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PV1990-06-06

<stan KUJAWA>

SEANCE DU 6 JUIN 1990

Modification de l'article 145 du règlement de l'Assemblée nationale

La séance est ouverte à 11 heures en présence de tous les membres, Monsieur Léon JOZEAU-MARIGNE étant absent.

Monsieur le Président : Monsieur JOZEAU-MARIGNE étant absent, Monsieur ROBERT a bien voulu le suppléer pour présenter le rapport sur la modification de l'article 145 du règlement de l'Assemblée nationale et je l'en remercie.

Monsieur ROBERT présente son rapport.

Par lettre du Président de l'Assemblée nationale en date du 19 mai dernier, nous avons été saisis, en application de l'article 61, alinéa 1, de la Constitution, d'une proposition de résolution adoptée par l'Assemblée nationale tendant à "modifier l'article 145" de son règlement.

A vrai dire, le terme "compléter l'article 145" me paraît être plus approprié.

Cette résolution s'inscrit dans la réforme du règlement de l'Assemblée nationale à laquelle M. Laurent Fabius est attaché et qui nous a conduits l'an passé à examiner la conformité à la Constitution de résolutions augmentant l'effectif des commissions spéciales et introduisant des éléments d'information de droit communautaire dans les rapports parlementaires. Alors que le Sénat procède à des modifications d'ensemble de son règlement, l'Assemblée nationale a recours à des réformes ponctuelles.

Il s'agit en l'espèce, à l'origine, d'une initiative conjointe des présidents de l'Assemblée nationale et de la Commission des lois. J'ajoute qu'à la lecture du compte-rendu des débats, cette réforme n'a guère rencontré d'opposition ni même d'intérêt puisque n'étaient présents dans l'hémicycle que le président de séance et le rapporteur, président de la commission des lois.

Avant de nous interroger sur la conformité à la Constitution de cette réforme du règlement, il convient de rappeler dans quel cadre elle se situe et quelle est sa finalité.

1. Le cadre de la réforme l'article 145 du règlement de l'Assemblée nationale et son application :

L'article 145 du règlement de l'Assemblée nationale qui est identique à l'article 22, alinéa 1, du règlement du Sénat investit les commissions permanentes d'une mission d'information pour permettre à l'Assembée nationale d'exercer son contrôle sur la politique du gouvernement.

Dès à présent, de nombreuses missions d'information sont organisées sur la base de ces dispositions.

Les missions d'information sont créées par une délibération du bureau de la Commission et font l'objet d'une approbation par la Commission elle-même. Leur durée n'est pas déterminée, leur composition est libre. Leurs travaux peuvent donner lieu à un rapport qui, après approbation de la Commission, est imprimé et diffusé comme document parlementaire. Cependant dans la mesure où il ne s'agit que d'un document d'information non-soumis à un vote de l'Assemblée nationale, il n'a d'autre effet que de servir de base à des propositions de loi ultérieures ou à des amendements parlementaires.

C'est à ce titre que 14 rapports d'information ont été présentés en 1989 devant l'Assemblée, 4 l'ayant été dans le même temps au Sénat.

Cette souplesse d'utilisation est apparue très heureuse aux yeux des auteurs de la proposition de résolution qui souhaitent développer la fonction parlementaire d'évaluation des effets de la loi

2. La finalité de la réforme.

En effet, ceux-ci font observer que "chacun ne peut qu'être sensible au paradoxe qui consiste pour le Parlement à consacrer beaucoup de temps et d'efforts à l'élaboration de la loi et fort peu à vérifier la pertinence de la loi votée et entrée en vigueur par rapport au problème qu'elle était destinée résoudre".

Cependant, en confiant un nouveau type de mission d'information à un ou plusieurs membres de commissions permanentes, les députés ont voulu dépasser le simple suivi de la publication des textes d'application de la législation pour poursuivre deux objectifs : d'une part, identifier les difficultés de toute nature rencontrées dans l'application de la loi, d'autre part, proposer des solutions à ces problèmes.

Pour ce faire, la commission choisira un sujet en sélectionnant une loi ancienne et consensuelle intéressant plusieurs commissions permanentes. C'est ainsi que la conférence des présidents du 9 mai 1990 a retenu, à la suite d'une concertation entre les présidents des Commissions permanentes, le principe de deux missions d'évaluation, l'une sur la législation relative au logement et à l'urbanisme, l'autre concernant la décentralisation dans le domaine de l'éducation et de la formation professionnelle.

Cette même conférence des présidents a décidé que ces missions auraient une durée de six mois à raison de deux par an et que le nombre de ses membres serait fixé à vingt. Sans nous interroger outre mesure sur la compétence que s'arroge ainsi la conférence des présidents dans une matière qui relève plus de la compétence du Bureau de l'Assemblée et devrait être réglementée dans son instruction générale, je terminerai cette présentation en vous indiquant que ces missions d'évaluation recenseront les textes d'application concernés, le contentieux, compris dans son acception la plus large auquel aura donné lieu l'application de la loi analysée ; la mission d'information s'attachera aussi à recueillir le point de vue des personnes chargées d'appliquer la législation et de celles auxquelles elle s'applique ; elle fera en outre des comparaisons internationales. Elle disposera pour exercer cette fonction des moyens traditionnels mis à la disposition de commissions parlementaires.

Après avoir situé ce texte par rapport au droit existant, il convient de s'interroger sur sa conformité à la Constitution.

3. La conformité de la résolution à la Constitution.

L'analyse de la conformité de la résolution à la Constitution soulève quatre questions.

- Cette résolution aboutit-elle à créer des commissions permanentes supplémentaires ?

- ces missions d'information confèrent-elles un pouvoir d'injonction au Parlement ?

- ces missions d'information sont-elles contraires au pouvoir d'exécution des lois qui incombe au Premier ministre ?

- Se substituent-elles au pouvoir de contrôle de l'action du gouvernement par l'Assemblée ?

Il peut être aisément répondu à la première question en soulignant à la fois que ces missions d'information n'ont qu'un caractère temporaire et qu'elles peuvent être communes à plusieurs commissions permanentes.

S'agissant du pouvoir d'injonction au gouvernement qui leur serait conféré, je pense que cet argument ne résiste pas à l'examen dans la mesure où, comme on l'a vu, ces missions ne remplissent qu'une fonction d'information et leurs conclusions ne donnent lieu à aucun vote.

En n'exerçant qu'un rôle d'information auprès du Parlement et du gouvernement, ces missions n'ont pas vocation non plus à se substituer au Premier ministre dans son pouvoir d'exécution des lois.

Enfin, je crois que cette résolution est fidèle à notre décision des 17, 18 et 24 juin 1959. Dans celle-ci le Conseil constitutionnel avait estimé que le rôle attribué aux Commissions permanentes "n'est qu'un rôle d'information de l'assemblée destinée à lui permettre d'exercer, pendant les sessions, son contrôle sur la politique du gouvernement dans les conditions prévues par la Constitution".

La résolution qui nous est déférée respecte pleinement ces dispositions, l'Assemblée restant seule à disposer du pouvoir de contrôle de l'action du gouvernement.

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite à déclarer la résolution qui nous est soumise conforme à la Constitution

même si nous savons que les assemblées s'assoient sur les règlements qui n'ont pas valeur constitutionnelle.

Monsieur le Président : je vous remercie pour cet exposé très complet.

Monsieur FABRE : je me rallie à l'avis de notre rapporteur et je me rejouis de ce nouvel élan en faveur de l'application des lois. Cependant les parlementaires en mission peuvent déjà intégrer cette analyse de l'évaluation de la loi dans leur mission. Par conséquent, je me demande si cette compétence supplémentaire attribuée aux commissions n'est pas supperfétatoire et si l'on n'enfonce pas des portes ouvertes.

Monsieur MAYER : j'ignorais que l'augmentation du nombre des commissions permanentes ne fût pas conforme à la Constitution. Leur nombre est donc fixé par la Constitution.

Monsieur le Secrétaire général : cette disposition figure au deuxième alinéa de l'article 43 de la Constitution.

Monsieur CABANNES : en revanche, les compétences des commissions permanentes diffèrent d'une assemblée à l'autre. Ainsi les affaires étrangères et la défense relèvent de la compétence d'une seule commission au Sénat.

Monsieur le Président : en 1985, j'avais attiré l'attention du Premier ministre sur le problème posé par le suivi des lois. De même que l'on procède régulièrement à la révision des voitures, des bateaux, il est absolument nécessaire de voir si dans leur application les lois n'ont pas des effets pervers et ne provoquent pas des distorsions. La loi sur les sociétés anonymes de 1966 a subi 14 modifications. Je pense qu'il serait temps de créer une sorte d'observatoire permanent auprès du Secrétaire général du Gouvernement associant des membres du Conseil d'Etat, des professeurs de droit et éventuellement des chercheurs du CNRS. C'est pour moi un sujet permanent de regret que de ne pas avoir d'institution susceptible de suivre l'évolution des textes. Les membres des commissions permanentes des assemblées sont marqués politiquement. Une institution à vocation scientifique ne souffrirait pas de ce défaut. Je salue cette démarche mais cela n'est pas la même chose que ce que je préconise.

Monsieur FAURE : de toute façon nous ne reconnaissons pas valeur constitutionnelle aux règlements des assemblées.

Monsieur CABANNES : c'est le moulin de maître Cornille !

Monsieur FAURE avec un sourire : donc compte tenu de l'absence de valeur constitutionnelle du règlement, le Conseil ne devrait pas être compétent.

Monsieur le Président : ce contrôle est prévu par la Constitution. Il a beaucoup occupé nos prédécesseurs dans les débuts du Conseil.

Monsieur Robert procède à la lecture du projet de décision.

Celui-ci est voté à l'unanimité après l'adoption d'une modification rédactionnelle suggérée par Monsieur le Président tendant dans le dernier considérant à remplacer le mot "destiné" par le mot "contribuant".

Monsieur le chef du service administratif et financier présente une communication sur l'institution d'un régime de retraite complémentaire pour les membres du Conseil.

J'ai consulté Monsieur JACOUD, la paierie générale du Trésor et après en avoir parlé à notre Secrétaire général, je suis arrivé à la conclusion que le Conseil constitutionnel pourrait mettre en place un système de retraites complémentaires à adhésion obligatoire, la pension étant servie à l'expiration du mandat de chaque membre.

Compte tenu du nombre réduit de cotisants, le système d'adhésions obligatoires paraît en effet le seul qui soit adapté étant entendu que les cotisations au régime pourraient être déduites du revenu imposable.

S'agissant du montant des pensions, elle seraient de 2 000 F. par mois à raison d'un financement qui serait partagé par moitié entre les membres et le Conseil dans un premier temps. Elles seraient réévaluées chaque année en fonction de l'évolution des traitements de la fonction publique. Pour votre information, une cotisation au régime de prévoyance de la fonction publique (PREFON) dans la classe supérieure est de 650 F. par mois.

Il reste un point délicat à trancher, la cas des conseillers qui voient leurs fonctions écourtées : soit la prestation sera servie prorata temporis, soit la cotisation sera remboursée avec intérêt.

Monsieur CABANNES : juridiquement comment s'analyse la création de ce régime de retraite ?

Monsieur le chef du service administratif et financier : la création de la caisse de retraite relève d'une décision du président, la gestion financière de la caisse étant assurée par le Trésorier. Le compte de la caisse de retraite sera déposé à la Paierie générale du Trésor et sera rémunéré. A l'égard de la comptabilité publique, cela ne pose pas de problème. J'ajoute que le solde de ce compte ne sera pas reversé au budget de l'Etat.

Monsieur le Président : il n'y a rien que de très naturel à cela mais cette décision ne peut être prise que si elle a recueilli au préalable votre accord.

Monsieur MOLLET-VIEVILLE : je m'interroge sur l'application de la règle prorata temporis.

Monsieur le chef du service administratif et financier : cela revient à dire que si l'intéressé n'a exercé qu'un mandat de quatre ans et demi, sa pension sera réduite de moitié.

Monsieur MOLLET-VIEVILLE : le conseiller qui a été désigné pour une période inférieure à 9 ans est dans une situation différente de celui qui a son mandat écourté. Il devrait donc percevoir la pension du taux plein.

Monsieur le Président : par principe, le montant de la pension est fonction de la durée pendant laquelle la cotisation est versée.

Monsieur MAYER : dans le régime de retraites des parlementaires, ceux-ci versent des cotisations doubles les quinze premières années de leur mandat et en cas de mandat écourté peuvent racheter des cotisations.

Monsieur le Président : je pense que si ce projet recevait un avis négatif de la Cour des comptes il ne conviendrait pas d'y donner suite. Il faudra donc demander son avis à la Cour des comptes.

Monsieur le chef du service administratif et financier : le système est à mi chemin entre la capitalisation et la répartition.

Monsieur le Président : il faut poursuivre l'étude sur le rachat des cotisations et avoir l'avis autorisé de la Cour des comptes. Le système mis en place doit être irréprochable.

Monsieur MOLLET-VIEVILLE : qu'en sera-t-il de la réversion ?

Monsieur le chef du service administratif et financier : la pension de réversion serait égale à 50 % de la pension.

Monsieur FAURE : il faut donc mourir dans les quinze jours qui suivent votre nomination.

Monsieur MOLLET-VIEVILLE : qu'en est-il pour le passé ? Je songe aux versements de nos collègues décédés.

Monsieur le Président : le système ne jouera pas. On ne peut revenir en arrière. Le système requiert l'adhésion des membres actuellement en fonction.

Monsieur MOLLET-VIEVILLE : ce n'était qu'une interrogation.

Monsieur LATSCHA : les régimes de retraites complémentaires pour être obligatoires doivent avoir été créés par la loi.

Monsieur FAURE : il est difficile d'imposer une cotisation obligatoire sans fondement législatif.

Monsieur le Président : je crois qu'il convient de poser la question à Monsieur Charasse. Qu'en est-il si un membre refuse d'adhérer ? Est-ce que l'absence de caractère obligatoire de l'affiliation au régime n'entraîne pas la perte du droit à la déduction fiscale de la cotisation ?

Monsieur le chef du service administratif et financier : il faut maintenir le système d'adhésion obligatoire.

Monsieur le Secrétaire général : si une loi est nécessaire, il devrait alors s'agir d'une loi organique.

Monsieur le Président : il convient de poursuivre nos investigations en demandant à la Cour des comptes son avis et en creusant la question de l'adhésion obligatoire.

Nous pourrions évoquer à nouveau cette question le 5 juillet, le jour où nous déjeunerons avec le Doyen VEDEL pour fêter ses quatre vingts ans, avant le déjeuner.

La séance est levée après que Monsieur le Président ait évoqué les texte en cours de discussion devant le Parlement susceptibles d'être déférés au Conseil constitutionnel.
< Ce PV comporte des annexes>

Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.