivants de cette loi permettent l'intervention des autorités administratives pour ordonner la suppression ou la mise en conformité des publicités contrevenant aux règles édictées par cette loi. Le délit a ici un caractère continu. Autrement dit, si l'affiche, apposée avant l'ouverture de la campagne électorale, est irrégulière au regard des dispositions de la loi du 29 décembre 1979, elle pourra faire l'objet des mesures de contrainte et des sanctions pénales prévues par cette loi.
Une telle précision peut contribuer à limiter la débauche d'affichage électoral. Cette proposition ne règle pas tout le problème mais a le mérite de signaler l'existence de la loi qui permet de sanctionner quelques abus.
Page 14 :
Comme précédemment, on peut éviter le mot "errements". Il n'en reste pas moins curieux que soit toléré un affichage spécifique à l'Alsace, en langue allemande. Les Basques, les Bretons, les Occitans ou autres régionalistes pourraient revendiquer pour eux le droit â l'expression dans une langue autre que le Français. Mais laissons à la Commission nationale de contrôle, saisie pour avis de ce memento, le soin de décider le maintien ou la suppression de ces dispositions qui existaient déjà en 1981.
Page 15 :
Je propose une petite précision. Il s'agit du délai ouvert aux candidats pour faire connaître à la commission nationale de contrôle leurs représentants. Il est apparu qu'ils pouvaient le faire jusqu'au dimanche 10 avril à 12 heures, même s'il est recommandé qu'ils le fassent dès le vendredi 8 avril.
A l'annexe 1, après la page 31, il faut compléter le calendrier en mentionnant que le jeudi 7 avril à minuit est la date et l'heure limites, non seulement pour verser le cautionnement, mais aussi pour déposer la déclaration de situation patrimoniale et l'engagement d'en déposer une nouvelle, en cas d'élection, au terme du mandat. C'est là une mise à jour, une actualisation rendue nécessaire par la loi organique du 11 mars 1988.
Page 25 :
Le memento précise le contenu du compte de campagne, institué par la loi organique du 11 mars 1988.
Le compte de campagne, selon le memento, ne concerne pas les dépenses de propagande dont la charge incombe, en dernière instance, à l'Etat (bulletins, affiches officielles...) en vertu des dispositions en vigueur avant la réforme récente.
La loi du 11 mars 1988 prévoit le bénéfice d'un remboursement forfaitaire par l'Etat d'un montant de 6 millions maximum pour tous les candidats n'ayant pas obtenu 5 % des suffrages exprimés au premier tour, ou 30 millions pour ceux qui ont recueilli plus de 5 %.
Le problème est de savoir comment se fera ce remboursement. Nous avons déjà étudié ce problème. Le memento mentionne bien d'ailleurs notre décision du 10 mars 1988, par laquelle nous avons précise que "le remboursement par l'Etat des dépenses électorales ne doit pas conduire à l'enrichissement d'une personne physique ou morale".
Le memento prévoit que ce remboursement devra "être amputé de l'excédent éventuel du total des recettes à caractère définitif encaissées par le candidat sur le total des dépenses payées ou engagées".
Pour comprendre cette formule alambiquée, il faut savoir que :
1° au titre des recettes doivent figurer trois catégories de ressources : les premières proviennent des dons (à fonds perdus) des individus, des associations, des entreprises et des partis et groupements politiques. La deuxième cagégorie de ressources consiste en prêts ou avances, qu’il appartiendra au candidat de rembourser ou de solder. Enfin, il peut y avoir une part d'autofinancement direct par ponction sur le patrimoine ou les revenus du candidat.
2° Il résulte d'une telle présentation de la partie "recettes" du compte de campagne que le total des recettes ne peut être inférieur au total des dépenses, mais il peut dépasser le total des dépenses, soit parce que le candidat a perçu des dons très importants, soit parce qu'il a bénéficié de prêts ou d'avances qui resteront en définitive â sa charge : il lui faudra les rembourser.
Pour l'application de la réserve d'interprétation que le Conseil constitutionnel a émise le 10 mars 1988, le remboursement par l'Etat devra être limité au montant des dépenses que le candidat aura à titre définitif supportées personnellement, soit après paiement des avances qui lui auront été consenties, soit après remboursement des prêts dont il a bénéficié, soit encore en tenant compte des retraits directs et définitifs qu'il a effectués sur ses propres revenus ou sur son patrimoine.
Si tel est bien ce qu'a voulu dire le Conseil constitutionnel, on peut craindre que la formule retenue par le memento ne soit par trop compliquée.
On a dès lors le choix, soit de remplacer la formule du memento par le rappel de la finalité de la loi telle qu'interprétée par le conseil, soit de compléter le memento en disant qu'en tout état de cause le remboursement sera limité aux dépenses que le candidat aura, à titre définitif, supportées personnellement.
J'estime que tout cela est hypothèse d'école : pas un candidat ne sera assez fou pour présenter un compte déséquilibré.
Monsieur LECOURT : On est en présence de l'application d'une loi. Est-il de notre compétence d'intervenir et de censurer l'interprétation de l'administration ? Je propose de remplacer la formule obscure par des termes plus clairs et de s'en tenir là.
Monsieur le Président : Il s'ensuit que son montant sera limité à la part des dépenses que le candidat aura à titre définitif personnellement acquittées ou dont il demeurera débiteur.
Mais, pour le surplus, le Conseil partage le sentiment du rapporteur que la loi sera tournée.
Monsieure FABRE : Je relève déjà dans le "Monde" d'hier que les accusations concernant le coût des dépenses électorales commencent à fleurir.
Le projet d'avis, ainsi amendé, est adopté, de même que celui relatif au memento destiné aux mandataires des candidats.
IV. NOMINATION DE DELEGUES DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL :
Monsieur le Secrétaire général : le 10 mars, le Conseil a désigné, en qualité de délégués chargés de suivre sur place les opérations électorales, certains rapporteurs-adjoints près le Conseil ainsi que les Présidents des Cours d'appel et les magistrats exerçant dans le ressort de ces cours d'appel.
Il est opportun de compléter la liste des délégués pour couvrir certains centres de vote à l'étranger et renforcer le contrôle dans les départements et territoires d'outre-mer où le nombre de magistrats disponibles sur place est insuffisant.
Il est proposé de faire appel aux services des Présidents des tribunaux administratifs d'outre-mer ainsi qu'à ceux de membres du Conseil d'Etat, dont certains, tel Monsieur MASSOT, ont déjà été rapporteurs-adjoints près le Conseil constitutionnel.
Monsieur le Président : Je salue le dévouement de Monsieur MASSOT qui a accepté de se rendre dans le territoire de Nouvelle-Calédonie, où il n'y a pas tellement de volontaires pour exercer la mission de délégué.
Le projet de décision est adopté. Monsieur BADINTER se retire de la séance. La présidence est assurée par Monsieur MAYER, après le refus exprimé par Monsieur JOXE qui se trouve bientôt dans l'obligation de s'absenter entre 12 heures et 12 h 15.
V. MEMENTO PARTICULIER AUX CENTRES DE VOTE A L'ETRANGER :
Monsieur FABRE : Mes observations tendent pour l'essentiel à aligner le projet de memento qui nous est soumis sur le modèle qui avait été adopté en 1981.
C'est ainsi qu'en page 2, le projet de memento a omis, en ce qui concerne l'impression des affiches et circulaires, d'envisager le cas où cette impression se ferait ailleurs qu'à Paris. Il suffit de reprendre la formule de 1981.
En page 3, les services du Ministère des affaires étrangères ont commis une erreur de date pour déterminer le délai imposé aux candidats pour déposer leurs affiches et déclarations. Il convient de rectifier cette erreur dans un sens qui a reçu l'accord du ministère.
En page 4, il s'agit d'insérer un alinéa qui a été omis, alors qu'en 1981 le Conseil constitutionnel en avait eu l'initiative.
Toutes ces corrections ont rencontré l'assentiment des services du ministère.
Reste une question particulière à aborder. Le Ministère des affaires étrangères a décidé de faire appel aux services d'une société privée de routage pour acheminer dans les pays étrangers les documents de propagande électorale.
Je n'ai rien contre le recours à une entreprise privée. Mais il peut y avoir des grèves, des moyens de transport défaillants. Il convient que l'administration, qui reste responsable de l'opération, s'assure que toutes les précautions sont prises.
Le projet d'avis en ce sens est adopté.
VI. REQUETE DE MONSIEUR GERMES :
Monsieur FABRE : J'avais fait l'observation que Monsieur GERMES allait revenir à la charge. Il se présente dorénavant en qualité de simple citoyen.
Il nous faut donc statuer et je propose de reprendre la motivation de nos décisions du 1er décembre 1987, BIDALOU et SALVAN, pour rejeter cette requête.
Monsieur LECOURT : Pourquoi le projet contient-il l'incidente "en tout état de cause" ?
Monsieur le Secrétaire général : Cette incidente a pour objet de décourager le requérant de déposer plus tard un nouveau recours, en réservant le cas où il ferait l'objet d'une présentation. Cela se veut dissuasif.
Monsieur FABRE : J'ai souhaité la formule la plus dissuasive.
Monsieur MAYER : Le moins que l'on puisse dire est en effet qu'il ne faut pas l'encourager.
Le projet de décision est adopté â 12 h 20.
V¹¹- LES PRESENTATIONS DES CANDIDATS A L'ELECTION DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE :
Monsieur le Secrétaire général : Depuis le 17 mars, 5 877 présentations sont parvenues au Conseil, ce qui constitue un chiffre particulièrement élevé.
Ces présentations sont traitées au 4ème étage selon un processus entouré du maximum de soin, avec un contrôle visuel effectué par moi-même et mes collaborateurs et un contrôle machine, ce double contrôle permet de distinguer les présentations présumées valides et les présentations à problème.
Les rapporteurs-adjoints sont chargés d'étudier les difficultés ainsi repérées. Dans l'exercice de leur mission, ils sollicitent du Conseil, quelques orientations, voire des instructions.
On peut regrouper les problèmes jusqu'à présent rencontrés. Avant tout, il faut appeler l'attention sur trois articles du décret du
14 mars 1964 : les articles 3, alinéa 1, 3-1 et 3-2 (lecture est donnée de ces articles).
Ces dispositions prévoient le respect par les présentateurs de deux formalités, qui sont des garanties distinctes, et un pouvoir d'investigation du Conseil.
Deux sortes de difficultés sont apparues, les unes relatives à l'utilisation du formulaire, les autres liées aù problème de certification inappropriée.
1° sur l'utilisation du formulaire :
La difficulté est venue là où l'on ne l'attendait pas. Monsieur FABRE avait déjà envisagé le cas de confusion du modèle 1981 et du modèle 1988 ; le Conseil avait estimé ne pas devoir être trop formaliste : l'essentiel est la bonne foi du présentateur sous réserve que soit utilisé un formulaire.
Le cas qui s'est présenté est différent : l'utilisation d'un fac-similé, d'un spécimen. Une présentation revêtant cette forme peut-elle être regardée comme valable ?
J'ai hésité et un peu évolué. Dans un premier temps, je n'étais guère favorable à une solution formaliste, l'essentiel étant le contenu et non le support. Mais cette position soulève des difficultés. Tout d'abord, elle se heurte au texte même du décret du 14 mars 1964 qui prévoit "des formulaires imprimés par les soins de l'administration conformément au modèle arrêté par le conseil constitutionnel". Ensuite, c'est le Conseil qui avait réclamé ce système dans sa déclaration du 24 mai 1974 : "La présentation d'un candidat à l'élection du Président de la République est un acte politique grave. Il importe donc de l'entourer de toute la solennité nécessaire. A cette fin, il y aurait lieu d'exiger que les présentations fussent établies sur des formulaires officiels tenus à la disposition des citoyens".
Cette exigence doit être valorisée, car un minimum de formalisme est nécessaire : il y a un risque de fraude, il y aurait une difficulté à régler dans l'hypothèse où une même personne utiliserait concurremment le spécimen et le formulaire, enfin il ne faut pas encourager une telle pratique ; une fédération d'élus à cru bon, lors d'une réunion au Bourget, d'utiliser ce genre de spécimens pour entraîner les futurs présentateurs ; ce type de procédé risque de se diffuser à l'avenir au sein de toutes les fédérations d'élus.
C'est pourquoi ma préférence tend à faire respecter le texte pour éviter les risques de fraude ou de dérive.
Monsieur MAYER : Quel est le nombre de cas jusqu'à présent ?
Monsieur le Secrétaire général : Moins de dix.
Monsieur VEDEL : Vous ne les renvoyez pas à leur auteur, comme cela, a été fait pour les présentations prématurées ? L'inconvénient d'une solution sévère serait de pénaliser un candidat.
Monsieur le Secrétaire général : Le paradoxe est que l'usage de ces spécimens se répartit entre les présentateurs proches de la fédération d'élus que j'évoquais et les présentateurs de Messieurs BARRE et CHIRAC.
Monsieur FABRE : J'avais été très ouvert pour accepter les formulaires de 1981, mais dans le cas d'un spécimen, on sait ce que cela veut dire. Personne ne pense à utiliser des billets de banque ou un carnet de chèques qui sont des spécimens.
Je suis d'accord sur la solution proposée.
Monsieur VEDEL : Le fisc est moins strict !...
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : le Secrétaire général a évolué, moi aussi en l'écoutant. Autant je suis favorable au formulaire de 1981, autant je suis hostile au spécimen.
Dans mon département, chaque personne qualifiée a reçu un formulaire. Si on autorise le spécimen, on tourne les règles. J'ai reçu l'écho d'une tentative faite auprès d'une personne amie de Monsieur LE PEN, le préfet y a mis le holà.
Toutefois, l'erreur est possible. Ne peut-on, d'une part, envoyer une note aux préfets leur précisant que les spécimens ne sauraient être retenus et, d'autre part, en informer par téléphone les responsables de la fédération d'élus en les invitant à envoyer un formulaire régulier.
Monsieur le Secrétaire général : Les préfets ont déjà fait leur travail ; si le Conseil me mandate pour intervenir, je le ferai bien volontiers.
Monsieur MAYER : Comme Monsieur VEDEL, je crains qu'à cause de deux ou trois spécimens, une candidature soit refusée. Quel délai faudrait-il pour renvoyer les spécimens à leurs auteurs ?
Monsieur le Secrétaire général : On a renvoyé les présentations prématurées. Mais, durant la période légale de présentation, l'interdiction de tout retrait empêche de renvoyer. Sur le plan matériel, c'est en outre une tâche lourde.
On peut demander aux rapporteurs-adjoints de procéder à des investigations, mais on peut difficilement inviter à régulariser.
Jusqu'à présent ce phénomène ne touche pas les "petits candidats" qui sont très attentifs.
Monsieur VEDEL : Je crains d'avoir mal compris. Il n'y a pas d'obstacle, dès lors que le spécimen est nul, à ce que soit déposée une présentation sur formulaire.
Il faut un communiqué de l'A.F.P. déclarant que les spécimens ne seront pas retenus par le Conseil, et se mettre en rapport avec la fédération d'élus .
Madame TOUBOL-FISCHER : On risque de susciter des problèmes nouveaux pour seulement une dizaine de cas litigieux.
Monsieur le Secrétaire général : C'est un peu en effet le marteau-pilon pour écraser une mouche. Mais on garde l'idée en réserve.
Monsieur FABRE : On peut attendre de voir si d'autres problèmes se présentent.
Monsieur VEDEL : Allons-nous mesurer l'information au compte-gouttes ? Pourquoi se cacher derrière son petit doigt ? On a une information utile à faire connaître ; nous avons décidé la nullité des spécimens. Des gens se sont trompés. Devons-nous attendre le cas difficile d'un candidat auquel manquent deux voix ? Il faut donc un communiqué de presse.
Monsieur MAYER : En deuxième analyse, il me semble qu'il faut se mettre en rapport avec la fédération d'élus et, selon les réactions ou l'afflux par milliers de spécimens, on posera plus tard le problème d'un communiqué.
Monsieur le Secrétaire général :
2° Les problèmes des certifications sont très délicats mais de difficulté inégale.
a) L'absence de tout sceau ou de toute certification :
La présentation est irrecevable. Le texte du décret du 14 mars 1964 est impératif. Il y a un minimum à exiger et les élus disposaient de la notice explicative.
b) La certification imprécise ou incomplète :
C'est le cas, par exemple, d'une présentation d'un conseiller général de la Meuse : c'est un sénateur-maire qui a signé la certification, mais le rapporteur-adjoint a vérifié qu'il était Président du Conseil général. Donc imprécision sur la qualité de l'auteur de la certification, mais après vérification la validité, est admise. Il en est de même dans le Haut-Rhin. Dans la Haute-Loire, on a reçu trois présentations émanant de conseillers généraux, l'une, n° 3 496, ne portant comme certification qu'une signature, la deuxième, n° 3 937, portant cette même signature et le cachet du Conseil général, la troisième, n° 4 307, portant cette même signature, le cachet et le nom de J. BARROT.
Donc des certifications imprécises dans leur formulation ou incomplètes dans leur libellé que l'on admet après vérification : on évite ainsi un inutile formalisme.
Mais, si la signature reste non identifiée, on rejette.
c) Le cas le plus délicat est celui de la certification inadaptée : par exemple, le député qui se borne à faire apposer le cachet d'une mairie ou le conseiller régional qui fait certifier sa signature par le maire-adjoint du lieu de sa résidence.
Deux questions différentes se posent :
- Jusqu'à quel point peut-on précéder à une substitution de base légale ? On peut l'admettre dans le cas d’une présentation émanant d'un sénateur et comportant le sceau d'une mairie, si le présentateur est bien sénateur-maire. Mais qu'en est-il du cas d'un député faisant apposer le sceau d'une mairie sans être lui-même maire ? Le nombre de ces cas n'est pas négligeable.
- Jusqu'à quel point peut-on rechercher des garanties équivalentes ? Ou passe la frontière entre le texte de l'article 3-1 du decret de 1964 et l'interprétation plus souple qu'on peut accepter ?
Je suis plutôt favorable à une solution formaliste. L'article 3-1 organise un régime de preuve légale (au sens des juristes) dont le propre est d'être impératif et de s'imposer même au juge. Selon le Dalloz - Droit civil - un tel régime est exclusif d'autres modes de preuve.
Le contexte va dans le même sens : exigence d'un formulaire officiel, date-limite de présentation, interdiction de présentations multiples. On peut en déduire la nécessité d'un certain formalisme sauf, pour le Conseil, de mettre en oeuvre un processus de vérification d'auto-régularisation.
En résumé : le spécimen = rejet ;
l'absence de toute certification = rejet ;
certification imprécise = vérification pour validation éventuelle ;
certification inappropriée = si la substitution de base légale est possible, validation ; si l'on doit envisager des garanties équivalentes = rejet.
Monsieur LECOURT : Quelle a été la pratique en 1981 ?
Monsieur le Secrétaire général : Dans le sens de la rigueur. L'optique du Conseil était de limiter le nombre des candidatures.
Monsieur MAYER : Instinctivement et si je m'écoutais, je serais favorable à beaucoup de souplesse, mais la rigueur permet seule de préserver l'égalité. Si l'on est trop indulgent, jusqu'où va-t-on devoir aller ?
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : J'approuve toutes les propositions de Monsieur GENEVOIS.
La séance est levée à 13 h 15.
Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.