ORDRE DU JOUR
Séance du jeudi 25 juillet 1991
10 heures et 14 h 30
Examen, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la loi autorisant l'approbation de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes.
Rapporteur : Monsieur Jacques ROBERT
COMPTE RENDU DE LA SEANCE DU JEUDI 25 JUILLET 1991
La séance est ouverte à dix heures en présence de tous les conseillers.
Monsieur le Président : Allons-y. C'est un parcours long et difficile. Nous procéderons par étapes.
Monsieur ROBERT : Le nom de Schengen aux accents magiques de palais viennois est celui d'une petite ville luxembourgeoise située à la jonction de trois des six pays signataires de l'accord. Ces derniers sont l'Allemagne fédérale, les Pays-Bas, la France, le Luxembourg, la Belgique et l'Italie (1).
Schengen, c'est la préfiguration de l'Europe de demain. C'est l'Acte unique réalisé avant l'heure par les six Etats fondateurs de la Communauté économique européenne.
Schengen, cela n'est ni une passoire ni une forteresse. Schengen, c'est l'Europe des personnes. Quels sont les textes ?
- Il y a d'abord l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats du Benelux, de la République Fédérale d'Allemagne et de la France relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes qui comprend 32 articles. Il est entré en vigueur le 2 mars 1986 ;
- Le décret n° 86-907 du 30 juillet 1986 portant publication de l'accord ;
- La convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 comporte 142 articles ;
- La loi autorisant l'approbation de la convention d'application votée par l'Assemblée nationale le 3 juin 1991 et par le Sénat le 28 juin. Les résultats du vote à l'Assemblée nationale ont été les suivants : 495 voix pour, 61 voix contre ; au Sénat, on a recensé 226 voix pour et 78 voix contre.
L'idée de la libre circulation des personnes est simple. Elle consiste à permettre aux citoyens européens de circuler entre les différents pays de la même manière qu'à l'intérieur de leur propre territoire national.
Le cheminement d'une telle idée a été long.
En juillet de la même année, la France et l'Allemagne fédérale décident à Sarrebrück de prendre les premières mesures pour rendre l'accord de Fontainebleau effectif. Peu après, les trois Etats du Benelux se joignaient à l'Allemagne fédérale et à la France pour conclure le 14 juin 1985, l'accord de Schengen. C'était une déclaration d'intention fixant les objectifs et un programme. Cinq ans de négociation ont été utiles pour que la convention d'application soit signée le 19 juin 1990. Elle organise en 142 articles la mise en oeuvre concrète et pratique de la libre circulation des personnes.
Outre ces articles, l'ensemble comprend un acte final qui est l'adoption de déclarations communes concernant différents articles ; un procès-verbal contenant des déclarations particulières d'Etats ; une déclaration commune des ministres et secrétaires d'Etat réunis à Schengen le 19 juin 1990 ; une déclaration du gouvernement français définissant les modalités de la poursuite transfrontalière.
Ce texte ne concerne que le franchissement des frontières et le séjour pendant trois mois au maximum dans un pays. Il ne porte pas sur les conditions de long séjour qui relèvent de la compétence de chaque Etat.
Qu'apporte cette convention par rapport à ce qui existe actuellement ?
1° Pour les citoyens de la CEE, elle établit désormais un espace de liberté sans aucune entrave. Mais une telle liberté ne pouvait être limitée aux seuls européens. Dans un espace de liberté, il faut prendre en compte toutes les personnes qui y circulent ou envisagent d'y circuler.
2° Il fallait donc établir un régime pour les citoyens des pays tiers afin de régler leur entrée dans "l'espace" puis leur libre circulation dans celui-ci.
Par exemple, un algérien entré régulièrement en Italie ou un polonais en Allemagne ou un turc en Belgique pourront pendant trois mois au plus circuler sur les territoires des Etats signataires. Mais à la différence des européens, ils seront soumis à une obligation de déclaration afin que l'on puisse s'assurer qu'ils ne séjournent pas depuis plus de trois mois et vérifier la régularité de leur situation.
Je vous présenterai successivement le contenu de l'accord, la saisine, les principes applicables et le détail des articles de l'accord.
I. L'économie de la convention :
Il convient de distinguer le contenu de l'accord et sa nature juridique, au regard notamment du droit communautaire ; enfin j'évoquerai la controverse politique qui s'est développée autour de ce texte.
S'agissant du contenu de l'accord, cinq points méritent d'être retenus :
- la politique des visas ;
- la lutte contre l'immigration clandestine ;
- la coopération policière, judiciaire et douanière ;
- les échanges d'informations (S.I.S.) ;
- le droit d'asile.
A. La politique des visas : Ouvrir les frontières internes, cela signifie reporter et renforcer les contrôles aux frontières extérieures. La convention de Schengen met en place une politique commune des visas qui repose sur quatre instruments principaux :
- une liste commune de visas concernant 110 pays et qui doit être respectée par tous les Etats signataires. C'est déjà fait notamment pour l'Italie qui a dû soumettre à l'obligation de visa tous les ressortissants du Maghreb et de la Turquie.
- un visa uniforme qui sera délivré par tous les consulats des Etats signataires pour circuler dans l'espace Schengen. Celui-ci est en cours d'élaboration.
- une circulaire d'instruction à adresser à tous les consulats ;
- pour éviter toute fraude au séjour, le risque étant que l'étranger profite de l'absence de contrôle aux frontières intérieures pour s'installer dans un pays sans autorisation, une "déclaration obligatoire" sera exigée à l'entrée dans les trois jours (article 22). Comme je l'ai déjà dit, le but de cette disposition est de s'assurer qu'un étranger ne dépasse pas la durée du séjour autorisé et vérifier, le cas échéant, la régularité de sa situation.
Le principe est que chaque Etat est responsable de l'étranger auquel il a délivré son titre de séjour. Un soviétique qui a reçu un visa des autorités allemandes et qui souhaite se rendre en France doit faire une "déclaration". Au bout de
B. La lutte contre l'immigration clandestine : Il faut souligner à ce propos la généralisation de cet instrument essentiel que constituent les accords de réadmission. Il s'agit par ce biais d'obliger les pays responsables de l'entrée d'un étranger à reprendre celui-ci lorsqu'il est entré ou se maintient sur le territoire d'un autre pays dans des conditions irrégulières.
Ces accords ne sont pas les seuls instruments de lutte contre les filières de l'immigration clandestine.
L'article 26 prévoit le rapatriement par les compagnies de transport des étrangers ayant fait l'objet d'un refus d'entrée.
Si l'entrée est refusée à un étranger, le transporteur après l'arrivée par voie maritime, aérienne ou terrestre est tenu de le reprendre en charge sans délai et de le ramener dans l'Etat dont il vient ou qui lui a fourni le document de voyage ou dans tout autre Etat où son admission est garantie.
Ainsi le transporteur est-il, sous peine de sanctions, tenu de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que l'étranger transporté est en possession des documents de voyage requis pour l'entrée.
Actuellement aucune loi ne pénalise les compagnies qui transportent des étrangers non admissibles. Elles ont simplement l'obligation de rapatrier à leurs frais tout passager à qui l'entrée est refusée.
Il appartiendra donc au Parlement français sous réserve des engagements qui découlent de notre adhésion à la convention européenne des droits de l'homme et de notre droit constitutionnel d'adopter une loi fixant le régime de la responsabilité des transporteurs.
C. La coopération policière, judiciaire et douanière : J'examinerai successivement les problèmes posés par la coopération policière, à savoir l'observation transfrontalière, la poursuite transfrontalière et le droit d'interpellation.
- Le paragraphe 9 de l'article 41 prévoit qu'au moment de la signature de la convention, chaque Partie fait une déclaration dans laquelle elle définit les modalités
- Le paragraphe 10 du même article dispose que les Parties contractantes peuvent, sur le plan bilatéral, étendre le droit de poursuite sur leur territoire et prévoir une faculté d'interpellation par une police étrangère.
La France a obtenu que les signalements inscrits dans le système d'information Schengen et les conduites à tenir correspondantes puissent faire l'objet d'une opposition à la diffusion du signalement ou puissent ne pas être exécutés pour des raisons d'intérêt national.
- L'observation transfrontalière s'effectue dans le cadre de l'entraide judiciaire et sera précédée d'une demande d'autorisation préalable. Si l'observation a commencé selon la procédure d'urgence, l'Etat a un droit immédiat d'opposition. En tout état de cause, l'observation doit cesser 5 heures après le franchissement de la frontière si l'autorisation n'est pas obtenue.
- La poursuite transfrontalière : elle ne s'applique qu'aux crimes et délits flagrants inscrits sur une liste d'infractions particulièrement graves.
Le droit d'interpellation a été refusé à l'ensemble des polices étrangères sur le sol français.
- La coopération judiciaire soulève plusieurs questions :
. On note d'abord une extension du champ de l'entraide judiciaire à certaines infractions ou actes de procédure pénale (article 49).
. On observe que l'exécution des commissions rogatoires aux fins de perquisition et de saisie est facilitée (article 51).
. En matière d'extradition, la convention complète la convention européenne d'extradition du 13 septembre 1957 ainsi que le traité Benelux du 27 juin 1962.
La France, en ratifiant la convention européenne d'extradition en 1986, avait déclaré que "s'agissant des personnes poursuivies, l'extradition ne sera accordée que pour les faits punis par la loi française et par la loi de l'Etat requérant d'une peine ou mesure privative de liberté d'au moins deux ans" .
S'agissant de la lutte contre le trafic de drogue, les Parties contractantes s'engagent à prendre toutes les mesures administratives ou pénales nécessaires à la prévention et à la répression du trafic illicite des stupéfiants ; le renforcement des contrôles de la circulation des personnes et des marchandises ainsi que les moyens de transport aux frontières communes. La même chose vaut pour les armes à feu.
D. Pour ce qui est des échanges d'informations, le fameux S.I.S. ("système d'information Schengen") obéit à des normes rigoureuses de protection :
- catégories de données susceptibles d'être intégrées dans le système, limitativement énumérées ;
- accès aux seules autorités compétentes pour les contrôles frontaliers ;
- droits d'accès et de rectification prévus ;
- contrôle par une "C.N.I.L. européenne". Les pays devront se doter d'une législation protectrice lorsqu'ils n'en sont pas pourvus (Belgique, Italie).
S'agissant du droit d'asile, la Convention prévoit, indépendamment du S.I.S. (qui concerne les personnes recherchées ou signalées) la mise en commun obligatoire des informations concernant l'asile, les données statistiques des nouvelles arrivées, la situation des Etats d'origine ou de provenance. C'est dans ce cadre particulier que s'inscrivent la mise en fiche de tout demandeur d'asile, son identité, ses documents de voyage et d'autres éléments nécessaires pour établir son identité.
L'étranger qui veut entrer sur le territoire commun ne devra pas figurer sur la liste des personnes non admissibles dans le système Schengen ou être considéré comme pouvant compromettre l'ordre public, la sécurité nationale ou les relations internationales de l'une des Parties contractantes.
Quelles sont les garanties offertes ?
1° Les Etats signataires devront, avant l'entrée en vigueur de la Convention, prendre les dispositions nécessaires pour mettre en oeuvre les principes de la convention du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981 pour la protection des
2° C'est la C.N.I.L. qui a été désignée comme autorité de contrôle par la France.
3° La création d'une sorte de C.N.I.L. européenne composée de deux représentants de chaque autorité de contrôle. Elle sera chargée de contrôler l'exécution des dispositions de la convention et de statuer sur les différends nationaux en ce qui concerne le droit d'accès.
4° La définition du contenu du système :
Le principe retenu est celui de la propriété nationale des informations contenues dans le S.I.S. Chaque Etat est libre de décider de l'inscription d'une personne, de déterminer les catégories de destinataires des informations contenues.
5° Droit d'accès et de notification :
La France a été désignée comme support technique du S.I.S., le siège choisi étant Strasbourg.
J'en arrive maintenant au droit d'asile.
E. Le droit d'asile :
La Convention de Schengen qui accorde à l'ensemble des citoyens, dans les conditions que j'ai mentionnées, la libre circulation dans "l'espace" ne pouvait pas ne pas octroyer aux réfugiés le droit de jouir de la même circulation dans la communauté. Mais alors la politique de reconnaissance du statut de réfugié devient une problématique qui concerne tous les Etats membres.
On assiste en effet à une augmentation du nombre des demandeurs d'asile et à une dérive du droit d'asile qui de politique devient économique. Ceci induit une augmentation du taux de rejet des demandes de statut de réfugié par l'O.F.P.R.A. De 4% en 1976, il s'est élevé à 57 % en 1985 pour dépasser 79 % en 1989.
Or, environ 80 % des demandeurs d'asile déboutés demeuraient en Europe et circulaient périodiquement d'un Etat à l'autre. Le système actuel consiste pour le demandeur débouté à déposer des dossiers successifs auprès des différents Etats membres mais le risque est que chaque Etat sollicité renvoie à son voisin la responsabilité du dossier.
Les critères de détermination sont définis par l'article 30 de la Convention.
C'est d'abord l'Etat qui a décidé de délivrer un visa ou un titre de séjour. Si plusieurs visas ont été accordés, c'est l'Etat qui a délivré le document dont l'échéance est la plus lointaine.
En cas de dispense d'obligation de visa ou d'entrée irrégulière, c'est l'Etat par les frontières extérieures duquel le demandeur d'asile a pénétré dans la communauté.
C'est aussi l'Etat qui a reconnu à un étranger le statut de réfugié et lui a accordé le droit de séjour qui est tenu d'assumer la responsabilité du traitement de la demande d'asile d'un membre de sa famille.
Tout ceci n'est cependant pas un cadre rigide. Aux termes des articles 29, paragraphes 4 et 36, les Parties contractantes conservent le droit pour des raisons particulières d'assurer le traitement d'une demande d'asile.
Notre législation nationale n'est pas modifiée par ce dispositif. Les normes de l'accord sont en harmonie avec les conventions internationales.
Quelle sera la procédure ? Si la demande d'asile est présentée dans plusieurs Etats membres, elle sera étudiée par un Etat qui prendra le dossier en charge. Comme on l'a vu, il existe des critères précis pour identifier l'Etat responsable. Les transporteurs enfin pourront se voir appliquer des sanctions s'ils ne procèdent pas à des contrôles de régularité avant d'embarquer les candidats au statut de réfugié.
N'est-il pas à craindre cependant que du fait d'arrangements entre Etats dans la recherche de celui qui aura la responsabilité d'examiner la demande, un Etat puisse refuser d'examiner une demande qui lui a été adressée et rejette de ce fait la responsabilité de l'examen d'une demande sur un autre dont les procédures pourraient ne pas comporter en pratique de garanties suffisantes ?
II. LA NATURE JURIDIQUE DE L'ACCCORD :
- Je voudrais souligner d'abord qu'il s'agit d'un texte de 142 articles qui tous traitent de libertés fondamentales de l'exercice de la souveraineté de l'Etat dans des domaines essentiels et qui n'a été soumis au Parlement
S'agissant de libertés publiques un contrôle démocratique a priori eût été préférable. Et c'est bien parce qu'il n'a pas eu lieu, qu'à deux reprises, le 24 novembre 1989 et le 14 janvier 1990, le Parlement européen à une large majorité a recommandé aux Parlements nationaux de ne pas l'approuver. Dans cette majorité figurait, entre autres, l'ensemble du groupe socialiste.
- quels sont les rapports entre Schengen et le droit communautaire ?
C'est un accord intergouvememental à six et non à douze. La CEE cependant n'hésite pas à reprendre à son compte les formules de Schengen. C'est le cas avec l'adoption par les douze en juin 1990 de la convention de Dublin sur le droit d'asile.
La règle communautaire, si elle doit être un jour instaurée dans les domaines couverts par Schengen, se substituera aux dispositions de la convention. La concurrence possible entre la convention de Dublin et celle de Schengen se règlera par le biais de l'article 142 de celle-ci.
Les mesures d'application de la convention de Schengen ne seront pas immédiatement et directement exécutoires en droit interne français puisqu'elles devront pour entrer en vigueur être retranscrites dans le droit des Etats membres.
Il n'existe aucun système de régulation juridictionnelle de caractère supranational.
Même lorsqu'un étranger est inscrit par un Etat contractant sur la liste des personnes non admissibles, la France pourra toujours lui délivrer un visa d'entrée par exemple pour des raisons humanitaires.
Il s'agit d'un accord international et non d'un règlement communautaire.
Le comité exécutif n'est qu'un comité de pilotage représentant les Etats signataires.
Ces deux dernières observations montrent bien qu'il n'y a aucune atteinte à la souveraineté.
Reste la question de l'articulation de l'accord de Schengen avec le droit communautaire. On peut avoir deux certitudes et deux interrogations.
L'ordre juridique de Schengen est subsidiaire par rapport à l'ordre communautaire.
L'article 134 pose un principe général : les dispositions de Schengen ne sont applicables que "dans la mesure où elles sont compatibles avec le droit communautaire".
Voilà pour les certitudes. Qu'en est-il des interrogations ?
Pourquoi avoir privilégié une convention intergouvemementale à six plutôt que de rechercher d'emblée des solutions au niveau de l'ensemble de la communauté et selon les règles du droit communautaire ?
Il est répondu à cela que nombreuses sont les dispositions de Schengen qui ne relèvent pas par essence de la compétence communautaire mais de la compétence internationale. C'est vrai notamment de la coopération policière, des visas, du droit d'asile. Dans ces conditions, seules les techniques conventionnelles classiques pouvaient être applicables. Ce sont les mieux adaptées à la protection de la souveraineté nationale.
La convention de Schengen ne créé aucune organisation internationale nouvelle. Le comité exécutif est intergouvememental. Il statue à l'unanimité et il n'est compétent que pour arrêter des mesures d'application de la convention. Ses décisions n'auront pas d'effet direct sur le droit interne mais exigeront le relais de l'intervention des autorités nationales.
La seconde question est la suivante. Pourquoi avoir signé une convention internationale avant même d'avoir réussi à harmoniser les législations nationales ?
A cela il convient de répondre qu'il faut tenir compte du caractère incitatif de Schengen. Faut-il d'ailleurs aller vers l'uniformisation ? Les Etats-Unis montrent que l'on peut construire un espace uni sans attenter au particularisme constitutionnel des Parties.
Je terminerai cette présentation de l'accord en évoquant la controverse politique à laquelle il a donné lieu.
III. LA CONTROVERSE POLITIQUE :
Les critiques : l'idée souvent émise est que nos frontières deviennent totalement perméables. Schengen ouvrirait la voie à de véritables pipe-lines d'immigration clandestine. L'Italie est pour les africains l'antichambre de la France et les Hollandais n'aiment guère refouler les clandestins.
Il faudrait pour rendre l'accord efficace un véritable ministère européen de l'Intérieur et une police commune européenne. Mais il faudrait alors un droit pénal européen, ce qui n'est pas possible actuellement.
Ce texte contient aussi des points obscurs. J'en ai relevé un, la déclaration des étrangers qui entrent en France. Quelle est la nature juridique de cette déclaration ? Comment doit-elle s'effectuer ? Quelles sont les sanctions qui viennent frapper l'étranger lorsqu'il ne s'y soumet pas ? S'il séjourne plus de trois mois, il sera de toute façon reconduit.
N'y-a-t-il pas une contradiction entre l'article 22 et l'article 45 de la convention ?
J'en arrive aux avantages de cet accord qui ne s'identifie à mon sens ni à une passoire ni à une forteresse.
Ce n'est pas une passoire. Je prendrai pour le démontrer les exemples de l'immigration clandestine en provenance des pays de l'Est et celui du trafic de drogue.
Dès que l'Europe de l'Est a recouvré la liberté nous avons, comme nos partenaires de Schengen, supprimé le visa pour les hongrois et pour les tchèques. Comme par ailleurs l'Allemagne supprimait les visas pour les polonais, la France risquait de ne plus tenir. C'est grâce à Schengen qu'une solution a été trouvée : un accord a été signé entre les six et la Pologne. Si une personne en provenance de Pologne s'installe en France sans autorisation, notre pays pourra le renvoyer en Pologne et la Pologne sera tenue de la recevoir.
S'agissant de la drogue, on se méfiait de la législation des Pays-Bas. Grâce à Schengen ceux-ci vont être obligés de revoir leur législation et de mettre sur pied des fichiers des contrevenants qui seront ouverts à tous et il y aura un droit de poursuite de notre police contre les nationaux sur tout le territoire sur la base des renseignements obtenus.
Schengen n'est pas non plus une forteresse. C'est vrai qu'il y a un renforcement aux frontières externes des contrôles, une coopération policière et pénale accrues et qu'un système informatique d'échanges de données sera mis en place.
Le réfugié ne pourra plus s'adresser aux six Etats. Le pays compétent sera déterminé. Cependant, tout Etat pourra demander à traiter tel ou tel dossier.
Schengen fournit deux instruments : d'abord, la mise en place avec nos partenaires d'une politique commune des visas ; ensuite, le renforcement des vérifications aux frontières extérieures.
Ceci me paraît fondamental pour trois raisons.
C'est une étape indispensable dans la réalisation concrète de la construction européenne.
C'est une réponse concrète à de grandes menaces. Nous avons le choix entre deux solutions : soit de nous replier sur nous-mêmes, soit de favoriser l'émergence d'une attitude ferme et concertée avec nos voisins.
Nous ne pouvons laisser l'Afrique et les pays de l'Est à la solitude de leur destin. Boumedienne a dit : "Un jour des millions d'hommes quitteront les parties méridionales pauvres du monde pour faire irruption dans les espaces relativement accessibles qui sont à la recherche de leur propre identité".
On dira que la ratification des accords d'application de la Convention de Schengen tombe mal. Non, ils visent très précisément à combler des lacunes dans notre pays.
Schengen est la préfiguration d'un espace de droit européen. Celui-ci ne saurait se réduire à la seule dimension sécuritaire et répressive qui caractérisait le projet avorté d'espace judiciaire européen. Il s'inscrit dans la grande tradition française et européenne de la liberté et des droits de l'homme.
Pour terminer, je ferai deux citations.
La première est empruntée à Jean Lecanuet : "Les frontières sont à la fois l'enceinte des nations et les cicatrices de l'histoire". La seconde est de Fernand Braudel : "L'espace français n'est qu'un morceau de la géographie de l'Europe. Celle-ci s'y installe, s'y continue si bien que sur cette extrêmité où le continent se trouve fortement rétréci, aboutissent et se rapprochent en un contraste accentué les
Monsieur le Président : Je vous remercie pour cet exposé très remarquable. C'est un texte complexe. Quelqu'un voudrait-il poser des questions, émettre une opinion ? Non, et bien, nous allons passer à l'examen des principes en cause.
Monsieur ROBERT : La saisine contient cinq moyens. Ils portent sur :
- la souveraineté nationale ;
- les libertés individuelles ;
- les D.O.M. et les T.O.M. et l'indivisibilité de la République ;
- le droit communautaire ;
- l'absence de clause de dénonciation.
1er moyen : l'atteinte à la souveraineté nationale :
La souveraineté nationale s'exerce dans certains domaines essentiels comme la monnaie, la matière pénale. Elle touche aussi à l'exercice de l'autorité judiciaire.
La suppression des contrôles aux frontières et la mise en oeuvre de la coopération policière constitueraient une atteinte à la souveraineté nationale.
S'agissant de la suppression des contrôles aux frontières, ces atteintes sont doubles puisqu'il y aurait à la fois atteinte aux conditions essentielles de l'expression de la souveraineté et par voie de conséquence transfert de souveraineté.
On peut dégager le domaine d'exercice de la souveraineté nationale en se référant à notre jurisprudence en particulier à la décision n° 85-188 DC du 22 mai 1985 (Rec. p. 15).
Or selon les auteurs de la saisine, l'Etat ne serait plus en mesure d'assurer le respect des institutions de la République car ce respect suppose un cadre qui est constitué par un territoire donc par des frontières. En effet, les éléments constitutifs de l'Etat sont : un territoire, une population et un gouvernement. On détruirait le cadre de l'exercice des compétences de l'Etat. Or l'Etat peut-il convenablement exercer ses compétences quand ses limites territoriales sont incertaines et imprécises ?
Troisième élément, la garantie des droits et libertés des citoyens.
Qu'adviendra-t-il de notre système de protection sociale si n'importe qui entre n'importe comment ? Or le Préambule de la Constitution de 1946 dispose que "la Nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs".
Les saisissants font aussi valoir que le traité porterait atteinte à la sûreté des personnes.
Enfin, du fait de la circulation de ces informations sur les citoyens dans toute l'Europe, on aurait connaissance des opinions politiques des citoyens.
En outre ces atteintes emportent un véritable transfert de souveraineté :
- L'article 2 qui ouvre les frontières supprime tout contrôle des autorités françaises et crée un transfert des compétences de police au profit de l'Etat pour admettre l'étranger.
L'argument ne tient pas car précisément les alinéas 2 et 3 de l'article 2 rétablissent les compétences de l'Etat.
- Le système favorise l'immigration clandestine car un étranger titulaire d'un titre de séjour limité pourra circuler librement partout même après le délai fixé par la Convention, s'il ne souscrit pas à la déclaration de l'article 22. Cependant on peut reconduire cet étranger à la frontière et si l'étranger ne fait pas la déclaration il est en infraction.
- L'Etat se verra imposer les conséquences d'accords bilatéraux passés par d'autres Etats. L'article 20 prévoit que les Etats peuvent, par accord bilatéral, prolonger au-delà de trois mois le séjour des étrangers. Mais ceci ne peut se faire que sur leur propre territoire.
- Il y aurait transfert aussi parce que les autorités de police étrangères pourront procéder à des activités de police judiciaire à l'intérieur même de la France
Le deuxième volet du raisonnement des députés a trait aux mesures d'accompagnement et aux dispositions visant au renforcement de la coopération en matière de police et dans le domaine judiciaire.
C'est le problème du franchissement des frontières et du droit de suite.
Ce que le Conseil constitutionnel a décidé dans sa décision du 17 juillet 1980 sur l'entraide judiciaire devrait également jouer pour l'entraide policière. Il y a en effet une confusion fâcheuse entre les opérations de police administrative et de police judiciaire. Mais on peut répliquer que l'article 41, paragraphe 2, précise que "la poursuite est exercée selon l'une des modalités ... qui est définie par la déclaration prévue au paragraphe 9".
Il est aussi soutenu qu'aucune clause de dénonciation n'est prevue.
Je voudrais faire trois remarques à ce stade. La première est que la possibilité pour un Etat de prendre des mesures plus restrictives que celles qui existent dans la convention est toujours prévue. Le paragraphe 2 de l'article 2 de celle-ci prévoit qu'une Partie contractante peut rétablir les contrôles frontaliers nationaux lorsque l'ordre public et la sécurité nationale l'exigent. D'ailleurs, l'article 2 ne porte pas atteinte à l'exercice des compétences de police et de douane qui appartiennent à chaque Etat.
De même le Parlement aura à se prononcer sur des modifications de l'ordonnance de 1945 sur les conditions d'entrée et de séjour des étrangers, je pense en particulier aux effets de l'article 5 de la convention. Il en va de même pour les sanctions contre les transporteurs et la déclaration obligatoire aux frontières.
Ma seconde observation porte sur l'organisation de la coopération. Organiser une coopération n'a jamais signifié transférer une compétence ou changer d'ordre juridique. Prendre ensemble des décisions que chacun applique selon son droit national ne peut heurter aucun principe de droit national ou international.
Enfin, l'examen des pouvoirs du comité exécutif appelle les observations suivantes.
Le comité exécutif n'est jamais que la réunion des ministres des pays signataires. Celui-ci statue à l'unanimité et pour
Le deuxième moyen concerne les libertés individuelles, ce qui revient à évoquer la question du droit d'asile et le "système d'information Schengen".
Les griefs sur les atteintes au droit d'asile seraient les suivants.
La loi ne fixerait aucune garantie suffisante en ce qui concerne la définition des critères de désignation de l'Etat responsable de la demande.
Il n'y a aucune garantie expresse qu'une information confidentielle concernant une demande d'asile ne parvienne aux autorités du pays d'origine.
La même remarque vaudrait à propos des dispositions impliquant pour l'Etat requis une obligation d'extrader au profit de l'Etat requérant.
Une seconde branche du moyen porte sur le "système d'information Schengen". Nos partenaires ne garantissent pas toujours un niveau équivalent de protection des données que celui qui est offert par la C.N.I.L.
Avant de repondre directement à ces moyens, je voudrais rappeler la jurisprudence du Conseil constitutionnel applicable en la matière.
Je citerai d'abord la décision du 22 mai 1985 (85-188 De, 22 mai 1985, Rec. p. 15) relative à l'abolition de la peine de mort.
La question qui était posée était de savoir si les limitations apportées par le protocole n° 6 de la convention européenne des droits de l'homme à l'exercice des compétences constitutionnelles du Parlement en matière de détermination des délits et des crimes (ainsi que celles du chef de l'Etat dans le cadre de l'article 16) n'imposaient pas que la ratification du protocole soit subordonnée à une révision préalable de la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a décidé que le protocole ne portait pas atteinte aux "conditions essentielles de l'exercice de la souveraineté nationale". Ainsi le Conseil a affirmé qu'un engagement international ne serait contraire à la Constitution que s'il portait atteinte aux "conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale" et qu'il n'en serait ainsi que si cet engagement était par hypothèse "incompatible avec le devoir d'assurer le respect des
Il y a aussi la décision du 19 juin 1970 rendue à propos de la création d'un système de ressources propres au profit des communautés européennes.
Le Conseil constituitonnel pose comme principe que tout engagement international en voie d'insertion dans l'ordre juridique national, doit, sous peine d'être déclaré contraire à la Constitution, respecter les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.
La décision du 30 décembre 1976 sur l'élection du Parlement européen au suffrage universel mérite également d'être citée. Il y est dit que si la France peut consentir aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix, aucune disposition constitutionnelle n'autorise des transferts de tout ou partie de la souveraineté nationale à quelque organisation internationale que ce soit.
J'en termine en évoquant la décision du 17 juillet 1980. Le Conseil constitutionnel autorise la ratification d'une convention franco-allemande d'entraide judiciaire. Il précise "l'interdiction de porter atteinte à la régle qui découle du principe de la souveraineté nationale selon laquelle les autorités judiciaires françaises sont seules compétentes pour accomplir, en France, dans les formes prescrites par la loi, les actes qui peuvent être demandés par une autorité étrangère".
A cela s'ajoute notre jurisprudence sur le droit d'asile.
Je vous rappelle que le préambule de la Constitution de 1946 dispose que "tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit à l'asile sur les territoires de la République".
La question est de savoir si la détermination de critères et de responsabilités qui permettent le renvoi d'un étranger entré en France pour demander le statut de réfugié vers un autre Etat de la Communauté ne contrevient pas à la Constitution ?
Je me référerai à une décision du 9 janvier 1980 et à une décision du 3 septembre 1986.
Dans la première, le Conseil s'est borné à relever, d'une part, que la loi soumise à son examen n'apportait aucune modification aux dispositions de l'article 2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui réservent l'application de conventions internationales et, d'autre part, que parmi ces conventions, figurait notamment la convention de Genève pour en conclure
Dans la seconde décision, le Conseil a affirmé que le principe du droit d'asile posé par l'alinéa 4 du préambule de la Constitution de 1946 est mis en oeuvre par la loi et les conventions internationales introduites en droit interne avec l'autorité prévue à l'article 55 de la Constitution.
L'asile est un droit souverain de l'Etat. Les critères qui permettent de déterminer la responsabilité d'un des Etats de la communauté au regard d'une demande d'asile ne modifient ni ne garantissent le statut de réfugié. Certaines conditions doivent être récentes.
Il faut que tous les Etats soient parties aux instruments internationaux que sont la convention de Genève de 1951 et le protocole de New-York de 1967.
Il faut que les Etats puissent garder, en tout état de cause, la possibilité d'offrir l'asile à un étranger qui le sollicite même si les critères désignent un autre Etat.
Il faut que chaque Etat soit maître des procédures qu'il met en oeuvre pour la reconnaissance du statut.
Pour conclure, je voudrais répondre à la question suivante. Fallait-il mettre à l'appui de chaque moyen des éléments individualisés ou fournir une réponse globale ? Le problème s'est posé aussi avant-hier au ministre d'Etat, Monsieur Maurice FAURE, dans des conditions différentes. Je crois pour ma part utile de rappeler les principes en tête mais je tiens à faire trois observations.
Ces principes ne font que reprendre la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Ils n'ajoutent rien. Il ne nous lient aucunement les mains puisque les décisions ont déjà été prises.
Ils indiquent que nous maintenons notre jurisprudence et qu'il n'y a pas de dérive à craindre. Au contraire, Schengen nous fournit l'occasion de montrer notre fidélité à notre jurisprudence et de répondre ainsi à un certain courant anti-européen.
Enfin, l'affirmation de ces principes à le mérite de la franchise. Nous ne nous défilons pas.
Monsieur le Président : la construction que vous nous proposez est originale mais avons nous fréquemment utilisé la définition des principes applicables en l'espèce, comme cela est le cas en tête de la décision pages 5 et 6 ? (se tournant vers Monsieur PAOLI).
Monsieur le Président : oui en 1976, mais je crois qu'il faut distinguer les saisines abstraites du type de celles du Président de la République dans le cadre de l'article 54 de la Constitution et les saisines des parlementaires.
Monsieur le Secrétaire général : on peut citer à ce propos les décisions du 29 avril 1978 sur le F.M.I. et du 17 juillet 1980 sur la convention franco-allemand d'entraide judiciaire.
Monsieur le Président : je voudrais vous rappeler que si le Conseil prononçait une censure soit la négociation recommencerait, soit il conviendrait d'évoquer la possibilité de modifier la Constitution, ce qui ne peut prêter qu'à sourire. A cet égard, on peut estimer que l'on dispose d'un pouvoir excessif. On laisse passer ou on "annule". Dans ces conditions, l'intérêt des décisions réside dans leur contenu.
Les précisions, le interprétations ont une valeur qui n'est pas indifférente.
Les principes applicables pages 5 et 6 reprennent notre jurisprudence.
Je vais m'exprimer directement là-dessus. Je ne vois pas d'avantage à suivre cette méthode. Lisez la page 6.
La première phrase du troisième considérant est une réaffirmation de notre jurisprudence. Il est inutile de la reprendre come principe applicable. S'agissant de la reprise de la jurisprudence de 1976, ce rappel pose un problème car il correspond à une sensibilité européenne différente de la ligue tracée par l'arrêt Nicolo du Conseil d'Etat. Si nous reprenons la décision de 1976, nous n'ajoutons rien mais nous la ratifions en nous privant du pouvoir de la modifier.
(Monsieur le Président relit un extrait de la décision du 30 décembre 1976). La reprise de cette jurisprudence face à ce qui va être la négociation du traité sur l'union économique et monétaire signifiera que le Conseil constitutionnel s'opposera à ce que la France conclue ce traité.
Imaginez les conséquences d'une telle décision. Non seulement cela n'est pas indispensable mais cela nous lie les mains. J'ajoute que cela mettrait le Gouvernement dans une position difficile alors qu'il doit franchir une étape clef dans la construction européenne. Je crains que le Conseil constitutionnel en s'engageant dans cette voie ne cède à un certain vertige. Si les traités étaient conclus, nous pourrions répondre mais il en va autrement aujourd'hui car cela reviendrait à une situation où le Conseil d'Etat aurait pris une position inverse de celle qu'il a adoptée en octobre
L'union économique et monétaire est-ce que cela contribue à la défense de la paix au sens du Préambule de 1946 ? Pourquoi alors courir le risque de bloquer par avance la négociation ? Gardons notre liberté.
Sur cette question préalable, je souhaiterais que chacun puisse s'exprimer, mais une fois encore je considère que la décision du 30 décembre 1976 était antieuropéenne.
Monsieur ROBERT : Je n'ai fait que rappeler notre jurisprudence et je considère que cette solution montrerait que le Conseil n'est pas prêt à faire n'importe quoi, la presse s'en tiendrait à mon sens au seul problème de la convention de Schengen.
Monsieur le Président : Dans le cours de nos travaux, je souhaiterais que le Conseil apporte quelques précisions sur le comité exécutif et qu'on les fasse figurer dans le communiqué de presse.
Monsieur FAURE : Nous n'aurons pas besoin de l'après-midi pour répondre à cette question. Le problème est différent de celui qui s'est posé avant-hier. La route est libre et ce serait une erreur que de la baliser sans nécessité. Mais politiquement le problème est le même et nous sommes dans ce domaine au carrefour du droit et de la politique.
Faut-il rappeler notre jurisprudence ? Nous serons amenés à opérer des retournements, quelle institution juridictionnelle n'en a pas fait ? Voyez notre débat autour de l'article 6 de la Déclaration de 1789 (3). Si nous voulons l'ouvrir ou du moins ne pas le fermer, il faut tenir compte d'une évolution inévitable correspondant à une nouvelle donne internationale et européenne. Mais il n'est pas opportun de rappeler aujourd'hui les termes de décisions qui sont appelés à être amendés, assouplis. (Se retournant vers Monsieur ROBERT) Est-il absolument nécessaire pour aboutir à vos conclusions auxquelles je souscris, de le faire ?
En fait, ce rappel de notre jurisprudence ferait plaisir aux auteurs de la saisine. J'ajoute une dernière observation. Dans ce domaine les prérogatives des parlementaires sont très limitées puisqu'ils ne peuvent pas modifier le traité. Ils peuvent seulement déposer des amendements créant des articles additionnels dans la loi autorisant l'approbation du traité. Autrement on démolirait tout si on ne changeait qu'une seule ligne.
Je partage donc l'avis au président. Par ailleurs, et me permettant de sauter du coq à l'âne, je constate que quarante ans après on retrouve toujours les Etats fondateurs à l'origine des initiatives européennes.
Les cinq autres Etats ont-ils ratifié la convention ?
Monsieur ROBERT : L'Espagne et tout récemment le Portugal ont adhéré.
Monsieur FAURE : Ce sont les seuls Etats qui ont posé leur candidature à la CEE, non pour des raisons commerciales mais politiques. Le Royaume-Uni est entré pour des raisons commerciales.
Monsieur le Président : Sur ce problème ?
Monsieur LATSCHA : Une fois de plus le Professeur Robert nous a éblouis.
Nous sommes au carrefour de la politique et du droit comme l'a dit le Ministre d'Etat. Schengen n'est qu'une étape de la construction européenne. Je suis gêné par les affirmations tranchées de la décision du 30 décembre 1976 alors que l'on avait déjà procédé à l'époque à des transferts de compétences dans le cadre du traité de Rome. Enfin, j'observe que dans cette décision la conformité à la Constitution de la décision du Conseil des communautés européennes avait été obtenue à l'arraché puisque le dispositif est ainsi rédigé : ''Sous le bénéfice des considérations qui précèdent ... ''.
Monsieur le Secrétaire général : Je puis apporter une explication sur ce point en fonction du contexte dans lequel a été rendue la décision de 1976. Je tiens à rappeler à ce sujet que Monsieur GOGUEL qui était le rapporteur avait conclu à l'inconstitutionnalité. Les résultats du vote ont été : 4 voix pour, 4 voix contre le projet initial, dont celle du
Monsieur LATSCHA : Je rejoins notre président pour estimer que notre décision ne doit pas se situer dans une optique passéiste.
Cette saisine est d'ailleurs contradictoire puisque, d'un côté, elle soutient qu'il y a atteinte à la souveraineté nationale et, de l'autre, elle fait valoir que le droit d'asile est méconnu. Lorsque j'ai été amené à travailler sur Schengen dans une réunion à Bruxelles, le délégué britannique m'a bien dit que le Royaume-Uni était une île !
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt l'exposé du Professeur ROBERT. Je crois qu'il est nécessaire d'avoir une convention comme celle-ci pour harmoniser les politiques des Etats européens. Au Sénat, 78 voix se sont élevées contre ce texte se partageant entre les différents groupes.
Monsieur FAURE : Il n'y a pas eu de saisine du Sénat.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : La saisine est de Monsieur MAZEAUD.
Monsieur le Président : C'est un de nos fournisseurs réguliers.
Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Certains de ses collègues qualifiaient parfois ses positions d'extravagantes et les nuages en montagne ne lui permettent pas toujours de voir le monde.
J'en arrive au problème posé par le rappel de notre jurisprudence. Je crois que l'Etat du droit doit s'adapter de manière constante aux faits. Il n'est donc pas utile, pas indispensable de reprendre la décision du 30 décembre 1976. Je rejoins donc le Président.
Monsieur MAYER : Je voudrais rendre deux hommages. Le premier s'adresse au rapporteur pour son exposé remarquable. Le second s'adresse au Président qui a vu des problèmes que je n'avais pas vus.
Je m'inspirerai de ce qu'a dit Monsieur FAURE tout à l'heure. Il a dit qu'il s'agissait "d'ouvrir un débat ou plutôt de ne pas le fermer". Je ne suis pas partisan d'un rappel qui me semble inutile.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Je ne peux mieux dire que ce qu'a exprimé Monsieur JOZEAU-MARIGNE : je me rallie.
Monsieur CABANNES : Je suis atteint physiquement aux yeux (4) mais je tiens à rendre hommage à l'exposé étincelant du Professeur ROBERT et à faire part de mes observations. Je ne suis favorable à l'affirmation d'un principe que lorsqu'il y a une décision importante. Il convient alors d'introduire un "chapeau" solennel sous réserve que cela soit, sinon indispensable, du moins utile. Or, au cas présent, cela n'est pas utile et peut même être dangereux.
Monsieur le Président : Lorsque nous serons amenés à statuer sur l'union démocratique et monétaire, il est certain que le Conseil constitutionnel sera appelé à redéfinir sa jurisprudence. Il y aura alors un problème de souveraineté nationale.
Monsieur ROBERT lit la page 2 du projet de décision.
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Pourquoi dit-on, page 2, qu' "est étranger toute personne...".
Monsieur le Secrétaire général : Ce sont les critères adoptés par la Convention définis en tête de celle-ci, à l'article 1er. Cette définition présente une utilité par la suite.
Monsieur ROBERT poursuit sa lecture jusqu'au deuxième considérant de la page 5. La partie du projet de décision intitulée "Sur les principes applicables" n'a plus lieu d'être compte tenu de la position adoptée précédemment par Messieurs les conseillers.
Monsieur ROBERT : Je reprends l'examen des articles.
A l'article 2. les moyens des saisissants sont les suivants : cet article porterait atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale en entraînant un transfert de souveraineté.
Le grief invoqué a trait aux effets de la suppression des frontières dans les limites des compétences étatiques ; ces frontières deviendraient incertaines. La réponse ne présente pas de difficultés car le franchissement des frontières sans
En outre, la continuité de la vie de la Nation serait menacée au motif que les modes d'acquisition de la nationalité seraient modifiés et les flux migratoires ne seraient plus maîtrisés.
La convention ne modifie en rien le code de la nationalité. Elle n'assimile nullement pour l'application du droit de la nationalité la résidence ou le séjour dans un Etat signataire à une résidence en France.
J'ajoute que la suppression du contrôle aux frontières va de pair avec le transfert et l'harmonisation de ce contrôle aux frontières extérieures. Les négociateurs de la convention ont prévu un régime commun de visa de court séjour s'appliquant aux ressortissants des Etats tiers qui ne pourra être modifié que d'un commun accord.
Les visas de plus longue durée demeurent nationaux. Ils permettent le transit sur le territoire des autres Etats afin de se rendre dans l'Etat qui a donné le visa.
Là encore le grief ne saurait être retenu.
Se rattache enfin à ce premier moyen le grief touchant aux droits et libertés des citoyens.
La perméabilité des frontières porterait doublement atteinte à la sûreté des personnes et à la protection de la santé.
Je tiens à souligner que le principe de libre circulation s'accompagne de mesures de contrôle aux frontières extérieures.
En outre, l'article 2, paragraphe 2, de la convention autorise une Partie contractante à rétablir pour une période limitée les contrôles frontaliers nationaux lorsque l'ordre public ou la sécurité l'exigent.
J'observe que l'article 2, paragraphe 3, prévoit que la suppression du contrôle intérieur ne porte pas atteinte à l'exercice des compétences de police qui appartiennent à tout Etat sur son territoire.
Enfin, le Préambule de 1946 sur la protection de la santé n'a aucun rapport avec l'article 2.
Quant à l'argument tiré d'un éventuel transfert de souveraineté, on peut y répondre aisément en faisant valoir que l'article 2 prévoit des possibilités de dérogation pour des raisons liées à l'ordre public et à la sécurité nationale
Monsieur le Président : Sur cette partie qui est la plus facile ? Reprenons le projet.
Monsieur ROBERT donne lecture des pages 6 à 8 du projet de décision.
La rédaction de cette partie du projet de décision est adoptée.
Monsieur ROBERT lit la page 9 du projet de décision.
Monsieur le Président : Je m'interroge sur la dernière phrase du considérant de la page 9 et en particulier sur la fin de cette phrase. S'il y a plus de contrôle aux frontières, il y aura des contrôles en aval dans les trains, sur les routes, dans un périmètre de vingt kilomètres de la frontière. Il n'est pas indifférent de le rappeler et d'ajouter notamment que la législation relative au contrôle des personnes à l'intérieur du territoire national n'est nullement modifiée.
Monsieur ROBERT : C'est ce qu'implique la rédaction.
Monsieur le Président : Vous estimez que cela est déjà couvert ? N'en parlons pas dans ces conditions.
Monsieur CABANNES : Je partage votre point de vue.
Monsieur le Président se ravisant quelque peu : il est bon malgré tout de rappeler que l'on pourra contrôler une fois la frontière franchie.
Monsieur CABANNES : Cela répond à l'argument de la "passoire".
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Pourquoi ne pas parler de compétence nationale ?
Monsieur le Secrétaire général : L'expression employée dans le projet est reprise du troisième paragraphe de l'article 2 de la Convention.
Monsieur LATSCHA : Pour l'ordre public, c'est important effectivement de faire cette adjonction.
Monsieur le Président : Cela n'est pas indispensable.
Monsieur le Secrétaire général : La formulation serait la suivante : "qu'il s'ensuit qu'elle n'entraîne...".
Monsieur le Président : "Que notamment...".
Monsieur le Président : "Qu'en particulier, il s'ensuit qu'aucune atteinte...".
Monsieur le Secrétaire général suggère : "Qu'il n'est apporté aucune atteinte...".
Monsieur le Président s'arrête à la rédaction suivante : "Qu'en conséquence, il n'est apporté aucune modification de la législation relative au contrôle des personnes à l'intérieur du territoire national".
Cette rédaction est adoptée.
Monsieur le Président (se tournant vers Monsieur le Secrétaire général). Vous avez dirigé la direction des libertés publiques et des affaires juridiques. Vous êtes un des pères fondateurs de Schengen !
Monsieur le Secrétaire général : Ce n'était alors qu'au tout début.
Monsieur ROBERT lit la suite de la page 9 du projet de décision. Le mot "direct" est supprimé après le mot "rapport", en haut de la page 10.
La rédaction des deux considérants de la page 10 du projet de décision afférents au transfert de souveraineté est adoptée.
Monsieur ROBERT : J'aborde maintenant l'article 20. Aux termes de cet article, chaque Partie peut prolonger au-delà de trois mois le séjour d'un étranger sur son territoire dans des circonstances exceptionnelles ou par application des dispositions d'un accord bilatéral conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente Convention.
Le grief consiste à soutenir que des accords bilatéraux auxquels la France ne serait pas partie seraient étendus à celle-ci.
Or la prolongation du séjour ne s'applique qu'au territoire de l'Etat partie à l'accord bilatéral antérieur ou qui estime être en présence de circonstances exceptionnelles.
Monsieur ROBERT lit les pages 10 et 11 du projet de décision.
Cette rédaction est adoptée.
Monsieur ROBERT : Je parlerai maintenant de l'article 22.
Cette disposition est critiquée au motif qu'elle envisage un transfert de souveraineté en raison du caractère insuffisant de la mesure.
Ce raisonnement ne tient pas car la déclaration est une formalité dont les règles et les modalités sont fixées par l'Etat.
Monsieur le Président : Qu'a-t-il été chercher ? Je ne comprends pas Monsieur MAZEAUD.
Monsieur LATSCHA : Toute cette saisine est bizarre.
Monsieur le Secrétaire général : Son préambule a pourtant été écrit, par un éminent professeur de droit constitutionnel.
Monsieur CABANNES : Nous n'avons pas été saisis sur les écoutes téléphoniques. Le Président de la République aurait pu le faire.
Monsieur le Président : Non, de telles saisines posent des problèmes. Les conventions sont plus adaptées aux saisines présidentielles.
La rédaction de cette partie du projet de décision est adoptée.
Monsieur ROBERT : Nous abordons maintenant la question du droit d'asile.
Dans ses articles 28 et 135, la Convention réaffirme les obligations des Parties aux termes de la Convention de Genève de 1951 amendée par le protocole de New-York de 1967.
L'article 29 prévoit qu'une seule Partie contractante est responsable du traitement de la demande d'asile de l'étranger, la détermination de cette Partie étant faite sur la base des critères de l'article 30.
L'article 38 fixe les conditions dans lesquelles sont échangées les données relatives à l'examen des demandes d'asile.
Quels sont les griefs invoqués ? Le dispositif prévu fait courir deux risques. Le premier tient à l'absence de garanties suffisantes, s'agissant des critères de désignation de la partie responsable de la demande d'asile ; le second a trait à la divulgation possible d'informations confidentielles.
Les critères de l'article 30 sont objectifs. La Partie responsable de la demande d'asile assure son traitement conformément à son droit national (article 32). Par ailleurs, l'article 29, paragraphe 4, réserve le droit de toute Partie contractante "pour des raisons particulières tenant notamment au droit national'' d'assurer le traitement d'une demande d'asile même si la responsabilité incombe à une autre Partie...". Précisément une telle disposition nous permet de respecter le Préambule de la Constitution de 1946.
Quant aux informations relatives au droit d'asile, l'article 38 donne toute garantie. (Monsieur ROBERT en cite les principales qui portent sur le fichier, l'interdiction de divulgation des données). Je vous invite à rejeter ce moyen.
Monsieur le Président : En dehors de la question des sanctions contre les transporteurs, les associations qui nous ont écrit n'ont pas soulevé de moyens sérieux.
Monsieur ROBERT : Cette question n'est pas invoquée dans la saisine.
Monsieur le Président : Je vous interroge. Doit-elle donner lieu à autosaisine ? Monsieur MAZEAUD n'en parle pas mais (se tournant vers Monsieur MAYER) l'ancien président de la Ligue des droits de l'homme que vous êtes, ne peut ignorer cette question.
Monsieur ROBERT : On peut se poser la question de la délivrance de pouvoirs de police aux transporteurs.
(Monsieur ROBERT lit l'article 26, paragraphe 2, de la Convention).
Ces sanctions doivent frapper les transporteurs dans le respect du droit constitutionnel des Parties contractantes.
Monsieur LATSCHA : Le système de prise en charge par les compagnies aériennes des frais de rapatriement de l'étranger reconduit fonctionne déjà vers l'Afrique.
Monsieur le Président : Le transporteur devient vérificateur.
Monsieur MAYER : Le renvoi dans le pays d'origine est aux frais du transporteur.
Monsieur LATSCHA : On l'exige de la compagnie aérienne.
Monsieur le Président : Devons-nous soulever ce moyen pour le rejeter ? Nous ne le faisons pas.
Monsieur MAYER : On en reste là mais a-t-on un moyen de répondre à la lettre par un courrier ou un coup de téléphone ?
Monsieur le Président : Je le ferai par courtoisie.
Monsieur FAURE : C'est un des moyens les plus efficaces du dispositif. Une loi devra décider des sanctions et être conforme à la Constitution. Cela va de soi.
Monsieur le Président : Si nous sommes saisis...
Monsieur ROBERT : On a la réponse.
Monsieur le Président : On ne l'a pas maintenant.
Monsieur ROBERT donne lecture des pages 12, 13, et du haut de la page 14 du projet de décision.
Monsieur le Président : Il y a un point qui me paraît obscur, c'est le considérant qui se situe en haut de la page 14 : "... La loi non plus que les engagements internationaux ne sauraient conduire à sa mise en cause...".
Monsieur LATSCHA : Est-ce nécessaire ?
Ce considérant est supprimé.
Monsieur ROBERT poursuit la lecture de la page 14.
Monsieur le Président : Je m'interroge sur "la détermination" qui est "fonction".
Monsieur le Secrétaire général : "résulte" serait sans doute meilleur que "est fonction".
Cette rédaction est adoptée.
Monsieur ROBERT continue la lecture de la page 14.
Monsieur LATSCHA : Que signifie là le mot "vocation".
Monsieur le Président : Cela signifie que si la personne est "persécutée" conformément aux critères du Préambule de la Constitution de 1946, la France pourra demander à traiter la demande d'asile. Il est important de le souligner car cette disposition protège le droit d'asile. Ce n'est pas indifférent de le rappeler en le marquant avec netteté.
Monsieur le Secrétaire général : "Sont appelées à" ?
Monsieur FAURE : "Reçoivent application".
Monsieur le Président : Ce mot "application" ne me plaît pas. Il me semble trop abstrait. Il faut une autre rédaction. N'oublions pas que pour certains cette Convention est quelque chose d'épouvantable. Il y a dedans ce qui est contraire au credo de la gauche, à savoir l'Europe policière.
La rédaction suivante est adoptée : "que ces dernières stipulations sont appelées à recevoir application au profit des personnes susceptibles de bénéficier du droit d'asile en vertu du quatrième alinéa du Préambule de 1946 ; ".
Monsieur le Président : Arrêtons-nous là. Je supprimerais la dernière phrase : "qu'ainsi la convention n'est pas contraire au droit d'asile".
Cette dernière phrase est supprimée.
Monsieur ROBERT lit le considérant de la page 15 concernant les informations relatives aux demandes d'asile.
Monsieur le Président : Disons simplement que cet article n'est pas contraire à la Constitution. Supprimons les mots "en rien".
Les mots "en rien" sont supprimés.
Monsieur ROBERT : J'ai pensé mettre des exemples mais cela aurait été très long comme nous l'avons constaté Monsieur le Secrétaire général et moi.
Monsieur le Secrétaire général : D'autant que le moyen tient en une ligne et demie.
Monsieur le Président : L'examen des articles 40 et 41 devrait aller vite.
La séance est suspendue à 12 h 45.
La séance est reprise à 14 h 20.
Monsieur ROBERT : Je vais exposer les moyens développés contre les articles 40 et 41 de la convention.
L'article 40 porte sur les observations transfrontalières et l'article 41 sur les poursuites transfrontalières.
L'article 40 : Dans le cadre d'une enquête juridictionnelle, les agents d'un Etat qui observent dans leur pays une personne
Si à cause de l'urgence l'autorisation ne peut pas être présentée, les agents peuvent néanmoins continuer l'observation de la personne présumée avoir commis les faits punissables énumérés au septième paragraphe de l'article 40.
Le grief consiste à soutenir que le fait pour des policiers étrangers de poursuivre sans l'accord des autorités françaises leurs investigations sur notre sol est contraire au respect dû à la souveraineté nationale.
Ce grief mérite d'être écarté car le droit à l'observation transfrontalière est subordonné à l'acceptation préalable d'une demande judiciaire. En cas d'urgence, il ne peut y avoir autorisation préalable, mais l'observation doit prendre fin dès que l'Etat le demande et, en toute hypothèse, cinq heures après le franchissement de la frontière.
Monsieur le Président : Et en plus il y a réciprocité comme l'a souligné le ministre d'Etat.
Monsieur ROBERT : Elle n'est pas suffisante.
Monsieur le Président : Oui, je suis d'accord.
Monsieur ROBERT : Je voudrais dire quelques mots sur les moyens formés à 1'encontre de l'article 41 qui porte sur la poursuite transfrontalière.
Les agents d'un Etat qui, dans leur pays, suivent une personne prise en flagrant délit de commission d'une infraction visée à l'article 4 peuvent continuer la poursuite dans un autre Etat sans autorisation lorsque les autorités de cet Etat n'ont pas, en raison de l'urgence, été prévenues préalablement ou lorsqu'elles n'ont pas pu prendre leur relais.
La même chose joue pour l'évadé mais chaque Etat au moment de la signature de la Convention peut faire une déclaration dans laquelle il définit les modalités d'exercice de la poursuite sur son territoire par chacun des Etats avec lesquels il a une frontière commune.
Le Gouvernement français a fait une telle déclaration.
Néanmoins Monsieur MAZEAUD critique ces dispositions, au motif qu'il y aurait transfert de souveraineté et atteinte aux libertés individuelles.
Ensuite, les agents n'ont pas le droit d'interpellation.
Enfin, l'entrée dans les lieux non accessibles au public est interdite.
Pour ce qui est de l'atteinte aux libertés individuelles, on peut soutenir que l'article 41 n'implique aucune dérogation aux dispositions de nos lois nationales qui assurent la liberté individuelle et le respect des droits de la défense.
A propos de la rétention aux fins d'audition de la personne poursuivie, le paragraphe 6 de l'article 41 renvoie aux règles pertinentes du droit national.
Monsieur le Président : Bien, Y-a-t-il des observations ? Passons au projet.
Monsieur ROBERT donne lecture des pages 15 et 16 du projet de décision.
Monsieur le Président : Si le délai était de dix heures, qu'est-ce qui ferait qu'il ne serait pas porté d'atteinte ?
Monsieur ROBERT : Je pense que la durée du délai a son importance.
Monsieur le Président : Si c'était vingt-quatre heures, pour moi cela ne peut pas être davantage mais pour vous ?
Monsieur ROBERT : C'est la même chose pour moi mais s'il n'y avait pas eu de délai, j'aurais été contre.
Monsieur FABRE : Je m'interroge sur l'emploi du mot "continuer", page 15.
Monsieur le Secrétaire général : Il est repris de l'argumentation des saisissants.
Monsieur LATSCHA : Qu'en est-il des circonstances urgentes ?
Monsieur le Secrétaire général : Elles sont définies au paragraphe 2 de l'article 40.
Monsieur ROBERT poursuit la lecture du projet de décision, page 17.
Cette modification est adoptée.
Monsieur ROBERT continue.
Monsieur ROBERT : Je vous signale que la déclaration du Gouvernement français mentionnée ici figure en annexe à la Convention.
Monsieur le Président : Alors Luxembourg, c'est 10 kilomètres ? Bon, c'est très bien. On est déjà passé de l'autre côté.
Monsieur ROBERT lit la page 18.
Dans le considérant du milieu de la page 18, sur proposition de Monsieur le Président, la rédaction suivante est adoptée : qu'ils en déduisent qu'il y a transfert de souveraineté et atteinte aux "libertés individuelles" ;
Monsieur ROBERT reprend.
Monsieur le Président : "Absolu" signifie là "discrétionnaire".
Monsieur le Secrétaire général : Oui, c'est bien discrétionnaire.
Cette modification est adoptée.
Monsieur ROBERT poursuit, page 19.
Monsieur le Président : Je m'interroge sur la formule "En raison des modalités".
Monsieur le Secrétaire général : Les modalités d'exercice sont définies par l'article 41, paragraphe 2, de la Convention.
Monsieur le Président : On laisse le texte tel qu'il est.
Monsieur ROBERT lit le considérant concernant la réponse au moyen relatif à l'atteinte aux "libertés individuelles".
Monsieur le Président : Je souhaiterais que l'on souligne que le respect de ces dispositions s'impose aussi bien aux agents étrangers qu'aux autorités françaises. Les agents étrangers doivent suivre les exigences de la procédure française.
Monsieur LATSCHA : Parlons des agents poursuivants.
Monsieur ROBERT : ... des Parties contractantes.
Monsieur le Président : D'accord, cela signifie qu'il y aurait un double contrôle dans les zones frontalières.
La rédaction de la deuxième phrase de ce considérant est adoptée. Elle est ainsi libellée : "que le respect de ces dispositions s'impose aux agents poursuivants des Parties contractantes".
Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Cela me laisse sur ma faim mais je ne veux pas tirer de conclusions avant de passer aux articles 61 et 63.
Monsieur le Secrétaire général : La saisine est très faible sur ces deux points.
Monsieur le Président : Nous l'avons vu pour l'article 41.
Monsieur LATSCHA : On pourrait mettre en commun le premier considérant de la page 19.
Monsieur le Secrétaire général : Il y a deux volets dans cette saisine. L'un, très développé, est centré sur les atteintes à la souveraineté de l'Etat. L'autre, plus limité, concerne les droits et libertés. Cela se reflète dans le projet.
Après discussion, la rédaction du considérant du projet de décision sur l'atteinte aux libertés individuelles est conservée sous réserve de l'adoption de l'amendement afférent à la deuxième phrase.
Monsieur ROBERT : J'en arrive à l'article 61.
Selon cet article, la France doit extrader les personnes poursuivies pour des faits punis en France d'une peine maximum de 2 ans de privation de liberté et, par la partie requérante, d'une peine d'un an.
Monsieur MAZEAUD fait grief à cet article d'instituer une obligation d'extrader contraire à la liberté individuelle.
En réalité, cet article ne fait que viser exclusivement le quantum de la peine et ne fait obstacle à aucune règle de l'extradition.
Monsieur CABANNES : Ils disent qu'il y a une obligation mais le moyen manque en fait.
Monsieur le Secrétaire général : La convention européenne d'extradition du 13 septembre 1957 est rédigée comme cela.
Monsieur LATSCHA : Pourquoi parle-t-on d'un maximum d'au-moins un an ?
Monsieur le Président : C'est le plafond. La France protège davantage l'étranger menacé d'extradition puisqu'elle exige une peine privative de liberté de deux ans. J'avoue ne pas avoir compris le fondement de la saisine qui soutient que l'obligation d'extrader reviendrait à méconnaître la souveraineté nationale.
Monsieur ROBERT lit les pages 19 et 20 du projet de décision.
Monsieur le Président : Et si l'on disait que cela ne modifie en rien les garanties de la loi française et de la convention européenne d'extradition et qu'ainsi le moyen manque en fait.
Monsieur le Secrétaire général : La loi de 1927 est supplétive par rapport aux conventions internationales.
Monsieur FAURE : Si le maximum est d'au-moins deux ans, on y échapperait dans le cas d'une peine de trois ans.
Monsieur le Président : Le maximum est d'au-moins deux ans. A partir de deux ans au-moins vous êtes bon.
Monsieur MAYER : Au-moins deux ans, c'est supérieur à deux ans. Un maximum de deux ans ce n'est plus un maximum, c'est un minimum.
Monsieur le Président : C'est au-moins deux ans.
Monsieur FAURE : C'est traduit du néerlandais ! Or il n'y a rien de plus cafouilleux que cette langue. Une peine privative de liberté de moins de deux ans, tout le monde comprend ; d'un maximum au moins de deux ans, personne ne comprend plus.
Monsieur le Secrétaire général : L'article 61 parle d'une peine privative de liberté d'un maximum d'au-moins de deux ans mais l'exposé des motifs du projet procède à une interprétation du texte.
Monsieur ROBERT : On ne fait d'ailleurs que citer l'exposé des motifs de la loi dans le projet de décision.
Monsieur FAURE : Vous reprenez votre texte ?
Monsieur ROBERT : Effectivement.
Monsieur ROBERT procède à la lecture de la page 21 concernant l'article 63.
Monsieur ROBERT : Je vais vous présenter le chapitre IV de la Convention sur le système d'information Schengen.
Le grief est simple. Le système mis en place n'assure pas le respect des libertés individuelles. Les garanties sont insuffisantes dans la législation de certains Etats notamment pour ce qui est de l'utilisation des données informatisées nominatives. Par ailleurs, les saisissants constatent l'absence de dispositions interdisant les interconnexions entre les fichiers informatisés.
Nous avons vu qu'il existait en fait tout un système de protection.
En outre l'article 102 dispose que les données prévues aux articles 95 à 100 ne peuvent être utilisées qu'aux fins énoncées pour chacun des signalements. Toute utilisation de dossiers non conforme sera considérée comme un "détournement de finalité".
A cela s'ajoutent un droit d'accès garanti par l'article 109 et le droit de saisir l'autorité judiciaire d'une action en rectification, en effacement, information ou indemnisation (article 111).
Le moyen doit donc être rejeté.
Monsieur le Président : On n'a pas demandé le texte de l'avis de la C.N.I.L. ?
(Monsieur le Secrétaire général fait signe que non).
Monsieur FAURE : Pour faire fonctionner le système, il faut un instrument d'information.
Monsieur le Président : Tant pis.
Monsieur ROBERT lit la page 22 et le haut de la page 23 du projet de décision.
Monsieur le Président : C'est une synthèse rapide. On ne sait pas quelles sont les mesures de protection. Il serait peut-être préférable de le dire.
Monsieur le Secrétaire général : L'argumentation de Monsieur MAZEAUD fait une ligne et demie et l'énumération détaillée des garanties peut présenter des risques d'a contrario.
Monsieur ROBERT : A ce moment-là, il faut tout détailler.
Monsieur le Président : C'est un dispositif très complet. Il n'y a qu'à le dire.
Dans le troisième considérant de la page 22 sont substitués aux mots "un ensemble de mesures" les mots "un dispositif très important de mesures".
Monsieur le Président : Pourquoi parle-t-on dans le troisième considérant de liberté "personnelle" ?
Monsieur le Secrétaire général : La jurisprudence opère une distinction depuis les décisions des 20 juillet 1988 et 25 juillet 1989 entre liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution qui implique le contrôle du juge judiciaire et la liberté personnelle dégagée à partir de la Déclaration de 1789. Dans ce dernier cas, l'intervention du juge judiciaire n'est pas nécessairement requise. Cette distinction est utile ici car elle légitime le rôle conféré par la loi à la C.N.I.L. en matière de contrôle des fichiers informatisés. La liberté personnelle est ici en cause sans qu'il s'agisse de la liberté individuelle au sens de l'article 66.
Monsieur le Président : La rédaction comporte des nuances qui ont leur fondement.
Monsieur ROBERT : Il reste trois moyens. Ils portent sur :
- la méconnaissance de l'indivisibilité de la République ;
- l'absence de clause de dénonciation ;
- la contrariété de la Convention avec le droit communautaire ;
L'article 138, paragraphe 1, ne s'applique qu'au territoire européen de la République.
On peut répondre à cela que c'est à la Convention internationale elle-même ou aux règles de l'organisation internationale sous l'égide de laquelle elle a été conclue de déterminer son champ d'application. J'ajoute que la Convention a pour but de supprimer les contrôles aux frontières communes des Etats signataires.
Monsieur FAURE : Ce n'est pas sur le problème posé par les Antilles et la Réunion que l'on va censurer ce texte. En outre, ce n'est pas parce que ce sont des îles qu'il n'y a pas de frontières communes. Le texte d'ailleurs ne parle pas de
Monsieur le Secrétaire général : Les mots "frontières communes" ne sont employés qu'au sens matériel.
Monsieur le Président : La Guadeloupe n'a certes pas de frontières communes avec la R.F.A. Mais rien n'interdit un traitement spécifique des D.O.M. / T.O.M. On voit mal en plus comment on pourrait faire tomber Schengen à cause de la Guadeloupe. Cela serait difficile à expliquer.
Monsieur LATSCHA : Il faut mettre des guillemets.
Monsieur ROBERT lit la partie du projet de décision sur la méconnaissance du principe d'indivisibilité de la République.
Monsieur le Président : Bien.
Cette rédaction est adoptée.
Monsieur ROBERT : Le second moyen concerne l'absence de clause de dénonciation qui est identifiée par les saisissants à un abandon de souveraineté.
A cela on peut apporter quatre réponses :
- l'absence de clause de dénonciation ne vaut pas dénonciation même sans clause explicite ;
- L'article 140 subordonne à l'accord de chaque Partie l'adhésion de tout Etat membre des Communautés européennes ;
- l'article 141, paragraphe 2, prévoit que les Parties contractantes arrêtent d'un commun accord les modifications à la Convention ;
- l'article 142 règle l'hypothèse où les dispositions de la Convention peuvent être remplacées ou modifiées en fonction des conventions conclues entre les Etats membres des communautés européennes en vue de la réalisation d'un espace sans frontières.
Monsieur le Président : Pour les députés, si la Convention est violée par l'une des Parties, la France retrouvera dès cet instant sa liberté. Quelle est la liaison entre l'absence de clause de dénonciation et la souveraineté ? Ce que vous dites est exact mais je ne vois pas très bien la liaison entre le moyen et la réponse qui lui est faite.
Monsieur le Président : Le moyen manque en fait.
Monsieur le Secrétaire général : De toute façon il y a la règle "Rebus sic stantibus".
Monsieur le Président : Si cela n'évolue en rien, la France ne pourra invoquer la règle "Rebus sic stantibus".
Monsieur ROBERT : Je ne vois pas en quoi il y aurait abandon de souveraineté. Un changement de circonstances et l'hypothèse de la violation de la Convention par l'autre Partie sont susceptibles d'entraîner la dénonciation.
Monsieur FAURE : Les saisissants seraient satisfaits s'il y avait une clause de dénonciation permanente dans le traité.
Monsieur le Président : Ils disent que la France a aliéné sa souveraineté.
Monsieur FAURE : Dans 9 traités sur 10, cette clause n'existe pas.
Monsieur le Président : Prenons alors les choses de front. Disons que l'absence de faculté de dénonciation unilatérale ne constitue pas ... Ce que vous dites est exact mais il y a un fossé entre la réponse que l'on donne et le moyen des députés. On ne répond pas pleinement à la question.
Le moyen n'est pas inopérant, il est mal fondé.
Monsieur FAURE : Je crois qu'il est difficile de dire que chaque Etat peut se retirer et que l'on peut toujours passer par la règle "Rebus sic stantibus". Cela nous poserait des problèmes de politique interne. La solution proposée par le Professeur ROBERT a le mérite de faire moins de vagues. Sinon il faudrait imaginer une formule disant que "l'absence de clause de dénonciation n'est pas en soi une atteinte à la souveraineté nationale dans la mesure où...".
Monsieur ROBERT lit la partie du projet de décision sur l'absence de clause de dénonciation.
Monsieur le Président : Lorsque l'on dit dans le milieu de la page 25 "Considérant que les procédures de modification ainsi prévues...", cela n'est pas le problème. Ces procédures de modification ne traduisent pas un abandon de souveraineté.
Monsieur le Secrétaire général : Le Conseil pourrait dire à ce moment-là : "Considérant qu'eu égard...", "Considérant qu'en raison...".
La rédaction suivante est adoptée : "Considérant qu'au regard des procédures de modification ainsi prévues, sur une base de réciprocité dans le respect..." (le reste sans changement).
Monsieur ROBERT : Le dernier moyen a trait à la continuité entre la présente Convention et le droit communautaire.
Les auteurs de la saisine n'ont pas lu la Convention puisqu'elle réserve précisément dans son article 134 le droit communautaire .
Je vous propose donc de rejeter ce moyen.
Monsieur ROBERT lit les pages 25 et 26 du projet de décision.
Monsieur MAYER : Nous pourrions supprimer le mot "même" et dire "sans prendre en compte" au lieu de dire "sans même prendre en compte".
Cette modification est adoptée ainsi que le reste du projet, pages 25 et 26.
Monsieur ROBERT : Il reste la question des pouvoirs du comité exécutif. Le problème n'est pas soulevé dans la saisine mais le Conseil d'Etat a souligné dans son avis que ses décisions n'avaient pas d'effet direct sur les territoires des Parties contractantes. Toute autre interprétation serait contraire à la Constitution dans la mesure où l'on serait alors en présence d'un organisme international collégial dont les actes ne seraient soumis à aucun contrôle juridictionnel.
Monsieur le Président : J'ai songé à une rédaction sur cette question (5) mettant bien en évidence que les mesures prises par les autorités françaises à la suite des décisions du comité exécutif seront elles-mêmes soumises au contrôle juridictionnel. Il faut être vigilant et apporter cette précision.
Monsieur CABANNES : C'est la question de l'effet direct qui fait problème. Faut-il employer ce terme ?
Monsieur le Secrétaire général : La formule est reprise de la jurisprudence de la Cour de Justice relative à l'application de l'article 189 du Traité de Rome.
La rédaction des deux considérants concernant les dispositions relatives au comité exécutif, telle qu'elle figure dans le texte définitif de la décision, est adoptée.
Monsieur ROBERT lit le considérant balai et le dispositif du projet de décision.
Monsieur CABANNES : Là, l'expression "aucune autre question de conformité" prend tout son sens.
Le projet de décision est adopté à l'unanimité.
Monsieur le Président : Monsieur le Professeur, je vous remercie pour ce très gros effort.
La séance est levée à 15 h 50.
Cette délibération contient des annexes
Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.