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Garance PIEDEVACHE

Séance du 11 mai 1988

Monsieur le Président ouvre à 10 heures la séance en présence de tous les membres du Conseil, excepté Monsieur SIMONNET excusé.

Monsieur le Président  : Il n'est parvenu aucune nouvelle réclamation depuis hier. Il nous reste à examiner quelques départements et certaines propositions d'annulation pour lesquelles nous avons demandé un supplément d'instruction.

L'avion de Nouméa est arrivé : Monsieur ROBINEAU, notre délégué envoyé en Nouvelle-Calédonie, sera entendu en fin de matinée.

Il résulte de tout cela qu'il sera possible de tenir l'horaire que nous nous sommes fixé.

Maintenant nous avons à prendre connaissance de la déclaration de situation patrimoniale de Monsieur MITTERRAND qui doit être publiée en même temps que la proclamation des résultats. Voici l'enveloppe, vous constatez qu'elle est toujours scellée ; Monsieur GENEVOIS l'a pieusement retirée du coffre où elle était gardée. Quant aux autres enveloppes, les brûle-t-on ou doit-on les rendre ?

Monsieur le Secrétaire général : On les rend, sinon il faudrait dresser un procès-verbal de destruction. Les candidats doivent venir les rechercher au Conseil.

Monsieur le Président ouvre l'enveloppe au nom de Monsieur MITTERRAND : La déclaration est bien signée.

Lecture en est donnée.

Monsieur le Président : Qu'advient-il maintenant de cette déclaration ?

Monsieur le Secrétaire général : Une photocopie du document sera transmise pour publication au Journal Officiel sans aucune réécriture de la part du Conseil constitutionnel.

Monsieur de CASTELBAJAC est introduit à 10 h 10.

SUR LA SEINE-SAINT-DENIS :

Monsieur de CASTELBAJAC : Je dois à nouveau appeler votre attention sur ce département. Dans ses observations, la commission de recensement signalait qu'à "à Montreuil, au 35ème bureau, le Président à refusé de mentionner sur le procès-verbal les observations qu'entendait faire le président de la commission de contrôle" ; mais ni le procès-verbal de ce bureau, ni le rapport de la commission de contrôle n'étaient communiqués et le contenu des observations de la commission de recensement n'était pas précis.

Mais hier soir sont arrivés au Conseil le recours d'un mandataire de Monsieur CHIRAC et le rapport de la commission de contrôle. Je vous donne lecture de ce rapport :

"Le secrétaire de la commission de contrôle et le délégué du Conseil constitutionnel ont constaté entre 7 h 55 et 8 h 03, le 8 mai 1988, les faits suivants :

Madame GUERARD en fait Madame GAYRAUD, épouse LASCORS, assesseur désigné par le candidat CHIRAC, était exclue de la table du bureau de vote. Elle réclamait le droit de s'y installer et de recevoir en affectation la tenue de la liste d'émargement détenue par le secrétaire désigné d'autorité par le président du bureau de vote.

Sur l'intervention du membre de la commission de contrôle et du délégué du Conseil constitutionnel, Madame GUERARD a pu prendre place à la table du bureau, sans pour autant que lui soit confiée la liste d'émargement.

D'autres membres de la commission ont visité le bureau vers 16 heures.

Ils ont alors constaté que Madame GUERARD se plaignait de n'avoir toujours pu prendre en charge la liste d'émargement et qu'elle avait mentionné au procès-verbal les difficultés relatives à la désignation du secrétaire.

Les membres de la commission ont demandé au Président du bureau de vote de mentionner au procès-verbal que n'avaient pas été appliquées les dispositions de l'article R. 61 du code électoral précisant qu'en cas de désaccord sur la répartition des opérations visées audit article il était procédé par voie de tirage au sort à la désignation du ou des assesseurs chargés respectivement desdites opérations.

Le président du bureau a refusé de porter au procès-verbal l'observation susindiquée.

Un membre de la commission a précisé au président du bureau de vote qu'il devait inscrire ladite observation, mais qu'il était bien entendu libre d'ajouter qu'il était en désaccord avec celle-ci

Le président du bureau a maintenu son refus de toute inscription au procès-verbal. 

Il apparaît ainsi que la détermination du président du bureau de vote de s'opposer à la consignation au procès-verbal de son refus de faire procéder au tirage au sort en l'absence d'accord sur la répartition des fonctions des assesseurs constitue une manoeuvre préparatoire à un acte de nature à vicier l'ensemble du scrutin.

Dans ces conditions je vous propose de corriger les résultats au double motif de l'infraction à l'article R. 61 du code électoral et du refus d'obtempérer à l'invitation de la commission de contrôle, irrégularité qui vient renforcer la première.

Monsieur le Président : Le rapport que vous venez de lire qualifie ces faits "d'acte préparatoire", sans en indiquer les conséquences. N'y a t-il aucune précision sur la nature du vice allégué ? N'oublions jamais que sont les électeurs que nous sanctionnons.

Monsieur de CASTELBAJAC : La seule chose à relever est l'écart de deux unités entre les votants et les enveloppes trouvées dans l'urne (967 et 969).

Monsieur le Président : Dans la journée il n'y a eu aucune autre irrégularité, hormis la mauvaise manière commise à l'encontre de la déléguée demandant l'inscription au procès-verbal

Monsieur VEDEL II y a tout de même un problème : c'est le conflit entre le représentant du Conseil constitutionnel et le président du bureau de vote. Ce serait encourager une telle attitude que de ne pas sanctionner.

Monsieur le rapporteur, à la demande de Monsieur le Président, relit le passage de la commission sur l’intervention de la déléguée du Conseil constitutionnel.

Monsieur FABRE : C'est cela qui est le plus grave. Il y a deux irrégularités : le refus de tirage au sort et le refus d'inscription.

Monsieur MAYER : C'est inacceptable.

Monsieur le Président : Cela relève de la sanction pénale. En existe-t-il pour un tel cas ?

Monsieur le Secrétaire général : L'article L. 113 du code électoral est un article-balai L'article L. 116, dernier alinéa, pouvait également être cité.

Monsieur le Président : Cet article ne peut s'apliquer à ce cas.

Monsieur MAYER : Dans le Pas-de-Calais, nous avions demandé au préfet que le president du bureau de vote incriminé ne puisse pas présider à nouveau.

Monsieur FABRE : Nous avions annulé les résultats.

Monsieur le Président : L'annulation sanctionnait alors le défaut de contrôle d'identité tout au long des opérations électorales ; ici il s'agit d'un incident momentané sans irrégularité alléguée des opérations de vote.

Monsieur FABRE : Que dit la réclamation de la déléguée de Monsieur CHIRAC ?

Monsieur le rapporteur donne lecture de la partie de la réclamation relative au 35ème bureau :

- Bureau 35 : Tout au long du scrutin le président du bureau, monsieur STEINEGGER, par volonté délibérée, a interdit à madame GAYRAUD, assesseur désigné de monsieur Jacques CHIRAC, de participer à des tâches relevant de sa fonction ainsi que le prévoit le code électoral.

La cinquième commission de contrôle est intervenue à plusieurs reprises dans ce bureau


Cette cinquième commission de contrôle a par ailleurs établi un rapport qui a été joint au Procès Verbal. Ce Procès Verbal signé de monsieur FAUCARD, de madame BARTHE et de monsieur BERTOTTI stipule notamment : madame GAYRAUD, assesseur désigné par le candidat CHIRAC était exclue de la table au bureau de vote, elle réclamait le droit de s'installer et de recevoir en affectation la tenue du livre d’émargement. Sur l'intervention des membres de la cinquième commission de contrôle, madame GAYRAUD a pu prendre place à la place à la table de ce bureau sans pour autant que lui soit confié le livre d'émargement.

Il a été contesté par la commission de contrôle que cette volonté était délibérée et continue tout au long du scrutin. Madame BARTHE et monsieur FAUCARD ont demandé au président du bureau de mentionner au Procès Verbal que n'avaient pas été appliquées les cispositions de l'article R.61 du Code Electoral. Le président du bureau a refusé de porter au Procès-Verbal l'observation sus indiquée.

Les membres de la commission concluant dans leur rapport qu'il apparaît ainsi que la détermination du président de non consigner au Procès Verbal son refus de faire procéder au tirage au sort en l'absence d'accord sur la répartition des fonctions des assesseurs constitue une manoeuvre préparatoire à un acte de nature à vicier l'ensemble du scrutin.

Dans ce bureau, également le code électoral a été violé et on peut émettre les plus expresses réserves sur la liberté et la régularité du scrutin dans ce bureau. L'ensemble de ces faits justifiant l'annulation du scrutin dans ce bureau.

Monsieur le Président : Certes il y a bien faute mais le scrutin n'apparaît pas irrégulier. 

Monsieur VEDEL : On doit noter deux manquements au code électoral : le mode de répartition des fonctions et le refus d'inscription. 

Monsieur le Président : La faute personnelle est incontestable mais il n'y a pas d'irrégularité alléguée dans les opérations de vote.

Monsieur LECOURT : L'attitude du président du bureau obéit à un objectif déterminé - le Conseil constitutionnel peut-il laisser passer cette résistance sans encourager par là même une telle attitude ?

Monsieur le Secrétaire général rappelle le déroulement des faits.

Monsieur le Président : La faute intervient avec le refus d'obtempérer à la demande d’inscription.

Monsieur VEDEL : Nous ne sommes pas peut être en mesure de déceler des irrégularités dans le scrutin en raison même de cette organisation irrégulière du bureau. Le comportement fautif a pour conséquence de jeter la suspicion sur le reste des opérations.

Monsieur le Président : C'est un simple présupposé que de dire que les émargements ont été irréguliers. Autour de la table, le climat était détestable ; on a dû se surveiller toute la journée. Il y avait un climat de suspicion et une surveillance extrême de chacun. Or il n'y a rien de particulier dans le procès-verbal.

L'attitude condamnable du président appelle une sanction contre le président, mais il est difficile pour de tels faits d’annuler le scrutin.

Monsieur STIRN est introduit en séance à 10 h 40.

Monsieur STIRN : SUR LA GUYANE

Pas de difficulté à signaler dans les opérations électorales. Toutefois, le rapport du premier Président de la Cour d'appel de Fort-de-France critique l'absence de coopération de la préfecture de la Guyane pour permettre le déplacenent des délégués du Coseil constitutionnel.

Monsieur le Président : Monsieur PAOLI, vous préparerez une lettre à ma signature particulièrement sèche à l'adresse du préfet de la Guyane avec copie au premier Président <Le préfet de la Guyane avait antérieurement fait savoir au Conseil qu'il ne disposait pas de moyens suffisants.>.

Monsieur PALAU est introduit en séance.

Monsieur PALAU : SUR LE JURA :

Nous revenons sur la situation dans le Jura à propos d’un bureau de vote de Saint-Claude. Après un complément d’instruction, nous disposons du procès-verbal et du rapport du magistrat qui est intervenu dans le bureau. Les deux documents ne sont pas tout à fait en conformité. On peut ainsi retracer les évènements : à 19 h 15 le magistrat arrive sur les lieux, alerté par le retard de transmission du procès-verbal. Il constate que le procès-verbal n’était pas achevé et qu’il était préparé en dépit du bon sens. Sur ces indications le procès-verbal a été rédigé pour être en conformité. Le procès-verbal transmis au Conseil est ainsi normal : il fait apparaître un écart d’une unité : 128 votant pour 129 enveloppes trouvées dans l’urne. 

Monsieur le Secrétaire général : Si l'on retrace la chronologie, la commission constate que le procès-verbal de ce bureau n'arrive pas. Comme Lagardère elle décide en conséquence d'aller sur place. Là elle découvre un procès-verbal rédigé en dépit du bon sens, elle observe les libations et l'état d'ivresse avancée. Le magistrat a mis de l'ordre dans les documents. Son intervention a permis de rétablir les choses. Mais on relève une attitude des membres du bureau de vote qui n'est pas à encourager. Du point de vue de la régularité des opérations l'intervention du magistrat a eu un effet bénéfique.

Monsieur le Président : Dans ces conditions, on ne pourra pas motiver une décision d'annulation.

Monsieur PALAU : SUR LE RHONE :

Dans la ville de Tarare, la visite de la commission de contrôle a donné lieu à une attitude de provocation de la part d'un assesseur pendant une période d'un quart d'heure : l'assesseur a refusé de contrôler les identités comme le lui recommandait le magistrat. Le préfet demande l'annulation des résultats dans ce bureau.

Monsieur VEDEL : Le refus de l'assesseur d'obtempérer empêche de vérifier s'il y a eu ou non irrégularité. On se prive ainsi volontairement d'un moyen de contrôle de la sincérité du scrutin. Il faut aller à l’annulation.

Si nous entrons dans cette voie de l'absence de preuve de la régularité, on se prive de tout moyen de vérifier l'existence des irrégularités.

Monsieur le Président : L'irrégularité est certes prouvée mais elle n'a duré qu'un quart d'heure.

Monsieur PALAU : Ce quart d'heure, c'est le temps qu'a duré l'inspection mais l'irrégularité semble avoir été constante.

Monsieur le Président : Alors la question est réglée : il faut annuler.

Monsieur PALAU : SUR LA LOIRE :

Dans une commune de 5700 habitants, comptant 4200 inscrits, un délégué de Monsieur MITTERAND critique l’absence de tout contrôle dans les deux bureaux. Ces faits sont reconnus par les deux présidents des bureaux qui font valoir que l'électeur est connu de tout un chacun.

Monsieur VEDEL : Ce n'est pas du tout pareil ici.

Monsieur LECOURT : Laissons passer.

Monsieur PALAU : Pour en terminer, je voudrais rendre compte au Conseil de ma mission de délégué à Madagascar. J’ai visité les deux centres de vote installés à Tananarive. Le scrutin s’y est déroulé parfaitement. Mais il faut tenter de dénouer une situation complexe née du libellé de l’instruction ministérielle concernant le rôle des consuls pour l’établissement des procurations. La circulaire recommande au consul d'effectuer des tournées spéciales pour recueillir les procurations. Il 

s'agit là d'une application tout à fait libérale des règles relatives à l'établissement des procurations des personnes impotentes : le code électoral prévoit en effet, dans ce cas particulier, la possibilité pour l'autorité habilitée à établir la procuration de se déplacer auprès de la personne impotente qui en a fait la demande. L'instruction du ministère des affaires étrangères s'en est inspirée mais a ouvert largement cette faculté à tout électeur, même semble-t-il sans demande expresse de sa part.

Monsieur le Président : C'est un domaine très sensible ; tout progrès de la réglementation sera la bienvenue.

A 11 h 05 Monsieur GANSER est introduit.

Monsieur GANSER : SUR LA VENDEE :

Deux choses à signaler : la commission de recensement a commis une erreur matérielle sur le nombre des votants que je vous propose de rectifier ; dans une commune, on constate un écart de neuf unités entre le nombre des enveloppes trouvées dans l'urne et le total des bulletins nuls et des suffrages exprimés, mais cela n'a pas d'incidence sur les résultats eux-mêmes.

SUR LE CALVADOS :

La fiche de synthèse qui vous a été transmise comporte une erreur ; en fait je ne vous propose aucune modification contrairement à ce qui y est indiqué. Dans la commune de Fontenay-le-Presnel, le procès-verbal est mal tenu mais la commission de recensement n'a pas opéré de redressement. On peut laisser en l'état ses résultats.

SUR LE FINISTERE

Tout d'abord une erreur matérielle affecte le nombre des émargements : il faut retirer six unités.

Ensuite, dans la commune de Quimperlé, au premier bureau, il est fait état de nombreuses irrégularités : défaut systématique de vérifications d'identité prescrites par l'article R. 60 en dépit des observations réitérées du délégué du Conseil, impossibilité de contrôler la composition du bureau, les personnes présentes n'étant pas les membres titulaires, enfin confusion dans les volets de procuration. C'est pourquoi je vous propose l'annulation.

SUR LES COTES DU NORD

A Loudéac, commune de plus de 5000 habitants, les bureaux ont refusé systématiquement d'effectuer les contrôles d'identité malgré les observations répétées du délégué du Conseil constitutionnel. Les faits ont été également constatés par la commission de contrôle. Ici encore je propose l'annulation.

Monsieur le Président : Absolument. 

Monsieur VEDEL : Cela promet s'il y a des élections législatives serrées.

SUR MAYOTTE :

Rien à signaler.

SUR LA REUNION :

J'ai été moi-même délégué du Conseil sur place. Cinquant bureaux ont été visités dans les communes notamment de Saint-André, Saint-Paul et Saint-Denis. J'ai pu observer des affichages irréguliers, une distribution de tracts apres la clôture de la campagne électorale, des émargements effectués lors du contrôle d’identité à l'entrée du bureau et non pas lors du vote, en dépit du rappel des règles par télex du préfet après les observations du Conseil constitutionnel lors du premier tour, des compositions irrégulières de bureau, soit que les bureaux comportaient moins de quatre assesseurs soit qu'ils étaient complétés par des personnes n'ayant pas qualité, un grand nombre de cartes électorales non distribuées à Saint-Paul et à Saint-Denis (250 à 300 sur 700 inscrits dans certains bureaux) : ce phénomène serait dû à la mobilité de la population, au caractère incertain des adresses dans ce département et au manque de diligence des administrations municipales ; enfin on peut signaler les opérations de dépouillement généralement menées par les membres du bureau au lieu et place des scrutateurs. Mais ce sont là des incidents courants sans conséquence. Curieusement le fait de demander une application stricte du code électoral peut conduire à des désordres...

Monsieur MAYER : Le pourcentage des abstentions est-il normal ?

Monsieur GANSER : Oui.

A 11 h 20 Monsieur MARTIN-LAPRADE est introduit. <L'heure correspond bien à "11 h 20" ? >

Monsieur MARTIN-LAPRADE :

SUR SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON :

Pas d’observation.

SUR LA MARTINIQUE :

J'y étais en qualité de delégué. Il n'y a rien de particulier à signaler : les résultats sont conformes à ce qui était attendu. J'ai contrôlé personnellement le bureau d'une commune dirigé par un maire indépendantiste qui appelait à l'abstention : le scrutin s'y est déroulé normalement.

SUR WALLIS ET FUTUNA :

Rien à signaler. 

SUR LES FRANCAIS ETABLIS HORS DE FRANCE :

La discordance entre les votants et les enveloppes trouvées dans l'urne s'élève à trente unités.

Je propose deux modifications aux résultats établis par la commission centrale de recensement : d'une part, une inversion des résultats a été constaté dans trois bureaux (Mexico 1 et 2 et New-Delhi) : la variation selon les telex rectificatifs, porte sur 244 voix. D'autre part, dans le premier bureau de Douala, la commission a laissé subsister un écart d'une voix entre le nombre des suffrages exprimés et le total des voix obtenues par les deux candidats : il faut donc rajouter une unité au nombre des suffrages exprimés.

Je dois signaler deux séries de difficultés pour lesquelles je ne propose aucune modification de résultats.

En premier lieu, à Libreville, le procès-verbal fait état d'un léger bourrage d'urne par une personne nommément désignée qui a introduit trois bulletins dans l'urne, mais lors du dépouillement ces bulletins ont pu être identifiés et ont été exclus du décompte des suffrages exprimés.

En second lieu, au Vanuatu (ex-Nouvelles Hébrides), des incidents ont marqué le déroulement du scrutin. Des manifestants, à la tête desquels se trouvait un ministre en exercice, ont bouclé la rue devant l'ambassade de France où était installé le centre de vote, pour protester contre la politique menée en Nouvelle-Calédonie. En fait la porte de derrière de l'ambassade était laissée libre d'accès et les électeurs prévenus par le personnel diplomatique ont pu exercer leur droit de vote de 15 h 30 à 20 h. Il y a eu 97 votants. Ce résultat est comparable à celui du premier tour. La répartition des voix entre les deux candidats est équilibrée. L'atteinte à la liberté du vote, atteinte partielle et temporaire, est le fait d'une intervention étrangère avec la complicité d'une personnalité ministérielle. Le Quai d'Orsay serait placé dans une position délicate si une annulation devait intervenir.

Monsieur MARTIN-LAPRADE se retire.

Monsieur BERTHET est introduit en séance.

Monsieur BERTHET : SUR LES PYRENEES-ATLANTIQUES :

Il convient de réparer une erreur de la commission de recensement. Celle-ci a opéré, quand elle constatait un écart entre les votants et les enveloppes trouvées dans l'urne, une réduction systématique des chiffres pour s'aligner sur le chiffre le plus bas.

Par exemple dans le cinquième bureau d'Anglets on trouvait 1136 enveloppes dans l'urne pour 1128 émargements ; la commission a réduit de huit le nombre des suffrages exprimés et d'autant les voix obtenues par Monsieur CHIRAC arrivé en tête dans ce bureau. 

Je vous propose de rectifier ces résultats en rajoutant 36 votants, suffrages exprimés, 12 suffrages au profit de Monsieur MITTERRAND et 24 au profit de Monsieur CHIRAC.

Par ailleurs une réclamation a été formée à Pau où un mandataire titulaire d'une procuration valable pour le premier tour a été admis au vote le second tour. C'est sans incidence.

SUR LA HAUTE-SAVOIE :

Dans le quinzième bureau d'Annecy, un suffrage exprimé sous la forme de deux bulletins au nom de Monsieur CHIRAC a été déclaré nul à tort. Il y a lieu d'ajouter une voix à Monsieur CHIRAC et une unité au nombre des suffrages exprimés.

SUR LES HAUTS-DE-SEINE :

Une première observation générale : le calcul des résultats est entaché d'une erreur matérielle : il convient de réduire de 23000 le nombre des votants.

Les autres modifications que je propose pour sur des bureaux particuliers : au dixième bureau de Malakoff, une erreur de dépouillement doit être rectifiée en donnant à Monsieur MITTERRAND un suffrage supplémentaire et en retirant une voix à Monsieur CHIRAC ; dans le onzième bureau de Malakoff, les mêmes causes conduisent à retrancher dix voix à Monsieur MITTERRAND et en accordre dix de plus à Monsieur CHIRAC ; pour le seizième bureau de Clamart la commission de recensement a opéré une rectification pour un motif aussi peu explicite qu’il est peu fondé ; elle a oublié de compter une feuille de dépouillement comportant dix suffrages résiduels, ce qui implique d'augmenter de dix le nombre des suffrages exprimés et d'accorder huit voix de plus à Monsieur MITTERRAND et deux à Monsieur CHIRAC; dans les onzièmes et quatorzième bureaux de Colombes, la commission a également imposé sans motif une réduction de vingt suffrages au détriment de chacun des deux candidats ; enfin à Ville-d’Avray, un bulletin en faveur de Monsieur CHIRAC a été à tort déclaré nul.

Au total, je vous propose de réduire de 23000 le nombre des votants, d'augmenter de onze le nombre des suffrages exprimés et d'accorder respectivement à Messieurs MITTERRAND et CHIRAC 19 et 32 voix de plus.

Monsieur le Président : Je vous remercie de ces observations très précises et très précieuses.

Le Conseil décide alors de redélibérer du cas de la commune de Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).

Une telle jurisprudence, un jour, risque de ne pas être très heureuse. Détachons la faute si c'est possible. 

Monsieur le Secrétaire général : Dans le contentieux électoral classique, le juge apprécie dans quelle mesure les irrégularités constatées ont eu une incidence sur la sincérité du scrutin. 

Si l'on devait appliquer cette jurisprudence strictement à l'élection présidentielle, ce serait une option importante.

En fait, pour l'élection présidentielle, le Conseil constitutionnel a été conduit jusqu'ici à procéder à des annulations-sanctions ou à des annulations "pédagogiques", comme l'y inviteront bientôt d'autres rapporteurs adjoints.

Le Conseil constitutionnel doit-il annuler de plano pour affirmer l'ordre ou bien, comme le juge électoral classique, doit-il exercer un contrôle plus précis et annuler ou rejeter selon que la fraude alléguée est avérée ou non ?

Dans le cas présent, le Conseil constitutionnel est invité à prononcer une annulation-sanction, qui va sans doute plus loin que la constatation d'une irrégularité objective. Cela ne serait pas en contradiction avec sa jurisprudence propre à l'élection présidentielle.

Monsieur PAOLI confirme les propos de Monsieur le Secrétaire général : Certes la sanction par annulation des résultats est inappropriée en la circonstance, mais le code électoral ne prévoit rien d'autre.

Monsieur VEDEL : C'est un point à noter dans le bilan.

Monsieur le rapporteur indique que les observations portées au procès-verbal du bureau de vote traduisent bien les difficultés qui se sont produites dans les rapports personnels entre les membres du bureau.

Monsieur le Président : Nous allons réfléchir.

Monsieur VEDEL : Il faut asseoir l'autorité des délégués du Conseil.

Monsieur LECOURT : Je suis aussi de cet avis. J'ai même esquissé une rédaction dans laquelle il serait fait état d' "irrégularités graves de nature à empêcher de formuler une réclamation".

Monsieur le Président : Je crains les réactions locales.

Monsieur VEDEL : Il s'agit de manquements caractérisés.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Dans l'état actuel des textes, je ne vois pas d'autre moyen que l'annulation afin d'asseoir l'autorité de nos représentants sur place.

Monsieur JOXE, interrogé par le Président signifie qu'il est d'accord pour l'annulation.

Monsieur FABRE : Le principal reproche tient au refus du maire d'inscrire les observations du magistrat.

Monsieur MAYER : Je demande de ne pas dramatiser ; il faut présenter les choses telles qu'elles sont. Il nous faudrait un texte nous permettant de sanctionner l'auteur de tels agissements. 

Monsieur le Président donne lecture du projet de rédaction élaboré le Secrétaire général ; il faut le compléter en mentionnant le refus de permettre l'inscription d'une réclamation au procès-verbal.

A 12 heures, Monsieur AZIBERT, arrivant tout juste de Polynésie, est introduit pour rendre compte de sa mission de délégué.

Monsieur AZIBERT : SUR LA POLYNESIE FRANÇAISE

Une analyse des résultats montre que Monsieur MITTERRAND a obtenu ses voix principalement à Papeete, tandis que Monsieur CHIRAC arrive en tête sans les Iles-sous-le-Vent et dans les communes rurales.

Les opérations électorales ses sont déroulées sans incident particulier, mais selon des pratiques locales et traditionnelles : on n'effectue pas de contrôle d’identité, le dépouillement ne suit pas la procédure prévue par l'article L. 65 : les scrutateurs et les assesseurs se réunissent autour d'une table, les bulletins de chaque candidat sont rassemblés en deux piles sans comptage préalable. <Ce ne serait pas plutôt "se sont déroulées" ?>

Tout cela ne procède cependant pas d'une volonté frauduleuse. Cela tient d'abord au sens moral de la population, ensuite au faible enjeu du scrutin, les résultats nationaux étant déjà connus malgré le silence observé sur les ondes, enfin au contrôle actif exercé par les délégués des candidats.

Je peux néanmoins évoquer quelques cas particuliers : en premier lieu, dans une commune dirigée par un maire indépendantiste, prônant l'abstention, aucune difficulté n'a été observée, malgré la présence de tee-shirts à caractère ingénieux...

En second lieu le procès-verbal du cinquième bureau installé à Pirae comporte une réclamation. Cette commune, dont le maire est Monsieur Gaston FLOSSE, a fait l'objet de trois contrôles au cours de la journée. La première critique émane du délégué de Monsieur MITTERRAND et vise les modalités des vérifications d'identité qui se faisaient seulement à l'entrée du bureau par la présentation de la seule carte électorale : le délégué s'est vu opposer dans un premier temps un refus à sa demande d'inscrire ses observations au procès-verbal, ce document n'étant pas disponible, puis fut empêché de terminer d'inscrire. C'est là une querelle de personne. On a pu constater que la situation dans ce bureau était plutôt meilleure qu'ailleurs. Aucune autre personne, notamment les membres de la Commission de contrôle, n'ont porté d'observation. 

Monsieur MAYER : Y a-t-il eu des brutalités ?

Monsieur AZIBERT : Non.

Monsieur FABRE : Ce qui est ennuyeux, c'est que cela ressemble à la situation de Montreuil.

Monsieur VEDEL : A Montreuil, le refus d'inscription était opposé au délégué du Conseil constitutionnel. 

Monsieur le Président : Montreuil et là-bas : ce sont deux situations différentes. Il vaut mieux encourager le vote dans ces territoires et n'annuler qu'en cas d'irrégularités graves.

Les propositions des rapporteurs-adjoints ainsi approuvées, la séance est suspendue pour être reprise à 14 h 30 avec l'audition de Monsieur ROBINEAU de retour de Nouvelle-Calédonie.

Monsieur ROBINEAU : Pour le deuxième tour de scrutin, on a assité à un sensible renforcement des moyens de contrôle :

- treize magistrats, dont trois membres du Conseil d'Etat (soit deux fois plus que le 24 avril) ont participé à des missions de contrôle qui se sont déroulées surtout en dehors de Nouméa puisque dans cette ville la commission de contrôle exerçait ses pouvoirs,

- des moyens de transport importants : l'avion du hauts-commissaire et deux Puma, et des escortes militaires consistantes ; parmi les îles loyauté, ni Maré ni Ouvéa n'ont pu être contrôlées - le Puma étant affecté à des missions de maintien de l'ordre - mais Lifou a été contrôlée. Au total la moitié des bureaux ont pu être visités dans vingt-trois des trente communes existantes, hors Nouméa.

Le constat général qui peut être dressé est le suivant : il régnait certes une forte tension, mais les difficultés ont été mieux maîtrisées que lors du premier tour du scrutin parce que cette fois-ci elles étaient prévisibles et localisées. En conséquence, la participation a été accrue : il y eut 3000 votants de plus. Six bureaux (au lieu de treize au premier tour) n'ont pas ouverts : Belep (c'est traditionnel) un à Hiengène, deux à Yaté, un à Maré et celui de l'île de Tija à Lirou faute, dans ce cas, d'acheminement du matériel électoral, ce qui est choquant et regrettable.  <Je ne suis pas sure qu'il s'agisse du "Lirou">

D'autres bureaux ont eu une ouverture retardée jusqu'à la fin de la matinée pour divers motifs : attente de l'arrivée du matériel transporté par la gendarmerie, déplacement du bureau et au Nord d'Ouvéa en raison d'une grève de quelques heures du maire : il n'y eut dans ce bureau neuf votants.

En somme aucun incident affectant directement le scrutin qui s'est déroulé dans des conditions de régularité normales. Les maires n'y ont pas en général fait obstacle, ceci étant dû soit à la peur d'être destitué soit au soutien qu'ils apportaient à Monsieur MITTERRAND soit encore aux efforts de la gendarmerie.

En ce qui concerne les résultats, on ne relève aucune réclamation et peu d'observations : à Pouebo où seuls neuf électeurs sur 956 inscrits ont voté, le bureau de vote ne comportant pas d'assesseurs ; le mandataire de Monsieur MITTERRAND a fait état des barrages à Maré qui auraient empêché le libre accès au vote : cette observation n'est pas circonstanciée ; il est difficile d'identifier les bureaux qui auraient été touchés et en fait les pressions morales étaient plus efficaces que l'obstacle des barrages ; aucune observation n'a été formée par d'autres électeurs. 

Reste le problème de l'heure de fermeture des bureaux : l'heure légale (18 heures) est postérieure à la tombée de la nuit. L'application de cette règle est inopportune dans les circonstances actuelles dans le territoire où se posent des problèmes d'ordre public aggravés par le défaut fréquent d'électricité dans les bureaux de vote. Les textes devraient pouvoir être modifiés pour permettre de réduire la durée du scrutin. Le rythme de vie c'est 7 h - 17 heures.

Monsieur le Président : Merci pour l'effort considérable que vous avez fait et pour la précision des informations que vous nous apportez.

Monsieur MAYER : Je demande beaucoup d'indulgence et de la patience pour ma déclaration. Je souhaite éviter les réactions à celles de mes paroles qui seraient hors du champ de notre compétence. Je veux dire l'admiration que je porte au courage physique et à l'intégrité intellectuelle de Monsieur ROBINEAU. Mais je ne peux admettre que l'on conclue que l'on peut ignorer ce qui s'est passé en Nouvelle-Calédonie : quatre gendarmes assassinés, vingt gendarmes pris en otages, quarante-huit heures avant le scrutin ceux-ci étaient délivrés au prix de vingt-et-une victimes que le vocabulaire de certains a partagé en deux soldats français et 19 mélanésiens. Après cela, dire que tout était normal au regard de ce que devraient être nos travaux, après ces massacres passés et l'acquittement des auteurs d'un massacre par la Cour d'assise, après les différends d'interprétation que suscitent les évènements d'Ouvéa (je rappelle la demande d'enquête que vient de formuler la Ligue des droits de l'homme) en l'absence d'autopsie et avec les controverses sur le déroulement et la consistance des faits, je ne le peux pas.

J'évoquerai des souvenirs personnels : j'étais président de la Ligue des droits de l'homme au début de la guerre d'Algérie ; quand nous dénoncions la torture, nous étions vilipendés : c'était le même vocabulaire, les mêmes dénonciations, les mêmes accusations qu'aujourd'hui. Au nom de la crainte effroyable de ce qui va se passer là-bas et des conséquences que cela ouvre en France, le souvenir de la guerre d'Algérie m'interdit d'accepter la décision que l'on va prendre.

Monsieur le Président : Nous connaissons l'exigence de votre conscience.

Monsieur FABRE : J'avais exprimé, en d'autres ternes, par ma réserve antérieure, la même position. Comment pouvons-nous dire quelque chose de nos craintes à travers les résultats chiffrés et faires passer un message de paix. Le problème reste entier.

Monsieur le Président : Je reprends le considérant initial sur la Nouvelle-calédonie de notre décision sur les résultats du premier tour (27 avril 1988) ; l'expression "barrages" reste-t-elle valable au second tour ?

Monsieur ROBINEAU : II y en a eu sur quelques voies, en des lieux déterminés, dressés non pas pour empêcher les opérations de vote mais pour exposer les gendarmes au feu des embuscades. Par exemple, à Lifou, des coups de feu ont été tirés contre la colonne de gendarmerie qui apportait le matériel. Mais il n'y a pas eu d'action directe contre les lieux de vote. C'est pourquoi me semble inappropriée l'expression "dans le but d'empêcher le vote". 

Monsieur le Président : Il faut éviter de ratifier une situation qui résulte de la décision d'organiser une simultanéité des scrutins. On doit constater le climat de violence, mais sans aboutir à la nécessité d'une annulation. On comprend que la situation ait suscité des problèmes pour l'ordre républicain. On ne peut pas dire que l'ordre républicain soit exactement ce que nous souhaitons.

Monsieur ROBINEAU : Le scrutin s'est déroulé dans des conditions de régularité, meme s'il y a eu des retards d'ouverture. En mon âme et conscience, je ne vois pas de motif d'annulation de certains bureaux. Cela a été l'opinion unanime des délégués du Conseil constitutionnel qui ont pourtant travaillé séparément.

Monsieur le Président : Dans le projet on doit signaler les incidents : "Quelle que soit l'existence d'incidents...".

Monsieur ROBINEAU : Les incidents ont été localisés en un seul endroit où il y a eu des coups de feu.

Monsieur LECOURT : C'est un élément sur lequel on doit insister. Sur le plan de la sensibilité, personne ne demeure insensible sur les évènements qui se sont produits. Mais le Conseil constitutionnel ne peut sortir de son rôle. Le rapporteur nous dit que la situation s'est améliorée au second tour. Je suis favorable à la conclusion du rapporteur. S'il doit y avoir motivation, elle doit être équilibrée.

Monsieur le Président : Je ne souhaite pas qu'on se livre à une comparaison laudative entre les deux tours alors qu'il y a eu de tels drames.

Monsieur LECOURT : Je n'ai pas dit cela, mais il y a eu amélioration.

Monsieur FABRE : Lors de nos dernières séances, on a souligné l'insuffisance des moyens de contrôle au premier tour et on avait souhaité un renforcement de ceux-ci. Grâce à ce renforcement, on compte moins de bureaux fermés. Malgré cela, subsistent quelques difficultés.

Monsieur le Président : Il faut bien arriver à une conclusion : il n'existe pas de difficulté de nature à justifier une annulation. Venons-en au projet de décision.

Monsieur le Secrétaire général donne lecture de l'ensemble du projet. Il souligne l'intérêt du neuvième visa ainsi rédigé : "Vu la décision du Conseil constitutionnel en date du 15 mai 1988 proclamant Monsieur François MITTERRAND Président de la République, ensemble la date à laquelle celui-ci a pris ses fonctions" ; il indique que ses collaborateurs jugent la formule "ensemble" par trop Conseil d'Etat...

Monsieur le Président : Remplaçons-la par la conjonction "et" plus commune.

Monsieur VEDEL : Ne doit-on pas viser le dépôt de la déclaration patrimoniale du candidat élu ?


Monsieur le Secrétaire général : Le projet vise déjà la loi du 11 mars 1988 et la décision du Conseil constitutionnel en date du 7 avril 1988.

Il est toutefois décidé d'expliciter le visa de cette dernière décision par les mots : "et constatant le dépôt de leur déclaration de situation patrimoniale".

Suite à une interrogation concernant la nature de "la réclamation qui a été adressée au Conseil constitutionnel", mentionnée dans le visa, il est rappelé qu'il s'agit d'un déféré du préfet du Rhône.

Ceci est précisé par l'adjonction des mots "en application de l'article 28, alinéa 2, du décret du 14 mars 1964 susvisée".

Dans le deuxième considérant relatif aux opérations électorales dans le 35ème bureau de la commune de Montreuil-sous-Bois (Seine-saint-Denis), le membre de la phrase finale "dans ces conditions, faute pour le Conseil constitutionnel d'être à même d'exercer son contrôle" est remplacé par les mots : "le Conseil constitutionnel n'étant pas, dès lors, en mesure de s'assurer de la régularité du scrutin", qui traduisent mieux les raisons qui motivent la sanction.

En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, le projet initial était ainsi rédigé : "Considérant enfin que si, dans plusieurs communes du territoire de la Nouvelle-Calédonie, la mise en place de barrages a eu pour effet de perturber la circulation sur certaines voies publiques, il résulte des constatations opérées par les délégués du Conseil constitutionnel que ces incidents n'ont fait obstacle, dans aucun bureau de vote, à la libre expression des suffrages".

Monsieur MAYER : Il y a des bureaux qui ouvrent pendant une heure puis que l'on ferme : combien y a-t-il eu de personnes découragées, qui ont eu peur ?

Je serai loyal : je ne voterai pas ce paragraphe, mais je ne voudrais pas qu'il donne l'impression que tout était normal.

Ne faudrait-il pas indiquer le chiffre des bureaux concernés et déclarer, comme pour Villejuif, que le Conseil n’est pas en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité des votes dans ces bureaux ?

Monsieur VEDEL : Ce n'est pas la même chose : ici, il n'y a pas matière à annulation des suffrages exprimés.

Monsieur le Secrétaire général rappelle que dans la déclaration du 27 avril 1988 le Conseil avait à propos de la Nouvelle-Calédonie adopté un plan en deux partie : tout d'abord une partie descriptive puis une partie d'appréciation juridique. Il pourrait en être de même dans la proclamation.

Monsieur le Président : Cherchons la formulation la plus neutre. 

Monsieur LECOURT : Le projet laisse à penser que les incidents ont touché l'ensemble des bureaux, alors que seule six sur les 139 existants ont été affectés.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Il faut être objectif : six bureaux n'équivalent pas à six communes. Il est important d'apprécier exactement l'ampleur des troubles. Je ne veux pas vous choquer (s'adressant à Monsieur MAYER) mais ces troubles sont limités.

Monsieur MAYER : Vous persistez à vouloir ignorer le côté psychologique.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Vous ne voulez pas reconnaître que c'est en Nouvelle-Calédonie que l'on a le plus voté outre-mer.

Monsieur le Secrétaire général : Monsieur PAOLI propose de remplacer les derniers mots du considérant par les mots suivants : "le déroulement du scrutin dans les autres bureaux de vote".

Monsieur le President à Monsieur ROBINEAU : Il n'y a pas eu d'autres incidents que les barrages ?

Monsieur ROBINEAU : Ce sont bien les seuls, même s'ils sont quotidiens.

Monsieur VEDEL : Soyons plus précis et circonstancié : on trouve six bureaux fermés, quelques autres ont vu leur fonctionnement partiellement entravé par des barrages, ailleurs le scrutin s'est déroulé normalement.

Monsieur MAYER : Cela ne rend pas compte de la réalité quotidienne que nous a rapportée Monsieur ROBINEAU.

Monsieur VEDEL : Il s'agit d'une élection qui n'est pas liée au seul territoire de la Nouvelle-Calédonie mais qui concerne l'ensemble de la circonscription française.

Monsieur MAYER : Ne pourriez-vous pas faire au moins allusion aux cadavres ?

Monsieur JOZEAU-MARIGUE : Nous sortirions de notre rôle.

Monsieur MAYER : Cela permettrait de préserver la défense morale du Conseil constitutionnel.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Ce n'est pas ainsi que nous la défendrions.

Monsieur FABRE : On pourrait utiliser l'expression employée par le rapporteur "malgré la tension existant sur le territoire".

Monsieur le Président : Je suis las.

Monsieur le Secrétaire général donne lecture du nouveau considérant modifié et du reste de la décision. Il souligne qu'est précisée la date exacte du début du nouveau mandat de Monsieur MITTERRAND afin de couper court à toute controverse <cf. la question posée par Jean Massot dans "l'arbitre et la capitaine" p. 75, note J. >



A 16 h 10 il est procédé au vote : unanimité sur les considérants relatifs aux opérations électorales dans les autres départements ; sept voix contre une (celle de Monsieur MAYER) pour le considérant sur la Nouvelle-Calédonie.

Monsieur le Président : J'ai prévu un maroquin gravé au nom du Conseil constitutionnel avec dorure pour porter notre décision au Président de la République. 

A 18 h Monsieur le Président, entouré des membres du Conseil institutionnel, donne lecture devant la presse de la décision portant proclamation des résultats de l'élection du Président de la République, ainsi que du contenu de la déclaration de situation patrimoniale de Monsieur François MITTERRAND. 

PROCLAMATION DES RESULTATS DE L'ELECTION DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu les articles 6, 7 et 58 de la Constitution ;

Vu l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, modifiée par les lois organiques n° 76-528 du 18 juin 1976, n° 80-563 du 21 juillet 1980, n° 83-1096 du 20 décembre 1983, n°s 88-35 et 88-36 du 13 janvier 1988 et n° 88-226 du 11 mars 1988 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 30 ;

Vu le décret n° 64-231 du 14 mars 1964 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 6 novembre 1962, modifié par les décrets n° 76-738 du 4 août 1976, n° 80-212 du 11 mars 1980, n° 81-39 du 21 janvier 1981, n° 88-22 du 6 janvier 1988 et n° 88-72 du 20 janvier 1988, notamment ses articles 26 et 27 ;

Vu le décret n° 80-213 du 11 mars 1980 fixant, pour les départements et territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre et Miquelon, les modalités d'application ou d'adaptation du décret du 14 mars 1964, modifié par le décret n° 88-22 du 6 janvier 1988, notamment son article 13 ;

Vu la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République, modifiée par la loi organique n° 77-820 du 21 juillet 1977 ;

Vu le décret n° 76-950 du 14 octobre 1976 portant application de la loi organique du 31 janvier 1976, modifié par le décret n° 88-198 du 29 février 1988, notamment son article 44 ;

Vu le code électoral ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel en date du 15 mai 1981 proclamant Monsieur François MITTERRAND Président de la République et la date à laquelle celui-ci a pris ses fonctions ; 

Vu le décret n° 88-250 du 16 mars 1988 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel en date du 7 avril 1988 arrêtant la liste des candidats à l'élection du Président de la République et constatant le dépôt de leur déclaration de situation patrimoniale ;

Vu la déclaration du Conseil constitutionnel en date du 27 avril 1988 faisant connaître les résultats du premier tour de scrutin ;

Vu les rectifications apportées aux résultats du premier tour de scrutin pour les départements des Alpes de Haute-Provence, de la Vienne, de la Guyane et le territoire de la Polynésie française ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel en date du 28 avril 1988, arrêtant la liste des candidats habilités à se présenter au second tour de l'élection du Président de la République ;

Vu pour l'ensemble des départements, la Nouvelle-Calédonie et Mayotte, les procès-verbaux établis par les commissions de recensement ainsi que les procès-verbaux des opérations de vote portant mention des réclamations présentées par des électeurs et les pièces jointes ;

Vu les résultats complets adressés au Conseil constitutionnel, par voie télégraphique, par les commissions de recensement de Saint-Pierre et Miquelon, de la Polynésie française et de Wallis et Futuna ;

Vu les résultats consignés dans le procès-verbal établi par la commission électorale instituée par l'article 5 de la loi organique du 31 janvier 1976 susvisée ainsi que les réclamations mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote ;

Vu la réclamation qui a été adressée au Conseil constitutionnel en application de l'article 28, alinéa 2, du décret du 14 mars 1964 susvisé ;

Vu les rapports des délégués du Conseil constitutionnel ;

Les rapporteurs ayant été entendus ;

Après avoir opéré diverses rectifications d'erreurs matérielles, procédé aux redressements qu'il a jugé nécessaires et aux annulations énoncées ci-après : 

Considérant que, dans le 1er bureau de vote de la commune de Quimperlé (Finistère), dans le 1er bureau de la commune de Tarare (Rhône), dans les 1er, 2ème, 3ème, 4ème et 5ème bureaux de la commune de Loudéac (Côtes-du-Nord), il n'a pas été procédé au contrôle d'identité des électeurs, en méconnaissance des articles L. 62 et R. 60 du code électoral ; que cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations faites à ce sujet, soit par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel, soit par la commission de contrôle des opérations de vote ; que, devant cette méconnaissance délibérée et persistante de dispositions légales destinées à assurer la régularité et la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ces bureaux ;

Considérant que, dans le 35ème bureau de la commune de Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), la répartition des attributions entre les membres composant ce bureau n'a pas été effectuée dans le respect des dispositions de l'article R. 61 du code électoral en dépit des demandes réitérées faites en ce sens, tant par le délégué du Conseil constitutionnel que par la commission de contrôle des opérations de vote de cette commune ; qu'au surplus, le président du bureau, en violation des prescriptions de l'article 24 du décret n° 64-231 du 14 mars 1964, s'est opposé à ce que le délégué d'un candidat fasse usage de son droit d'inscrire une réclamation au procès-verbal ; que le Conseil constitutionnel n'étant pas, dès lors, en mesure de s'assurer de la régularité du scrutin, il y a lieu d'annuler les opérations de vote dans le bureau précité ; 

Considérant que, dans le 27ème bureau de la commune de Villejuif (Val-de-Marne), le rapport entre le nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne et le nombre des électeurs portés sur la liste d'émargement comme ayant pris part au vote fait apparaître des discordances très importantes ; qu'en l'état, le Conseil constitutionnel ne se trouve pas en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité des votes dans ce bureau ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ledit bureau ;

Considérant qu'il y a lieu de relever que, dans la commune de Beaucaire (Gard), le premier adjoint au maire n'a pas été désigné comme président d'un des six bureaux de vote, alors qu'il n'était pas justifié d'un quelconque empêchement le concernant ; que, dans ces circonstances, les dispositions de l'article R. 43 du code électoral ont été méconnues ; que, cependant, il n'est ni établi, ni même allégué que cette irrégularité ait eu pour effet de porter atteinte à la liberté ou à la sincérité du scrutin ;

Considérant que, dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie, sur 139 bureaux de vote qui avaient été créés en application de l'article R. 40 du code électoral, 6 bureaux n'ont pu être ouverts en raison de la situation existant dans ce territoire ; que, par ailleurs, la mise en place de barrages a eu pour effet de perturber la circulation sur certaines voies publiques ; qu'il résulte toutefois des constatations opérées par les délégués du Conseil constitutionnel que ces incidents n'ont pas empêché dans les autres bureaux de vote le déroulement du scrutin ;

Considérant que, compte tenu des rectifications et annulations opérées, les résultats du premier et du second tour de scrutin doivent être arrêtés conformément aux tableaux annexés à la présente décision ;

Considérant que les résultats du second tour de scrutin sont les suivants :

Electeurs inscrits : 38 168 869
Votants : 32 085 071
Suffrages exprimés : 30 923 249
Majorité absolue : 15 461 625

ont obtenu :

Monsieur François MITTERRAND : 16 704 279

Monsieur Jacques CHIRAC : 14 218 970

<Faut t-il faire quelque chose de particulier pour les votes?>

Qu'ainsi Monsieur François MITTERRAND a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés requise pour être proclamé élu ;

En conséquence, PROCLAME

Monsieur François MITTERRAND Président de la République française.

Conformément à l'article 6 de la Constitution, le mandat de Monsieur François MITTERRAND prendra effet le 21 mai 1988 à 0 heure.

Les résultats de l'élection et la déclaration de la situation patrimoniale de Monsieur François MITTERRAND seront publiés au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 10 et 11 mai 1988, où siégeaient : MM. Robert BADINTER, Président, Louis JOXE, Robert LECOURT, Daniel MAYER, Léon JOZEAU-MARIGNE, Georges VEDEL, Robert FABRE, Francis MOLLET-VIEVILLE.

Le Secrétaire général,  Le président,

<Je ne sais pas comment retranscrire les signatures du Secrétaire général et du Président>

Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.