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PV1989-01-12 <Léa COURROUX>

SEANCE DU 12 JANVIER 1989

La séance est ouverte à 10 heures. Tous les membres sont présents, sauf M. JOXE.

M. le Président : M. JOXE est légèrement souffrant. Il ne sera pas des nôtres. 

Deux affaires sont inscrites à l'ordre du jour M. le Doyen, nous commençons par vous et ensuite nous entendrons M. FABRE sur la loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités territoriales.

M. VEDEL : La loi votée sous le titre diverses mesures d'ordre social comporte un ensemble hétéroclite de 80 articles relatifs aux matières les plus diverses.

Une seule disposition est attaquée par la saisine et c'est celle que nous examinerons. Ce n'est ni la plus importante, ni la plus critiquable et elle ne pose pas de grand problème juridique. Je vous indiquerai cependant les articles qui pourraient éveiller quelques doutes mais il n'y a pas de motif de soulever d'office un moyen d'inconstitutionnalité. Nous prononcerons donc finalement une décision de conformité.

Quel est l'article critiqué ?

Le chef de file des députés qui critiquent l'article 39 est M. Bernard DEBRE. La saisine est assez hâtive. La première version est peu compréhensible, la deuxième l'est encore moins. Heureusement, l'intervention de M. DEBRE à l'Assemblée national est plus claire.

De quoi s'agit-il ? Une fois de plus d'un texte concernant la fonction hospitalière. La nomination des chefs de service des hôpitaux relève du ministre chargé de la Santé. Les chefs de service sont nommés pour 5 ans, renouvelables, après avis du Conseil d'administration et d'une commission médicale d'établissement.

La loi du 31.12.1970 prévoyait l'intervention de la commission médicale d'établissement en formation restreinte limitée à ceux qui exerçaient des fonctions équivalentes à celles postulées.

Le nouveau texte prévoit la participation des praticiens titulaires à temps plein et à temps partiel.

Voilà le changement de texte.

La saisine vise essentiellement le fait que, en raison du lien entre la fonction hospitalière et la fonction universitaire, le nouveau texte porterait atteinte à l'indépendance de la fonction universitaire reconnue par le Conseil constitutionnel.

C'est une querelle corporatiste.

Le gouvernement s'était gardé de mettre le doigt entre l'arbre et l'écorce ; le texte a été introduit par un amendement parlementaire. Le gouvernement s'en est remis à la sagesse des parlementaires. Il ne jugeait pas opportun de réveiller une vieille querelle L'amendement avait déjà été présenté par le R.P.R. avant les élections de 1988 qui l'avait fait voter. II y a là une bataille à front renversé à laquelle nous ne comprenons pas grand chose

Le gouvernement a produit heureusement une note détaillée nécessaire, en raison de la succession des textes, pour la compréhension de la situation. Je ne suis pas sûr d'avoir compris et cela me fait penser à la formule du professeur de géométrie qui disait : "Je ne peux pas le démontrer tout à fait, mais je vous en donne ma parole d'honneur".

L'argumentation du gouvernement montre que la contestation est soit inexacte en fait, soit inopérante.

1° - inexacte, parce que la critique laisse supposer que la nomination des chefs de service de centres hospitalo-universitaires intéresserait la fonction universitaire et, par suite, que l'avis de la commission aurait une incidence sur la fonction universitaire. Mais il n'y a aucune liaison entre l'emploi de chef de service et la fonction universitaire. L'argument manque donc en fait dans le cadre de cette analyse.

M. DEBRE veut dire que, dans les C.H.U., les enseignants ont de droit une fonction de praticiens hospitaliers et ont en outre vocation à être chefs de service La composition de la commission permet de battre en brèche non une règle mais une tradition. L'argument est trop inconsistant pour retenir longtemps l'attention.

2° - la contestation est aussi inopérante.

Il y a une règle constante de la Fonction publique selon laquelle, pour les mesures qui concernent la carrière, l'organisme de consultation ou de décision qui intervient doit être composé par des gens d'un rang au moins égal à celui des fonctionnaires dont la situation est examinée. C'est un principe général du droit de la Fonction publique dégagé par le Conseil d'Etat.

Il y a une discussion pour soutenir que l'emploi de chef de service ne constitue pas un grade mais une fonction et que dans cette mesure les conditions de désignation échapperaient à la critique.

Mais le principe général du droit dégagé par le Conseil d'Etat n'a en toute hypothèse pas valeur constitutionnelle. Il a une valeur simplement supra-décrétale comme l'a prouvé M. CHAPUS. Tout au plus, il pourrait avoir valeur législative. De prime abord, il ne s'agit pas d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Si un jour le Conseil constitutionnel devait le reconnaître comme tel, il faudrait que ce soit dans une occasion plus claire qu'aujourd'hui. Je ne vous demande donc pas davantage de retenir cet argument.

J'avais pensé à une réponse sur les deux terrains :

- d'une part, la violation d'un principe constitutionnel manque en fait, d'autre part, le principe général du droit concernant la composition des organismes de gestion de la carrière des fonctionnaires n'est pas un principe constitutionnel. Mais finalement la rédaction retenue, non sans une certaine finesse - je me tourne vers M. le Secrétaire général qui y est pour quelque chose -, laisse dans l'ombre la question de la valeur du principe régissant la composition de ce type d'organisme.

M. le Président : C'est une affaire très ponctuelle. Qui désire prendre la parole ?

M. FABRE : Il me semble qu'il y a tout simplement derrière la critique une tentative de retour au mandarinat. Les professeurs veulent garder pour eux cette chasse gardée. Ce n'est pas héréditaire mais c'est tout comme. Or les services actuels sont alimentés par des praticiens à temps plein qui ne sont pas tous professeurs Ce n'est pas un problème constitutionnel.

M. VEDEL : Non ce n'est pas un retour au mandarinat. Le gouvernement ne voulait rien changer. En réalité, tout s'était remis en place. Les praticiens à temps partiel avaient très largement disparu. Dès lors, il est difficile de ne pas avoir comme chef de service le professeur titulaire de la chaire correspondante. En fait, le problème rejoint celui du partage de compétences entre le ministère de l'Education nationale et celui de la Santé. Jusqu'ici le ministère de la Santé a gagné. Il a détaché du ministère de l'Education nationale tout ce qui est hospitalier. En-dessous de cette affaire, il y a la volonté du gouvernement de ne pas rendre un arbitrage entre les deux ministères.

M. le Président : Ce qui m'étonne, c'est qu'il se soit trouvé 60 députés pour signer une telle saisine.

M. MAYER : Les signatures sont recueillies à l'avance.

M. le Président : Il s'agit seulement d'une situation particulière.

M. VEDEL : Il y a eu une personnalité à la base, M. Bernard DEBRE.

M. le Président : C'est le prestige du nom !

La partie du projet se prononçant sur l'article 39 de la loi est lue et adoptée. A la demande de M. MAYER, est déplacé dans un souci de clarté le membre de phrase "pour une durée de cinq ans renouvelable".

M. le Président : Qu'en est-il du reste de la loi ?

M. VEDEL : Je vous présenterai des observations sur quelques articles.

- A une ou deux reprises la loi prévoit que le gouvernement fera rapport ou présentera son bilan. Cela pourrait passer pour une injonction au législateur prohibée par notre jurisprudence. Mais, en l'espèce, il s'agit simplement du droit d'information du Parlement.

- Les validations de concours d'accès à la Fonction publique ne posent pas de problème au regard des principes posés par le Conseil constitutionnel.

- La modification de la procédure pénale dans les articles 1 et 2 pose la question du cavalier législatif qui sera examinée de manière plus appronfondie par M. FABRE. Ici, dans le cadre d'une loi portant diverses mesures d'ordre social, il n'y a pas de distance telle de la liberté individuelle au social que nous ne puissions censurer d'office. 

L'article 51 pose un problème plus délicat mais qui ne doit pas conduire à une condamnation. Il s'agit du stage d'initiation à la vie professionnelle et de son agrément. L'article introduit dans le code du travail est le suivant : "Sans préjudice des pénalités applicables, le représentant de l'Etat peut, pour une durée déterminée, interdire à une entreprise de recourir à nouveau au stage d'initiation à la vie professionnelle lorsqu'une disposition législative ou réglementaire, ou une clause du contrat de stage, n'a pas été respectée..."

Il y a donc une disqualification de l'entreprise qui manque à ses obligations et une forme de sanction administrative d'une certaine gravité. Il existe l'esquisse d'une jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la régularité des sanctions administratives. Si le Conseil devait faire la théorie des sanctions administratives, il faudrait considérer comme valables toutes les santions appliquées à des partenaires de l'Administration. Il s'agit là tout simplement de l'exercice des prérogatives de puissance pubique. Même si en l'espèce il n'y a pas un lien direct, c'est tout de même l'Etat qui finance et qui contrôle. En outre, il y a un recours possible devant le juge administratif. Ce n'est donc pas là un moyen à soulever d'office.

L'article 69 est cité à titre de curiosité et par sympathie personnelle. Il doit beaucoup à l'un de nos anciens et non négligeable membres : le Médiateur. La modification consiste à ajouter Médiateur "de la République". Je crois que M. FABRE utilisait déjà ce titre. Le texte ne présente aucune difficulté. Le Secrétariat général du gouvernement a précisé que cette modification de terminologie était sans conqéquence sur la loi organique qui vise les inéligibilités (art. L.O. 130-1). Comme le dit le poète "des débris du Palais, j'ai bâti une chaumière". Le texte est un peu une chaumière pour le médiateur. Il y avait à l'origine la volonté d'une mise hors de tout contrôle du médiateur. Mais il ne paraît pas possible, sauf disposition constitutionnelle, qu'un organe, quel qu'il soit, soit soustrait à tout contrôle de ses actes. Le principe est celui de l'existence, dans tous les cas, soit d'un recours en cassation, soit d'un recours pour excès de pouvoir. C'est là une pièce essentielle de l'Etat de droit.

L'article 80, pour reprendre une métaphore empruntée à la couture, est du sur-mesure. Je vous le lis "les fonctionnaires stagiaires ayant la qualité de titulaire dans un autre cadre des administrations de l'Etat, et qui sont élus au Parlement durant leur stage, sont titularisés, de plein droit, dans leur nouveau grade, à l'issue d'une période égale à la durée moyenne du stage des fonctionnaires de ce nouveau grade". Ce n'est pas le cas des fonctionnaires stagiaires en général qui est concerné, mais une situation très spécifique.

La mesure a pour objet d'éviter la perte de bénéfice de stage en cas d'élection. Je ne connais pas le cas qui est en cause. Je crois qu'il s'agit d'un universitaire qui passe de l'enseignement secondaire à l'enseignement supérieur.

La défense du Secrétariat général du gouvernement est amusante : elle consiste à souligner que l'élection vaut bien un stage... Je dis oui... si l'on veut !... s'il s'agit d'une fonction où il s'agit de convaincre... mais s'il s'agit de physique nucléaire ou d'un emploi technique ? Quel peut être l'apport de la fonction parlementaire ?

Il ne serait pas poli de soulever cette difficulté. La seule objection résulte de l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen qui pose le principe de l'égal accès aux emplois publics selon les capacités et sans autre distinction que celle des vertus et des talents. Mais je n'ai pas le courage de me lancer dans une bataille juridique sur ce point et tout le monde connaît la grande fraternité qui unit tous les enseignants... ! Monsieur le Président, j'ai terminé.

M. le Président : Merci M. le Doyen. Il y a ce qui peut appeler une discussion d'ensemble de la part du Conseil constitutionnel. Ma préoccupation personnelle concerne le contenu même du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social. Le titre I de ce projet est relatif à des dispositions diverses relatives à la détention provisoire. Je sais bien qu'on a connu une période où l'on disait tout est politique.

Si les dispositions concernant la détention provisoire constituent des dispositions sociales, alors tout est social. La procédure pénale touche une question majeure de liberté. Certes, il y a une question d'opportunité pour le gouvernement. Mais au moment où nous allons nous pencher sur le problème du lien d'un amendement avec la loi, j'avoue finalement que je n'irai pas dans le sens d'une conception ultra-extensive. Mais de quoi, face à ce fourre-tout, devons-nous nous saisir d'office ?

Je ne pense pas que nous devrions nous livrer à un examen sourcilleux mais nous devrions censurer l'infâme. Pour notre cas (à savoir les articles 1 et 2), nous ne censurons pas, mais nous n'approuvons non plus. Il y à là un cavalier impressionnant.

M. VEDEL : J'ai une motion d'ordre. Il faudrait ajourner l'examen de ceci jusqu'à ce que nous ayons délibéré sur le rapport de M. FABRE. Le cavalier législatif est une construction du Conseil dont les bases demandent à être définies. Certes, il faut éviter le désordre. Mais est-ce que le désordre est inconstitutionnel ? Non. Ce qui pose poblème, c'est le détournement de procédure qui, lui, peut être inconstitutionnel.

M. le Président : Je ne vois pas d'inconvénient à repousser la discussion. Je souligne que mon attitude serait différente s'il s'agissait de droit pénal, lié au social comme on peut l'admettre, et non de procédure pénale.

M. VEDEL : Il faut caractériser le manquement, non comme un désordre intellectuel, mais comme un manquement à la Constitution.

M. LECOURT demande si le titre 1 figurait dans le projet de loi ou s'il résulte d'un amendement ?

M. le Secrétaire général : C'est un amendement de M. Jean-Pierre MICHEL (1). Il s'agissait de reporter la date de l'entrée en vigueur d'une disposition de la loi du 30 décembre 1987 dite "loi CHALANDON". Cette disposition réformait l'instruction pénale et avait été abrogée par un projet de loi adopté à l'unanimité en première lecture mais qui n'avait pas été inscrit à temps devant le Sénat.

La séance est interrompue entre 10 h 50 et 11 heures.

M. FABRE présente son rapport sur la loi portant diverses dispositions relatives aux collectitiés territoriales.

(1) J.O. du 16 décembre 1988 Débats parlementaires A.N. p. 3671

Monsieur le Président, mes chers collègues,

Je me doutais bien que le débat que nous allons avoir sur les saisines de la loi qui nous est déférée serait important, délicat, et quelque peu aride.

Il aura cependant un avantage : celui de nous faire avancer dans la réflexion que nous avons amorcée sur le droit d'amendement.

Au fil des ans, le Conseil constitutionnel, amené à se prononcer sur la conformité -ou non- à la Constitution d'amendements soumis à notre censure, a ébauché une doctrine, sans toutefois aller au-delà d'un cadre au sein duquel il souhaite garder sa liberté de décision. Il a formulé deux exigences fondamentales (lien et portée).

Peut-être la discussion d'aujourd'hui nous permettra-t'elle d'aller plus loin dans notre analyse à l'occasion de l'examen des articles contestés de la loi "portant diverses dispositions relatives aux collectivités territoriales".

Après quelques indications sur les conditions de notre saisine, je rappellerai donc les lignes directrices de notre jurisprudence avant d'étudier les articles et leur possible rattachement au texte de la loi .

Les conditions de notre saisine :

Dès le 23 décembre 1988, M. PASQUA et 60 sénateurs nous déféraient ce texte au motif que les articles 16 et 17 n'avaient pas été adoptés selon une procédure conforme à la Constitution.

Ils font valoir que ces deux articles, introduits par voie d'amendement parlementaire, sont dépourvus de tout lien avec le texte en discussion.

Ce même soir, M. DAILLY annonçait à notre Secrétaire général le dépôt d'un mémoire ampliatif. Ce mémoire souligne des moyens nouveaux à l'encontre des articles 16 et 3 en faisant porter la contestation au fond.

Etant accompagné de 74 signatures, ce second recours était recevable.

L'essentiel des griefs portant sur les conditions d'adoption des articles 16 et 17, c'est à cette question de procédure qu'il faudra d'abord répondre. Puis, dans une deuxième partie, nous examinerons les arguments portant sur le fond des articles 16 et 3. Bien entendu si nous annulons, pour vice de procédure, l'article 16, seul l'article 3 sera étudié au fond.

Il nous appartient en effet de nous prononcer non seulement sur la conformité de la loi aux règles de fond édictées par la Constitution mais encore d'examiner si la loi a été adoptée dans le respect des règles de valeur constitutionnelle relatives à la procédure législative.

Nous sommes donc bien ici dans notre rôle, même si notre mission est délicate.

Le Parlement est en effet très légitimement attaché à ses prérogatives. Toute censure prononcée dans le domaine de la procédure législative doit donc être solidement fondée.

Jurisprudence du Conseil constitutionnel

Abordons donc la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l'exercice du droit d'amendement.

Jusqu'à notre décision du 22 juillet 1980 les assemblées parlementaires, sur le fondement de l'article 45, alinéa 1, de la Constitution (tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique) avaient édicté des règles tendant à interdire le dépôt d'articles additionnels à partir de la deuxième lecture d'un texte.

Cette interdiction aboutissait à freiner le dépôt des amendements, et à les réduire au cours des navettes. Ceci pour éviter tout débordement législatif. C'est ce qu'on appelait la pratique de l'entonnoir.

Dans sa décision du 22 juillet 1980 le Conseil constitutionnel a considéré :

que le règlement des assemblées parlementaires n'avait pas de valeur constitutionnelle :

qu'un amendement introduit en seconde lecture pouvait être adopté selon une procédure régulière.

A partir de là le Conseil a amorcé l'élaboration d'une jurisprudence.

L'exercice du droit d'amendement était autorisé à chaque stade de la procédure législative.

Mais cet exercice avait des limites reposant sur la distinction opérée par la Constitution entre les projets et propositions de loi, d'une part (art. 39) et, d'autre part, le droit d'amendement (art. 44).

Ces limites ont été précisées dans les décisions des 29 décembre 1986 et du 23 janvier 1987 sur lesquelles nous allons revenir.

La Constitution elle-même tient compte de cette distinction, et pose des conditions et des limites à la pratiques des amendements dans son article 45, alinéa 3.

Je rappelle ce système assez complexe.

1er cas : La procédure de la Commission paritaire n'est pas engagée : aucune limite au droit d'amendement.

2ème cas : La commission paritaire est remise :

a) La commission élabore un texte

Ce texte peut faire l'objet d'amendements si le gouvernement les accepte.

b) La commission échoue ou bien son texte n'est pas adopté en termes identiques par les deux assemblées.

Nouvelle lecture : amendements possibles.

Dernière lecture : seuls les amendements adoptés par le Sénat sont recevables si l'Assemblée nationale décide de reprendre le dernier texte voté par elle.

Ayant considéré que le droit d'amendement peut (sous réserve de respecter les conditions énoncées par l'article 45) s'exercer à chaque stade de la procédure.

Le Conseil constitutionnel a été conduit à maintenir l'exercice de ce droit dans certaines limites.

Ces exigences découlent de la distinction faite entre projets et propositions de loi (art. 39 § 1) et droit d'amendement (art. 44-1).

Les procédures sont très différentes :

Le projet de loi est soumis à de nombreuses formalités contraignantes, destinées à préserver la qualité du débat démocratique.

Consultations du Conseil d'Etat, éventuellement du Conseil économique et social, des assemblées territoriales d'outre-mer. Délibérations en Conseil des ministres, renvoi en commissions, inscription à l'ordre du jour prioritaire, etc.

L'amendement échappe à la plupart de ces contraintes. N'étant que le corollaire de l'initiative législative, il doit être contenu dans des limites convenables.

Deux conceptions différentes, deux procédures différentes. De cette dualité le Conseil constitutionnel a déduit que "les adjonctions ou modifications apportées au texte en discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39-1 et 44-1 de la Constitution, ni être sans lien avec ce dernier, ni dépasser par leur objet et leur portée les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement". Décisions du 29 décembre 1986 et 23 janvier 1987.

Voilà la procédure parlementaire. Voila le jurisprudence ébauchée par notre Conseil.

C'est au regard de cette jurisprudence qu'il nous appartient maintenant d'apprécier si les articles 16 et 17 sont ou non dépourvus de tout lien avec le texte dans lequel ils ont été introduits.

1°- Ces deux articles résultent d'amendement portant articles additionnels présentés en première lecture devant l'Assemblée nationale.

L'article 16 (issu de l'amendement n° 1 présenté par M. LE GUEN) concerne le régime financier du Conseil de Paris et tend à abroger le régime spécifique d'établissement et de contrôle des crédits de fonctionnement de ce Conseil.

L'article 17 (issu de l'amendement n° 23 rectifié de M. MEXANDEAU) a pour objet d'aligner le régime électoral des communes de 2500 à 3500 habitants sur celui déjà applicable aux communes de 3500 habitants et plus, à savoir un système majoritaire avec correctif proportionnel.

Les requérants dénient tout lien entre ces articles et le texte de la loi. Pour déterminer s'il y a lien ou non, il convient d'abord de définir ce qu'est à nos yeux le cadre du texte soumis à discussion.

Ce cadre se définit par son contenu d'origine, c'est-à-dire le contenu de ses articles.

Notons au passage que l'intitulé final de la loi diffère du titre initial. Il a été modifié presque in fine par le Rapporteur de l'Assemblée nationale (M. PEYRONNET) constatant que les dispositions nouvelles introduites en élargissaient le champ.

Il ne me parait pas que la modification de l'intitulé initial d'un texte - toujours possible par une assemblée - puisse avoir un effet sur la régularité de la procédure d'adoption de ce texte.

Par contre, si le titre initial avait été "dispositions diverses ", le problème du lien avec les articles contestés ne se poserait pas. Fermons la parenthèse.

Examinons donc quel est le cadre du projet de loi qui nous est déféré.

Le projet d'origine poursuivait un triple objet : le délai de réorganisation des services de l'Etat (articles 1er et 2), la composition paritaire du Conseil d'administration du Centre national de la fonction publique territoriale (articles 3 à 5) et, enfin, les fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois à temps non complet (articles 6 à 8). De plus l'exposé des motifs du projet de loi, tout comme l'intitulé qui lui avait été donné par le Gouvernement, étaient en harmonie avec le contenu du texte.

Cette volonté de cadrer le projet de loi a d'ailleurs été mise en évidence tant par M. PEYRONNET, au nom de la commission, que par M. BAYLET, au nom du gouvernement, lors de la première séance du 9 décembre, lors de la présentation du texte à l’Assemblée nationale.

M. PEYRONNET : "Je tiens à souligner, ainsi que l'a fait le gouvernement en présentant son projet de loi, la portée ponctuelle et limitée de ce texte, qui ne doit en aucune façon être considéré comme une novelle réforme des collectivités locales ni, surtout, du statut de leurs personnels" et M. BAYLET : "... le Gouvernement a décidé de vous soumettre, dès cette session, un projet de loi dont le contenu est à la fois limité et bien précis ... Il (le projet) n'épuise pas le sujet complexe, parfois ardu, de la fonction publique territoriale. Mais, de manière plus mesurée, je crois qu'il contribue à répondre à des questions concrètes, très actuelles, appelant des réponses précises, rapides et attendues".

Ce ne sera pas la "loi Baylet".

Il ressort nettement de ces déclarations que la volonté du gouvernement a été, pour obtenir le vote de quelques mesures précises et urgentes, de limiter la portée de son texte afin d'éviter qu'il ne donne prise à trop d'amendements.

Aussi limité soit-il, le cadre du projet n'excluait pas pour autant, au regard de notre jurisprudence, toute possibilité d'amendements. Ainsi tout amendement portant, soit sur la réorganisation des services extérieurs de l'Etat, soit sur la fonction publique territoriale aurait pu y trouver sa place. Je note d'ailleurs qu'il en va ainsi pour les articles noveaux introduits eux aussi par voie d'amendement que sont les articles 4, 8, 11, 12, 13 et 14.

On ne peut en dire autant des articles 16 et 17 soumis à notre examen. Il en va d'ailleurs de même en ce qui concerne les articles 15 et 18 de la loi, qui pourtant ne sont pas soumis à notre censure.

En effet l'article 15 concerne le mode de désignation des délégués des communes dans les conseils des communautés urbaines et l'article 18, introduit quant à lui en deuxième et nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, à la demande du ministre de l'Equipement et du Logement, tend à proroger jusqu'au 31 mai 1990 les périmètres provisoires des zones d'aménagement différé, matière qui relève de la compétence exclusive de l'Etat.

Mais l'opportunité de cette mesure a fait l'objet d'un consensus, sachant qu'elle est nécessaire à la réalisation du Dysney-Land de Marne-la-Vallée.

Cependant, s'agissant de ces deux derniers articles et dans la ligne de ce que nous avons décidé le 29 décembre dernier à propos des "cavaliers budgétaires", je ne vous propose pas de soulever d'office le moyen tiré de ce qu'ils ont été adoptés selon une procédure irrégulière.

Le Conseil a choisi, semble-t-il, cette ligne de conduite par une convention tacite.

C'est pourquoi je vous proposerai seulement de censurer les articles 16 et 17.

Quoique je me suis demandé un moment s'il n'était pas possible de limiter notre décision de censure au seul article 17. J'avais même préparé une variante de décision qui pourrait être soumise au Conseil s'il s'arrêtait à ce choix.

Il m'est enfin apparu que les articles 16 et 17 présentaient plusieurs différences :

- tout d'abord, si l'on suit le gouvernement dans ses observations en gommant sa position initiale, on peut admettre que, s'agissant de l'article 16 relatif au régime financier du Conseil de Paris, un lien, certes pas évident, mais un lien cependant existe avec le texte d'origine qui comportait des dispositions ayant des incidences sur le régime financier des collectivités territoriales ;

- d'autre part, le gouvernement accentue la divergence en reconnaissant lui-même que l'article 17, lui, aurait trouvé plus naturellement sa place au sein de la loi modifiant diverses dispositions du code électoral et du code des communes relatives aux procédures de vote et au fonctionnement des conseils municipaux. C'est preque avouer que cet article 17 n'avait pas sa place dans la loi qui nous est déférée ;

- enfin, on pourrait établir une distinction basée sur le texte de l'article 34 relatif aux règles fixées par la loi.

Les règles concernant "le régime électoral des assemblées parlementaires et locales" sont nettement séparées des principes fondamentaux dont "la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources". Ces deux articles sont donc de nature différente. Dernière notation : le gouvernement a soutenu l'article 16 et s'en est remis pour le 17 à la sagesse des assemblées.

Toutes ces raisons pourraient conduire si l'on retenait une attitude bienveillante à l'égard du législateur, à ne pas censurer l'article 16 de la loi, l'article 17 étant, en tout état de cause, censuré.

Je reprendrai l'expression "je m'en remets à la sagesse de notre assemblée".

M. le Président : On s'arrête sur la procédure. J'ouvre la discussion... M. le Doyen se précipite au filet :

M. VEDEL : Si je demande la parole, c'est que je me suis trouvé en opposition le 23 janvier 1987 avec la solution retenue par le Conseil constitutionnel. Je suis solidaire de cette décision à l'extérieur, mais non à l'intérieur.

Deux choses m'avaient heurté :

- d'une part, j'ai le sentiment de la nécessité d'une extrême réserve du juge constitutionnel dans les relations de procédure entre le gouvernement et l'Assemblée. Il ne faut pas s'introduire dans la chambre à coucher des époux. Cela dit, on ne peut pas non plus tout permettre.

- en deuxième lieu, j'avais été choqué par la rudesse de la motivation retenue par le Conseil constitutionnel.

Pourquoi une limitation du droit d'amendement ? Tout ce qui n'est pas interdit est permis, or il n'y a aucune prohibition. II y a une fausse analogie avec le cavalier budgétaire pour lequel une disposition précise et formelle existe.

Certes, il y a l'idée cartésienne qu'il est de mauvaise méthode de tout metrre dans une loi. Mais une absurdité logique n'est pas une inconstitutionnalité.

Il faut se défier du nominalisme. Je me méfie de l'extension de notre contrôle qui se fonde sur une distinction tout juste amorcée dans la Constitution et quenous complétons. Nous ne sommes pas devant un théorème de géométrie. Il faut être très attentif à la limitation du droit d'amendement.

Ma conclusion personnelle est cependant qu'il ne faut pas remettre en cause la solution de 1987. Je m'y rallierai à condition qu'on fasse de la limitation du droit d'amendement quelque chose d'intellectuellement construit.

Il faut faire comprendre notre jurisprudence. Je fais appel pour cette construction à la notion de détournement de procédure (qui est une variété du détournement de pouvoir) et qui consiste pour parvenir à une fin légitime, à suivre une procédure plus commode que celle qui est légalement imposée.

On ne doit pas permettre d'esquiver certaines garanties. Le droit d'amendement peut être un prétexte à les tourner. Il faut faire une synthèse de 1987 et de 1989. La motivation en 1987, c'est que le gouvernement, sur l'amendement SEGUIN, avait essayé de contourner la nécessité d'un débat parlementaire ciblé. Je n'ai pas adhéré à ce moment à la décision. Ici la situation est inverse.

Si l'utilisation du droit d'amendement en fin de parcours correspond à une forme de détournement de procédure, ici, le détournement résulte de ce que le droit d'amendement met en cause le principe de l'ordre du jour prioritaire fixé "par le gouvernement". La proposition de loi qui est à l'origine de l'amendement aurait dû subir le cheminement prévu par la Constitution.

En 1989, cela conduit à forcer la main au gouvernement et à faire sauter l'obstacle de la fixation prioritaire de l'ordre du jour.

Ainsi, au lieu d'une construction morcelée et empirique, il faut faire passer cette idée d'une interprétation constructive de la Constitution.

Si le Conseil constitutionnel censure, ce n'est pas au nom d'une impression ou pour des raisons nominalistes, mais pour des raisons de fond, par le canal de la procédure. L'abus du droit d'amendement peut aboutir à un détournement de procédure qui déséquilibre le fonctionnement des institutions et qu'il faut sanctionner à ce titre.

M. le Président : Merci, Monsieur le Doyen. C'est très intéressant. Je dirai ce que j'en pense. J'ouvre la discussion sur cette question tout à fait passionnante. J'ai demandé à M. le Secrétaire général et à M. PAOLI si les censures prononcées par le Conseil en 1988 concernaient uniquement des amendements ou des projets de loi. Elles ne concernent que des amendements ou des propositions de loi. Ceux qui franchissent la barre de linconstitutionnalité, ce sont surtout les parlementaires.

M. LECOURT : Je n'ai pas grand chose à dire. Ce que je viens d'entendre répond à une conviction très ancienne chez moi.

La débat parlementaire voisine avec une incohérence presque complète à cause des amendements.

Il y va de la méthode parlementaire et, au-delà, de la loyauté du débat parlementaire.

L'élargissement impromptu du débat par les amendements concerne la salubrité et la loyauté du débat. Des problèmes nouveaux sont posés auxquels les députés ne sont pas préparés.

Faut-il bâtir une théorie générale ?

Je crois que M. VEDEL a touché au bon endroit. On utilise l'amendement dans un but qui n'était pas celui prévu par le constituant. La notion de détournement de procédure pourrait nous amener plus précisément sur ce que nous avons décidé en 1987. C'est la bonne direction

M. JOZEAU-MARIGNE : Je rejoins M. VEDEL et M. LECOURT. La notion du cavalier législatif est distincte de la notion de cavalier budgétaire. M. vedel pas de majuscule?cherche une jusitfication au cavalier législatif. Je crois que par rapport au texte de loi dont il est question, il suffit de peu de chose pour marquer la pensée qui peut nous conduire.

Je remarque que quels que soient les gouvernements, ce sont généralement les amendements qui sont en cause. Je l'ai vécu. Les amendements qui surgissent vont à l'encontre du débat démocratique. Ils vont à l'encontre du gouvernement car la proposition de loi est inscrite à l'ordre du jour complémentaire alors que le projet de loi figure à l'ordre du jour prioritaire.

Ils vont à l'encontre de la majorité car celle-ci, lorsqu'elle est prise de court, est contrainte au scrutin public et au vote électronique.

Cela nuit aussi à l'opposition. L'amendement qui n'a pas de rapport avec le texte en discussion a un caractère inopiné. Elle n'a pas pu se préparer

Me rappelant mes 35 ans de présence au Sénat, j'approuve la censure des articles 16 et 17.

M. LATSCHA : Je ferai deux ou trois remarques :

- je suis d'accord avec la solution de M. le Rapporteur et avec les réflexions de M VEDEL ;

- je suis encore novice dans la maison mais il m'apparaît que notre mission est plutôt de canaliser les débordements que de les encourager ;

- en lisant le projet de décision, la notion de détournement de procédure est celle qui m'est venue naturellement à l'esprit.

Faut-il s'en tenir au schéma proposé ou aller plus loin ? Je n'en sais rien, en tout cas l'orientation de M. VEDEL est utile.

M. MAYER : Je suis d'accord. Mais il me semble qu'il ne faut pas condamner l'amendement, même de dernière heure, qui permet une synthèse et le rapprochement des points de vue.

M. le Président : Dans ce cas, c'est lié au débat.

M. MAYER : Mais qui en sera juge ?

M. MOLLET-VIEVILLE : Celui qui prend la parole le dernier risque la redite. Je me rallie aux différentes observations. Je n'ai rien contre ce qui a pu être évoqué et contre les propositions du rapporteur.

M. le Président : La censure me paraît aller de soi. Le fondement de l'autorité juridique et morale du Conseil constitutionnel, c'est la cohérence de sa jurisprudence.

La notion de lien a été posée par notre décision "Tour Eiffel" de 1985 (1). Or, en l'espèce, les amendements ne me paraissent avoir aucun lien avec le texte qui était en discussion. La modification rétroactive de l'intitulé n'y change rien.

Reste ce problème posé par M VEDEL, celui de la théorie générale de l'amendement. Je suis séduit par la théorie du détournement de procédure. Il faut veiller à ce qu'il n'y ait pas un abus de pouvoir. Comme le soulignait KELSEN, le contrôle de constitutionnalité a pour fonction de protéger les minorités.

Objectivement l'idée qu'on ne peut accepter un détournement de pouvoir me paraît riche. Je m'interroge néanmoins sur l'opportunité de formuler cette théorie en l'espèce.

Nous sommes dans le cadre de l'application de la jurisprudence classique sur l'absence du lien. Devons-nous aller plus loin ? Motiver plus complètement.

Je serai prudent dans nos rapports avec le Parlement, sauf dans 2 cas:

1°- quand le gouvernement charge trop la banque après l'échec de la commission mixte paritaire, on peut assister à des coups de force ;

2°- quand le parlementaire essaie de tourner les dispositions sur le droit d'initiative (article 48 de la Constitution).

Faut-il formuler une théorie générale ici ?

M. VEDEL : Je ne propose pas d'aller aussi loin.

(1) L'exigence du lien remonte en fait à la décision n0 85-191 DC du 10 juillet 1985.

M. le Président : Si nous allons au-delà de la formulation proposée, les députés pourraient avoir le sentiment que le Conseil constitutionnel restreint leur droit d'amendement.

Après notre décision sur l'amendement SEGUIN, il n'est pas souhaitable d'insister sur le détournement de procédure commis par les parlementaires.

Nous nous réservons, mais nous aurons l'occasion de formuler la théorie du détournement de procédure. Le bon grain est semé, M. le Doyen, je me contenterai donc pour le moment de la formulation proposée.

M. FABRE : Mon voeu est exaucé quand au début de ce rapport je souhaitais que l'on aille plus loin dans la réflexion ...! Je suis d'accord avec vous sur le détournement de procédure. Mais si nous ajoutons quelque chose, cela pourrait irriter.

M. VEDEL : Tout ce que j'aurais proposé c'est d'ajouter quelques mots. Il s'agit simplement d'une incise.

M. FABRE : donne lecture de la partie du projet de décision relative aux articles 16 et 17.

page 4 : M. le Président se demande s'il est besoin de rappeler tout cela ?

 M. MAYER souligne en réponse que c'est faire oeuvre pédagogique et que ce n'est pas un mauvais enseignement.

 M. le Président : poursuivons pour savoir si cela est nécessaire pédagogiquement et juridiquement.

 M. VEDEL propose d'ajouter que "l'amendement constitue la mise en oeuvre d'une procédure spécifique".

 M. le Président se demande si cela est bien nécessaire. N'est-ce pas une forme de lapalissade ? et si nous changeons de formulation, cela va induire des commentaires de la doctrine.

 M. VEDEL : Nous introduisons la notion de procédure. Nous sommes donc sur la voie désirable.

 M. le Président propose la formule "qui relève d'une procédure spécifique" et souligne : nous avonçons à petits pas.

M. VEDEL : Je ne voulais même pas au départ aller plus loin.

page 6 : le dernier considérant est modifié dans le sens d'un allègement avec la disparition de la référence aux articles 39 et 44 de la Constitution.

M. FABRE poursuit la lecture de son rapport.

J'en viens aux contestations portant sur le fond.

Elles sont présentées dans la seconde saisine signée par M. Etienne DAILLY et 74 sénateurs et concernent les articles 3 et 16 du projet de loi.

L'article 3 est relatif au Centre national de la fonction publique territoriale et l'article 16, comme je l'ai déjà indiqué, modifie le régime administratif de la ville de Paris.

I - Nous n'avons pas à répondre à la contestation au fond de l'article 16 puisque nous censurons cet article sur le fondement de l'irrégularité de procédure.

II - La contestation de l'article 3 du projet de loi mérite notre attention.

Cet article 3 substitue aux deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 12 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 dans sa rédaction issue de l'article 12 de la loi n° 87-529 du 13 juillet 1987 des dispositions nouvelles relatives au Centre national de la fonction publique territoriale.

Le centre est un établissement public national de caractère administratif qui regroupe les communes, les départements, les régions et les établissements publics locaux.

Les nouvelles dispositions prévoient en particulier :

- que le centre national est dirigé par un conseil d'administration paritairement composé d'élus représentant les communes, les départements, les régions et de représentants des organisations syndicales de fonctionnaires territoriaux ;

- que le conseil d'administration élit, en son sein, son président parmi les représentants des collectivités territoriales ; 

- qu'il prend ses décisions à la majortié et qu'en cas de partage des voix celle du Président est prépondérante.

- que, toutefois, les représentants élus locaux participent seuls au scrutin lorsque le Conseil d'administration délibère sur les questions mentionnées au premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et septième alinéas de l'article 12bis de la loi du 26 janvier 1984.

Cette dernière disposition vise toutes les attributions du centre national qui concernent la gestion du personnel par opposition aux missions de formation qui font l'objet de l'alinéa 6 non mentionné dans l'énumération. On peut remarquer que cette énumération ne mentionne pas le budget qui fait l'objet des dispositions de l'article 12ter. Mais il ne fait pas de doute que c'est, dès lors, le principe posé que le Conseil prend ses décisions à la majorité des membres présents ou représentés qui s'applique.

Les auteurs de la saisine contestent l'introduction du paritarisme au sein du Conseil d'administration en s'appuyant sur l'article 72 de la Constitution.

" Les collectivités territoriales" s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi".

Ils contestent surtout la participation des représentants syndicaux à l'élection du Président,
 au vote du budget,
 et (à titre consultatif) à la Gestion du personnel.

Ils ne l'admettent qu'en matière de formation.

Or l'article 34 apporte des précisions : La loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales.

Il faut donc concilier les termes des articles 34 et 72 : les principes de libre administration et le respect de la volonté décentralisatrice.

Est-ce à dire que les élus doivent avoir le monopole de cette administration ?

Les auteurs de la saisine penchent pour un rôle prépondérant sinon exclusif des élus.

Ils mentionnent l'avis du Conseil d'Etat sur le projet de loi, qui n'a pas été entièrement suivi par le Gouvernement.

Le Conseil d'Etat a estimé dans cet avis que seuls les représentants élus des communes, des départements et des régions devaient disposer d'une voix délibérative pour les compétences du centre national en matière de gestion, de recrutement et, en ce qui concerne le vote, du taux des cotisations et du budget.

Par ailleurs, une lecture a contrario de notre décision du 20 janvier 1984 sur la loi relative au statut de la fonction publique territoriale pourrait elle aussi conduire à une conception large de l'exclusivité.

Le cinquième considérant précise, en effet, que la loi "pouvait, en vue d'instituer des garanties statutaires communes à l'ensemble des agents des collectivités territoriales, attribuer compétence à des centres de gestion composés d'élus des collectivités pour effectuer des tâches de recrutement et de gestion de leur personnel".

De tels indices ne m'apparaissent pas suffisants pour imposer le rôle exclusif des élus ?

Deux raisons à cela :

1. D'une part, parce qu'il est nécessaire de concilier l'article 72 avec les dispositions du 8ème alinéa du Préambule de la Constitution du 7 octobre 1946 .

Cet alinéa précise : "Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises".

Certains commentateurs pensent que ce principe a été reconnu applicable à la fonction publique par notre décision du 20 juillet 1977. D'autres sont plus circonspects sur la portée de cette décision et soulignent que les travaux préparatoires de la Constitution vont plutôt dans le sens d'une application au seul secteur privé.

2. Même si le huitième alinéa au Préambule de la Constitution de 1946 ne peut être directement opposé aux auteurs de la saisine il me semble que le respect de l'article 72 n'impose pas que soit écartée toute participation.

Mon appréciation repose sur l'analyse des diverses compétences du Centre national.

Je note d'abord qu'en toute matière les élus disposent de la majorité des voix : Président choisi parmi les représentants des collectivités locales et qu'en cas de partage des voix, le Président élu a une voix prépondérante. Tout ce qui touche à la politique du personnel est réservé aux seuls élus.

D'ailleurs les auteurs de la saisine ne contestent pas la parité dans le domaine de la formation des personnels.

En ce qui concerne le vote du budget, il apparaît normal, s'agissant d'un établissement public que tous les membres du conseil d'administration puissent le voter, ainsi que la cotisation obligatoire. N'est-ce pas le cas des conseils d'administration des hôpitaux, de la Caisse d'épargne, des offices H.L.M., des Caisses des écoles, etc.)

Le pouvoir budgétaire est d'ailleurs très fortement encadré par la loi (article 12 ter).

Je considère que l'article 72 n'implique pas dans tous les domaines l'exclusivité du pouvoir des élus, mais que ses dispositions accordant aux élus l'exercice d'une libre administration sont respectées.

Je vous propose donc le rejet de la contestation de l'article 3 .

M. le Président : Je ne vois pas bien l'objet de la contestation.

M.LATSCHA : J'étais assez perplexe, mais le système antérieur était-il plus paritaire ?

M.le Président : le législateur ne fait qu'user de ses pouvoirs !

M. FABRE donne lecture de la décision. (Deux modifications sont apportées qui consistent pages 9 et 10 à ajouter la mention du recrutement à côté de celle des tâches de gestion).

Il est 12 h. 42. La séance est suspendue 5 minutes.

M. le Président : Nous revenons maintenant à la discussion sur les cavaliers législatifs dans le cadre de la loi portant diverses mesures d'ordre social.

M. VEDEL : Si je comprends bien, le problème est celui des articles 1 et 2. Faut-il soulever d'office leur nature de cavaliers législatifs ? Quels sont les critères qui font que l'on soulève d'office ?

Il n'y a pas un critère, mais un "faisceau d'indices", comme on dirait au Conseil d'Etat.

- L'idée du caractère flagrant ou douteux du grief : II ne faut pas soulever d'office une question douteuse.

- La gravité du problème soulevé d'office : On ne doit pas pouvoir laisser passer une disposition en raison de sa gravité.

- L'opportunité : On ne soulève pas d'office dans un débat dans lequel on n'a pas tous les éclaircissements nécessaires.

- Enfin, il y a le rapport du grief d'inconstitutionnalité avec les finalités du texte qui comporterait cette inconstitutionnalité.

Je m'explique : Dans la matière des cavaliers législatifs où droits et prérogatives font l'objet d'un abus, il faut faire entrer en compte le consensus ou le dissensus des organes intéressés. "La bonne théorie, disait EINSTEIN, est la chose la plus pratique".

Y-a-t-il violence soit vis-à-vis du parlement, soit vis-à-vis de l'opposition ou du gouvernement ? Alors le cavalier serait mauvais.

Ici j'ai la conscience tranquille.

Les articles sont nés de la volonté de résoudre un problème sans manoeuvre déloyale. Il est légitime de tenir compte ici de cette considération.

Je propose donc de garder silence. C'est une occasion trop mince pour soulever d'office.

M. LECOURT : Je vais dans le sens du Doyen VEDEL. Si le débat parlementaire a été emprunt de loyauté et si personne n'a soulevé d'objection, à moins de questions d'une dimension extraordinaire, le Conseil ne doit pas soulever d'office.

M. MOLLET-VIEVILLE : A titre personnel et professionel, j'ai été choqué par les deux premiers articles. Mais un débat a eu lieu et malgré le désagrément que je ressens, je me rallie pour des raisons pragmatiques. Mais j'ai été heurté et je le reste.

M. FABRE : Le problème est celui du moyen à soulever d'office. Soit ce n'est pas opportun, soit le sujet est trop mince.

M. Le Président : Si nous avions été saisis, le texte aurait succombé. Il n'y a pas de lien. Mais il y a la nécessité ; ce n'est pas un détournement malicieux.

M. VEDEL : C'est l'expédient !

M. le Président : la seule question au regard de l'harmonie nécessaire entre nos décisions c'est l'exigence d'un lien direct et nous laissons glisser ce qui n'a pas de lien. Dans le dispositif, je souhaite que nous n'indiquions pas que la loi n'est pas contraire à la Constitution. On s'en tient à l'article 39. Pour une fois on se contente de cela. Sinon, je crains une contradiction entre nos deux décisions du même jour qui serait soulevée par la doctrine.

M. VEDEL : Au sein même de la loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités territoriales, il y a des dispositions tout aussi étrangères.

M. le Président : Je souhaite que l'on s'en tienne à un dispositif restreint qui souligne que l'article 39 n'est pas contraire à la Constitution. Je ne souhaite pas que l'on puisse dire que deux décisions rendues concomitamment sont contradictoires. Il saute au visage quand on lit le texte qu'il s'agit d'un cavalier.

M. VEDEL : Cela conduit à un drôle de dispositif. Mais, M. le Président, nous devons avoir une position cohérente.

On ne peut pas soutenir que ce qui nous saisit c'est la saisine et non les moyens et ne pas faire porter notre décision sur le tout. Il y a là une impossibilité juridique et 30 ans d'existence sont en jeu.

La saisine équivaut à une troisième lecture par l'organe constitutionnel qui est saisi de tout le texte. Donc il peut soulever d'office. Sinon, nous ne remplissons pas notre office. L'ultra petita n'a pas de prise sur nous. Il y a un effet de droit public de la saisine. Il y a superfétatoirement une argumentation. Mais n'ayant pas d'ultra petita on ne peut pas statuer par une infra-décision. Notre compétence est un bloc, elle ne peut pas être divisée.

M. le Président : Ce n'est pas l'affaire de la portée de notre décision. Le problème est de cohérence d'ensemble. On ne peut pas dire une chose et son contraire ! Ce n'est pas une mince affaire au fond. Il s'agit de mettre un terme à la garantie de 3 magistrats pour la détention préventive.

M. VEDEL : C'est une révolution si à propos d'une difficulté passagère on utilise une voie aussi constructive !

Notre décision en précisant que la loi n'est pas contraire à la Constitution confère une immunité procédurale au texte et non pas une immunité au fond. II y a des exemples en droit administratif. C'est la voie que nous pouvons emprunter Mais nous ne pouvons saper notre propre compétence.

De plus vous survalorisez la saisine et vous la coupez en 1/80ème... Non, on ne peut pas s'engager dans cette voie !

M. le Président : Je sais que vous êtes ferme sur votre position Je vous comprends, mais ici c'est vraiment désolant...

M. VEDEL : M. le Président, vous allez présider pendant 6 ans. Pensez à l'avenir et aux difficultés que vous risquez de rencontrer !

M. le Président : M. le Secrétaire général pouvez-vous nous rappeler les étapes de la formulation du considérant balai et du dispositif ?

M. le Secrétaire général : On peut distinguer trois phases en ce qui concerne la formulation du considérant balai.

Il y a la décision du 11 août 1960 qui retient la formule suivante : "Considérant qu'en l'espèce, il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi".

Il y a eu ensuite la formulation qui est due à M. DUBOIS dans la décision du 23 décembre 1970 : "considérant qu'en l'état ..." (le reste étant identique).

Enfin, la formulation actuelle est due à M SEGALAT dans la décision du 30 décembre 1977 : "considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen".

La pratique s'est stabilisée dans ce sens mais le débat a été renouvelé.

En ce qui concerne le dispositif, l'article précisant que les autres dispositions de la loi ne sont pas contraires à la Constitution n'a lieu d'être que pour les décisions de censure partielle. Cette mention a été supprimée dans la décision du 30 décembre 1987.

M. MAYER : Cela dépend de l'objet de la saisine.

M. VEDEL : L'objet de la saisine ne peut être que de déférer la loi au Conseil constitutionnel.

M. MAYER : M. le Doyen, vous dramatisez !

M. VEDEL : Non la logique du texte constitutionnel est la plus forte. Sinon on transforme le Conseil constitutionnel en une juridiction comme les autres. A la limite on pourrait utiliser la formule "Il n'y a lieu de faire obstacle à la promulgation de la loi".

M. le Secrétaire général : Une proposition en ce sens avait été faite en janvier 1988 lors de l'examen de la loi sur les bourses de valeur. Elle fut à l'époque jugée trop novatrice.

M. MOLLET-VIEVILLE : Je voudrais vous faire part d'un souvenir et d'une remarque. En juillet 1987 quand je suis arrivé au Conseil constitutionnel j'avais demandé : quel est ce considérant-balai ? Cela m'avait choqué. M. le Secrétaire général m'avait expliqué sa signification. Alors malgré ma réaction de tout à l'heure, ou bien nous restons logique et par conséquent avons maintenons le considérant balai, ou bien on enlève le considérant balai. La modification risque de nous mettre en porte à faux. Je trouve cela dangereux.

M. JOZEAU-MARIGNE : Nous devons exercer pleinement notre compétence. Le dernier considérant a une importance certaine Il montre que nous avons examiné tout le texte.

Le projet correspond à notre tradition rédactionnelle.

On conteste expressément l'article 39 de la loi. On en justifie la conformité à la Constitution. Pour les autres dispositions, nous disons simplement avec le considérant balai que nous ne soulevons rien d'office. C'est donc un considérant nécessaire puisque nous sommes saisis de tout le texte. Je pense que cela doit vous apaiser M. le Président.

M. LECOURT : Je m'essaie moi-même à des formules rédactionnelles. Il s'agit de mieux souligner ce qui n'est qu'une simple présomption, sans modifier le dispositif. On pourrait dire "et qu'en conséquence cette loi doit être considérée comme non contraire à la Constitution".

M. VEDEL : Une précision. Si le moyen avait été soulevé, nous aurions été amenés à réfléchir. La loi sur les collectivités territoriales est très ciblée à l'origine. La loi portant diverses mesures d'ordre social est un véritable fourre-tout dès l'origine. Le parc était plus large dans un cas que dans l'autre. Dans l'espèce, nous pourrions reprendre la formule de la Constitution et préciser qu'aucune disposition ne se trouve déclarée inconstitutionnelle.

M. LATSCHA : Le D.M.O.S. est un fourre-tout mais la réglementation de la détention préventive n'est pas une mesure sociale. La proposition de M. LECOURT nous permet de trouver une issue. On sort un peu de la contradiction.

M. le Président : C'est une petit rideau de fumée.

M. LATSCHA : Le problème ne se pose vraiment que pour les articles 1 et 2.

M. le Président : Effectivement, parce que nous n'avons pas soulevé d'office ! Il est demandé à M. LECOURT de reformuler sa proposition de rédaction.

M. LECOURT : On part du considérant balai et on ajoute à la fin, qu'en conséquence la loi doit être considérée comme non contraire à la Constitution.

C'est parce que le Conseil se refuse à soulever d'office que la loi n'est pas contraire à la Constitution.

M. VEDEL : Je propose de sous-amender la proposition de M. LECOURT en disant "et qu'en conséquence cette loi ne saurait être déclarée contraire à la Constitution".

Cette formulation est adoptée pour le D.M.O.S.

M. le Secrétaire général demande si la même rédaction doit être reprise pour le D.D.C.T. ou si, dans ce cas, le Conseil se contente de déclarer contraires à la Constitution les articles 16 et 17, tout en observant le silence sur les autres dispositions.

M. le Président répond qu'il faut retenir cette dernière formule pour le D.D.C.T.

La séance est levée à 13 heures 30.

Décision n° 88-249 DC du janvier 1989

Loi portant diverses mesures d'ordre social

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le

22 décembre 1988, par MM. Bernard PONS, Claude LABBE, Pierre PASQUINI, Gabriel KASPEREIT, Pierre BACHELET, Pierre RAYNAL, Régis PERBET, Pierre-Rémy HOUSSIN, Michel GIRAUD, Jean-Luc REITZER, Alain JONEMANN, Jean-Yves CHAMARD, Jean-Michel DUBERNARD, Georges GORSE, Michel BARNIER, Philippe SEGUIN, Jacques TOUBON, Jacques BAUMEL, Patrick OLLIER, René COUVEINHES, Bruno BOURG-BROC, Jean-Paul CHARIE, Pierre MAUGER, Arthur DEHAINE, Alain COUSIN, Jacques CHABAN-DELMAS, Jacques MASDEU-ARUS, Léon VACHET, Didier JULIA, Mmes Nicole CATALA, Suzanne SAUVAIGO, MM. Roland NUNGESSER, Bernard DEBRE, Mme Michèle ALLIOT-MARIE, MM. Jacques LIMOUZY, Xavier DENIAU, Mme Elisabeth HUBERT, MM. Guy DRUT, Robert POUJADE, Antoine RUFENACHT, Pierre MAZEAUD, Louis de BROISSIA, Alain PEYREFITTE, Olivier DASSAULT, Jean-Claude GAUDIN, Philippe MESTRE, André ROSSI, Gilbert GANTIER, Pierre LEQUILLER, Marc REYMANN, Francisque PERRUT, Henri BAYARD, Michel PELCHAT, Jean-Marie CARO, José ROSSI, Maurice LIGOT, René BEAUMONT, Jean BROCARD, Maurice DOUSSET, Gilles de ROBIEN, Alain MAYOUD, Léonce DEPREZ, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi portant diverses mesures d'ordre social ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Considérant que les auteurs de la saisine

contestent la conformité à la Constitution de l'article 39 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel

Considérant que l'article 39 de cette loi est ainsi rédigé : "Après les mots : "aux praticiens", la fin du deuxième alinéa de l'article 20-2 de la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière est ainsi rédigée : "titulaires â temps plein et à temps partiel" ;

Considérant que ces dispositions, rapprochées de celles de l'article 20-2 ajouté à la loi n° 87-575 du

24 juillet 1987 relative aux établissements d'hospitalisation et a l'équipement sanitaire, ont pour objet de permettre à l'ensemble des médecins titulaires membres de la commission médicale d'établissement, qu'ils soient à plein temps ou à temps partiel, de donner leur avis sur la nomination d'un chef de service, alors que la loi du 24 juillet 1987 réservait aux praticiens exerçant des fonctions équivalentes à celles de chef de service la participation à la délibération par laquelle la commission médicale d'établissement émet un avis sur une telle nomination ;

Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que, dans le cas des centres hospitaliers universitaires, la participation des médecins hospitaliers non enseignants à la délibération de la commission médicale d'établissement lorsqu'elle donne son avis sur la nomination ou le renouvellement d'un chef de service serait contraire au principe de l'indépendance des professeurs, qui figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République visés par le Préambule de la Constitution de 1946, et réaffirmés par le Préambule de la Constitution de 1958 ;

Considérant qu'en vertu de l'article 20-1 de la

loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière, dans sa rédaction issue de l'article premier de la loi ri 87-575 du 24 juillet 1987, les établissements d'hospitalisation publics sont organisés en services et chaque service est placé, sauf dans les hôpitaux locaux, sous la responsabilité d'un médecin, biologiste, pharmacien ou odontologiste hospitalier, chef de service à plein temps ; qu'il est précisé que si l'activité du service n'exige pas la présence d'un chef de service à plein temps, le service peut être placé sous la responsabilité d'un chef de service à temps partiel issu d'un statut à temps plein ou relevant du statut à temps partiel ; qu'il ressort de l'article 20-2 ajouté à la loi du 31 décembre 1970 par l'article 2 de la loi du 24 juillet 1987 que le chef de service est nommé par le ministre chargé de la santé pour une durée de cinq ans renouvelable ; que le renouvellement est prononcé dans les mêmes formes que la nomination ; qu'il résulte tant des termes de la loi que du décret n° 88-225 du 10 mars 1988 pris pour l'application des articles 20-1 et 20-2 de la loi du 31 décembre 1970, que la nomination d'un chef de service investit l'intéressé non pas d'un grade mais d'une fonction ; qu'en conséquence, la nomination ou la mutation dans les fonctions de chef de service est distincte de la nomination ou de la mutation d'emploi dans le corps des professeurs des universités praticiens hospitaliers comme d'ailleurs dans celui des praticiens hospitaliers ;

Considérant qu'eu égard à l'absence d'incidence sur le statut des praticiens intéressés de leur accès aux fonctions de chef de service le fait pour l'article 39 de la loi déférée de permettre à l'ensemble des médecins titulaires membres de la commission médicale d'établissement de donner leur avis sur la nomination ou le renouvellement d'un chef de service, ne saurait être contraire à aucun principe non plus qu'à aucune règle de valeur constitutionnelle ;

Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le

Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune de question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen ;

DECIDE :

Article premier. - La loi portant diverses mesures d'ordre social n'est pas contraire à la Constitution.

Article 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du janvier 1989.

Décision n^(Q) 88-251 DC

du janvier 1989

Loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités territoriales

Le Conseil constitutionnel a été saisi, d'une part, les 23 et 24 décembre 1988, par MM. Charles PASQUA, Maurice ARRECKX, Jean DUMONT, Jean CLOUET, Bernard BARBIER, Pierre CROZE, Marcel LUCOTTE, Serge MATHIEU, Jean-Pierre TIZON, Roland RUET, Philippe de BOURGOING, Roger CHINAUD, Hubert MARTIN, Jean-François PINTAT, Michel CRUCIS, Michel MIROUDOT, Michel d'AILLIERES, Roland du LUART, Roger BOILEAU Raymond BOUVIER, Louis de CATUELAN, Auguste CHUPIN, Henri GOETSCHY, Jean HUCHON, Bernard LAURENT, Louis MOINARD, Bernard PELLARIN, Raymond POIRIER, Jean POURCHET, André RABINEAU, Guy ROBERT, Michel SOUPLET, Pierre VALLON, Mme Hélène MISSOFFE, MM. Jean NATALI, Jean-François LEGRAND, Luc DEJOIE, Gérard LARCHER, Robert CALMEJANE, Paul MASSON, Paul MALASSAGNE, Maurice LOMBARD, Jean SIMONIN, Marc LAURIOL, Raymond BOURGINE, Franz DUBOSCQ, Emmanuel HAMEL, Jacgues BERARD, Mme Nelly RODI, MM. Paul d'ORNANO, Philippe FRANÇOIS Pierre CAROUS, Maurice SCHUMANN, Christian PONCELET, Lucien NEUWIRTH, Hubert HAENEL, Jean CHERIOUX, Jean AMELIN, Roger ROMANI, Claude PROUVOYEUR, Maurice COUVE DE MURVILLE, Amédée BOUQUEREL, Adrien GOUTEYRON, Alain GERARD, Charles DESCOURS, Pierre DUMAS, Marcel FORTIER, Philippe de GAULLE, Paul GRAZIANI, Mme Nicole de HAUTECLOCQUE, MM. Bernard-Charles HUGO, Roger HUSSON, Louis SOUVET, Michel ALLONCLE, Hubert d'ANDIGNE, Jean BARRAS, Henri BELCOUR, Yvon BOURGES, Michel RUFIN, Auguste CAZALET, Jacques CHAUMONT, Michel CHAUTY, Henri COLLETTE, Jacques-Richard DELONG, André JARROT, Paul KAUSS, Charles GINESY, René-Georges LAURIN, Christian MASSON Michel MAURICE-BOKANOWSKI, Geoffroy de MONTALEMBERT, Jacques OUDIN, Alain PLUCHET, Henri PORTIER, Josselin de ROHAN, Jacques BIMBENET, Etienne DAILLY, Christian de la MALENE, René TREGOUET, Georges GRUILLOT, André-Georges VOISIN, Jean CHAMANT, Jean-Eric BOUSCH, Jacques BRACONNIER, Henri COLLARD Jacques MOUTET, Raymond SOUCARET, François LESEIN, Paul GIROD, Charles-Edmond LENGLET, Pierre LAFFITTE, Alain DUFAUT Désiré DEBAVELAERE, Sosefo-Makapi PAPILIO, sénateurs, et, d'autre part, le 24 décembre 1988, par MM. Etienne DAILLY, Charles DESCOURS, René-Georges LAURIN, Paul MALASSAGNE, Charles GINESY, Auguste CAZALET, Robert CALMEJANE, Philippe de GAULLE, Michel ALLONCLE, Pierre DUMAS, Amédée BOUQUEREL,

Mme Hélène MISSOFFE, MM. Jean CHAMANT, Marcel FORTIER, Hubert d'ANDIGNE, Josselin de ROHAN, Roger ROMANI, Marc LAURIOL, Gérard LARCHER, Jean-Eric BOUSCH, Jacques CHAUMONT, Jacques DELONG, Christian PONCELET, Jean CHERIOUX, Christian de la MALENE, Maurice COUVE DE MURVILLE, Paul KAUSS, Pierre CAROUS, Raymond BOURGINE, Mme Nelly RODI, MM. René TREGOUET, Georges GRUILLOT, Jacques BERARD, Paul MASSON, André-Georges VOISIN, Franz DUBOSCQ, Jacques BRACONNIER, Henri PORTIER, Louis SOUVET, Bernard-Charles HUGO, Maurice SCHUMANN, Adrien GOUTEYRON, Paul LOMBARD, André JARROT, Geoffroy de MONTALEMBERT, Jacques OUDIN, Philippe FRANÇOIS, Paul d'ORNANO, Lucien NEUWIRTH, Jean-François LE GRAND, Luc DEJOIE, Emmanuel HAMEL, Jacques BIMBENET, Henri COLLARD, Jacques MOUTET, Raymond SOUCARET, François LESEIN, Paul GIROD, Charles-Edmond LENGLET, Pierre LAFFITTE, Jean AMELIN, Roger HUSSON, Yvon BOURGES, Claude PROUVOYEUR, Jean BARRAS, Michel CHAUTY, Jean-Jacques ROBERT, Alain DUFAUT, Alain PLUCHET, Henri BELCOUR, Jean SIMONIN, Sosefo-Makapé PAPILIO, Désiré DEBAVELAERE, Jean NATALI, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités territoriales ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance ri 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Considérant que les auteurs des saisines contestent la conformité à la Constitution de la loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités territoriales en faisant porter l'essentiel de leurs griefs sur les conditions d'adoption par voie d'amendement des articles 16 et 17 ; que les auteurs de la seconde saisine critiquent également le contenu de l'article 3 et, subsidiairement, celui de l'article 16 ;

- SUR LES CONDITIONS D'ADOPTION PAR VOIE D'AMENDEMENT DES ARTICLES 16 ET 17 :

Considérant que les auteurs des saisines soutiennent que les articles 16 et 17 de la loi ont été adoptés selon une procédure non conforme à la Constitution ; qu'en effet, selon eux, les dispositions de chacun de ces articles, issues d'amendements parlementaires déposés lors de la première lecture à l’Assemblée nationale du "projet de loi relatif au délai de réorganisation des services extérieurs de l'Etat, à la composition paritaire du conseil d'administration du Centre national de la fonction publique territoriale et aux fonctionnaires territoriaux à temps non complet" ne présentent pas de lien avec les dispositions de ce projet ;

Considérant que l'article 39 de la Constitution dispose dans son premier alinéa que "l'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement" ; que, dans son deuxième alinéa, l'article 39 précise que "les projets de loi sont délibérés en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat" ; qu'en fonction de leur objet, les projets ou propositions de loi peuvent être soumis à d'autres consultations, dans les cas et selon les modalités définis aux articles 70 et 74 de la Constitution ; que le premier alinéa de l'article 44 énonce de son côté que "les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement" ; qu'en vertu du premier alinéa de l'article 45 "tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique" ; que les deuxième et troisième alinéas du même article définissent la procédure législative applicable selon qu'il y a ou non création d'une commission mixte paritaire puis mise en discussion et adoption éventuelle du texte élaboré par elle ; que, dans cette dernière éventualité, aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement ; qu'enfin, conformément au quatrième alinéa de l'article 45, en cas d'échec de la procédure de la commission mixte, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par chaque assemblée, demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement soit sur le texte élaboré par la commission mixte, soit sur le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le droit d'amendement, qui est le corollaire de l'initiative législative peut, sous réserve des limitations posées aux troisième et quatrième alinéas de l'article 45, s'exercer à chaque stade de la procédure législative ; que toutefois, les adjonctions ou modifications ainsi apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, alinéa 1, et 44, alinéa 1, de la Constitution, ni être sans lien avec ce dernier, ni dépasser par leur objet et leur portée, les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement ;

Considérant qu'a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, à la date du 23 novembre 1988, un projet de loi qui poursuivait un triple objet ; qu'il concernait d'une part, le délai de réorganisation des services extérieurs de l'Etat, d'autre part, la composition paritaire du conseil d'administration du Centre national de la fonction publique territoriale et enfin les fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet ; que d'ailleurs l'exposé des motifs du projet de loi, tout comme l'intitulé qui lui avait été donné par le Gouvernement, étaient en harmonie avec le contenu du texte ; que dans le cadre ainsi défini il était loisible tant au Gouvernement qu'au Parlement d'apporter au texte des amendements se rattachant aussi bien à l'organisation des services extérieurs de l'Etat qu'à la fonction publique territoriale ;

Considérant en revanche, que ne peuvent être regardés comme ayant un lien avec le texte en discussion les amendements qui sont à l'origine respectivement des articles 16 et 17 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ; qu'en effet, d'une part, les dispositions incluses dans l'article 16 de la loi concernent l'abrogation du régime spécifique de contrôle des crédits de fonctionnement du Conseil de Paris, résultant de l'article 23 de la loi n° 75-1331 du 31 décembre 1975 dans la rédaction qui lui a été donnée par l'article 3 de la loi n° 86-1308 du 29 décembre 1986 portant adaptation du régime administratif et financier de la ville de Paris ; qu'au demeurant, ces crédits concernent les frais exposés par les membres du Conseil de Paris et ne visent en aucun cas les agents de la fonction publique territoriale ; que d'autre part, l'article 17 de la loi a pour objet d'étendre aux communes comprenant de 2500 à 3500 habitants le régime électoral applicable aux communes de 3500 habitants et plus en vertu de la loi n° 82-974 du 19 novembre 1982 modifiant le code électoral et le code des communes et relative à l'élection des conseillers municipaux ;

Considérant â la vérité, que lors de l'examen du texte en nouvelle lecture, au cours de sa deuxième séance du 22 décembre 1988, l'Assemblée nationale, avant de procéder au vote sur l'ensemble du projet de loi, a substitué à son titre initial celui de "projet de loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités territoriales" ;

Mais considérant que s'il est loisible â une assemblée parlementaire de modifier, â l'occasion du vote sur l'ensemble d'un projet ou d'une proposition de loi, l'intitulé qui lui a été donné initialement, une telle modification est par elle-même sans effet sur la régularité de la procédure d'adoption de ce texte ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions qui sont à l'origine des articles 16 et 17 de la loi présentement examinée ont été introduites dans ce texte en méconnaissance de la distinction établie entre les projets et propositions de loi visés à l'article 39 de la

Constitution et les amendements dont ceux-ci peuvent faire l'objet en vertu de l'article 44, alinéa 1 ; qu'il y a lieu, en conséquence, pour le Conseil constitutionnel de décider que les articles 16 et 17 de la loi déférée ont été adoptés selon une procédure irrégulière ;

~ SUR L'ARTICLE 3 RELATIF AU CENTRE NATIONAL DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE •

Considérant que l'article 3 de la loi substitue aux deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 12 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 dans sa rédaction issue de l'article 12 de la loi n° 87-529 du 13 juillet 1987, des dispositions nouvelles relatives au Centre national de la fonction publique territoriale, établissement public national à caractère administratif, qui regroupe les communes, les départements, les régions et les établissements publics locaux ; qu'il est prévu en particulier que le Centre national est dirigé par un conseil d'administration paritairement composé d'élus représentant les communes, les départements et les régions et de représentants des organisations syndicales de fonctionnaires territoriaux ; que le conseil d'administration élit, en son sein, son président parmi les représentants des collectivités territoriales ; qu'il est précisé que le conseil d'administration prend ses décisions â la majorité et qu'en cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante ; que toutefois les représentants des communes, des départements et des régions participent seuls au scrutin lorsque le conseil d'administration "délibère sur les questions mentionnées aux premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et septième alinéas de l'article 12 bis" ajouté à la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 par l'article 12 de la loi n° 87-529 du 13 juillet 1987 ; que sont visées de ce chef, les attributions du Centre national de la fonction publique territoriale qui concernent la gestion des personnels par opposition aux missions de formation des agents de la fonction publique territoriale définies à l'article 11 de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 dans sa rédaction résultant de l'article 46 de la loi n° 87-529 du 13 juillet 1987 ;

Considérant que les auteurs de la seconde saisine font valoir que ces dispositions ne sont pas conformes au principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales sur deux points ; d'une part, en ce qu'elles font figurer dans le collège électoral qui procède à la désignation du président du conseil d'administration du Centre national de la fonction publique territoriale, les représentants des organisations syndicales siégeant au sein de ce conseil ; d'autre part, en ce que les mêmes représentants pourront participer, avec voix délibérative, au vote du budget de l'établissement et, avec voix consultative, aux délibérations du conseil d'administration qui touchent â la gestion des personnels de la fonction publique territoriale ;

Considérant que si, en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales "s'administrent librement par des conseils élus", chacune d'elles le fait "dans les conditions prévues par la loi" ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution "la loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources" ;

Considérant que le principe de libre administration des collectivités territoriales ne fait pas, par lui-même, obstacle à ce que la loi crée un établissement public auquel sont confiées des missions d'intérêt commun à un groupe de collectivités locales en matière de formation ou de gestion des personnels appartenant à la fonction publique territoriale ou s'y destinant ; que toutefois, pour ce qui a trait aux tâches de gestion des personnels qui répondent à un intérêt commun, le pouvoir de décision au sein de l'organisme créé par la loi doit revenir, en dernière analyse, aux représentants des collectivités territoriales ;

Considérant que les dispositions de l'article 3 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont pas contraires à ces exigences ; qu'en effet, il est prévu que le président du conseil d'administration du Centre national de la fonction publique territoriale est choisi parmi les représentants des communes, des départements et des

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régions ; qu'il est spécifié en outre, que les représentants de ces collectivités participent seuls au scrutin lorsque le conseil d'administration délibère sur les questions touchant à la gestion tant des personnels territoriaux que de ses propres personnels ; qu'enfin, en toutes matières, s'il y a lieu à partage égal des voix, celle du président est prépondérante ; que le moyen tiré de la violation du principe de libre administration des collectivités territoriales doit, par suite, être écarté ;

- SUR LE MOYEN TIRE DE CE QUE L'ARTICLE 16 SERAIT CONTRAIRE AU STATUT PARTICULIER DE LA VILLE DE PARIS :

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'article 16 de la loi a été adopté selon une procédure irrégulière ; que, dès lors, il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel d'examiner le moyen invoqué par les auteurs de la seconde saisine et qui est tiré de ce que cet article serait contraire "au statut particulier de la ville de Paris" ;

Considérant qu'en l'espèce, il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité â la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen ;

DECIDE :

Article premier.- Les articles 16 et 17 de la loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités territoriales sont déclarés contraires à la Constitution.

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Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du janvier 1989.

Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.