CONSEIL CONSTITUTIONNEL
ORDRE DU JOUR
Séance du Jeudi 7 avril 1988
10 heures
1. Décision arrêtant la liste des candidats à l'élection du Président de la République et communiqué de presse se rapportant à cette décision .
Rapporteur : Monsieur Robert FABRE
2° Examen du projet de circulaire aux préfets relative aux déplacements du Président de la République et du Premier ministre pendant la campagne présidentielle.
Rapporteur : Monsieur Rouert FABRE
3° Examen ou projet de circulaire relative â l'envoi au Conseil constitutionnel des procès-verbaux établis par les commissions de recensement des votes.
Rapporteur : Monsieur Robert FABRE
4° Examen de la lettre datée du 31 mars 1988 du "Comité Barre 88".
Rapporteur : Monsieur le Secrétaire général
SEANCE DU JEUDI 7 AVRIL 1988
En l'absence de Monsieur BADINTER, Monsieur JOXE assure la présidence et ouvre à 10 heures la séance à l'ordre du jour de laquelle sont inscrits trois affaires sur le rapport de Monsieur FABRE.
I. SUR LA LISTE DES CANDIDATS A L'ELECTION DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE :
Monsieur FABRE : Je voudrais vous livrer quelques informations avant que nous examinions le projet de décision arrêtant la liste des candidats à l'élection du Président de la République. Le sort de quelques présentations reste encore en suspens, mais les chiffres â retenir devraient être les suivants :
Monsieur Raymond BARRE : 2 912
Monsieur Pierre BOUSSEL : 565
Monsieur Jacques CHIRAC : 4 440
Monsieur Pierre JUQUIN : 680
Madame Arlette LAGUILLER : 571
Monsieur André LAJOINIE : 1 372
Monsieur Jean-Marie LE PEN : 615
Monsieur François MITTERRAND : 3 447
Monsieur Antoine WAECHTER : 504
Celui-ci s'avère être le petit dernier, en tous les sens du terme. Ont également fait l'objet d'au moins une présentation :
Monsieur Robert GOBINOT : 36
Monsieur Yves FRANÇOIS : 6
Monsieur Bernard AVRILLON : 2
Monsieur Michel BISCHOFF : 1
Monsieur Emile DUBIEZ : 2
Monsieur Laurent FABIUS : 1
Monsieur Valéry GISCARD d'ESTAING : 1
Monsieur Jean ROBERT : 1
Monsieur Henri CARRIOT : 1
Monsieur le Secrétaire général : Les chiffres qui viennent d'être donnés conservent encore un caractère provisoire. Ils sont en effet susceptibles d'être majorés compte-tenu des télex qui seront confirmés. Le deuxième élément qui pourrait introduire une variation résulte de la découverte qui serait faite de l'existence de doubles présentations. Il reste enfin à vérifier la bonne application des décisions que le Conseil a prises dans sa séance d'hier (mercredi 6 avril 1988), ce qui peut entraîner quelques ajustements à la marge.
On peut toutefois considérer les chiffres qui vous ont été communiqués comme significatifs.
Monsieur FABRE : Il appartient au Conseil de vérifier les autres aspects de la régularité des candidatures : déclaration de la situation patrimoniale, engagement d'en déposer, en cas d'élection, une nouvelle, consentement à la candidature, versement de la caution.
J'ai là des déclarations de situation patrimoniale, "les joyaux de la Couronne", dont nombre de journalistes seraient intéressés à connaître le contenu.
Monsieur MAYER : Pas forcément seulement des journalistes !
Monsieur FABRE : Un seul de ces plis porte un sceau à la cire : c'est celui de Monsieur BOUSSEL. Les autres candidats ont pris le risque qu'on passe leur lettre au-dessus de la casserole, selon les vieux procédés, mais nous ne ferons pas ce sacrilège.
Un seul problème subsiste. Monsieur WAECHTER, qui a passé la barre des 500 présentations au tout dernier moment, n'a pas encore apporté les pièces exigées par la loi : il se trouve en voyage en Corse, on se demande bien pourquoi.
Monsieur VEDEL : Qu'a-t-il été faire en Corse ?
Monsieur le Secrétaire général : On nous a promis leur dépôt à 11h30. Juridiquement, le candidat dispose d'un délai qui s'étend jusqu'à ce soir minuit.
J'ai cependant laissé entendre à son mandataire qu'il serait souhaitable qu'il ne tarde pas à accomplir les formalités qui lui incombent. On m'a assuré que les documents étaient prêts.
Monsieur FABRE : Devons-nous aller plus loin et prendre la décision sous réserve du dépôt des derniers documents manquants ?
Monsieur le Secrétaire général : Dans la mesure où la décision comporte la liste des candidats, on ne peut faire une publication partielle ou sous réserve.
Mais le Conseil peut déjà examiner les motifs figurant dans le projet de décision.
Monsieur MAYER : Les candidats seront-ils désignés par ordre alphabétique ?
Monsieur le Secrétaire général : Par respect du principe d'égalité, le Conseil constitutionnel a décidé, le 24 février 1981, que la liste des candidats serait arrêtée par voie de tirage au sort.
Monsieur VEDEL : Voyez comment certaines prises de position peuvent être influencées par une situation subjective : Monsieur MAYER est favorable à l'ordre alphabétique parce qu'il a l'habitude de voir figurer son nom au milieu d'une liste ; mais quand on s'appelle VEDEL, on a pâti de se trouver toujours en queue de liste !
Monsieur le rapporteur donne lecture du projet de décision (visas et motifs) .
Un débat a lieu sur la rédaction du considérant suivant :
"Après s'être assuré, conformément aux dispositions ci-dessus visées, de la régularité des candidatures et du consentement des candidats, avoir constaté le dépôt, sous pli scellé, de leurs déclarations de situation patrimoniale et de leurs engagements, en cas d'élection, de déposer une nouvelle déclaration, dans les conditions prévues à l'article 3 de la loi susvisée du 6 novembre 1962, et après avoir été avisé du versement de leurs cautionnements".
Monsieur MAYER : A quel moment se situe le consentement des candidats ?
Monsieur le Secrétaire général : Deux procédures se conjuguent. D'une part, celle qui résulte du droit individuel des présentateurs, d'autre part celle qui repose sur le droit d'une personne de se porter candidat. Si une personne qui remplit la condition des 500 présentations n'a pas fait état de sa candidature, le Conseil constitutionnel doit s'assurer auprès d'elle qu'elle consent à être candidat.
Monsieur VEDEL : Pourquoi ne pas remplacer le mot "candidatures" par le mot "présentations" ?
Monsieur le Secrétaire général : Sur ce point, le projet de décision reprend la rédaction de sa décision du 9 avril 1981 : la formulation retenue couvre un champ plus étendu que celui du contrôle des présentations. Le Conseil constitutionnel doit vérifier la régularité des présentations, leur nombre et leur répartition géographique, mais aussi l'éligibilité de la personne présentée.
Monsieur LECOURT : J'ai une hésitation : on constate le dépôt du pli scellé, mais on ne sait pas ce qui est à l'intérieur, on ne sait pas s'il y a la déclaration de situation patrimoniale.
Monsieur FABRE : En effet, rien ne nous dit que les plis ne contiennent pas une feuille de papier journal pliée en quatre.
Monsieur le Secrétaire général : N'est-ce pas là faire preuve de beaucoup de suspicion ? On pourrait dire : "avoir constaté le dépôt des plis scellés portant déclaration de situation patrimoniale". Il est certain que les candidats ayant de bonnes chances d'être élus ont remis dans leur enveloppe la déclaration de leur situation patrimoniale dans la perspective de sa publication au Journal officiel, comme le prévoit la loi. Il n'y a donc pas beaucoup de risques de voir l'affirmation du Conseil démentie au moment de la publication.
Monsieur VEDEL : Il n'y a pas un nombre infini de choix : soit on peut vérifier le contenu des plis, soit on ne le peut pas. Ici, on ne peut que constater l'existence de plis scellés. Il faut se contenter de constater le dépôt de plis scellés portant mention de la déclaration de situation patrimoniale.
Monsieur MAYER : C'est un peu dur...
Monsieur le Secrétaire général propose la formulation suivante : "avoir constaté le dépôt du pli scellé exigé pour la déclaration de leur situation patrimoniale", qui recueille l'adhésion des membres du Conseil.
Monsieur FABRE suggère qu'il soit procédé au tirage au sort.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE intervient : C'est peut-être excessif de ma part. Cela m'ennuierait qu'un photographe muni d'un téléobjectif nous surprenne à faire un tirage au sort à 10h25 alors que Monsieur WAECHTER ne nous a pas encore fourni les pièces nécessaires à la validité de sa candidature. Rien ne presse. Nous pouvons attendre le dépôt qui nous est promis pour la fin de la matinée. On sera alors en conformité avec notre décision : nous aurons bien constaté le dépôt...
Monsieur VEDEL : sa présence dans le tirage au sort ne change rien. S'il ne dépose pas les documents, il sera retiré de la liste.
Monsieur FABRE : Je peux vous présenter les deux autres affaires inscrites à l'ordre du jour.
Le Conseil consent à reporter le tirage au sort en conséquence.II. CIRCULAIRE AUX PREFETS RELATIVE AUX DEPLACEMENTS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ET DU PREMIER MINISTRE PENDANT LA CAMPAGNE PRESIDENTIELLE :
Monsieur le rapporteur présente l'économie de la circulaire et conclut qu'il propose de ne faire aucune observation.Monsieur SIMONNET : la circulaire prévoit l'attitude qu'ont à observer les préfets à compter du 8 avril 1988, notamment "à la descente d'avion" du Président de la République ou du Premier ministre. Qu'en est-il si l'intéressé n'arrive pas par avion ? Il n'y a pas de terrain d'aviation au Mont-Valérien ! Autrefois, le préfet devait aller accueillir la personnalité officielle à la limite de son département.
Monsieur FABRE : On peut régler ce problème par un coup de téléphone du secrétariat général au ministère. Le Conseil n'a pas à entre dans tous les détails.
Le projet d'avis est adopté.
III. CIRCULAIRE RELATIVE A L'ENVOI AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DES PROCES-VERBAUX ETABLIS PAR LES COMMISSIONS DE RECENSEMENT DES VOTES :
Monsieur FABRE : Le projet de circulaire part d'un bon principe : faire en sorte que le Conseil constitutionnel ait la disposition des premiers procès-verbaux dès le lundi pour commencer au plus tôt les opérations de vérification. La circulaire reprend à cet égard les dispositions que nous avions fait introduire dans la circulaire aux préfets sur l'organisation matérielle de l'élection.
Ensuite, la circulaire organise un plan de ramassage des procès-verbaux en prévoyant pour chaque département leur acheminement dans des entrepôts postaux d'où ils seront chargés dans des trains postaux. En l'absence de liaisons ferroviaires, l'administration a affrété des avions spéciaux et s'est assurée de la fiabilité des entreprises privées sollicitées. Je ne reprendrai pas les observations sur un tel recours au secteur privé que j'avais faites à l'occasion de la circulaire du ministère des affaires étrangères.
Le plan de ramassage ainsi organisé soulève un problème. Si les travaux des commissions de recensement se terminent tard dans la soirée du lundi, le plan est bon, mais, si tout est terminé dès midi, le préfet va-t-il rester les bras ballants, le petit doigt sur la couture du pantalon, à attendre l'heure prévue par le plan de ramassage ?
Dans certains départements qui ne sont pas très éloignés de Paris, si la commission a terminé en avance, il ne faut pas retarder la transmission des documents. C’est vrai, par exemple, dans le Calvados où l'on oblige la préfecture à porter les procès-verbaux au Mans pour emprunter un train de nuit pour Paris.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Compte-tenu de la distance entre Caen et Le Mans, cette solution est tout à fait absurde, alors qu'il y a l'autoroute de Caen à Paris.
Monsieur FABRE : Il en est de même pour le Loiret... C'est pourquoi, je propose d'ouvrir aux préfets la faculté d'user des moyens de transport les plus rapides sous réserve d'en avertir les services postaux.
Monsieur SIMONNET : Pour ma part, je ferai une remarque de forme qui touche à la science administrative. L'administration a toujours 50 ans de retard : la circulaire mentionne la gare PLM qui n'existe plus.
Le projet d'avis est adopté.
IV. LE COMMUNIQUE DE PRESSE :
Monsieur FABRE donne lecture du projet de communiqué.
Monsieur SIMONNET : Est-il sûr que le Journal officiel publiera demain la liste ? Il pourrait refuser...
Monsieur MAYER : Je voudrais soulever une question de principe. En règle générale, les communiqués sont élaborés par le Président, le Secrétaire général et le service de presse. Le Conseil leur fait confiance et n'en connaît pas.
Peut-il être entendu qu'à l'avenir les communiqués de presse ne seront pas soumis systématiquement au Conseil ?
Monsieur le Secrétaire général : Je dois préciser que le Président se réserve toujours la possibilité de soumettre au Conseil un projet de communiqué.
Monsieur MAYER : Je ne voudrais pas que ce soit un précédent.
Monsieur le Secrétaire général : En l'espèce, il y a le précédent de 1981 où le Conseil avait examiné le communiqué de presse : c'est propre à l'élection présidentielle.
Monsieur VEDEL : Nous faisons ici un acte politique : il y a intérêt à obtenir un consensus sur le communiqué.
Par ailleurs, nous faisons confiance aux Présidents, il n'y a jamais eu de problème et les Présidents sont très attentifs à cette question.
VI. TIRAGE AU SORT :
Monsieur SIMONNET, en sa qualité de plus jeune membre, est désigné pour procéder au tirage au sort : il tire un à un les bulletins du vase de Sèvres disposé sur la table des rapporteurs adjoints et les transmets pour lecture â Monsieur MOLLET-VIEVILLE.
La composition de la liste des candidats est ainsi déterminée : Raymond BARRE, Pierre JUQUIN, Jean-Marie LE PEN, Jacques CHIRAC, François MITTERRAND, Pierre BOUSSEL, Antoine WAECHTER, Arlette LAGUILLER, André LAJOINIE.
Monsieur VEDEL : C'est la tortue qui arrive la première !
La séance est suspendue dans l'attente du dépôt, par Monsieur WAECHTER, des documents annoncés.
Elle est reprise à 12 h 30, après réception des documents de Monsieur WAECHTER.
Le Conseil, en l'absence de Messieurs BADINTER et VEDEL, adopte la décision arrêtant la liste des candidats à l'élection du Président de la République.
La séance est alors levée.
Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.