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PV1992-07-28   CAVALLARO Perrine 

                         

CONSEIL CONSTITUTIONNEL                    

ORDRE DU JOUR                 

Séance du mardi 28 juillet 1992                    

10 h 30

1⁰ Examen pour avis de quatre projets de décret :

     . portant organisation du référendum ;

     . relatif à la campagne en vue du référendum ;

     . fixant pour les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre et Miquelon les conditions d'application du décret portant organisation du référendum et du décret relatif à la campagne en vue du référendum ;

     . fixant les conditions d'application de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 au cas de vote des Français établis hors de France pour un référendum.

                                         Rapporteur : Monsieur Georges ABADIE

2° Examen, à titre officieux, des compléments d'information devant figurer dans les documents adressés aux électeurs.


                       

 CONSEIL CONSTITUTIONNEL               

 ORDRE DU JOUR        

Séance du mardi 28 juillet 1992

14 h 30

1° Audition de Madame Daisy de GALARD, membre du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel ;

2° Examen, pour avis :

     . du projet de décision du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel relatif aux conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives à la campagne ;

     . du projet de recommandation du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel destinée à l'ensemble des services de radiodiffusion sonore et de télévision.

                               Rapporteur : Monsieur Georges ABADIE

3° Examen :

     . du projet de décision portant nomination d'un rapporteur adjoint auprès du Conseil constitutionnel ;

     . du projet de décision portant nomination des délégués du Conseil constitutionnel chargés de suivre sur place les opérations de référendum.

 

SEANCE DU MARDI 28 JUILLET 1992

La séance est ouverte à 10 h 30 en présence de tous les conseillers.

Monsieur le Président : Nous allons donc aborder ce matin les quatre projets de décret. Nous prendrons tout le temps nécessaire pour les examiner. Monsieur ABADIE, c'est à vous !

Monsieur ABADIE : Merci, Monsieur le Président. Je vous propose un ordre de bataille en fonction des difficultés croissantes. Les quatre décrets sur lesquels l'avis du Conseil est requis font suite au décret initial, en date du 1er juillet, décidant de soumettre un texte au référendum. Contrairement à ce qui s'est passé en 1988, les cinq décrets ne sont pas présentés en bloc. Je dois également indiquer qu'il y a une différence juridique. Le premier décret est insusceptible d'un recours pour excès de pouvoir. La décision de soumettre un texte au référendum est un acte de Gouvernement (1) et, à ce titre, elle échappe à tout contrôle de la part du juge administratif.

En revanche, les décrets qui nous sont soumis aujourd'hui peuvent être déférés au juge administratif. Il sera donc nécessaire d'en apprécier la légalité. Plus spécialement, il conviendra d'examiner les conditions dans lesquelles ils transfèrent ou adaptent des règles, notamment celles du code électoral. En 1988, le Conseil avait donné son aval sur l'ensemble des décrets, sauf deux disjonctions demandées qui concernaient les pouvoirs du représentant de l'Etat. Ce précédent est de nature à faciliter ma tâche, car les décrets sont, à 80 %, identiques à ceux de 1988. Aussi, je puis vous épargner leur lecture détaillée et je me bornerai, essentiellement, à souligner les nouveautés.

     1° S'agissant des ressemblances, on peut mettre en évidence deux points :

       - d'abord, et cela va de soi, les quatre décrets sont destinés à permettre la réalisation du référendum décidé par le décret du 1er juillet 1992 ; il y a donc un rattachement des textes à un même référendum ;

       - en outre, et c'est l'autre trait commun, le Conseil constitutionnel doit être consulté sur tous les décrets en vertu des articles 46 et 47 de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958.

(1) C.E., 29 avril 1970, Comité des chômeurs de la Marne, Rec. p. 279.


     2° Mais nous devons être attentifs aux différences :

       a) Alors que le décret du 1er juillet 1992 était un acte individuel pris sur le fondement de l'article 11 de la Constitution les décrets présentement examinés sont des actes réglementaires. Ils fixent des normes juridiques.

       b) Ces actes réglementaires ne sont pas des actes de Gouvernement. Ce sont des actes administratifs susceptibles de faire l'objet devant le Conseil d'Etat d'un recours pour excès de pouvoir (1).

Nous devons donc être soucieux, plus que jamais, du respect de la légalité.

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Cela dit notre tâche se trouve facilitée par le fait que, pour l'essentiel, les décrets soumis à notre examen s'inspirent par leur contenu de décrets analogues pris à l'occasion du référendum du 6 novembre 1988 et qui reçurent alors notre aval.                                              Le Conseil en délibéra en effet dans sa séance du 3 octobre après-midi sur le rapport de M. Robert FABRE.

Mais, comme nous le verrons, il n'est pas possible dans tous les cas de se reposer sur la "force tranquille" des précédents. Cela tient à ce que le Gouvernement entend procéder à quelques innovations ou n'a pas suffisamment prêté attention à certaines situations particulières.

Mon analyse sera donc centrée sur les quelques points qui font problème. Je vous ferai grâce de la lecture détaillée des quatre textes.

Pour la clarté de l'exposé, il m'a paru nécessaire d'examiner les projets un à un, en me plaçant par ordre de difficulté croissante.

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(1) C.E., 19 octobre 1962, BROCAS

C.E., 28 octobre 1988, Centre national des indépendants




I - Le premier texte dont je souhaite dire un mot est le décret fixant les conditions d'application de la loi organique du 31 janvier 1976 au cas de vote des Français établis hors de France pour un référendum.

Ce texte ne soulève aucune objection de ma part. Tout au plus peut-on formuler à son propos quelques brèves observations.

     1° Un premier point concerne le fondement juridique de ce texte.

La participation des Français de l'étranger à un référendum a été posée dans son principe par le législateur. Le texte de base est la loi organique du 31 janvier 1976, loi organique qui, selon son intitulé est relative au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République.

Dans ses articles 1 à 19 cette loi organique concerne bien l'élection présidentielle.

Son dernier article, l'article 20, énonce que les articles 1 à 19 sont applicables au cas de référendum dans des conditions définies par décret.

Pendant longtemps aucun décret n'a été pris. Il a fallu que soit décidé en 1988 le référendum sur la Nouvelle-Calédonie pour que le Gouvernement songe à prendre des mesures pour l'application de l'article 20 de la loi organique du 31 janvier 1976.

Le décret n° 88-943 du 5 octobre 1988 a comblé ce vide juridique, mais en se plaçant uniquement dans la perspective du référendum du 6 novembre 1988.

     2° Or, et c'est ma deuxième observation, le texte qui nous est aujourd'hui soumis est un décret de caractère permanent, valable pour tous les référendums.

II ne s'agit donc pas d'un texte ad hoc visant uniquement le référendum du 20 septembre prochain.

L'intitulé du décret le fait bien ressortir puisqu'il mentionne le "vote des Français établis hors de France pour un référendum".

En 1988, le décret était pris "pour le référendum".

Le fait de prendre un texte à vocation permanente est en soi une bonne chose. M. le Secrétaire général m'a indiqué que cela correspondait au voeu qui avait été exprimé par M. FABRE, rapporteur en 1988 des projets de décret. A l'époque, faute de temps, seul un texte ponctuel avait été pris. Il est heureux que le Gouvernement ait pu accéder en 1992 au souhait exprimé quatre ans auparavant.    


     3° S'agissant de son contenu, le décret sur le vote des Français établis hors de France ne soulève pas, m'a-t-il semblé de difficulté.

Une particularité mérite simplement d'être signalée dans la mesure où elle déroge, pour des raisons pratiques, au droit commun métropolitain. Elle résulte de l'article 2 du décret et est explicitée dans le rapport de présentation au Président de la République.

Il en ressort qu'il n'y a pas de propagande électorale à l'étranger. Le matériel électoral est transmis aux centres de vote installés dans les consulats par les soins du ministère des Affaires étrangères.

Si elles ne peuvent pas faire de propagande à l'étranger, les organisations politiques habilitées à participer à la campagne référendaire en France n'en jouent pas moins un rôle au stade des opérations de vote.

Elles ont la faculté de nommer un assesseur pour chaque bureau de vote. Elles peuvent également désigner des délégués habilités à contrôler les opérations de vote et de dépouillement.

Des règles analogues avaient été fixées par le décret n° 88-943 du 5 octobre 1988 sans rencontrer d'opposition de la part de notre Conseil.

     4° Pour en terminer avec le vote des Français de l'étranger, je souhaite appeler votre attention sur un point qui est extrinsèque au décret.

Il se trouve en effet qu'un arrêté du 10 juillet 1992 a fixé au 20 septembre 1992 la date de l'élection des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger pour la circonscription de LA HAYE. En effet, cette élection vient d'être annulée par le Conseil d'Etat.

Le fait que des opérations électorales de nature différente aient lieu le même jour n'est pas en soi illégal. Mais il m'a semblé qu'il y avait là une bizarrerie.

Peut-être le Conseil jugera-t-il à propos de mandater un délégué, sur le fondement de l'article 48 de l'ordonnance organique du 7 novembre 1958, à l'effet de contrôler les opérations de référendum à LA HAYE.

J'en ai terminé M. le Président avec ce premier décret. Je suggère de marquer une pause et que s'ouvre la discussion sur ce texte. Les questions qu'il soulève sont tout à fait distinctes de celles que nous aurons à examiner plus avant.

Je voudrais juste vous faire observer que, dans la mesure où ce décret devient permanent, je l'ai placé en tête dans le projet d'avis.

Monsieur le Président : Oui, je m'étonne, car ce n'est pas l'ordre de la saisine.


Monsieur ABADIE : Mais le fait qu'il devienne permanent, qui correspond d'ailleurs au souhait exprimé par Monsieur Robert FABRE en 1988, me paraît impliquer qu'on le place en tête.

Monsieur FABRE : Oui, en 1988 j'avais soulevé plusieurs questions sur les détails de l'organisation du vote des français établis hors de France.

Monsieur le Président : Bien, continuez.

Monsieur ABADIE : Le deuxième texte que je vous propose d'examiner maintenant présente à l'instar du précédent, un caractère périphérique.

Il s'agit du décret fixant pour les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon les conditions d'application des décrets relatifs respectivement à l'organisation du référendum et à la campagne en vue du référendum.

En lui-même le texte relatif aux T.O.M. et aux collectivités territoriales d'outre-mer à statut particulier est très proche d'un texte analogue pris à propos du référendum du 6 novembre 1988. Il s'agit plus précisément du décret n° 88-946 du 5 octobre 1988, lequel avait été précédé de l'avis favorable de notre Conseil.

Néanmoins, il me faut dire un mot de deux questions.

     1° Une première question touchant à la législation électorale applicable aux territoires d'outre-mer ne sera mentionnée que pour mémoire.

Les territoires d'outre-mer sont soumis au principe de la spécialité législative. Les lois métropolitaines n'y sont applicables que sur mention expresse, à l'exception de ce qu'il est convenu d'appeler les lois de souveraineté. Ces dernières s'appliquent de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

Le code électoral n'a pas été assimilé aux lois de souveraineté. Il n'est applicable aux T.O.M. que pour autant que le législateur en décide ainsi. Et cette règle vaut pour chaque loi qui modifie ou complète le code. Le Conseil d'Etat, l'a rappelé par deux arrêts du 9 février 1990 (1).

Mais aucune difficulté n'en résulte au cas présent dans la mesure où une loi toute récente promulguée le 25 juin 1992 porte extension aux T.O.M. et à Mayotte de diverses dispositions intervenues en matière électorale

(1) C.E., 9 février 1990, Elections municipales de POUEMBOUT

C.E., 9 février 1990, Elections municipales de LIFOU. R.F.D.A. 1991, p. 602, Conclusions du Commissaire du Gouvernement TUOT.




Le droit commun électoral métropolitain est donc applicable aux T.O.M. sous réserve de mesures d'adaptation de portées limitées. Ces adaptations sont prévues par le texte spécifique qui nous a été transmis.

     2° J'observe cependant, et c'est l'autre question sur laquelle j'entends appeler votre attention, qu'il existe dans un autre décret, celui relatif à la campagne en vue du référendum, des mesures d'adaptation concernant l'outre-mer.

Tel est le cas de l'article 8 du décret relatif à la campagne référendaire qui est relatif à la retransmission des émissions télévisées et radiodiffusées.

Je me suis demandé un instant si l'article 8 du "décret campagne" ne devait pas figurer plutôt dans le décret concernant les T.O.M. et les collectivités d'outre-mer à statut particulier.

Mais j'ai abandonné cette idée après avoir constaté que le champ d'application de l'article 8 du "décret campagne" visait également les départements d'outre-mer.

Au total, je vous propose d'émettre un avis favorable, sans restriction au projet de décret relatif aux Territoires d'Outre-mer, à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Monsieur le Président : Bien ! Sur ces deux premiers décrets, je vous propose donc, si personne ne souhaite formuler d'observation, de passer au vote (le vote est acquis à l'unanimité). Bien ! On peut poursuivre.

Monsieur ABADIE : Je puis aller plus avant en abordant cette fois le décret portant organisation du référendum.

On ne peut porter une appréciation sur le contenu de ce décret, sans que soit rappelé au préalable l'état du droit s'agissant de l'étendue de la compétence réglementaire en matière de référendum.

     A - Rappel des règles de compétence

La question que j'évoque n'est pas nouvelle. Elle a donné lieu à une prise de position du Conseil d'Etat statuant au contentieux dans l'affaire BROCAS jugée le 19 octobre 1962.

Selon le juge administratif le Gouvernement est compétent pour régler "dans les formes habituelles" ... les détails matériels d'organisation du scrutin".

Il ressort des délibérations du Conseil constitutionnel relatives aux précédents référendums que notre Conseil admet la compétence du pouvoir réglementaire pour rendre applicables à un référendum les règles de droit commun des consultations électorales telles qu'elles résultent du code électoral.


Cette compétence de principe est assortie d'une double limite.

En premier lieu, le Conseil a veillé à l'occasion du dernier référendum à ce que le Gouvernement n'empiète pas sur la compétence conférée par la Constitution à la loi organique. C'est pour ce motif que le Conseil a adopté, à la date du 5 octobre 1988, en s'appuyant sur l'article 56 de l'ordonnance organique du 7 novembre 1958, une décision "portant règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les réclamations relatives aux opérations de référendum".

En second lieu, notre Conseil a fixé une autre limite à la compétence gouvernementale. Il n'est pas possible de sanctionner par des peines correctionnelles la violation des dispositions applicables à un référendum en vertu d'un décret.

Le manquement aux règles décrétales est justiciable, soit de peines contraventionnelles, soit de la sanction par le Conseil constitutionnel des irrégularités susceptibles d'affecter les résultats préalablement à leur proclamation.

     B - C'est en fonction de ces données qu'il convient d'analyser les dispositions du décret portant organisation du référendum.

Si l'on raisonne par rapport au décret n° 88-944 du 5 octobre 1988 portant organisation du référendum sur la Nouvelle-Calédonie, qui avait reçu notre approbation, une innovation fait problème.

Elle figure à l'article 22, dont il importe de citer le texte :

     "Dans le cas où un maire refuserait ou négligerait de prendre les mesures qui lui incombent pour l'application du présent décret, le représentant de l'Etat dans le département, le territoire d'outre-mer ou la collectivité territoriale d'outre-mer à statut particulier peut, après l'en avoir requis, y procéder d'office par un délégué spécial".

Dans le rapport au Président de la République le Gouvernement invoque deux arguments en faveur de l'article 22 :

     - sur le plan de l'opportunité, il estime que le pouvoir de substitution du préfet est utile en cas de défaillance du maire car il est arrivé lors du précédent référendum que des maires refusent d'ouvrir dans leur commune des bureaux de vote. Ce n'était pas par hostilité à la consultation, mais pour protester contre une décision prise à l'échelon local qu'ils désapprouvaient : fermeture d'une école, tracé d'une autoroute, suppression ou refus d'une subvention.

     - sur le plan juridique, le Gouvernement considère que l'article 22 du décret est utile.


Sans doute le pouvoir de substitution du préfet en cas de carence du maire agissant au nom de l'Etat est-il d'ores et déjà prévu par l'article L. 122-14 du code des communes. Cet article est d'application très générale. Il a même été étendu à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie par des lois spéciales. Mais il existe une exception à son champ d'application. Elle concerne les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. Cela résulte de façon très explicite de l'article L. 181-1 du code des communes.

Je me suis demandé, comment s'expliquait cette situation particulière des départements que l'on appelait naguère les départements recouvrés.

L'historique de la législation est à cet égard éclairant.

Le droit de substitution a été institué par l'article 85 de la loi municipale du 5 avril 1884. A l'origine il visait à pallier la carence du maire aussi bien pour les actes pris par lui comme agent de l'Etat que pour l'exercice de ses compétences en tant qu'Exécutif de la commune.

Le libellé de l'article 85 de la loi de 1884 ne laisse aucun doute :

     "Dans le cas où le maire refuserait ou négligerait de faire un des actes qui lui sont prescrits par la loi, le préfet peut, après l'en avoir requis, y procéder d'office par lui-même ou par un délégué spécial".

Par définition la loi du 5 avril 1884 n'était pas applicable aux départements annexés par l'Allemagne en 1871.

L'article 85 de la loi de 1884 a été successivement repris par le code de l'administration communale annexé au décret du 22 mai 1957 puis par le code des communes annexé au décret du 27 janvier 1977, sous l'article L. 122-14.

C'est le code des communes qui a mis en évidence la différence de régime entre les règles de droit commun de la substitution et le maintien en Alsace-Lorraine de la loi locale excluant tout pouvoir de substitution au profit du préfet vis-à-vis du maire.

C'est dans cet état du droit qu'est intervenue la loi du 2 mars 1982. Entre autres dispositions cette loi a restreint le pouvoir de substitution de l'article L. 122-14 aux actes pris par le maire au nom de l'Etat. Mais, et cela n'est pas fortuit, la loi du 2 mars 1982 a continué d'exclure du champ d'application de l'article L. 122-14 les communes des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. L'article L. 181-1 du code des communes est formel.


Face à cette situation quel est le parti que nous pouvons adopter ?

Trois solutions sont concevables : deux solutions extrêmes et une solution moyenne.

     a) En premier lieu, nous pourrions recommander purement et simplement la disjonction de l'article 22 du décret au motif qu'il est, soit inutile (dans la mesure où il réécrit dans un cas particulier l'article L. 122-14), soit illégal, en tant qu'il est rendu applicable à l'Alsace Moselle en violation de l'article L. 181-1 du code des communes. C'est la solution la plus rigoriste sur le plan juridique.

     b) A l'autre extrême, nous pourrions observer le silence sur l'article 22 du projet de décret.

Son opportunité n'est guère discutable. Un recours est peu probable sur ce point. Il appartiendra pour l'avenir au Parlement à l'occasion d'une loi sur les collectivités locales d'apporter à l'article L. 181-1 du code des communes les ajustements souhaitables. Mais le risque existe, malgré tout, de voir ce texte déféré au Conseil d'Etat.

     c) Entre la solution rigoriste de la disjonction pure et simple et celle du silence fondé sur des considérations d'opportunité, il existe peut-être une voie moyenne que nous avons tenté d'explorer avec M. le Secrétaire général.

Elle consisterait à solliciter du Gouvernement la mise en oeuvre immédiate de la procédure de déclassement de l'article 37, alinéa 2 de la Constitution.

Après décision du Conseil constitutionnel un décret en Conseil d'Etat pourrait constater que l'article L. 122-14 du code des communes ainsi que la mention de cet article dans l'article L. 181-1, ont, en fait, un caractère réglementaire.

Nous avons vu en effet que la loi du 2 mars 1982 limite la substitution aux seuls actes pris par le maire en tant qu'agent de l'Etat.

Or la substitution s'analyse en un changement de l'autorité compétente pour prendre un acte. C'est le préfet qui agit et non le maire.

Mais il faut bien voir que l'autorité compétente, qu'il s'agisse du maire ou du préfet, intervient toujours au nom de l'Etat.

Et il est à peine besoin de rappeler que notre jurisprudence considère que la détermination des autorités habilitées à exercer une compétence que la loi confie à l'Etat, ressortit à la compétence réglementaire. Madame LENOIR y a fait référence lors de notre séance du 7 juillet dernier. Le Conseil pourrait, je crois, suggérer le déclassement. Le risque que cela fait peser sur le calendrier ne m'apparaît pas excessif. En effet, si le Conseil constitutionnel devait se prononcer en application de l'article 37, 


alinéa 2, de la Constitution, cela reporterait de peu la date de parution des décrets qui pourrait alors intervenir le 5 ou le 6 août. C'est une éventualité.

     C - Avant de vous laisser le soin de trancher entre ces différentes solutions, j'indiquerai pour en terminer avec le décret sur l'organisation du référendum que je suis gêné par la portée ambiguë des dispositions combinées des articles 2, 3 et 10 du projet.

L'article 2 dispose qu'il sera mis à la disposition des électeurs, à l'exclusion de tout autre, deux bulletins de vote imprimés sur papier blanc, dont l'un portera la réponse OUI et l'autre la réponse NON.

L'article 3 indique que le texte du projet de loi ainsi que celui du Traité sont imprimés et portés à la connaissance des électeurs par les soins de l'administration. Le Gouvernement m'a confirmé que le projet de loi et le traité seront envoyés au domicile de chaque électeur. Cela me paraît excellent. Mais la lecture de l'article 10 du projet de décret a fait naître en moi une crainte. Cet article prévoit l'approvisionnement des mairies en enveloppes électorales et en bulletins de vote. Il est dit que ces derniers sont mis à la disposition des électeurs.

Je me suis interrogé sur le point de savoir si cette mise à la disposition en mairie des bulletins de vote était exclusive de tout envoi antérieur au domicile des électeurs.

Renseignements pris auprès du ministère de l'intérieur, il n'en est rien.

L'approvisionnement des mairies en enveloppes et en bulletins ne fait nullement obstacle à ce que soit envoyé à chaque électeur à son domicile un jeu de bulletins.

Etant rassuré sur le fond, j'ai hésité sur le point de savoir si nous devions être plus précis dans la rédaction de l'article 10 en soulignant au début de cet article que :

     "Sans préjudice de l'envoi des bulletins de vote au domicile des électeurs effectué en vertu de l'article 2, chacun des deux types de bulletins de vote ..." (le reste de l'article 10 sans changement).

Mais je n'insiste pas trop sur ce dernier point car les articles 2, 3 et 10 du projet de décret sont repris du texte auquel le Conseil avait donné son aval en 1988. La seule question délicate concerne l'article 22.

Monsieur le Président : Bien alors sur cet article 22 qui souhaite intervenir ? Monsieur RUDLOFF ?

Monsieur RUDLOFF : Merci, Monsieur le Président ! Cette affaire de pouvoir de substitution est assez gênante en effet. Mais d'abord, je dois dire que, concrètement, la question ne s'est jamais posée : il n'y a jamais eu de refus d'un maire d'appliquer le code électoral, heureusement ! Alors pour résoudre la question -qui est restée théorique- 


le rapporteur nous propose de ne pas retenir la formulation du gouvernement -et en effet, elle pose un problème juridique- et de suggérer un déclassement. C'est séduisant. Mais je me demande si cela résout le problème. Et je me demande, surtout, quelle sera l'incidence de ce déclassement sur l'article L. 181-1. Est-ce tout l'article qu'il s'agit de déclasser ?

Monsieur ABADIE : Non ! Non ! Ce qui serait déclassé comme relevant du domaine réglementaire ce serait la mention de l'article L. 122-14 dans l'article L. 181-1. C'est tout. Vous dites que le problème ne s'est pas posé mais quelques maires, dans le passé, ont envisagé de faire "grève". Et il a fallu les menacer de révocation pour qu'ils ouvrent un bureau de vote dans leur commune.

Monsieur ROBERT : Le problème c'est celui de la compétence réglementaire et législative. Il me semble que le Gouvernement doit éviter l'obstination. Cet article 22 n'est pas conforme : la disposition relève formellement de la loi. Les mesures qui incombent au Gouvernement dans le cadre d'un référendum relèvent très largement de la compétence réglementaire, pour en fixer les modalités mais nous sommes loins, ici, des "modalités" : on règle, à cette occasion, un autre problème. Le Gouvernement n'excède-t-il pas le champ de sa compétence ? Enfin, je dois dire que, pour ma part, je ne suis pas favorable à ce qu'on suggère une "porte de sortie" au Gouvernement : c'est de sa propre responsabilité, et il ne souhaite peut-être pas qu'on lui suggère une méthode. Contentons-nous d'affirmer que cette disposition n'est pas constitutionnelle.

Monsieur le Président : Le moyen de parvenir au résultat me paraît être un problème à venir. A ce stade du débat, la question est de savoir si cette disposition peut ou non figurer dans le décret.

Monsieur FAURE : Je suis d'accord sur deux des trois points que vient d'exposer le professeur ROBERT. D'abord, il est clair qu'il y a une illégalité. Sur les mesures qu'il revient au Gouvernement de prendre dans le cadre d'un référendum, je suis moins net que lui. Le Gouvernement a une obligation de fixer les modalités de déroulement de tout le processus référendaire. Mais je le rejoins totalement sur le dernier point : il ne faut rien suggérer. S'il le souhaite, le Gouvernement prendra l'initiative de demander un déclassement.

Monsieur ABADIE : Oui ! Il sait que la possibilité existe.

Monsieur FAURE : Contentons-nous d'apprécier la légalité. Restons sur ce seul terrain.

Monsieur FABRE : L'article 46 de l'ordonnance prévoit notre consultation. Nous n'excédons pas nos pouvoirs si nous suggérons telle ou telle solution. C'est un avis qui nous est demandé. Son contenu dépend de nous.

Monsieur FAURE : Je ne conteste pas notre droit. Je conteste l'opportunité de cette suggestion : nous ne sommes pas là pour voler au secours du Gouvernement.


Monsieur le Président : Monsieur FABRE a raison sur un point : notre pouvoir d'avis nous laisse beaucoup plus de liberté que lorsque nous statuons sur une loi. Faut-il aller, dans ce cadre, jusqu'à suggérer une voie au Gouvernement ? Je pense qu'il peut juger pour lui-même.

Monsieur LATSCHA : Je suis d'accord avec Messieurs ROBERT et FAURE. L'article 22 n'est pas "légal", il ne relève pas de la compétence du pouvoir réglementaire. Faut-il suggérer le déclassement ? Si nous le faisions, l'avis engagerait le Conseil constitutionnel sur sa future décision ; nous dégagerions, tout de suite, une réponse implicite à une question qui ne nous est pas directement posée.

Monsieur ABADIE : Si le Gouvernement souhaite faire usage de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, il peut le faire, indépendamment du contenu de notre avis. Il est préférable de ne pas indiquer de solution, alors surtout qu'il n'est pas évident que le Gouvernement souhaite la suivre !

Monsieur CABANNES : Moi, je suis sensible à la différence qui existe entre une décision et une consultation. Notre avis restera, en quelque sorte, officieux, en ce sens qu'il n'est pas publié. Alors pourquoi ne pas y dire tout haut ce que nous pensons... tout bas ? Je ne trouve pas gênante la mention du déclassement. Cela étant dit, je me rallie à ce que la majorité décidera.

Monsieur le Président : Je ne me fais guère d'illusions. Ici, je garantis la confidentialité. Mais une fois l'avis envoyé, je n'en suis plus sûr ! Il y a une différence avec l'avis "officieux" de 1988, qui a été entouré d'un grand secret (1). Mais pour celui-ci, à partir du moment où il sera parti...

Madame LENOIR : Je ne suivrai pas le Professeur ROBERT dans la mesure où nous pouvons très bien reprendre notre formulation classique en matière du substitution. L'illégalité de l'article 22 est claire. Le Gouvernement le saura. Faut-il mentionner la possibilité de substitution ? Je comprends le souci de ne pas vouloir "tenir la main" du Gouvernement. Mais, comme en 1988 en matière de vote des français résidant hors de France, notre avis prendrait ainsi une portée plus large.

Monsieur le Président : L'illégalité est évidente. Nous sommes tous d'accord là-dessus et le gouvernement l'admet. Au-delà quel est notre rôle ? S'étend-il à une suggestion de substitution ? La mission qui nous est confiée par la Constitution est de veiller à l'organisation du référendum. Elle s'explique par des motifs historiques, liés à la méfiance des gaullistes envers le Conseil d'Etat en 1958. Le Conseil constitutionnel, et il l'a montré depuis, n'est pas le conseiller de l'Exécutif. Il n'a pas non plus à se substituer au Conseil d'Etat, toujours susceptible de connaître ces décrets par le biais de l'excès de pouvoir : ces textes sont susceptibles de censure, le rapporteur l'a justement rappelé. Dans quelle situation serions-nous si le Conseil constitutionnel, dans

(1) Voir le délibéré de la séance du 30 juin 1992.


son avis, prenait une position ensuite désavouée par le Conseil d'Etat ? Nous serions extrêmement gênés. Alors, il est clair qu'il faut souligner dans notre avis le caractère illégal de cette disposition. Faut-il aller plus loin ? Non ! Je n'en suis pas partisan. C'est un sujet de discussion, mais je ne souhaite pas que le Conseil constitutionnel, dans le cadre de sa mission, prenne la responsabilité d'indiquer au gouvernement la marche à suivre. Je ne veux pas de cette responsabilité là ! Je préfère un retrait à une avance. L'avis est assez explicite ; il soulève le problème sans dessiner de solution.

Monsieur CABANNES : Explicite certes, mais muet !

Monsieur le Président : ... mais suffisamment clair !

Monsieur FAURE : Je trouve que l'argument de Monsieur LATSCHA est très fort : si nous allions dans le sens de la plus grande précision nous aurions précédé notre propre décision ! Nous anticiperions sur notre décision ! Non ! D'ailleurs, je crois, une fois l'avis rendu, que le gouvernement va simplement laisser tomber cette disposition. Il ne va pas risquer un déclassement en pleine campagne, qui sera interprété, politisé, controversé ! Il faut être prudent.

Monsieur LATSCHA : Oui ! Si nous étendons notre pouvoir, on ne sait pas jusqu'où cela pourrait aller. Soyons prudents. Le Conseil n'a pas à organiser le référendum.

Monsieur le Président : Bien ! Alors on s'en tient là !

Monsieur ROBERT : En ce qui concerne les documents envoyés aux électeurs, je crains que l'exposé des motifs ne sollicite un peu trop les électeurs. Surtout compte tenu de la nouvelle typographie(1)...

Monsieur le Président : ... assez comique, il est vrai : ça traite de la peinture italienne (rires !).

Monsieur ROBERT : Cette présentation, en tous cas, renforce ma remarque : les documents sont une véritable incitation à voter "oui". Est-ce bien normal dans des documents officiels de procéder de la sorte ?

Monsieur FAURE : Le texte soumis au référendum est le plus complexe de tous ceux qui ont été soumis au référendum. 99 % des électeurs ne le liront pas et se référeront au "résumé", que je trouve nécessaire. Ce n'est pas un "exposé des motifs" : c'est une sorte de "digest". Est-il assez objectif pour n'être pas considéré comme un document de propagande ?

(1) Un document de présentation typographique, dont le texte est différent de celui du traité, vient d'être distribué en séance.

Monsieur le Président : En ce qui concerne les précédents référendums, il y avait un exposé des motifs, faisant partie intégrante du texte. En 1988, on avait envoyé le texte des accords.

Monsieur ROBERT : Oui ! Mais c'était un document officiel.

Monsieur le Président (se tournant vers Monsieur le Secrétaire général). Quel est le pouvoir du Conseil en la matière ?

Monsieur le Secrétaire général : Le Gouvernement envoie tous les documents ayant trait au référendum, et le Conseil constitutionnel estime s'il doit ou non émettre un avis. Concernant les documents adressés aux électeurs, le Conseil en a été saisi par lettre de Monsieur le Secrétaire général du Gouvernement le 27 juillet, et la présentation typographique nous est parvenue il y a moins d'une heure. Mais le Conseil est officiellement saisi de ces documents.

Monsieur le Président : L'exposé des motifs soulève en effet une difficulté réelle.

Madame LENOIR : C'est compliqué par le problème du statut juridique de l'exposé des motifs. Pour un projet de loi, l'exposé des motifs est une partie intégrante du texte.

Monsieur ROBERT : Mais ça n'a rien à voir. Le document qui nous est présenté n'est pas un exposé des motifs du texte !

Madame LENOIR : En 1988, il y avait la lettre du Premier ministre au Président de la République. Elle exposait les motifs du référendum et du texte. Elle jouait le rôle d'un exposé des motifs d'un projet de loi.

Monsieur le Président : Oui ! Mais une lettre du Premier ministre n'est pas forcément comparable à un exposé des motifs. Dans les précédents plus anciens, qu'est-ce qu'on avait envoyé ? Monsieur le Secrétaire général ?

Monsieur le Secrétaire général : En 1969 et en 1972, l'envoi des documents aux électeurs incluait la lettre du Premier ministre.

Monsieur RUDLOFF : Sur la forme, je suivrai Madame LENOIR. Une loi référendaire est une loi, et la présence d'un exposé des motifs est logique. Mais la question est de savoir si cet exposé ne constitue pas une incitation. Le dernier paragraphe demande l'approbation en des termes assez nets, même s'il est logique. Pour le reste du texte, je ne vois pas de problèmes.

Monsieur CABANNES : Le contenu de l'exposé des motifs n'est pas, pour la présentation du traité, un plaidoyer. Mais le plus grave, c'est de savoir si la loi référendaire est -ou non- un texte comme les autres. Je réponds non ! Le contrôle exercé sur ce type de loi, une fois adoptée, n'est pas le même que pour une loi ordinaire, et les "travaux


préparatoires" ne font pas partie du texte. Je considère qu'il ne faut pas qu'il y ait d'exposé des motifs.

Monsieur FAURE : S'il s'agissait de l'exposé des motifs de la loi référendaire, telle qu'elle a été déposée devant l'Assemblée nationale, il n'y aurait pas de problème. Mais ce n'est pas de cela dont il s'agit. Juridiquement, ce texte n'est pas un exposé des motifs : c'est un texte de propagande, et ça l'est de bout en bout ! C'est un résumé mais pas un exposé des motifs.

Monsieur le Secrétaire général : Il est arrivé que les documents envoyés aux électeurs comportent une déclaration du Président de la République lui-même.

Monsieur CABANNES : Ici, le Président a choisi de mettre un bémol et ne pas s'impliquer dans la campagne. Il n'y a pas d'engagement personnel.

Monsieur le Président cite le précédent de 1972.

Monsieur FABRE : Il y a en fait deux questions dans notre discussion. Faut-il informer ? Oui ! Et c'est même un devoir : il est nécessaire que la question posée soit dépourvue de toute ambiguïté. On ne peut pas reprocher au gouvernement, par principe, d'exposer le texte et de rendre la question la plus claire possible. Et puis il y a le contenu de cet exposé, et il faut éviter que le gouvernement prenne position, d'une manière quelconque.

Monsieur LATSCHA : Ce problème est, en fait, plus délicat sur la forme que sur le fond. Le gouvernement pourrait intituler son texte "déclaration du gouvernement". Le problème, c'est qu'elle n'est pas signée. Une déclaration peut-elle être anonyme ? En 1972, comme en 1988, il n'y avait pas de telles difficultés. Mais ici, par qui serait-elle envoyée cette déclaration ?

Monsieur ROBERT : Moi, je suis choqué par la présentation, l'annonce. On peut très bien ne faire figurer que le résumé lui-même.

Monsieur le Président : C'est le seul document qui sera lu.

Madame LENOIR : Le document n'est pas bien présenté, on dirait une fiche du service d'information et de diffusion. Mais c'est bien un exposé des motifs. Je me demande toutefois si le Conseil est bien dans son rôle en se penchant sur ce texte général, en dépit de l'ambiguïté de sa formulation.

Monsieur FABRE : Ce document sera très utile, mais il faut éviter toute polémique à son sujet. Le Gouvernement, s'il le souhaite, peut annoncer la couleur. Mais il faut alors qu'il ait le courage de signer !

Monsieur ABADIE : Nous nous accordons tous sur la nécessité d'une grille de lecture. Le problème est de trouver un rattachement juridique utile.

Monsieur le Président : Le gouvernement est fondé à s'expliquer. Le devoir qu'il a d'informer les électeurs est très explicite. Il convient de ne pas cacher la couleur. Mais il faut être clair. Il y a, dans le texte qui nous est présenté, une confusion des genres, et le Conseil constitutionnel se doit d'attirer l'attention sur ce point. Que le Gouvernement ajoute un document s'il le souhaite : c'est son affaire. Mais qu'il ne prenne pas appui sur l'exposé des motifs pour faire de la propagande. Sinon le texte n'est plus un exposé des motifs. Nous devons l'indiquer. Le droit de la procédure référendaire se construit petit à petit !

Monsieur ABADIE : A l'exception du chapeau initial et de la fin, le texte est neutre : il est un résumé utile. Pour que le gouvernement ne soit pas attaquable, il faut qu'il remplisse deux conditions : un rattachement juridique clair et une présentation neutre.

Monsieur le Président : Le fait de joindre le décret décidant de soumettre le texte au référendum est explicatif et se justifie. Mais il y a un rattachement artificiel.

Monsieur ABADIE : Mais il faut bien que cela soit porté à la connaissance des électeurs, par un moyen ou par un autre. Il faut éviter l'appel à voter et se contenter d'un résumé.

Madame LENOIR : L'exposé des motifs est tout de même très proche de celui des projets de loi. Il faut bien, quelque part, une "note volante" pour expliquer la position du gouvernement. D'habitude, il s'agit de la lettre du Premier ministre.

Monsieur FAURE : Un rattachement juridique peut provenir de l'article 3 du décret relatif à l'organisation de la campagne qui peut justifier l'envoi d'une déclaration.

Madame LENOIR : Est-ce que cela répond au but poursuivi, à savoir une présentation objective d'un texte ?

Monsieur ROBERT : Il peut y avoir une lettre du Premier ministre au Président. On ne l'a pas. Il peut y avoir une déclaration du Président de la République. Ce n'est pas le cas. Reste ce texte, qui mélange une présentation et un argumentaire. Alors, si on supprime l'introduction et la conclusion et si on intitule le tout "notice explicative", on répond aux objections du Conseil.

Monsieur RUDLOFF : Le problème qui nous est posé est celui de la loyauté du scrutin. Moi, je trouve un peu gênant d'ajouter un résumé, à l'usage des ignorants. Gênant et ambigu. D'ailleurs, comment prétendre à la loyauté absolue ? Le contenu du résumé sera lui-même sujet à caution, vous verrez. Est-ce que le "respect de l'identité nationale" fait partie des principes de l'Union diront certains ? Alors, si le gouvernement propose un texte, qu'il le signe, voilà tout !

Monsieur ABADIE : La difficulté c'est que ce n'est pas un document électoral.

Monsieur ROBERT : C'est une déclaration du gouvernement.

Monsieur FABRE : S'il n'y a pas d'exposé des motifs, tout le monde pourra accuser le gouvernement de vouloir noyer le poisson et personne ne comprendra rien. Donc il faut une notice explicative. Mais si elle n'est pas signée, le gouvernement ne peut plus s'y engager.

Monsieur le Président : Mais alors quel serait l'auteur ? Lorsqu'il s'agit d'un exposé des motifs éclairant le sens d'un texte, c'est le Premier ministre qui intervient. S'il s'agit d'une notice explicative, elle doit se contenter de présenter le texte et non pas être un moyen de propagande. C'est là que se situe la nécessité de répondre à l'objectif de clarté nécessaire à la formulation de la question posée. Un résumé ? Oui, si le gouvernement le juge utile. Mais ce qui est artificieux, c'est "l'animal" qui nous est présenté. C'est un mélange des genres et cela n'est pas une synthèse objective, qui ne répond pas aux objectifs de clarté et de loyauté du scrutin.

Monsieur ABADIE : Mais le gouvernement peut faire prendre à cela la forme qu'il souhaite.

Monsieur ROBERT : Mais alors, qu'il affiche son drapeau !

Monsieur le Président : Oui ! Il peut mettre, en annexe de son envoi, un exposé par lequel il s'engage. Je suggère que nous terminions cette séance et que nous reprenions cette partie du débat jeudi, avec un texte qui sera rédigé d'ici là, pour indiquer au gouvernement que la confusion des genres ne peut subsister.

Monsieur ABADIE : Oui ! On peut indiquer dans l'avis qu'il peut y avoir, d'une manière distincte de l'exposé des motifs, une annexe.

Monsieur le Président : Oui ! Qu'il peut y avoir un "exposé" et une déclaration du gouvernement...

Monsieur ABADIE : ... et l'annexe explicative ne sera pas rattachée au projet de loi.

Monsieur ROBERT : Oui, elle ne sera pas rattachée !

Monsieur CABANNES : La rédaction de l'avis revêt ici une grande importance. On risque de demander au Conseil un "mode d'emploi" de ce qu'il a voulu dire.

Monsieur le Président : Ce qu'on doit articuler, sous la plume du rapporteur, c'est ce qui est souhaitable. On ne fait que souligner ce qui ne va pas.

Monsieur LATSCHA : Je reste sceptique sur la possibilité de faire un résumé objectif.

Monsieur CABANNES : Et moi, je tiens à rappeler qu'il n'existe pas de travaux préparatoires en matière de référendum.


Monsieur le Président : Bien ! Nous reprendrons cette question au cours de notre séance de jeudi. Nous allons nous interrompre pour le déjeuner, puis pour en reprendre le cours cet après-midi. Nous avons tout d'abord l'audition de Madame Daisy de GALARD, puis l'examen des deux projets du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Ensuite, nous reprendrons le dernier des quatre décrets.

La séance est levée à 13 h 05.


                                          PROJET 

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

                    Consulté par le Premier ministre le 27 juillet 1992, en application des dispositions de l'article 60 de la Constitution et de l'article 46 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée, sur les documents qui seront adressés aux électeurs, à savoir :

                    - le texte de la question posée ;

                    - le décret décidant de soumettre le projet de loi au référendum ;

                    - le projet de loi autorisant la ratification du Traité sur l'Union européenne ;

                    - l'exposé des motifs qui résume le Traité et renvoie aux pages et articles de celui-ci ;

                    - le texte complet du Traité dans sa forme juridique et les deux bulletins de vote (un bulletin «oui» et un bulletin «non») ;

                   

                     formule les observations ci-après :

                    1) L'exposé des motifs du projet de loi, qui constitue une partie intégrante de celui-ci doit normalement le précéder ;

                    2) Conformément à l'article 39 de la Constitution, l'exposé des motifs d'un projet de loi émane du Premier ministre et il lui est loisible dans ce cadre, non seulement de présenter le contenu du texte mais aussi, le cas échéant, d'exposer les raisons qui militent en faveur de son adoption.

                            L'exposé des motifs ne doit cependant pas être confondu avec une notice explicative précisant les principales stipulations du traité dans une perspective destinée exclusivement à l'information du corps électoral ;

                    3) Or l'examen des documents transmis au Conseil constitutionnel fait apparaître que la ligne de partage mentionnée ci-dessus n'est pas en tous points respectée.

                           Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des et juillet 1992.


             

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

       Consulté par le Premier ministre, le 20 juillet 1992 et, par lettre rectificative de la même autorité le juillet 1992, en application des dispositions de l'article 46 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée, sur les textes suivants :

       - projet de décret portant organisation du référendum ;

       - projet de décret relatif à la campagne en vue du référendum ;

       - projet de décret fixant pour les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre- et-Miquelon les conditions d'application du décret portant organisation du référendum et du décret relatif à la campagne en vue du référendum ;

      - projet de décret fixant les conditions d'application de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 au cas de vote des Français établis hors de France pour un référendum ;

      Emet un avis favorable à leur adoption sous réserve, en ce qui concerne le projet portant organisation du référendum

    

      a) que soit précisé dans l'article 3 que le texte du projet de loi soumis au référendum, ainsi que celui du Traité qui lui est annexé, sont imprimés et "diffusés aux électeurs" par les soins de l'administration ;

     b) que soit indiqué dans le texte de l'article 10, alinéa 1, du projet que c'est "Sans préjudice de l'envoi des bulletins de vote aux électeurs effectué en vertu de l'article 2" qu'est assurée la transmission aux mairies de chacun des deux types de bulletins de vote ;

     c) que soit opérée la disjonction de l'article 22 relatif au pouvoir de substitution du préfet à l'égard du maire car, en tant que les dispositions de cet article s'appliqueraient aux communes des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, elles méconnaîtraient les dispositions de forme législative de l'article L. 181-1 du code des communes rapprochées de celles de l'article L. 122-14 du code précité.

     Le texte de l'article 22 du projet ne pourrait être repris qu'au cas où le Gouvernement décidait, s'il s'y croit fondé, de mettre en oeuvre la procédure de déclassement des textes de forme législative intervenus dans une matière réglementaire prévue par l'article 37, alinéa 2, de la Constitution.

     Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du juillet 1992


                           

COMPTE RENDU
de la
SEANCE du 28 JUILLET 1992

La séance est reprise à 14 h 30, en présence de tous les conseillers.

Monsieur le Président : Bien, alors nous allons procéder à l'audition de Madame Daisy de GALARD, qui nous est envoyée par le C.S.A.

(Madame de GALARD entre, accompagnée par Monsieur François HURARD chef du service des programmes).

Je vous remercie Madame, d'avoir bien voulu venir devant le Conseil constitutionnel pour nous présenter ces deux textes et permettez-moi, au nom de l'ensemble des conseillers, de vous souhaiter la bienvenue. Je vous cède donc tout de suite la parole.

Madame de GALARD : Le projet de décret relatif à la campagne en vue du référendum, actuellement soumis à votre avis, prévoit que le Conseil supérieur de l'audiovisuel fixe, après avis du Conseil constitutionnel, les conditions de réalisation des émissions de la campagne officielle radiotélévisée et, compte tenu de la durée totale d'émission attribuée à chaque parti ou groupement politique, le nombre, la date, les horaires et la durée des émissions.

En raison des courts délais impartis au Conseil pour l'organisation de cette campagne officielle, le CSA a déjà élaboré un projet de décision relatif aux conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions de la campagne officielle radiotélévisée.

La grille de programmation de ces émissions fera l'objet d'une deuxième décision du Conseil, qu'il est prévu de soumettre à votre avis le 3 septembre prochain.

Le Président Jacques Boutet et les conseillers du CSA m'ont chargé de venir exposer devant vous la teneur du premier projet de décision.

En outre, est également soumis à l'avis de votre Conseil, le projet de recommandation destinée aux services de radiodiffusion sonore et de télévision. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, chargé par la loi de veiller à l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion, adresse en effet une recommandation à l'ensemble des services de communication audiovisuelle, à l'occasion d'une élection ou d'un référendum. Ceux-ci doivent prêter une attention toute particulière au


respect du principe de pluralisme en période électorale, selon des critères liés à la nature du scrutin.

Je vous dirai quelques mots dans un premier temps du projet de décision relative aux émissions de la campagne officielle, puis dans un second temps du projet de recommandation.

I. Le projet de décision

     Le texte qui est soumis à votre avis, reprend très largement les dispositions de la décision de la CNCL pour le référendum de 1988 sur la Nouvelle-Calédonie.

     Comme en 1988, ce texte prévoit tout d'abord certaines dispositions générales puis définit dans un titre 1er, les genres d'interventions possibles, dans un titre 2, les conditions de réalisation des émissions de la campagne et dans un titre 3, les conditions de diffusion de ces émissions, deux annexes définissent les spécifications techniques à observer pour la production des documents vidéographiques ou sonores.

     L'article 6 de la décision prévoit un tirage au sort le 4 septembre, qui permettra de fixer l'ordre de passage des interventions pour chacun des jours de la campagne. Ceci suppose que entre le 31 août, date limite à laquelle les présidents de groupe doivent notifier notamment au CSA la répartition de leurs temps respectifs aux partis, et le jour du tirage au sort, le Conseil prendra contact avec les partis pour déterminer en accord avec eux, le nombre de leurs émissions, et leurs dates de passage. Une telle procédure avait été adoptée en 1988, et paraît la plus adaptée pour obtenir une grille de programmation équilibrée. En effet, compte tenu du fait que chaque parti disposera d'un volume de temps différent, et donc d'émissions dont le nombre et la durée peuvent être variables, mieux vaut éviter de déterminer par tirage au sort les jours de passage, pour écarter tout risque de concentration des émissions d'un parti sur une des deux semaines de la campagne.

     S'agissant des genres d'interventions définis au titre 1er, aucune modification notable n'a été apportée par rapport à 1988, sauf pour l'accès des émissions aux sourds et malentendants.

     Est reconduite notamment la disposition permettant aux partis d'insérer des documents vidéographiques ou sonores dans leurs émissions.

     Introduite pour l'élection présidentielle de 1988, cette disposition permet de rendre les émissions de la campagne officielle plus vivantes et variées.


     L'accès des émissions aux sourds et malentendants par un moyen approprié était facultative pour les partis en 1988. Le projet de décision qui vous est soumis est sur ce point plus strict puisqu'il est prévu que les partis doivent rendre accessible au moins une diffusion de leur intervention, soit par traduction en langage gestuel, soit par un message écrit, soit par un sous-titrage en clair, ces moyens pouvant être cumulés.

     Cette obligation ayant déjà été imposée pour l'élection européenne de 1989, le Conseil a opté pour son maintien dans la présente décision.

     Je tiens à préciser à cet égard qu'il est simplement demandé de rendre accessible "une diffusion" et une seule, (par exemple celle d'Antenne 2 ou celle de FR3), afin de ne pas pénaliser les partis qui n'auraient accès qu'à une ou deux émissions.

     S'agissant du titre II, sur les conditions de réalisation, le seul changement important par rapport à la décision de 1988 concerne les tournages extérieurs.

     La possibilité offerte pour un parti de filmer une intervention à l'extérieur des studios de la maison de Radio France n'a pas été retenue par le Conseil pour ce référendum.

     Cette faculté avait été offerte aux candidats lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 1988. Elle répondait une fois encore au souci de rendre ces émissions officielles plus attrayantes.

     L'intérêt que peuvent offrir les tournages extérieurs n'a cependant pas été jugé suffisant au regard de leur coût (de l'ordre de 150 à 200.000 Francs). De plus, l'insertion de documents vidéographiques ou sonores répond déjà au souci de rendre les émissions plus vivantes.

     C'est en outre une procédure concrètement lourde à gérer, le temps imparti pour la réalisation de ces séquences étant peu adapté aux aléas qui caractérisent les tournages en extérieur.

     S'agissant du titre III, relatif à la diffusion, je souhaite m'arrêter quelques instants sur les horaires de programmation.

     Tout d'abord ceux de métropole, c'est-à-dire les horaires de diffusion sur Antenne 2, FR3 et France inter.

     Sur Antenne 2 et FR3, les horaires sont identiques à ceux de 1988.


     Soit, tout d'abord, 19 h 10 sur Antenne 2.

     Dans un premier temps, Antenne 2 avait proposé 19 h 30, horaire qui avait recueilli l'assentiment du Conseil. Des modifications dans les projets de grille de la rentrée de septembre ont conduit la chaîne à demander dans un second temps la reconduction de l'horaire adopté en 1988. Le Conseil n'y a pas vu d'inconvénient. Dans la mesure où FR3 diffusera avant le journal du soir ces mêmes émissions, le Conseil estime en effet que les horaires de diffusion retenus sur les deux chaînes sont suffisamment complémentaires pour atteindre le plus large public.

     Je souligne que le Conseil a en revanche refusé la proposition de FR3 de diffuser ces émissions après le journal de Soir 3, soit vers 23 h 00, horaire jugé trop tardif.

     Pour France Inter, l'horaire est pratiquement identique à celui de 1988, si ce n'est qu'il n'est pas à 20 h 00 précises, mais après le journal de 20 h 00, soit vers 20 h 05, 20 h 10.

     Pour la diffusion sur RFO dans les DOM-TOM et les collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, deux stations régionales supplémentaires de RFO diffuseront la campagne télévisée ; il s'agit de Mayotte et de Wallis-et-Futuna, qui n'assuraient pas de service de télévision en 1988.

     Les horaires de diffusion dans les stations régionales de RFO ont été fixés, tant en radio qu'en télévision, à des heures de grande écoute, et à proximité des journaux d'information.

     Sur RFI, les horaires de diffusion ont été adaptés à l'actuelle grille de programmation, et tiennent compte de contraintes techniques journalières de gestion des fréquences.

     Les horaires sont optimaux pour toucher l'ensemble des auditeurs.

                                         *

                                       * *

II. Le projet de recommandation

     Venons en, si vous le voulez bien, au projet de recommandation, qui porte non pas sur les émissions de la campagne officielle, mais sur l'ensemble des émissions des sociétés audiovisuelles, notamment les émissions d'information. Chargé par la loi de veiller à l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion, le Conseil a pour 


objectif, en une telle circonstance, de définir les conditions de traitement de l'actualité non seulement pendant la campagne officielle, mais encore dans les semaines qui la précèdent.

     L'idée du Conseil à cet égard, a été de garantir un équilibre de l'expression des partis politiques et non de retenir un équilibre entre les tenants du oui et du non. Et ce pour plusieurs motifs :

     - demander un équilibre entre le oui et le non serait préjuger du résultat du vote.

     - D'autre part, selon l'article 4 de la Constitution, les partis et groupements concourent à l'expression du suffrage. Il est donc de tradition, à l'occasion d'un référendum, de leur attribuer les temps de parole de la campagne officielle.

     Le Conseil a estimé qu'il devait en être de même pour les émissions du programme.

     Venons en au détail de la recommandation.

     Le Conseil, comme cela était fait dans de précédents textes de même nature, distingue dans sa recommandation l'actualité liée au référendum et l'actualité non liée au référendum.

     Les équilibres demandés sont en effet différents selon la nature de l'actualité.

     Pour l'actualité liée au référendum, le Conseil distingue deux périodes :

     - une période dite de pré-campagne allant du 10 août au 5 septembre inclus.

     Le Conseil estime important de définir une période de pré-campagne, car dans les faits, la campagne dans les médias audiovisuels débute bien avant la période de campagne officielle.

     Pour cette période, est demandé un accès équitable à l'antenne des partis, permettant d'assurer le respect du pluralisme.

     - Le projet de recommandation définit une seconde période allant du dimanche 6 septembre au dimanche 20 septembre inclus.

     Vous noterez que le début de cette deuxième période ne coïncide pas, à 24 h 00 près, avec l'ouverture de la campagne officielle. Le Conseil a souhaité en 


effet inclure dans cette période, où la règle d'équilibre préconisée est plus stricte, le dimanche 6 septembre, jour de la semaine où sont programmés par Antenne 2 et de TF1 des magazines d'information hebdomadaires (Heures de Vérité, 7/7). Ceci permet à ces chaînes de disposer de deux dimanches qui sont ceux de la rentrée de septembre pour réaliser l'équilibre préconisé sur la seconde période, le Conseil estimant que cela serait plus difficile à faire si ces chaînes n'avaient qu'un dimanche à leur disposition.

     Pour cette période, il est demandé aux sociétés que les organisations politiques bénéficient d'un accès à l'antenne conforme à l'équilibre prévu pour la répartition des temps de parole de la campagne officielle.

     Pour l'actualité non liée au référendum, il est demandé aux sociétés de respecter la règle habituelle dite des trois tiers (règle à laquelle se réfère le CSA tout au long de l'année). Certes, cette règle présente aujourd'hui des imperfections. Mais elle offre l'avantage de la simplicité et de l'antériorité ; et il n'est pas facile de lui trouver une règle de substitution.

     La recommandation rappelle enfin un certain nombre d'autres règles :

     1° Ainsi est-il de l'utilisation de documents d'archives, qui ne doit pas être de nature à modifier le sens initial ;

     2° Il est demandé aux sociétés de ne plus modifier leur programmation annoncée à l'avance pendant les deux semaines de campagne, sauf accord du CSA. Cette disposition a pour but d'éviter, une fois connue la grille de diffusion des émissions de la campagne officielle, les changements de programmation qui n'auraient d'autre but que de porter concurrence aux émissions officielles ;

     3° Par tradition, il est également demandé aux sociétés de ne pas reprendre dans leur programme tout ou partie des émissions de la campagne officielle. Ceci serait en effet de nature à rompre l'équilibre des temps de la campagne officielle. Dans ce même esprit, les émissions d'expression directe accordées par les sociétés nationales de programme aux formations politiques et aux organisations syndicales et professionnelles représentatives sont suspendues jusqu'à la consultation.

     4° Le projet de décret relatif à la campagne en vue du référendum prévoit de rendre applicables notamment les articles L. 49, L. 52-1 et L. 52-2, qui ont des implications dans le domaine audiovisuel.

     Il n'est cependant pas possible de les énumérer dans la recommandation dont la publication est prévue antérieurement à celle du décret.


     Je crois vous avoir présenté toutes les remarques que le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel souhaitait porter à votre connaissance à propos des deux textes pour lesquels il a sollicité votre avis.

     Je vous remercie, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Conseillers, de votre attention.

Monsieur le Président : Je vous remercie, Madame, pour cet exposé précis et intéressant. Qui demande la parole ? Monsieur ABADIE !

Monsieur ABADIE : Comme en 1988, nous sommes en présence d'un projet de décision et d'un projet de recommandation, distincts. Je commencerai par la décision au sujet de laquelle je souhaite poser quelques questions ponctuelles. La première concerne l'article 8 et l'expression "atteinte à l'honneur d'autrui" qui me paraît peut être moins bonne que celle de 1988 qui interdisait les émissions "tournant en dérision" autrui.

Madame de GALARD : Le fait de "tourner en dérision" nous apparaît distinct de celui d'attenter à l'honneur d'autrui, la notion retenue est donc plus large. Mais il n'y a pas d'exemple précis qui ait incité le Conseil à modifier sa position sur ce point.

Monsieur ABADIE : Est-ce qu'une émission style "Bébet show" (1) est visée ?

Madame de GALARD : Oui ! Elle serait prohibée dans le cadre de la campagne officielle.

Monsieur le Président : La dérision, c'est vrai, peut ne pas être une atteinte à l'honneur. Cette notion renvoie plutôt à des cas précis, ceux qui ouvrent la possibilité d'exercer des poursuites, par exemple. J'ai peur que cette démarche aboutisse à un retrait. Vous auriez pu conjuguer les deux notions : la dérision et l'atteinte à l'honneur.

Madame de GALARD : Oui ! Cela aurait pu se faire.

Monsieur CABANNES : Il ne faut pas non plus confondre le pamphlet et l'atteinte à l'honneur.

(1) Émission dans laquelle des marionnettes figurent des hommes politiques.


Monsieur le Président : Les deux notions en question ne sont pas identiques. Traiter quelqu'un d'escroc c'est contraire à son honneur, mais pas nécessairement ironique. Peut-être vaudrait-il mieux faire une conjonction des deux notions.

Monsieur ABADIE : Sur l'article 16, je constate que, par rapport à la rédaction de 1988 on a supprimé la référence à la société française de production pour le choix du réalisateur. Est-ce à dire que des organisations habilitées disposeront d'une plus grande liberté de choix ?

Madame de GALARD : C'est un souci de simplicité qui a animé le C.S.A. Il y avait quelques abus en matière d'émargement dans la mesure où seuls des critères syndicaux prévalent pour l'inscription des réalisateurs. Alors il me paraît positif d'éviter l'hypocrisie : d'autres réalisateurs peuvent être tout aussi compétents !

Monsieur LATSCHA : Et l'homologation, de quoi s'agit-il ?

Madame de GALARD : Il s'agit de l'inscription sur une liste, en fonction de critères professionnels.

Monsieur RUDLOFF : Combien sont-ils ?

Madame de GALARD : Il y en a un millier.

Monsieur ABADIE : Sur les horaires de diffusion, je constate que l'article 25 a changé par rapport à la première version envoyée, à titre officieux, par le C.S.A. L'horaire désormais choisi pour Antenne 2, 19 h 10, entraînera une plus faible audience que celui de 19 h 30, initialement envisagé.

Madame de GALARD : La différence est assez minime. Ça représente, pour Antenne 2, 3 à 4 % de téléspectateurs en moins, c'est-à-dire moins de 1 point "d'audimat". On peut donc chiffrer cette variation à 250.000 spectateurs en moins.

Monsieur ABADIE : Et pour R.F.I. ?

Madame de GALARD : Ce sont des raisons techniques qui ont prévalues.

Monsieur ABADIE : Bon ! Très bien. J'en viens à la recommandation. Je note que l'expression organisations politiques "habilitées" ne figure pas au I.

Madame de GALARD : C'est usuel, mais on peut l'ajouter.


Monsieur ABADIE : Oui ! Mais j'admets bien volontiers que ce n'est pas fondamental ! Il y a un problème en ce qui concerne la date de début des interdictions prévues qui ne coïncide pas avec celle du début de la campagne officielle, le lundi 7, mais débuterait un jour plus tôt, le 6. Je dois dire que cela me gêne.

Madame de GALARD : Pendant la campagne officielle, il n'y a qu'un dimanche avant celui du scrutin. Le C.S.A. a donc été très sollicité par les animateurs des émissions politiques du dimanche pour savoir s'il leur était possible de maintenir leur programmation du dimanche 6 ou si les règles posées par la recommandation devaient leur être étendues. Le problème est qu'il est plus difficile de réaliser l'équilibre sur un seul dimanche que sur deux ! Voilà pourquoi le C.S.A. a retenu la date du 6 plutôt que celle du 7. Cela permet d'équilibrer les magazines d'information du dimanche.

Monsieur ABADIE : Oui ! Je vois bien à quel point on peut, légitimement, être gêné par rapport aux demandes de certains présentateurs. Deux questions : pourquoi ne pas faire débuter cette période plus tôt -et seulement le 6- et, d'autre part, ces émissions accueilleront-elles ou non des représentants de partis habilités ou non ?

Madame de GALARD : Il ne faut pas trop anticiper. Le début de la phase "pré-campagne" ne doit pas être trop éloignée de celle de la consultation. Il s'agit de trouver un équilibre qui n'influence pas le choix des électeurs. Plus on est proche de la date du 20 septembre, plus le risque est grand. Mais, en même temps, trouver un équilibre sur un seul jour me paraît très difficile. D'où le choix de la date du 6. Quant à votre deuxième question, il est très improbable que le 6 septembre soient invitées des personnes qui n'appartiennent pas à des partis politiques ou des organisations habilitées. Enfin, j'ajoute que le texte qui vous est proposé n'est qu'une recommandation dénuée de force juridique obligatoire. Elle n'est qu'une indication de la marche à suivre.

Monsieur le Président : On comprend bien le souci qui a animé le C.S.A. Il est logique. Mais chaque dimanche est différent d'un autre. La campagne officielle débute le 7. La partie de la recommandation qui la concerne doit débuter à cette même date. Juridiquement, il me paraît difficile de faire un sort particulier au seul dimanche 6 et d'y fixer la césure. Je comprends bien vos raisons, mais je crois qu'il est difficile de créer, dans une recommandation, un régime particulier pour le 6. Sur ce point, imaginez un recours contentieux.

Monsieur LATSCHA : Oui ! Il me paraît difficile de viser le 6 septembre.


Monsieur FAURE : Je note, tout de même, qu'il s'agit d'une simple recommandation, sans valeur obligatoire. Il n'y a pas de recours possible. Le problème c'est celui de la comptabilisation du temps de parole. Le C.S.A. assimile le dimanche précédent l'ouverture de la campagne à un jour de campagne. Cela est-il possible ?

Monsieur LATSCHA : Non.

Madame LENOIR : Non ! C'est illégal ! Même s'il n'est pas certain qu'il y ait un recours.

Monsieur ABADIE : Ne peut-on pas isoler le seul jour du 6 ?

Madame de GALARD : Ça me paraît difficile, soit on l'inclut, soit on l'exclut.

Monsieur FABRE : Il faut l'exclure !

Madame LENOIR : Aucun sort particulier n'est réservé au dimanche 6 dans le décret sur l'organisation de la campagne. Il n'y a donc aucun fondement à cette inclusion.

Monsieur ROBERT : La règle des trois tiers permet-elle de compenser ? Elle s'appliquera sur l'ensemble des sujets qui ne sont pas liés au référendum.

Madame de GALARD : Oui ! Sur ce thème, il y a toujours une concertation, officieuse et permanente, avec les responsables des services politiques des chaînes. Pour l'instant, la règle des "trois tiers" s'applique au 6 septembre inclus. Mais si ce jour devait être "neutralisé", les chaînes pourraient toujours "rééquilibrer" leur diffusion grâce aux journaux télévisés, de manière à ce que l'équilibre soit respecté, hors la journée du 6. Il est toujours possible d'inviter plusieurs personnes au lieu d'une, de compenser avec d'autres émissions. Mais il est évident que cela implique des choix de programmes qui concernent non seulement la journée du 6, mais auront également des répercussions sur d'autres émissions. C'est pourquoi la publication de ce document est très attendue.

Monsieur le Président : Oui ! Cela ne se passe pas sans grincements de dents : on l'imagine d'ici ! Pourquoi cette référence aux meetings ?

Madame LENOIR : Est-ce lié à des manquements observés en 1988 ?

Madame de GALARD : Oui ! On a constaté quelques manquements, d'ailleurs minimes, comme l'emploi de drapeaux. Les membres du C.S.A. doivent, ici, faire preuve d'une vigilance particulière.


Madame LENOIR : Que l'on interdise des émissions à but publicitaire, cela est conforme à la loi et totalement logique. Mais pourquoi donc prohiber la reprise des émissions de la campagne officielle par les chaînes privées ?

Madame de GALARD : Cela nuirait à l'équilibre.

Monsieur ABADIE : Il peut toujours y avoir des extraits, à des fins malignes, de tel ou tel morceau tronqué.

Monsieur CABANNES : Quelle est la portée juridique de la règle des trois tiers ?

Madame de GALARD : Aucune !

Monsieur CABANNES : Comment l'adapter au cas présent ? Par exemple, où se situe le parti communiste français ?Majorité ou opposition ?

Madame de GALARD : Le critère d'appréciation repose sur le vote aux dernières élections présidentielles.

Monsieur ABADIE : Cela ne figure nulle part.

Madame de GALARD : C'est traditionnel, et l'application de la règle figure dans le rapport annuel du C.S.A.

Monsieur le Président : Bien ! Je tiens, madame, à vous remercier pour toutes ces précisions. Tous nos voeux vous accompagnent pour la suite de vos travaux et pour répondre aux chaînes, ce qui ne doit pas être facile. Merci !

Madame de GALARD et Monsieur HURARD sont raccompagnés par le Secrétaire général.

Monsieur le Président : Cette "affaire" du dimanche 6 n'est pas minime. Je mesure bien quelles ont pu être les pressions et les passions. Il reste, si le 6 n'est pas inclus, un seul dimanche pour organiser des face-à-face. Cela modifie les règles de calcul. Et si le 6 avait été "assimilé" à la campagne, je suis sûr qu'il y aurait eu un recours, indépendamment de la nature juridique de l'acte.

Monsieur RUDLOFF : la période "pré-électorale" sera fondamentale pour les partisans du "NON", notamment le Parti communiste et le Front national. En effet, il y a un risque de n'entendre, pendant la campagne officielle, que les partisans du "OUI". C'est ce qui explique les pressions actuelles.


Monsieur le Président : Oui ! Il faut bien le mentionner à l'intention du C.S.A. La période électorale ne peut être "étendue" par la recommandation.

Monsieur FAURE : Est-ce la seule observation ?

Monsieur le Président : Non ! Il y a le problème de la "dérision" !

Monsieur ROBERT : J'ai bien peur que le Conseil ne passe pour très tatillon dans cette affaire !

Monsieur ABADIE : On peut faire référence à la "formule retenue en 1988".

Monsieur FAURE : Est-on vraiment obligés d'aller dans cette voie ?

Monsieur le Président : Moi, je ne souhaite pas voir des marionnettes à l'écran. C'est la campagne officielle.

Monsieur FABRE : Et les dessins ?

Monsieur CABANNES : Mais attention, le pamphlet n'est pas une atteinte à l'honneur, et c'est un genre littéraire respectable !

Monsieur ABADIE : Bon ! Je vais tenter de trouver une rédaction...

Monsieur ROBERT : Moi ça ne me gêne pas qu'il y ait des marionnettes si les concepteurs de l'émission le souhaitent !

Monsieur le Président : Moi si ! Et nous avons déjà insisté sur ce point auprès de Madame de GALARD. Attendons un peu avant de reprendre ce débat. Je vous suggère de procéder à l'audition de notre rapporteur sur les deux textes (assentiment des membres). Bien ! Alors, allez y Monsieur ABADIE.

Monsieur ABADIE : Après l'audition de Madame Daisy de GALARD, mon propos va être facilité. Il nous appartient tout d'abord, avant d'examiner la recommandation de procéder à l'étude du projet de décision du C.S.A. relative aux conditions de programmation et de diffusion des émissions relatives à la campagne en vue du référendum. Je ferai une brève remarque liminaire sur l'économie d'ensemble du projet avant d'examiner les points d'interrogation ponctuels que suscite ce texte, qui a d'ores et déjà été modifié par le C.S.A. pour tenir compte de certaines de nos remarques.


     Dans l'ensemble le projet de décision est assez proche du texte de la décision (n° 88-407 du 13 octobre 1988) qui avait été établi pour le référendum du 6 novembre 1988. La structure du texte est identique. Il est composé de trois titres : genres d'intervention, réalisation et diffusion des émissions. Les options choisies, en 1988 comme aujourd'hui, consistent à réglementer très précisément les conditions techniques de l'enregistrement, de manière à ce que soit assurée une égalité de traitement entre les organisations habilitées et à limiter le nombre des personnes participant à l'émission - cinq au maximum - et ayant accès au studio notamment pour ce qui est des "conseillers".

     Eu égard au caractère officiel de ces émissions, leur contenu est doublement limité :

     - une limite par genre - les insertions de documents ne peuvent dépasser 40 % de la durée totale de l'intervention,

     - et surtout une limite par thème : sont prohibés par l'article 8 certains excès possibles et notamment toute mise en péril de l'ordre public et de la sécurité des personnes et des biens - cette dernière expression, reprise de l'article 9 de la décision de 1988 y avait été introduite à la demande du Conseil, à la place de la référence à l'ordre public. Il y a également une prohibition de tout recours à des éléments dont la connotation officielle est évidente ou toute utilisation du temps d'antenne à des fins publicitaires et, bien entendu, toute atteinte à l'honneur d'autrui. L'ordre de passage des émissions est tiré au sort. La diffusion est conditionnée par la signature d'un bon à diffuser.

     Les conditions de diffusion et d'archivage sont, elles aussi, très strictement réglementées. Le contrôle du C.S.A. est également prévu. Quelles sont, avant d'entrer dans le détail des propositions que nous pourrions formuler, les différences matérielles fondamentales entre ce projet et celui de 1988 ?

     - D'abord en ce qui concerne les sourds et malentendants, le texte passe d'une possibilité à une obligation de leur rendre accessible au moins une diffusion télévisée de chacune des organisations politiques. C'est une innovation prévue par l'article 9 qui en fixe les modalités : langage gestuel, message écrit ou sous-titrage.

     - Le choix du réalisateur par les organisations politiques est légèrement assoupli.

     - La référence aux enregistrements effectués à l'extérieur des studios disparaît alors qu'elle était expressément prévue par l'article 19 de la décision du 13 octobre 1988.


     - Enfin, (mais l'audition de Madame de GALARD a résolu cette question) les horaires de diffusion par R.F.l. diffèrent de ceux de 1988, mais l'impact sur l'audience est faible.

     Naturellement, je dois ajouter, mais ici aussi sur le mode du constat, que le rôle spécifique confié à R.F.O. dans la réalisation des émissions pour 1988, qui se justifiait par l'objet du référendum, n'a plus de raison d'être.


                                                 *
                                               *  *

     Une fois ce cadre général établi, j'en viens aux propositions que je suggère de retenir et dont certaines ont déjà été prises en compte par le C.S.A. dans la version qui vous est soumise, qui diffère de celle qui avait été originellement transmise. Je détaillerai ces observations dans l'ordre de déroulement du texte.

     Concernant les visas, j'ai suggéré, sans excès de formalisme, une référence à la récente loi du 20 juin 1992 sur le dépôt légal, compte tenu du rôle qui est imparti à l'I.N.A. par l'article 28 de la décision. Cette modification a été prise en compte.

     A l'article 5, il m'a paru nécessaire d'indiquer que le représentant du C.S.A. chargé de suivre l'application de la décision doit être membre de cet organisme.

     En effet, le texte initial ne le prévoyait pas alors que l'application de la décision fait partie des compétences de cet organisme. Il fallait donc que soit explicité le fait que ce représentant est un membre du C.S.A., faute de quoi le Conseil aurait pu désigner un fonctionnaire ou un expert extérieur. Cette modification a été retenue.

     A l'article 7, une remarque de pure forme : à ma demande, le C.S.A. a mentionné le mot "insertions" au premier alinéa, comme c'était le cas en 1988. Pour ma part, je passerai sur l'article 8. Le texte de cet article, proche de celui de 1988, ne pose pas de problèmes. Ses dispositions sont soit la transposition de la loi, par exemple en matière d'interdiction des sondages, soit conformes à la neutralité de l'Etat, ce qui interdit qu'on utilise, par exemple, le drapeau tricolore ou ses couleurs. Mais je crois utile de mentionner également la dérision.

     A l'article 13, a été mentionnée quelle est "la" société visée : il s'agit de la S.F.P. (Société Française de Production). Cette mention a été apportée dans le projet de décision qui vous est soumis.


     Concernant l'article 18, j'avais relevé une légère incohérence. Cet article limite les personnes ayant accès au studio, sans réserver la possibilité pour un membre du C.S.A. d'exercer un droit de regard. Le nouveau projet qui nous a été transmis dissipe toute ambiguïté.

     A l'article 23, mais cette remarque est, elle aussi, formelle, j'ai préféré quant à moi, la rédaction de la fin de la première phrase qui avait été retenue en 1988 plutôt que celle qui nous a été proposée initialement. En effet, la décision de 1988 disposait : "à défaut, le parti est réputé avoir renoncé à la diffusion de son intervention". Cette formulation présente l'avantage de mieux situer les responsabilités. Le C.S.A. a bien voulu rétablir un texte proche du précédent de 1988.

     A l'article 26, in fine il manquait une référence à l'article 24, qui fixe les dates des émissions. Le C.S.A. a également tenu compte de cette remarque.

     A l'article 27 une pure correction de forme a été apportée.

J'ai voulu également dissiper une incertitude quant à l'archivage des émissions par les Assemblées parlementaires.

     A l'article 28, en effet, on ne précisait pas à qui incombait la remise de la copie des émissions aux présidents des assemblées. Ce sera le C.S.A.

     A l'article 39, il m'a semblé que le Président de l'I.N.A. avait été oublié et qu'on pouvait le mentionner dans la liste des personnes chargées de l'exécution de la décision. Cette modification a été prise en compte par le C.S.A. (de même qu'une modification de l'intitulé du chapitre II).

     Voilà pour les modifications auxquelles le C.S.A. a consenti et qui, pour la plupart, sont déjà intégrées au projet qui vous est proposé.

     Il reste qu'entre le premier projet transmis et celui qui vous est soumis ici, deux autres différences ont été apportées. La première, aux articles 31 et 34 pour ce qui concerne la possibilité de diffuser des émissions le 19 septembre, veille du scrutin. Le C.S.A. a souhaité l'extension de cette disposition à Wallis et Futuna et à Mayotte en sus de la Réunion et de la Nouvelle-Calédonie. Je n'y vois aucun inconvénient. 

L'autre disposition modifiée par rapport au texte initialement transmis demande un peu plus d'attention. L'article 25 prévoyait une diffusion à 19 h 30 sur Antenne 2. Le texte modifié prévoit 19 h 10. D'après les renseignements que j'ai


recueillis, Antenne 2 doit modifier sa grille de rentrée et compte tenu de cette modification, la société a demandé ce changement de programme. Il n'empêche qu'à 19 h 10 l'audience n'est pas la même qu'à 19 h 30, surtout en milieu urbain. On n'est plus dans le "prime time", on est en "pré-prime time".

     J'en viens à la recommandation. En 1988, celle-ci n'avait pas été soumise au Conseil, car elle avait été prise en amont du processus référendaire. La lettre de saisine du Président BOUTET comporte, quant à elle, ce texte, et cela est conforme au rôle consultatif du Conseil constitutionnel en matière de référendum. Il importe peu que la force juridique d'une recommandation soit moindre que celle d'une décision du C.S.A.

     Je dois tout d'abord formuler un constat : le projet de recommandation ne repose pas sur un fondement juridique précis.

     En effet, les articles de la loi du 30 septembre 1986 qui sont mentionnés dans les visas - à savoir les 1, 13, 14, 83 et 105-III - ne portent pas trace d'une recommandation en cas référendum. Mais on peut inférer de l'article premier de la loi (respect du pluralisme par le C.S.A.) et du deuxième alinéa de l'article 16 (pouvoir de recommandation en matière d'élections) que le C.S.A. puisse user de son pouvoir de recommandation en matière de référendum. On peut toutefois le tirer de l'article 16 de la loi du 30 septembre 1986.

Monsieur LATSCHA : Mais l'article 16 de la loi de 1986 n'est pas visé dans la recommandation.

Monsieur ABADIE : Il est toujours possible d'y faire référence. Si on le fait, on se dirige vers un rapprochement entre les campagnes électorales et celle du référendum. C'est un pas juridique important. J'observe également que le texte proposé est moins clair et précis que ne l'était celui de 1988 ou celui de la recommandation du 30 mars 1990, relative aux élections partielles. Aussi, j'ai proposé au C.S.A. d'apporter plusieurs modifications à ce texte. La première concerne les visas : il a été ajouté par rapport à la version initiale une référence à l'avis du Conseil constitutionnel, puisque celui-ci est officiellement requis. Il a été procédé de même à une référence à la décision n° 87-9 du 23 janvier 1987, de la C.N.C.L. dont l'article 6 suspend les émissions d'expression directe pendant la campagne précédant un référendum. J'ai fait vérifier que cet article 6 était toujours en vigueur.

     Concernant l'actualité liée au référendum, je souhaitais pour la période de la campagne, que la disposition sur l'accès à l'antenne soit explicitement réservée aux organisations politiques "habilitées", puisque seules celles-ci ont accès à la répartition


des temps de parole. Sur ce point, le C.S.A. s'en remet à notre décision. Faut-il expliciter, ou bien la formule est-elle suffisamment claire ?

     Concernant la suspension des émissions d'expression directe, le C.S.A. doit, en application de l'article 55 de la loi du 30 septembre 1986 en fixer les modalités.

     En 1988, une recommandation du 7 octobre les avait suspendues puis une décision du 4 octobre 1988 avait réparti à nouveau les temps d'antenne restant à attribuer. La suspension visée ici ne me paraît pas devoir relever de la recommandation et elle ne dispense pas le C.S.A. d'une décision pour adapter la grille. La fixation des "modalités" de diffusion de ces émissions relève d'une décision. Ce fut le cas en 1987 et en 1988.

     Aussi la recommandation peut se contenter de faire référence au texte qui pose le principe (point III-6-b).

     Il me reste à aborder un problème de fond, qui concerne le point II. Le projet énonce qu' : "en ce qui concerne la couverture de l'actualité nationale en dehors de l'actualité liée à cette consultation (sous entendu le référendum), la règle dite des trois tiers continue de s'appliquer".

     Ce principe qui a été explicité à ma demande par le C.S.A. signifie que "le Gouvernement, la majorité et l'opposition" doivent disposer d'un temps d'antenne égal. Cette règle est coutumière. L'article 54 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit simplement un droit de "réplique" selon des modalités fixées par le C.S.A.

     Il se trouve qu'à l'occasion d'un texte à caractère ponctuel, le Conseil constitutionnel connaît, pour la première fois de cette règle. Le Conseil d'Etat, pour sa part, l'avait déjà admise par un arrêt du 20 mai 1985. Mais son appréciation ne nous lie pas, d'autant qu'est intervenue depuis 1985, la loi du 30 septembre 1986. Nous ne pouvons donc éviter de nous pencher sur la validité de cette règle au regard de l'exigence constitutionnelle du respect du pluralisme. Cette exigence a été déduite par notre jurisprudence de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen (décision n° 84-181 DC des 10 et 11 octobre 1984 (2), ainsi que la décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986) (3).

     Dans cette dernière décision le Conseil a affirmé que le respect du pluralisme était une des conditions de la démocratie (cf. considérant n°11).

(2) Rec. p. 78.

(3) Rec. p. 141.


     Il n'est pas douteux que la règle dite des trois-tiers fait la part belle au Gouvernement. Il échappe en quelque sorte au clivage : majorité - opposition. Son action comme celle du chef de l'Etat se situe au-dessus et au-delà de celle des partis politiques.

     L'hésitation est donc permise sur la pertinence de cette règle coutumière dont l'origine remonte à une délibération du Conseil d'administration de l'0.R.T.F. de novembre 1969. A l'époque elle marquait un progrès, lié à la "nouvelle société" dont parlait Monsieur CHABAN-DELMAS dans son discours d'investiture du 16 septembre 1969.

     La règle des "trois-tiers" a eu le mérite de montrer que la télévision dans notre pays n'avait pas pour seule vocation d'être la "voix de la France" suivant la formule employée par le Président POMPIDOU.

     La règle en cause est donc historiquement située et pourrait être regardée aujourd'hui comme dépassée au nom d'une vision dynamique du pluralisme.

     Mais, à la réflexion, il m'apparaît qu'il ne faut pas changer une règle du jeu qui a fait ses preuves. La règle des trois-tiers est couramment admise. Elle n'est plus contestée. Elle ne vise rappelons-le que l'actualité non liée au référendum.

     Au total, je suis conduit à vous proposer d'émettre un avis favorable de principe au projet de recommandation, dans la dernière version qui nous a été transmise.

Monsieur le Président : Bien ! Qui demande de la parole ?

Monsieur CABANNES : Cette règle des "trois tiers" me pose des problèmes. On va, implicitement, à l'occasion de cet avis, valider une notion dont le contenu est fort imprécis. Qu'est-ce qu'elle signifie ?

Monsieur le Président : Mais s'y opposer signifie dénoncer une déloyauté. Il faudrait mettre en évidence le caractère déloyal de cette règle.

Monsieur CABANNES : Mais "l'opposition" est une notion très fluctuante.

Monsieur le Président : Elle s'apprécie en fonction de
structurations partisanes. Mais il n'est pas possible de censurer cette règle, sauf en mettant en évidence son illégalité.


Monsieur CABANNES : Certes, mais, pour la première fois, nous sommes confrontés à cette règle.

Monsieur le Président : On l'accepte, on ne la valide pas ! Bien ! Je souhaite que le Conseil se penche sur la lettre envoyée au nom de son association "Combat pour les valeurs" par Monsieur Philippe de VILLIERS (4) et qui vous a été transmise. Celui-ci m'a "saisi" à la fois par FAX et par lettre. Je vous propose de lui répondre qu'on a eu communication de sa lettre (il lit le projet de réponse). Cela vous convient-il ? (Assentiment). Bon ! Très bien. Pour la formule de politesse, on peut mettre "Monsieur le ministre". Oui... très bien ! "Exit" Monsieur de VILLIERS !

Monsieur ABADIE : Peut-on passer à la lecture de l'avis en ce qui concerne le C.S.A. ?

Monsieur le Président : Oui, lisez !

Monsieur ABADIE lit l'avis : Faut-il mettre "émet" les observations ?

Monsieur le Président : Je préfère "formule" les observations. Mais on pourra peut-être reprendre la rédaction jeudi.

Monsieur ABADIE : Oui, Monsieur le Président. En tous cas, je ne souhaite pas que le mot dérision apparaisse. Je vous proposerai une formule plus "elliptique".

Monsieur le Président : Bien ! On reprendra cette affaire demain après-midi.

La séance est suspendue à 16 h 45. Elle est reprise à 17 heures.

Monsieur le Président : Nous allons aborder la question des nominations de rapporteurs adjoints. En remplacement de Monsieur Patrick HUBERT, Madame Martine DENIS-LINTON est proposée au Conseil. Nous la connaissons bien. Il n'y a pas de problème. En ce qui concerne la nomination des délégués du Conseil chargés de suivre les opérations, nous nommons donc les rapporteurs adjoints, les chefs de juridiction et Monsieur Lucien PAOLI, que nous félicitons ! Voilà qui est fait !

Monsieur ABADIE : Il me reste à aborder, et c'est le morceau de choix, le décret relatif à la campagne en vue du référendum.

     Comme pour les décrets antérieurement examinés ma démarche consistera à prendre en compte les positions adoptées lors des derniers référendums par notre Conseil.

(4) Député de la Vendée, qui fait campagne pour le "NON".


     De ce point de vue le décret relatif à la campagne n'est pas très éloigné par son contenu du décret n° 88-945 du 5 octobre 1988.

     Néanmoins il me paraît comporter une ambiguïté dont je souhaite dire un mot. En outre, il innove sur deux points non négligeables.

     1. L'ambiguïté résulte du rapprochement du premier alinéa de l'article 2 et de l'article 8 du décret.

     Dans son premier alinéa, l'article 2 du décret rend applicables à la campagne plusieurs articles du code électoral et en particulier l'article L. 49.

     Selon ce dernier texte, à partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication audiovisuelle tout message ayant le caractère de propagande électorale.

     L'article 8 du décret pose en principe que les émissions télévisées et radiodiffusées de la campagne sont retransmises outre-mer "dans la même forme qu'en métropole".

     Cette rédaction, rapprochée de celle de l'article L. 49 du code électoral postule qu'il ne puisse y avoir de diffusion des émissions la veille du scrutin sur tout le territoire de la République.

     Mais l'article 8 comporte un tempérament ainsi rédigé :

     "Toutefois, le C.S.A. fixera après avis du Conseil constitutionnel les dispositions qui s'avéreraient nécessaires du fait des décalages horaires et des difficultés d'acheminement".

     Les termes employés sont très enveloppés. Je me suis demandé s'il n'y aurait pas intérêt à être plus précis au stade du décret et à permettre plus franchement une possibilité de déroger à l'article L.49.

     Je serai plutôt enclin à dire de façon plus nette :

     "Toutefois, par dérogation si besoin est, au deuxième alinéa de l'article L. 49 du code électoral, le C.S.A. fixe, après avis du Conseil constitutionnel les dispositions qui s'avèrent nécessaires du fait des décalages horaires et des difficultés d'acheminement".

     Ma proposition aurait le mérite de dissiper toute ambiguïté.


Ensuite, je dois aborder la délicate question de l'affichage, pour laquelle le Premier ministre nous a saisi d'une modification. Le problème fondamental, est de savoir dans quelles conditions la loi du 15 janvier 1990 peut être transposée aux consultations référendaires. Son objectif principal est de réglementer les compétitions entre des individus. L'effet d'une trop longue interdiction d'affiches peut être une inégalité dans l'expression des opinions : ceux qui auront déjà commencé leur campagne et ceux qui ne pourraient plus le faire à la date de parution du décret. C'est ce qui explique le projet de modification du Premier ministre ; cette lettre est motivée par le souci de respecter le pluralisme. Elle retarderait la date d'application de l'interdiction. Le Gouvernement s'est préparé à la campagne d'affichage. Les infractions s'analysent au jour de l'affichage : il s'agit d'un délit instantané. D'où la lettre du Premier ministre : elle permettrait en particulier aux petites formations d'afficher. En tout état de cause la formulation de l'avis n'est pas aisée : il faut faire référence au pluralisme des opinions, qui serait affecté par une date d'interdiction trop avancée.

Monsieur le Président : Nous allons reprendre point par point. Messieurs ?

Monsieur LATSCHA : Mes premières observations, sous réserve d'opinions postérieures sont les suivantes. Les articles du code électoral visés à l'article 2-1 du décret sont généraux. La transposition de l'article L. 52-1 pose un problème, en ce sens que le délai de trois mois d'interdiction d'affichage ne peut pas s'appliquer au cas présent. Sinon le décret aurait une portée rétroactive et serait incohérent. Cet article du code était rédigé différemment en 1988, en ce sens que l'interdiction ne valait que pour la durée de la campagne officielle. La formulation proposée en dernier lieu par le décret est sans doute plus égalitaire que ne l'était la proposition initiale du Gouvernement. Mais je suis perplexe quant à la rigueur juridique de cette formulation. Il me semble qu'on va modifier la portée d'une loi -celle de 1990- par décret. Or le changement de période a été clairement souhaité par le législateur. Le décret tel qu'il est modifié atténuerait la portée de ce changement voulu par la loi.

Monsieur FAURE : Le problème tient à ce que la loi de 1990 est totalement inapplicable au référendum. Elle a été faite pour des élections générales et qui interviennent à échéance fixe.

Monsieur le Président : Il y a toutefois le cas de la dissolution de l'Assemblée nationale.

Monsieur FAURE : Dans ce cas, l'interdiction va jouer à compter de la dissolution. Pour le référendum, la transposition ne va pas de soi. Elle doit être réalisée par un décret. Aussi, et je raisonne tout haut, le Gouvernement est sur le plan juridique, fondé à ne proposer qu'une transposition partielle. Que reste-t-il alors concrètement,


si le délai court à compter de l'ouverture de la campagne officielle ? Pas grand-chose : le principe d'égalité ne sera pas violé, mais tout le monde aura affiché, et les affiches subsisteront après le 7 septembre.

Monsieur le Président : Mais depuis le 1er juillet, tout le monde a déjà eu la possibilité de préparer ses affiches.

Monsieur FAURE : Il me paraît difficile de contester la modification proposée : outre le problème de l'opportunité, que nous apprécierions, il y a une base juridique imprécise. Cela relève-t-il vraiment de notre compétence d'aller "censurer" cela ?

Monsieur LATSCHA : Il est évident que toute la loi n'est pas applicable au référendum. La question ne porte pas sur l'opportunité qu'il y a à réaliser telle ou telle transposition, mais sur les déséquilibres éventuels que la prohibition d'afficher entraîneraient. Si on devait ne pas appliquer -dans toute la mesure du possible- l'article L. 52-1 du code électoral au référendum, je pencherai plutôt pour que cet article ne soit pas du tout appliqué.

Monsieur FAURE : Je ne comprends pas cette logique !

Monsieur RUDLOFF : Il n'y a pas de problème de légalité ici. Je me demande pourquoi on fait une telle référence au code électoral. La formulation est maladroite. Ne peut-on pas, dans le décret, formuler une interdiction sans référence au code électoral ? Cela pose la question de la compétence du pouvoir réglementaire en matière de référendum pour formuler une interdiction. Mais, d'autre part, il n'est pas bon de transposer, sur ce point, la loi de 1990 qui n'a pas été faite pour ça.

Madame LENOIR : Les renvois au code électoral sont légion dans ce décret, et je n'y vois rien de condamnable : il s'agit d'une simple commodité rédactionnelle. Quant au fond, ce n'est pas au Conseil constitutionnel à formuler une remarque sur l'opportunité du délai. L'interdiction s'appliquera à une date tardive, mais je vois mal le Conseil se lancer dans un contrôle qui serait considéré comme très tatillon.

Monsieur le Président : Mais ce n'est pas une question d'opportunité !

Monsieur CABANNES : Ce n'est pas non plus un problème de légalité.

Monsieur FABRE : J'ai très peur que l'on se trompe !

Monsieur FAURE : Moi je ne vois pas dans la proposition du Premier ministre, où est la faille.


Monsieur le Président : J'ai le sentiment d'être isolé. Que c'est difficile de prendre la parole une fois que la majorité s'est formée (sourires). Tant pis essayons ! Le Gouvernement a le choix de transposer ou non des dispositions législatives au référendum. Pour moi, il est clair qu'il doit transposer le maximum d'éléments, sauf par exemple des dispositions pénales ou organiques qui ne relèvent pas du décret. Le Gouvernement fait référence à une interdiction législative qui date de 1990 et qui s'applique dans les trois mois qui précèdent -en pratique- la campagne. Ce texte ne vise pas le Gouvernement mais les partis. Telle est, clairement, la finalité de la loi de 1990. Il s'agit de rechercher une plus grande transparence. S'agissant du référendum, dès lors que le Gouvernement veut utiliser le code électoral, il me semble difficile de faire un retour en arrière et d'aboutir à une situation qui était antérieure à celle de la loi de 1990. Or la loi a cherché à réduire le coût des campagnes électorales. Que n'ai-je entendu à l'époque ! Le vent de la "moralisation" soufflait ! Or le Gouvernement est en train, pour le référendum, de revenir sur cet objectif. S'agissant des affiches, tout le monde sait, au moins depuis le premier juillet, qu'il va y avoir un référendum. Tout le monde a eu le temps de s'y préparer. Et tout le monde s'y prend bien tard ! Alors, pour respecter l'égalité entre les partis, on est en train de prendre un texte de le vider de sa substance. Le Gouvernement, qui lui aussi fait débuter très tard sa campagne d'affiche, a choisi d'adapter les règles du code électoral. Mais il est clair qu'il doit le faire totalement, c'est-à-dire au maximum ; et c'était sa position initiale. Mais dès lors qu'il choisit de transposer, il doit respecter le texte.

Monsieur FAURE : Je ne suis pas convaincu. Le code électoral n'est pas applicable au référendum. Le Gouvernement peut choisir.

Monsieur le Président : Sur les prémisses, soyons clairs ! Si on me dit que le Gouvernement peut faire n'importe quoi, je dis non ! L'arrêt BROCAS (5) est très clair.

Monsieur FAURE : Mais cette adaptation est normale.

Monsieur le Président : Non !

Monsieur FAURE : Je rappelle que cet arrêt vise la transposition "dans les formes habituelles" des règles du code électoral. Il s'agit d'appliquer un texte. Il s'agit aussi de prévoir des dérogations et des adaptations à la loi.

Monsieur LATSCHA : Tout ceci n'est pas une question d'opportunité. Il s'agit de se référer à certains textes du code électoral. En ce qui concerne son article L. 52-1,

(5) C.E., 19 octobre 1962.


on ne peut pas "découper" le texte d'une manière contraire aux buts souhaités, qui ont été la prise en compte de la "précampagne" : cela irait à l'encontre du but poursuivi par le législateur.

Monsieur le Président : Faites l'expérience ! Viser toute propagande, y compris celle du Gouvernement ? Cet additif est impossible au regard de la loi. Si une date est fixée, elle doit aboutir à une durée d'interdiction la plus proche possible de la durée de trois mois. Sauf à aboutir à une règle contraire à la finalité de la loi de 1990.

Monsieur ABADIE : La notion de "formes habituelles" n'est pas très explicite. Elle n'est pas clarifiée par l'arrêt BROCAS. Il s'agit de la nature des dispositions mais non de la durée de leur application. Il me semble que dès lors qu'une durée est indiquée, les "formes habituelles" sont respectées. La proposition du Gouvernement reste dans les limites de l'épure fixée par cet arrêt.

Monsieur le Président : Non ! Car la finalité de la loi de 1990, c'est d'étendre une interdiction à la phase précédent la campagne. Ou alors, il ne fallait pas faire la loi de 1990, ou alors il fallait dire que le code électoral ne s'applique pas au référendum ! Ce n'est aucune de ces solutions qui a été choisie. Or, la finalité de la loi de 1990, c'est de limiter les dépenses.

Monsieur CABANNES (lit l'article 2-2 du décret, dans sa version modifiée). Il est clair qu'on ne peut pas contester au Gouvernement le soin de fixer une règle. Mais on peut contester le fait qu'il fasse référence à un texte qui n'est pas applicable, à cause du délai de trois mois. Il est évident qu'il y a un risque d'annulation par le Conseil d'Etat.

Monsieur le Président : Ce que je reproche au Gouvernement, c'est de séparer deux choses qui ne sont pas dissociables : un contenu et une durée. La durée est liée à l'interdiction. Essayez donc des durées différentes : huit jours, deux jours... On dirait que le Gouvernement réécrit la loi. Vous voyez bien le lien entre les deux.

Monsieur ABADIE : Mais l'adaptation est de nature réglementaire.

Monsieur le Président : Ce que je reproche ce n'est pas l'adaptation, c'est l'incohérence avec la loi de 1990. Il n'est pas possible de changer le texte de la loi votée à l'occasion de la transposition. C'est cela qui ne va pas. Si le Gouvernement souhaitait ne pas reprendre les interdictions, je n'y verrais pas d'inconvénient. Mais s'il transpose, il doit respecter la finalité de la loi.

Monsieur RUDLOFF : Dire que la période électorale est neutralisée, c'est un coup d'épée dans l'eau. Cela ne présente aucun intérêt. Ce qui sera affiché à la veille de


l'ouverture de la campagne subsistera. Ce n'est pas un argument de droit, mais l'interdiction, ramenée à la seule campagne, ne veut plus rien dire.

Monsieur le Président : Le problème concret c'est que les affiches sont en cours de réalisation mais que les campagnes d'affichage ne sont pas prêtes.

Monsieur ABADIE : Il y a une inégalité de fait entre ceux qui ont déjà affiché et ceux qui seraient, dès la parution du décret, dans l'impossibilité de le faire. Le Gouvernement y remédie. Il reprend et il adapte l'article L. 52-1 en substituant aux "candidats" des partisans du "oui" ou du "non".

Monsieur RUDLOFF : Mais ça ne présente aucun intérêt pratique ! Supprimons donc cette référence !

Monsieur le Président : Pour faire plaisir aux publicitaires, on torture la loi.

Monsieur RUDLOFF : Alors supprimons la référence à cet article !

Monsieur FAURE : De toutes façons, ce n'est qu'un avis !

Monsieur le Président : Il est 16 h 15. Nous avons tout notre temps ! A la Cour suprême, un débat dure des mois !!! Je propose que chacun réfléchisse et essaye de trouver une rédaction pour une prochaine séance.

La séance est levée à 16 h 15.


Cette délibération contient des annexes.

Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.