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PV1992-09-02

CONSEIL CONSTITUTIONNEL

ORDRE DU JOUR


Séance du mercredi 2 septembre 1992


15 heures


Examen, en application de l'article 54 de la Constitution, du Traité sur l'Union européenne.

Rapporteur : Monsieur Maurice FAURE


COMPTE RENDU

de la

SEANCE du 2 SEPTEMBRE 1992

La séance est ouverte à 15 heures, en présence de tous les conseillers.

Monsieur le Président : Bien ! Je donne tout de suite la parole à Monsieur FAURE.

Monsieur FAURE : Merci, Monsieur le Président. Cette réunion a lieu dans des circonstances très particulières. Nous sommes à 18 jours du référendum, la presse fait état de la saisine et développe des arguments politiques et juridiques très mélangés. Il me paraît indispensable de ne pas obscurcir le débat en y mêlant des considérations polémiques. Notre réponse se doit d'être sérieuse, quelle que puisse être notre légitime irritation sur la façon dont la requête est présentée et sur la référence à des articles écrits par tel ou tel de nos collaborateurs. Tout ceci manque de dignité. Mais la requête, en dépit de sa forme, est bourrée "jusqu'à la gueule" d'arguments juridiques, élaborée avec l'aide de juristes sérieux. Aussi notre réponse doit être à la hauteur du contenu même de la saisine, en dépit des conditions de son dépôt. A ce sujet, je dois commencer par un bref rappel historique. Le traité a été signé le 7 février, puis est intervenue notre décision du 9 avril, rendue sur la saisine faite par Monsieur le Président de la République sur le fondement de l'article 54 de la Constitution. Notre Conseil avait alors choisi de retenir uniquement ceux des points du traité qui n'étaient pas conformes à la Constitution. La souveraineté du Constituant fut donc respectée. Un texte identique a été adopté par les deux assemblées, puis par le Congrès le 25 juin 1992, avec une large majorité de oui, le RPR s'étant, largement, abstenu. Ce texte vise en de nombreuses circonstances le traité de Maastricht. C'est une réforme "sur mesure", qui fait référence aux stipulations du traité. Pour partie, nous savons également que cette réforme traité a ajouté d'autres dispositions de caractère permanentes. En effet, la loi constitutionnelle du 25 juin 1992, approuvée par le Congrès du Parlement l'avant- veille, n'a pas apporté à la Constitution du 4 octobre 1958 que des modifications ou adjonctions qu'imposait nécessairement, afin qu'elle permît dorénavant la ratification du Traité sur l'Union européenne, la décision du Conseil constitutionnel n° 92-308 DC du 9 avril 1992.

Au nombre de plusieurs dispositions constitutionnelles nouvelles étrangères à l'objet premier de la révision, et qui résultent d'amendements d'origine parlementaire, figure en particulier une réforme du mode de saisine du Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 54 de la Constitution : la possibilité de saisir notre Conseil de la question de savoir si un engagement international comporte ou non une clause contraire à la Constitution (et si par conséquent une révision de


cette dernière doit précéder l'autorisation de ratifier ou d'approuver cet engagement) était réservée jusqu'alors aux quatre plus hautes autorités de l'Etat. Désormais cette possibilité est également ouverte à une minorité de 60 députés ou 60 sénateurs (comme c'était déjà le cas, depuis 1974, pour les lois ordinaires, conformément à l'article 61, alinéa 2, du texte constitutionnel).

Dire, comme je le faisais à l'instant, que cette modification de l'article 54 était "étrangère" à la révision était trop dire : elle n'était certes pas juridiquement nécessaire pour que le Président de la République pût solliciter (du Parlement, ou du peuple par voie de référendum comme il avait annoncé son intention de le faire) l'autorisation de ratifier le Traité ; d'évidence, elle n'en a pas moins été proposée et adoptée pour les besoins de la cause, je veux dire dans la perspective de permettre à l'opposition de saisir à nouveau le Conseil constitutionnel de la conformité du Traité de Maastricht à la Constitution une fois cette dernière révisée.

On prêtait au groupe RPR de l'Assemblée nationale, et à Monsieur MAZEAUD en particulier, l'intention de faire un prompt usage de la nouvelle faculté ainsi offerte aux parlementaires : rien ne vint pourtant au lendemain de la publication de la loi constitutionnelle, ni au cours du mois de juillet...

Peut-être les adversaires du Traité estimaient-ils que le temps n'était plus de la lutte juridique et que la bataille devait être désormais portée sur le seul terrain politique. Peut-être aussi attendait-on un moment politiquement plus judicieux pour livrer un nouvel assaut contentieux...

Quoi qu'il en soit, c'est dans l'après-midi du 14 août qu'un groupe de sénateurs, RPR principalement, Monsieur PASQUA étant primo-signataire, a saisi le Conseil constitutionnel afin de "vérifier si le Traité de Maastricht ne comporte pas de clause contraire à la Constitution".

Cette requête est recevable, c'est incontestable :

- elle est signée par plus de 60 sénateurs, 70 exactement.

- elle intervient après la signature du Traité (laquelle ne fait courir aucun délai de recours) et avant que l'autorisation de le ratifier ait été accordée en vertu d'une loi (qui sera donc référendaire, si le "oui" l'emporte lors du référendum du 20 septembre prochain) au Président de la République.

- enfin, dans le principe, - mais nous aurons à revenir plus en détail sur ce point - la circonstance que le Conseil constitutionnel ait déjà examiné, le 9 avril dernier, la constitutionnalité du Traité sur l'Union européenne n'est pas de nature à interdire qu'il soit à nouveau saisi de cette question ; ce qu'il


s'agit de vérifier aujourd'hui, c'est la conformité du Traité à la Constitution dans sa nouvelle rédaction, alors que lors de notre précédent examen elle n'avait pas encore été révisée. Il n'y a pas - encore une fois en principe - identité d'objet entre les deux litiges, qui doive nous amener à opposer purement et simplement à l'ensemble de la présente saisine l'autorité de la chose déjà jugée.

Il m'a semblé qu'on pouvait regrouper les arguments des saisissants en trois catégories :

- d'abord ils estiment que les résultats négatifs du référendum qui a eu lieu au Danemark le 2 juin 1992 interdisent en tout état de cause que se poursuive la procédure devant aboutir à la ratification du Traité par la France.

- ensuite, ils font grief au Conseil constitutionnel d'avoir, dans sa décision du 9 avril 1992, failli à sa tâche : soit qu'il se soit trompé dans l'appréciation qu'il a porté sur la constitutionnalité de certaines stipulations du Traité ; soit qu'il ait omis de relever l'inconstitutionnalité de certaines autres ;

-enfin, s'agissant d'un certain nombre de stipulations justement désignées par le Conseil comme incompatibles avec la Constitution, le constituant n'aurait pas tiré les conséquences qu'imposait notre décision, et, péchant soit par défaut soit par excès, n'aurait finalement pas procédé à une révision permettant la ratification d'un Traité qui demeurerait contraire à notre loi fondamentale.

Je reprendrai ces trois points dans cet ordre.

I. Les saisissants entendent d'abord nous faire juger que le refus opposé par le peuple danois, le 2 juin dernier par voie de référendum, à la ratification du Traité par le Danemark, interdirait que fût accordée au Président de la République française - ou même seulement sollicitée par lui - l'autorisation législative de le ratifier au nom de notre pays.

En clair, et puisque c'est la voie référendaire plutôt que la voie parlementaire qui a été choisie pour obtenir cette autorisation, il ne serait pas possible de soumettre cette question à référendum le 20 septembre prochain.

Vous vous souvenez des débats qui ont eu lieu, en juin dernier, à la suite du référendum danois et qui ont amené à suspendre quelque temps la procédure de révision constitutionnelle. On a beaucoup parlé de "caducité" du Traité, beaucoup d'arguments ont été échangés, dans lesquels les vrais problèmes juridiques posés par la position danoise n'étaient pas toujours suffisamment distingués, par certains, de


leur envie de voir dans le refus de Copenhague une "divine surprise" venant mettre à bas toute la construction signée à Maastricht...

Ce mot de "caducité" n'est pas repris par les saisissants. Mais aucune des trois propositions qu'ils avancent sur cette question ne saurait, à mon sens, être retenue par le Conseil constitutionnel :

- Ils semblent en premier lieu contester l'existence même du Traité. Si tel était leur propos, il serait absurde. Il existe toujours, au jour d'aujourd'hui, un Traité sur l'Union européenne signé à Maastricht le 7 février 1992 par douze parties, c'est-à-dire les Etats membres de la CEE, et par le Danemark autant que par les autres. Le refus de ratifier de ce dernier pays n'a pas eu d'effet rétroactif sur sa signature, par laquelle il demeure engagé comme le sont par la leur les onze autres Etats. Cet engagement international, conclu sur une base de réciprocité (comme l'a souligné notre décision n° 92-308 DC), n'existe pas moins aujourd'hui qu'il existait quand nous l'avons une première fois examiné, le 9 avril dernier.

- en deuxième lieu, le "non" danois à la ratification du Traité le rendrait à soi seul non-ratifiable en France. On ne voit absolument pas pourquoi. La position danoise n'empêche en rien que, selon les procédures constitutionnelles qui lui sont propres, la France procède pour sa part à la ratification du Traité, ainsi que l'ont d'ailleurs déjà fait, depuis le 2 juin, d'autres membres de la CEE et que s'apprêtent à le faire d'autres encore, dans les semaines ou mois qui viennent. Au demeurant, le Conseil constitutionnel n'a pas la maîtrise de la ratification proprement dite d'un Traité, qui est du ressort du seul Président de la République. Il lui appartient seulement de dire si l'autorisation par voie législative de ratifier peut intervenir sans révision constitutionnelle préalable. Tel est le cas, selon notre décision du 9 avril 1992, dès lors que le Traité en cause ne contient pas de clause directement contraire à la Constitution et ne porte pas atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

- en troisième lieu, les saisissants affirment que le Traité sur l'Union européenne dans sa forme actuelle ne pourra en tout état de cause pas entrer en vigueur, toujours du fait du refus danois de le ratifier.

Voilà qui est faire preuve d'une belle assurance.

Le Danemark reviendra-t-il ou non sur sa décision, et si oui à quelle date ? Sinon, le Traité sera-t-il renégocié pour entraîner l'adhésion danoise ? Ou bien le Traité de Maastricht fera-t-il l'objet d'avenants pour permettre son application à onze ? Ou alors faudra-t-il que les onze concluent un nouveau Traité ? Telle ou telle de ces conventions éventuelles sera-t-elle soumise au Conseil constitutionnel ?...


Autant de questions auxquelles je serais bien en peine de répondre, et sans doute ne suis-je pas le seul dans ce cas...

Je vous signale que le représentant du ministre des Affaires européennes, lors de la réunion que nous avons eue avec le Secrétariat général du Gouvernement, nous a indiqué - de façon confidentielle - que la perspective actuellement explorée par la diplomatie pourrait conduire à ce que les Danois soient à nouveau interrogés par référendum, une fois "ciblés" par le gouvernement de Copenhague les points d'achoppement ayant motivé la réponse négative de la population danoise, et obtenu, à l'usage de cette dernière, des autres Etats signataires, des garanties ou des apaisements qui pourraient prendre la forme de "déclarations interprétatives" des stipulations correspondantes du Traité. On nous a dit, à propos de cette perspective, qu'il s'agissait d'une "voie étroite" : je la crois bien étroite, en effet...

En effet, cette question est bien complexe : le "NON" augmenterait paraît-il, au Danemark si on consultait une nouvelle fois la population, ce qui soulèverait d'ailleurs d'autres problèmes. Bref, cette question est très complexe, mais cela ne doit pas interférer sur notre décision.

Je vous rassure en effet : il y a là autant de questions que le Conseil constitutionnel n'a pas à se poser aujourd'hui, contrairement à ce que prétendent les saisissants.

L'article R du Traité sur l'Union européenne, tel qu'il existe aujourd'hui, prévoit, je vous le rappelle, qu'il entrera en vigueur dans les conditions suivantes : le 1er janvier 1993 si les douze instruments de ratification ont été déposés à cette date auprès du gouvernement de la République italienne ; sinon, le premier jour du mois suivant le dépôt de l'instrument de ratification du dernier Etat qui ratifiera le Traité.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 avril dernier, a relevé qu'il résultait de cet article R que les engagements contenus dans les stipulations du Traité (comme des protocoles et déclarations qui lui sont annexés) ne prendront effet qu'après le dépôt du dernier instrument de ratification et que, dès lors, était satisfaite la condition de réciprocité, posée par le 15° alinéa du préambule de la Constitution de 1946, des engagements internationaux souscrits par la France.

Mais là se bornait et se borne toujours, sur ce point, notre tâche. Pour le surplus, nous n'avons pas à supputer les chances qu'il y a, ou qu'il n'y a pas, que les conditions nécessaires à l'entrée en vigueur du Traité soient, à telle date ou à telle autre, réunies, ni à conditionner le principe de notre contrôle à l'importance de ces chances. Notre mission est clairement circonscrite par l'article 54 et nous devons nous y tenir : dire, lorsque les autorités compétentes pour saisir le Conseil constitutionnel le lui demandent, si un engagement international signé par la France


comporte ou non une clause contraire à la Constitution et si, par conséquent, il faut ou non réviser cette dernière avant que le Président de la République ne sollicite l'autorisation de le ratifier.

Au delà, cela n'est plus notre affaire. Rien n'indiquait avec certitude que les engagements internationaux dont le Conseil a été saisi par le passé sur le fondement de l'article 54 entreraient en vigueur, et il ne s'est d'ailleurs à l'époque en rien interrogé sur cette question. Le "non" danois serait-il intervenu avant notre décision du 9 avril 1992, que cette dernière n'aurait pas été différente. J'ajoute que, s'agissant des lois ordinaires, le contrôle du Conseil constitutionnel n'est pas davantage paralysé du fait que l'entrée en vigueur de la loi soumise à son examen est douteuse, parce que par exemple subordonnée à l'intervention d'une loi ultérieure (v. pour la Taxe Départementale sur le Revenu, n° 90-277 DC, 25 juillet 1990, cons. 7, Rec. p. 70).

Nous repousserons donc, je crois, cette première série d'arguments développés par les saisissants - comme nous rejetterons leur prétention subsidiaire de voir le Conseil constitutionnel "provoquer une consultation d'experts internationaux et recueillir l'avis des instances communautaires" sur les conséquences juridiques du refus danois...

Monsieur le Président, peut-être pourrait-on, à ce stade, lire la partie correspondante du projet de décision, ce qui nous conduirait jusqu'au milieu de la page 7 ?

Monsieur le Président : Oui ! Oui ! C'est la meilleure solution : prenons cela morceau par morceau.

Monsieur FAURE : Alors pour terminer sur ce point, je dois dire que la réponse aux multiples questions que pose le refus danois n'est pas évidente. Comment faire ? Une adjonction au traité, un nouveau protocole, un autre traité ? Nous verrons bien, à la fin, quand tous les pays auront ratifié. Mais ça ne sera pas simple : on ne peut pas poser la même question deux fois de suite au référendum au Danemark. La Constitution paraît l'interdire.

Monsieur le Président : Oui ! la question est ouverte : on verra bien ce qui se passera à la fin du processus de ratification. Mais le "non" danois va créer des problèmes. Selon les juristes danois la Constitution de ce pays empêche une consultation sur le même sujet.

Monsieur Robert : Je suis d'accord avec le rapporteur. Quels sont les arguments des saisissants ? Le traité a été signé à 12. Soit ! Le "non" du Danemark le rend non ratifiable. C'est ridicule. Autre argument il n'est pas entré en vigueur. Soit ! Mais cela n'est peut être pas définitif : ne spéculons pas sur le "non" danois et sur sa 


permanence. On peut donc répondre à l'argument ! Moi, je suis totalement le rapporteur !

Monsieur le Président : Personne d'autre ? Non ! Alors lisez cette partie de la décision.

Monsieur Faure : (Commence la lecture jusqu'à la fin du premier considérant).

Monsieur Robert : On met le nombre de déclarations et pas celui des protocoles. On pourrait les chiffrer !

Monsieur le Secrétaire Général : Il faut peut-être être plus prudent sur la portée juridique des protocoles, compte tenu des observations faites par M. J.P. Jacqué, Conseiller Juridique au Conseil des Communautés publiées dans la Revue Trimestrielle de Droit européen.

Monsieur le Président : Alors supprimons le chiffre de trente trois et mettons un "ensemble" de déclarations. D'accord ? (Assentiment) Bien ! Poursuivez !

Monsieur Faure : Poursuit la lecture jusqu'au milieu de la page 4

Monsieur Robert : Ces deux hypothèses ne se recoupent-elles pas ? Une modification de la Constitution peut être ou non en contrariété avec le traité comme une disposition non modifiée.

Monsieur le Président interroge M. le Secrétaire Général.

Monsieur le Secrétaire Général : Il peut y avoir inconstitutionnalité par défaut ou par excès. En effet un rajout peut créer inconstitutionnalité nouvelle.

Monsieur le Président : Il y a bien deux hypothèses : "comporte une contrariété" ne plaît guère. Je préfère "demeure contraire".

Madame Lenoir : Et le "par son contenu" ne s'impose guère !

Monsieur Robert : Et le "dans l'éventualité" peut être remplacé par "s'il".

Monsieur le Président : D'accord : Et d'accord aussi pour supprimer le "par son contenu". Avec ces modifications tout le monde est-il d'accord ? Oui ! Alors continuez !

Monsieur Faure : (Poursuit jusqu'à la page 7 du projet de décision, jusqu'à "écarté", compte tenu de la variante introduite p 4 et p 6).


Monsieur Abadie : Sur la consultation extérieure, devons-nous même répondre ? Est-il habituel qu'on nous demande de consulter des personnes externes. Il ne s'agit pas à l'évidence, d'un élément de droit. Il ne nous appartient pas de répondre.

Monsieur le Président : Mais si ! Il faut le faire même brièvement. On nous prend pour des incapables : MM. Pasqua et Favoreu nous jugent incapables de nous forger une opinion. Ce n'est pas pertinent mais il faut bien y répondre.

Monsieur Abadie : C'est vexant !

Monsieur Latscha : Pourquoi "des" experts ? d'experts ça suffit !

Monsieur le Président : Et le "tout..." qui ne s'impose pas : mettons "et des institutions". Cela mettra en évidence le caractère stupide de la demande !

Monsieur le Président : En haut de la page 7 du projet à partir de "que les éléments invoqués" jusqu'à la fin du considérant, cela ne s'impose pas : c'est bien lourd !

Monsieur Abadie : Ca affaiblit un peu la portée du considérant.

Madame Lenoir : Il y a une redondance entre cette partie et le haut de la page 6. On examine d'abord la recevabilité, puis on répète qu'on est avant la ratification et donc que le Conseil est compétent. Or la compétence du Conseil est claire dès la page 6.

Monsieur Faure : Non ! Non ! Ce sont deux terrains et deux idées différentes. La saisine est recevable : ça c'est la première idée. Mais le problème danois c'est la seconde partie du raisonnement. La ratification est distincte de la recevabilité. Il y a d'une part un problème de recevabilité, de l'autre un problème de réciprocité. Ce ne sont pas les mêmes.

Monsieur le Président : Oui ! On a d'abord une théorie générale de la recevabilité, qu'il est bon de faire. On y affirme des principes. Puis vient l'argument qui rejette le moyen soulevé. Mais là, la phrase gagnerait si elle était plus concise. Ne pas garder une phrase aussi longue me paraît compatible avec le fait de suivre le raisonnement.

Monsieur le Secrétaire Général : Alors le Conseil peut mettre "qu'en conséquence il revient..."

Monsieur le Président : Oui !

Madame Lenoir : Quant à la réciprocité...


Monsieur le Président : C'est bien visé !

Monsieur Faure : Et la référence au supplément d'instruction sollicité est aussi très judicieuse ! C'est incroyable : "allez vous éclairer", nous dit-on !

Monsieur le Président : Parfait : on peut continuer sur le droit de vote.

Monsieur Faure : J'ai choisi une partie un peu différente dans le rapport en prenant des arguments plus synthétiques et en regroupant les arguments en fonction du type de réponse qui leur est donné.

Monsieur le Président : Bon ! D'accord, on prendra plus de notes, et puis on "répercutera" cela aux divers endroits du projet.

Monsieur Faure : Merci, Monsieur le Président. Dès lors que vous acceptez cette façon de présenter les choses, je vais faire un rapport jusqu'au bout.

Monsieur le Président : D'accord !

Monsieur Faure : Le projet, conformément à la pratique suivie par le Conseil constitutionnel, suit pas à pas les arguments de la saisine, pour y répondre dans l'ordre qui est celui de cette dernière. Mais, ces arguments étant parfois similaires, je me suis efforcé, dans l'exposé que je vais vous en faire, de les présenter selon un ordre plus synthétique : d'une part, ceux qui se rattachent à l'idée que le Conseil Constitutionnel aurait failli à sa tâche ; d'autre part, ceux qui se rattachent à l'idée que c'est le constituant qui aurait failli à la sienne.

Mais les choses sont assez claires : pour chacun des paragraphes du projet de décision, nous retrouverons, dans la réponse apportée par le Conseil à la saisine, soit l'une soit l'autre, soit le cas échéant les deux réponses principales que j'entends vous proposer de faire aux deux grandes catégories de critiques que j'ai isolées et dont voici l'idée générale : s'agissant des griefs touchant le Conseil constitutionnel, ils s'opposent à l'autorité de la chose jugée ; s'agissant de ceux articulés contre le pouvoir constituant, ils se heurtent à la souveraineté de ce dernier.

Les sénateurs saisissants, pour démontrer que le Traité resterait contraire à la Constitution, prétendent donc en premier lieu que le Conseil constitutionnel n'a pas correctement rempli sa mission, lorsqu'il a pris sa décision n° 92-308 DC du 9 avril 1992. Ainsi que je vous l'ai annoncé, ils avancent deux séries de raisons.

A. D'abord, le Conseil constitutionnel se serait directement trompé dans l'appréciation qu'il a portée sur la constitutionnalité des paragraphes 1, 4 et 5 de l'article 100 C ajouté au Traité instituant la Communauté par l'article G du Traité sur l'Union européenne. Je vous rappelle que cet article comporte


des mesures relatives à l'entrée et à la circulation des personnes dans le marché intérieur (politique commune des visas). Ces paragraphes, nous dit-on, auraient du être déclarés contraires à la Constitution, comme l'a été le seul paragraphe 3.

J'estime que nous sommes là en présence d'une argumentation contestant le sens de la chose explicitement jugée par le Conseil constitutionnel le 9 avril 1992. C'est en effet à la suite d'un raisonnement d'ensemble, visant les cinq paragraphes de l'article 100 C, que nous avons décidé de la contrariété à la Constitution du paragraphe 3, et de lui seul.

Je n'ai guère de doute, dans ces conditions, sur ce que nous devons opposer aux saisissants sur ce point l'autorité de la chose déjà jugée par le Conseil constitutionnel, tel que le principe en est posé par l'article 62 de la Constitution, dont je vous rappelle les termes de la dernière phrase : les décisions du Conseil constitutionnel "s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles".

J'hésite d'autant moins à vous proposer cette solution que la motivation de la saisine sur cette question est fort désinvolte, puisqu'elle se borne à se référer à un article de doctrine publié par un professeur dans une revueJoël RIDEAU, Revue des affaires européennes, n° 3, 1992., sans seulement prendre la peine d'en reprendre la substance.

J'ajoute qu'en tout état de cause l'ensemble de l'article 100 C a été rendu compatible avec la Constitution du fait de l'insertion dans cette dernière de son nouvel article 88-2 dont je vous cite les dispositions pertinentes : "Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétence nécessaires... à la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures des Etats membres de la Communauté européenne". Il me semble que cela couvre tout.

B. Mais le Conseil aurait encore failli à sa tâche en oubliant de relever l'inconstitutionnalité de certaines stipulations du Traité. Il en serait ainsi :

- du chapitre 1 du titre VI du Traité instituant la Communauté européenne, relatif à la politique économique, qui ne serait pas compatible avec le premier alinéa de l'article 20 de la Constitution, aux termes duquel, je vous le rappelle : "Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation".


- du titre V du Traité sur l'Union européenne, relatif à la politique étrangère et de sécurité commune, pour la même raison.

- du titre VI du Traité sur l'Union européenne, relatif à la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, toujours pour la même raison d'une prétendue contrariété avec l'article 20, alinéa 1.

- enfin, deux stipulations particulières sont entreprises au nom du principe de la souveraineté nationale :

- l'article 104 C, sur les déficits publics excessifs en tant qu'il permet de prendre à l'encontre des Etats membres récalcitrants des mesures coercitives ;

- l'article 171 en tant qu'il permet à la Cour de justice des communautés européennes d'infliger à l'Etat membre ne s'étant pas conformé à ses arrêts, le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte.

Il y a là, effectivement, autant de stipulations qui ne sont pas directement et explicitement examinées par notre décision du 9 avril dernier, étant donné le parti que nous avions pris de n'aborder dans la décision que les points faisant l'objet d'une décision de contrariété (sauf l'exception du droit de vote et d'éligibilité des ressortissants communautaires aux élections européennes, pour cause de connexité avec la question de leur droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales).

Mais il y a là autant de stipulations qui ont fait l'objet de notre discussion au cours de notre délibéré des 7, 8 et 9 avril 1992 et qui, surtout, sont comprises dans les stipulations du Traité visées par l'avant-dernier considérant de notre décision, que je vous lis : "Considérant qu'aucune des autres dispositions de l'engagement international soumis au Conseil constitutionnel au titre de l'article 54 de la Constitution n'est contraire à celle-ci". Les saisissants estiment qu'il s'agit d'un simple considérant, mais il trouve toute sa portée à la lumière du dispositif.

Il s'agit donc bien de dispositions dont la conformité à la Constitution a déjà été admise par le Conseil constitutionnel, même s'il ne s'est pas expliqué sur les motifs l'ayant conduit à admettre cette conformité.

Il y a ainsi également ici autorité de la chose jugée par le Conseil constitutionnel, en vertu de l'article 62 de la Constitution, et la saisine est, par suite, sans objet sur les points correspondants.

Cette solution s'impose d'autant plus - si expéditive qu'elle soit - que le Conseil, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article 54 de la Constitution à

propos d'un engagement international, a l'obligation de soulever d'office les inconstitutionnalités qui lui apparaissent, alors même qu'elles ne seraient pas dénoncées par la saisine (tandis qu'il n'y a là qu'une faculté, qu'il peut exercer ou pas, lorsqu'il statue sur la conformité à la Constitution des lois ordinaires).

Dès lors, par définition en quelque sorte, aucune des stipulations du Traité sur l'Union européenne ne peut être utilement entreprise par les saisissants en dehors de celles qui ont été déclarées non conformes par notre décision du 9 avril 1992, sauf à ce que, parmi ces autres stipulations, il y en ait qui soient devenues contraires à la Constitution du fait de la révision.

III. Voilà qui m'amène, en un troisième temps d'analyse, aux arguments des saisissants tendant à démontrer que le constituant n'a pas correctement effectué le travail qu'il s'était assigné : rendre la Constitution compatible avec le Traité sur l'Union européenne, en la modifiant conformément à la décision du Conseil constitutionnel.

Pour les sénateurs, comme je vous l'ai indiqué liminairement, le constituant a, plus précisément, failli à sa tâche de deux manières :

- d'une part, le constituant a péché par défaut : il n'a pas modifié des dispositions constitutionnelles qu'il était nécessaire de modifier ; la révision effectuée ne suffit pas à permettre la ratification du Traité.

- d'autre part le constituant a péché par excès sur un point. Comme nous le verrons, la saisine, sur cette question, est prudente, voire quelque peu perverse...

A. Mais j'en viens d'abord aux péchés par défaut.

Avant de détailler le contenu de la saisine de ce point de vue, je voudrais, toutefois, vous faire part de quelques réflexions générales qui sont de nature à démontrer que les prétentions des requérants reposent sur des bases fausses.

Ils me semblent, en effet, oublier ce point fondamental que le constituant est souverain. Et qu'il l'est tant du point de vue de la matière qu'il entend réglementer (il lui est simplement interdit, en vertu du dernier alinéa de l'article 89 de la Constitution, de revenir sur la forme républicaine du Gouvernement), que de la façon dont il entend réglementer cette matière.


Le Conseil constitutionnel doit se montrer d'autant plus respectueux de cette souveraineté que, comme l'a récemment rappelé le Doyen VEDEL"Schengen et Maastricht", Revue française de droit administratif, n° 2, 1992., c'est elle qui fonde la légitimité du contrôle de constitutionnalité et interdit que l'on puisse parler, à propos de notre institution, de "gouvernement des juges". En s'opposant à la promulgation de la loi parce qu'il l'estime inconstitutionnelle, le Conseil constitutionnel ne censure pas à proprement parler l'expression de la souveraineté nationale, il se borne à signaler que la volonté des représentants du peuple souverain ne peut, au-delà de la limite que constitue le point inconstitutionnel, se réaliser qu'après qu'aura été empruntée la forme solennelle de la révision constitutionnelle et donc le passage par le Congrès du Parlement ou par le référendum populaire. Alors, comme le dit lumineusement Georges VEDEL, le souverain paraît "en majesté" et vient, "dans une sorte de lit de justice", briser les arrêts du juge.

C'est presque poétique ! Mais n'y a-t-il pas une incompatibilité entre poésie et droit ?

Monsieur le Président : Oh, non, non ! Il y a une poésie du droit qui, parfois, confine au surréalisme ! Poursuivez !

Monsieur FAURE : Respectueux de la souveraineté du constituant quant à la façon dont il lui est loisible de modifier la Constitution, le Conseil constitutionnel l'a été parfaitement dans sa décision du 9 avril dernier, puisqu'il s'est gardé d'en quoi que ce soit "tenir sa plume", le laissant libre de choisir les voies et moyens à emprunter pour parvenir à l'objectif de rendre le texte constitutionnel compatible avec le Traité : nous nous sommes bornés à fixer l'objectif - en signalant quelles stipulations du Traité étaient incompatibles avec quelles dispositions de la Constitution, et en disant pourquoi.

Quelle est notre mission aujourd'hui ? De vérifier si cet objectif a été atteint et de dire éventuellement pourquoi il ne l'a pas été. Mais pas plus qu'hier il ne nous appartient de juger de la façon dont l'objectif a été atteint s'il l'a été, de la démarche intellectuelle adoptée par le constituant, ni de la construction juridique à laquelle il a abouti dès lors que cette dernière est claire ou susceptible d'une interprétation raisonnable.

Envisageons, à présent, sous le bénéfice de ces observations, les critiques des saisissants tendant à démontrer que la Constitution n'a pas été suffisamment révisée. Elles portent sur trois domaines :

1. S'agissant de l'article 8 B 1 du Traité, relatif au droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales des ressortissants


communautaires, ils soutiennent qu'il aurait fallu modifier les articles 3 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et 3 et 24 de la Constitution. En se bornant, sur cette question, à introduire dans la Constitution l'article 88-3 nouveau, le constituant n'aurait pas surmonté la contradiction, mise en exergue par le Conseil constitutionnel, entre le Traité et la Constitution.

Pour ce qui est de l'article 3 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, on se retrouve dans un nouveau cas où il y a autorité de la chose jugée : dans la décision du 9 avril 1992 nous n'avons relevé aucune contrariété entre cet article 3 de la Déclaration et l'article 8 B 1.

Mais, pour le surplus, qu'a dit le Conseil constitutionnel sur ce point ? En substance, qu'il résultait de la combinatoir des articles 3, 24 et 72 de la Constitution que seuls les "nationaux français" ont le droit de vote et d'éligibilité aux élections effectuées pour la désignation de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale, et que par conséquent, en l'état du texte constitutionnel, l'article 8 B 1 du Traité instituant la Communauté européenne tel qu'il résulte de l'article G du Traité sur l'Union était contraire à la Constitution.

Qu'a fait en réaction sur ce point le pouvoir constituant ? Sans toucher en aucune manière aux dispositions existantes de la Constitution, il a adopté un article 88-3 nouveau, que je vous lis :

"Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l'Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d'application du présent article".

C'est-à-dire qu'il a inséré dans le texte constitutionnel une disposition dérogatoire à la règle générale résultant de la combinaison des articles 3, 24 et 72. Ces derniers demeurant ce qu'ils sont, il reste vrai qu'en principe seuls les "nationaux français" peuvent élire l'organe délibérant d'une collectivité territoriale. Mais, en vertu de l'article 88-3, il y a désormais une exception à ce principe : pour les élections municipales, le droit de vote et d'éligibilité pourra être accordé, selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne, aux ressortissants communautaires résidant en France.

En somme, usage est fait par le constituant d'un schème du raisonnement juridique on ne peut plus classique, pour ne pas dire élémentaire, selon lequel la règle spéciale déroge à la règle générale, la lex specialis à la lex generalis.


Certainement le constituant eût pu choisir de "travailler" sur l'un, l'autre ou plusieurs des articles 3, 24 et 72 de la Constitution : il a choisi une autre méthode ; encore une fois il ne nous appartient pas de la juger, dès lors que l'objectif est atteint : rendre la constitution et l'article 8 B 1 compatibles entre eux.

Il convient donc de rejeter cette première prétention des saisissants.

2. Mais nous n'agirons pas différemment face à leur argumentation relative, en second lieu, aux dispositions du Traité touchant l'Union économique et monétaire et notamment la politique monétaire et des changes. Et pour une raison voisine de celle que je viens d'exposer.

Nous avons décidé sur ce point, le 9 avril dernier, qu'il résultait des stipulations du Traité applicables à compter du début de la troisième phase de l'UEM, que la réalisation de cet objectif se traduirait par la mise en oeuvre d'une politique monétaire et d'une politique de changes uniques suivant des modalités telles qu'un Etat membre, et notamment la France, se trouvera privé de compétences propres dans un domaine où sont en cause les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale - et qu'il y avait donc là une incompatibilité avec la Constitution.

Le constituant a répliqué, si je puis dire, en adoptant l'article 88-2 nouveau de la Constitution, dont je vous lis les dispositions ici pertinentes : "Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétentes nécessaires à l'établissement de l'Union économique monétaire européenne...".

L'objectif, ici encore, est donc atteint : la Constitution admet désormais les transferts de compétence nécessités par la construction de l'UEM, et autorise l'atteinte que portera cette dernière aux conditions essentielles de l'exercice par la France de sa souveraineté nationale.

Dès lors, point n'était et n'est toujours besoin de modifier encore, comme l'estiment les saisissants, ni l'article 3, ni l'article 20, ni l'article 34 de la Constitution :

- article 3 : la souveraineté nationale continuera dans notre pays à appartenir par principe au peuple français qui l'exercera par ses représentants et par la voie de référendum. Simplement, la Constitution, en son article 88-2, prévoit désormais une exception à cette règle, en autorisant les transferts de compétences nécessaires à la réalisation de l'union économique et monétaire européenne.


- article 20 : le gouvernement continuera de déterminer et de conduire la politique de la nation ; mais, simplement, il devra céder le pas devant les autorités communautaires compétentes sur le terrain monétaire et des changes, lorsqu'une politique communautaire unique y sera mise en place.

- l'article 34 dispose certes que la loi fixe les règles concernant "le régime d'émission de la monnaie" ; mais, simplement, cette règle de compétence ne vaudra plus que dans une mesure fort restreinte lorsqu'entrera en vigueur l'article 105 du Traité instituant la Communauté européenne, en vertu duquel la Banque centrale européenne sera seule habilitée à autoriser l'émission des billets de banque dans la Communauté, les Etats membres ne pouvant plus émettre que des pièces (au demeurant sous réserve de l'approbation, par la même BCE, du volume de l'émission).

3. Reste l'argumentation, voisine, et d'ailleurs à peine esquissée, relative à l'article 100 C (politique commune des visas). Mais ici encore l'adoption de l'article 88-2 de la Constitution in fine suffit à soi seule ; pour les raisons que j'ai indiquées précédemment, le constituant, contrairement à ce que soutiennent les saisissants, n'avait pas davantage sur cette question à modifier l'article 3 de la Constitution, ni son article 34 (on voit d'ailleurs mal pourquoi ce dernier est visé, la politique des visas relevant essentiellement du pouvoir réglementaire ; mais le même raisonnement de rejet vaudrait si l'article 37 avait été, plus justement, avancé).

B. J'en terminerai avec la question qui est probablement la seule un peu délicate de ce dossier.

Comme je vous l'ai dit, les saisissants ne font pas seulement grief au constituant d'avoir péché par défaut, ils lui reprochent aussi d'avoir péché par excès : en adoptant, à la suite d'amendements d'origine parlementaire, la rédaction qui est finalement celle de l'article 88-3, relatif au droit de vote et d'éligibilité des ressortissants communautaires aux élections municipales et dont je vous ai rappelé les termes tout à l'heure.

En réalité, les sénateurs sont moins explicites que cela : on ne peut pas dire que la saisine sur ce point contienne véritablement des conclusions et des moyens.

Et pour cause : c'est à l'initiative de l'opposition parlementaire, notamment RPR, au Sénat que la rédaction de cet article a été adoptée ; il est donc aujourd'hui difficile aux sénateurs saisissants de venir dire que cette rédaction, votée malgré la volonté du gouvernement - et, vous vous en souvenez, malgré la "mise en garde" du Président de la République sur un point (le vote de la loi organique dans les mêmes


termes par les deux assemblées) - laisse subsister une contrariété entre le Traité et la Constitution : nemo auditur propriam turpitudinem allegans...

En même temps, on ne serait évidemment pas fâché de voir le Conseil constitutionnel soulever d'office cette contrariété ! Et de lui rappeler, en tant que de besoin, qu'il s'estime obligé, lorsque saisi sur le fondement de l'article 54, de soulever une inconstitutionnalité d'office quand il en existe une.

Prendrons-nous le parti de traiter cette question d'office ?

Je vous propose d'apporter une réponse positive à cette question. Non pas pour aboutir à mettre à jour une inconstitutionnalité, comme l'espèrent les sénateurs saisissants. Mais, au contraire, pour affirmer que le Traité est compatible avec cet article 88-3, du moins au bénéfice d'une interprétation neutralisante de ce dernier.

Certes, juridiquement, nous ne sommes peut-être pas tenus de procéder à l'intégralité de l'interprétation neutralisante que requiert l'examen de cet article. Certes encore, politiquement, il nous faut être attentif à la formulation d'une interprétation neutralisante qui, trop brutale, pourrait froisser certaines susceptibilités, ce qui n'est jamais bon, surtout en période de campagne électorale...

Il m'apparaît donc comme l'a écrit Jean FOYER dans un article paru aujourd'hui Journal : "Le Monde" - "Le Sénat bafoué" par J. FOYER. le Sénat pourrait se sentir lésé, puisque telle était la condition du vote de certains. En procédant comme il l'a fait, le Sénat a eu l'impression d'engranger deux avantages : d'abord jouer à égalité avec l'Assemblée nationale et ensuite s'arroger un droit de déterminer les conditions dans lesquelles le droit de vote s'exercera. Or le Sénat a eu une interprétation quelque peu extensive de sa compétence à tous égards meilleur de "vider le venin" que peut recéler cet article 88-3 et de le vider entièrement. Comme nous le verrons en lisant le projet sur ce point, j'ai tenté de le faire par une rédaction à la fois juridiquement précise et politiquement discrète.

Mais je m'explique d'abord sur les éléments du problème qui se pose.

Je vous rappelle que l'article 8 B 1 est clair : il pose d'abord le principe que tout ressortissant communautaire résidant dans un autre état membre de la CEE que le sien, a le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans cet Etat ; ensuite, il précise que les modalités de ce droit doivent être arrêtées, avant le 31 décembre 1994, par le Conseil des ministres des Communautés statuant à l'unanimité ; enfin il ajoute que ces modalités peuvent faire l'objet de dispositions dérogatoires lorsque des problèmes spécifiques à un Etat membre le justifieront.


En regard, que dispose l'article 88-3 nouveau de la Constitution ? Sa première et sa troisième et dernière phrase doivent spécialement retenir l'attention.

* La première dispose que le droit de vote et d'éligibilité "peut" être accordé aux "seuls" citoyens de l'Union résidant en France, "selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992" :

- Le mot "seuls" ne pose aucun problème : il est redondant ; il ne s'agit en rien d'accorder le droit en cause à d'autres étrangers qu'à des ressortissants de la C.E.E.

- l'usage du mot "peut" n'a pas, à mon sens, pour effet de remettre en cause le fait que c'est bien d'un droit qu'il s'agit : dès lors qu'ils en feront la demande, tous les résidents communautaires (dès l'instant qu'ils répondront aux conditions qui auront été édictées) seront admis à voter et à être éligibles aux élections municipales en France. Le "peut" constitutionnel ne fait pas obstacle au "doit" résultant du Traité.

- la mention de l'expression "selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992" est capitale. Il faut en conclure que ces modalités relèvent, comme le prévoit le Traité, de la seule compétence du Conseil des Communautés statuant à l'unanimité.

* Mais c'est dans la confrontation de cette référence aux modalités prévues par le Traité (et donc de l'affirmation de la compétence exclusive du Conseil pour édicter ces modalités) et de la dernière phrase de l'article que gît la principale difficulté : une loi organique pourra "déterminer les conditions d'application" de l'article 88-3.

Passe pour ce qui est du rapport de cette dernière phrase avec celle qui la précède, la deuxième de l'article, qui interdit l'exercice des fonctions de maire ou d'adjoint ou de participer à l'élection des électeurs sénatoriaux et des sénateurs : la loi organique trouvera là une matière, il lui appartiendra de tirer les conséquences de ces interdictions sur notre législation électorale actuelle.

Mais, et c'est là, je vous le disais, que réside la difficulté, si l'on rapporte cette dernière phrase à l'affirmation de la compétence du seul Conseil européen pour fixer les modalités de l'exercice du droit, on est obligé de l'interpréter comme contraignant la future loi organique à être à la fois subséquente et subordonnée à l'acte communautaire dérivé que prendra le Conseil avant le 31 décembre 1994, très probablement une directive, pour procéder à cette fixation des modalités.

A défaut de cette interprétation, et s'il fallait entendre, au contraire, que la loi organique pourra, avant l'intervention de cet acte communautaire ou sans se


conformer à lui, venir à son gré, pour la seule République française, fixer les conditions et modalités auxquelles le droit de vote et d'éligibilité en question sera accordé dans notre pays, il faudrait regarder le Traité comme demeurant incompatible avec la Constitution - ce qui suffirait à empêcher que le Président de la République pût demander au peuple français par référendum, le 20 septembre prochain, l'autorisation de le ratifier.

Mais je vous propose donc de considérer que l'article 88-3 nouveau de la Constitution ne fait pas obstacle à la ratification, au bénéfice de l'interprétation neutralisante que je viens de décrire et dont nous allons voir dans un instant comment j'ai tenté de la rédiger.

Les modalités sont très précises : il va s'agir d'un acte pris par les institutions communautaires, par le Conseil statuant à l'unanimité. Je vois mal les institutions faire un règlement : ce sera une directive. Mais la loi organique devra s'y conformer et notamment fixer les adaptations "locales" du principe. En droit, rien ne l'empêche. Un blocage pourrait varier d'une "grève" d'une des deux assemblées. La CJCE pourrait alors nous condamner, sous astreinte ! Tout cela ne serait pas très satisfaisant. Mais je songe à une autre hypothèse. Et celle-ci m'est venue à l'esprit tout récemment. La Constitution a inscrit des réserves sur les fonctions que les ressortissants communautaires élus ne pourraient accomplir. Que se passerait-il si le traité ne tenait pas compte de ces discriminations ? Rien n'interdirait aux institutions communautaires de ne pas tenir compte de la position française.

Monsieur le Président : Non ! Le Gouvernement français ne peut pas se prêter à ce type de démarche, car elle serait contraire à la Constitution. C'est une hypothèse d'école, qu'un ministre viole la Constitution en admettant une stipulation qui lui serait clairement contraire. Ce serait une "forfaiture". Le Ministre, constatant la contrariété de la norme à la Constitution ne pourrait pas signer.

Monsieur Faure : Cette réponse me convient, puisque l'unanimité est indispensable, la France ne pourrait adhérer, je suis d'accord et je n'y avais pas songé ! Mon objection tombe d'elle-même.

Monsieur le Secrétaire Général : Pourtant, je dois attirer l'attention du Conseil sur un point. Dans les affaires PINNA CJCE PINNA/Caf de la Savoie n° 81/84, 15 janvier 1986 et n° 359/87 du 2 mars 1989la Cour de Justice des communautés européennes a jugé contraire au traité une réserve introduite à la demande de la France dans un règlement, lequel avait été adopté à l'unanimité.


Monsieur le Président : Il faut y voir l'obsession de la Cour. Je maintiens que la France ne pourrait donner son accord à un texte dans lequel les réserves prévues par l'article 88-3 de la Constitution ne seraient pas prises en compte. Il y aurait un clash total si la Cour de Justice, sur une question de cette importance, passait outre ! D'ailleurs ce genre de questions ne me paraîtrait pas susceptible d'être soumises à la Cour de Justice des communautés. Vous imaginez la Cour aller à l'encontre d'une disposition expresse de notre Constitution.

Monsieur Faure : L'argument est intéressant, mais votre réponse, je dois le dire, me soulage.

Monsieur le Président : La loi organique ne pourra pas, quant à elle, dans ce cadre, aller à l'encontre du Traité. Et je vois mal le Conseil des Communautés prendre un règlement très strict en la matière. Je vois mal le cas où la directive serait si précise que la loi organique deviendrait "matériellement" inutile. Bref, il me semble que les choses s'articulent assez bien.

Madame Lenoir : Tout de même ! Le blocage du Sénat reste tout à fait possible. Il se produit parfois, sur quelques directives, une "réticence" de la part du Parlement. Par exemple, celui-ci peut laisser passer les délais prévus pour une directive. Nul n'est donc assuré du vote du Parlement, singulièrement du Sénat.

Monsieur Faure : La loi organique sera subordonnée, contrainte et subséquente. Evidemment, l'échéancier peut poser quelques problèmes. Bien, je vais poursuivre mon rapport et je voudrais aborder encore, rapidement, deux points :

- d'abord, les développements in fine de la saisine, qui sont un peu "philosophiques", et tournent autour de l'idée que la révision aurait conféré à la Constitution un caractère "dual", ne m'ont paru contenir aucune argumentation juridique à laquelle il appartiendrait au Conseil constitutionnel, dans le cadre de la la mission que lui impartit l'article 54 (nouveau comme ancien), de répondre : ils sont, en réalité, radicalement inopérants.

- ensuite, je voudrais vous signaler que je me suis interrogé, mais pour finalement abandonner assez rapidement cette piste, sur les termes de l'article 88-1 nouveau de la Constitution. Ils disposent que "la République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences".

Certains spécialistes du droit communautaire se sont émus de cette rédaction. Au nom d'arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes ayant affirmé que le Traité CEE, bien que conclu sous la forme d'un accord international, "n'en constitue pas moins la Charte constitutionnelle d'une



communauté de droit". Il n'y a aucun inconvénient à soutenir que l'Union européenne est "constituée d'Etats", mais, du moins au regard de la position de la Cour de justice, on ne pourrait affirmer la même chose de la Communauté européenne : celle-ci constituerait une "communauté" juridique propre dont le Traité de Rome serait la "constitution", et non pas un simple agrégat d'Etats souverains. On ne pourrait, dès lors, ratifier le traité qui nous occupe : l'"acquis communautaire", expressément consacré dans l'article C, postulerait, du moins dans la perspective de la Cour de justice des Communautés, que les actes émanant des institutions communautaires expriment, non la volonté commune des Etats membres, mais celle d'institutions distinctes desdits Etats et appartenant à un ordre juridique propre caractérisé par sa primauté à l'égard des ordres juridiques nationaux. La définition donnée par l'article 88-1 de la Communauté européenne ferait obstacle à la réalisation de l'Union européenne dont l'un des deux piliers (avec les politiques et formes de coopérations instaurées par le traité) est la "Communauté européenne" entendue comme étant, dans la conception de la Cour, beaucoup plus qu'un simple agrégat d'Etats venant librement mettre en commun certaines de leurs compétences. Mais, précisément, il s'agit de la conception de la Cour (et de certains "communautaristes purs et durs") : je ne vois pas le Conseil constitutionnel retenir cette approche - avec la conséquence qu'elle implique... - et faire, dans le sens de l'intégration européenne et de la supranationalité, un bond d'une telle ampleur et d'une telle soudaineté.

Pour l'ensemble des motifs que je vous ai exposés, je vous propose de décider que l'autorisation de ratifier en vertu d'une loi le Traité sur l'Union européenne n'appelle désormais plus aucune révision préalable de la Constitution.

Monsieur le Président : Je tiens à vous remercier pour ce rapport Borillant et complet. Merci ! Je me divertis sur le libellé des considérants. Nous aurions fait, selon les auteurs de la saisine tellement d'omissions, d'erreurs... et le constituant, donc ! Il n'a pas fait son travail. Allez-y ! Censurez-le ! Que le Conseil censure le constituant ! Voilà ce qui nous est demandé. Rien de moins ! Et puis quoi, encore ! On pourrait rétablir la monarchie, peut-être (rires). Ce n'est pas sérieux !

Monsieur Cabannes : La décision fait bien le partage entre l'autorité de la chose jugée, d'une part et la possibilité de faire évoluer la jurisprudence de l'autre. Cette décision me donne satisfaction.

Monsieur le Président : Il s'agit du même traité ! Ce qui a changé c'est la Constitution. Aussi, il faut bien voir si les adjonctions, au-delà de la nécessité de la révision, telle qu'elle est circonscrite par notre décision du 9 avril, ne créent pas de nouvelles contrariétés et si la réponse du constituant à cette décision couvre bien tous les cas d'inconstitutionnalité ! Mois, je dois avouer que j'ai assez longtemps douté. Je ne suis pas sûr que ce texte révisé soit conforme au traité. Mais il y a matière à interprétation.


Monsieur Robert : Je partage, pour une part, la position du rapporteur. Le problème essentiel est celui de la conformité entre l'article 88-3 de la Constitution et l'article 8 B 1 du Traité. La loi organique pourrait être utilisée par le Sénat pour bloquer un processus. Par notre décision, nous allons préciser la portée de ce texte : on affirme la supériorité du Traité sur la loi organique. Evidemment on apporte de l'eau au moulin de la supranationalité. Mais juridiquement, seule cette démarche est valable.

Monsieur Abadie : Ne pourrait-on pas davantage expliciter le "peut" en fonction des dérogations prévues par l'article 8 B 1 du traité ?

Monsieur le Président : C'est différent. Le problème c'est la conformité de la loi organique au principe posé par le traité.

Monsieur Rudloff : Y a t-il une contradiction ? Je n'en vois pas ! Le texte est différent de celui du traité. Mais il faudra bien, en toute hypothèse, une loi organique. Elle est indispensable, même si elle n'était pas visée par cet article, elle serait nécessaire. La difficulté qui peut concrètement naître de l'article 88-3, c'est le rôle qui est conféré par ce dispositif du Sénat. Mais le Sénat a toujours un pouvoir de blocage. Simplement, ici ce pouvoir de blocage est plus important.

Monsieur Latscha : La loi organique devra respecter les "modalités". C'est ce que dit la première phrase de l'article 88-3.

Monsieur le Président : Le problème, c'est le lien entre la première et la dernière phase de l'article. Ce que le Gouvernement a dit au Sénat, et que la requête reprend n'est pas possible. La maîtrise du processus est dans la main des instances communautaires et non du Sénat.

Monsieur Rudloff : Le problème c'est plutôt un blocage "in fine" du Sénat.

Monsieur Faure : J'imagine, si le 2 septembre on avait découvert une inconstitutionnalité les titres des journaux du trois septembre au matin ! Il faut donc trouver des arguments solides irréfutables sur ce point, nous allons donner raison à M. Foyer. Mais on ne peut rien dire d'autre.

Madame Lenoir : Oui ! L'article 88-3 de la Constitution est, en fait, la seule question délicate posée par cette saisine. La solution adoptée par le rapporteur ne fait pas de doute sur le plan juridique. Les conditions seront définies par le Conseil au niveau communautaire. La Constitution renvoie à la loi organique le soin d'appliquer ces modalités. Elle aurait tout aussi bien pu renvoyer à la loi. Le seul problème c'est s'il s'agissait d'un règlement communautaire d'application directe : il n'y aurait pas alors de transposition à faire. Le renvoi à la loi organique ne vaut que pour autant qu'elle soit nécessaire ! S'il s'agit d'une directive, la transposition est subordonnée au vote du Sénat. Mais alors, c'est un problème de pur droit interne : si la


transposition n'intervenait pas, des sanctions seraient possibles. Mais ce serait la même chose s'agissant d'une loi.

Monsieur Faure : S'agissant d'une loi ordinaire, le ministre peut toujours faire usage usage du "dernier mot" de l'article 45 en invitant l'Assemblée Nationale à se prononcer en dernière lecture. Ce qui bloquerait cette loi organique ce serait un vote différent entre les deux assemblées. C'est un problème concret : le Gouvernement peut aussi être bloqué sur des lois ordinaires : regardez le cas du projet sur la maîtrise des dépenses de santé

Monsieur le Président : Le seul problème, c'est si nous étions confrontés à une directive ! Que ferions-nous ?

Monsieur Fabre : Je suis tout à fait d'accord avec notre rapporteur, et, après vous, Monsieur le Président, je tiens à lui adresser tous mes compliments pour l'habileté de son rapport sur un sujet aussi délicat. Sur la question de "jusqu'où" admettre les dévolutions de compétence, bref pour employer une image de "l'effeuillage de l'artichaut" que constituent les pertes de compétences, on en revient au problème de la souveraineté, à partir de quel stade la dévolution des compétences est-elle si grande que l'Etat est dépouillé d'attributs essentiels ? Je crois que le débat doit, pour l'instant, rester dans l'ombre. Il est remis à plus tard. L'Europe transformera les compétences des Etats, et nous verrons bien comment cela évoluera.

Monsieur le Président : Il va naître, au fur et à mesure, une jurisprudence du Conseil constitutionnel, c'est certain.

Monsieur Latscha : La référence à l'article 34 de la Constitution ne s'impose pas : la requête, sur ce point, omet de préciser qu'il s'agit d'un article qui répartit les compétences entre les institutions nationales, à l'intérieur de l'Etat.

Monsieur le Président : Qui d'autre souhaite intervenir ? Personne ? Alors passons à la lecture ! Ou plutôt, on peut arrêter quelques instants. (Assentiment). (La séance, suspendue à 17 heures, est reprise à 17 h 10).


Monsieur le Président : Bien ! On peut reprendre.

Monsieur Faure : Je lis ? (il lit jusqu'au milieu de la page 10).

Monsieur Robert : Pourquoi reprendre "à titre facultatif et non obligatoire" à la page 9. C'est redondant.

Monsieur le Président : oui ! C'est inutile !

Madame Lenoir : Et on peut remplacer "prévoirait" par "prévoir". Par ailleurs, page 8 on peut remplacer les élections "effectuées" par les élections "en vue de".

Monsieur le Président : Oui ! Page 10, le considérant central gagnerait à être un peu "élagué" : le membre de phrases allant de "qu'ainsi" à "déclaration" peut tomber puisque le problème fondamental est celui de l'autorité de la chose jugée. Simplifions !

Monsieur Faure : (poursuit sa lecture jusqu'au bas de la page 11).

Monsieur le Président : "Dans" la forme est meilleure que "sous" la forme, et le "en particulier, rien ne s'oppose" est de trop.

Monsieur Abadie : Oui ! C'est réducteur.

Monsieur Faure : ..."que rien ne s'oppose".

Monsieur le Président : Cette série de citations est-elle bien utile ?

Monsieur Faure : Oui, il faut bien citer ces textes. (Il reprend la lecture jusqu'en haut de la page 14).

Monsieur Robert : "Elu municipal" (p 13) : le pluriel conviendrait mieux !

Monsieur le Président : Sur le fond, il reste le problème des grands électeurs élus, en partie par des étrangers.

Madame Lenoir : La fin du considérant de la page 13, après "contradiction" ne s'impose pas.

Monsieur le Président : Si ! Si ! Cela répond au moyen invoqué : poursuivez !

Monsieur Faure (poursuit p. 14) il faut mettre "n'y était prévu".

Madame Lenoir : Est-ce que le Gouvernement était bien de cet avis-là ?


Monsieur Abadie : Est-ce qu'on doit prendre cela en considération ?

Monsieur le Président : Oui ! C'est la saisine ! Pour ne pas accentuer, on peut peut- être remplacer "soulignent" par "relèvent" ce qui sera plus neutre.

Monsieur Faure : (poursuit jusqu'au milieu de la page 16).

Madame Lenoir : Le "il est vrai" s'impose-t-il ?

Monsieur le Président : Oui ! Ca renforce notre thèse.

Monsieur Faure (poursuit jusqu'en bas de la page 16).

Monsieur Latscha : Il faut mettre "les auteurs" de la saisine.

Monsieur le Président : Oui, cela sera harmonisé avec la page 14.

Monsieur Faure : (Poursuit jusqu'à la page 18). Il s'interrompt : "sous la forme" non ! Mettons "dans la forme qu'il estime appropriée". (Il poursuit jusqu'à la fin de la page 23).

Monsieur Robert : Cette page est-elle indispensable ?

Monsieur le Président : Oui ! Il faut répondre. Mais on peut, peut-être, supprimer le "radicalement" devant " inopérant". Monsieur le rapporteur, vous y tenez ?

Monsieur Faure : Non !

Monsieur le Président : Soyons courtois, supprimons le mot.

Monsieur Faure : Ils ne sont pas courtois, eux ! Soyons le ! (il lit la fin).

Monsieur le Président : Eh oui ! C'est bien la Constitution, telle qu'elle est révisée. Bon, je mets aux voix, (le vote est acquis à l'unanimité). "Embargo" jusqu'à ce soir 20 heures !

(La séance est levée à 17 h 50).

Cette délibération contient des annexes.

Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.