CONSEIL CONSTITUTIONNEL
ORDRE DU JOUR DU 13 JUILLET 1988
1° Examen, sur le rapport de Monsieur Léon JOZEAU-MARIGNE :
. de la requête de Monsieur FLOSSE relative à la régularité de l'élection du Président de l'Assemblée nationale ;
. de la requête n° 88-1035 de Monsieur Rosny MINVIELLE contre le décret du 14 mai 1988 portant convocation des collèges électoraux pour l'élection des députés à l'Assemblée nationale.
2° Examen de dix-neuf requêtes électorales sur le rapport de :
- Monsieur Bernard STIRN : n°s 88-1037, 1050, 1066, 1074, 1079 et 1080 ;
- Monsieur Bruno MARTIN-LAPRADE : n°s 88-1038, 1040/1054, 1053, 1069, 1078, 1084, 1114 et 1121 ;
- Madame Martine LAROQUE : n°s 88-1032, 1033, 1034, 1047 et 1095.
3° Examen, sur le rapport de Monsieur Robert FABRE :
. de la conformité à la Constitution de la résolution modifiant l'article 19 du réglement de l'Assemblée nationale (n° 88-243 DC) ;
. de la demande de déclassement (n° 88-158 L).
4° Examen des comptes de campagne des candidats à l'élection du Président de la République :
- Rapport de présentation par Monsieur le Secrétaire général
- Monsieur GANSER : compte de Monsieur BOUSSEL
- Monsieur STIRN : compte de Monsieur WAECHTER
- Monsieur MARTIN-LAPRADE : compte de Monsieur MITTERRAND
- Monsieur de CASTELBAJAC : compte de Monsieur JUQUIN, compte de Monsieur BARRE
- Monsieur BERTHET : compte de Madame LAGUILLER, compte de Monsieur LE PEN
- Monsieur BRIET : compte de Monsieur LAJOINIE, compte de Monsieur CHIRAC
SEANCE DU 13 JUILLET 1988
La séance est ouverte à 10 heures, tous les membres étant présents, à l'exception de Monsieur Maurice-René SIMONNET.
Monsieur le Président ouvre la séance en soulignant que le programme est chargé : Messieurs JOZEAU-MARIGNE et FABRE doivent présenter chacun deux rapports, les comptes de campagne de l'élection présidentielle sont à l'ordre du jour ainsi que l'examen de requêtes électorales qui ne présentent pas de difficultés particulières.
Le Président s'enquiert de la présence des rapporteurs pour les requêtes électorales et donne la parole à Monsieur JOZEAU-MARIGNE.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE présente son rapport sur la requête de Monsieur Gaston FLOSSE.
"Monsieur le Président, mes chers collègues, à la date du 23 juin 1988, le jour même où l’Assemblée nationale se réunissait pour élire son Président, Monsieur Gaston FLOSSE a saisi le Conseil d'une requête.
Cette requête conteste la régularité de la réunion de l’Assemblée et celle de l'élection de son Président au regard des dispositions de l'article 12, alinéa 3, de la Constitution.
Selon l'article 12, alinéa 3, l’Assemblée nationale, à la suite d'une dissolution, "se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection". Or, fait observer Monsieur FLOSSE dans sa requête enregistrée le 23 juin 1988 à 13 h 28, du fait de la non-élection des deux députés de la Polynésie française, "l'Assemblée nationale se prononcera sur l'élection de son Président sans être entièrement constituée".
La requête dont je viens de vous rappeler la teneur appelle de ma part deux observations, l'une touchant à la compétence de notre Conseil pour en connaître, l'autre, qui a un caractère subsidiaire, concernant le fond.
Sur le plan de la compétence, je n'ai personnellement aucun doute quant à la solution à retenir en l'espèce.
Le Conseil constitutionnel a une compétence d'attributions et non une compétence générale. Sa compétence est définie par la Constitution. Or, aucune disposition constitutionnelle ne nous donne compétence pour statuer sur la régularité de la réunion de plein droit de l’Assemblée nationale et sur l'élection tant de son Président que des autres membres du bureau. Il me suffira, sur ce point, de me référer à notre décision du 16 avril 1986, Madame Yannick PIAT, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur .
Je n'ai aucun état d'âme en vous proposant une solution d'incompétence".
Monsieur le Président l'interrompt : "Vous n'êtes pas troublé".
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : "Non, je suis serein".
Monsieur MAYER, en souriant : "votre sérénité peut créer un trouble chez nous".
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : "Nos troubles sont communs"... Puis, il poursuit la lecture de son rapport.
"C'est donc à titre très subsidiaire que j'ajouterai une observation portant sur le fond pour souligner que le problème posé par Monsieur FLOSSE est fort délicat.
En droit strict, il pourrait fort bien être maintenu que la réunion de l'Assemblée nationale ne peut avoir lieu que si les élections se sont déroulées dans leur totalité.
En sens inverse, on peut faire valoir que la solution défendue par Monsieur FLOSSE frappe par son formalisme et qu'elle va même à l'encontre de l'esprit des textes.
Le troisième alinéa de l'article 12 de la Constitution prévoit, en fait, un double délai :
- un premier délai entre l'élection de l'Assemblée et sa réunion ; la réunion de plein droit doit intervenir le deuxième jeudi suivant l'élection ;
- le second délai applicable est celui qui fixe la durée de la session de plein droit. Ce dernier délai est de 15 jours.
Chacun de ces deux délais obéit à des finalités différentes. Il ressort de la discussion du projet de constitution en août 1958 par le Comité consultatif constitutionnel que le premier délai a pour seul but de laisser aux services de l'Assemblée le temps nécessaire pour accueillir convenablement les nouveaux députés et s'organiser en conséquence. L'Assemblée doit pouvoir faire sa cuisine comme aurait dit notre regretté collègue MARCILHACY, qui a siégé ici-même au Comité consultatif. Le second délai a une signification autre. Il s'agit de permettre au Parlement de se réunir de plein droit pendant une durée de quinze jours afin, le cas échéant, qu'il puisse contester politiquement une dissolution qui aurait pu apparaître discutable.
Au vu de ces éléments, on peut soutenir que la pratique qui a été suivie quant à la fixation de la date de réunion de l'Assemblée n'est pas contraire à l'esprit des textes.
Au demeurant, elle n'est pas sans précédent. En 1967, l'Assemblée nouvellement élue s'était réunie alors que le député de la Côte française des Somalies n'avait pas encore été désigné. Il en fut de même en 1981, avec le cas du député de la 1ère circonscription de Polynésie.
Quoiqu'il en soit et pour les motifs que j'ai précédemment énoncés, la requête de Monsieur FLOSSE doit être rejetée au motif que le Conseil constitutionnel n'a pas compétence pour en connaître".
A l'issue de l'audition du rapport, Monsieur VEDEL relève : "Le texte de l'article 12 de la Constitution est directement violé".
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : "Nous ne sommes pas compétents, nous n'avons donc pas à examiner le fond. J'ai donc préparé un projet de décision conforme à l'Affaire PIAT et je me borne à demander, sans discussion du fond, le rejet".
Monsieur le Président remercie Monsieur le Rapporteur.
Monsieur VEDEL : "Je ne conteste pas la position du rapporteur sur la compétence. Mais c'est sans état d'âme et en toute certitude que je souligne que les dispositions de l'article 12 ont été violées. Il suffit de lire l'article, c'est de la grammaire : l'élection de l’Assemblée nationale ne peut être jugée achevée au sens de l'article 12 de la Constitution tant que tous les députés n'ont pas été élus. Le texte est clair et précis : il s'impose sans avoir à rechercher sa finalité. Certes le Conseil constitutionnel ne l'a pas toujours fait (cf. le vote personnel)
Quant aux travaux préparatoires, ils sont sans valeur constitutionnelle n'étant pas connus du seul constituant qu'est le peuple français. Je ne regrette pas notre incompétence ; il vaut mieux ne pas se mêler de la vie intérieure de l’Assemblée. Il ne faut pas pénétrer dans la chambre conjugale. Mais, s'il restait deux députés à élire, l'élection ne pourrait pas être jugée terminée".
Monsieur le Président : "Je ne vous suivrai pas sur ce point. Il y a une tradition de réunion des assemblées avant qu'elles soient complètes".
Monsieur VEDEL : "Ce n'est pas cela. Une assemblée peut certes se réunir incomplète (voir le précédent de 1871 et l'absence des députés d'Alsace-Lorraine). La question est de savoir à quel moment se termine l'élection de l’Assemblée. Au-delà de l'absence de deux députés, pourquoi pas celle de 10, 20, 30 députés, pourquoi pas la réunion après le premier tour ?".
Monsieur le Président demande que le calendrier des élections soit rappelé.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : "La réunion de plein droit de l’Assemblée nationale a eu lieu le 23 juin. Le deuxième tour des élections en Polynésie française a eu lieu le 26 juin".
Monsieur le Secrétaire général : "Dans la logique de Monsieur FLOSSE, l’Assemblée nationale n'aurait pu se réunir que le 7 juillet".
Monsieur le Président souligne que la discussion sur ce point est sans conséquence... ce qui lui donne sa beauté...
Monsieur MAYER s'interroge sur les causes du retard électoral en Polynésie par rapport à la métropole.
Monsieur le Secrétaire général souligne que le retard est quasiment inévitable puisqu'un délai de 15 jours paraît nécessaire pour rassembler les résultats et organiser le second tour, en raison de l'étendue du territoire. Les choses se passeraient sans difficulté d'ordre juridique si les députés de Polynésie étaient élus dès le premier tour. Dans ces conditions peut-être que le cas de force majeure pourrait jouer ici.
Monsieur VEDEL (ironique) : "Il faut supprimer le deuxième tour en Polynésie (!)".
Monsieur JOZEAU-MARIGNE remarque qu'il aurait pu laisser tomber le rideau après l'examen du problème de compétence.
Monsieur VEDEL : "Je l'aurais relevé, rassurez-vous".
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : "Il y a du pour et du contre. Il faudra reprendre la réflexion pour d'autres élections".
Monsieur le Rapporteur lit le projet qui est adopté.
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II aborde ensuite, à 10 h 18, son rapport sur la requête présentée par Monsieur Rosny MINVIELLE DE GUILHEM DE LATAILLADE.
Monsieur VEDEL, interrompant l'orateur : "Il s'est appelé toute sa vie Rosny MINVIELLE... DE GUILHEM DE LATAILLADE est nouveau".
Monsieur le Président : "Sa modestie s'est atténuée".
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : "Ce n'est pas un ci-devant mais un ci-après..." .
Monsieur le Président : "GUILHEM DE LATAILLADE est le nom de sa mère... C'est grâce à une loi que j'ai fait voter et à sa mère qu'il a pu allonger son nom".
Monsieur JOZEAU-MARIGNE remarque que le nom de JOZEAU est vieux de trois siècles et que, devant le nombre des JOZEAU, c'est le nom de la ferme, MARIGNE, et non le nom d'une femme, qui a été ajouté. Son double nom lui a permis d'ailleurs, lors d'un déplacement à Madagascar, de bénéficier de plus de place dans une voiture dans une occasion où l'on attendait, outre Monsieur JOZEAU, un Monsieur MARIGNE.
Après cet échange, Monsieur le Rapporteur poursuit en présentant le rapport suivant :
A la date du 14 juin 1988, le Conseil constitutionnel a été saisi par M. ROSNY MINVIELLE de GUILHEM de LATAILLADE - en abrégé M. MINVIELLE - d'une requête dirigée contre le décret n° 88-719 du 14 mai 1988.
Il s'agit du décret portant convocation des collèges électoraux pour l'élection des députés à l'Assemblée nationale et fixant le déroulement des opérations électorales dans les départements, territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
De prime abord, la requête dont nous sommes saisis suscite une réaction de surprise.
En effet, le Conseil constitutionnel a déjà eu à connaître de la régularité du décret de convocation du corps électoral. Au cours de sa séance du 4 juin 1988, à mon rapport, le Conseil a écarté trois requêtes qui étaient dirigées contre ce décret, et notamment, une requête émanant de MM. LE PEN et WAGNER.
Que peut donc apporter de plus la requête de M. MINVIELLE ? Peut-être l'intéressé, qui est avocat et professeur de Droit, entend-il donner libre cours à son imagination juridique ? A moins qu'il ne cherche à faire parler de lui.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE, en aparté : "Je doute qu'il s'agisse d'un membre éminent du barreau.
Je rappelle au passage que M. MINVIELLE s'est déjà signalé en contestant devant le Conseil le décret portant dissolution de l'Assemblée nationale.
Quoiqu'il en soit des intentions du requérant, l'examen de son pourvoi me paraît soulever trois séries de questions que j'examinerais successivement :
- une question de compétence ;
- des questions de recevabilité ;
- une question de fond.
I. Sur le plan, de la compétence, la requête ne me paraît pas soulever de difficulté.
Le requérant invoque expressément les dispositions de l'article 59 de la Constitution aux termes desquelles :
"Le Conseil constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs".
Or, il a déjà été jugé que la contestation de la régularité du décret portant convocation du corps électoral relevait de la compétence du Conseil constitutionnel, en sa qualité de juge de l'élection.
Voir en ce sens les décisions :
- du 30 janvier 1968 - Elections à l'Assemblée nationale, 3e circ. de la Corse (Recueil 1967 p. 199).
- du 11 juin 1981 - DELMAS ;
et du 4 juin 1988 LE PEN et autres.
La compétence du Conseil constitutionnel ne fait donc aucun doute à mes yeux.
II - La requête pose en revanche des problèmes sur le plan de la recevabilité.
Deux questions se posent ici à mon sens.
A. Une première difficulté naît de ce que la requête de M. MINVIELLE, introduite le 14 juin 1988, soit le surlendemain du second tour de scrutin, n'est pas dirigée contre l'élection d'un député.
C'est le décret de convocation du corps électoral qui est critiqué indépendamment de toute contestation portant sur l'élection d'un député dans la circonscription où le requérant a la qualité d'électeur.
Jusqu'ici, notre jurisprudence a admis que la régularité du décret de convocation du corps électoral pouvait être contestée dans deux hypothèses.
Première hypothèse : avant le premier tour de scrutin, par tout électeur. C'est ce qui s'est vérifié dans les affaires DELMAS et LE PEN.
Seconde hypothèse : le décret de convocation peut être contesté au soutien d'un recours dirigé contre l'élection d'un député. C'est ce qui s'est produit dans l’affaire jugée le 30 janvier 1968. A.N. Corse, 3ème circ.
Dans la rigueur des textes, on pourrait en conclure que la requête de M. MINVIELLE est irrecevable car elle n'entre dans aucune des deux hypothèses que je viens de mentionner. Elle a été enregistrée postérieurement au second tour de scrutin.
Elle ne met pas en cause l'élection d'un député nommément désigné.
Je ne vous proposerais cependant pas de retenir une solution aussi stricte. Cela tient au fait que le recours direct contre le décret de convocation du corps électoral a été admis par le Conseil sur le fondement direct des dispositions de l’article 59 de la Constitution. Le Conseil a volontairement écarté l'application des règles de procédure fixées par les articles 33 et suivants de l'ordonnance organique du 7 novembre 1958. Sans que cela soit juridiquement impossible, il y aurait quelque paradoxe à décider aujourd'hui, alors qu'il s'agit de la contestation du même décret, que cette contestation est enserrée dans un strict formalisme.
Si le Conseil ne partage pas mon point de vue, il lui sera loisible, de toutes façons, de réserver expressément la recevabilité de la requête dans sa décision. En effet, la question de recevabilité peut rester en suspens dès lors que la requête est en tout état de cause rejetée au fond, comme je serais amené à vous le proposer dans un instant.
B. Mais avant d'en venir au fond, j'indique au passage que le pourvoi soulève un autre problème de recevabilité.
Je me suis demandé en effet si le pourvoi de M. MINVIELLE n'était pas irrecevable au regard des dispositions de l'article 62 de la Constitution.
Nous savons qu'en vertu de cet article :
"Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours".
Or, comme je l'ai déjà indiqué, le Conseil a, par décision du 4 juin 1988, rejeté plusieurs requêtes qui mettaient en cause la régularité du décret du 14 mai 1988.
Le fait de contester à nouveau la régularité de ce décret ne conduit-il pas à mettre en cause l'autorité de chose jugée qui s'attache à nos décisions ? Et l'on sait qu'une semblable mise en cause se voit opposer, soit une décision de non-lieu à statuer, soit une irrecevabilité.
Je ne pense pas qu'il soit justifié de s'engager dans une telle voie. Cela tient à deux raisons, l'une est de portée générale, l'autre est propre à l'espèce.
Sur un plan général, l'article 62 de la Constitution a été interprété comme faisant bénéficier les décisions du Conseil de l'autorité juridictionnelle de chose jugée. Or, dans le contentieux de la légalité des actes administratifs, le Conseil d'Etat a jugé, à maintes reprises, qu’une décision rejetant un recours dirigé contre un décret, n'a que l'autorité relative de la chose jugée.
On peut donc soutenir que la décision du Conseil constitutionnel du 4 juin 1988, qui a rejeté les requêtes de Messieurs LE PEN et autres n'a que l'autorité relative de la chose jugée. Elle n'est pas opposable à M. MINVIELLE qui n'était pas partie à l'instance.
Une autre raison conduit à ne pas opposer la chose jugée par la décision du 4 juin 1988. Elle tient au fait que l'argumentation dont nous a saisis M. MINVIELLE est profondément originale par rapport à celle dont nous avions eu à connaître le 4 juin.
III - J'en viens ainsi à l'examen au fond de l'argumentation présentée par M. MINVIELLE.
A. Selon le requérant, le décret du 14 mai 1988 serait, en son article 6, contraire aux dispositions de l'article 2 du décret du 5 novembre 1870 relatif à l'entrée en vigueur des lois et décrets.
Pour comprendre la portée du moyen invoqué, il n'est pas inutile de rappeler le contenu du décret du 5 novembre 1870. Ce dernier texte porte la marque d'une certaine improvisation sur le plan rédactionnel. Il paraît confondre la promulgation des lois et leur publication. Mais la jurisprudence du Conseil d'Etat comme celle de la Cour de Cassation l'ont interprété de façon raisonnable.
Une distinction a été faite entre l'entrée en vigueur de droit commun des lois et décrets régie par le premier alinéa de l'article 2, et l'entrée en vigueur immédiate régie par le second alinéa de l'article 2.
Dans le cadre du régime de droit commun, les lois et décrets publiés au Journal officier
Quant à l'entrée en vigueur immédiate elle est visée par le second alinéa de l'article 2 du décret de 1870, aux termes duquel :
"Le Gouvernement, par une disposition spéciale, pourra ordonner l'exécution immédiate d'un décret".
Cette dernière faculté a été mise en oeuvre par le décret du 14 mai 1988. Ce dernier texte mentionne dans ses visas l’article 2 (alinéa 2) du décret du 5 novembre 1870 et précise dans son article 6 que, vu l'urgence, il entrera immédiatement en vigueur".
Pour M. MINVIELLE, une irrégularité aurait été commise dans la mesure où le décret attaqué émane du Président de la République et non du gouvernement et, de plus, il n'a pas été précédé d'une décision du Conseil des Ministres .
B. Cette argumentation ne paraît pas pertinente.
Sans doute, est-il exact que la décision de faire entrer immédiatement en vigueur un décret est du ressort du gouvernement.
Mais la décision du gouvernement ne nécessite nullement l'intervention du Conseil des Ministres. Il suffit que le décret soit signé du Premier ministre et, le cas échéant, des ministres chargés de son exécution, comme l'exige l'article 22 de la Constitution.
Tel est bien le cas en l'espèce, en dépit du fait que le décret du 14 mai 1988 soit signé à titre principal par le Président de la République. En effet, ce décret comporte également la signature du Premier ministre ainsi que le contreseing des ministres chargés de son exécution : ministre de l'Intérieur et ministre des DOM-TOM. Qui abonde ne décide pas
Dans ces conditions, c'est à bon droit que le décret de convocation du corps électoral est entré en vigueur immédiatement.
Je vous propose en conséquence de rejeter la requête de M. MINVIELLE.
Monsieur le Président donne la parole au Doyen VEDEL.
Monsieur VEDEL propose que l'on commence par la formule "sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête", il souligne qu'on ne peut manifestement pas retenir l'autorité de la chose déjà jugée même absolue à défaut d'identité de cause et d'objet.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : "J'accepte la modification proposée".
Monsieur VEDEL : "Deuxième observation : il faut mettre le doigt sur la jurisprudence du Conseil d'Etat en matière "d'excès de compétence", de signatures excédentaires.
Pour le Conseil d'Etat, le Président de la République signerait de manière surabondante dès lors que la signature du Premier ministre suffisait. Certes on pourrait faire valoir que le décret n'est pas "signé" mais "contresigné" par l'autorité compétente, mais cela serait excessivement formaliste. Il faut se rallier à la sagesse du Conseil d'Etat
Monsieur JOZEAU-MARIGNE lit le projet de décision.
Monsieur le Président : "Qu'est-ce qui fait agir le requérant ? Sa vanité personnelle ?” .
Monsieur le Secrétaire général indique que le Président LUCHAIRE envisage de faire un commentaire de la décision du 4 juin 1988 et que Monsieur MINVIELLE se fait sans doute plaisir en maniant le raisonnement juridique et qu'il doit vouloir faire connaître son nom d'usage.
Monsieur le Président : "Ces relations taquines ne devraient pas exister" .
Monsieur VEDEL : "Si vous voulez lui faire de la peine, précisez Monsieur Rosny MINVIELLE dit "DE GUILHEM DE LATAILLADE"".
Monsieur le Président : "Ce serait méconnaître les dispositions de la loi. Ce dialogue avec Monsieur Rosny MINVIELLE DE GUILHEM DE LATAILLADE est fâcheux".
Monsieur VEDEL : "Le Président de la République a eu raison de signer ce décret. En novembre 1870, le Gouvernement c'est l'exécutif et normalement l'exécutif comprend le Président de la République. Sous les IIIème et IVème Républiques, je pense que la signature d'un tel décret relevait de la compétence du Président de la République. Sous la Vèmee République, cela a changé".
Monsieur le Secrétaire général : "C'est le titulaire du pouvoir réglementaire qui est visé. Sous la IIIème République c'est le Président de la République, sous la IVème République c'est le Président du Conseil, sous la Vème République le Gouvernement est défini comme le titulaire du pouvoir réglementaire. Le Président de la République ne pourrait valablement décider l'entrée en vigueur immédiate que s'il exerce à titre exceptionnel le pouvoir réglementaire".
Monsieur le Président remarque la surabondance de signatures et arrête la discussion en soulignant que le nom du requérant doit disparaître, sauf dans les visas, dans un souci de dissuasion.
Monsieur STIRN est introduit dans la salle de séance et salué par Monsieur le Président.
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Monsieur STIRN présente son rapport sur 6 élections (n°s 88-1037, 1050, 1066, 1074, 1079 et 1080) qui relèvent d'un moyen unique tiré de la portée de l'article L. 162 du code électoral.
Ce qui est contesté, c'est la présence d'un seul candidat au second tour de scrutin du fait du seuil de 12,5 % des inscrits nécessaire pour se présenter.
Le rapporteur rappelle que la présence d'un seul candidat au second tour résulte des dispositions de l'article L. 162 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi du 19 juillet 1976 remise en vigueur par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1986. Cet article exige 12,5 % des inscrits pour pouvoir se présenter au second tour, sous réserve de deux exceptions :
- quand un seul candidat atteint le seuil, le candidat ayant obtenu après lui le plus de suffrages peut se maintenir ;
- si aucun candidat n'atteint le seuil, les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages au 1er tour peuvent se maintenir.
Rien n'est prévu en revanche lorsque deux candidats dépassent le seuil et que l'un des deux se désiste. Mais tant les travaux préparatoires de la loi que la jurisprudence déjà intervenue (10 mai 1978 - Val-de-Marne, 1ère Circ., p. 70 ; 12 novembre 1981 - Tarn-et-Garonne, 2ème Circ., p. 150) ne peuvent que conduire à rejeter le moyen. Le rapporteur fait remarquer que si les règles de droit sont clairement fixées elles n'en sont peut-être pas pour autant satisfaisantes, vu le nombre de circonscriptions concernées.
Monsieur le Président ouvre la discussion sur cette situation.
Monsieur LECOURT souligne qu'il ne présente pas d'observations particulières sur le rapport.
"Si on ne suit pas son orientation, la solution est impossible à trouver. Il y a une lacune de la loi qui peut conduire à des situations désagréables et contraires au principe fondamental du régime démocratique de la pluralité des candidatures.
Il y a là une préoccupation sérieuse pour le Conseil.
1° En régime constitutionnel démocratique, le législateur peut-il élaborer un texte qui conduit à la présence d'un seul candidat au second tour ?
Je suis tenté de penser que le Conseil n'hésiterait pas à censurer un tel texte conduisant à une candidature unique au second tour.
2° Ce que le législateur ne peut pas faire, est-ce que le Conseil constitutionnel peut le faire ?
J'hésite, mais le Conseil n'a pas été saisi du texte.
Aujourd'hui, il s'agit moins de l'application de la loi que de l'appréciation d'une lacune du texte.
Il faut donc faire un effort d'interprétation comme le propose le rapporteur. Nous allons donc admettre que le législateur peut aménager dans ces conditions les élections. Cela me choque mais c'est, autrement, insoluble".
Monsieur VEDEL : "Il s'agit effectivement d'un trafic d'électeurs impensable. Mais il est difficile de s'écarter du texte de la jurisprudence" .
Monsieur LECOURT : "Le texte est mauvais".
Monsieur FABRE : "Monsieur GENEVOIS me rappelle qu'en juillet 1986 on avait abordé le problème pour l'écarter. Mais, allons plus loin, si le dernier candidat se retire, que se passe-t-il ?
Monsieur LECOURT a sans doute raison, mais nous ne pouvons pas nous saisir nous-mêmes de la question".
Monsieur le Président : "Nous pourrons aborder le problème à l'occasion du rapport sur les élections".
Monsieur VEDEL : "Si on en fait mention dans le rapport sur les élections législatives, on pourrait faire valoir les doutes sur la régularité de la date de la réunion de l'Assemblée nationale".
Monsieur le Président : "Je partage le sentiment de Monsieur LECOURT. On supprime le second tour, c'est un tour de passe-passe et cela revèle
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : "La loi n'a prévu qu'une partie du problème. En cas de retrait du second candidat au deuxième tour, le suivant devrait pouvoir se présenter".
Monsieur MAYER : "On peut aller plus loin. Deux choses me choquent sous la Vème République :
1° le seuil de 12,5 % des inscrits qui est très élevé et qui pourrait encore être augmenté ;
2° l'interdiction de nouvelles candidatures au second tour alors qu'une nouvelle personne pourrait regrouper des électeurs. Cela aussi devrait être mentionné dans le rapport".
Monsieur FABRE : "Il y a une incompatibilité entre les deux propositions. Si quelqu'un a 0 voix au premier tour parce qu'il ne s'est pas présenté, il ne peut concourir au second tour".
Monsieur MAYER rappelle que c'est la possibilité de se présenter directement au second tour qui est à l'origine du Front populaire (Elections du quartier de Saint-Victor en 1935 et l'amorce de l'Union de la Gauche au second tour sous l'impulsion de Paul RIVET). Il y aurait là un moyen de répondre à la démobilisation des électeurs".
Monsieur le Président se demande si un retour sous la IVème République est souhaitable.
Monsieur VEDEL souligne la résistance à l'origine de la déclaration de candidature. Avant 1889, on pouvait voter pour des non-candidats.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : "Ce n'est pas le problème aujourd'hui. On peut constater une lacune de la loi et un seuil de 12,5 % des inscrits qui est lourd. Peut-être faudrait-il prévoir 12,5 % des votants et entreprendre une étude comparative portant sur les pays du Marché commun".
Les projets du rapporteur sont adoptés à l'unanimité.
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Monsieur Bruno MARTIN-LAPRADE succède à Monsieur STIRN, à 11 h 18, pour les requêtes n°s 88-1038, 1040/1054, 1053, 1069, 1078, 1084, 1114 et 1121 .
- N° 88-1038 :
Monsieur PRADET se plaint que les bulletins de vote au nom de nombreux candidats du Parti socialiste portent la mention "Majorité présidentielle" sans qu'apparaisse le qualificatif socialiste, ce qui serait, selon lui, de nature à laisser croire à certains électeurs qu'il s'agissait de candidats de la majorité sortante.
Cette requête, sans viser à l'annulation de l'élection d'un parlementaire dans une circonscription déterminée conteste les résultats des élections législatives dans leur ensemble : elle ne répond donc pas aux prescriptions de l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 (10 juillet 1981, n° 81-907, Rec. p. 111).
Le rapporteur propose donc le rejet, adopté sans discussion.
- N° 88-1040/1054 :
Concernent la même circonscription - 1ère, Charente-maritime - Député élu dont l'élection est contesté : Monsieur CREPEAU.
N° 1040 :
Monsieur Georges ALLAIN, inscrit sur les listes électorales de la Flotte-en-ré, demande l'annulation de l'élection de Monsieur Michel CREPEAU.
Les griefs qu'il a présentés dans sa requête introductive d'instance et qui tiennent à la date des élections ne sont pas fondés.
Il reproche en premier lieu à Monsieur MITTERRAND d'avoir dissous l'Assemblée nationale sans attendre que le Premier ministre n'engage la responsabilité de son Gouvernement sur son programme. Mais vous avez, le 4 juin 1988, rejeté une demande d'annulation du décret de dissolution au motif qu'aucune disposition de la Constitution ne vous donnait compétence pour statuer sur une telle demande. Bien qu'il s'agisse ici d'une exception d'illégalité et non d'un recours en annulation, il me semble que vous devez également relever qu'il ne vous appartient pas d'apprécier le bien-fondé de la décision de dissolution (ce qui laisse ouverte la question de l'appréciation éventuelle de sa régularité formelle : consultations, respect du délai d'un an prévu à l'article 12 de la Constitution).
Monsieur ALLAIN se plaint, en deuxième lieu, que les dates retenues par le décret de convocation des électeurs n'aient pas permis de respecter le délai de 21 jours prévu pour le dépôt des candidatures par l'article L. 157 du code électoral. Là encore, vous avez écarté une argumentation semblable par une décision du 4 juin 1988 (n° 88-1027/1028/1029) au motif que les dispositions législatives de l'article L. 157, qui ne concernent d'ailleurs pas le cas d'élections consécutives à la dissolution de l'Assemblée nationale, ne pouvaient prévaloir sur les dispositions de l'article 12 de la Constitution, qui régissent le délai dans lequel doivent se tenir les élections après dissolution.
Monsieur ALLAIN a présenté un nouveau grief tenant à ce que Monsieur CREPEAU abusait de la confiance de ses concitoyens en se prévalant du soutien personnel du Président de la République, alors qu'il n'a ni programme, ni projet. Mais le mémoire contenant ce grief n'a été enregistré que le 29 juin, ce qui fait obstacle à son examen.
Sous le n° 88-1054, le même requérant, sur papier à en-tête du "Mouvement de défense des libertés individuelles", et qui se présente comme le Président de ce mouvement en joignant un mandat du bureau, demande, au nom du Mouvement, d'annuler l'élection de Monsieur CREPEAU.
L'argumentation de la requête est exactement semblable à la précédente. Il serait donc possible de joindre les requêtes et de les rejeter toutes deux au fond "sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête du M.D.L.I.".
Mais vous souhaiterez peut-être saisir cette occasion de confirmer votre jurisprudence sur l'irrecevabilité d'une requête présentée par une personne physique qui, tout en étant personnellement inscrite sur la liste électorale - et par suite recevable à agir en son nom propre - déclare agir au nom d'un mandant qui n'a, lui, aucune qualité pour contester les élections.
Deux thèses pourraient être soutenues sur cette question simple :
- La première, fondée sur le caractère très large de l'ouverture du contentieux électoral accessible à tout électeur, se satisfait de ce que le signataire de la protestation a personnellement qualité pour agir, bien que la personne au nom de laquelle il déclare agir n'ait pas qualité pour le faire. C'est ce qu'avait admis le Conseil d'Etat dans un arrêt du 31 mai 1947, Elections cantonales de la Bredes, n° 80 655, Rec. p. 589, à propos d'une candidature présentée "au nom de la Section locale d'un parti politique" mais qui était signée par une personne électeur dans le canton.
- La seconde, apparemment plus formaliste, mais en vérité fondée sur l'analyse de la volonté du contestataire, repose sur une distinction. Lorsque la requête peut être considérée comme présentée à titre personnel par le signataire, même s'il a cru devoir mentionner ses qualités de dirigeant d'un organisme ou de représentant d'un groupement, sa recevabilité est admise si le signataire a personnellement qualité. Mais, si la requête est clairement présentée comme celle d'un groupement tiers au nom duquel le signataire déclare agir, dans ce cas la recevabilité de la requête est appréciée au regard de la qualité de ce tiers et compte tenu de l'apposition de sa signature personnelle s'il s'agit d'une personne physique.
C'est cette seconde thèse qui correspond à l'état actuel de la jurisprudence du Conseil d'Etat (Elections municipales de Strasbourg, n° 48 967, 48 968, 27 avril 1961, L.T.D. p. 154 : réclamation présentée par un représentant d'une fraction politique du conseil municipal, mais formulée à titre personnel). C'est celle que vous avez également adoptée.
Ainsi, lorsqu'une personne déclare agir en qualité de président d'une association, ou en qualité de mandataire d'un tiers non signataire, vous déclarez sa requête irrecevable, soit que le mandant, personne morale, n'ait pas qualité pour agir, soit qu'il ne soit pas signataire (22 mars 1973, n° 73-624, p. 59 ; 10 juillet 1981, n° 81-909, p. 113).
De même, vous avez récemment rejeté la requête du préfet de l'Oise contre les élections de ce département sans rechercher si ce fonctionnaire était personnellement inscrit sur les listes électorales du département (C.C., 21 juin 1988).
A l'inverse, lorsqu'il vous semble que c'est fortuitement qu'un requérant a fait suivre sa signature de sa qualité de mandataire de la liste d'un parti politique, alors que son intention était bien de réclamer en son nom personnel, vous considérez que la qualité pour agir qu'il tient de son inscription sur les listes électorales suffit à rendre sa requête recevable (C.C., 3 juin 1986 , A.N. Dordogne, p. 46 : cette décision est l'exact pendant de l'arrêt du Conseil d'Etat du 27 avril 1961 précité).
Au regard de cette jurisprudence très cohérente, l'irrecevabilité de la requête n° 88-1054 ne fait pas de doute : Monsieur ALLAIN n'a agi que comme mandataire du M.C.L.I. puisque, d'une part, il joint un mandat de ce mouvement et que, d'autre part, il a présenté à titre personnel une requête semblable sous le n° 88-1040.
Je vous propose donc de rejeter cette requête pour ce motif, en précisant, afin qu'aucun doute ne subsiste sur la portée de votre jurisprudence, que l'irrecevabilité des requêtes présentées pour une personne qui n'a pas qualité pour agir n'est pas affectée par la circonstance que le mandataire aurait, lui, qualité pour agir parce qu'inscrit sur les listes électorales ou candidat.
Monsieur le Président demande s'il y a des observations.
Faute de celles-ci, on passe à la lecture des projets de décision.
Monsieur MAYER : "Est-il nécessaire de préciser le grief tiré de ce que Monsieur CREPEAU aurait fait état du soutien du Président de la République. Cela est susceptible de laisser penser que nous aurions estimé l'argument fondé à défaut d'irrecevabilité".
Monsieur le Secrétaire général : "On ne préjuge en rien le mérite du moyen dans cette formulation. On peut cependant adopter une rédaction plus enveloppée encore".
Monsieur VEDEL fait remarquer que la rédaction, au haut de la page 3, semble hésiter entre la compétence et l'opportunité. On pourrait préciser que le Conseil constitutionnel n'a pas compétence pour apprécier la régularité du décret de dissolution.
Monsieur le Président : "La décision entière de dissolution nous échappe".
Monsieur le Secrétaire général propose de retenir la formule reprise de la décision du 4 juin 1988 : "Considérant que le Conseil constitutionnel n'a pas compétence pour statuer sur le décret de dissolution...".
Monsieur le rapporteur présente son rapport sur l'affaire n° 88-1053.
- N° 88-1053 :
"Monsieur SARKISSIAN se borne à vous demander d'annuler l'élection de Messieurs BARRE, HERNU et POPEREN.
Comme vous l'avez déjà fait par une décision du 3 février 1987 (Rec. p. 20), vous pouvez relever simplement que cette requête "qui n'est assortie d'aucun moyen, n'est pas recevable".
Peut-être souhaitez-vous aujourd'hui adopter une rédaction plus développée que l'an dernier, faisant apparaître pourquoi une requête dépourvue de moyens n'est pas recevable : il vous faudrait alors citer l'article 35 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 d'après lequel "les requêtes doivent contenir... les moyens d'annulation invoqués".
Vous pourriez aussi citer l'article 3 du règlement applicable devant vous pour la procédure de contestation des élections, d'après lequel la requête doit contenir "l'exposé des faits et moyens invoqués"".
Monsieur le Président : "Parfait".
Monsieur le rapporteur présente son rapport sur l'affaire n° 88-1069.
- N° 88-1069 :
"Monsieur Gabriel BANAIAS, qui se qualifie de citoyen du Monde et de titulaire d'une "maîtrise internationale de droit des gens" est un fou qui conteste les élections dans les 4 circonscriptions de la Guadeloupe, comme il l'a déjà fait en 1981 (10 juillet 1981, n° 81-944, p. 120).
Dans le précédent, vous lui avez opposé qu'il n'était ni électeur ni candidat en Guadeloupe.
Nous n'avons pas fait vérifier ce point, mais vous pouvez noter que, contrairement aux exigences de l'article 35 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, la requête ne comporte l'exposé d'aucun grief précis, puisqu'il se borne à une allégation générale sur la fraude électorale qui sévirait en Guadeloupe (cf. A.N. Guadeloupe, 25 octobre 1973, n° 73-589, p. 174)".
Le rapport n'entraîne aucune discussion et le rapporteur présente ensuite son rapport sur l'affaire n° 88-1078.
- N° 88-1078 :
"Monsieur Alain PHILIPPART conteste l'élection de Monsieur Gustave ANSART dans la 19ème circonscription du Nord en se plaignant de ce que les électeurs du deuxième tour n'aient pas eu la possibilité de choisir entre le candidat communiste et le candidat socialiste du fait du retrait de ce dernier candidat alors qu'aucun autre candidat au premier tour n'avait obtenu le minimum de 12,5 % des inscrits permettant de se présenter au deuxième tour.
Vous n'avez pas à examiner cette requête qui est irrecevable faute d'être signée (article 3 du règlement applicable à la procédure devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux électoral) (cf., 6 mai 1986, n° 86-1016, p. 42)".
Le rapport n'appelle pas non plus de commentaire et le rapporteur poursuit avec l'affaire n° 88-1084.
- N° 88-1084 :
"Monsieur René CHAUFFOUR est un aliéné mental, actuellement interné à la prison d'Angoulême, dont vous avez déjà rejeté les contestations électorales en 1981 (9 septembre 1981, n° 81-100, p. 127) et en 1986 (1er avril 1986, n° 86-984, p. 25) ce qui vous vaut d'être désignés dans la requête comme "les neuf criminels... (qui) ont violé leur serment de respecter la Constitution".
Cette requête est un long tissu d'inepties d'où il ressort que Monsieur CHAUFFOUR se plaint d'avoir été illégalement interné dans des établissements pénitentiaires ou psychiatriques : vous pourrez lui répondre sobrement que les circonstances de ces internements ne sont pas de nature à affecter les opérations électorales dont il conteste le résultat. Dans le précédent du 1er avril 1986, vous avez précisé, de manière encore plus explicite, qu'il ne vous appartenait pas de vous prononcer sur la légalité du placement d'office de Monsieur CHAUFFOUR dans le centre de soins spécialisé de Cadillac en Gironde.
Le "en tout état de cause" qui précède le dispositif du rejet dans le projet tient à ce qu'il existe probablement d'autres motifs de rejet, tenant à ce que la requête est dirigée contre l'élection de 5 députés en Charente et 2 députés en Corrèze et de ce qu'un sérieux doute subsiste sur le fait que Monsieur CHAUFFOUR soit électeur après toutes les incarcérations dont il se plaint.
Je vous signale enfin que dans sa requête il mentionne qu'il agit aussi au nom de sa femme. Dans le précédent de 1986, vous avez fait un sort spécial à ses conclusions présentées en tant que mandataire alors que Madame CHAUFFOUR n'avait pas signé la requête.
Il m'a semblé que vous pouviez faire une économie de rédaction et, dans les visas, j'ai analysé la requête comme présentée par Monsieur CHAUFFOUR".
Monsieur le Président remarque : "Nous faisons donc disparaître Madame CHAUFFOUR...''. Il s'interroge, d'autre part, sur la qualité d'électeur du requérant.
Monsieur le Secrétaire général : "La décision réserve les autres irrecevabilités" .
Monsieur le rapporteur présente son rapport sur l'affaire n° 88-1114.
- N° 88-1114 :
"Monsieur Pascal PELISSON conteste l'élection de Monsieur Edouard FREDERIC-DUPONT dans la 3ème circonscription de Paris en invoquant, de manière assez obscure, les circonstances dans lesquelles ont été fournies avec retard, le 5 juin, après l'ouverture du scrutin, des livraisons complémentaires de bulletins de vote à son nom dans plusieurs bureaux de vote.
Les retards sont, dit-il lui-même, imputables à la défaillance de ses imprimeurs et il n'allègue pas que les bureaux se soient trouvés, à un moment quelconque, démunis en bulletins à son nom. Je ne vois donc pas comment ils auraient pu altérer les résultats de l'élection.
En ajoutant l'expression "en tout état de cause" à cette constatation, vous sous-entendez que, même s'il y avait eu une absence de bulletins PELISSON à certains moments, l'avance dont a bénéficié Monsieur FREDERIC-DUPONT sur Monsieur PELISSON était telle que, de toute manière, l'élection du premier eut été assurée",
Monsieur MOLLET-VIEVILLE s'interroge sur le terme "supplémentaire" retenu dans la décision.
Il retire sa question après les explications de Monsieur le rapporteur qui précise que le terme souligne que des bulletins avaient été déposés à l'ouverture des bureaux.
Monsieur le rapporteur présente son rapport sur l'affaire n° 88-1121.
- N° 88-1121 :
"Monsieur Franck CHAVASSON conteste les opérations électorales auxquelles il a été procédé dans la 8ème circonscription de Paris, au motif que sa candidature aurait été illégalement écartée : la radiation des listes électorales entraînée par sa condamnation à deux mois de prison avec sursis pour le vol de deux chatons aurait, selon lui, pris fin dès qu'il a formé opposition contre le jugement rendu par défaut.
Cette requête, enregistrée le 27 juin 1988, soit après l'expiration du délai de contestation, est tardive et, par suite, irrecevable. On pourrait aussi opposer le fait qu'il n'y a pas de conclusions à fin d'annulation d'une élection : les visas sont bienveillants".
Monsieur le Président : "Parfait. Merci Monsieur le rapporteur : nous avons pu apprécier la diversité d'imagination de quelques-uns de nos fournisseurs".
Madame LAROQUE succède à Monsieur MARTIN-LAPRADE et présente son rapport sur l'affaire n° 88-1032.
- N° 88-1032 : Haute-Savoie, 1ère circonscription, 1er tour, 5 juin 1988. Protestation de Monsieur VIALLE.
Monsieur BROCARD, député sortant, conseiller général de la Haute-Savoie et maire d'Annecy-le-Vieux, qui se présentait pour l'U.R.C., Parti républicain, dans la 1ère circonscription de la Haute-Savoie, a été élu au 1er tour des élections législatives le 5 juin 1988 avec 52,60 % des suffrages exprimés. Inscrits : 69 209. Votants : 43 255.
Sur les 42 363 suffrages exprimés, Monsieur BROCARD en obtenait 22 296 ; Monsieur VIALLE, Majorité présidentielle, 13 772 (32,50 %) ; Monsieur GONNET, Front national, 3 695 (8,72 %) et Monsieur MOGET, Parti communiste, 2 610 (6,16 %).
"Monsieur VIALLE vous demande l'annulation de l'élection de son adversaire par une requête qui ne pose aucun problème de recevabilité.
Il soutient que Monsieur BROCARD s'est prévalu de ce qu'il était député de la 1ère circonscription, mention qui a été portée tant sur ses professions de foi que sur ses bulletins de vote : or, il ne pouvait faire état de cette qualité puisque l’Assemblée nationale était dissoute et surtout qu'il n'était pas député de la 1ère circonscription qui n'existait pas aux élections législatives précédentes qui s'étaient déroulées dans le cadre départemental. Monsieur VIALLE en tire un grief en deux branches contre l'élection.
D'une part, les bulletins de vote portaient une mention illégale. D'autre part, l'utilisation de ce titre de député de la 1ère circonscription constituait une fraude de nature à fausser l'égalité entre les candidats et susceptible d'avoir une influence sur le vote d'électeurs indécis ou soucieux d'une continuité de la représentation.
Monsieur VIALLE affirme avoir signalé l'anomalie à la préfecture, dans les jours précédant le scrutin, mais on lui aurait conseillé de recourir au juge de l'élection. Il vous demande de juger nuls les bulletins de Monsieur BROCARD.
L'article R. 103 du code électoral dispose que "Tout bulletin de vote imprimé à l'occasion de l'élection des députés à l'Assemblée nationale doit comporter le nom du candidat et l'une des mentions suivantes : "remplaçant éventuel", "remplaçant", "suppléant éventuel" ou "suppléant", suivie du nom de la personne appelée à remplacer le candidat élu dans les cas de vacance prévus par l'article L.O. 176. - Le nom du remplaçant doit être imprimé en caractères de moindres dimensions que celui du candidat"".
Ce texte n'interdit pas la présence de mentions supplémentaires sur le bulletin, tel que l'appartenance politique des titres ou qualités dont s'honore le candidat.
Mais alors vous vérifiez si ces mentions ne sont pas susceptibles, en raison de leur inexactitude éventuelle ou en raison de leur caractère de propagande, d'avoir une incidence sur le sort de l'élection, soit par leurs effets sur la validité même du bulletin, soit par les conséquences qu'elles peuvent avoir sur l'ensemble du scrutin.
Dans des affaires proches de la présente espèce, vous avez ainsi jugé que la mention sur des bulletins de vote au regard du nom d'un suppléant du titre de "député suppléant sortant", bien qu'irrégulière, n'avait pu créer aucune équivoque sur le titre de ce dernier (A.N. Haute-Loire, 2ère circ., 19 décembre 1968, p. 152 ; voir dans le même sens, A.N. Algérie, 17ème circ., 17 janvier 1959, p. 149 ; A.N. Hérault, 2ème circ., 23 décembre 1958, p. 97 ; A.N. Paris, 2ème circ., 14 juin 1978, p. 136).
Autre exemple : la mention "pour le Président" figurant sur un bulletin du premier tour des élections législatives ne saurait être regardée comme une irrégularité au regard des prescriptions de l'article R. 103 du code électoral et ne constituait pas non plus, dans les circonstances de l'espèce, une manoeuvre destinée à abuser le corps électoral (A.N. Somme, 1ère circ., 7 juin 1978, p. 123 ; voir aussi A.N. Seine, 38ème circ., 8 janvier 1963, p. 46).
En l'espèce, la mention "député de la 1ère circonscription" dont Monsieur BROCARD s'est prévalu, d'abord dans sa profession de foi puis ensuite en l'inscrivant sur les bulletins mis à la disposition des électeurs, était inexacte, ou tout au moins anticipait sur le résultat de l'élection. Monsieur BROCARD, certes, était député sortant de l'Assemblée nationale mais, alors qu'il avait été élu député de la 1ère circonscription de la Haute-Savoie de 1968 à 1986 et que pour chaque scrutin il se présentait comme "député de la 1ère circonscription", mention figurant alors sur ses bulletins (dont il joint des exemplaires), en 1986 il avait été élu en raison du changement du mode de scrutin dans le département.
Mais je ne pense pas que l'inexactitude de la mention figurant sur les bulletins de vote de Monsieur BROCARD ait eu une incidence sur le sort du scrutin et encore moins sur la validité des bulletins : d'une part, parce que Monsieur BROCARD est trop bien connu dans le département de la Haute-Savoie pour que la mention figurant sur le bulletin ait été susceptible d'induire en erreur les électeurs, d'autre part, il a été effectivement élu dans la 1ère circonscription de 1968 à 1986 et qu'il paraît difficile d'admettre que le libellé du bulletin ait été facteur d'une rupture d'égalité entre les candidats. Enfin, l'écart de voix est très important entre Monsieur BROCARD et son concurrent immédiat (8 524 voix).
Je propose donc un projet de rejet de la requête de Monsieur VIALLE".
Madame le rapporteur donne lecture du projet de décision.
Monsieur MAYER souligne que le député dont l'élection est contestée avait bien été député de la 1ère circonscription avant les élections de 1986 et le changement du mode de scrutin. Il souhaite que cette précision figure dans la décision.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE propose, dans ce sens, la formulation "bien que partiellement inexacte".
La décision est modifiée dans le sens de ces observations.
Madame le rapporteur présente l'affaire n° 88-1034.
- N° 88-1034 : Haute-Savoie, 2ème circonscription, 1er tour, 5 juin 1988.
- Le premier tour de scrutin a permis l'élection de Monsieur BOSSON dans la 2ème circonscription de Haute-Savoie.
Les résultats étaient les suivants :
Inscrits : 63 177. Votants : 39 999. Suffrages exprimés : 39 460.
Monsieur BOSSON, pour l'U.R.C. : 22 822 voix, soit 57.83 % ; Goy majorité présidentielle : 10 864 (27.53 %) ; Barone, Front national : 3 458 (8.76 %) ; Gérot, P.C. : 1 684 (4.26 %) ; Némoz, candidat pour une nouvelle politique à gauche : 632 (1.6 %).
C'est Monsieur NEMOZ le candidat arrivé en dernière position qui forme un pourvoi contre l'élection de Monsieur BOSSON, par une requête qui ne pose pas de problème de recevabilité.
- Monsieur NEMOZ soulève un grief unique fondé sur le caractère mensonger de la mention "député sortant" figurant sur les bulletins de vote de Monsieur BOSSON. Il indique avoir demandé en vain la nullité des bulletins de vote et leur remplacement et soutient de ce fait que l'élection s'est déroulée dans des conditions irrégulières.
- Le cas est similaire à celui qui vient d'être examiné dans la 1ère circonscription de la Haute-Savoie.
Si Monsieur BOSSON avait été l'un des membres de l'assemblée nationale dissoute, élu dans la Haute-Savoie aux élections précédentes de 1986, au scrutin de liste à la proportionnelle, il n'y aurait aucune irrégularité ou inexactitude de sa part à mentionner sur son bulletin sa qualité de "député sortant", la circonstance qu'il y aurait eu dans le département de Haute-Savoie six députés sortants pour cinq circonscriptions étant évidemment sans aucune conséquence contrairement à ce que semble soutenir Monsieur NEMOZ.
Mais Monsieur NEMOZ était membre du gouvernement et ne faisait plus partie de l'Assemblée nationale lorsqu'elle a été dissoute.
Son siège, lorsqu'il était devenu ministre a été occupé par le suivant de sa liste, Monsieur BIRRAUX.
Mais si on peut admettre que sur ce point la mention "député sortant" figurant sur le bulletin est inexacte, il est peu probable que les électeurs de Haute-Savoie aient pu en être influencés dans leur vote : d'une part parce que Monsieur BOSSON avait tout de même été élu député dans la précédente assemblée à laquelle il avait donc appartenu, qu'il se présentait également comme ancien ministre et maire d'Annecy. Sa notoriété était telle que l'inexactitude relative de la mention figurant sur son bulletin ne pouvait pour reprendre la formule de la jurisprudence que nous avons citée dans l'affaire précédente guère créer d'équivoque dans l'esprit des électeurs.
Enfin l'écart des voix entre le candidat élu et celui qui le suit soit 11 958 voix est si important que la présentation du bulletin n'a pas pu avoir d'incidence sur les résultats du vote.
Il vous est proposé donc de faire application de votre jurisprudence telle qu'elle résulte de la décision du 19 décembre 1968 - A.N. HAUTE-LOIRE, 2ème circ., p. 152 et des décisions citées dans la précédente affaire pour rejeter la requête de Monsieur NEMOZ.
Monsieur le Président : Très bien.
Monsieur FABRE : Est-il nécessaire de faire référence à la notion de manoeuvre ?
Monsieur le Secrétaire général : C'est pour répondre à un moyen.
Monsieur VEDEL : Il y a deux chefs d'annulation distincts, qui sont allégués, il faut donc répondre aux deux ;
- d'une part, à la contestation de la validité des bulletins,
- d'autre part, à l'invocation d'une manoeuvre.
Monsieur MAYER : On voit là toute l'hypocrisie du Système. Le député devenu ministre est convaincu qu'il reste le député de la circonscription et dans la pratique il l'est toujours.
Madame le rapporteur présente son rapport sur l'affaire n° 88-1033.
- 88-1033 : Elections législatives des 5 et 12 juin 1988, Bouches du Rhônes, 12ème Cire. (Marignane).
Requêtes de Monsieur DELEUIL.
Monsieur DELEUIL par des requêtes distinctes, introduites dans le délai imparti par l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 a contesté les opérations électorales respectivement des 1er et 2ème tour des élections législatives qui se sont déroulées les 5 et 12 juin 1988 dans la 12ème circonscription des Bouches du Rhône.
Dans cette circonscription étaient en présence au premier tour six candidats. Les résultats ont été les suivants :
Inscrits : 79 789. Votants : 53 570. Suffrages exprimés : 52 801.
Monsieur d'ATTILIO, majorité présidentielle : 19 925 (32.05 %) ; Monsieur STIRBOIS, front national : 13 635 (24.79 %) ; Monsieur DELEUIL, U.R.C. : 13 091 (24.79 %) puis, Monsieur GUIOU, parti communiste : 8 450 (16 %) ; Monsieur ESCRIG, extrême droite : 686 (1.29 %) et Monsieur HOARAU : 14 voix (0.02 %) .
Au deuxième tour de scrutin : inscrits : 79 782. Votants : 57 591. Suffrages exprimés : 55 211. Monsieur d'ATTILIO a obtenu 30 842 voix ; Monsieur STIRBOIS 24 369.
Le seul grief fait par Monsieur DELEUIL candidat battu à ces élections vise le premier tour pour lequel sur les bulletins au nom de Monsieur d'ATTILIO mis à la disposition des électeurs, le nom du remplaçant de Monsieur d'ATTILIO, Monsieur ANDREONI, était suivi et non précédé de la mention suppléant et ce contrairement aux dispositions de l'article R. 103 du code électoral (qui dispose "Tout bulletin de vote imprimé à l'occasion de l'élection des députés à l'Assemblée nationale doit comporter le nom du candidat et l'une des mentions suivantes : "remplaçant éventuel", remplaçant, "suppléant éventuel" ou "suppléant" suivie du nom de la personne appelée à remplacer le candidat élu dans les cas de vacance prévus par l'article L.O. 176-1"...)
Se fondant sur les dispositions de l'article R. 105 selon lesquels les bulletins imprimés ne répondant pas aux conditions prévues par l'article R. 103 n'entrent pas en ligne de compte dans le dépouillement, Monsieur DELEUIL vous demande de réformer la proclamation des résultats faite par la commission de recensement, et de constater que Monsieur d'ATTILIO n'a obtenu aucune voix au premier tour de scrutin, et par voie de conséquence d'annuler le second tour.
La requête de Monsieur DELEUIL dirigée contre le premier tour pose un problème de recevabilité comme ses conclusions dirigées contre le même second tour dans sa deuxième requête.
Le premier tour n'a donné aucun résultat, et en principe une requête tendant à son annulation n'est pas recevable, par exemple :
A.N. C.C. - 2ème Circ. Seine - 4 décembre 1958, p. 78Seine - 2ème Circ. - 15 janvier 1963, p. 66
Réunion - 2ème Circ. - 27 juin 1973, p. 119
Gironde - 4ème Cric.
D'ailleurs Monsieur DELEUIL ne conclut nullement à la proclamation d'un élu au premier tour : cette proclamation n'aurait d'ailleurs pas pu intervenir, même si on l'avait suivi dans son argumentation : le retrait des 19 925 voix de Monsieur d'ATTILIO a des suffrages exprimés n'aurait permis à aucun des candidats restant en présence d'avoir la majorité absolue et d'être proclamé élu.
Il vous est proposé en conséquence d'opposer une fin de non recevoir aux conclusions de Monsieur DELEUIL dirigées contre le 1er tour de scrutin.
Mais Monsieur DELEUIL est recevable à critiquer les résultats du premier tour de scrutin pour conclure à l'annulation de l'élection du député élu au second tour : A.N. Paris, 31ème Circ. - 7 juin 1978, p. 130.
Sa deuxième requête qui tend principalement à l'annulation de l'élection de Monsieur d'ATTILIO au deuxième tour de scrutin, par le motif que ce dernier a été autorisé à tort à participer à ce deuxième tour dès lors qu'il n'avait obtenu aucune voix valable au premier tour est recevable.
Il vous suffira d'appliquer votre jurisprudence telle qu'elle a été confirmée par vos précédentes décisions du 21 juin 1988 statuant sur la régularité des élections dans les 1ère et 2ème circonscription de l'Oise.
Le fait que la mention "suppléant" ait suivi et non précédé le nom du remplaçant de Monsieur d'ATTILIO sur les bulletins mis à la disposition des électeurs au 1er tour de scrutin était sans incidence sur la validité de ces bulletins.
Il vous est donc proposé le rejet des requêtes de Monsieur DELEUIL.
Monsieur le Président : C'est du Beauvais.
Madame le Rapporteur : Oui, Monsieur le Président.
Monsieur VEDEL : Les bulletins ont donc été changés entre les deux tours ?
Madame le Rapporteur : Oui.
Madame le Rapporteur présente ensuite l'affaire n° 88-1047.
- N° 88-1047 : 1er et 2ème tour - 5 et 12 juin 1988.
1ère circonscription de la Réunion, requête de MM. FASTRE et SISCO.
Au premier tour des élections législatives dans la première circonscription de la Réunion neuf candidats étaient en présence : inscrits : 53 752. Votants : 29 422. Suffrages exprimés : 28 929.
Sur les 28 929 suffrages exprimés, Monsieur Auguste LEGROS arrivé en tête a obtenu 10 831 voix (37.43 % des suffrages) devant Gilbert ANNETTE, majorité présidentielle avec 8 544 voix (29.53 %), les autres candidats se sont répartis les voix, Messieurs SISCO, divers gauches et FASTRE, extrême droite, obtenant respectivement 227 et 208 voix.
Au deuxième tour Monsieur LEGROS a été élu avec 18 674 voix soit 53.22 % des suffrages exprimés.
Messieurs FASTRE et SISCO par une requête commune ont déposé un "recours en annulation éventuelle des élections législatives des 5 et 12 juin 1988 dans cette circonscription" :
1° Les conclusions dirigées contre le premier tour de scrutin paraissent irrecevables :
- on peut d'abord avoir un doute sérieux sur le respect du délai de dix jours imparti pour saisir le juge de l'élection par l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, la requête n'ayant été enregistrée à votre secrétariat le 17 juin 1988.
2° Mais surtout le premier tour de scrutin n'a donné lieu qu'à ballottage et vous n'admettez de la part des protestataires contre le déroulement des opérations électorales que des conlusions tendant à l'annulation de l'élection d'un parlementaire :
- voir jurisprudence citée dans l'affaire des Bouches-du-Rhône et par exemple :
A.N. 2ème Seine - 4 décembre 1958, p. 78
Seine 2ème - 15 janvier 1963, p. 66
Réunion 2ème - 27 juin 1973, p. 119
Gironde 4ème - 19 janvier 1982, p. 102.
Il vous est donc proposé d'opposer une fin de non recevoir aux conclusions de la requête de Messieurs FASTRE et SISCO contre le premier tour de scrutin qui n'a pas donné lieu à élection.
En revanche les conclusions dirigées contre l'élection de Monsieur LEGROS au deuxième tour de scrutin sont recevables. Messieurs FASTRE et SISCO peuvent se prévaloir éventuellement des irrégularités qui entacheraient le calcul des résultats du premier tour à l'appui d'une contestation dirigée contre le second tour : A.N. Paris 31ème Circ. - 7 juin 1978, p. 130 (voir affaire des Bouches-du-Rhône).
- Le seul moyen qu'ils invoquent est tiré de ce qu'au premier tour tous les bulletins utilisés par les neuf candidats, y compris eux-mêmes, donc, ne "semblent pas être en conformité avec les dispositions de l'article R. 103 du code électoral en ce qui concerne la disposition du texte concernant le suppléant". Comme vous le savez, la place de la mention "suppléant" ou "remplaçant" sur le bulletin de vote est en principe sans incidence sur sa validité... mais de surcroît en l'espèce les requérants ne vous indiquent même pas où se trouverait l'irrégularité. Ils vous envoient les neuf bulletins, à charge pour vous de bien vouloir procéder à leur examen, et, ajoutent-ils, se
Je vous propose de juger que sous cette forme et aussi peu développé, le moyen est trop imprécis pour vous permettre d'en apprécier la portée et d'exercer le contrôle qui vous est demandé.
J'ajoute que ces bulletins me paraissent tout à fait réguliers :
Le terme "suppléant" ou "remplaçant" précède bien le nom de la personne appeler
Il vous est proposé un projet de rejet de toutes les conclusions de la requête.
Monsieur le président : C'est incroyable !
Madame le Rapporteur présente l'affaire n° 88-1095.
- N° 8 8-1095 : Elections législatives du 12 juin 1988 , Vaucluse, 4ème circonscription. Protestation de Monsieur MARIANI.
Au deuxième tour de l'élection pour le siège de député qui eu lieu dans la 4ème circonscription du Vaucluse Monsieur GATEL, majorité présidentielle a été élu avec 26 026 voix, soit 50.57 % des suffrages exprimés, devant Monsieur MARIANI, U.R.C., 45 439 voix, soit 49.42 %.
Monsieur MARIANI, par une requête qui est recevable, demande l'annulation de l'élection de Monsieur GATEL et de son suppléant par un grief unique tiré de la non-conformité des bulletins de vote des élus aux dispositions de l'article R. 103 du Code électoral.
- Les questions posées par la présente affaire sont identiques, dans une situation inverse, à celles que vous avez examinées à l'occasion des requêtes contestant les résultats du premier tour de scrutin dans les 1ère et 2ème circonscriptions de l'Oise (décision du 21 juin 1988).
En premier lieu Monsieur MARIANI reproche à la Commission de recensement de ne pas avoir voulu user de ses pouvoirs de rectification des votes.
Je vous rappelle qu'aux termes de l'article L. 175 du Code électoral "le recensement général des votes est effectué pour toute circonscription électorale, au chef-lieu du département le lundi qui suit le scrutin, en présence des représentants des candidats, par une commission dont la composition et le fonctionnement sont précisés par un décret en Conseil d'Etat" .
Et l'article R. 100 dispose que "le
Selon votre jurisprudence, que votre décision sur les élections de l'Oise a maintenue, la compétence de la Commission de recensement s’étend à la vérification de la validité des bulletins : solution implicite : C.C. 19 décembre 1968, A.N. Hautes-Alpes, 1ère Circ., p. 164 ; C.C. 12 novembre 1981, A.N. Tarn-et-Garonne, 2ème Circ., p. 190 ; C.C. 3 juin 1986, A.N. Dordogne, p. 46.
Cette compétence ne porte que des rectifications matérielles sur les résultats, mais elle contraint la Commission à apprécier sous tous ces aspects la validité du bulletin utilisé. En revanche il ne lui appartient pas d'examiner le comportement des candidats et l'incidence des moyens utilisés, y compris au regard de la rédaction ou de la présentation des bulletins sur les résultats des élections. Il n'est pas sûr que la Commission de recensement du Vaucluse ait bien fait la distinction. Elle n'était saisie que d'une réclamation portant sur la validité des bulletins, qui relevait donc de sa compétence. Or elle raisonne en deux temps :
1° en indiquant que "les bulletins critiqués ne portent aucun signe d'identification des votes ; qu'ils sont conformes au modèle déposé par les candidats et admis par la Commission de propagande électorale ;
2° en ajoutant que "l'examen de l'incidence de l'ordre des mentions sur la validité des votes relève du contentieux de l'élection et non de celui du recensement ; qu'il convient en conséquence de se déclarer incompétent et de renvoyer les réclamants à mieux se pourvoir...". Si elle a entendu décliner sa compétence sur une appréciation des conséquences de la présentation du bulletin, sur la volonté de l'électeur et donc des résultats du vote, son raisonnement est juridiquement correct ; en revanche, si elle a refusé d'examiner la validité des bulletins, ce qui était la seule chose qui lui était demandée, au regard de la conformité de leurs mentions et présentation au regard de l'article R. 103 du code électoral, son raisonnement serait erroné.
Il est tentant d'interpréter la décision de la Commission dans le sens de l'exactitude juridique, mais ceci est sans grande importance :
Il vous suffit en effet puisque vous êtes saisi d'une contestation de l'élection de Monsieur GATEL de vous prononcer sur le grief relatif à la validité des bulletins mis à la disposition des électeurs sans avoir à statuer sur la manière dont la commission de recensement a usé de ses pouvoirs.
Aux ternes de l'article R. 103 du code électoral "tout bulletin de vote imprimé à l'occasion de l'élection des députés à l’Assemblée nationale doit comporter le nom du candidat et l'une des mentions suivantes : remplaçant, remplaçant éventuel, suppléant, suppléant éventuel, suivi du nom de la personne appelée à remplacer le candidat élu dans les cas de vacance prévus à l'article L.O. 176-1...".
Les bulletins mis à la disposition des électeurs portaient en-tête la mention majorité présidentielle pour la France unie, puis le nom du candidat : Jean GATEL, suivie de son titre de conseiller régional, puis en caractères légèrement plus petits le nom de Jean-Pierre LAMBERTIN suivie et non précédée de la mention "suppléant", et suivie enfin de la mention de sa qualité de maire de Lapalud.
- Comme dans les affaires de l'Oise, la circonstance que le nom du remplaçant de Monsieur GATEL ait été suivi et non précédé de la mention suppléant, doit rester sans incidence sur la validité du bulletin même s'il en résulte une méconnaissance de l'article R. 103 et bien que l'article R. 105 exclut en principe du dépouillement les bulletins imprimés ne répondant pas aux conditions visées â l'article R. 103.
Monsieur MARIANI soutient également que les bulletins de Monsieur GATEL ne comportaient aucune mention précisant la nature et la date du scrutin et qu'il pouvait en résulter "une ambiguïté faisant planer un doute dans la pensée des électeurs les moins avertis sur la nature, le type et la date des élections". Le grief n'est pas sérieux. Aucune disposition du code électoral n'impose de mentionner la date et la nature du scrutin sur les bulletins de vote mis à la disposition des électeurs, ni n'obligent les candidats à porter ces informations à la connaissance des électeurs.
Vous jugez d'ailleurs qu'une erreur commise sur les bulletins quant à la date du scrutin reste en principe sans influence sur leur validité : A.N. Tarn-et-Garonne, 2ème, 12 novembre 1981, p. 190.
Vous permettez l'utilisation du second tour de bulletins imprimés pour le 1er tour : 28 novembre 1968, A.N. Basses Alpes, 1ère Circ., p. 143 ; 5ème Circ., Isère, 19 décembre 1968, p. 165 ou 12 juillet 1978, A.N. Paris, 16ème, p. 215.
L'absence de date ou d'indication sur la nature du scrutin est donc sans influence tant sur la validité des bulletins que sur la régularité de l'élection.
Je vous propose donc un projet rejetant la requête de Monsieur MARIANI.
Monsieur le Président : Il s'agit de l'application d'une jurisprudence constante. Merci pour votre patience en présence de ce type de requêtes.
La séance est suspendue dix minutes.
Puis l'ordre du jour est poursuivi avec la présentation du rapport de Monsieur FABRE sur la modification de l'article 19 du réglement de l'Assemblée nationale.
Monsieur FABRE présente le rapport suivant :
"Le Président de l'Assemblée nationale nous a transmis, conformément aux dispositions de l'article 61, alinéa 1er, de la Constitution, la résolution du 1er juillet 1988 modifiant l'article 19 du réglement de l'Assemblée nationale afin que nous examinions sa conformité à la Constitution.
L'article unique de cette résolution dispose : "Dans le premier alinéa de l'article 19 du règlement de l’Assemblée nationale, les mots : "moins de 30 membres" sont remplacés par les mots : "moins de 20 membres". Il s'agit, comme vous le savez, d'abaisser de 30 à 20 le nombre minimum de députés requis pour la formation d'un groupe.
Avant d'examiner la question de la conformité à la Constitution du contenu de cette résolution, peut-être faut-il s'arrêter un instant sur des questions de régularité formelle.
-oOo-
Les interrogations sur la régularité formelle de la résolution naissent de la chronologie des élections et des conditions de la réunion de plein droit de l'Assemblée nationale.
Les élections ont eu lieu en France métropolitaine et dans les D.O.M. T.O.M., sauf la Polynésie, les 5 et 12 juin 1988. Elles ont eu lieu en Polynésie les 12 et 26 juin 1988.
L'Assemblée nationale s'est réunie de plein droit le 23 juin 1988 en application des dispositions de l'article 12 de la Constitution selon lesquelles : "l'Assemblée nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection". A cette date les élections n'étaient pas terminées en Polynésie et ses représentants n'ont donc pas pu siéger le 23 juin 1988.
Au vu de ces éléments on pourrait parfaitement soutenir que l'Assemblée nationale ne pouvait valablement se réunir de plein droit qu'à compter du jeudi 7 juillet. En conséquence, une résolution adoptée par elle le 1er juillet se trouverait ipso facto entachée d'irrégularité.
Ce n'est cependant pas cette solution que je vous propose d'adopter car elle déboucherait sur un formalisme qui me semble excessif.
Deux raisons sous-tendent ma conviction.
En premier lieu, il n'est pas évident que le contrôle que le Conseil constitution
Il me semble que le contrôle du Conseil ne doit pas remonter trop en amont et qu'il doit porter avant tout sur les conditions d'adoption du texte par la ou les assemblées. Or, au cas présent, la proposition de résolution a été adoptée à l'unanimité.
En deuxième lieu, on ne peut manquer d'observer qu'à la date du 1er juillet, les élections avaient eu lieu en Polynésie française. L'Assemblée nationale était donc au complet. Ainsi, à supposer même que l'article 12 de la Constitution n'ait pas été correctement appliqué, cette circonstance n'a pas eu pour conséquence, au cas présent, de frapper de nullité la résolution adoptée par l’Assemblée nationale le 1er juillet.
-oOo-
Sur le fond, la résolution adoptée par l’Assemblée nationale ne me paraît en rien contraire à la Constitution.
A la différence de la Constitution de 1946 qui se référait aux groupes parlementaires dans plusieurs de ses articles, la Constitution de 1958 n'y fait aucune référence explicite.
Aucune loi organique ne mentionne non plus l'existence des groupes parlementaires.
Le seul texte opposable à une assemblée lors de l'élaboration de son réglement qui fasse mention des groupes est l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Les articles 6 bis et 6 ter de l'ordonnance, tels qu'ils résultent de lois postérieures, indiquent que les membres des délégations parlementaires sont désignés de façon à assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques ;
En cet état des textes de valeur constitutionnelle opposables aux assemblées, celles-ci jouissent d'une grande latitude pour la fixation par leur réglement des conditions de formation des groupes parlementaires.
Tout au plus, peut-on relever que deux décisions du Conseil constitutionnel ont songé à se référer, à propos de la formation des groupes parlementaires, aux dispositions de l'article 4 de la Constitution.
On sait qu'aux termes de l'article 4 : "Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie".
Sur le fondement de ce dernier texte, le Conseil a, par une décision du 24 juin 1959, censuré une disposition du réglement de l’Assemblée nationale qui entendait donner un droit de contrôle de cette Assemblée sur le point de savoir si un groupe parlementaire qui entendait se constituer respectait ou non les principes de la démocratie.
Toujours sur le fondement de l'article 4, une décision du 18 mai 1971 n'a admis la conformité à la Constitution d'une disposition du réglement du Sénat obligeant les groupes à rendre publique une déclaration politique que pour autant qu'elle n'emporte aucun contrôle sur le contenu de cette déclaration.
Ces décisions reposent sur l'idée que la liberté de formation des partis et groupements politiques proclamée par l'article 4 de la Constitution implique que la formation des groupes parlementaires soit
Au cas présent, est seule en cause la fixation d'un critère objectif.
Si le nombre fixé par le réglement d'une Assemblée pour la formation d'un groupe était particulièrement élevé, il pourrait y avoir une méconnaissance de l'article 4 de la Constitution.
En sens inverse, l'abaissement du seuil va dans le sens d'une plus grande liberté. Le nombre de 20 retenu par la résolution ne me paraît en rien contraire à la Constitution de 1958.
On se rapproche ainsi du nombre de 14 qui avait été adopté pour la IVème République. A l'époque, Monsieur LECOURT avait proposé de porter le seuil à 50 députés. Mais il se plaçait sur le plan de l'opportunité et non sur celui de la constitutionnalité.
Aujourd'hui, nous n'avons pas à statuer en opportunité, mais en droit.
J'ai donc l'honneur de soumettre à votre approbation un projet reconnaissant la conformité à la Constitution du texte qui nous est soumis."
Monsieur le Président : Messieurs, la discussion est ouverte... (absence d'observations), elle est fermée.
Lecture du projet, adopté.
Monsieur FABRE présente ensuite à 12 h 28 son rapport sur la demande de déclassement émanant du Premier ministre :
"Le Premier ministre nous a demandé le 6 juillet 1988, dans les conditions prévues à l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, d'apprécier la nature juridique des dispositions contenues dans les mots "du ministre des affaires culturelles" aux articles 9, alinéa 1 et 12 de la loi du 2 mai 1930, dans la rédaction qui leur a été donnée par la loi n° 67-1174 du 28 décembre 1967.
Nous sommes compétents pour statuer sur cette demande puisque les dispositions qui nous sont soumises résultent en totalité d'une loi postérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution."
-oOo-
"La loi du 2 mai 1930, modifiée principalement par celle du 28 décembre 1967, dont le titre est celui de loi "ayant pour objet de réorganiser la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire et pittoresque" constitue le texte de base en matière de protection des monuments naturels et des sites. Cette protection est assurée, soit par l'inscription du monument naturel ou du site à l'inventaire, soit par son classement. Le classement assure une protection plus efficace que l'inscription : alors que l'inscription entraîne sur les terrains en cause, seulement l'obligation pour les propriétaires de ne pas procéder à des travaux autres que ceux d'exploitation courante ou d'entretien normal sans avoir avisé quatre mois â l'avance l'administration de leur intention, les monuments naturels et les sites qui ont été classés ne peuvent être ni détruits ni modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale du ministre des affaires culturelles, après avis de la commission départementale des sites et, si le ministre le juge utile, de la commission supérieure.
Comme je l'ai indiqué, ce sont seulement les articles 9, alinéa 1, et 12 de la loi de 1930, dans la rédaction issue respectivement des articles 6 et 7 de la loi du 28 décembre 1967, qui sont en cause devant nous et la saisine ne porte, pour chacun de ces articles, que sur un membre de phrase, à savoir les mots "du ministre des affaires culturelles".
Ces deux articles concernent, non l'inscription à l'inventaire, mais le classement des monuments naturels et des sites.
L'article 9, alinéa 1, dispose que, à compter du jour où l'administration des affaires culturelles notifie au propriétaire d'un monument naturel ou d'un site son intention d'en poursuivre le classement, aucune modification ne peut être apportée à l'état des lieux ou à leur aspect pendant un délai de douze mois, sauf autorisation spéciale du ministre des affaires culturelles. Le Conseil a jugé dans une décision n° 69-55 L du 26 juin 1969 que cette autorisation devait être expresse. Dans la présente affaire c'est la désignation du ministre des affaires culturelles comme autorité chargée de donner l'autorisation qui nous est soumise.
L'article 12 de la loi prévoit que les monuments naturels ou les sites classés ne peuvent ni être détruits, ni être modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale du ministre des affaires culturelles donnée après avis de la commission départementale des sites et, chaque fois que le ministre le juge utile, de la commission supérieure.
Ici encore, nous ne sommes saisis que de la désignation du ministre des affaires culturelles en tant qu'autorité habilitée à délivrer l'autorisation.
Il y a lieu de rappeler que cet article 12 a déjà été soumis au Conseil constitutionnel en tant qu'il dispose que l'autorisation spéciale du ministre est donnée "après avis de la commission départementale des sites, perspectives et paysages et, chaque fois que le ministre le juge utile, de la commission supérieure". Par une décision n° 69-53 L du
27 février 1969 (Recueil 1969, p. 23), le Conseil a jugé que cette disposition relevait du domaine réglementaire, car cet avis, purement consultatif pour l'exercice d'une compétence de l'Etat, ne mettait en cause ni les principes fondamentaux du droit de propriété, ni aucun des autres principes fondamentaux ou règles que l'article 34 a placés dans le domaine de la loi.
-oOo-
Les déclassements proposés s'inscrivent dans le cadre d'une politique de déconcentration comme l'explique le Gouvernement.
Sur le plan juridique, le dossier ne soulève pas de difficulté majeure.
Les dispositions contenues dans les mots "du ministre des affaires culturelles" aux articles 9, alinéa 1, et 12 de la loi modifiée du 2 mai 1930, qui ont pour objet de désigner l'autorité administrative habilitée à exercer, au nom de l'Etat, des attributions relevant de la compétence du pouvoir exécutif, ont manifestement un caractère réglementaire.
Une très abondante jurisprudence du Conseil constitutionnel est dans ce sens. Je me bornerai à citer une décision que nous avons rendue précisément à propos d'une disposition de la loi du 2 mai 1930 modifiée par celle du 28 décembre 1967. Il s'agissait de la désignation, en la personne du ministre des affaires culturelles, de l'autorité compétente pour prononcer, au nom de l'Etat, l'inscription des monuments naturels et des sites. Nous avons reconnu à cette disposition un caractère réglementaire. (Décision n° 70-59 L du 23 février 1970 - Recueil 1970, p. 33 ).
En conclusion, j'ai l'honneur de proposer au Conseil constitutionnel de reconnaître un caractère réglementaire aux deux dispositions qui nous sont soumises."
Monsieur le Président : Pourquoi est-ce que cette demande de déclassement intervient à cette période de l'année ?
Monsieur le Secrétaire général : Nous avons été saisis le 6 juillet et nous devons statuer dans le délai d'un mois. C'est la marche normale des administrations.
Monsieur le Président : Cela manifeste-t-il une soudaine énergie (?) En tout cas c'est une curiosité. Merci Monsieur le rapporteur pour ce bel effort... C'est un sujet relativement divertissant.
La séance est levée à 12 h 35 pour être reprise à 14 h 30, en l'absence de Monsieur JOZEAU-MARIGNE.
-oOo-
Monsieur le Secrétaire général présente le rapport suivant :
Monsieur le Président, Messieurs les conseillers,
Le Conseil constitutionnel va devoir examiner les comptes de campagne des candidats à l'élection présidentielle.
Il s'agit là d'une innovation qui résulte de la loi organique du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.
En effet, en vertu de l'article 2 de cette loi organique, qui complète l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 :
"Dans les soixante jours qui suivent le tour de scrutin où l'élection a été acquise, chaque candidat présent au premier tour adresse au Conseil constitutionnel le compte de sa campagne, accompagné des pièces mentionnées au premier alinéa de l'article L.O. 179-1 du code électoral."
C'est sur le fondement de ce texte qu'ont été déposés au Conseil des comptes de campagnes :
- Le premier à être remis a été celui de Monsieur LAJOINIE, le 14 juin, à 14 h 30 ;
- Le dernier, chronologiquement, a été celui de Monsieur JUQUIN, le 7 juillet à 15 h 30.
Conformément aux directives arrêtées par le Conseil, le 21 juin, l'examen des comptes de campagne a été confié aux rapporteurs-adjoints, en sollicitant les membres de la Cour des comptes plus encore que ceux du Conseil d'Etat.
Les rapporteurs-adjoints se sont mis au travail dès qu'ils ont reçu les comptes. Ils ont éprouvé le besoin de confronter leur points de vue au cours d'une réunion de travail que j'ai organisée le lundi 11 juillet au matin.
Au cours de cette réunion, la nécessité est apparue de faire précéder l'examen par le Conseil, des comptes de chacun des candidats, d'une présentation d'ensemble.
C'est ce que je vais m'efforcer de faire brièvement devant vous. Mon propos s'ordonne autour de trois points essentiels :
- Tout d'abord, il est nécessaire de rappeler brièvement la législation applicable ;
- Ensuite, nous verrons quelle peut être l'étendue du contrôle exercée par le Conseil ;
- Enfin, il conviendra d'envisager comment peut se traduire à l'extérieur le contrôle exercé par le Conseil.
-o0o-
I. En ce qui concerne la législation applicable, il me paraît utile de revenir brièvement, et sur les dispositions du chapitre II du titre 1er de la loi organique du 11 mars 1988, et sur les principaux problèmes touchant à l'interprétation du texte qui se sont posés aux rapporteurs-adjoints.
1.1 On peut résumer le contenu du texte en soulignant qu'il fait peser diverses obligations sur les candidats à l'élection présidentielle, tant en prévoyant corrélativement un concours financier de l'Etat.
a) Les obligations sont les suivantes :
- C'est d'abord l'obligation de respecter le plafonnement des dépenses de campagne, autres que les dépenses de propagande directement prises en charge par l'Etat : 120 millions de francs et 140 millions de francs pour les deux candidats présents au second tour ;
- C'est ensuite l'obligation pour chaque candidat d'établir un compte de campagne ;
- C'est enfin l'obligation corrélative de l'adresser au Conseil constitutionnel accompagné de pièces justificatives.
b) Dès lors que ces obligations sont respectées, l'Etat doit en principe prendre à sa charge une partie des dépenses de campagne.
L'ampleur du remboursement varie selon que le candidat a ou non obtenu plus de cinq pour cent du total des suffrages exprimés au premier tour :
- si le seuil n'est pas dépassé, le remboursement s'élève à 1/20 du plafond des dépenses, soit six millions ;
- si le seuil est dépassé, le remboursement est égal au 1/4 du plafond, soit trente millions et même trente-cinq millions pour les candidats présents au second tour.
1.2 Les problèmes d'interprétation posés par la loi ne sont pas minces comme le montreront les rapporteurs-adjoints.
Pour l'essentiel, ces problèmes sont de trois ordres :
a) Le premier problème touche à la définition des dépenses de campagne :
- Comme on le sait, la loi organique est intervenue à un moment où la campagne électorale était déjà en cours. Ainsi bien, son article 13 a-t-il prévu que pour l'élection présidentielle de 1988 le compte de campagne couvre la période comprise entre la date de publication de la loi (12 mars) et la date du scrutin ;
- Lors de l'examen du mémento du candidat préparé par le ministre de l'Intérieur, le Conseil constitutionnel sur le rapport de Monsieur Robert FABRE, a considéré que par dépenses de campagne il y avait lieu d'entendre les dépenses qui correspondent à des actions se situant dans la période considérée ; qu'elle que soit le date à laquelle ces dépenses ont été engagées ou payées.
Cette interprétation a été reprise par l'ordre des experts comptables. Sa mise en oeuvre sur le plan pratique n'a pas été complète. Comme vous l'exposeront les rapporteurs adjoints :
- des candidats ont inclus dans leurs comptes de campagne des dépenses effectuées en février et dont on peut penser qu'elles n'ont eu d'effet que dans l'instant : meeting en province par exemple ;
- des candidats non présents au second tour, ont inclus des dépenses effectuées entre les deux tours, pratique qui est envisagée par le mémento du candidat au détour d'une phrase, dont se prévaut le mandataire de Monsieur BARRE ;
- enfin, des candidats ont inclus dans le compte de campagne des achats de matériels, qui sont restés leur propriété, une fois la campagne close.
Vous verrez que cette dernière question n'est pas simple car, pour certains matériels, l'acquisition peut s'avérer moins onéreuse que la location.
b) Le deuxième problème d'interprétation, auquel ont été confrontés les rapporteurs-adjoints concerne le point de savoir si les concours que les candidats ont reçu ou s'attendent à recevoir de l'Etat, doivent figurer dans le compte de campagne parmi les recettes.
Vous verrez que le problème se pose à propos :
- du remboursement du cautionnement de 10 000 F, qui est expressément prévu par l'article 3-V de la loi du 6 novembre 1962, au profit des candidats qui ont obtenu au moins cinq pour cent des suffrages exprimés ;
- de la prise en charge directe par l'Etat, sur le fondement de l'article 17 du décret du 14 mars 1964, du coût des bulletins de vote et des affiches officielles ;
- enfin, le candidat peut-il anticiper dans son compte de campagne sur le remboursement forfaitaire, attendu de l'Etat sur le fondement de la loi organique du 11 mars 1988... Cela me paraît difficile à admettre eu égard à la lettre du texte.
c) Un troisième problème a trait aux justificatifs susceptibles d'être exigés.
Il résulte des dispositions combinées des articles 2 et 10 de la loi organique que le compte de campagne adressé au Conseil constitutionnel doit être :
"accompagné des justificatifs (des) recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par (le candidat) ou par son mandataire."
Comme vous pourrez le constater, tous les justificatifs n'ont pas été produits, même si, le plus souvent, ils ont été mis à la disposition du rapporteur-adjoint chargé du dossier.
Surtout, les rapporteurs-adjoints ont souligné la valeur probante très inégales des pièces justificatives. L'imprécision la plus grande, concerne côté recettes, les DONS.
II. A travers cette dernière interrogation, se pose en fait une question majeure touchant à l'étendue du contrôle du Conseil constitutionnel sur les comptes de campagne.
La question avait déjà été soulevée par Monsieur le Président MAYER le 10 mars dernier, lors de l'examen de la constitutionnalité de la loi organique.
Trois types de raisonnement sont concevables.
2.1 Un premier type de raisonnement pourrait consister à soutenir que la loi organique ne prévoit explicitement aucune possibilité de contrôle.
Les textes applicables sont on ne peut plus imprécis.
Comme je l'ai déjà dit, chaque candidat présent au premier tour de scrutin doit adresser au Conseil constitutionnel le compte de sa campagne dans les soixante jours qui suivent le tour de scrutin où l'élection a été acquise. Ce compte de campagne doit être accompagné de pièces justificatives.
Pour le surplus, le texte indique que "les comptes de campagne des candidats sont publiés au Journal Officiel... dans les dix jours suivant l'expiration du délai...".
A partir de textes aussi laconiques, le Conseil constitutionnel pourrait se borner à contrôler l'existence du compte de campagne et la réalité matérielle des pièces justificatives, avant transmission au Journal Officiel aux fins de publication des comptes de campagne proprement dits.
Ce type d'approche me paraît très réducteur des pouvoirs du Conseil. On ne pourrait le retenir qu'à défaut d'autre solution.
2.2 A l'opposé de cette attitude d'extrême prudence, il serait possible de préconiser un contrôle étendu du Conseil. S'il est saisi des comptes de campagne et de pièces justificatives, n'est-ce pas pour les examiner de façon approfondie ?
Les rapporteurs adjoints, spécialement ceux qui sont membres de la Cour des Comptes, sont partis de cette idée... Mais chemin faisant, ils ont renoncé, ceci pour plusieurs raisons :
- impossibilité matérielle de procéder à un contrôle exhaustif... alors surtout que pour trois candidats, le compte de campagne a été déposé le 7 juillet ;
- imprécision du cadre légal applicable ;
- difficulté de procéder à une modification des comptes sans mise en oeuvre d'une procédure contradictoire... or le délai imparti au Conseil pour prendre position est bref...
2.3 Entre le contrôle de l'existence et le contrôle approfondi qui est difficilement réalisable, il semble qu'une voie moyenne puisse être trouvée.
a) Elle passe, me semble-t-il, vers un contrôle de cohérence d'ensemble des différents comptes qui s'appuie sur une même interprétation des textes, quel que soit le candidat concerné. D'où l'intérêt de trouver une réponse sûre aux questions juridiques que j'ai énumérées précédemment. Le contrôle de cohérence peut avoir pour conséquence d'exclure certaines dépenses du compte de campagne et partant de réduire le montant du remboursement forfaitaire.
b) A ce contrôle de cohérence fondé sur l'interprétation des textes, peut s'ajouter une réflexion sur les possibilités d'amélioration du dispositif législatif issu de la loi organique du 11 mars 1988. A cet égard, les rapporteurs adjoints ont retenu :
- la nécessité de rendre applicable à l'élection présidentielle l'article L.O. 163-4 du code électoral qui prohibe toute contribution ou aide matérielle d'un Etat étranger ou d'une personne physique ou morale de nationalité étrangère ;
- l'utilité de mieux préciser la portée du renvoi fait par les textes applicables à l'élection présidentielle à l'article L.O. 179-1 du code électoral. Non seulement la présentation du compte par un expert-comptable devrait être exigée, mais, de plus, l'expert devrait certifier les comptes ;
- l'accent a été mis également sur le fait que les candidats devraient être tenus d'ouvrir un ou plusieurs comptes exclusivement réservés à la campagne électorale... ;
- en dernier lieu, il a semblé aux rapporteurs adjoints que le mécanisme mis en place par la loi organique risquait d'être largement inefficace dans la mesure où un parti ou un groupement extérieur à un candidat pouvait développer des actions en faveur de ce candidat, hors compte de campagne.
III. Une fois que le Conseil aura pris position et sur l'interprétation à donner aux textes, et sur l'étendue de ses compétences en matière de contrôle des comptes comme de propositions de réforme, il lui restera à traduire vis à vis des pouvoirs publics et des candidats ses prises de position.
A cet égard, je me limiterais à trois brèves observations :
3.1 En premier lieu, au terne de l'examen auquel le Conseil aura procédé, une lettre d'envoi des comptes de campagne devra être adressée au Premier ministre aux fins de publication des comptes de campagne au Journal Officiel.
3.2 En second lieu, pour le cas où le Conseil serait appelé à remettre en cause sur tel ou tel point, les comptes de campagne, il me semble qu’il lui faut MOTIVER sa position, c'est-à-dire en indiquer les raisons de fait et de droit. Cette motivation doit être portée à la connaissance de chaque candidat et du Gouvernement.
Dans un souci de clarté, je pense qu'il serait souhaitable que la position adoptée par le Conseil constitutionnel soit publiée au Journal Officiel en même temps que les comptes de campagne.
3.3 En troisième lieu, si le Conseil devait faire des propositions tendant à la modification de la législation présentement en vigueur, ces propositions devraient à mon avis être rattachées à son rapport d'ensemble sur l'élection présidentielle, dont le Conseil a déjà eu à débattre le 8 juin dernier. Ce rapport est destiné au Président de la République et au ? Premier ministre.
Voilà les quelques réflexions liminaires qu'il m'a paru possible de vous livrer, avant de céder la place à Messieurs les rapporteurs adjoints, dont les exposés concrétiseront une introduction quelque peu abstraite.
Monsieur le Président : "Merci pour ces précisions sur des questions très importantes.
Nos observations intéresseront tout le monde : les juristes comme le monde politique. Il y a beaucoup d'argent en cause, c'est une première et je suis inquiet que l'on trouve des investissements d'un montant aussi important comme normaux. Les grands bénéficiaires en sont les publicitaires, c'est leur champ de pétrole. Ils sont déjà maîtres de la culture française par l'intermédiaire de la Télévision où l'on ne se trouve pas devant le "mieux disant" culturel, mais tout simplement devant le "non disant" culturel et le mieux disant publicitaire. On assiste donc à une emprise extraordinaire des conseils en publicité sur la vie politique.
Tout cela se réalise dans une indifférence complète de l'opinion publique, car ces phénomènes de première grandeur sont encore mal perçus.
Je suis convaincu que le Conseil constitutionnel a intérêt à se montrer très rigoureux sauf à se transformer en simple expéditeur des comptes. Il faut donc le maximum de clarté et de précision dans nos investigations sans pour autant nous transformer en experts-comptables".
Monsieur LECOURT : "A la suite des dépôts y-a-t-il eu des questions posées aux candidats ou à leurs mandataires ? Il ne faudrait pas que les candidats se trouvent devant des critiques qu'ils n'auraient pas connues, ce qui poserait la question du respect du contradictoire".
Monsieur le Secrétaire général : "J'ai reçu moi-même les mandataires des candidats lors du dépôt du compte de campagne. Les rapporteurs ont rencontré les experts-comptables qui ont établi les comptes et ils ont fait pour le mieux dans des délais très brefs".
-oOo-
Monsieur GANSER est introduit dans la salle. La parole lui est donnée pour la présentation des comptes de campagne de Monsieur BOUSSEL.
Monsieur le rapporteur rappelle que le total des dépenses de campagne du candidat s'élève à 3 996 295 F. Ce montant concerne les dépenses "hors article R. 39", les recettes étant constituées par les avances de partis et de fournisseurs. L'expert-comptable a rejeté certaines dépenses par ailleurs.
Monsieur le rapporteur présente ensuite trois observations générales :
1° le plafond de 120 millions a été respecté ;
2° le compte est soigneusement établi et correctement justifié ;
3° certaines dépenses intervenues après le 11 mars n'ont pas été prises en compte faute de justificatifs (6 à 600 000 F).
Monsieur le Président : "Cela se retrouve des justificatifs (!)".
Monsieur GANSER, rapporteur : "Les dépenses sont très décentralisées et il s'agit de dépenses d'un montant unitaire faible."
Le rapporteur aborde alors le problème de certaines dépenses rejetées par l'expert-comptable (100 376 F). Trois questions se posent :
- l'une concerne les dépenses engagées avant le 11 mars et après le 8 mai ;
- l'autre les dépenses engagées entre les deux tours.
A concurrence de 42 129 F, elles n'ont pas été prises en compte, pour 40 917 F il s'agit de frais facturés après le premier tour mais correspondant à des dépenses engagées avant.
Monsieur le Président : "Ce sont des dépenses contractées avant mais payées après, on doit en tenir compte. C'est la date de réalisation de l'opération qui importe".
Monsieur le rapporteur : "Enfin, il y a 1 850 F de dépenses non justifiées. Il s'agit d'une dépense globale mais qui correspond à des montants unitaires inférieurs à 200 F. On pourrait réintégrer cette dépense dans l'assiette des dépenses remboursables car de telles sommes n'ont pas à être justifiées.
En dehors des observations générales et du rejet par l'expert-comptable de certaines dépenses cinq questions paraissent se poser en ce qui concerne la nature des dépenses.
- Les dépenses engagées peuvent être couvertes par une souscription. Il y a un partage difficile à établir entre ce qui est avancé et ce qui est souscrit. La souscription conduit à un enrichissement.
- Les dépenses engagées pour rassembler les signatures nécessaires pour la candidature ont été intégrées dans les dépenses de campagne.
Monsieur le Président : "Il ne s'agit pas de dépenses de campagne me semble-t-il".
Monsieur MAYER : "Mais si, sinon la candidature n'est pas possible, surtout pour les petits candidats".
Monsieur le Président : "On doit s'en tenir aux dépenses engagées par le candidat et non par le candidat à la candidature".
Monsieur FABRE : "500 signatures cela demande des démarches qui coûtent. Il faut envoyer au moins mille lettres".
Monsieur le Président : "Bon, ... d'accord finalement".
Monsieur le rapporteur souligne par ailleurs que Monsieur BOUSSEL a intégré des frais de cure à Enghien-les-Bains (527, 35 F).
Monsieur le Président : "Si c'est médical, il faut une justification".
Monsieur FABRE : "Pour les dépenses au casino, on pourrait avoir des doutes !".
Monsieur le Président : "Si ce sont des soins pour la gorge, par exemple, cela pourrait être pris en compte sur justification".
Monsieur VEDEL : "La campagne c'est la voix des autres, pourquoi pas la sienne ? N'y-a-t-il pas un remboursement par la sécurité sociale ?".
Monsieur FABRE : "Ce genre de dépense doit être pris en charge par la sécurité sociale".
Monsieur le Président : "Le candidat doit être en forme constamment, une dépression nerveuse serait par exemple catastrophique... On peut concevoir la prise en compte dans ces conditions".
Monsieur MAYER : "Nous ne sommes pas la sécurité sociale. Cela n'a rien à voir avec la campagne".
Monsieur le Président : "Moi je pense que si".
Monsieur le Secrétaire général : "Il y a là un problème d'imputabilité que l'on rencontre souvent clans le contentieux administratif. Ainsi, s'il s'agit d'une cure habituelle on peut difficilement retenir les frais de cure comme une dépense de campagne. En revanche, si la cure est justifiée par le traitement d'une voix fatiguée à cause des efforts déployés pendant la campagne, pourrait être alors envisagée la prise en compte dans les dépenses de campagne. C'est donc une question de plausibilité de la dépense qui se pose avec, en outre, un problème de charge de la preuve. Le Conseil constitutionnel doit-il prendre en compte ce qui est suffisamment plausible ou lui faut-il exiger dans chaque cas des justifications ? Le problème ne va pas se poser seulement pour les frais de cure".
Monsieur le Président : "Si c'est lié à la campagne, certes... Mais comment le savoir ?".
Monsieur VEDEL : "Il y a une présomption de facto si c'est raisonnable !" .
Monsieur MAYER : "Quelle est la date de la cure ?".
Monsieur GANSER : "Les 7 et 8 avril".
Monsieur le Président : "C'est après l'ouverture de la campagne".
Monsieur MAYER : "Je répète que nous ne sommes pas une caisse de sécurité sociale".
Monsieur le Président : "Avant les affiches, il y a la voix".
Monsieur FABRE : "A quoi est destinée cette loi ? Il s'agit d'établir une égalité de chances entre les candidats certes, mais pour les frais normaux. Il ne s'agit pas d'une prise en charge des candidats dans tous les aléas. Pourquoi pas la prise en charge des frais de "lifting" pour amélioration du visage ?".
Monsieur le Président : "La question est sérieuse. La campagne c'est l'art de séduire avec ce que cela implique ; ce qui manque un peu ici c'est le lien de causalité. Est-ce que c'est justifié Monsieur le rapporteur ?".
Monsieur GANSER : "Difficile à établir à partir d'une simple pièce comptable".
Monsieur le Président : "Si le justificatif est insuffisant, il ne faut pas tenir compte de la dépense".
Monsieur le Secrétaire général : "On pourrait peut-être momentanément réserver la réponse afin de permettre au Conseil d'avoir une vue d'ensemble sur le problème des justificatifs...".
Monsieur le Président : "Très bien... de minimis curat concilium ! Poursuivez Monsieur le rapporteur".
Monsieur GANSER aborde le problème de la caution. Faut-il admettre que la dépense qui en résulte figure au compte ?
Monsieur VEDEL : "C'est difficile à admettre. La caution est un frein aux candidatures, c'est une sorte de ticket modérateur qui doit être supporté par le candidat".
Monsieur le Président : "Oui. C'est une sorte de pari du candidat sur ses chances, pas une dépense de campagne".
Monsieur le Secrétaire général : "C'est une question embarrassante. Faut-il faire prévaloir la "lex spécialis" de 1962 sur les dispositions très générales de 1988 qui précisent que le compte de campagne doit comporter "toutes les dépenses" ? La position de Monsieur le Doyen VEDEL complique un peu les choses... Comment appréhender une totalité avec certaines exclusions ?".
Monsieur Georges VEDEL : "Quelle est la nature juridique de ces textes ?".
Monsieur le Secrétaire général : "Ce sont des textes de valeur organique : loi de 1962 (art. 3-V) et loi organique du 11 mars 1988".
Monsieur VEDEL : "Donc on ne peut admettre l'abrogation implicite".
Monsieur MAYER : "Sur un plan moral et humain, c'est l'inverse qui devrait être prévu : le remboursement pour ceux qui ont eu moins de 5 % des voix et non pour ceux qui ont eu plus".
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : "Quelle est l'origine de la caution ?".
Monsieur le Secrétaire général : "Elle a répondu en 1962 à un souci de dissuasion ; c'était pour écarter les candidatures fantaisistes. Mais la logique de la loi organique de 1988 est différente... elle vise bien "l'ensemble des dépenses"... le législateur de 1988 n'a pas vu le problème".
Monsieur MAYER : "10 000 F aujourd'hui, ce n'est plus dissuasif du seul fait de l'augmentation du coût de la vie... La caution a donc changé de caractère".
Monsieur le Président : "La lecture du texte confirme bien qu'il s'agit de l'ensemble des recettes et de l'ensemble des dépenses".
Monsieur VEDEL : "Je ne me ferai pas tuer pour une interprétation plutôt que l'autre !".
Monsieur le Président : "Il faut donc prendre en compte la caution...".
Monsieur le rapporteur aborde alors le problème de l'achat par le candidat de petit matériel (20 micro-ordinateurs : 100 000 F). Le candidat a tenu compte de la totalité de la valeur en dépense, alors qu'il s'agit d'éléments d'actif durables qui pourront être utilisés après la campagne... N’y-a-t-il pas, dès lors, une forme d'enrichissement ? Mais il n'est pas certain que la location aurait été moins onéreuse.
Monsieur le Président : "L'opération est évidente !".
Monsieur VEDEL : "Cela me rappelle la location d'un cheval pour le tournage d'un film. Le matériel acheté ne peut être pris en compte pour la totalité de sa valeur... Il est difficile de recourir à la technique fiscale de l'amortissement. Dans certains cas, il peut y avoir amortissement de fait et valeur résiduelle nulle (!). Il faut dont
Monsieur le Président : "On devrait s'orienter vers un coefficient de revente. La solution n'est pas simple mais il faut éviter le bénéfice... quid de l'achat d'un avion par exemple ?".
Monsieur GANSER : "En l'espèce, l'amortissement serait d'un an et la campagne étant de deux mois on pourrait retenir le 1/6 de la valeur ?".
Monsieur le Président : "On ne peut rembourser entièrement. Qu'est-ce que deviennent ces ordinateurs ?".
Monsieur GANSER : "Ils seront utilisés par le parti pour ses propres besoins".
Monsieur le Secrétaire général : "Peut-être faut-il là aussi réserver la réponse, un problème identique est traité par Monsieur MARTIN-LAPRADE dans son rapport sur les comptes de campagne de Monsieur MITTERRAND. En tout cas, le Conseil paraît être d'accord pour dire qu'un pourcentage seulement de la dépense doit être retenu. Il faut tenir compte de la valeur résiduelle.
Monsieur le rapporteur aborde une dernière question relative à l'imputation au compte de campagne de frais engagés par l'association pour l'information ouvrière (A.P.I.O.) qui facture la mise à la disposition du candidat de locaux :
- 30 000 F PARIS ;
- 6 600 F MONTPELLIER ;
- 3 000 F GRENOBLE ;
- 7 000 F BAS-RHIN.
Si Monsieur BOUSSEL loue à un tiers et présente des factures, cela ne pose pas de problème. Mais, en l'espèce, l'A.P.I.O. aurait dû, de toute façon, payer... Il s'agit alors d'une forme de subvention. Cela profite à Monsieur BOUSSEL.
Monsieur VEDEL : "S'il y a vraiment service rendu au prix du marché, la dépense doit être admise. Je trouve Monsieur le rapporteur bien sévère".
Monsieur GANSER : "Les prix pratiqués sont d'ailleurs normaux".
Monsieur le Président : "Y-a-t-il des avances de partis politiques ?".
Monsieur GANSER : "Oui, du M.P.T.T. et de C.A.P.I.O. : 2 150 851 F, avec des justificatifs très détaillés".
Monsieur VEDEL souligne le caractère fallacieux de la loi. Le parti joue un rôle de banquier, il s'agit d'une avance et non pas de dons gratuits qui ne pourraient être remboursés.
Monsieur LECOURT : "C'est une loi de financement des partis !".
Monsieur GANSER souligne que la campagne ne coûtera pas un sou à Monsieur BOUSSEL mais que l'opération d'ensemble n'est pas pour autant bénéfique. Ce n'est pas une bonne opération financière. Il regrette qu'il n'y ait pas eu ouverture d'un compte unique.
Monsieur VEDEL : "Où était la Trésorerie ?".
Monsieur GANSER : "Il y avait deux comptes en banque. Le Trésorier aurait dû être obligé d'ouvrir un compte unique".
Monsieur le Président : "Merci Monsieur le rapporteur".
Monsieur STIRN succède à Monsieur GANSER, à 15 h 55, pour présenter le compte de campagne de Monsieur WAECHTER.
Monsieur STIRN souligne qu'il n'a pas beaucoup d'observations à formuler. La présentation du compte de campagne de Monsieur WAECHTER est claire. Il y a eu un compte bancaire spécifique avec trois signatures.
L'ensemble des dépenses, en dehors de l'article R. 39 du code électoral, s'élève à 6 898 709 F.
Les recettes sont constituées à 51 % par des emprunts, à 3,8 % par les avances, le reste est constitué par des avances des verts et des contributions individuelles. Il n'y a pas de dépassement du plafond pour les dons individuels.
Les dépenses sont justifiées par de nombreuses factures qui correspondent à des dépenses électorales normales.
Il n'y a pas de problème d'imputation des dépenses à la période électorale, une partie des factures est cependant postérieure au 24 avril pour un faible montant (5 593 F), mais cela est en toute hypothèse sans conséquence et Monsieur WAECHTER a donc droit au remboursement de 6 millions de francs.
Monsieur le Président demande au rapporteur s'il a des informations sur la dépense intitulée carrière Patricia (p. 8 du compte).
Monsieur STIRN : "C'est une collaboratrice mais je n'ai pas d'autre précision" .
Monsieur VEDEL : "Carrière, ce n'est pas très écologique...".
Monsieur le Président remarque que l'expert-comptable émarge pour 106 740 000 F. et que la campagne va coûter près d'un million au candidat.
Monsieur MAYER : "Il n'est pas loin des 5 p. 100",
Monsieur le Rapporteur : "Le compte m'a paru bien présenté".
Monsieur FABRE s'interroge sur les modes de transport du candidat.
Monsieur le Président remercie Monsieur STIRN.
Monsieur MARTIN-LAPRADE présente ensuite le compte de campagne de Monsieur François MITTERRAND.
Le rapporteur souligne que le compte ne retrace pas les dépenses directement prises en charge par l'Etat, en vertu de l'article 17 du décret du 14 mars 1964.
L'écart entre les dépenses et les recettes est de 34 685 F, soit une somme inférieure de 58 315 F au plafond remboursable de 35 millions de Francs (140/4). En vertu du principe de non enrichissement posé par votre décision du 10 mars 1988, c'est en tout cas à cette somme maximum qu'il faudra limiter le remboursement, sous réserve de votre appréciation sur certains éléments du compte de dépenses.
En ce qui concer les recettes (Etat n° 1), les justificatifs fournis spontanément à l'appui des comptes présentés ne comprenaient pas la liste nominative des donateurs auxquels il avait été délivré un reçu, ce qui pourrait rendre inapplicable l'article 238 bis du code général des impôts (art. 9 de la loi du 11 mars 1988) qui n'autorise la réduction des dons faits aux candidats que si il est justifié de ces dons à l'appui du compte de campagne déposé au Conseil constitutionnel.
Sur demande de notre rapporteur, un "listing" de ces dons a été fourni. D'après le chiffre qui figure sur le dernier document de ce listing, la totalisation serait de 11,948 MF seulement, alors que le compte de campagne mentionne (Etat 1°) 16,143 MF.
Je n'ai pas eu d'explication sur l'écart (la conséquence est le risque, assez tenu, je crois, que le fisc ne conteste la déductibilité des dons qui n'apparaîtraient pas sur le listing).
Les contributions des partis et groupements politiques (37,3 MF) sont justifiées par des talons de remises de chèques à la BRED. Les mentions portées au crayon sur les talons sont parfois sommaires ("divers donateurs") mais, pour les grosses sommes, elles sont généralement plus précises : "groupe A.N., Solférino, M.R.G., etc.".
En ce qui concerne les dépenses publicitaires, on peut constater qu'elles reposent sur quatre factures :
20 avril - 566 = 3,23
20 avril - 567 = 5,28
20 avril - 568 = 19,75
6 juin - 569 = 2,45
30,71 Millions de Francs, au bénéfice de l'Agence R.S.C.G. (ROUX SEGUFLA...).
Une 5ème facture a été encore opportunément produite hier (n° 569, datée du 20 avril pour 3,6 millions), ce qui porte le total à 34,3 millions, soit 1/3 des dépenses de campagne.
En deux factures, une autre société, la Société Affichage international réalise :
10,4 (du 8 avril)
+ 6,1 (du 23 juin)
16,5 millions de Francs.
De telles sommes, avec un libellé de facture d'une sobriété remarquable "Votre campagne électorale pour le 8 mai", relativisent évidemment le contrôle auquel a cru devoir quand même se livrer le rapporteur sur les nombreuses autres pièces justificatives.
C'est ainsi qu'il y a eu des doutes sur la nécessité de payer un aller et retour aux Antilles pour un chien (4 800 F - chapitre M. Facture AF du 5 mai 1988), mais il s'agissait peut-être d'un chien policier !
De même, il a noter -
Voilà pour l'anecdote.
Plus sérieuse est la question posée par l'évaluation prévisionnelle qui a été faite de certaines charges, ainsi qu'il est mentionné à l'état n° 3 :
Fourniture et prestations de services 8 800 000
Frais financiers 1 000 000
9 800 000
Avant de nous prononcer sur le sérieux de cette évaluation et sur le caractère rattachable à la campagne des charges concernées, ce qui n'est qu'une question de fait, il convient d'analyser le bien-fondé juridique du principe de l'évaluation prévisionnelle.
Il n'est pas douteux que la lettre du texte de la loi (L.O. 163-1) incite à ne retenir dans le compte de campagne que des frais effectivement supportés : "l'ensemble des dépenses effectuées".
L'expression est à rapprocher par exemple du dernier alinéa de l'article 83 du code général des impôts qui permet aux salariés de déduire les "frais réels" qu'ils ont supportés pendant l'année, ou de l'article 93 du même code qui, pour le calcul des BNC, prescrit la déduction des "dépenses" nécessitées par l'exercice de la profession, ce qui exclut la prise en compte des dettes et a fortiori des charges probables : c'est ce qu'on appelle souvent la comptabilité de caisse.
Il nous semble qu'en dépit de l'argument du texte, tout commande d'interpréter la notion de "dépenses effectuées" comme concernant tous les engagements pris par le candidat ou ses mandataires en contrepartie des biens ou prestations de services acquis pour la campagne pendant la période légale : à la différence des contribuables salariés ou titulaires de BNC, qui pourront déduire au cours d'une année postérieure les sommes qu'ils n'ont pas encore décaissées à la fin de la période d'imposition, le mécanisme de remboursement prévu pour le candidat aux élections présidentielles ne joue qu'une fois pour toutes : si une facture lui arrive tardivement, il ne pourra réclamer aucun complément de remboursement ni la compter pour la campagne suivante... L'équité d'abord, le principe d'universalité des dépenses figurant dans le compte de campagne ensuite veulent donc que toutes les charges afférentes aux opérations de la campagne soient incluses, même si leur paiement est différé et si leur évaluation ne peut être faite avec une certitude absolue, à la date limite impartie pour présenter le compte de campagne.
C'est d'ailleurs en ce sens que vous semblez avoir déjà pris partie puisque le mémento du ministère de l'Intérieur à l'usage des candidats, qui vous a été soumis, précise que doivent être retenus toutes les dépenses "qui correspondent à des activités se situant dans la période mentionnée quelle que soit la date à laquelle ces dépenses ont été engagées ou payées".
Dans le même sens, le guide d'intervention établi par l'ordre des experts-comptables prescrit explicitement de présenter en recettes les "avances des fournisseurs et prestataires de services", ce qui implique bien d'inclure dans les dépenses "les sommes facturées mais non encore acquittées".
Nous considérons donc comme acquis le principe que le compte de campagne traduit une comptabilité d'engagement et non une comptabilité de caisse, selon les principes admis dans le calcul des BIC.
Ceci a plusieurs conséquences importantes :
a) La première est que toute somme décaissée n'est pas nécessairement une "dépense", c'est-à-dire une charge, pour autant qu'elle correspondrait à l'acquisition d'un élément d'actif.
Par exemple, l'acquisition d'une voiture, d'un porte-voix, d'un système de micros, d'un mini-ordinateur, etc., bref de matières réutilisables, ne correspond pas entièrement à un appauvrissement : c'est dans la limite seulement de la dépréciation effective de ces biens que leur coût pourrait apparaître dans les dépenses remboursables. Une autre manière de confirmer cette règle se trouve dans votre décision du 10 mars 1988 posant le principe d'absence d'enrichissement du candidat à l'occasion du remboursement de ses dépenses. Il est clair que si lui était remboursée l'intégralité du coût d'un matériel sans qu'en soit défalquée sa valeur marchande résiduelle, la revente dudit matériel générerait un enrichissement.
Pour notre part, nous avons vérifié que, dans le "petit équipement" (Chap. B. "Pièces justificatives") ne figurait aucune acquisition de cette nature (trousses de pharmacie...).
Ainsi, première conséquence : les amortissements sont au nombre des charges.
b) Il y a une seconde conséquence : les provisions constituées en vue de faire face à des charges nettement précisées et qui correspondent à l'évaluation probable d'une prestation déjà rendue pour la campagne nous paraissent pouvoir être rangées dans les "dépenses", exactement comme le serait une provision pour les charges d'un commerçant, c'est-à-dire à la condition qu'une justification sérieuse de leur calcul soit fournie.
Qu'en est-il alors du sérieux de ces provisions et du caractère rattachable à la campagne des charges qu'elles concernent ?
1° Il s'agit d'abord d'une somme de 800 000 F. figurant au chapitre P. "Services extérieurs divers" sous le libellé "divers", ce qui n'est guère éclairant.
Interrogé au téléphone, le cabinet d'expertise-comptable présentateur des comptes a répondu qu'il s'agissait d'une évaluation forfaitaire de frais de téléphone, non encore facturée par le D.G.T.
Il nous semble que cette explication ne peut être retenue : d'une part, les comptes ont fait figurer les frais de poste et télécommunication dans un autre chapitre (O) auquel il eut été normal d'affecter cette provision si elle avait réellement eu cet objet, d'autre part, les services de la D.G.T. peuvent très facilement faire sur demande de leurs clients des arrêtés de comptes intermédiaires pour permettre l'évaluation précise des dettes d'une période : faute de la moindre justification du mode de calcul retenu pour chiffrer ces 800 000 F., cette somme ne remplit pas les conditions pour être inscrite en "provision". Telle serait en tout cas certainement la position du juge de l'impôt saisi d'un litige fiscal.
Vous serez peut-être plus indulgents en notant que, par ailleurs, le chapitre O qui retrace les frais de télécommunication, mis à part une somme de 137 266 F. correspondant à la refacturation de télégrammes par l'Assemblée nationale, ne comprend qu'une facture de 619,86 F de la D.G.T., ce qui laisse en effet à penser que les frais de téléphone ont été omis dans le chapitre.
2° Il s'agit ensuite d'une somme de 8 millions de Francs figurant au même chapitre P. "Services extérieurs divers" sous le libellé "Parti socialiste", sans aucune pièce justificative.
Interrogé au téléphone , le cabinet d'expertise m'a déclaré qu'il s'agissait de frais d'affichage qui auraient été engagés par le Parti socialiste pour le compte de "l'Association pour le 8 mai 1988" et qui n'avaient pas pu faire l'objet d'une évaluation précise à la date du dépôt du compte de campagne.
A l'appui de cette affirmation, le cabinet a fait parvenir hier au Conseil deux factures :
- l'une a été établie le 20 avril 1988 par l'agence ROUX-SEGUELA... au nom de l'association pour le 8 mai 1988 pour 3,587 millions de Francs : "Affichage campagne présidentielle" ;
- l'autre a été établie le 23 juin 1988 également au nom de l'association pour le 8 mai 1988 pour 6,134 millions de Francs : "Campagne affichage élection présidentielle".
Comme on le sait, ces factures représentent un total de 9,7 millions de Francs, soit une somme très supérieure à la provision susmentionnée de 8 millions de Francs.
Contrairement à ce qui a été dit au téléphone et à ce qui est inscrit dans le compte présenté, il ne s'agit pas de frais engagés par le Parti socialiste mais de sommes directement facturées à l'Association pour le 8 mai 1988.
Il est par ailleurs curieux que cette provision ait figuré au chapitre P. "Services extérieurs divers", alors qu'un chapitre particulier (H) avait été ouvert pour les dépenses d'affichage ("espaces publicitaires").
On notera enfin que la première des deux factures est datée du 20 avril comme trois autres des factures "ROUX-SEGUELA" primitivement fournies (566, 567, 568) et porte le n° 569, soit un numéro antérieur à la facture 574 délivrée le 6 mai par la même agence pour la somme de 2,45 millions de Francs également jointe aux premières justifications fournies.
Mais les interrogatoires qui laissent subsister ces différentes remarques ne nous paraissent pas suffire à écarter la somme litigieuse de 8 millions de Francs, dès lors que les pièces produites finalement devant vous permettent, par une sorte de compensation, d'en justifier le montant.
3° Reste enfin une provision de 1 million de Francs pour "Frais financiers", qui pose une question intéressante.
Interrogé à ce sujet, le cabinet d'expertise comptable a expliqué qu'il s'agissait d'une évaluation des agios que demanderait la BRED pour assurer un prêt relais entre la date à laquelle les fournisseurs devaient être payés et celle à laquelle serait versé le remboursement de 35 millions de Francs, en application de la loi organique du 11 mars 1988. Un échange de lettres entre le Trésorier de l'Association pour le 8 mai 1988 et la BRED a été fourni et confirme cette explication.
Il y a là une question de principe. Le service rendu par la banque en finançant le déficit impliqué par le délai nécessaire au paiement du remboursement dû par l'Etat est un service rendu postérieurement à la période de campagne.
Par ailleurs, cette évaluation provisionnelle de 1 million (qui sur une base de 10 % l'an correspond à un retard prévisible de 3,5 mois) sans être absurde, n’en est pas moins très forfaitaire et, si vous l'admettiez, il vous faudrait en tout cas compliquer la rédaction de votre décision (ou avis ?) en précisant qu'au cas où le remboursement interviendrait plus tôt il y aurait lieu de le diminuer du montant correspondant à la réduction prorata temporis des frais financiers dûs à la BRED (ce qui n'est pas très facile à rédiger), afin d'éliminer tout risque d'enrichissement du candidat à l'occasion du remboursement.
Enfin, d'après les entretiens que j'ai eus avec mes collègues qui ont examiné les autres comptes de campagne, il semble que l'expert de Monsieur MITTERRAND soit le seul qui ait eu l'ingénieuse idée de porter en dépenses le coût financier prévisionnel du découvert bancaire jusqu'au moment du remboursement.
Aussi, pour rétablir l'égalité entre les candidats et simplifier la réduction de votre décision (ou avis), nous nous proposons une solution plus élégante et équitable qui consisterait à refuser la prise en compte de la somme susmentionnée de 1 million, mais de préciser en contrepartie pour tous les candidats que la somme à rembourser sera majorée des intérêts au taux légal d'escompte à partir de la date du dépôt des comptes de campagne jusqu'à celle du remboursement effectif. Cette disposition ne devrait entraîner aucun enrichissement des candidats puisque, par hypothèse, ceux-ci auront nécessairement supporté des charges pour financer le déficit de leur compte de campagne dans la limite de leur créance sur l'Etat.
Monsieur VEDEL : "Il y a peu de chance que les provisions soient exactes, alors que va-t-il se passer ? On n'a plus de personne morale et on ne peut jouer sur d'autres années. Quant aux frais financiers, d'où viennent-ils ?".
Monsieur le Président : "Est-ce le seul candidat financé au moyen d'une avance bancaire ?".
Monsieur MARTIN-LAPRADE : "Non. Il y a aussi Monsieur JUQUIN. Je suis d'accord avec Monsieur le Doyen VEDEL pour reconnaître que le système de provisions pose problème. Il est plus aisé de retenir une provision dans un système qui se renouvelle. Ici, le système joue une fois pour toute. De plus, il est difficile d'ouvrir un droit de reprise au profit de l'Etat. Néanmoins, je ne crois pas que l'on puisse exclure par principe tout système de provision".
Monsieur VEDEL : "Mais il peut y avoir au bout du compte soit un appauvrissement, soit un enrichissement".
Monsieur MARTIN-LAPRADE : "Pour l'éviter, il faut se montrer très exigeant sur le sérieux de la provision. Je suis enclin à une certaine sévérité en ce qui concerne les 800 000 F. prévus pour les frais de téléphone. L'expert m'a dit qu'il y a des frais qu'on avait oublié : "On a donc prévu plus large car au début on avait effectivement oublié le téléphone"".
Monsieur le Président : "Quel a été le montant des honoraires de l'expert ?".
Monsieur MARTIN-LAPRADE : "94 800 F. d'honoraires pour l'expert-comptable".
Monsieur le Président : "Qu'est-ce que "Temps public" ?".
Monsieur MARTIN-LAPRADE : "Un organisme qui a son siège, 30 Cours Albert 1er, qui est spécialisé en communication institutionnelle. Il a présenté une facture de 569 000 F.".
Monsieur le Président interroge également le rapporteur sur certains aspects du compte concernant l'Agence ROUX-SEGUELA.
Monsieur MARTIN-LAPRADE souligne que le total des dépenses d'affichage est de 58 millions dont 35 millions payés à l'Agence ROUX-SEGUELA. Encore convient-il de préciser que dans ce total de 35 millions il n'y a pas uniquement de l'affichage. La somme globale correspond pour partie à des honoraires de publicité et à des films.
Monsieur FABRE intervient sur deux points.
Il indique qu'à son avis le spot télévisé avec images successives précédant les émissions de Monsieur MITTERRAND a dû être d'un coût très élevé.
Il s'interroge sur le point de savoir s'il n'y a pas lieu de faire bénéficier l'ensemble des candidats des intérêts de leur créance sur l'Etat, dès lors que leur droit à remboursement est consacré.
Monsieur MARTIN-LAPRADE rappelle sa proposition. Dans un souci d'égalité, il convient d'allouer les intérêts de droit au taux légal entre la date de dépôt des comptes et la date de remboursement effectif.
Monsieur le Président indique que le Conseil n'a pas à se substituer aux intéressés. C'est aux experts-comptables qu'il appartient de prendre leurs responsabilités. Il y a eu un défaut d'imagination et d'audace de la part des comptables.
Monsieur le Secrétaire général : "Monsieur le rapporteur soulève une question de principe : le Conseil doit-il éviter qu'il y ait un enrichissement sans cause du candidat au détriment de la collectivité ? Lui raut-il en outre veiller à ce qu'il n'ait pas apprauvissement du candidat ?".
Monsieur le Doyen VEDEL : "Les situations sont très composites. Pour certains, les emprunts sont moindres. Les frais financiers peuvent être élevés ou inexistants".
Monsieur le Président : "On peut à tout le moins formuler une remarque d'ordre général pour l'avenir. Reste le cas d'espèce. Que nous propose en définitive le rapporteur ?".
Monsieur MARTIN-LAPRADE : "Il faut réduire le délai de trois mois et demi qui a été prévu par l'expert-comptable. Il est trop long".
Monsieur le Secrétaire général : "Toute la question est de savoir si la réduction proposée a ou non une incidence sur l'ampleur du remboursement incombant à l'Etat".
Monsieur MARTIN-LAPRADE : "Oui ; au lieu de 35 millions, l'Etat devrait rembourser une somme moindre, si le remboursement intervient avant l'expiration du délai de trois mois et demi".
Monsieur le Président : "Quelle position devons-nous prendre à l'égard de ces frais financiers, quelle décote choisir ?".
Monsieur MARTIN-LAPRADE : "La somme diminuée du montant prorata temporis".
Monsieur le Président : "Il faudrait faire une réserve au sujet des agios prorata temporis. Nous ne pouvons rien changer, par nous-mêmes. Il faudrait souhaiter l'établissement de normes comptables que chacun devrait respecter. Quant aux 800 000 F. de provisions pour frais de téléphone, s'il n'y a pas de justificatifs, on déduit".
Monsieur MARTIN-LAPRADE : "Il n'y en a pas".
Monsieur le Président : "On a le choix entre deux positions : soit, on accepte sous réserve d'ajustements, soit on demande des justifications".
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : "Quand on loue une villa, c'est facile d'obtenir un relevé...!".
Monsieur VEDEL : "Le paradoxe est que l'on a recours à des experts-comptables ; qu'ils ont un guide et qu'ils ne font pas la même chose".
Monsieur le Président : "Monsieur BARRE se trouve en équilibre avec des dettes" .
Monsieur FABRE : "Ce n'est qu'une différence de présentation. Monsieur CHIRAC comme Monsieur MITTERRAND prennent en compte en fait les 35 millions escomptés de l'Etat".
Monsieur le Président : "Il faut arrêter une position au sujet de l'anticipation des frais téléphoniques non justifiés à ce jour. S'il l'on suit Monsieur le rapporteur, il n'y a pas de justification sérieuse" .
Monsieur MARTIN-LAPRADE : "Je ne vois pas d'autre moyen de s'en sortir que de faire le constat de l'absence de justifications".
Monsieur MAYER : "Si c'était le compte de Monsieur CHIRAC, on pourrait dire c'est le B. H. V.".
Monsieur le Président : "Finalement, on pourrait compenser là où il y a justificatif et déduire pour le reste. Il faudra insister dans le rapport général sur le problème des justifications".
Monsieur MARTIN-LAPRADE se retire.
La séance est suspendue à 16 h 55 pour être reprise à 17 h 08.
Monsieur de CASTELBAJAC est introduit dans la salle pour présenter les comptes de Messieurs JUQUIN et BARRE. Il commence par la présentation du compte de Monsieur JUQUIN.
"Le compte a été arrêté au 17 juin 1988. Le contrôle est difficile en raison de :
1° l'existence de trois comptes (JUQUIN ; COMITE DE SOUTIEN ; TRESORIER, Monsieur AUBERGER) et des virements d'un compte à l'autre : la BRED n'a voulu prêter qu'à Monsieur JUQUIN ;
2° du fait que les chiffres ont été arrondis ;
3° de l'existence de factures antérieures et postérieures à la période concernée ;
4° de l'absence de regroupement selon la nature des dépenses.
Pour les recettes, il n'y a pas d'observations particulières. Les dons représentant 5,4 % du total. Il n'y a pas de dons supérieurs à 50 000 F.
Pour les dépenses, il n’y a pas de rapprochement exact mais la différence compte/reconstitution à partir des factures est limitée : 6 179 F. Il convient de retenir le chiffre le plus bas. L'écart s'explique sans doute par le fait que les chiffres ont été arrondis.
De ce chiffre, il faut enlever les dépenses antérieures au 12 mars et celles qui sont postérieures au 8 mai sans lien avec la campagne (- 59 613,86 F). Il y a aussi la caution (10 000) que vous avez décidé de prendre en compte.
Les chiffres permettent le remboursement forfaitaire de 6 millions de F. à Monsieur JUQUIN. Je n'ai pas exclu trois types de dépenses :
1° les dépenses faites entre les deux tours de scrutin (soit 397 380 F).
Le mémento du ministère de l'Intérieur va dans ce sens puisqu'il prévoit que sont prises en compte les dépenses faites jusqu'au jour où l'élection est acquise".
Monsieur le Président : "Pour l'avenir, il y a lieu d'être clair sur ce point. Quand le candidat est évincé au premier tour, il n'est plus candidat".
Monsieur MAYER : "Mais il y a une tradition de remerciement, par voie d'affiches, des candidats évincés qui peuvent en profiter pour donner des consignes de vote au second tour".
Monsieur le Président : "Dans le cas des élections présidentielles, on remercie à la télévision et c'est fini. Les frais de meetings n'ont pas à être supportés par l'Etat si l'intéressé n'est plus candidat".
Monsieur FABRE : "Il y a des dépenses qui ne se font jour qu'après... Il y a la cure liée au stress provoqué par la défaite électorale...".
Monsieur le Secrétaire général : "Le législateur semble vouloir opérer une distinction selon que les candidats sont ou non présents au second tour. La différence essentielle concerne le plafond des dépenses remboursables qui est plus élevé pour les seuls candidats présents au second tour.
Le Conseil devrait préciser quelle lecture il fait du texte de la loi organique.
Le memento établi par le ministère de l'Intérieur prévoit, il est vrai, le remboursement des dépenses exposées entre les deux tours par tous les candidats. Mais on peut considérer qu'il s'agit d'une position d'espèce et non d'une position de principe qui est du seul ressort du Conseil".
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : "Ne pourrait-on attendre d'avoir entendu tous les rapporteurs avant de prendre position ? Pour ma part, je pense qu'il fait campagne pour un autre à ses propres frais".
Monsieur le Président : "La question reste posée. Si le candidat n'est plus candidat, c'est difficile de le rembourser".
Monsieur MAYER : "Vu sous cet angle, vous avez sans doute raison. Mais le candidat évincé se sent encore moralement engagé. Il voudrait que les idées auxquelles il est attaché triomphent grâce à un autre".
Monsieur FABRE : "Malheur aux vaincus !".
Monsieur le Président : "Le terne utilisé est candidat, le candidat évincé n'est plus candidat".
Monsieur FABRE : "Ils antidateront...".
Monsieur de CASTELBAJAC : "La plus grande partie des dépenses en cause concerne un meeting de désistement et des affiches".
Monsieur le Président : "Pourquoi pas 5 ou 7 meetings ! Il n'est plus candidat, donc c'est fini".
Monsieur MAYER : "Il faut faire attention à une discrimination possible entre ceux qui ont des moyens et ceux qui n'en ont pas".
Monsieur le Président : "Qu'on se prononce ! Ma position est claire".
Monsieur VEDEL : "Je pencherai de votre côté... Mais, pour cette fois, il faut passer l'éponge. Quel est le texte du memento ?".
Monsieur de CASTELBAJAC donne lecture de la page 21 du memento.
Monsieur le Secrétaire général : "L'ordre des experts-comptables interprète plus strictement la loi".
Monsieur FABRE : "La circulaire du Ministre de l'intérieur devrait avoir plus d'importance que l'interprétation de l'ordre des experts comptables".
Monsieur le Président : "Est-ce que la circulaire du ministre de l'intérieur peut contredire notre interprétation ?".
Monsieur VEDEL : "Imagine-t-on un recours d'un candidat ?".
Monsieur le Président : "On peut accepter pour cette fois-ci mais il y a une fausse interprétation de la part du ministère de l'intérieur...".
Monsieur le Secrétaire général : "Même si on retire le montant de la somme en cause, l'intéressé justifie, semble-t-il, du droit au remboursement des 6 millions".
Monsieur le Président : "Laissons de côté le problème pour l'instant, conformément à la suggestion de Monsieur MOLLET-VIEVILLE, et voyons la suite".
Monsieur le rapporteur souligne l'existence d'une provision et manifeste son étonnement car le compte de Monsieur JUQUIN est créditeur et qu'il n'y a pas d'intérêts créditeurs. Ceci étant, il propose de ne pas exclure la provision de 280 000 F. qui correspond à des agios payés à la BRED au taux de 11,25 % entre mai et fin septembre. Les agios peuvent être effectivement considérés comme des dépenses de campagne".
Monsieur le Président : "Effectivement, le Conseil a vu précédemment la question du financement relais. La provision n'est pas ridicule. On peut la retenir".
Monsieur le Rapporteur aborde alors le problème de la partie des dépenses couvertes par des dons.
Il est difficile de savoir quels sont les dons reçus par un candidat. Il y a un camouflage possible fait-il remarquer.
Monsieur VEDEL : "Certes, on a du mal à vérifier, c'est vrai, même pour des contribuables. On peut les prendre en compte, avec ou sans les vérifications, mais comment ne pas les prendre en compte ?".
Monsieur de CASTELBAJAC : "Je ne peux pas vérifier les dons. C'est tout ce que je voulais dire".
Monsieur le Secrétaire général : "En réalité, ce qui est choquant, c'est qu'on intègre l'aide d'un parti ou non, selon la stratégie poursuivie par celui-ci. Par exemple, pour Monsieur LAJOINIE, le Parti communiste effectue un prêt et non pas un don".
Monsieur VEDEL : "Cela se ramène à une idée simple. En quoi le candidat en a-t-il été de sa poche intérieure... ou extérieure ?".
Monsieur FABRE : "Il y a une hypocrisie de la loi sur ce point".
Monsieur VEDEL : "C'est un artifice juridique avec une grande portée financière !".
Monsieur le Président : "Que faisons-nous pour les dons ?".
Monsieur VEDEL : "On ne peut rien faire. Vous avez exercé une profession libérale Monsieur le Président... Jamais le fisc ne vous demande : "Avez-vous reçu moins", mais il vous interroge pour savoir si vous n'auriez pas reçu plus... J'ai connu un seul avocat qui déclarait plus d'honoraires qu'il n'en percevait... Mais c'était pour son image de marque",
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : "Je voudrais bien le connaître".
Monsieur le Président : "Messieurs, tant pis pour Monsieur JUQUIN... Si on enlève les dons, on se trouve un peu en dessous de 6 millions de Francs ?".
Monsieur le Rapporteur : "Oui : 5 963 622 F".
Monsieur de CASTELBAJAC présente ensuite le compte de Monsieur BARRE.
Le rapporteur souligne les difficultés du contrôle résultant de l'existence de deux associations écrans : REELS et GESSEC.
"Pour les recettes, les dons sont au-dessous de la limite prévue par la loi .
REEL a donné 13 900 000 F. mais il s'agit d'un groupement politique au sens de la loi.
Les indications requises ont été fournies et je n'ai guère de doutes.
En ce qui concerne les dépenses, les factures aux associations écrans ne me paraissent pas poser de problème non plus.
Je ne propose aucune déduction sur les dépenses de Monsieur BARRE.
Mais je poserai deux questions au Conseil :
1° l'une concerne les factures antérieures au 12 mars 1988 pour 684 000 F. Même si elles sont antérieures, elles sont manifestement intervenues en vue de l'élection".
Monsieur VEDEL : "C'est normal, dès lors que les factures sont manifestement liées à la campagne électorale".
Monsieur le Président : "On ne doit écarter que les dépenses antérieures à l'ouverture de la campagne. Les factures sont de quand ?" .
Monsieur MOLLET-VIEVILLE remarque qu'il s'agit de commandes des ballons et d'autocollants qui ont servi pendant la campagne. Il rejoint l'opinion de Monsieur le rapporteur.
Monsieur VEDEL : "Le bon sens conduit à retenir qu'il s'agit de dépenses faites pour la campagne. C'est le cas du badge "Vas-y BARRE".
Monsieur le Président : "Nous avons le souvenir de campagnes débutant très tôt. La présomption, vu les dates, doit jouer dans le sens de la prise en compte. Il faut tenir compte des délais de fabrication. Les affiches, par exemple, portent "Moi, je vote BARRE dès le premier tour" ou, à la date du 3 mars, "L'Outre-Mer avec BARRE".
Monsieur VEDEL : "La technique de facturation ne doit pas déterminer les droits des candidats. Elle varie selon".
Monsieur le Président : "On est bien dans la campagne pour les affiches. De plus, le meeting du Bourget a eu lieu le 15 mars".
Monsieur VEDEL : "J'entends réserver mon point de vue sur le contrôle auquel nous sommes en train de nous livrer. Nous ne sommes ni des vérificateurs ni la Cour des comptes. Certes, nous devons faire le travail que nous faisons pour savoir de quoi il s'agit, mais cela n'implique pas nécessairement un contrôle similaire à celui de la Cour des comptes".
Monsieur le Président : "Effectivement, la question se pose de savoir jusqu'où peut aller notre contrôle".
Monsieur de CASTELBAJAC remarque qu'un contrôle du type de celui effectué par la Cour des comptes est très difficile en l'espèce : "il faut des délais et des règles beaucoup plus précises pour permettre un contrôle. Il faudrait donc une modification des textes pour l'assurer".
Monsieur le Secrétaire général : "Le Conseil pourrait cependant, sans s'engager véritablement dans un contrôle des comptes, souligner que "le remboursement ne pourrait excéder telle somme !". C'est une solution qui permettrait d'écarter ce qui est manifestement contraire aux règles légales" .
Monsieur le Président : "Mais on repart vite dans les difficultés du cas concret que l'on essaie d'éviter. Y-a-t-il des frais financiers ?".
Monsieur de CASTELBAJAC "Pour des sommes faibles, oui. Mais je ne peux donner le détail ; il faudrait que je pousse mes investigations si le Conseil le souhaite".
Monsieur le Président : "C'est pire que le cas des circonscriptions électorales
Monsieur de CASTELBAJAC : "5 000 F. environ".
Monsieur le Président : "On glisse dans le métier de vérificateur".
Monsieur VEDEL : "Je me demande si nous sommes investis du pouvoir de faire ce que nous faisons".
Nous devons vérifier si la campagne s'est déroulée conformément à la règle. Nous nous sommes fourvoyés. Le seul vrai problème est de savoir si quelqu'un a dépassé le plafond de dépenses autorisé. Il ne nous appartient pas de vérifier la sincérité des comptes".
Monsieur LECOURT : "Vous rejoignez une remarque que j'avais déjà faite... J'ai des doutes sur la possibilité pour le Conseil de recevoir des compétences autres que celles que la Constitution lui reconnaît".
Monsieur FABRE : "On doit faire la même chose que pour la déclaration de patrimoine".
Monsieur LECOURT : "Il ne peut s'agir que d'une photographie".
Monsieur VEDEL : "Nous ne sommes ni ordonnateurs, ni comptables, ni juges des comptes".
Monsieur le Président : "Notre travail n'est cependant pas inutile puisqu'il permet des suggestions mais, sur les conséquences à en tirer, je suis de plus en plus réservé".
Monsieur FABRE : "Effectivement, le contrôle est délicat, on pourrait commettre des injustices...".
Monsieur le Secrétaire général : "Si le Conseil ne donne pas l'interprétation des textes, qui la donnera ?". Je crains que le simple contrôle de l'existence ne transforme le Conseil en boîte à lettres alors qu'il dispose du pouvoir d'interpréter la loi organique. D'ailleurs, il est remarquable que les candidats s'en remettent au Conseil. Ne pourrait-on ajouter quelque chose au contrôle de l'existence sans pénétrer trop avant dans l'examen des comptes ?".
Monsieur LECOURT : "On doit se borner à attirer l'attention du Gouvernement sur certains points. En vertu de quoi allons-nous interpréter la loi ? Peut-on aller au-delà ? J'en doute".
Monsieur le Président : "Ou le Conseil se comporte en notaire chargé d'archiver ou de transmettre des documents, ou bien il va au-delà.
Que nous apportent les travaux préparatoires ?".
Monsieur le Secrétaire général : "Ils sont flous. L'idée dominante était quand même, dans l'esprit du législateur, de permettre le contrôle des dépenses".
Monsieur VEDEL propose une solution qui s'en tiendrait à un contrôle de la forme, le Conseil soulignant par ailleurs l'existence de certaines questions et émettant une opinion non contraignante.
Monsieur FABRE : "L'envoi au Conseil constitutionnel n'était d'ailleurs pas prévu à l'origine. C'est au cours du débat que l'idée est venue. C'est autant un hommage qu'un désagrément".
Monsieur VEDEL : "Le Conseil constitutionnel vérifie le respect du plafonnement des dépenses ; le remboursement n'a rien à voir. Mais comment publier des comptes non conformes ?".
Monsieur le Président : "Comment admettre que l'on soit condamné à enregistrer ? On pourrait s'en tenir à la censure de la fraude manifeste. Il ne faut pas aller dans le sens d'un contrôle précis".
Monsieur MAYER : "Il est 18 h 20. Nous avons encore plusieurs comptes à examiner. Nous ne savons pas quelles sont les limites de notre contrôle. Je propose le renvoi de l'examen à vendredi".
Monsieur le Président : "Nous pourrions continuer à interroger les rapporteurs et reporter à demain la discussion générale".
Monsieur MOLLET-VIEVILLE souligne le caractère trop bref du délai pour un contrôle sérieux. "Il y a six mois de campagne, six semaines pour l'établissement des comptes et à peine dix jours pour le Conseil constitutionnel".
Monsieur le Président : "Oui, il faut allonger les délais".
Monsieur MOLLET-VIEVILLE propose un contrôle extérieur plus un contrôle de cohérence d'ensemble. Cela pourrait se traduire dans la lettre d'accompagnement.
Monsieur le Président : "Je propose de réserver le problème de l'étendue de notre compétence. Il faut finir l'examen in concreto des comptes, il faut donc poursuivre".
Monsieur BERTHET succède à Monsieur de CASTELBAJAC pour présenter les comptes de Madame LAGUILLER et de Monsieur LE PEN.
"Pour le compte de Madame LAGUILLER, toutes les explications sont données : le compte est clair et cohérent.
Je présenterai trois observations :
1° Les dépenses dites de l'article R. 39 (du code électoral) ne figurent pas dans le compte de campagne (contrairement à ce qu'estime le rapporteur à partir de son analyse des textes).
Cela est sans conséquence, mais le Conseil ne peut éviter de s'interroger sur le bien-fondé de cette exclusion.
2° Sous la rubrique "avances des prestataires de services" figure une somme de 17 790 F. au compte recettes qui pose problème. Cela représente une avance de 17 790 F. du cabinet d'expert-comptable. C'est un délai de paiement. Ce n'est pas une recette... nais l'écriture en recettes est recommandée par l'ordre des experts-comptables".
Monsieur le Président : "Cela fait partie des dépenses, il faut lui restituer sa vraie nature. C'est un point mineur".
Monsieur FABRE : "Il y a le problème des dépenses de propagande directement prises en charge par l'Etat. Nous avons déjà décidé de les laisser à côté du compte de campagne".
Monsieur le Président est d'accord pour que cela soit étudié à part. Il remarque que les candidats WAECHTER, JUOUIN et LAGUILLER se trouvent dans un mouchoir de poche en ce qui concerne les dépenses (un peu moins de 6,9 millions de Francs).
Monsieur BERTHET :
3° Reste enfin le problème des recettes perçues après le premier tour et des dépenses facturées après le premier tour. Il s'agit d'une avance de "Lutte Ouvrière". Doit-elle être incluse dans le compte ? Le même problème se pose pour les dépenses. Mais toutes les dépenses sont relatives à la campagne avant le 1er tour, même pour celles qui ont été facturées après le 24 avril. Il y a eu simplement un délai de règlement".
Monsieur le Président : "D'accord. Nous en venons au compte de campagne de Monsieur LE PEN.
Après avoir présenté les postes recettes et dépenses et remarquer
La discussion s'engage sur la conformité d'un tel prêt avec les dispositions de l'article L.O. 163-4 du code électoral.
Monsieur le Secrétaire général souligne que le texte de cet article n'est pas applicable à l'élection présidentielle.
Monsieur le Président : "C'est inimaginable ! Il faudra le signaler dans le rapport du Conseil".
Monsieur le rapporteur : "Ce n'est pas à proprement dire étranger, c'est plutôt international".
Monsieur le Président : "C'est international à majorité étrangère".
Monsieur VEDEL : "N'est-ce pas réputé être français si l'organisme a son siège en France ! Décidément, cette loi est une passoire. C'est comme l'ordonnance de 1944 sur la presse".
Monsieur le Président : "Il y a là un élément de fait fascinant".
Monsieur le rapporteur : "Le siège de l'organisme est au 288 boulevard Saint-Germain".
Monsieur VEDEL : "C'est l'ancien siège du "Siècle"".
Monsieur le Président : "J'en reviens aux justifications produites. On ne peut admettre une pièce qui émane seulement du candidat".
Monsieur le rapporteur rappelle qu'aucun contrat de prêt n'a été fourni. Il y a eu cependant une confirmation de la part de l'expert-comptable.
Monsieur le rapporteur souligne que les fonds proviennent du comité de soutien à Jean-Marie LE PEN, du groupe des droites européennes et des fédérations départementales du Front national.
Des avances ont été consenties et des dépenses ont été directement prises en charge. Les avances figurent dans les recettes.
Monsieur VEDEL : "Un comité de soutien ne fait pas d'avances. Il reçoit normalement des dons pour le candidat. Sinon il trahit l'intention des souscripteurs. La loi sera à revoir ; c'est une passoire".
Monsieur le rapporteur : "Il y a une présentation très succincte du compte ; le compte devrait être plus explicite et établi conformément aux usages comptables".
Monsieur le Président : "Je crois que c'est la première fois que je vois cela. On est financé par un groupe étranger et on nous le dit cyniquement. Ce n'est pas un parti politique".
Monsieur le Rapporteur : "L'article L.O. 163-4 vise les partis ou groupements".
Mons ieur MAYER : "Nous ne pouvons donc pas accuser Monsieur LE PEN d'être xénophobe (!)".
Monsieur le Président : "C'est inouï. Mais il faut progresser. Doit-on avaliser cela ?".
Monsieur VEDEL : "Il y a deux problèmes distincts : celui de la provenance des fonds ; celui d'un contrat de prêt qui pose problème.
Monsieur le Président : "Nul ne peut se constituer créancier de l'Etat pour une dette dont il se constitue débiteur unilatéralement".
Monsieur le Secrétaire général : "D'après ce qu'a indiqué l'expert-comptable, derrière les droites européennes il y a une banque".
Monsieur le Président : "... Une banque libanaise ou magrébine ?".
Monsieur MAYER : "Le fait qu'il veuille rembourser par le biais d'une assurance-vie, cela signifie peut-être qu'il veut se suicider (!)"
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : "Il y a un prêt et une assurance, il manque le trait d'union".
Monsieur le rapporteur : "contrat du 26 mars 1988 jusqu'au 28 février 2003. Le bénéficiaire n'a pas signé. Dans ces termes, le contratr d'assurance décès n'est pas un prêt".
Monsieur FABRE : "Une assurance-vie, cela peut servir à tourner l'impôt sur les grandes fortunes".
Monsieur le Rapporteur : "La prime trimestrielle varie dans le temps".
Monsieur le Président : "La droit européenne, c'est très peu de monde. Rien n'est crédible dans cette affaire. Il y a une couverture pour 6 millions".
Monsieur VEDEL : "Il y a probablement un relais".
Monsieur le Président : "Des fonds venus d'ailleurs ont transité par le canal des droites européennes. Cela complique encore la décision que nous avons à prendre".
Monsieur le rapporteur signal qu'il a demandé s'il y avait une formalisation du prêt et qu'une réponse négative lui a été apportée. On lui a dit que c'était une avance.
Sous son propre nom, Monsieur LE PEN a dépensé plus de 5 millions".
Monsieur le Président : "Peut-on encore demander un justificatif pour vendredi ? Il y a quelque part un créancier".
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : "Le minimum serait une lettre du groupement des droites européennes attestant de l'existence d'un prêt".
Monsieur le Président : "Il faut téléphoner à l'expert maintenant...".
Monsieur FABRE : "S'il s'agissait d'argent liquide, on n'aurait rien demandé. Le montant étant réellement dépensé, je ne vois pas où est le problème.
D'ailleurs, Monsieur LE PEN aurait pu nous faire croire qu'il avait pris l'argent sur son compte. L'essentiel ce sont les dépenses".
Monsieur le Président : "L'essentiel... pour vous ! Il y a de vieux serviteurs en Suisse des partis d'extrême droite".
Monsieur le Secrétaire général : "Dans la mesure où l'article L. O. 163-4 n'est pas applicable à l'élection présidentielle, l'argument de Monsieur FABRE me paraît assez fort.
Je rappelle que lors du dépôt du compte, le 7 juillet 1988 à 12 h 00, l'expert comptable m'a indiqué qu'il y avait une banque derrière le groupe des droites européennes.
On a un peu le sentiment que Monsieur LE PEN est prisonnier des justifications qu'il a choisies...".
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : "Il peut faire changer le bénéficiaire de l'avance dès lors que le document n'est pas signé par le bénéficiaire".
Monsieur FABRE : "N'y-a-t-il pas une dette qu'il a contractée ?".
Monsieur le Rapporteur : "Pour l'avance du Front national, il n'y a pas de pièce justificative".
Monsieur FABRE : "Il suffit de dire qu'il n'y a pas de justifications sans entrer dans les détails".
Monsieur le Rapporteur : "Il a fait payer ses dépenses de campagne par trois organismes : le Front national, le Comité de soutien, le groupe des droites européennes...".
Monsieur le Président : "La situation s'altère".
Monsieur le Rapporteur : "La loi n'a pas défini la notion de pièce justificative".
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : "J'en reviens à la loi organique. On nous envoie des comptes. Ils sont publiés dans les dix jours. Il n'est dit nulle part ce qu'on doit faire ?".
Monsieur VEDEL : "Qu'est-ce qui se passe entre ? C"est comme dans le meurtre de Roger Ackroyd
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : "Je rejoins personnellement Monsieur LECOURT. Nous devons transmettre vendredi au Premier ministre les comptes, en vue de leur publication au Journal officiel de dimanche".
Monsieur le Président : "C'est une question très grave pour le Conseil. Cela veut dire que nous ne servons à rien !".
Monsieur FABRE pense qu'on peut faire suivre le travail du Conseil constitutionnel d'une lettre comportant des observations.
Monsieur VEDEL : "Il y a deux choses : la publication des comptes dans un certain délai, mais aucun délai ne s'impose à nous pour des observations ; il y a une possibilité de digérer le bouillonnement".
Monsieur LECOURT fait une proposition pratique : disjoindre la publication des comptes et la communication des observations au Gouvernement. "Il faut que la synthèse de l'ensemble des rapports puisse être faite avant les observations au Gouvernement. Il ne nous appartient pas d'aller plus loin, sinon nous dépassons notre compétence".
Monsieur MAYER : "On ne va rien faire ce soir. Un simple renvoi au Journal officiel donne une impression d'approbation. Il faut compléter par des observations avant ou après envoi au Premier ministre.
Monsieur le Président : Nous tirerons du concret de l'abstrait, mais nous ne devons pas nous transformer en juges de ces comptes maudits et, pour certains, frauduleux. Ce n'est pas notre mission et nous n'en avons pas les moyens. Notre mission, c'est le contrôle de la régularité de l'élection. Simplement, nous soulignerons dans nos observations les doutes que nous éprouvons. Au législateur d'en tirer les conséquences. Il faut relever ce qui, à partir du cas particulier, engendre la réfléxion générale. Le Conseil ne doit pas non plus "s'esquiver". On pourrait faire connaître nos observations à la fin de la semaine prochaine".
Monsieur VEDEL : "C'est tout de même un coup très dur porté à mes illusions. Le texte est idiot. Il n'y a guère de moyen de vérifier si le plafonnement est réellement dépassé.
Il est interdit au candidat de s'enrichir, mais pas à ses amis. On voit ainsi un parti politique qui va s'enrichir en recevant des dons.
L'origine des fonds est obscure. Monsieur LE PEN est un grand naïf, les droites européennes auraient pu donner de l'argent par des voies détournées : une association écran.
Monsieur le Président : "Non, non. Il a fallu que les banques passent par les droites européennes car une banque ne peut pas commanditer un parti politique. C'est un des plus mauvais textes que nous ayons eu entre les mains et la pratique est détestable".
Monsieur VEDEL : "Les montages juridiques sont faciles. Voyez l'ordonnance de 1944 sur la presse".
Monsieur le Président : "C'est un mauvais texte. La pratique est désolante. Nous n'avons cependant pas à entrer dans le détail des comptes".
Monsieur BERTHET reprend l'exposé de son rapport pour souligner l'existence de grosses factures non justifiées ou du moins très vaguement justifiées ; d'où le problème de la nature des pièces justificatives exigées.
Il y a trois ou quatres autres problèmes :
- celui des dépenses de propagande qui ne figurent pas dans le compte ;
- celui des dépenses antérieures au 12 mars et postérieures au 24 avril ;
- celui de l'inclusion de la prime d'assurance-décès, auprès des A.G.F. ;
- celui du financement d'origine étrangère - on peut rappeler que la réglementation existante ne comporte pas de sanction et qu'elle n'est pas applicable à l'élection présidentielle (article L.O. 163-4).
L'objectif de la loi du 11 mars 1988 est la limitation des dépenses. En ce qui concerne le plafond, on est sûr de rien mais, formellement, les deux candidats remplissent les conditions pour être remboursés.
La loi remplit finalement un objectif : il y a bien remboursement par l'Etat.
Monsieur le Président : "Il faut éviter que le remboursement constitue une enveloppe dont on fait cadeau au nom de l'égalité des chances".
Après discussion, le Conseil décide de lever la séance jusqu'au lendemain, le 14 juillet, 11 h 30.
La séance est levée à 19 h 45.
Séance du 14 juillet 1988
La séance consacrée à l'examen des comptes de campagne, ouverte le 13 juillet, reprend le 14 juillet à 11 h 30.
Tous les membres du Conseil sont présents, à l'exception de Monsieur JOZEAU-MARIGNE et de Monsieur SIMONNET.
Monsieur le Président : "Nous sommes au regret, Monsieur le Rapporteur, de vous obliger à travailler ce jour, mais nous avons rencontré des problèmes plus complexes que nous ne le pensions".
Monsieur BRIET présente d'abord le compte de campagne de Monsieur LAJOINIE, au nom de son collègue, Monsieur PALAU, empêché.
I. FORME DU COMPTE :
Le compte est présenté par Monsieur Michel TAUBES, expert comptable à IVRY-SUR-SEINE, en la forme décrite par le Guide d'intervention établi par l'ordre des experts-comptables et comptables agréés. Il est daté du 13 juin 1988.
La présentation par un expert comptable n'est pas explicitement exigée par la loi organique n° 88-226 du 11 mars 1988 ; mais elle est affirmée par contre dans le chapitre IX du Memento à l'usage du candidat publié par le ministre de l'Intérieur.
A l'appui du compte proprement dit sont transmis :
1° Deux pouvoirs signés par le candidat le 31 mai 1988, donnés respectivement à Monsieur PERREUX et Monsieur SOTURA pour "engager toutes dépenses ou actions en vue de mon éléction".
2° Une situation du compte bancaire ouvert à la Société générale, à la date du 31 mai 1988.
3° Une liasse de 661 pièces justificatives relatives aux dépenses ;
4° Une liasse de 657 pièces justificatives relatives aux recettes, principalement des reçus pour les dons effectués par chèque.
A l'exclusion de ces 639 reçus, toutes les pièces justificatives sont visées par l'expert-comptable.
Néanmoins, par rapport aux exigences d'un contrôle rigoureux des opérations, on ne peut manquer d'observer quelques graves insuffisances au sujet des pièces produites :
- un seul relevé de situation bancaire, pour la seule période du 16 au 25 mai, est joint au compte ;
- une facture de près de dix millions de francs, soit près du tiers de la dépense totale (Agence centrale de publicité) donne comme seule indication de la prestation fournie "affichage campagne présidentielle, selon commande et plan d'implantation convenus", sans que ledit plan soit joint ;
- plusieurs factures correspondant à des fournitures de papier par la société O.P.P (Office Parisien des Papiers) ne comportent ni le lieu de livraison, ni aucune mention permettant d'identifier l'imprimeur destinataire ;
- Le montant des dettes en instance, postées en recette, n'est pas accompagné d'un état récapitulatif.
II. LES DONNES FINANCIERES DU COMPTE :
1° Les dépenses sont retracées au compte pour un montant de 33.345.146 F.
2° Les recettes effectives correspondent au seul poste des "dons reçus par chèques", pour un montant de 466.542 F.
La balance est obtenue par l'inscription en recettes :
- d'une avance du P.C.F. de 17.797.959 F. ;
- des dettes en cours aux fournisseurs, soit 15.080.645 F.
III. LES DONS RECUS PAR CHEQUES :
La recette inscrite au compte à ce titre, pour un montant de 466.542 F., est justifiée par les pièces suivantes :
1° Un lot de 639 reçus établis sur un modèle à en-tête du candidat et signé par lui.
Les montants indiqués ne sont jamais supérieurs à 5 000 F., aucun chèque, sauf erreur, ne provient d'une personne morale. En revanche, il est évidemment impossible de vérifier si, en conformité avec l'article L.O. 163-4, les donateurs sont bien de nationalité française.
2° Un extrait du Grand livre général du compte, en date du 6 juin 1988, faisant apparaître que la somme de 466.542 F. est un solde, à partir d'un crédit de 1.581.088 F. et d'un débit de 1.114.546 F., qui correspond par ailleurs à une avance du P.C.F. (cf. ci-dessous), crédits et débits concernant différentes fédérations départementales du parti.
Il n'est pas possible d'opérer un rapprochement concluant, c'est-à-dire permettant de constater une concordance, entre les 639 reçus et l'extrait du Grand livre général.
IV. LES AVANCES DU P.C.F. :
Cette recette s'inscrit pour un montant de 17.797.959 F. dans le compte de campagne.
L'état de développement daté du 31 mai décrit une situation dont le résultat est un solde net, après déduction du montant de la caution versée pour le candidat (10.000 F.) et du solde du compte bancaire. On observe que le montant de ce solde est, à la date du 31 mai, de 441.607 F. alors que le bordereau bancaire du 26 mai, produit à l'appui du compte, indique un montant de 753.745 F.
Le rapprochement entre le bordereau précipité et qui, rappelons-le, concerne les opérations du 11 au 26 mai, et l'état des avances, ne permet pas de constater les concordances attendues.
Une déclaration du candidat indique que l'avance qui ne pourra pas être remboursée après versement au candidat du remboursement forfaitaire de 30 MF sera transformée en "contribution" du P.C.F. D'après les chiffres du compte, cette contribution sera de :
Total des dépenses 33 345 146 F
Recettes déclarées - 446 542 F
Charges pour le candidat 32 878 604 F
Remboursement forfaitaire 30 000 000 F
Contribution P.C.F. 2 878 604 F
V. DETTES AUX FOURNISSEURS :
En ce qui concerne les effets à échéance, pour un montant de 7 091 346 F, on peut constater la concordance entre les états et attestations d'une part, et les factures d'autre part.
Par contre, s'agissant des autres dettes en instance, on regrettera l'absence, signalée ci-dessus, d'un état récapitulatif ; seule la somme globale de 7 984 298 F est indiquée.
VI. L'ETAT DES DEPENSES :
L'état détaillé des dépenses comprend, ainsi que le recommande le Guide des experts-comptables, cinq rubriques: achats, services extérieurs, frais de personnel, frais financiers, charges diverses.
La rubrique la plus importante est celle des "services extérieurs". Elle représente 85 % de la dépense totale. On y retrouve l'achat d'espaces publicitaires (30 % de la dépense totale) et l'impression (23 % de la dépense totale).
Nonobstant, d'une part, l'insuffisance de certaines justifications, déjà relevée ci-dessus, et, d'autre part, les conclusions présentées ci-après, le compte des dépenses n'appelle que peu d'observations particulières. S'agissant de la période à prendre en considération (article 13 de la loi organique), comme de la nature des dépenses, qui doivent être effectuées par le candidat "en vue de son élection" (article L.O. 163-1 du code électoral), le respect des dispositions légales est bien attesté par les pièces.
On doit cependant observer qu'il est malaisé d'apprécier si, par exemple, telle livraison de papier de presse à l'imprimerie SIL de Lieusaint, imputée au compte de campagne comme un achat au fournisseur OPP a été effectivement utilisée dans le cadre de la campagne présidentielle, surtout quand on constate q'une quantité analogué de papier, et de mêmes caractéristiques techniques, est aussi facturée par le même imprimeur pour la réalisation d'un journal électoral, cette facture étant elle-même comptabilisée...
On relèvera également la particularité de la rubrique "personnel", qui contient une seule facture, d'un montant de 1 040 337 F. Cette "facture" est prsésentée par le P.C.F. lui même, sur la base de la mise à disposition du candidat André LAJOINIE de 40 collaborateurs pour la période du 13 mars au 25 avril, charges sociales comprises.
Cette facturation n'a pas d'incidence ni sur le montant du remboursement forfaitaire légal attendu par Monsieur LAJOINIE ni sur le montant de la contribution qui restera en fin de compte à la charge de son parti. On doit donc s'interroger sur les motivations de cette inscription au compte, dans la mesure où le P.C.F. n'est pas une entreprise de travail temporaire inscrite au registre du commerce...
CONCLUSIONS :
Les dispositions contenues dans la loi organique du 11 mars 1988 relatives aux comptes de campagne des candidats indiquent assez clairement, même si elles sont succintes, les intentions du législateur. Au demeurant, les débats parlementaires ou autres, qui ont accompagné l'adoption de la loi permettent d'affirmer que la transparence des recettes et des dépenses n'était que le moyen, la
finalité principale de la loi étant d'imposer le plafonnement de la dépense, et sa finalité secondaire d'augmenter sensiblement, du fait de l'évolution des moeurs électorales, les remboursements de frais à la charge de l'Etat, jusqu'alors prévus seulement dans les limites imposées par l'art R. 39 du code électoral.
En acceptant cette considération préalable, quelles conclusions peut-on tirer des comptes de campagnes soumis au Conseil constitutionnel par Monsieur André LAJOINIE ?
En ce qui concerne la transparence des dépenses effectivement inscrites au compte, on ne peut que souligner le réel effort de les comptabiliser correctement et de les justifier par la représentation des factures originales des fournisseurs, toutes visées par l'expert-comptable. Nonobstant quelques lacunes, cette partie du compte est susceptible de donner une image plutôt positive de la nouvelle législation.
Mais il n'y a là, sans doute, en employant le cliché bien connu, que la partie émergée de l'iceberg. Car, en ce qui concerne les recettes et en ce que concerne le contrôle du plafond de dépenses, on ne peut que constater les insuffisances du compte de campagne. Celui-ci, très vraisemblablement, ne retrace les opérations qu'autant qu'elles permettent d'atteindre, ou de dépasser légèrement, le montant du remboursement forfaitaire, dans le but évident d'obtenir un effet psychologique, exploitable auprès des électeurs.
Cette affirmation n'est pas subjective. Elle est étayée par les deux exemples précis ci-après.
S'agissant des recettes, seules ont été comptabilisées, au demeurant d'une manière peu claire (cf. obs. n° 3 ci-dessus), les dons par chèques. Il n'est guère normal qu'aucun don en espèces n'ait été enregistré au cours de la campagne. D'autant que l'état des dépenses comporte une "acquisition de badges" et que ces insignes sont généralement distribuées dans les rassemblements moyennant le versement d'une obole.
S'agissant des dépenses, on remarque que les frais considérables entraînés par l'organisation de vastes meetings ne sont inscrits au compte, sauf erreur du rapporteur, que pour trois d'entre eux : Fête de Bastille, le Bourget, Bordeaux. Or, il est évident que Monsieur LAJOINIE n'a pas manqué de faire son devoir de candidat à travers la France entière...
Ces exemples limités indiquent qu'il est possible, sinon probable, que bien d'autres opérations de la campagne présidentielle, en matière d'imprimés notamment, n'aient pas été inscrit au compte. Mais s'agit-il pour autant d'une violation délibérée de la loi organique ? Il semble qu'il y ait plutôt contournement par interprétation de l'article L.O. 163-1 et de la formule qu'il contient : "dépenses effectuées en vue de son élection par lui-même ou pour son compte...".
Le Parti communiste a décidé de distinguer, dans la période considérée, la dépense qu'on attribue au caractère exceptionnel de l'élection et donc de la candidature, et qu'on inscrit en conséquence au compte de campagne, et ce qui relève de l'action normale du parti qui présente le candidat, et qui peut dès lors faire l'objet d'un financement distinct.
Cette dichotomie a d'ailleurs été annoncée avant même le vote de la loi, ainsi qu'il apparait dans la déclaration de Madame Muguette JACQUAINT, député communiste de la Seine-Saint-Denis, dans le débat à l'Assemblée nationale du 4 février 1988, déclaration dont on citera ci-dessous l'essentiel :
"... Mais l'article 10 pose un autre problème : les dépenses qui seront imputées aux candidats. Il est fréquent que ce soit les partis politiques, aux niveaux national ou local, qui récoltent les fonds nécessaures et engagent les frais de campagne. Ces sommes seront-elles imputées aux candidats ou ne seront-elles pas comptabilisées ?
Si elles ne sont pas prises en comptes, le plafond ne signifie rien ; il sera aisément dépassé. Si elles sont comptabilisées, on portera alors atteinte à la liberté constitutionnelle des partis politiques.
Pour notre part, soucieux de la liberté d'expression des partis politiques, qui ne souffre aucune restriction, nous croyons que le compte de campagne ne doit porter que sur les dépenses engagées par le candidat ou, en son nom, par son mandataires...".
Une telle position n'engage bien entendu que le seul Parti communiste. Mais il n'est pas impossible que, moins explicitement, d'autres candidats aient procédé de la même manière, soit à travers l'action des partis, soit à travers l'action de comités ou associations.
Le rapporteur soussigné ne se risquera pas à proposer les corrections qui pourraient être apportées par la loi dans le but d'obtenir une transparence lus réelle et donc un plafonnement des dépenses plus certain. Il considère cependant avoir faire la démonstration, à partir du compte qui a été soumis à son examen, que les procédures inscrites dans la loi organique du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique sont assez inopérantes.
Monsieur BRIET présente ensuite son rapport sur le compte de campagne de Monsieur CHIRAC.
I. FORME DU COMPTE :
Le compte est présenté de façon claire et rigoureuse.
Le cadre juridique est précis :
- dépenses et recettes de l'Association pour l'élection de Jacques CHIRAC, association dont les statuts ont été déposés le 3 février 1988 ;
- dépenses engagées par le candidat et son état-major.
Un compte bancaire spécifique a été ouvert le 11 mars 1988 : il retrace, à l'exclusion de toutes autres, la totalité des opérations effectuées depuis cette date et décrites au compte de campagne.
Un registre comptable est produit : c'est l'équivalent d'un livre journal où mention est faite, par ordre chronologique, de chacune des opérations décrites au compte et de ses caractéristiques.
La justification des dépenses est, en règle générale, satisfaisante : facture numérotée sur papier à en-tête du fournisseur, datée, donnant des indications sur les biens livrés ou les services rendus ; facture sur laquelle l'association a apposé les mentions caractéristiques du règlement (date ; n° de chèque, etc.).
S'agissant des recettes, les bordereaux de remise de chèques ou d'espèces ont été produits et le registre complet des donateurs tenu à disposition.
Un relevé bancaire exhaustif des opérations du 11 mars au 6 juillet a été produit. Il est accompagné d'un état de rapprochement entre la comptabilité et le relevé bancaire : sont ainsi expliqués et justifiés les écarts entre dépenses et recettes comptabilisées et dépenses et recettes ayant donné lieu à débit ou crédit du compte bancaire (ex : chèques de l'association et règlement de factures non encore débitées).
II. PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DU COMPTE :
Le compte est strictement équilibré, au franc près.
Il intègre parmi les ressources la contribution à recevoir de l'Etat, à savoir 35 MF, contrairement aux principes exposés dans le mémento à l'usage des candidats.
Cette particularité s'explique par le fait que l'Association pour l'élection de Jacques CHIRAC - c'est l'expert-comptable qui l'a lui-même indiqué - a choisi de règler toutes les factures en instance le jour de dépôt du compte, si bien que, dans sa comptabilité, ne subsiste aucune dette à l'égard de tiers, mais seulement une créance à l'égard de l'Etat.
Le fait que le compte soit strictement équilibré et intègre en ressources la contribution attendue de l'Etat n'est cependant pas sans importance : on notera d'abord qu'une représentation du compte équilibré au franc près révèle le caractère très conventionnel de l'exercice. On ne peut s'empêcher de penser en effet que le choix a été fait de faire apparaitre au compte un montant de dépenses tel qu'il soit égal à la somme du versement attendu de l'Etat et des dons assortis de justifications. On peut même se demander si le compte n'a pas été construit à l'envers.
Deuxième considération, générale celle-là, le compte ne recèle aucune marge de manoeuvre. Sa présentation est donc risquée. Si, en effet, telle ou telle dépense mentionnée est rejetée parce que considérée comme ne pouvant valablement être retracée dans le compte, ce rejet risque de se traduire à due concurrence par une diminution du montant attendu de l'Etat (le remboursement devrait être inférieur aux 35 MF). S'il n'en était pas ainsi, le maintien du remboursement attendu de l'Etat à son plafond contribuerait à l'enrichissement sans cause du candidat.
Pour éviter cette conséquence mécanique, il aurait fallu que le montant des dépenses justifiées excède assez sensiblement le total des dons plus la contribution de l'Etat.
III. LES RECETTES :
Elles sont de deux ordres :
- les dons consentis par un parti ou un groupement politique ;
- les dons consentis par des personnes physiques ou morales autres que les partis ou groupements politiques.
Les dons reçus des partis ou groupements politiques atteignent au total, selon le compte produit, 40,3 millions de Francs. Pour l'essentiel (38,4 millions de Francs), ils proviennent de cinq versements effectués au cours de la campagne par le R.P.R. lui-même. Le solde (1,274) trouve son origine dans les versements effectués par 3 comités de soutien locaux.
A cela s'ajoute enfin un versement de 2,450 millions effectué par le R.P.R. en fin de campagne, dont une partie (1,816 millions) constitue une avance normalement remboursable et dont le surplus est acquis à titre définitif par l'association.
S'agissant des dons consentis par les personnes physiques ou morales autres - 20,6 millions au total - ils proviennent, pour les trois quart environ, de personnes physiques et, pour le reste, de personnes morales.
L'examen des bordereaux de remise de chèques sur le compte bancaire a fait apparaître plusieurs cas où les chèques émis étaient d'un montant supérieur au plafond fixé par l'article L.O. 163-3.
La consultation du registre des donateurs établi par le trésorier de la campagne à permis d'éclairer ces cas litigieux (au nombre de 6).
Dans 4 cas, il est apparu que le donateur s'apparentait en réalité à un groupement politique. Les versements, voisins de 200 000 F. provenaient, soit de fédérations départementales du R.P.R. (Pyrénées-orientales, Réunion), soit de comités de soutien à Jacques CHIRAC (Fort-de-France, Mairie de Bordeaux).
On ne peut donc considérer qu'il y a, en l'espèce, méconnaissance des plafonds fixés par l'article L.O. 163-3 pour les dons manuels, puisque ces plafonds ne sont pas applicables aux dons émanant des partis et groupements politiques.
En revanche, il faut noter que le compte de campagne produit est inexact s'agissant de la ventilation des ressources entre-dons reçus par l'association et dons des partis et groupements politiques. Cette dernière rubrique devrait être majorée d'un million et la précédente réduite à due concurrence.
L'origine de deux autres versements, respectivement de 150 000 F. et 96 350 F. n'a pu être identifiée à partir du registre des donateurs produit. Des explications complémentaires ont été sollicitées. L'expert-comptable a fourni les explications suivantes :
- le 1er versement de 150 000 F. provient de 15 parlementaires R.P.R. ayant versé chacun 10 000 F. au parti, celui-ci ayant ensuite versé les fonds à l'Association pour l'élection de Jacques CHIRAC.
- le 2ème versement est constitué de sympathisants habitant la région parisienne qui ont remis les dons à la Fédération départementale de Paris qui a elle-même versé ces fonds à l'Association pour la candidature de Jacques CHIRAC. Un extrait de la liste des donateurs a été joint.
IV. LES DEPENSES :
Deux séries d'observations :
A. On n'y trouve pas toutes les dépenses que l'on s'attend à voir retracées dans un compte de campagne.
B. On y trouve, en revanche, des dépenses dont l'inclusion dans le compte de campagne est sujette à caution.
A. Deux catégories de dépenses ne sont pas retracées : les dépenses de propagande tout d'abord, point sur lequel je ne m'étends pas ; les dépenses de personnel ensuite.
Aucune dépense de personnel n'est en effet mentionnée dans le compte de campagne, ce qui peut paraître surprenant s'agissant d'un compte qui, selon les auteurs eux-mêmes, correspond aux dépenses engagées par le candidat et son "état-major". L'état-major lui-même n'a donc rien coûté ; il n'a fait que dépenser. L'explication donnée sur ce point par l'expert-comptable choisi par le candidat est la suivante :
L'association n'a employé aucun personnel. Les personnes composant l'état-major de campagne étaient, soit des bénévoles, soit des personnes mises à disposition du candidat par le parti.
L'explication peut ne pas apparaître très convaincante. Elle donne en tous cas une illustration supplémentaire des façons dont le plafonnement des dépenses de campagne peut être tournée.
B. En sens inverse, on trouve dans le compte de campagne des dépenses dont l'inclusion prête à discussion.
Première série de cas : il s'agit des dépenses qui ne sont qu'imparfaitement justifiées par des factures ou devis.
Deux règlements - 6 millions de F. pour l'un, 6,322 millions de F. pour l'autre, effectués au bénéfice de la société MEDIATOP, étaient justifiés dans le compte de campagne de façon particulièrement succincte. Il n'y avait pas de facture à proprement parler mais seulement un papier à en-tête R.P.R. sur lequel figurait la mention manuscrite du nom de la société et du montant du versement.
Il a été demandé à l'expert-comptable de justifier ces règlements au moyen de factures établies par la société en question, qui a été utilisée pour l'ensemble des insertions publicitaires dans la presse écrite.
L'expert-comptable, après recherches, a transmis 7 factures correspondant à des prestations réalisées après le 12 mars.
Il a reconnu toutefois qu'un écart peu important subsistait entre le total de ces 7 factures (12,264 millions de F.) et le montant des règlements inscrits au compte de campagne (12,322 millions de F.) et qu'il n'était pas en mesure d'expliquer cet écart de 58 388 F.
Cette absence de justification devrait en toute logique avoir comme conséquence de réduire, à due concurrence, le montant du remboursement à la charge de l'Etat. Si tel n'était pas le cas en effet, le remboursement forfaitaire de 35 millions de F. deviendrait supérieur au montant des dépenses reconnues valides et non financées par des ressources définitivement acquises au candidat, c'est-à-dire qu'il contribuerait à un enrichissement sans cause de ce dernier.
Le problème se retrouve, mais avec une acuité bien plus grande, dans une deuxième série de cas : il s'agit de dépenses incluses dans le compte de campagne qui ont été, certes, réglées après le 12 mars mais qui correspondent à des actions (prestations de service ou fourniture de biens) qui avaient entièrement réalisées avant le 12 mars et ont cessé à cette date de produire leur effets.
Une liste des dépenses a été établie de façon bienvieillante.
COMPTE DE CAMPAGNE DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC
LISTE DES DEPENSES SE RATTACHANT A DES ACTIONS AYANT TOTALEMENT EPUISE LEURS EFFETS LE 12 MARS 1988
Figurent dans cette liste les actions réalisées avant le 12 mars et dont on ne peut considérer qu'elles ont continué, compte tenu de leur objet, à produire leur effets ultérieurement.
En cas de doute sur la date exacte de réalisation de la prestation de fourniture du bien, on a considéré que cette date était postérieure au 11 mars, donc que l'action figurait valablement au compte de campagne.
Chaque fois qu'une facture globale concernait des prestations réalisées pour partie avant, pour partie après le 12 mars, la dépense a été admise en totalité sans qu'il soit procédé à un calcul prorata temporis.
Toutefois, si les éléments de facturation permettaient indiscutablement de détacher certaines prestations individualistes accomplies avant le 12 mars, les dépenses correspondantes ont été exclues.
N° de la facture : Objet : Date de réalisation de la prestation : Montant
10 Préparation d'une réunion publique Réussir l'entreprise avec J. CHIRAC 9.03.1988 - Espace Wagram 99 060
12 Achat de journaux 7.03 au 11.03 9 584
14 Achat de carburants 17.02 au 25.02 4 018
15 Travaux de retouches et de montages sur affiches Travaux réalisés en février (mention expresse) 140 873
18 Location d'un télé-imprimeur du 28.02 au 29.02 455
20 Admissions à l'association AGRI-NAPLES Facture correspondant au "mois de février" datée du 29.02 25 094
32 Location et installation de chapiteau Fête de la musique 23.02.1988 407 656
43 Invitations, tracts, badges, etc... Fête de la musique 23.02.1988 407 656
84 Gardiennage et surveillance du siège de campagne Période du 1.02 au 29.02.1988 213 195
93 Frais de déplacements Février et jusqu'au 11 mars 1988 115 774
97 Hôtesses d'accueil colloque R.P.R. 9 mars (14 à 18 h.) 7 376
109 Restaurant 1er mars 1988 18 503
114 Location avion Eurolair Meetings Province Dates des vols avant le 12 mars 451 537
117 Location avion SNE Air Provence Idem 103 825
224 Portage Prestation de février 2 965
244 Salles et restauration Hôtel Lutetia 8 mars 181 406
263 Restaurant Aéroport du Bourget Prestation du vendredi 4 mars 262 880
289 Air France Vol du 6 mars 1988 22 075
290 Affichage (ensemble de la campagne) N'ont été exclues que les vagues d'affichage réalisées avant le 1er mars 595 194
Invitations, tracts et affiches pour meetings en Province Créteil - 1er mars 119 969
48 62
Reims - 17.02 52 189
Dijon - 18.02 52 984
Marseille - 10.03 60 628
Auvergne - 7.03 41 343
Marseille - 10/03 51 591
Besançon - 2.03 37 228
Bordeaux - 11.03 53 281
Orléans - 3.03 58 119
Sous-total : 532 194
TOTAL GENERAL : 3 864 690
Par Delà le total des sommes en cause, la question de principe qui est posée est la suivante :
Le compte de campagne doit-il retracer les encaissements et décaissements situés entre le 12 mars et le 8 mai, ou doit-il retracer toutes les dépenses correspondant à des actions effectuées dans la période en cause et toutes les recettes perçues en vue du financement de ces dépenses ?
La loi, il faut le reconnaitr, est assez peu explicite (c'est le principal argument employé par l'expert-comptable du candidat.
L'article 13 qui figure parmi les dipositions transitoires indique seulement que le compte couvre la période comprise entre la date de publication et la date du scrutin, expression imprécise.
L'article L.O. 179-1 contient cependant une précision supplémentaire : on y mentionne que le compte doit être accompagné des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par lui, ce qui signifie bien qu'une dépense engagée au cours de la période mais payée postérieurement doit être incluse dans le compte de campagne et donc que le critère de la date du décaissement n'est pas déterminant.
Le mémento du ministère de l'intérieur et le guide des experts-comptables sont beaucoup plus formels sur le sujet (cf. p.5 du guide des experts et p.23 du mémento).
Ceci signifie que la comptabilité ne doit pas être une comptabilité d'encaissement et de décaissements mais une comptabilité de droits constatés.
A vrai dire, cela est indispensable sauf à vider de toute portée le principe du plafonnement des dépenses de campagne. En effet, avec un compte "de cuisinière", il suffirait à un candidat de ne pas payer les dettes contractées à l'égard de ses fournisseurs de campagne pour rester à l'intérieur du plafond autorisé.
Et il va de soi que ce principe d'une tenu "en droits constatés" doit s'appliquer tout au long de la période considérée... ce qui n'est pas le cas du compte de campagne de Monsieur CHIRAC.
- Au début de la période, c'est le critère des décaissements qui est retenu (tous les décaissements postérieurs au 12 mars sont retracés mêmes s'ils correspondent à des actions achevées avant le 12 mars).
- Au terme de la période, c'est le critère des droits constatés qui est appliqué (le compte retrace en effet des paiements postérieurs au 8 mai correspondant à des actions réalisées avant cette date.
Dès lors que ce principe est admis et que l'on considère que le compte de campagne de Monsieur CHIRAC inclut (à hauteur de 3,8 millions de F.) à tort des dépenses correspondant à des actions ayant épuisé leurs effets le 12 mars, quelles conséquences doit-on en tirer sur le montant du remboursement forfaitaire de l'Etat ?
La loi indique seulement que le montant du remboursement ne peut excéder le montant des dépenses du candidat. Vous avez précisé, dans votre décision du 10 mars 1988, que ces dispositions n'étaient contraires à aucun principe de valeur constitutionnelle, dès lors que le remboursement par l'Etat des dépenses électorales ne conduit pas à l'enrichissement d'une personne physique ou morale. Il me semble que tel ne serait pas le cas si le remboursement de l'Etat était, au cas d'espèce, maintenu à 35 millions de F.
En effet, d'un côté, les dépenses considérées comme retracées à juste titre dans le compte de campagne s'élèveraient à 95,984 millions de F. - 3,964, soit 92,1 millions de F. Quant aux recettes, elles resteraient inchangées à 95,984 millions de F. Seule la réduction à hauteur de 3,86 millions de F. du versement de l'Etat compte tenu de l'écart tenant aux factures non justifiées permettrait d'éviter que cette contribution procure un enrichissement sans cause au candidat puisque cela porterait des recettes de campagne au-delà du montant des dépenses admises.
C'est donc une proposition de réduction du remboursement de l'Etat qui vous est faite ici. Elle apparait comme la conclusion logique de deux principes :
- celui selon lequel le compte de campagne doit retracer toutes les dépenses correspondant aux actions menées pendant la période de campagne et seulement ces dépenses ;
- celui selon lequel le remboursement par l'Etat des dépenses électorales ne doit pas conduire à enrichir une personne physique ou morale.
Je n'ignore pas cependant :
- d'une part, que ma proposition suppose que soit tranchée préalablement la question de savoir si le Conseil constitutionnel doit prendre position sur le montant du remboursement forfaitaire des dépenses de campagne ;
- d'autre part, que le compte de Monsieur CHIRAC aurait pu être présenté plus habilement afin d'éviter tout risque de réduction du remboursement de l'Etat.
Il aurait suffi au cas d'espèce de minorer de 4 millions le montant des dons des partis ou groupements figurant en ressources dans le compte pour que le rejet de certaines dépenses reste sans conséquence sur le remboursement mis à la charge de l'Etat. Il s'agit là d'une considération d'équité qui ne manque pas de poids même si l'on est obligé, me semble-t-il, de s'en tenir au compte tel qu'il a été présenté par le candidat et non tel qu'il aurait pu l'être.
Monsieur le Président : "Merci, Monsieur le Rapporteur, de ce rapport très complet et très précis.
Quand on arrive au terme, on s'aperçoit que la loi n'est pas un monument, c'est plutôt un ratage complet. La loi organique a été trop vite faite.
Je suggère que nous communiquions dès vendredi les documents.
Nous transmettons et nous adressons une lettre au Premier ministre. Cela n'implique de notre part, ni approbation, ni désapprobation des comptes. Mais, dans le cadre de notre appréciation du bon déroulement de la campagne, nous pouvons faire valoir des observations.
Il est procédé alors à la lecture de la lettre d'accompagnement préparée par le Secrétaire général conformément aux directives de Monsieur le Président.
Après discussion, de modifications concernant la formulation de ce texte, ce dernier se présente comme suit :
"Monsieur le Premier ministre,
L'article 3-II de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, dans sa rédaction résultant de l'article 2 de la loi organique n° 88-226 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, dispose que "Dans les soixante jours qui suivent le tour de scrutin où l'élection a été acquise, chaque candidat présent au premier tour adresse au Conseil constitutionnel le compte de sa campagne, accompagné des pièces mentionnées au premier alinéa de l'article L.O. 179-1 du code électoral".
De son côté, l'article 3-III de la loi du 6 novembre 1962, tel qu'il a été complété par l'article 3 de la loi organique du 11 mars 1988 prévoit que "les comptes de campagne des candidats sont publiés au Journal officiel de la République française dans les dix jours suivant l'expriation du délai" mentionné ci-dessus.
Il est précisé, enfin, à l'article 3-V de la loi du 6 novembre 1962, dans ses dispositions issues de l'article 4-II de la loi organique du 11 mars 1988, que le remboursement forfaitaire par l'Etat des dépenses de campagne d'un candidat est subordonné à la double condition que le compte de campagne, accompagné des pièces justificatives, ait été adressé en temps utile au Conseil constitutionnel et que le plafond des dépenses de campagne, autres que les dépenses de propagande directement prises en charge par l'Etat, ne dépasse pas un plafond de 120 millions de francs, et pour les deux candidats présents au second tour, 140 millions de francs.
Sur le fondement de l'ensemble de ces dispositions, j'ai l'honneur de vous transmettre aux fins de publication au Journal officiel les comptes de campagne qui ont été déposés au Conseil constitutionnel dans le délai légal de soixante jours suivant le 8 mai 1988.
Le Conseil a pris connaissance des comptes de campagne présentés par les candidats et des documents joints à l'appui de ceux-ci.
Le Conseil n'ayant pas compétence pour vérifier la régularité et la sincérité des comptes de campagne, la présente transmission n'implique de sa part aucune approbation ni désapprobation de ces comptes.
Toutefois, dans le cadre de la mission qu'il tient de l'article 58 de la Constitution de veiller au respect de la régularité de l'élection présidentielle, le Conseil constitutionnel adressera très prochainement à Monsieur le Président de la République et au Gouvernement les observations d'ordre général qu'appelle la mise en oeuvre des dispositions du titre I de la loi organique du 11 mars 1988.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Premier ministre, l'assurance de ma haute considération.".
Le Président souligne qu'il y a une autre séance prévue le 20 juillet concernant la loi d'amnistie et que les observations d'ensemble pour lesquelles Monsieur le Secrétaire général est chargé de proposer un projet pourront être débattues le 21 au matin.
Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.