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PV1992-09-22-23

ORDRE DU JOUR

Résultats du
Référendum du 20 septembre 1992

Liste des départements soumis à l'examen du Conseil constitutionnel
le mercredi 23 septembre 1992
10 h 30

NORD (Rapporteur-adjoint : Monsieur Jean GAEREMYNCK
HAUTE-VIENNE (Rapporteur-adjoint : "
GIRONDE (Rapporteur-adjoint : "
COTES-D'ARMOR (Rapporteur-adjoint : "
TERRITOIRE DE BELFORT (Rapporteur-adjoint :
HAUTE-MARNE (Rapporteur-adjoint : "
LOT (Rapporteur-adjoint : "
REUNION (Rapporteur-adjoint : "
NIEVRE (Rapporteur-adjoint : "
MAYENNE (Rapporteur-adjoint : "
SAVOIE (Rapporteur-adjoint : Monsieur Christian POULY SARTHE (Rapporteur-adjoint : "
GUADELOUPE (Rapporteur-adjoint : "
HAUTE-SAONE (Rapporteur-adjoint : "
ISERE (Rapporteur-adjoint : "
BAS-RHIN (Rapporteur-adjoint : "
MORBIHAN (Rapporteur-adjoint : "
TARN (Rapporteur-adjoint : "
VAR (Rapporteur-adjoint : "
WALLIS-ET-FUTUNA (Rapporteur-adjoint : " 

ORDRE DU JOUR

Résultats du
Référendum du 20 septembre 1992

Liste des départements soumis à l'examen du Conseil constitutionnel le mercredi 23 septembre 1992
12 heures

POLYNESIE FRANÇAISE (Rapporteur-adjoint : Monsieur Jean PICQ)
NOUVELLE-CALEDONIE (Rapporteur-adjoint : Monsieur Claude SCHNEIDER)
ILLE-ET-VILAINE (Rapporteur-adjoint : Madame Martine DENIS-LINTON
MAINE-ET-LOIRE (Rapporteur-adjoint : "
LOIRE-ATLANTIQUE (Rapporteur-adjoint : "
JURA (Rapporteur-adjoint : "
BOUCHES-DU-RHONE (Rapporteur-adjoint : "
CORSE-DU-SUD (Rapporteur-adjoint : "
(supplément d'instruction)
MAYENNE (Rapporteur-adjoint : Monsieur Jean GAEREMYNCK)
(supplément d'instruction)
HAUTE-LOIRE (Rapporteur-adjoint :
MAYOTTE (Rapporteur-adjoint :
 

ORDRE DU JOUR

Résultats du
Référendum du 20 septembre 1992

Liste des départements soumis à l'examen du Conseil constitutionnel le mercredi 23 septembre 1992
14 h 45

GARD (Rapporteur-adjoint : Madame BAZY-MALAURIE)
DROME (Rapporteur-adjoint : "
ALLIER (Rapporteur-adjoint : "
FINISTERE (Rapporteur-adjoint : "
VAL-DE-MARNE (Rapporteur-adjoint : "
HAUTE-SAVOIE (Rapporteur-adjoint : " 
ARDENNES (Rapporteur-adjoint : "
CHARENTE-MARITIME (Rapporteur-adjoint : "
TARN (Rapporteur-adjoint : Monsieur Christian POULY) 
(supplément d'information)
SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON (Rapporteur-adjoint : Monsieur Alain LEFOULON)
YONNE (Rapporteur-adjoint : "
VOSGES (Rapporteur-adjoint : "
ALPES-DE-Hte-PROVENCE (Rapporteur-adjoint : "
VENDEE (Rapporteur-adjoint : "
FRANÇAIS DE L'ETRANGER (Rapporteur-adjoint : Monsieur Lucien PAOLI) 

ORDRE DU JOUR

Résultats du
Référendum du 20 septembre 1992

Liste des départements soumis à l'examen du Conseil constitutionnel
le mardi 22 septembre 1992
11 heures

PARIS (Rapporteur-adjoint : Monsieur Alain LEFOULON)
VAL D'OISE (Rapporteur-adjoint : Monsieur Alain LEFOULON)
MOSELLE (Rapporteur-adjoint : Monsieur Alain LEFOULON) YVELINES (Rapporteur-adjoint : Monsieur Alain LEFOULON)
OISE (Rapporteur-adjoint : Monsieur Alain LEFOULON)
SEINE ET MARNE (Rapporteur-adjoint : Monsieur Alain LEFOULON)
CALVADOS (Rapporteur-adjoint : Monsieur Alain LEFOULON)
ESSONNE (Rapporteur-adjoint : Madame Martine DENIS-LINTON) LOIRET (Rapporteur-adjoint : Madame Martine DENIS-LINTON)

ORDRE DU JOUR

Résultats du
Référendum du 20 septembre 1992

Liste des départements soumis à l’examen du Conseil constitutionnel
le mardi 22 septembre 1992
14 h 30

AISNE (Rapporteur-adjoint : Madame Claire BAZY-MALAURIE)
EURE-ET-LOIR (Rapporteur-adjoint : "
VIENNE (Rapporteur-adjoint : "
SEINE-SAINT-DENIS (Rapporteur-adjoint : "
HAUTS-DE-SEINE (Rapporteur-adjoint : "
SEINE-MARITIME (Rapporteur-adjoint : "
ORNE (Rapporteur-adjoint : "
TARN-ET-GARONNE (Rapporteur-adjoint : "
DOUBS (Rapporteur-adjoint : Monsieur Ronny ABRAHAM)
LOIR-ET-CHER (Rapporteur-adjoint : "
COTE D'OR (Rapporteur-adjoint : "
RHONE (Rapporteur-adjoint : "
ARIEGE (Rapporteur-adjoint : " 
AUDE (Rapporteur-adjoint : "
GERS (Rapporteur-adjoint : "
SOMME (Rapporteur-adjoint : "

A l'issue de cet examen, examen par le Conseil constitutionnel de la requête présentée, sur la base de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par Monsieur Pierre MAZEAUD et 62 députés portant sur la loi, adoptée par référendum, autorisant la ratification du traité sur l'Union européenne.

Rapporteur : Monsieur Jacques ROBERT

ORDRE DU JOUR

Résultats du
Référendum du 20 septembre 1992

Liste des départements soumis à l'examen du Conseil constitutionnel
le mardi 22 septembre 1992
17 heures

EURE (Rapporteur-adjoint : Madame Martine DENIS-LINTON)
MARNE (Rapporteur-adjoint : "
INDRE-ET-LOIRE (Rapporteur-adjoint : "
HERAULT (Rapporteur-adjoint : "
AIN (Rapporteur-adjoint : "
HAUT-RHIN (Rapporteur-adjoint : "
CORSE-DU-SUD (Rapporteur-adjoint : "
CHER (Rapporteur-adjoint : Monsieur Alain LEFOULON)
MEUSE (Rapporteur-adjoint : "
LOZERE (Rapporteur-adjoint : "
DEUX-SEVRES (Rapporteur-adjoint : " 
PYRENEES-ORIENTALES (Rapporteur-adjoint : "
PYRENEES-ATLANTIQUES (Rapporteur-adjoint : "
HAUTES-PYRENEES (Rapporteur-adjoint : Monsieur Alain CHABROL)
CREUSE (Rapporteur-adjoint : "
HAUTE-CORSE (Rapporteur-adjoint : " 
PUY-DE-DOME (Rapporteur-adjoint : "
HAUTES-ALPES (Rapporteur-adjoint : "
PAS-DE-CALAIS (Rapporteur-adjoint : "
AUBE (Rapporteur-adjoint : "
MARTINIQUE (Rapporteur-adjoint : "

ORDRE DU JOUR

Résultats du
Référendum du 20 septembre 1992

Liste des départements soumis à l'examen du Conseil constitutionnel le mardi 22 septembre 1992
18 heures

LOIRE (Rapporteur-adjoint : Monsieur Ronny ABRAHAM
SAONE-ET-LOIRE (Rapporteur-adjoint : "
CORREZE (Rapporteur-adjoint : "
MEURTHE-ET-MOSELLE (Rapporteur-adjoint : "
DORDOGNE (Rapporteur-adjoint : "
HAUTE-GARONNE (Rapporteur-adjoint : "
LOT-ET-GARONNE (Rapporteur-adjoint : "
VAUCLUSE (Rapporteur-adjoint : "
ALPES-MARITIMES (Rapporteur-adjoint : "
MANCHE (Rapporteur-adjoint : Monsieur TOUTEE
CANTAL (Rapporteur-adjoint : "
ARDECHE (Rapporteur-adjoint : "
CHARENTE (Rapporteur-adjoint : "
GUYANE (Rapporteur-adjoint : "
INDRE (Rapporteur-adjoint : "
LANDES (Rapporteur-adjoint : "
VAUCLUSE (Rapporteur-adjoint : " 

SEANCE DU 22 SEPTEMBRE 1992

La séance est ouverte à 11 heures, en présence de tous les membres du Conseil constitutionnel.

Monsieur le Président : Bien, Madame, Messieurs, le Secrétaire général va nous faire le point de la situation avant que nous commencions l'audition des rapporteurs adjoints.

Monsieur le Secrétaire général : Monsieur le Président, Madame et Messieurs les conseillers, il me paraît utile de vous faire un bref panorama d'ensemble sur la façon dont se présente le référendum, avant de vous dire un mot sur l'organisation du travail du Conseil. L'hypothèse "dramatique" qu'aurait constituée l'existence d'un écart infime entre le "OUI" et le "NON" nous obligeant à éplucher dans le détail tous les procès-verbaux est conjurée : les chiffres définitifs, je veux dire y compris les Français établis hors de France, du ministère de l'intérieur font état d'un écart de 539.894 voix. Compte tenu de l'existence de 55 000 bureaux de vote, même en admettant deux à trois irrégularités pour chacun d'eux, nous sommes très en deçà du "seuil critique". Il appartient donc seulement au Conseil de comptabiliser et officialiser les résultats à partir des travaux des commissions de recensement et de faire le tri, parmi les réclamations, afin de stigmatiser les comportements dont la censure revêtirait une valeur pédagogique. En 1988, le Conseil en avait retenu trois. A l'heure où je vous parle, on ne m'a signalé qu'un seul cas justiciable d'une éventuelle censure : il concerne deux communes de la Martinique.

Comment se déroule le travail du Conseil constitutionnel ? En trois phases. La première n'est pas la plus simple sur le plan pratique : il s'agit de rassembler tous les résultats. A 10 h 32, les résultats de 83 départements nous étaient parvenus, 22 étaient encore attendus. Pour l'anecdote, je signale quelques cas curieux pour un pays aussi "moderne" que le nôtre : pour l'Yonne, le chauffeur apportant les résultats n'était pas parti, il a fallu rappeler le préfet ; en Saône-et-Loire, le sac a été perdu, puis retrouvé ; de même pour le Tarn. Il y a quelques retards sur les lignes d'Air Inter. Le délégué du Conseil constitutionnel en Guyane, Monsieur TOUTEE a trois heures de retard par rapport aux prévisions et se trouverait, aux dernières nouvelles, à Lima... L'objectif que s'était fixé la Poste de nous faire parvenir tous les résultats, excepté l'outre-mer, pour mardi 22 à 9 heures n'aura pas été atteint ; mais il n'y a pas lieu d'incriminer sérieusement ce service public.

La deuxième phase est celle de l'instruction, et mobilise deux séries de personnes. D'une part, des attachés d'administration du ministère de l'intérieur qui refont les totaux des commissions de recensement, et appellent éventuellement l'attention des rapporteurs adjoints auprès du Conseil constitutionnel. Ce sont ces derniers qui sont en charge de l'examen des réclamations éventuellement portées sur les procès-verbaux, parmi lesquelles ils trient celles qui mériteraient de vous être dévolues. Une fois leur conviction forgée sur les chiffres, au vu du travail des calculateurs, et sur le sort à réserver aux réclamations, ils viennent rapporter devant le Conseil, en lui proposant d'avaliser une fiche de résultats. Une fois cet aval donné département par département, les totalisations d'ensemble sont effectuées par deux tabulatrices. Il vous appartiendra donc de statuer sur chaque département et de voir, dans chaque cas, s'il convient de donner suite aux réclamations mises en exergue par les rapporteurs adjoints. Dès ce matin, le Conseil peut envisager, au rapport de Monsieur LEFOULON, l'examen des résultats de sept départements, et de deux autres, au rapport de Madame DENIS-LINTON. Il pourrait ensuite y avoir une suspension de vos travaux. Puis reprise, à 14 h 30, pour un certain nombre de départements sur les rapports de Madame BAZY-MALAURIE puis de Monsieur ABRAHAM. Une nouvelle suspension serait alors envisageable, suivie d'une reprise de la séance probablement vers 17 heures.

Monsieur le Président : Sommes-nous prêts sur la requête de Monsieur MAZEAUD ?

Monsieur le Secrétaire général : Son examen était envisagé demain à 10 heures

Monsieur le Président : On pourrait prendre l'affaire entre 15 h 30 et 17 heures, quitte à ne voter qu'après l'adoption de la proclamation des résultats du référendum...

Monsieur ROBERT : Pour moi, je suis prêt.

Monsieur le Président : Alors il faut distribuer le projet.

Monsieur le Secrétaire général : Le Conseil l'examinerait donc après les interventions de Madame BAZY-MALAURIE et de Monsieur ABRAHAM ?...

Monsieur le Président : Oui. 

Monsieur le Secrétaire général : Demain, le Conseil pourrait peut-être reprendre à 11 heures...

Monsieur le Président : Tout dépend s'il y a du matériau nouveau...

Monsieur le Secrétaire général : Certainement, mais l'examen des départements sans problèmes ne demande pas plus que quelques minutes. Le mieux serait peut-être de commencer à 11 heures, puis de reprendre à 14 h 30 -étant entendu que demain comme aujourd'hui un buffet a été prévu à l'heure du déjeuner-.

Monsieur le Président : Moi, je préférerais 10 h 30... Même si nous proclamons tard mercredi soir, peu importe : la France n'attend pas après nos chiffres précis ; on connaît les résultats ; quand on va dire : c'est un "OUI", les gens ne vont pas retenir leur souffle ! Il y aura un petit communiqué dans "Le Monde", et voilà tout. C'est un travail de précision indispensable mais indifférent ; dès lors évidemment qu'il n'y a pas que 20 ou 30 000 voix d'écart... Bien, allez, on commence.

(Monsieur LEFOULON, rapporteur adjoint, est introduit dans la salle des séances).

Monsieur le Président : Bonjour, Monsieur le conseiller, bienvenue, merci de participer à ces travaux importants mais ingrats ; je vous en prie... S'il y a des difficultés, vous nous les expliquez, sinon le Conseil constitutionnel a une confiance absolue dans ses rapporteurs adjoints.

Monsieur LEFOULON : Monsieur le Président, je livre à votre examen les résultats de sept départements, dans l'ordre de leur arrivée au Conseil constitutionnel :

- le département de Paris n'appelle aucune observation particulière. Les chiffres sont concordants, sous la seule réserve de l'existence de 685 bulletins trouvés en plus au fond des urnes par rapport au nombre d'émargements -ce qui ne représente, en pourcentage, que 0,07 %. C'est un problème qui se retrouve dans plusieurs départements. L'anomalie a été parfois corrigée par les commissions de recensement de la manière suivante : lorsque le nombre de bulletins était ainsi supérieur au nombre d'émargements, elles ont procédé à la réduction à due concurrence du premier nombre ; en cas d'écart pour un chiffre pair, il y a une réduction d'autant de "OUI" que de "NON" ; en cas d'écart impair, il y a eu en outre réduction supplémentaire d'un "OUI" ou d'un "NON", selon la majorité dégagée dans l'espèce. Cela n'a pas été fait à Paris : reste que le caractère modeste de l'écart n'est pas de nature à entacher la sincérité du scrutin.

Monsieur le Président : Qu'en pensez-vous ?

Monsieur FABRE : Du moment qu'on trouve un bulletin dans l'urne, c'est que quelqu'un l'y a mis et que l'émargement a été mal fait. Il faut prendre ce qui est dans l'urne.

Monsieur le Président : Sauf si ça excède une fourchette de 5 %, auquel cas on serait en présence d'un "bourrage"...

Monsieur FAURE : Je vois aussi les choses comme ça. Jusqu'à il y a peu, c'est le bureau de vote qui émargeait ; maintenant, c'est l'électeur... et il peut y avoir des étourderies, un peu de presse, les gens s'éclipsant sans avoir signé... 0,07 %, c'est infime.

Monsieur le Président : Alors, on ne retranche rien... Oui, mais toutes les commissions n'ont donc pas la même approche de cette question...

Monsieur LEFOULON : Certaines commissions semblent, en effet, avoir leur propre jurisprudence. Il y a le mécanisme que j'ai exposé...

Monsieur ABADIE : Il peut y avoir des cas où un très faible écart suffit à changer le résultat. J'ai dans l'esprit le cas d'élections municipales en Corse : une différence d'une, deux ou trois voix peut changer le résultat, même si cela représente très peu par rapport aux suffrages exprimés. A trop laisser la bride sur le cou aux commissions de recensement, on risquerait d'aboutir à des modifications de résultats pour d'autres élections que référendaires...

Madame LENOIR : Il faut s'en tenir à la règle du droit électoral selon laquelle l'irrégularité s'apprécie au regard des écarts dans le résultat. L'anomalie est ici en tout état de cause indifférente.

Monsieur le Président : Certes, mais la question est celle de l'uniformisation. Faut-il rectifier l'approche de certaines commissions ? Ou laisse-t-on le pluralisme des méthodes ? Certes, il ne s'agit pas de faire des observations aux commissions, mais adopte-t-on, nous, un seul critère ?

Monsieur FAURE : Le cas envisagé par Monsieur ABADIE n'a rien à voir avec le cas présent ; sa remarque ne vaut que dans le cadre d'un scrutin uninominal. L'impact, ici, serait au pire de changer la liste des départements qui ont voté "OUI" et de ceux qui ont voté "NON"... Je suis d'avis que nous acceptions les deux méthodes...

Monsieur le Président : Admettons-nous plusieurs méthodes ou décidons-nous, pour la totalisation du Conseil, de choisir la méthode A ou la méthode B ?

Monsieur le Secrétaire général : Je crois devoir attirer l'attention du Conseil sur la difficulté qu'il y aurait à procéder à la totalisation au niveau national de tous les  écarts apparus entre bulletins et émargements ; les commissions ont souvent "coupé la poire en deux" sans aucune base scientifique. Vouloir rétablir les choses dans toute leur pureté représenterait un travail considérable pour un résultat qui ne le mériterait pas étant donné l'écart final entre le "OUI" et le "NON".

Monsieur LATSCHA : La réduction par moitié est en effet parfaitement arbitraire. Il faudrait, dans nos observations générales, recommander l'adoption d'une méthode unique.

Monsieur FABRE : Si l'une des méthodes adoptées était bonne, on pourrait l'imposer. Mais les deux sont mauvaises. Je suis partisan de laisser passer...

Monsieur RUDLOFF : Le partage en deux ne signifie rien.

Monsieur le Président : Le problème pour nous est de savoir si on dégage une règle unique. Combien de commissions ont adopté le système du partage ?

Monsieur LEFOULON : Sur les 7 départements que je vous présente ce matin, il y en a deux.

Monsieur le Président : Décidons-nous de réimputer chaque fois que la commission aura partagé ?

Monsieur CABANNES : Laissons leur autonomie aux commissions.

Monsieur FAURE: Il y aura des législatives bientôt, et là ce système ne serait pas acceptable.

Monsieur le Président : Je ne suis pas pour le laisser-faire. Il faut rétablir en cas de partage par moitié. Ce serait complexe ?

Monsieur LEFOULON : Monsieur le Président, complexe, non, mais fort lourd. Alors surtout que si certaines commissions se sont expliquées sur la façon dont elles ont procédé, ce n'est pas le cas de toutes...

Monsieur le Président : Ah, ça c'est une grave difficulté..! Bon, pour cette fois, laissons passer... Mais pour les législatives, il nous faudra alerter les services du ministre de l'intérieur sur le fait qu'il n'est pas question d'utiliser cette méthode.

Monsieur ABADIE : Il va nous demander quelle méthode il convient d'adopter.

Monsieur FAURE : C'est très simple : des suffrages exprimés, vous défalquez les bulletins trouvés en excédent et vous les enlevez à celui qui a le plus de voix. 

Monsieur le Secrétaire général : Pour les votants à Paris, s'agit-il des bulletins ou des émargements ?

Monsieur LEFOULON : La commission a retenu le nombre de bulletins.

Monsieur le Secrétaire général : Très bien.

Monsieur LEFOULON : J'en viens, Monsieur le Président, au Val-d’Oise. Les chiffres sont conformes. Aucune observation sauf l'incident survenu dans la commune d'Argenteuil où un électeur énervé a introduit de force son bulletin dans l'urne ; aisément repérable, celui-ci en a été extrait et compté nul ; la suite des opérations électorales s'est déroulée normalement.

S'agissant de la Moselle, à signaler seulement la validation par la commission de 12 bulletins : marquées "vide", les enveloppes comportaient en réalité un bulletin et donc l'expression d'un suffrage ; à quoi s'ajoute, sur le procès-verbal du canton de Thionville-Est, une observation faisant état de ce qu'à 8 heures du matin étaient apposées sur les panneaux officiels des affiches d'un "Mouvement Initiative et Liberté", ne faisant pas partie des organisations politiques habilitées. Mais, compte tenu des suffrages exprimés dans le canton en question -611-, cet affichage sauvage ne peut être regardé comme ayant eu d'incidence. Je vous propose de ne pas en tenir compte.

Monsieur le Président : Très bien.

Monsieur LEFOULON : Pour les Yvelines, je n'ai strictement rien à signaler.

Pour l'Oise, ce département a donné quelques difficultés aux calculateurs. Le procès-verbal de recensement général des votes n'est pas rempli. La méthode que j'ai décrite a été utilisée, affectant 31 communes. Aucune enveloppe ou bulletin n'est joint au dossier. Au total, trois "OUI" ont été retranchés et cinq "NON" ajoutés.

Monsieur le Secrétaire général : Il semble que ce soit présenté le cas de l'existence de plusieurs bulletins dans une même enveloppe. La règle est alors que le pli est nul si les bulletins sont de sens différents et qu'il ne compte que pour une voix dans le cas de bulletins de sens identique. Mais, évidemment, encore faut-il avoir procédé à un décompte préalable des enveloppes : sinon, comme ici, on est gêné. Le président de la commission a procédé à un partage sans base scientifique ; mais cela ne portait à chaque fois que sur cinq à six suffrages...

Monsieur LEFOULON : En Seine-et-Marne, il y a eu un peu plus de problèmes. Les résultats globaux sont exacts. Mais les délégués du Conseil constitutionnel ont eu quelques difficultés, qui sont consignées sur les procès-verbaux. Ils n'ont pas été en mesure de visiter tous les bureaux de vote, mais ont pu relever un certain nombre d'anomalies, qui ne semblent pas toutefois de nature à entacher les résultats : l'insuffisance, dans certaines communes, du nombre d'isoloirs compte tenu du nombre d'électeurs inscrits (mais chaque fois la marge enregistrée interdit d'y voir, selon la jurisprudence, une atteinte au secret du vote) ; des émargements de la liste avant le passage dans l'isoloir ; un nombre de personnes composant le bureau de vote inférieur à trois ; le regroupement de plusieurs bureaux de vote sur un seul site, d'où a pu découler une certaine confusion ; le déménagement en catastrophe d'un bureau et d'une urne à Coulommiers en raison de... l'attaque d'un essaim de guêpes ; et ici encore le système de balancier pratiqué par la commission, d'où résulte la soustraction finale de 16 "OUI" et 21 "NON", donc un solde de cinq.

Monsieur le Président : Bien, bien...

Monsieur LEFOULON : Pour le Calvados, la chronique a été défrayée par le maire de Domjean qui a refusé d'ouvrir le bureau de vote pour protester contre le refus de l'administration des postes d'implanter dans la commune une boîte-à-lettres... Le directeur de l'administration à la Préfecture a été désigné par le Préfet pour présider le bureau constitué d'office, qui a fonctionné normalement < (2) Cette référence figure également en ce qui concerne la Manche, dans laquelle se trouve effectivement le village de Domjean (report p. 27) J.P.C.>(2). L'absence d'opacité de certaines enveloppes a été en outre signalée. J'ajoute quelques petites anomalies : un deuxième assesseur était parti, dans telle commune, avant que n'arrive le délégué du Conseil -irrégularité vite réparée- ; à Falaise, une pièce d'identité n'était pas toujours exigée ; la commission a été amenée à opérer quelques redressements, surtout relatifs à des bulletins multiples dans des enveloppes déposées dans l'urne par des personnes âgées. Voilà, Monsieur le Président.

Monsieur FAURE : L'absence d'opacité des enveloppes, c'est assez grave.

Monsieur le Président : Monsieur le Secrétaire général, sur ce point ?

Monsieur le Secrétaire général : La question s'était déjà posée en 1988 : les enveloppes, de couleur orange, n'étaient pas assez opaques. Pour ce référendum, j'ai fait observer, lors d'une réunion à Matignon, qu'il faudrait un jaune d'un ton soutenu. En réalité, il est plutôt pâlot, et il faut plier le bulletin en deux si l'on veut éviter tout effet de transparence. Le ministère de l'intérieur se retranche derrière la nécessité de changer de couleur d'une élection à l'autre afin d'éviter les fraudes.

Monsieur LATSCHA : Ils n'ont qu'à augmenter l'épaisseur du papier.

Monsieur le Secrétaire général : Les questions de coût entrent aussi en jeu...

Monsieur le Président : Monsieur le rapporteur, nous vous remercions.

(Monsieur LEFOULON quitte la salle des séances et cède la place à Madame DENIS- LINTON).

Monsieur le Président : Bonjour, Madame le rapporteur. Nous vous écoutons avec délices...

Madame DENIS-LINTON : Monsieur le Président, je vous soumets l'examen des résultats du référendum dans deux départements, l'Essonne et le Loiret.

Pour l'Essonne, il y a 646.042 inscrits, 468.088 votants -soit 28 % d'abstentions-, les suffrages exprimés s'élèvent à 456.539 ; on trouve un écart de 40.700 voix en faveur du "OUI" qui représente 54 % des suffrages exprimés. Aucune réclamation ne figure sur les procès-verbaux. En revanche, la commission a fait deux observations qui méritent qu'on s'y arrête un instant : d'abord le manque d'opacité des enveloppes permettait par transparence de connaître le sens des votes en violation de l'article R. 54 du code électoral ; en second lieu, dans sept communes, il n'a pas été procédé au décompte des enveloppes et éventuellement des bulletins sans enveloppe comme le prescrit l'article 12 du décret du 6 août 1992 portant organisation du référendum. Mais vous avez jugé (8 janvier 1963. Elections législatives Seine, Rec. p. 50) que l'irrégularité tenant à l'omission de vérification du nombre des enveloppes, dès lors qu'il n'est pas allégué qu'elle ait eu pour effet de faciliter des fraudes ou des erreurs de calcul -et ce n'est pas allégué en l'espèce- ne modifie pas le résultat.

Je vous propose, au total, d'entériner les résultats de la commission de l'Essonne.

Monsieur le Président : ... Messieurs ?... Très bien...

Madame DENIS-LINTON : Dans le Loiret, 74 % des électeurs inscrits ont participé au vote ; les suffrages exprimés représentent 96 % des votes. Le "NON" l'a emporté de 5 % sur les "OUI" dans ce département rural. Les décomptes effectués n'appellent pas d'observation. Plusieurs présidents de bureaux ont attiré l'attention des délégués sur l'insuffisante opacité des enveloppes. J'ajoute l'existence, sur un procès-verbal, d'une réclamation d'électeur, confirmée par un délégué du Conseil constitutionnel : à l'intérieur du bureau de vote n° 24 de la ville d'Orléans, des panneaux portaient les inscriptions suivantes : "Oui à l'Europe" ; "l'Europe, une chance pour nous", et on constatait la présence d'un drapeau européen. Il s'agissait d'affiches et de matériel scolaires, qui auraient dû être retirés avant l'ouverture du bureau. Je vous propose de considérer que cette irrégularité n'a pas été de nature à influer sur le score final. Et, au total, de confirmer les résultats proposés par la commission départementale de recensement du Loiret.

Monsieur le Président : Parfait. Merci. 

La séance est levée à 12 heures.

-0O0-

La séance est reprise à 14 h 50.

(Madame BAZY-MALAURIE pénètre dans la salle des séances et prend place à la table des rapporteurs-adjoints).

Monsieur le Président : Madame, merci d'avance, nous vous écoutons avec plaisir.

Madame BAZY-MALAURIE : Monsieur le Président, pour le département de l'Aisne, je n'ai rien à signaler, sauf que l'on s'est plaint -mais ce département n'est pas le seul dans ce cas- de lots d'enveloppes qui étaient manifestement trop transparentes.

Monsieur le Président : Le Conseil a déjà noté ce problème, et se réserve de faire des observations s'y rapportant.

Madame BAZY-MALAURIE : Pour l'Eure-et-Loir, rien de significatif non plus. La commission n'a pas tenu compte de 2 ou 3 bulletins en quantité supérieur aux émargements ; c'est marginal. Ce problème se retrouve dans d'autres départements, avec, suivant le cas, des attitudes très différentes des commissions, certaines signalant la question, d'autres pas, et avec des méthodes de rectification qui ne sont pas toujours identiques et... pas toujours très cohérentes. Mais cela ne porte toujours que sur très peu de voix.

Monsieur le Président : Bien...

Madame BAZY-MALAURIE : Pour la Vienne, rien à signaler, sauf 24 bulletins en plus que les émargements, sur lesquels on peut passer. Idem pour la Seine-Saint-Denis, s'agissant de 41 bulletins. Mais deux protestations sur procès-verbal doivent être signalées. D'abord celle de Monsieur MEYET, qui joint une véritable réclamation devant le Conseil constitutionnel en reprenant pour l'essentiel l'argumentation développée par lui devant le Conseil d'Etat (3) , à quoi il ajoute une critique de la rédaction de l'exposé des motifs du projet de loi en tant qu'il comporte quatre lignes finales appelant à voter "OUI", et une contestation relative à la délivrance de procurations à certains électeurs retraités qui avaient procédé à des réservations de vacances en septembre avant le 1er juillet. Je voulais vous signaler que cette pugnacité bien connue de Monsieur MEYET s'est donc exercée...

Monsieur le Président : Entendu...

Madame BAZY-MALAURIE : Quant au deuxième électeur, il reprend l'argument relatif à l'exposé des motifs et s'indigne de l'intervention dans la campagne du Chancelier Kohl...

S'agissant des Hauts-de-Seine, rien à signaler sauf quelques communes où un ou deux bulletins en sus des émargements ont été constatés.

Monsieur le Président : Bien...

Madame BAZY-MALAURIE : En Seine-Maritime, l'écart est un peu plus affirmé : 92 bulletins en plus... Pour la première fois, on note aussi un écart -de 31 voix- entre le nombre de bulletins décomptés et le nombre d'enveloppes, tenant à ce que des bulletins étaient collés les uns les autres : le partage n'a pas été fait ; si le Conseil le souhaitait, on pourrait le faire... J'ai noté, une nouvelle fois, la question de l'opacité des enveloppes ; il y a eu également quelques problèmes d'inscriptions sur les listes, qui ont été tranchés par la commission ; enfin quelques listes d'émargement ont été remplies sur du papier auto-carbone, ce qui a eu un effet de duplication sur les pages suivantes... Voilà, Monsieur le Président.

Monsieur le Président : Des questions ?... Non ?... Merci pour tant de précisions...

Madame BAZY-MALAURIE : Vient ensuite l'Orne : trois bulletins de plus que les émargements et de nombreuses protestations de retraités en vacances n'ayant pu voter par procuration. Rien à signaler pour le Tarn-et-Garonne, même pas de discordance entre bulletins et émargements, ce dont on finit par s'étonner...

Monsieur le Président : Très bien, merci.

(Madame BAZY-MALAURIE cède la place à Monsieur Ronny ABRAHAM).

Monsieur le Président : Monsieur le rapporteur, bonjour, nous vous écoutons.

Monsieur ABRAHAM : Monsieur le Président, d'abord le Doubs, où le "OUI" est arrivé en tête, aucune réclamation sur procès-verbal n'est à signaler. La commission n'a formulé aucune observation. Les opérations de vote se sont déroulées sans incident. Je vous propose la confirmation pure et simple des chiffres de la commission de recensement. 

Dans le Loir-et-Cher, le "NON" est majoritaire à 54 %. Pas de réclamation sur procès-verbal. La commission a seulement fait état de ce que certaines petites communes n'ont pas procédé à la communication des bulletins blancs et nuls annexés aux procès-verbaux ; mais sans qu'il y ait sur ce point matière à redressement.

Pour la Côte-d'Or, de même : pas de réclamation, pas de remarque particulière sauf un nombre d'émargements très légèrement (9 unités) supérieur au nombre de bulletins, ce qui ne tire pas à conséquence sérieuse.

Pour le Rhône, pas de réclamation au procès-verbal et, en sens inverse, quelques bulletins en plus par rapport aux émargements : donc pas davantage de conséquences.

S'agissant de l'Ariège, je n'ai strictement rien à signaler.

Dans l'Aude, la commission signale l'utilisation dans six petites communes de quelques enveloppes de couleur orange : les présidents concernés ont fait valoir qu'ils ne possédaient pas d'enveloppes de couleur jaune en nombre suffisant. L'incident n'est naturellement pas de nature à justifier une modification des résultats du scrutin.

Pour le Gers, il y a deux observations mineures à faire : à Estang, où il y a 627 inscrits, 2 personnes ont voté sans être inscrites sur les listes électorales ; d'autre part, le Président du tribunal de grande instance a attiré l'attention sur un petit incident qui s'est produit dans un bureau de vote d'Auch : des témoins ont constaté la présence dans l'urne d'un bulletin... d'un candidat aux dernières élections cantonales. Des protestations se sont élevées. La "Dépêche du Midi" a fait grand cas de l'affaire ; on a demandé l'annulation pure et simple des résultats du bureau de vote ; on n'est pas allé jusqu'à contester l'issue finale du référendum... Je crois que, quant à vous, vous ne tirerez aucune conséquence de ce bulletin pirate...

Reste la Somme : sur quatre procès-verbaux, des électeurs portent une réclamation identique, consistant à dénoncer la présence, dans une salle adjacente à celle du bureau de vote, d'une urne tendant à recueillir des dons en faveur de la Yougoslavie...

Monsieur le Président : Par curiosité, dans la pensée des donateurs, la Yougoslavie, c'est quoi ?

Monsieur ABRAHAM : Monsieur le Président, on n'en sait rien ; on sait seulement qu'il s'agissait de dons humanitaires.

Monsieur le Président : Très bien, Monsieur le rapporteur, merci.

(Monsieur ABRAHAM quitte la salle des séances). 

-oOo-

Monsieur le Président : Eh bien, Monsieur le rapporteur, c'est à vous sur cette question intéressante (4) .

Monsieur ROBERT : Monsieur le Président, mes chers collègues, à peine 20 heures avait-il sonné aux horloges dimanche 20 septembre dernier, et les premières estimations sur les résultats du référendum étaient-elles tombées, que Monsieur MAZEAUD, avec sa diligence habituelle, nous saisissait déjà, en même temps que 62 de ses collègues députés R.P.R., de la constitutionnalité de la loi référendaire. Nous ne nous situons donc pas ici dans le cadre de notre contrôle de l'article 60 : nous sommes dans le cas où Gaston MONNERVILLE avait mis le Conseil constitutionnel en 1962, ayant abouti à la décision du 6 novembre de cette année-là. Avant toutes choses, je voudrais vous prier de m'excuser de ne vous avoir fait tenir mon projet de décision qu'aussi tard, mais la saisine elle-même ne date que de dimanche soir. D'abord, je vous exposerai les arguments de la saisine, en ce qui concerne surtout la compétence du Conseil, quitte à m'en tenir à une vue globale en ce qui concerne le fond - fond sur lequel, du reste, nous avons déjà statué-.

On nous dit : le Conseil constitutionnel est compétent pour connaître de la conformité à la Constitution d'une loi référendaire, et ce, tant pour des raisons de texte que pour des raisons de politique jurisprudentielle.

S'agissant des textes, les saisissants en avancent deux. Ils font en premier lieu bien remarquer que l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, vise "les lois" sans aucune restriction, qu'elles soient parlementaires ou référendaires. Ensuite, ils insistent sur ce que l'article 11, alinéa 2, du texte constitutionnel prévoit la promulgation de la loi référendaire par le Président de la République : et d'en déduire que celle-ci a donc le même régime juridique que la loi parlementaire et que donc il n'y a pas de raison qu'elle ne puisse, comme cette dernière, être, avant la promulgation, déférée au Conseil constitutionnel.

S'agissant des arguments de politique jurisprudentielle, les requérants disent connaître bien entendu la décision d'incompétence du 6 novembre 1962. Mais, ajoutent-ils, les choses, depuis, ont changé. D'abord, il s'agissait alors d'une loi constitutionnelle, alors que la loi référendaire d'aujourd'hui est une loi "ordinaire", d'autorisation de ratifier un engagement international. Ensuite, au cours des trente ans qui ont passé, le Conseil constitutionnel, dit-on, a élargi son contrôle : il n'est plus seulement le régulateur de l'activité des pouvoirs publics ; il est devenu le 
garant de l'ensemble de l'ordre juridique ; sa saisine a été élargie en 1974, puis encore en 1992 pour ce qui est de l'article 54 de la Constitution. Le statut même de la loi référendaire, ajoute-t-on, a évolué, puisque depuis juin 1976, il est admis qu'elle puisse être modifiée par une loi ordinaire : en présence de normes ayant la même valeur juridique, pourquoi les contentieux seraient-ils différents ? On précise en outre que lors de la réforme constitutionnelle de 1974, il n'a jamais été indiqué que l'ouverture de la saisine à une minorité de députés ou de sénateurs ne concernait que les lois parlementaires. Enfin, "l'esprit" de la Constitution, invoqué par la décision du 6 novembre 1962 ne serait plus aujourd'hui le même qu'à l'époque. Voilà pour les moyens tendant à vous persuader que nous sommes compétents.

Je dis ensuite un mot du fond : la contrariété à la Constitution résulterait de trois raisons. D'abord, l'article 11 ne pouvait être utilisé, l'engagement international en cause ne pouvait avoir "d'incidence sur le fonctionnement des institutions" - autant vous dire tout de suite que nous n'aurions pas de mal à faire litière de cet argument si nous devions aborder le fond. En deuxième lieu, la procédure référendaire aurait été viciée par des irrégularités intervenues dans la campagne - mais de cela nous ne pouvons connaître que dans le cadre de la mission qui nous est impartie par l'article 60 de la Constitution. Enfin, il y aurait contrariété avec les articles 53 et 55 de cette dernière : le "non" danois a rendu le traité sur l'Union européenne inapplicable et obsolète et a eu pour effet que la condition de réciprocité n'est plus satisfaite - nous avons déjà été amenés à répondre sur ce point dans notre décision n° 92-312 DC du 2 septembre 1992.

J'aborde donc l'essentiel, le problème de notre compétence. En premier lieu, les arguments de texte. Certes, en vertu de l'article 10 de la Constitution, le Président de la République promulgue les lois et donc aussi les lois référendaires ; et l'article 61, alinéa 2, ne vise que "les lois" en général, sans faire aucune distinction. Mais il ne faut pas oublier deux dispositions de la loi organique relative au Conseil constitutionnel, dont il est d'ailleurs fait mention dans notre décision du 6 novembre 1962: il s'agit, d'une part, de l'article 17, qui ne fait état que des "lois adoptées par le Parlement", et, d'autre part, de l'article 23 qui dispose qu'en cas de contrariété à la Constitution d'une disposition qui n'est pas inséparable de la loi déférée, le Président de la République peut soit promulguer le reste de cette loi, "soit demander aux chambres une nouvelle lecture". Ainsi nous avons deux catégories de textes : constitutionnel, qui vise les lois de façon globale ; organique, qui n'attribue compétence au Conseil que pour les lois parlementaires. Est-ce que la compétence du Conseil constitutionnel peut être modifiée par le< je crois qu'il faut laisser les fautes d'origine, ici, il est écrit dans le fichier PDF ''LE''> loi organique ? A propos de la Haute Cour sous les IIle et IVe Républiques, le doyen Vedel indiquait, en 1948, que la compétence de cette institution, telle que fixée par la Constitution, ne pouvait être modifiée que par une révision constitutionnelle : il faisait notamment valoir que la constitution de 1945 ne renvoyait à la loi ordinaire que pour l'organisation de la cour, mais que tel n'était pas le cas pour sa compétence, qui relevait donc du constituant. L'article 63 de la Constitution de 1958 renvoie à la loi organique la
détermination des règles d'organisation et de fonctionnement ainsi que de la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel, mais ne procède à aucun renvoi de ce genre pour ce qui est de sa compétence. F. Luchaire a pu en déduire que la loi organique pourrait à la rigueur étendre la compétence du Conseil constitutionnel, mais pas la réduire.

Si l'on se trouve du côté de la jurisprudence, on peut relever deux indications. La décision n° 71-46 DC du 20 janvier 1972 (rec. p  21) reconnaît à un texte de loi organique le pouvoir de déterminer sur le fondement de l'article 25 de la constitution, non seulement les cas d'incompatibilités, mais encore l'autorité chargée d'exercer le contrôle de l'observation des prescriptions qui en découlent et en particulier de statuer sur la situation des parlementaires au regard du régime des incompatibilités ; il est logique que le Conseil constitutionnel, juge des élections, soit également compétent pour statuer sur les incompatibilités. Par ailleurs, notre décision n° 90-273 DC du 4 mai 1990 (rec. p. 55), vu la loi organique relative au financement des campagnes, admis que ce texte pouvait conférer à une autorité administrative, la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, le pouvoir de saisir le Conseil constitutionnel aux fins du prononcé par celui-ci de l'irrégularité non seulement d'élus mais encore de candidats. Il faut donc admettre que notre jurisprudence autorise l'extension par la loi organique de la compétence du Conseil constitutionnel. Mais est-ce que la loi organique peut restreindre cette compétence ? La décision de référence est ici celle du 6 novembre 1992 (n° 62-20 DC, rec p. 27). Elle pose nettement le principe que la compétence du Conseil constitutionnel est déterminé non seulement par la Constitution, mais aussi par la loi organique, le Conseil ne pouvant se prononcer sur d'autres cas que ceux qui sont limitativement prévus par ces deux catégories de textes. La décision, ensuite, souligne que certes l'article 61 ne précise pas que la compétence du Conseil est limitée aux seules lois votées par le Parlement ; mais, ajoute-t-elle, il résulte de l'esprit de la Constitution qui a fait du Conseil constitutionnel un organe régulateur de l'activité des pouvoirs publics, que tel est le cas et que cette compétence ne s'étend pas aux lois adoptées par le Peuple à la suite d'un référendum, qui constituent l'expression directe de la souveraineté nationale. Voilà l'apport fondamental : l'esprit de la Constitution s'oppose à ce que le Conseil contrôle l'expression directe de la souveraineté nationale. Cette interprétation est enfin doublement étayée par la décision, qui d'abord souligne que ni l'article 60 ni l'article 11 ne prévoient de formalité entre l'adoption de la loi référendaire et sa promulgation par le Président de la République, et fait ensuite référence aux articles 17 et 23 de l'ordonnance organique relative au Conseil, dont j'ai tout à l'heure rappelé le contenu. Rassemblant tous ces arguments à la fois, la décision du 6 novembre 1962 aboutit à l'incompétence du Conseil pour connaître de la conformité à la Constitution d'une loi référendaire.

J'ai hésité, lors de la rédaction de mon projet entre deux formules. Pressé par le temps, je vous ai soumis un texte qui "colle" autant que faire se peut à la décision 
de 1962, que je ratifie. Trente ans après nous ne bougeons pas sur le fond. Mais on pourrait aussi songer à une rédaction prenant appui sur deux points d'encrage : rappelant que nous ne sommes compétents, en matière de référendum, en vertu de l'article 60 de la Constitution, que pour contrôler la régularité des opérations, puis repoussant, par conséquent, notre compétence s'agissant de contrôler le fond de l'expression populaire de la souveraineté nationale. On montrerait qu'il nous revient seulement d'apprécier si les opérations ont été organisées de telle manière que le peuple s'exprime de manière régulière, mais que nous ne sommes pas juges de ce qu'il a dit dans son expression la plus solennelle.

En tout état de cause, nous opposerons donc notre incompétence aux prétentions de la saisine. Je n'aborde donc que pour mémoire le fond : comment peut-on dire qu'il n'y a pas d'incidence sur le fontionnement des pouvoirs publics, alors qu'une révision constitutionnelle a été nécessaire ; sur les irrégularités de la campagne, la seule procédure possible est celle définie à l'article 50 de l'ordonnance organique sur le Conseil constitutionnel ; quant au "non" danois, notre décision du 2 septembre 1992 a déjà très nettement tranché la question.

Voilà, M. le Président, les quelques mots que je souhaitais dire sur cette saisine.

M. le Président : Merci, M. le Professeur, de ce rapport très clair et très brillant ... J'avoue ne pas bien saisir les motivations de M. Favoreu : quelle pensée l'anime ? ou veut-il en venir ?..!

M. le Secrétaire Général : Paul Giro a eu l'occasion de le rencontrer vendredi dernier à l'occasion du colloque annuel qu'il organise à Aix-en-Provence...

M. le Chargé de Mission au service juridique : M. le Président, je ne suis pas certain qu'une véritable pensée directrice anime M. Favoreu. J'ai plutôt l'impression qu'il s'agit de recours pour le goût des recours... On fait produire au Conseil constitutionnel, chaque fois qu'on le peut, de la matière sur laquelle puisse se déployer de la glose universitaire...

Monsieur le Président : Je vois... Ce qui m'inquiète dans le système c'est la possibilité qui est laissée d'emprunter la voie référendaire pour éviter le contrôle constitutionnalité. Il faudrait pouvoir interdire ce champ possible de détournement par l'article 11...

Monsieur Faure : L'article 11 précise que l'engagement international ne doit pas être contraire à la Constitution...

Monsieur Robert : En l'espèce, il ne l'est pas, puisqu'il y a eu la révision.

Monsieur le Président : Mon hypothèse est celle dans laquelle le Président paraît adopter par référendum une loi qui, empruntant la voie parlementaire, tomberait à coup sûr sous la censure du Conseil constitutionnel.

Monsieur Rudloff : Par exemple la peine de mort.

Monsieur le Président : Exactement.

Monsieur Cabannes : Si on soumettait à référendum le rétablissement de la peine de mort...

Monsieur Robert : Ce n'est pas dans le champ de l'article 11...

Monsieur le Président : Mais s'il y avait intention de rendre constitutionnel ce qui ne l'est pas : une fois que le peuple s'est prononcé... Il vote ce qu'il lui plaît...C'est une grande habitude laissée au Président de la République...

Monsieur Robert : Vous prêtez à M. Favoreu des dessins tortueux...

Monsieur Latscha : Je me souviens que la position de Waline, lors du délibéré de la décision du 6 novembre 1962, était qu'à partir du moment où la Constitution comporte un mécanisme pour procéder à sa codification, le peuple avait délégué ses pouvoirs de ce point de vue et ne pouvait modifier la Constitution par la voie de l'article 11.

Monsieur Cabannes : Il nous faut songer à l'incidence de notre position dans l'hypothèse où serait instaurée l'exception d'inconstitutionnalité...

Monsieur le Président : Quoiqu'il en soit, que nous collions à la solution de 62, ou que nous adoptions la solution 2 évoquée par le rapporteur, il n'y a pas moyen de parer au risque dont je parle. Nul ne peut aller contre la volonté du peuple dès lors qu'elle s'est exprimée, selon une procédure régulière...

Monsieur Abadie : Il serait grave de nous priver d'un contrôle d'un éventuel détournement de l'article 11.

Monsieur le Président : Dans le contrôle de la régularité des opérations, ne pourrait-on pas intervenir sur la procédure, sur le champ procédural ?

Monsieur Robert : On ne pourrait le dire qu'a postériori, donc quand le peuple s'est déjà exprimé ; ce serait inopérant...

Monsieur Faure : Ca ne peut pas ne pas être inopérant. J'ai vécu l'épisode de la "forfaiture". Je présidais le Congrès quand Gaston Monnerville a prononcé le mot.

Il l'a prononcé à propos de la procédure choisie : l'article 11, en disant que la Constitution ne pouvait être révisée qu'au titre de l'article 89. Mais à ce stade, nous sommes en amont de l'opération électorale ; quand celle-ci est intervenue, portant ce qui est en aval -sauf à ce qu'une irrégularité formelle ait empêché que la volonté du peuple s'exprime régulièrement- nous ne pouvons plus rien. Pouvons-nous quelque chose en amont ? C'est ce que Monnerville a essayé de faire. Le chef de l'Etat a passé outre... Que pourrions-nous de plus en cas de circonstances identiques ?

Monsieur le Président : Je rappelle que dans son avis, le Conseil constitutionnel s'était prononcé contre le recours à l'article 11. Ça s'est su assez vite. Ça n'a pas empêché de Gaulle de persister dans son intention.

Monsieur Faure : Cette position était politiquement intéressante étant donné la composition du Conseil : il y avait tout de même deux anciens Présidents de la République.

Monsieur le Président : Il y a rapidement eu des indiscrétions de la presse.

Monsieur Faure : Une fois que le souverain s'est prononcé, il n'y a plus rien à faire.

Monsieur le Président : Il me semble ressortir de la jurisprudence de 1962 que si la Constitution ne fait pas entrer les lois référendaires dans le contrôle de constitutionnalité, elle pourrait tout aussi bien au contraire les y inclure. La démarche de la décision, c'est de dire : si le Conseil ne peut censurer la loi référendaire, c'est parce que l'esprit comme la lettre de la Constitution l'interdisent. Dans notre solution n° 2, on aboutit à la même conclusion, mais le fait que la loi référendaire ne soit pas censurable par le Conseil constitutionnel ne résulte pas seulement des dispositions de la Constitution, mais prend sa source dans la théorie de la souveraineté elle-même, dans un principe fondamental.

Monsieur Abadie : Dans votre esprit, cela nous laisserait la possibilité, dans nos avis, d'éventuellement déborder du champ purement organisationnel et de venir sur le terrain de la procédure...

Monsieur le Président : Si la voie choisie ne nous paraissait pas conforme, assurément dans notre avis, il nous appartiendrait de le dire au Président de la République...

Monsieur Faure : En somme comme en 1962...

Monsieur le Président : Exactement. Nous dirions : l'article 11 ne peut être en ce cas emprunté pour telle ou telle raison, vous êtes hors du champ... Mais en un deuxième temps, une fois le peuple néanmoins consulté, nous ne pourrions pas dire que la loi est inconstitutionnelle : le peuple se serait exprimé, il n'y aurait pas moyen d'aller, 
là, contre. Soit -c'est la solution de 62- parce que les textes sont ce qu'ils sont ; soit, -ce serait notre solution n° 2- parce que nul ne peut censurer, la volonté du peuple dès lors qu'elle s'est librement exprimée...

Madame Lenoir : A l'étranger, est-ce que les lois référendaires peuvent être entreprises par la voie de l'exception d'inconstitutionnalité ?

M. Le Secrétaire Général : En Italie, le contrôle intervient en amont : si le projet est contraire à un principe constitutionnel, et a fortiori supraconstitutionnel, la Cour s'y oppose.

Monsieur le Président : Dans l'hypothèse d'un détournement de procédure flagrant, pourrait-on considérer comme un élément les opérations préalables au Référendum nous permettant d'intervenir a postériori dans le cadre de l'article 60 ?

Monsieur Faure : Moi, je ne vois pas au terme de quelles constructions juridiques nous pourrions remettre en cause les résultats d'une consultation populaire au suffrage universel. Le peuple a voté "oui" : comment décider que ce n'est pas conforme à ceci ou cela ? Notre discussion est purement théorique. Le seul point où elle pourrait avoir un contenu concret, c'est celui de savoir s'il y aurait un moyen de contrôler au préalable la question posée autrement que sous la forme d'un avis.

Monsieur le Président : Moi, je pense que si on étend le champ du référendum, il sera indispensable, lors de la modification de la Constitution à cet effet,de prévoir un contrôle en amont du Conseil constitutionnel. Mais en l'état actuel des textes, il n'y a pas l'avis, sans qu'on puisse aller au delà et quant à introduire dans le contrôle de la régularité la question du champ du référendum, je ne le crois pas possible.

Monsieur Faure : Imaginez que le référendum sur la ratification du traité de Maastricht ait été organisé sans révision constitutionnelle préalable et que le peuple ait voté "oui"...

Madame Lenoir : Ce fut le cas en 1962.

Monsieur Faure : ...On n'annulerait pas !

Madame Lenoir : Je suis, quant à moi, réservée sur la motivation qui collerait par trop à la décision de 1962. Elle interdisait une évolution qui ferait entrer les lois référendaires dans le champ du contrôle du Conseil constitutionnel...

Monsieur le Président : Tandis qu'en se bornant à faire référence aux textes existants... 

Madame Lenoir : La démocratie évolue vers une consultation de plus en plus fréquente des gens, au détriment de la médiatisation par le Parlement. Ménageons un avenir allant vers plus de consultations populaires et où nous pourrions être appelés à jouer un rôle pondérateur...

Monsieur le Président : Il faut un contrôle préalable du Conseil. Mais quand le peuple a parlé, le juge se tait... On peut concevoir de garder le projet principal, quitte à le colorer un peu de la deuxième solution... En tout état de cause, je suis contre "l'esprit" de la Constitution ; nous ne faisons pas tourner les tables constitutionnelles... Et "l'organe régulateur de l'activité des pouvoirs publics", c'est une très mauvaise formulation !

Monsieur Cabannes : La loi référendaire étant susceptible d'être modifiée par la loi ordinaire, si cette dernière nous est déférée, nous violons le peuple souverain...

Monsieur Robert : L'article 3 de la Constitution met Parlement et peuple sur un même pied quant à l'expression de la souveraineté nationale.

Monsieur le Président : Mais au fait une différence de nature suivant que cette souveraineté s'exprime directement ou pas.

Monsieur Robert : La décision de 14 juin 1976 est contestable.

Monsieur le Secrétaire Général : La question est celle du domaine dans lequel intervient la loi référendaire : si ce domaine est constitutionnel, seule une loi constitutionnelle pourra venir la modifier ; s'il est organique, une loi organique pourra lui apporter des modifications ; et s'il relève de la loi ordinaire, celle-ci peut modifier la loi référendaire. En 1962, il s'agissait d'une loi référendaire sur la forme qui portait à la fois sur le domaine constitutionnel et sur le domaine organique.

Monsieur le Président : Je pose la question : le dernier considérant, relatif aux articles 17 et 23 de l'ordonnance organique est-il en "bronze" ?

Monsieur le Secrétaire Général : Dans la décision du 6 novembre 1962, il constitue un argument complémentaire. Le premier considérant précise que le Conseil constitutionnel a une compétence d'attribution, en mettant à l'époque sur le même plan la Constitution et la loi organique. Dans le deuxième considérant, est tranchée l'incertitude résultant de la lettre de l'article 61 de la Constitution au nom de l'esprit de cette dernière. Le troisième considérant est le premier à venir étayer cette solution, en indiquant que ni l'article 60, ni l'article 11 de la Constitution ne ménagent une intervention du Conseil constitutionnel. Le quatrième considérant renforce encore l'analyse, au niveau organique cette fois, en citant la lettre même des articles 17 et 23 de l'ordonnance de 1958 sur le Conseil. Enfin, vient la 
conclusion. Cette économie d'ensemble avait été approuvée par ceux-là mêmes qui étaient au fond d'avis contraire, notamment MM. Cassin et Coty.

Monsieur Faure : Le peuple a statué, nous n'avions rien à dire. Mais sur le texte adopté par le peuple, le Parlement peut revenir et alors nous redevenons compétent... Je trouve cela juridiquement boiteux.

Monsieur Abadie : Je vois un intérêt à ne motiver que par référence à la souveraineté populaire. Faire l'inverse, nous reposer sur l'interprétation des textes pourrait aboutir à nous priver, lors de notre consultation préalable, de la possibilité de nous exprimer sur le constitutionnalité de la question posée par le projet de loi référendaire. Il nous faut garder cette possibilité d'intervention au niveau de notre consultation préalable.

Monsieur le Président : Nous en avons le pouvoir.

Monsieur Abadie : Il me semble qu'avec la solution n° 1, on s'en prive...

Monsieur le Président : Faisons une pause pour réfléchir à tout cela...

(La séance est suspendue à 16 h 30. Elle est reprise à 16 h 35).

Monsieur le Président : Le Conseil me semble d'avis d'enlever du projet la référence à "l'esprit" de la Constitution et à notre préventive mission de "régulation" de l'activité des pouvoirs publics. Et il lui semble prudent de ne pas se borner à la souveraineté du peuple et de prendre appui sur les textes... Enlevant "l'esprit", on pourrait se borner à dire qu'il résulte de la Constitution que...

Monsieur Robert : Ou de "l'économie" générale de la Constitution.

Monsieur le Président : Et après : qu'à cet égard, l'article 60, etc...

Monsieur le Secrétaire Général : Il y a une petite difficulté tenant à ce que le début du 2e considérant énonce une incertitude, qu'il peut lever ; si ce n'est pas l'esprit, ce pourrait être par exemple par référence à l'économie générale ou d'ensemble...

Monsieur le Président : Vous passez du spiritualisme à l'économisme...

Monsieur le Secrétaire Général : Le début du deuxième considérant revêt un caractère dubitatif...; il faut bien lever le doute.

Monsieur le Président : Disons : il résulte de l'ensemble de ces textes. Les conseillers procèdent à la recherche : "que, toutefois, au regard de l'équilibre des pouvoirs établi par la Constitution, les lois que celle-ci..." 

Monsieur le Président : Dans le dernier considérant, on peut faire plus bref et dire : la demande "concernant la loi adoptée par le Peuple", en terminant sur elle. Adopté !

Monsieur le Président : De toutes façons, nous n'adopterons pas le projet ce soir. Nous avons toute la nuit pour y penser.

Monsieur Rudloff : Moi, la solution n° 2 me paraissait meilleure. Finalement, le Conseil constitutionnel ne statue jamais, qu'il s'agisse de Lederman, Caldaguès, Le Pen et aujourd'hui de Mazeaud...Il ne serait pas inutile, dans le deuxième considérant, le trouver une place pour rappeler le rôle du Conseil constitutionnel et laisser entendre que les abus pourraient être sanctionnés...

Monsieur Robert : Ce n'est pas ici la question...

Monsieur le Président : Au point où nous en sommes arrivés, je ne pense pas qu'il faut faire toute la théorie de la loi référendaire... Qu'a dit le Gouvernement dans ses observations écrites ?

Monsieur le Secrétaire Général : Elles sont au dossier de séance : il plaide à fond pour la reprise du précédent de 1962.

Monsieur Faure : L'inconvénient, dans la thèse de M. Rudloff, c'est qu'à aucun moment les saisissants ne disent qu'il y a eu dans le référendum, des irrégularités, des fraudes...

Monsieur Rudloff : Si, il y a un paragraphe à ce sujet.

Monsieur le Président : Bien nous allons faire retaper ce texte, en fonction des corrections que nous avons apportées. Mais pour l'instant, faisons une pause, avant de reprendre l'audition des rapporteurs adjoints.

La séance est suspendue à 17 h. Elle est reprise à 17 h 20. Mme Denis-Linton est introduite dans la salle des séances.

Monsieur le Président : Mme le rapporteur, c'est à vous à nouveau.

Mme Denis-Linton : M. le Président, s'agissant du département de l'Eure il n'y a rien à signaler et je vous propose de retenir les chiffres de la commission de recensement. Pour la Marne, même chose. Pour l'Indre et Loire, idem, sauf la reprise de la question de la transparence excessive des enveloppes. S'agissant de l'Hérault, je n'ai rien à signaler. Non plus que pour l'Ain. Pour le Haut-Rhin, en revanche, j'ai une réclamation dans la commune de Folgensbourg, touchant à l'absence de rideaux aux isoloirs du bureau de vote. Deux électeurs ont refusé de voter pour cette raison. Le nombre d'électeurs inscrits dans cette commune imposait la présence d'au moins 
deux isoloirs. Votre jurisprudence est marquée du sceau de la rigueur en cette matière. Vous avez pour cette raison annulé les opérations électorales de la commune d'Ayn en Savoie lors du référendum du 6 novembre 1988. Je considère qu'un isoloir dépourvu de rideaux perd sa nature d'isoloir ; l'électeur "s'isole" certes par rapport au reste du bureau de vote, mais il procède à son choix au vu et su de tous. Le Conseil d'Etat a eu l'occasion d'annuler les opérations électorales d'un bureau dans lequel l'isoloir était constitué de simples panneaux de bois dépourvus de rideaux (CE Elections municipales de Willewald, 6 avril 1973, Rec. p. 285). En tolérant l'absence de rideaux à l'isoloir, les responsables du bureau de vote ont méconnu l'article L. 59 du code électoral qui fait application du principe constitutionnel du secret du vote. J'estime que cette violation doit entraîner l'annulation de l'ensemble des suffrages exprimés dans le bureau de vote considéré. Je vous propose, en conséquence, de rectifier les résultats de la commission de recensement en retranchant 376 unités de l'ensemble des suffrages exprimés dans le département et en réduisant du même nombre le total des "oui" qui y arrivent en tête. Les nouveaux résultats font apparaître un pourcentage de "oui" de 61,34 %, au lieu de 61,39 %. Et 38,66 % de "non",au lieu de 38,61 % précédemment.

Monsieur le Président : Qui d'entre vous veut intervenir ?

Monsieur Faure : C'est effectivement très grave.

Monsieur le Président : Très bien ; Mme le rapporteur, vous êtes suivie par le Conseil constitutionnel.

Madame Denis Linton : J'en viens à la Corse du Sud. Comme vous le savez, dans la commune de Zonza, un gendarme a été assassiné dans la nuit du 18 au 19 septembre. La réaction du maire à cet événement a été de refuser d'ouvrir le bureau de vote. Le préfet a fait procéder à cette ouverture par un délégué à partir du 14 heures. Trente quatre personnes ont finalement voté sur les 289 inscrits. Je vous propose de considérer qu'il n'y a aucune matière à annulation.

Monsieur le Président : Non, pourquoi annulerait-on ?

Monsieur Faure : Ils ont eu quatre heures pour voter s'ils le souhaitaient...

Monsieur Fabre : Il y a eu une réaction populaire ; ce serait mal venu d'annuler.

Monsieur Abadie : Et puis, ce serait démentir l'autorité publique.

Mme Lenoir : Ca viderait de son sens la constitution d'office. 

Mme Denis-Linton : Il y a ensuite le cas de la commune de Ciamannace. Le procès-verbal fait état de 100 "oui" et 33 "non". La commission de recensement a inversé le résultat et indique 100 "non", pour 33 "oui". Nous ne savons pas précisément les motivations de la rectification de la commission. Peut-être pourrait-on procéder à un supplément d'instruction permettant à votre rapporteur-adjoint de tenter d'obtenir des explications tant du maire que du président de la commission de recensement. Mais en l'état, je ne vous propose pas l'annulation.

Monsieur le Président : Madame, Messieurs ?

Monsieur Fabre : C'est étonnant.

Monsieur Abadie : Le maire était pour le "oui" et il aura renversé les résultats.

Monsieur le Président : Nous sommes en présence d'une contradiction flagrante..

Monsieur le Secrétaire Général : Les commissions de recensement sont présidées par un magistrat, ce qui est une garantie.

Monsieur le Président : Appelez le Préfet et les autorités qualifiées et tâchez de tirer cela au clair. Si la lumière ne peut être faite, nous annulerons.

Monsieur Lefoulon : Monsieur le Président,il n'y a que peu de choses à dire pour le Cher, par quoi je commence. Aucune anomalie n'a été constatée. La commission a seulement procédé à la rectification de quelques erreurs matérielles. Pour la Meuse, des irrégularités ont été signalées par vos délégués qui estiment qu'il n'y a pour autant pas eu de fraude. Dans plusieurs bureaux de zone rurale, il n'y avait pas le nombre réglementaire de personnes. Plusieurs électeurs d'une commune ont voté dans un bureau où ils n'étaient pas inscrits, mais il y a eu régularisation ultérieure. Dans une autre commune, la plupart des inscrits ayant voté, les membres du bureau sont allés s'égayer à la fête locale, laissant le bureau sans surveillance... Plus quelques anomalies habituelles corrigées par la Commission. Pour la Lozère, il y a eu quelques problèmes liés à la méconnaissance des règlements : une électrice non inscrite a été admise à voter au seul vu d'un "reçu de demande d'inscription" ; il y a eu des bulletins multiples dans une même enveloppe. Tout cela a été rectifié. Dans les Deux-Sèvres, au moment où l'on a recopié les chiffres, un 8 a été par erreur transformé en zéro, mais cela a été préalablement rectifié ; à quoi s'ajoutent quelques observations classiques.

M. le Secrétaire général : Pour ce département, je ne vois pas d'indication du nombre des bulletins trouvés dans l'urne.

Monsieur Lefoulon : C'est le même que celui des émargements, une fois n'est pas coutume... 

En ce qui concerne les Pyrénées Orientales, il y a eu, au contraire, un petit écart entre les bulletins et les émargements, qui a été corrigé dans les conditions de répartition "équitable" que j'ai déjà indiquées. Les délégués ont en outre relevé quelques anomalies : à Perpignan France 3-Roussillon aurait induit en erreur et privé de voter un nombre indéterminé d'électeurs en annonçant la fermeture des bureaux de vote pour 19 heures, au lieu de 18 heures.

Monsieur le Président : C'est fâcheux ; pour des législatives, il aurait pu y avoir là une cause d'annulation ... Mais enfin,c'est comme ça...

Monsieur Lefoulon : On signale en outre l'apposition d'affiches d'organisations indépendantistes non habilitées sur les panneaux officiels, l'ouverture tardive d'un bureau de vote (mais de très peu : 8 h 03'), enfin la non désignation d'un assesseur. Pour les Pyrénées Atlantiques, il n'y a pas de problèmes de chiffres. Mais il y a une question ennuyeuse : la déléguée du Conseil constitutionnel a constaté à 15 h 30' à la mairie de Mouguerre que le bureau de vote n'était composé que d'une personne, son président. Elle nous signale que la situation n'était pas régularisée au moment de son départ. Cette commune a 2303 inscrits, il y a eu 1676 votants.

Monsieur le Président : On ne sait pas combien de temps elle est restée ?

Monsieur Lefoulon : Elle ne le précise pas, M. le Président.

Monsieur Abadie : C'est curieux que ce délégué ne soit pas plus précis.

Monsieur Faure : Quels ont été les résultats ?

Monsieur Lefoulon : Sur 1631 suffrages exprimés ; 882 "oui" et 749 "non".

Monsieur Faure : Ça correspond à peu près aux résultats de département.

Monsieur le Président : Sans davantage de précisions, nous ne pouvons statuer...

Monsieur Lefoulon : Il n'y a pas de remarques sur ce point de la commission.

Monsieur le Président : Il conviendra d'écrire un mot sévère à ce délégué. (Monsieur Lefoulon quitte la salle des séances, où pénètre M. Chabrol).

Monsieur le Président : M. le rapporteur, bonsoir, c'est à vous.

Monsieur Chabrol : M. le Président, pour le département des Hautes-Pyrénées, je n'ai pas d'observations particulières à présenter. Ni pour la Creuse, ni pour la Haute- Corse. En revanche, pour le Puy-de-Dome, il y a eu matière à quelques rectifications : soit, dans telle commune, du nombre des inscrits, soit du nombre des 
suffrages exprimés : ici, 2 électeurs inscrits à Vancouver ont néanmoins voté dans leur commune d'origine, ce qui constitue une incompatibilité légale ; là, deux bulletins "oui" ont été invalidés mais pas défalqués de la totalité des voix s'étant portées dans ce sens. Pour les Hautes-Alpes, je n'ai pas d'observations. S'agissant du Pas-de-Calais, le procès-verbal porte l'observation d'un délégué de Génération Ecologie se plaignant de l'apposition sur ses panneaux d'affiches du P.S. et de bandeaux au nom de maires : mais comme en tout état de cause tous invitaient à voter dans le même sens, je vous propose de regarder ce fait comme ayant été sans influence.
Dans l'Aube, sur le procès-verbal de recensement général, le mandataire du CDS-UDF fait état de la diffusion, le 15 septembre, d'un espace publicitaire en faveur de l'association "Combat pour les valeurs" de M. de Villiers, en violation de l'article 2 du décret du 6 août 1992 relatif à la campagne électorale. Mais l'importance de l'écart des voix enregistré et le fait qu'il ne s'agissait en fait que de l'annonce de la tenue d'une réunion par l'association en question, interdit à mon sens de voir là un élément ayant eu une incidence de nature à être relevée par le Conseil constitutionnel.

Monsieur le Président : Très bien...
Pour la Martinique, c'est un peu plus compliqué. Je vous inviterai à procéder à des rectifications pour les raisons suivantes. Votre délégué dans ce département d'outre-mer, confirmé en cela par des délégués locaux font état de ce que à l'ouverture des bureaux de vote, dans les deux communes de Rivière-pilote et de Sainte-Anne, étaient mis à la disposition des électeurs, outre les bulletins "oui" et les bulletins "non", un troisième type de bulletins aux couleurs d'un mouvement indépendantiste martiniquais, le M.I.M. Ces bulletins se présentaient comme les bulletins réglementaires, sauf à être un petit peu plus grands. Cette mise en place avait été préméditée et délibérée. Elle avait été effectuée sur les tables des 14 bureaux. Les maires et les autres présidents ont opposé des refus réitérés aux injonctions tendant au retrait de ces documents, qu'il s'agisse de l'ordre donné par fax par le préfet bientôt alerté, ou des injonctions émises par vos délégués, qui ont été empêchés de procéder eux-mêmes au retrait comme ils ont tenté de le faire dans 9 bureaux. Dans deux autres bureaux, le délégué a pu s'emparer des bulletins en cause, mais a constaté lors d'un nouveau passage que d'autres documents identiques avaient été installés. Les votes exprimés par ces bulletins ont été considérés comme valides, mais simplement décomptés sur une ligne à part dans les procès-verbaux. La commission a procédé à deux rectifications idoines mais elle n'a pas eu communication de ces bulletins qui ont été détruits, comme des bulletins réglementaires "oui" et "non". Nous sommes, dans ces conditions, en présence d'une contrariété formelle avec l'article 2 du décret du 6 août 1992 portant organisation du référendum, et d'un comportement délibéré pour fausser le sens du scrutin. Je vous propose l'annulation de la totalité des suffrages dans ces deux communes de Martinique. Le préfet est d'ailleurs sur le point de vous faire parvenir un déféré tendant aux mêmes conclusions. 

Monsieur le Président : C'est inimaginable. C'est évidemment l'annulation.

Monsieur le Secrétaire Général : La rédaction de la censure pourra être mise au point au vu du déféré du Préfet.

Monsieur le Président : Très bien.

Monsieur Fabre : Pour la Nouvelle-Calédonie, nous n'avions pas hésité en cas d'incidents de cet ordre.

Monsieur le Président : Je vous remercie infiniment.

Monsieur Chabrol cède la place à M. Abraham.

Monsieur le Président : Allons-y...

Monsieur Abraham : M. le Président, pour la Loire, il n'y a pas eu d'irrégularités majeures. Parfois les isoloirs n'ont pas été en nombre suffisant, sans qu'il en résulte une véritable gêne pour les électeurs. Dans telle commune, Feurs, chacun des quatre bureaux de vote n'était tenu que par deux personnes au lieu de trois minimales. On a signalé, enfin, l'utilisation de quelques enveloppes de couleur orange. Mais rien, au total, qui soit de nature à justifier une rectification ou une annulation.
En Saône et Loire, il n'y a pas eu de réclamation au procès-verbal ; simplement le Premier président de la Cour d'Appel signale qu'à Montchanin certains électeurs n'ont pas présenté de pièce d'identité, sans que le phénomène revête une grande ampleur.
En Corrèze, il n'y a, de même, rien sur les procès-verbaux. La commission a fait quelques observations de portée mineure : une personne a voté sans être inscrite ; à Brive, dans un bureau,il y a eu un bulletin de plus que les émargements ; quelques bureaux n'ont été tenus que par deux personnes pendant une partie de la journée.
En Meurthe et Moselle, nous n'avons que quelques observations du Premier président de la Cour d'Appel : dans quelques communes, certains bureaux, ici encore, n'ont été tenus que par deux personnes ; dans deux communes où le contrôle d'identité n'était pas pratiqué, les choses sont rentrées dans l'ordre après l'intervention de votre délégué ; certains bureaux n'ont pas comporté d'isoloir en nombre suffisant, mais sans gêne véritable pour les électeurs ; dans une petite commune, le bureau s'est rendu à la fête locale, d'où paraît-il, on pouvait surveiller l'entrée : l'intervention du magistrat a fait cesser ce désordre.
En Dordogne , il n'y a pas eu de réclamation. La commission de recensement pour le 17e bureau de Périgueux, a réintégré 2 votes à tort déclassés nuls ; dans quelques communes ont été utilisées des enveloppes de couleur orange ou même bleue.
En Haute Garonne, il y a eu un assez grand nombre d'observations sur procès-verbal, -une cinquantaine- sans que pour autant aucune invalidation ne doive en découler. Il s'agit essentiellement : du caractère transparent des enveloppes, de la couleur 
orange de certaines, de bureaux tenus par deux personnes seulement, à Toulouse des médias auraient laissé entendre que les bureaux fermeraient à 20 heures, au lieu de 19 heures.
Dans le Lot-et-Garonne, quelques observations au procès-verbal : encore la transparence des enveloppes, l'excédent de 14 bulletins par rapport au nombre des émargements. Il n'y a donc pas de conséquence à tirer de tout cela.
S'agissant du département du Vaucluse, je ne relève qu'une différence de 9 bulletins en plus.
Pour les Alpes-Maritimes : deux observations aux procès-verbaux : une nouvelle fois sur la transparence des enveloppes, et sur ce que certains électeurs mal informés seraient arrivés à leur bureau de vote après 18 heures... Ici on ne trouve pas plus d'émargements que de bulletins au fond des urnes.

Monsieur le Président : Merci beaucoup.

(M. Toutée prend la place de M. Abraham).

Monsieur le Président : Bonjour, Monsieur le Rapporteur, allons-y.

Monsieur Toutée : Dans la Manche, à Domjean, a eu lieu la constitution d'office préfectorale d'un bureau, suite au refus du maire, motivé par une question d'installations d'une boîte aux lettres, par l'administration des Postes, sur le territoire de sa commune...
Pour le Cantal, il n'y a rien à signaler. De même pour l'Ardèche. En Charente, on s'est plaint de la transparence des enveloppes et d'une banderole disant : "Votez dans les communes où vos enfants sont scolarisés", tandis que la commission a aligné le nombre des émargements sur celui des bulletins trouvés dans les urnes.
De la Guyane, je suis arrivé il y a quelques heures. Il y aurait eu quelques incidents, mais dans des lieux perdus à 3 jours de pirogues ou 2 heures d'hélicoptère - et il n'y a pas d'hélicoptère... A Cacao, une fumée épaisse a contraint le bureau de vote à la fermeture. Dans la commune de Trois-Sauts, tout le monde est allé déjeuner à midi, et à 5 H on s'est rendu compte qu'il y avait 9 bulletins en trop : ce sont des enfants qui s'étaient amusés à voter. Ailleurs, le maire a essayé de fermer le bureau au bout de trois quarts d'heure.
Pour la Guyane, l'ensemble de la participation s'est élevée à 18 %, surtout grâce à Cayenne et Kourou.
Pour l'Indre, rien à signaler. Dans les Landes, la commission a procédé à un minutieux travail de redressement, dans lequel, même s'il n'est pas toujours très clair, je n'ai rien trouvé de douteux. Je n'ai enfin rien à signaler non plus pour l'Aveyron,

Monsieur le Président : Très bien, merci. Nous nous retrouvons demain à 10 heures.

La séance est levée à 18 h 30 ! 

SEANCE DU 23 SEPTEMBRE 1992

La séance est ouverte à 10 heures, en présence de tous les conseillers.

Monsieur le Président : Monsieur GENEVOIS, voulez-vous nous dire l'état d'avancement de nos travaux ?

Monsieur le Secrétaire général : Monsieur le Président, Madame et Messieurs les conseillers, compte tenu des résultats qui nous sont parvenus, voici comment pourrait se présenter la chronologie de vos travaux de ce jour. A l'instant, reprise, au rapport de Monsieur ROBERT, de l'examen de la saisine de Monsieur MAZEAUD relative à la loi référendaire : vous ne pourrez toutefois adopter la décision qu'une fois les résultats du référendum proclamés. Vers 10 h 30, Monsieur GAEREMYNCK, rapporteur-adjoint, viendra vous soumettre ses observations sur 10 départements, puis Monsieur POULY, sur 8 à 10 également. Vers midi, Madame DENIS-LINTON viendra vous exposer les résultats du supplément d'instruction que vous avez ordonné pour la Corse-du-Sud -je ne vous en dis rien, préférant maintenir le suspense...-, puis elle examinera quelques autres départements. Après le déjeuner, à 14 h 30, ce sera le tour de Madame BAZY-MALAURIE, de Monsieur LEFOULON, de Monsieur SCHNEIDER, de Monsieur PICQ, enfin de Monsieur PAOLI qui vous présentera le vote des Français établis hors de France. Le résultat concernant ces derniers devrait, nous a dit le Quai d'Orsay, nous parvenir dans la matinée. Sont également sur le point de nous parvenir : Wallis-et-Futuna, par télégramme ; la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, dont les résultats seront ramenés par les délégués du Conseil constitutionnel sur place. Nous avons simplement deux difficultés : l'une concernant Mayotte ; nous ne parvenons pas à avoir quelqu'un du ministère des départements et territoires d'outre-mer au bout du fil ; j'ai alerté Matignon afin qu'il soit enjoint au préfet de nous transmettre les résultats ; d'autre part, pour Saint-Pierre-et-Miquelon, l'avion d'Air France vient de se poser, les résultats seront acheminés jusqu'à nous par la Poste. Au total, en principe, il semble possible que le Conseil constitutionnel puisse proclamer les résultats du référendum en fin de journée.

Monsieur le Président : A quelle heure songez-vous ?

Monsieur le Secrétaire général : Un projet de proclamation est en cours de frappe, faisant état de deux annulations : pour les deux communes de la Martinique, conformément au rapport de Monsieur CHABROL, et pour la commune de Folgensbourg, pour laquelle est reprise la jurisprudence de novembre 1988. Si le Conseil décidait d'autres censures, il faudrait prévoir les considérants correspondants. S'il s'en tenait à la seule rectification d'erreurs matérielles, il n'y aurait rien à rajouter au projet, qui comporte un considérant générique pour ces rectifications. 

Monsieur le Président : Nous pouvons raisonnablement espérer en avoir fini à 18 heures.

Monsieur le Secrétaire général : Je le pense, Monsieur le Président.

Monsieur le Président : Bien, Monsieur le Professeur, c'est à vous.

Monsieur ROBERT : Monsieur le Président, les observations en réplique qui nous sont parvenues de Monsieur MAZEAUD n'ajoutant rien, je crois que je peux passer directement à la lecture du projet.

Monsieur le Président : Allez-y...

(Monsieur ROBERT commence de procéder à la lecture du projet de décision tel qu'amendé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 septembre).

Monsieur le Président (l'interrompant à la fin de la page 2) : Sur ce dernier propos, je souhaiterais faire une intervention. Mon attention a été alertée par Monsieur ABADIE en particulier, sur ce risque de détournement manifeste de la Constitution. Nous pourrions prendre ici une petite précaution. Ce sera pour les initiés. Mais enfin il nous faut nous laisser une porte de sortie. En cas de détournement vraiment majeur. Après "référendum", on pourrait écrire : "contrôlé par le Conseil constitutionnel au titre de l'article 60". Songez à une matière comme le droit d'asile ; si l'on recourait au référendum pour le vider de sa substance... Il faudrait que le Conseil puisse intervenir en amont, au titre de l'article 60...

Monsieur FAURE : Comment pourrait-on censurer ?

Monsieur le Président : Ce à quoi je songe, c'est à une publicité de notre avis... Il faudrait aller contre l'avis public du Conseil constitutionnel, rendu en amont au titre de l'article 60... Ce n'est pas bouleversant, mais ça réserve l'avenir...

Monsieur LATSCHA : Je m'étais fait une observation analogue. Le peuple doit être consulté régulièrement. Et l'article 11 précise qu'il ne doit pas y avoir contrariété à la Constitution...

Madame LENOIR : Cette proposition me paraît excellente. Cela montre que le Conseil constitutionnel ne "démissionnerait" pas. Sur le plan rédactionnel, on pourrait faire l'incise après "qui"...

Plusieurs conseillers : Non, ce ne sont pas les lois, c'est le référendum qui est contrôlé. 

Monsieur FAURE : Oui, on fait planer une équivoque qui est bienvenue. Nous n'avons qu'un contrôle sur les opérations matérielles, mais inutile de le préciser...

Monsieur le Président : Bien, poursuivons.

(Monsieur ROBERT reprend sa lecture).

Monsieur le Président (l'interrompant aussitôt) : A "en outre", je préférerais "au demeurant".

Adopté.

Monsieur CABANNES : Et il faut écrire ni... ni...

Monsieur FAURE : Oui, ce serait plus clair.

Adopté.

(Monsieur ROBERT reprend et achève la lecture du projet).

Monsieur le Secrétaire général : Le Conseil en a délibéré dans ses séances des 22 et 23 septembre.

Monsieur FAURE : On a oublié de préciser que le rapporteur avait été entendu.

Monsieur le Secrétaire général : C'est parfaitement exact.

Monsieur ROBERT : Je suis très sensible à votre attention !

Monsieur RUDLOFF : Pour la date, pourquoi n'indique-t-on pas le 23 seulement ?

Monsieur le Président : Oui, cela suffit.

Monsieur le Secrétaire général : D'accord ; alors le 22 n'aura été qu'un "échange de vues".

Monsieur FAURE : Je suis d'avis que l'on n'invite plus Monsieur FAVOREU à nos réceptions annuelles...

Monsieur le Président : Mais n'oubliez pas que c'est grâce à lui ou à Monsieur DAILLY ou à Monsieur MAZEAUD que le Conseil constitutionnel a un peu d'aliment... Bien, nous reprenons l'audition de nos rapporteurs-adjoints.

(Monsieur GAEREMYNCK est introduit dans la salle des séances). 

Monsieur le Président : Monsieur le rapporteur, merci pour votre diligence pour une tâche qui n'est pas toujours d'un divertissement extrême...

Monsieur GAEREMYNCK : Monsieur le Président, pour le département du Nord, il n'y a eu que des rectifications très mineures de la part de la commission de recensement, dont je vous propose d'admettre les chiffres.

Idem, pour la Haute-Vienne : aucune réclamation ; quelques observations classiques, notamment relatives à la transparence des enveloppes.

Pour la Gironde, je ne signale qu'un écart entre les bulletins trouvés dans les urnes et le nombre des émargements ; cet écart n'est pas négligeable : il est de 41 unités. Mais la répartition sur les communes est très diffuse ; le maximum est de 7 à Libourne. Je ne vous propose donc pas d'en tirer des conséquences particulières.

Les Cotes-d'Armor est un dossier qui m'a un peu troublé. Un de vos délégués locaux a fait état d'irrégularités quant au secret du vote ; la commission a néanmoins maintenu les résultats. Il s'avère que dans un bureau de vote qui, à 12 h 20, était bondé, la file des électeurs, pendant un temps indéterminé, n'est pas passée par l'isoloir... Nous n'en savons pas davantage. Je vous propose de faire comme la commission de recensement, et de ne pas en tirer de conséquences...

Monsieur le Président : Madame, Messieurs ?... D'accord.

Monsieur GAEREMYNCK : Pour le Territoire de Belfort, je n'ai rien à signaler.

Pour la Haute-Marne, il n'y a qu'une observation d'un électeur sans conséquence, plus une petite différence entre bulletins et émargements.

Pour le Lot, il n'y a rien à signaler (rires).

Monsieur FAURE : Ça vous étonne ? (rires redoublés) Monsieur Maurice FAURE est Président du Conseil général du Lot.

Monsieur GAEREMYNCK : J'en viens à la Réunion, pour laquelle j'ai eu l'honneur d'être votre délégué sur place. Je vous proposerai le maintien des chiffres, mais je souhaiterais faire quelques petites observations.

Dans la commune du Port, le maire n'a pas cru bon d'ouvrir le bureau de vote avant 10 heures, faute de disposer d'assesseurs en nombre suffisant... En réalité, c'est que le Parti communiste réunionnais prônant l'abstention, il ne faisait guère diligence... Vers 9 h 30, il a signalé son cas à la Préfecture, qui lui répondit que mieux valait ouvrir un bureau incomplet que de ne pas ouvrir du tout. A la fin, vers 10 heures, le 
bureau fut ouvert avec un Président et un assesseur... Il a été surveillé, le reste de la journée, par vos délégués locaux. Il y a eu également des retards dans l’ouverture des bureaux à La Possession et à Sainte-Suzanne. Vos délégués locaux estiment que cela n'a pas eu de conséquences notables sur la participation des électeurs. J'ai constaté la même chose moi-même en ce qui concerne le Port. Pour Sainte-Suzanne, il y a un élément complémentaire qu'on m'a rapporté : certains employés municipaux auraient fait l'objet d'intimidations tendant à les dissuader d'aller voter... L'information est fiable, bien qu'elle ne soit pas consignée au procès-verbal... L'enjeu n'est pas négligeable : il y a dans cette commune quelques cinq cents employés municipaux. Le fait que la participation ait été nulle dans l'un des bureaux de vote paraît corroborer ce que l'on m'a dit. Il reste que je vois mal quelle conséquence le Conseil constitutionnel pourrait en tirer. Les électeurs qui sont venus sont d'autant plus méritants...

Monsieur le Président : Merci.

Monsieur GAEREMYNCK : Pour la Nièvre, je vous proposerai une rectification mineure. Quatre électeurs ont voté sans être inscrits sur les listes d'émargement : la commission n'a pas rectifié. Je vous propose de retirer quatre "NON".

Monsieur FAURE : Il faut suivre la commission...

Monsieur le Président : On abandonne cela...

Monsieur GAEREMYNCK : En Mayenne, la difficulté vient de ce qu'ont été transmis à la commission des procès-verbaux incomplets ou comportant des erreurs. Alors la commission a repris les chiffres tels que résultant des listings, qu'elle a obtenus par téléphone auprès des bureaux de vote. Ainsi, pour la commune de Laigné, le procès-verbal ne retraçait pas les résultats du scrutin : ni le nombre des "OUI" ni celui des "NON" n'était indiqué... Et pourtant, il était signé !... La commission a donc repris les chiffres du listing.

Monsieur le Président : A défaut de leur reproduction sur le procès-verbal, ou nous les entérinons, ou alors il faut dire que cette reproduction est une formalité substantielle, sans quoi il n'y a pas de résultat acquis. Poursuivez...

Monsieur GAEREMYNCK : De la même façon, pour la commune de Villainer, la commission n'a reçu que le procès-verbal de l'un des deux bureaux de vote : elle a utilisé le listing pour l'autre. J'en attends le résultat par fax dans la fin de la matinée. Je signale un défaut de cohérence au niveau des "NON" entre un listing et un procès-verbal : l'erreur matérielle a été réparée. J'en ai terminé, Monsieur le Président. 

Monsieur le Président : Je vous remercie. On fera le point sur la Mayenne ultérieurement.

(Monsieur POULY prend la place de Monsieur GAEREMYNCK).

Monsieur le Président : Allons-y.

Monsieur POULY : En Savoie, les opérations se sont déroulées normalement, sauf quelques irrégularités de détail signalées par vos délégués : ici un bureau incomplet, là des enveloppes transparentes... La commission a procédé à la réintégration de quatre bulletins parmi les suffrages exprimés, sur les bulletins déclarés nuls. Dans la commune du Bourget-du-Lac, deux électeurs radiés sur la liste électorale mais titulaires d'une carte d'électeur ont été autorisés à voter : la commission n'a procédé à aucune rectification ; je vous propose de la suivre.

Dans la Sarthe, une discordance de 11 voix est constatée entre le nombre des suffrages exprimés et la sommation des "OUI" et des "NON" : pour la commission, il y a présomption d'erreur matérielle ; je ne vous propose aucune rectification compte tenu de la faiblesse de l'incidence sur les résultats départementaux.

Monsieur le Secrétaire général : Il faut en tout état de cause que les suffrages exprimés soient en nombre égal au total des "OUI" et des "NON".

Monsieur le Président : Alors retenons la somme des "OUI" et des "NON".

Monsieur POULY : Cela fait 248.426 suffrages exprimés...

En Guadeloupe, il n'y eu aucune irrégularité. Quelques erreurs de détail ont été corrigées par la commission départementale. Deux points sont en outre à signaler : de nombreux bureaux ont ouvert avec retard, les maires ayant quelques difficultés à réunir le nombre réglementaire d'assesseurs et... les partis politiques locaux se désintéressant largement de la consultation ; d'autre part, il semble de fait que les résultats de la métropole ont été diffusés par la radio, dès 14 heures, à Saint-Barthélémy et à Saint-Martin, soit quatre heures avant la clôture du scrutin.

Monsieur le Président : Il faut donc annuler ?...

Monsieur le Secrétaire général : Monsieur le Président, je dois attirer l'attention du Conseil sur l'impuissance dans laquelle ont est vis-à-vis de ce non-respect des dispositions de l'article L. 52-2 du code électoral. Annuler ici risquerait de conduire à l'annulation de toutes les élections dans ces territoires. Des recommandations ont été faites par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, que les radios locales ont respectées. Elles étaient menacées du retrait de l'autorisation de diffuser, de sanctions administratives, faute de l'existence de sanctions pénales. Mais 
évidemment on ne peut rien faire lorsque la divulgation est faite par une radio étrangère... L'annulation serait très sévère.

Monsieur POULY : Effectivement, en Guadeloupe et dans ses dépendances immédiates, les radios ont respecté les consignes qui leur avaient été données. A Saint-Barthélémy et à Saint-Martin, c'est la radio hollandaise qui a diffusé les résultats en métropole...

Monsieur le Président : Si nous étions dans le cadre d'élections législatives, on pourrait s'interroger...

Monsieur FAURE : Les électeurs parisiens qui votent dans les derniers moments connaissent les résultats officieux... Pourquoi y-a-t-il eu en Guadeloupe un si faible taux d'abstention : c'est du désintérêt ou l'impact des indépendantistes ?

Monsieur POULY : Le référendum sur l'Europe n'a pas beaucoup intéressé. Et puis il a beaucoup plu : les Antillais n'aiment pas beaucoup sortir sous la pluie. Le préfet espérait 20 % de participation : elle est finalement de peu inférieure à ce pourcentage.

En Haute-Saône, aucune réclamation n'a été formulée. La commission a procédé à la rectification de quelques erreurs matérielles. Deux irrégularités ont été relevées par vos délégués locaux : la transparence de certaines enveloppes ; la tenue de certains bureaux de vote par deux personnes seulement. Je ne vous propose aucune rectification.

S'agissant de l'Isère, quelques électeurs se sont plaints auprès des délégués de la transparence des enveloppes. A Vienne, à Pont-l'Evêque, à l'Isle-d'Abeau, ont été signalés des bureaux de vote tenus seulement par deux personnes. Le nombre des émargements excède de 229 unités le nombre des bulletins : la commission ne signale pas le fait et n'a procédé à aucune modification ; cette différence ne représente cependant que 0,05 % du total des suffrages exprimés. Dans la commune de la Verpillière, deux personnes non inscrites sur la liste électorale ont néanmoins été autorisées à voter : l'irrégularité est flagrante, mais non significative par rapport aux suffrages exprimés ; je ne vous propose aucune correction.

Dans le Bas-Rhin, 22 électeurs n'ont pas émargé, ce qui n'est pas significatif. La commission signale l'utilisation de quelques enveloppes non réglementaires. Elle a, en outre, rétabli deux "NON" et un "OUI", comptés par erreur dans les bulletins nuls.

Dans le Morbihan, de même, où il n'y a eu ni réclamation, ni observations de vos délégués, la commission a rétabli 13 "OUI" et 16 "NON". 

Pour le Tarn, je signale que vos délégués locaux ont signalé qu'aucune pièce d'identité n'était exigée des électeurs à Gralhet. Aux observations de vos délégués, le maire a répondu que c'était comme ça, que c'était l'usage et que tous les électeurs étaient connus.

Monsieur le Président : C'est le laxisme, mais c'est comme ça...

Monsieur le Secrétaire général : Je signale que le Conseil constitutionnel est très attentif dans sa jurisprudence à cette exigence.

Monsieur le Président : Le délégué a demandé la rectification de la pratique, et le maire n'a pas bougé... Il faut marquer le coup.

Monsieur FAURE : Sans peut-être aller jusqu'à annuler...

Monsieur ABADIE : Si le maire avait déféré à l'injonction qui lui était faite, cela aurait abouti à ce qu'il y ait moins de votants.

Monsieur ROBERT : Il y a 13.000 électeurs, ils se connaissent donc tous ?

Monsieur le Président : Le texte est clair ; le délégué a fait remarquer qu'il n'était pas respecté ; on l'a envoyé sur les roses...

Monsieur RUDLOFF : C'est délicat. Il faut connaître la mentalité de l'électeur auquel le Président du bureau refuse qu'il vote pour n'avoir pas présenté de titre d'identité : il claque la porte et avec lui tous ceux qui sont dans le bureau à ce moment. Remplir son devoir électoral est surtout perçu comme une corvée.

Monsieur FAURE : Il est très difficile de demander sa carte d'identité à quelqu'un que vous rencontrez tous les jours. Et si vous ne la demandez pas à l'un, vous ne pouvez pas la demander à l'autre. A Cahors, on ne me demande pas ma carte d'identité ; en plus, je vote à bulletin ouvert au vu et au su de tous, et même sans carte d'électeur ! (rires).

Monsieur le Président : Cela fait un beau cumul d'infractions.

Monsieur le Secrétaire général : Le 11 mai 1988, le Conseil constitutionnel a annulé les résultats de bureaux de vote des communes de Quimperlé, Tarase et Loudéac, pour des motifs exactement identiques.

Monsieur le Président : Est-il certain que le maire a opposé un refus ?

Monsieur POULY : Le délégué a indiqué que lorsqu'on ne connaissait pas l'électeur, on lui demandait en revanche de décliner son identité. 

Monsieur le Secrétaire général : Il conviendrait de savoir combien de bureaux de vote sont concernés. Le Conseil n'annule que bureau par bureau.

Monsieur FAURE : Le maire ne pouvait être dans tous les bureaux à la fois.

Monsieur le Président : S'il y a eu méconnaissance délibérée et persistante, il nous faut annuler. On ne peut admettre que les injonctions des délégués ne soient pas suivies.

Monsieur LATSCHA : Quelles sont les observations exactes du délégué ?

Monsieur POULY : Il fait observer que les pièces d'identité n'étaient pas requises, malgré ses représentations réitérées. Et qu'on lui a rétorqué que tel était l'usage ancien. Mais il souligne qu'effectivement, en cas de personnes qui n'étaient pas connues, la pièce d'identité était exigée.

Monsieur le Président : Il n'est pas possible d'admettre que l'usage prévale sur la loi. Prenons garde à ce que l'autorité du Conseil ne soit pas bafouée. Il y a notre jurisprudence du 11 mai 1988.

Monsieur FABRE : C'est une pratique qu'on retrouve dans nombre d'endroits. L'électeur commence à mettre la main à la poche : le président du bureau l'arrête.

Monsieur RUDLOFF : Il n'a pas été obéi aux représentants du Conseil constitutionnel.

Monsieur le Président : Monsieur le rapporteur, s'il vous plaît, allez prendre contact avec le délégué dont il s'agit. Vous vous ferez préciser à qui il a été demandé que le texte soit respecté, quels bureaux de vote ont été concernés, si les injonctions ont été réitérées, quelle a été l'attitude des responsables.

Monsieur ROBERT : On va nous dire : les injonctions ont été réitérées dans trois bureaux : va-t-on annuler ces seuls trois, alors que la pratique a été la même dans les autres ?...

Monsieur le Président : Le texte est mal venu ; mais il est ce qu'il est ; il ne peut céder devant la coutume locale.

Monsieur FAURE : Faut-il annuler ou consigner la chose dans nos remarques générales, comme pour la transparence des enveloppes ?

Monsieur le Président : Ecoutez, je vous propose de voir ce que donnera le supplément d'instruction et d'aviser en conséquence. Poursuivons. 

Monsieur POULY : J'en termine avec le Tarn. Une électrice inscrite dans un centre de vote à l'étranger a néanmoins voté dans le 27ème bureau de Castres. Ailleurs, une foire locale accompagnée d'une cavalcade, et surtout les barrages installés en conséquence par la gendarmerie, auraient empêché que certains électeurs puissent voter...

Dans le Var, le scrutin s'est déroulé sans incident. Il n'y a pas eu de réclamation. La commission a corrigé quelques erreurs de décompte, rajoutant en particulier quatre voix aux "NON". Je vous propose d'entériner ces chiffres.

Enfin, pour Wallis-et-Futuna, l'Administrateur supérieur, chef du territoire, ne signale aucun incident. Le procès-verbal de la commission n'est pas encore parvenu au Conseil. Mais nous disposons du décompte adressé télégraphiquement par l'administrateur, que je vous propose d'avaliser.

Monsieur le Président : Nous nous en contenterons en effet. Nous faisons une pause.

La séance est suspendue à 11 h 30 puis est reprise à 12 heures.

(Monsieur PICQ est introduit à 12 heures dans la salle des séances).

Monsieur le Président : Bonjour, Monsieur le rapporteur. Vous arrivez de territoires lointains et, j'imagine, avec une certaine fatigue. Nous vous écoutons.

Monsieur PICQ : Oui ! Je vais donc rapporter sur la Polynésie française où j'ai contrôlé le déroulement du scrutin, et constaté quelques irrégularités. Il y a plusieurs problèmes que je dois évoquer. Tout d'abord, les résultats établis d'après les procès- verbaux ou, à défaut, les télégrammes sont les suivants :

- nombre total d'inscrits : 106 790
- nombre total des votants d'après les feuilles d'émargement : 22 594
- nombre total des enveloppes et bulletins blancs ou nuls : 1 463
- nombre total des suffrages exprimés : 21 131
- nombre total des réponses "OUI" : 14 879
- nombre total des réponses "NON" : 6 252

En ce qui concerne le contrôle que j'ai fait, il me semble d'abord que le travail de préparation a été remarquable, notamment par la mobilisation des moyens militaires de transport. Il faut remarquer que la distance entre les Iles Marquises et Tahiti est de plus de 1 500 kilomètres. De même, on ne peut qu'être satisfait de la couverture du territoire par les délégués locaux : 3 conseillers de tribunaux administratifs, 4 juges judiciaires dans les îles, et 3 délégués pour Tahiti, soit 77 000 inscrits sur un total de 106 000. Une autre chose frappante c'est le remarquable climat de respect de la légalité que j'ai trouvé partout : on vient voter en pirogue, mais, partout, il y 
a des urnes transparentes, le personnel communal est très mobilisé, présent dans tous les bureaux -autant que faire se peut- les maires et les adjoints assurent leurs fonctions. Aucun problème en ce qui concerne les isoloirs et les émargements. J'ai constaté très peu d'irrégularités : le bureau de Taenga n'a pas ouvert -il y a 700 inscrits- Il y a eu un transfert d'urne à urne, il y avait 45 bulletins au moment de l'opération, et elle s'est faite en présence de témoins. Il n'y a pas d'irrégularité flagrante dans cette affaire et on ne peut y voir une volonté de fraude. Il y a, en outre, quelques bureaux où le nombre d'assesseurs ou de scrutateurs était insuffisant, et dans quelques bureaux, il y avait des bulletins blancs à la disposition des électeurs. Quand j'ai constaté cela, j'ai demandé à ce qu'ils soient retirés, ce qui a toujours été fait.

Mais je souhaite attirer l'attention de votre Conseil sur trois problèmes que j'ai rencontrés. Tout d'abord, les urnes transparentes et les enveloppes d'une opacité parfois insuffisante n'assurent pas le secret du vote. Mais le problème ne se pose pas, je crois, uniquement en Polynésie. Et puis, il y a deux difficultés plus importantes. D'abord, celle de la date et de l'heure du scrutin.

Les données du problème sont les suivantes.

Il existe un décalage horaire entre la Polynésie française et la France : moins 11 heures ou moins 12 heures en fonction de l'heure officielle en France. Aussi, lorsque les polynésiens commencent à voter, les résultats nationaux sont connus bien que les radios et la télévision aient interdiction d'en faire état. Cela conduit à une démobilisation du corps électoral polynésien lorsque les enjeux du scrutin ne lui apparaissent pas primordiaux pour son avenir. De plus, se développe le sentiment d'un vote inutile ou superflu alors même que le vote devrait être l'un des actes principaux de l'exercice de la citoyenneté française. Le scrutin pourrait être avancé au samedi, veille du scrutin national. L'impact du vote polynésien serait nul sur la mobilisation du corps électoral national. Le vote retrouverait ainsi pour les polynésiens un sens plus marqué, exprimant la volonté des électeurs du territoire d'exercer pleinement leur citoyenneté française.

Pour faciliter l'exercice du droit de vote, le jour de l'élection devrait être férié en Polynésie française.

Dans l'hypothèse d'un scrutin avancé au samedi pour la Polynésie française, les textes relatifs à la durée de la campagne devraient également être adaptés.

Enfin, se pose la question de la participation à la campagne officielle. Les organisations politiques habilitées à participer à la campagne officielle en vue du référendum sont uniquement celles bénéficiant d'une représentation parlementaire ou représentative sur le plan national. Ces critères restrictifs imposés aux organisations politiques présentent des inconvénients certains dans le contexte 
particulier d'un territoire d'outre-mer. Il est clair qu'en Polynésie française, les enjeux d'un référendum s'apprécient différemment et que les électeurs répondent avant tout aux mots d'ordre donnés par les partis politiques locaux. Or, ceux-ci ne peuvent pas participer à la campagne officielle en vue du référendum du 20 septembre 1992 selon les critères définis par le décret n° 92-772 du 6 août 1992 et n'auront pas le droit d'apposer des affiches sur les panneaux mis en place par les mairies. Il s'agit là de la logique des textes applicables en matière de référendum mais en l'occurrence, cela revient à dénier tout droit d'expression aux organisations politiques locales dans un territoire d'outre-mer à statut d'autonomie interne.

Cela risque également d'avoir des effets négatifs sur la mobilisation de l'opinion et peut faire l'objet d'une exploitation politique par les partis qui ne sont pas affiliés à une organisation politique habilitée.

En effet, à part le Tahoeraa Huiraatiraa, affilié au R.P.R., le parti socialiste et le front national -ces deux derniers partis n'étant pas représentés en tant que tels au sein de l'assemblée territoriale de la Polynésie française- tous les autres partis polynésiens ont été exclus de la campagne officielle et peuvent être conduits de ce fait à prôner l'abstention.

Il s'agit là encore d'un risque indéniable d'autant que l'opinion publique polynésienne perçoit relativement mal les conséquences pour le territoire du scrutin du 20 septembre 1992.

Sur ces deux dernières questions essentielles, un aménagement juridique spécifique pour la Polynésie française semble indispensable, pour tenir compte réellement et avec cohérence de son statut d'autonomie interne au sein de la République.

J'en ai terminé, Monsieur le Président !

Monsieur le Président : Je vous remercie, Monsieur le rapporteur.

(Monsieur SCHNEIDER prend la place de Monsieur PICQ).

Monsieur le Président : Après tant de fatigue, le Conseil vous demande un dernier effort !

Monsieur SCHNEIDER : Monsieur le Président, Madame, Messieurs, je puis être assez bref en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, d'où j'arrive. Je serai assez bref. Je n'ai pas constaté d'irrégularités dirimantes. Le scrutin se déroule parfois dans des conditions très difficiles. Les gens viennent parfois voter à cheval et certains bureaux sont difficiles d'accès. Aussi, les ouvertures des bureaux sont, parfois, très tardives, et certains bureaux, faute de personnels en nombre suffisant, ne sont pas constitués de trois personnes. Dans la plupart des cas, il y a deux, ou une seule 
personne. Il n'est pas possible de dire combien d'électeurs sont touchés par ces ouvertures tardives. Dans certaines communes comme celle d'Aoualiou, on a vu un bureau fermé jusqu'à ce que le magistrat le fasse ouvrir. Mais combien d'électeurs ont-ils été ainsi privés de l'exercice du droit de vote ? 20 ? 25 ? Je ne sais ! Pas beaucoup, en tous cas ! Cela ne me paraît pas devoir entraîner une annulation. A Lifou, un bureau a été transféré dans un autre lieu, sans information préalable des électeurs. Cela a pu en décourager quelques-uns. Dans la commune de Belet, 7 bureaux ont fermé à 16 heures. Mais tout ceci n'a pas d'influence significative et le Haut commissaire est assez permissif, compte tenu des conditions locales. C'est sur ses instructions que les bureaux ont été fermés.

Monsieur le Président : Il est tout de même souhaitable de lui dire un petit mot...

Monsieur SCHNEIDER : Oh ! Vous savez, j'ai pu constater à quel point certains de ces bureaux étaient difficiles d'accès, et la fermeture "anticipée" n'a pas du léser beaucoup d'électeurs.

Monsieur le Secrétaire général : Il y a en tout 29 740 suffrages exprimés pour le territoire.

Monsieur le Président : Oui ! C'est très faible !

Monsieur SCHNEIDER : Je dois également signaler quelques cas où les urnes n'étaient pas closes, les tenues de listes d'émargement défectueuses et des cas où un assesseur a parfois signé à la place d'un électeur. Mais il s'agit d'irrégularités isolées. Je vous propose de ne pas les retenir. Dans quelques bureaux, les listes n'ont pas été arrêtées et on a, parfois, laissé voter une ou deux personnes qui, manifestement, ne voulaient pas frauder et se présentaient en toute bonne foi dans un bureau où elles n'étaient pas inscrites. Dans quelques bureaux des bulletins manquaient. En définitive, dans cinq cas, la commission de recensement a cru devoir retrancher une voix par rapport au total des "OUI" exprimés. En conclusion, je ne vois nulle part de fraude manifeste, tout au plus un désordre... sympathique.

Monsieur le Président : Je vous remercie.

Monsieur FAURE : Y-a-t-il un écart des résultats entre Nouméa et le reste du territoire ?

Monsieur SCHNEIDER : Nouméa a voté majoritairement "NON", et le "OUI" l'emporte ailleurs.

Monsieur FAURE : Quelle était la position de Monsieur LAFLEUR ? 

Monsieur SCHNEIDER : Il était favorable au "NON" ; mais le maire de Nouméa était partisan du "OUI".

Monsieur FABRE : Je me félicite qu'il n'y ait pas eu d'incident majeur. C'est un progrès considérable par rapport à 1988.

Monsieur SCHNEIDER : Il n'y a que sur l'île d'Ouvéa où l'ambiance était un peu tendue.

Monsieur le Président : Merci, Monsieur le rapporteur.

(Madame DENIS-LINTON prend la place de Monsieur SCHNEIDER au bureau des rapporteurs-adjoints).

Monsieur le Président : Bonjour, Madame le rapporteur, nous vous écoutons...

Madame DENIS-LINTON : Monsieur le Président, les quatre premiers départements dont j'ai à vous parler ne posent aucun problème : il s'agit de l'Ille-et-Vilaine, du Maine-et-Loire, de la Loire-Atlantique et du Jura.

Dans les Bouches-du-Rhône, en revanche, il y a eu un incident : la plupart des délégués du parti communiste français dans les bureaux de vote se sont plaints d'une entrave apportée à leur mission de contrôle. Ils entendaient consigner les numéros des électeurs qui votaient. Cette intention s'est heurtée, selon les cas, à des attitudes allant de la tolérance à l'expulsion hors du bureau de vote. La jurisprudence a été amenée à sanctionner l'attitude de délégués consignant l'état des émargements de façon à joindre les électeurs par téléphone et par suite à exercer sur eux des pressions de dernière heure. Ici, les délégués en question n'ont pas eu accès aux listes, mais ils ont relevé les références numériques des électeurs, qui sont de nature à permettre de connaître l'identité des électeurs. La situation est ici voisine, mais n'a pas eu la conséquence effective qu'a sanctionnée la jurisprudence.

Monsieur le Président : Oui, la finalité était évidente, mais il n'y a pas eu finalement de conséquences, de pressions effectives.

Madame DENIS-LINTON : Je reviens donc, par la Corse-du-Sud, sur le cas de la commune de Ciamannace, pour laquelle, je vous le rappelle, le procès-verbal indique un résultat de 100 "OUI" et 33 "NON", tandis que les feuilles de pointage font état d'un résultat exactement inverse. J'ai pris contact avec le bureau des élections de la préfecture de Corse-du-Sud : on m'a informé que la commission départementale n'avait pas eu le temps matériel d'interroger la commune sur cette divergence. A ma demande, le maire de Ciamannace a été informé du problème : il s'est déclaré fort surpris, car convaincu que le procès-verbal était en concordance avec les feuilles de pointage, et persuadé que le "NON" l'avait emporté dans sa commune. 

Trois solutions, dans ces conditions, s'offrent à vous : en premier lieu, l'annulation dès lors que vous êtes en présence de deux documents faisant état d'éléments contraires en fait ; en deuxième lieu, adopter la position de la commission départementale en considérant que c'est le procès-verbal qui fait foi -ce que revendique le préfet-. Mais le procès-verbal ne fait foi que jusqu'à preuve contraire et considérer que tel est le cas aujourd'hui vous conduirait à une troisième solution qui a ma préférence : estimer qu'il résulte de l'instruction qu'en l'espèce les résultats tels que résultant des feuilles de pointage correspondent à la volonté réelle des électeurs, le procès-verbal ayant été ultérieurement rédigé en sens contraire par erreur.

Monsieur ABADIE : Par qui sont signées les feuilles de pointage ? Je crois par les scrutateurs, c'est-à-dire des habitants lambda : c'est une garantie juridique un peu aléatoire... Le procès-verbal, en revanche, est signé par les responsables du bureau. Il y a une possibilité de fraude évidente si on retient les feuilles de pointage...

Madame DENIS-LINTON : J'ai des signatures de scrutateurs...

Monsieur LATSCHA : Il y a 130 votants en tout...

Madame DENIS-LINTON : Ah si ! Parmi les signatures, j'ai celle d'un assesseur.

Monsieur FABRE : Le résultat du vote n'est pas secret : les résultats du pointage ont bien dû être annoncés sur place !

Monsieur RUDLOFF : Il y a eu tout bonnement inversion au moment de la rédaction du procès-verbal...

Monsieur FAURE : Le pointage est en effet le plus vraisemblable...

Madame DENIS-LINTON : Le maire propose de réunir le bureau de vote afin de signer les feuilles de pointage.

Madame LENOIR : Il faut suivre la proposition du rapporteur.

Monsieur LATSCHA : Quel est son sentiment ?

Madame DENIS-LINTON : Qu'il y a eu par erreur inversion du résultat lors de la rédaction du procès-verbal.

Monsieur le Président : Bien, le Conseil constitutionnel se range à l'avis de son rapporteur. 

Madame DENIS-LINTON : On rétablit donc les chiffres et l'opération est couverte par le considérant générique du Conseil constitutionnel touchant la rectification des erreurs matérielles.

Monsieur le Président : Merci.

(Monsieur GAEREMYNCK est introduit dans la salle des séances. Il remplace Madame DENIS-LINTON à la table des rapporteurs adjoints).

Monsieur le Président : Je vous en prie.

Monsieur GAEREMYNCK : Monsieur le Président, pour Mayotte, vos délégués ont signalé quelques irrégularités mineures : l'ouverture avec quelques heures de retard de bureaux de vote, un nombre insuffisant d'assesseurs, ou le défaut de signature de ces derniers. On signale en outre que des urnes transparentes n'étaient pas closes dans un bureau de vote : on n'avait simplement pas de cadenas ; il n'y a pas eu de réclamation ; votre délégué n'en a pas tiré de conséquence.

Pour la Haute-Loire, outre quelques rectifications mineures de la commission, le Président du tribunal de grande instance du Puy-en-Velay signale des enveloppes non suffisamment colorées.

Il me reste à vous reparler de la Mayenne : le supplément d'instruction auquel j'ai procédé sur les communes pour lesquelles les résultats avaient été arrêtés par la commission à partir des listings, m'a conduit à la certitude de la conformité de ces résultats, que je vous propose par suite d'admettre.

Monsieur le Président : Parfait.

La séance est levée à 12 h 50.

La séance est reprise à 14 h 55.

Monsieur le Président : Bien, nous poursuivons.

(Madame BAZY-MALAURIE pénètre dans la salle des séances).

Madame BAZY-MALAURIE : Monsieur le Président, pour le Gard, il n'y a rien à signaler, sauf quelques remarques ici sur le nombre d'isoloirs, là sur ce que le maire a fermé le bureau... à l'heure du déjeuner.

Rien à signaler non plus en ce qui concerne la Drôme, excepté le cas d'un électeur qui a voté bien qu'étant par ailleurs inscrit à Rome : la commission ne précise d'ailleurs pas si elle a procédé à une rectification ou pas. Pour l'Allier, je n'ai aucun 
commentaire à faire. S'agissant du Finistère, il n'y a rien de significatif, mis à part quelques électeurs qui se sont trompés de bureau de vote, mais la commission a fait vérifier qu'ils n'avaient pas voté dans un autre ; on signale également un votant inscrit par ailleurs dans un centre de vote à l'étranger.

Pour le Val-de-Marne, nous avons eu avec le calculateur quelques problèmes, eu égard au nombre non négligeable d'erreurs de calcul. Finalement, nous avons eu d'autres propositions de comptabilisation, celles-là mêmes qui sont dans la fiche à votre dossier, qui ont été confirmées par la préfecture par télécopie. Parmi les autres problèmes, la commission signale une difficulté dont on ne mesure pas bien la teneur : dans le 28ème bureau de Villejuif, on constate une différence de 52 unités entre les émargements et les feuilles de pointage : il est possible qu'une de ces dernières soit manquante. Il y a également une différence de 48 unités entre les bulletins trouvés dans l'urne et les émargements, mais dispersées sur cinq ou six communes. J'ajoute l'existence de trois réclamations : un électeur s'est offusqué à Choisy-le-Roi de ce que le député arbore un "pin's" en faveur du "OUI" au revers de sa veste... ; un conseil municipal saisit directement le Conseil constitutionnel de ce qu'il n'aurait pas pu vérifier les feuilles de pointage : la commission n'a rien signalé ; enfin Monsieur GRIOTTERAY a critiqué dans la presse l'apparition dans un journal télévisé du dimanche 20 d'un électeur montrant qu'il votait "OUI" ; mais il n'a pas prolongé sa démarche...

En Haute-Savoie, des résidents à l'étranger ont voté dans le 2ème bureau de Megève.

Dans les Ardennes, la commission constate un nombre de bulletins supérieurs à celui des émargements : elle s'est par suite livrée à des calculs fort compliqués où je ne suis pas sûre que la logique ait été toujours présente ; mais il n'y a pas lieu à réformation.

Monsieur le Secrétaire général : Pour la Charente-maritime, une question voisine de celle à laquelle est confronté Monsieur POULY pour la commune de Granlhet se pose. Peut-être est-il meilleur de laisser d'abord Monsieur POULY rendre compte de son supplément d'instruction

Monsieur FAURE : Pourquoi n'a-t-elle pas fait d'injonction dans les 4 autres ?

Monsieur POULY : Parce qu'avant de les visiter, elle avait eu le refus de Madame CATHALA, et qu'elle avait le sentiment que cela aurait été en pure perte.

Monsieur le Président : Alors prenons les dix !

Monsieur CABANNES : C'est délicat, elle n'a rien demandé dans les 4 autres...

Monsieur ROBERT : Il faut invalider la totalité.

Monsieur FAURE : Je le crois aussi...

Monsieur le Président : C'est vrai tout de même qu'elle n'a rien dit...

Monsieur FAURE : Le chef du bureau des élections, ça n'est sans doute pas un adjoint, mais un fonctionnaire municipal...

Monsieur FABRE : Je relève qu'aux électeurs, on n'a rien demandé, et qu'on se souciait tout de même de l'identité de ceux que l'on ne connaissait pas... On va annuler des votes d'électeurs restés dans leur bon droit... Je ne suis pas sûr qu'il 
faille aller au-delà d'une mise en garde sur l'attitude par rapport aux délégués du Conseil constitutionnel...

Monsieur le Président : C'est vrai, mais c'est toujours le cas quand nous annulons. Quand on sanctionne une O.P.A. brutale sur les urnes en Corse, les électeurs ne sont pas davantage en cause. Je crois qu'on a le choix entre 6 et 11, mais je ne suis pas partisan que l'on ne fasse rien.

Monsieur ABADIE : On reprendrait la formule de 1988...

Monsieur le Secrétaire général : La proclamation du 11 mai 1988 précise qu'il n'a pas été procédé au contrôle d'identité des électeurs ; que cette irrégularité "s'est poursuivie en dépit des observations faites à ce sujet, soit par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel, soit par la commission de contrôle des opérations de vote ; que devant cette méconnaissance délibérée et persistante de dispositions légales destinées à assurer la régularité et la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés" dans les bureaux correspondants.

Monsieur le Président : Et dans nos observations générales au Gouvernement, nous attirerons l'attention de ce dernier sur la disparité entre le texte de la loi et le texte du décret. Il faudra bien qu'à un moment donné les élus de la nation fassent valoir leur point de vue sur cette question.

Monsieur FAURE : Nous sommes devant une option plus difficile qu'il n'y paraît. Nous allons sanctionner à Gralhet ce qui se fait dans les 3/4 des communes de France. Nous en faisons un cas exemplaire. Cela va faire du bruit...

Monsieur CABANNES : Pour les autres, pas vu pas pris.

Monsieur le Président : Nous avons notre jurisprudence de 1988. Nous sommes exactement dans la même situation. On ne peut admettre qu'on dise non au délégué du Conseil constitutionnel. Du bruit, dites-vous ? Eh bien, c'est très bien... Mais il faut que la question soit soumise au Parlement.

Madame LENOIR : 11 nous faut coller à la rédaction de 1988, si nous n'en retenons que six. Mais au cas présent on a vu qu'un responsable a répondu pour l'ensemble des bureaux de la commune. Moi, je suis d'avis qu'on sanctionne les 11 bureaux.

Monsieur ABADIE : Moi, je ne retiendrais que les 6. La jurisprudence insiste sur le refus opposé à l'injonction. Puis, le fait de dire qu'on s'est adressé à un "responsable communal" n'est pas fondé : un agent municipal n'est pas responsable ; la responsabilité n'appartient qu'au président du bureau de vote. 

Monsieur FAURE : Elle a constaté la même infraction dans les quatre autres bureaux...

Monsieur ABADIE : Oui, mais elle n'y a pas fait de remarque...

Monsieur POULY : Effectivement, elle n'a fait la remarque que pour six bureaux. Dans les quatre autres, elle s'est bornée à constater une pratique identique.

Monsieur le Président : Ce qui compte, c'est plus le refus d'obtempérer, au nom de l'autorité du Conseil constitutionnel, que la pratique. Je mets donc la question aux voix : qui est pour l'invalidation de six bureaux seulement ?

Le Conseil se prononce en ce sens, à l'exception de Madame LENOIR, Messieurs ROBERT et RUDLOFF, favorables à l'autre option.

(Monsieur POULY cède la place à Madame BAZY-MALAURIE).

Monsieur le Président : Madame le rapporteur...

Madame BAZY-MALAURIE : Monsieur le Président, pour vous exposer le cas de la Charente-maritime, département pour lequel la commission de recensement a eu affaire à beaucoup d'erreurs matérielles, et tout particulièrement le problème qui s'est posé dans le premier bureau de Chatelaillon-plage : Monsieur FAU, vice-président au Tribunal de grande instance de La Rochelle, signale qu'il a observé à 11 h 10 qu'il n'était pas procédé au contrôle des identités et que, malgré les observations adressées le matin, la pratique demeurait inchangée dans l'après-midi vers 17 heures. Il y a dans cette commune 3 787 électeurs dont 1 018 dans ce bureau ; 703 suffrages ont été exprimés, dont 363 "OUI" et 340 "NON". Cela dit, je ne sais s'il y a à Chatelaillon-plage les 5 000 habitants minimum requis par l'article R. 60 pour que s'applique la règle, qu'il prévoit, de la présentation obligatoire d'un titre d'identité...

Monsieur FAURE : Oh, probablement, je dirais 6 ou 7 000...

Monsieur le Président : Bon, nous sommes donc dans la même situation que pour Gralhet.

Monsieur FAURE : Cela dit, il faudrait vérifier ; c'est une station estivale ; ça doit être aux alentours effectivement de 5 000 habitants.

(Le Secrétaire général quitte la salle des séances).

Monsieur le Président : Sous cette réserve, à vérifier, donc le délégué... 

Madame BAZY-MALAURIE : ... a constaté l'absence de contrôle à 11 h 10 lors d'un premier passage, a fait à cette occasion des représentations, puis a constaté à 17 h 20, lors d'un second passage, qu'il n'en avait pas été tenu compte.

Monsieur le Président : S'il y a 5 000 habitants, il faut appliquer la même jurisprudence.

Monsieur FAURE : Ce n'est pas plus mal d'ailleurs qu'il y ait une autre annulation à ce titre.

Monsieur le Secrétaire général (de retour dans la salle des séances) : Le dictionnaire des communes indique une population supérieure à 5 000 habitants... Mais le guide Michelin, édition de 1992, indique 4 993 habitants. Il faudrait se faire préciser les choses à la Préfecture.

Monsieur ABADIE : Il faudrait savoir le chiffre publié au Journal officiel après le dernier recensement.

(Monsieur le Chef du service juridique quitte la salle des séances afin de recueillir des informations sur ce point).

Monsieur le Président : Suspendons la question afin d'en savoir plus (Madame BAZY- MALAURIE quitte la salle. Monsieur LEFOULON pénètre dans la salle des séances).

Monsieur le Président : Monsieur le rapporteur, nous poursuivons s'il vous plaît.

Monsieur LEFOULON : Monsieur le Président, pour Saint-Pierre et Miquelon, je n'ai rigoureusement rien à signaler. De même pour l'Yonne, sauf une erreur matérielle qui a été corrigée.

Les Vosges, nous les avons déjà examinées hier** C'est inexact ; voir infra le rapport de Monsieur LEFOULON sur ce département.

Pour les Alpes-de-Haute-Provence, je ne signale qu'une discordance d'une unité, qu'il faut réparer, entre le nombre de suffrages exprimés et la sommation des "OUI" et des "NON".

S'agissant de la Vendée, ce département a procédé de façon originale à la réduction d'une discordance entre bulletins trouvés dans l'urne et émargements : il y a eu répartition équitable des ponctions sur le "OUI" et sur le "NON", mais quand le surplus était impair, il a été corrigé par une imputation sur les bulletins nuls... L'opération n'a de toutes façons porté que sur un nombre très minime de bulletins... 

Monsieur le Président : Merci encore, Monsieur PAOLI, c'est à vous...

(Monsieur LEFOULON quitte la salle des séances, tandis que Monsieur PAOLI s'installe à la table des rapporteurs adjoints).

Monsieur le Président : Nous vous écoutons, Monsieur PAOLI...

Monsieur PAOLI : Monsieur le Président, en ce qui concerne les Français de l'étranger, aucune difficulté sérieuse n'est à signaler. Le "OUI" l'a emporté parmi eux à environ 80 %. Avec toutefois l'exception de la principauté de Monaco, où l'on compte autant de "NON" que de "OUI" : il y a probablement eu un phénomène d'osmose, les résultats de la Côte d'Azur "débordant" sur la principauté. Je signale également une proportion de "NON" relativement importante dans les pays de l'ancienne Yougoslavie...

Monsieur le Président : Les Français de là-bas sont probablement mécontents de l'attitude de l'Europe face au conflit yougoslave.

Monsieur PAOLI : La commission électorale du ministère des affaires étrangères a fait état de quelques incidents très mineurs : deux ou trois mandataires n'ont pas pu voter parce que les "talons" des procurations ne sont pas arrivés en temps utile dans les consulats : mais c'est simplement que les électeurs concernés avaient procédé trop tardivement aux démarches nécessaires. Une personne à Sarrebrück a voté sans y être invitée. Une autre à Casablanca a critiqué le fait que le R.F.I. aurait annoncé le résultat concernant les Français d'Australie à 14 heures GMT. La commission ainsi que votre rapporteur ont procédé à la rectification de légères discordances de chiffres, que je vous propose de ratifier.

J'ai eu l'honneur d'être le délégué du Conseil constitutionnel aux Pays-Bas, ce qui m'a amené à me rendre à La Haye et à Amsterdam, où sont les deux centres de vote pour ce pays (il en existait un troisième à Rotterdam, qui a été supprimé). La proportion des "OUI" dans ces centres a atteint les 80 %. Le taux de participation a néanmoins un peu souffert de ce qu'il n'existe donc que deux centres par tout le pays et que le vote par correspondance n'est pas autorisé ; à quoi s'ajoute le fait que le découpage n'est pas très rationnel : pour La Haye et sa banlieue, il y a environ 500 inscrits, tous les autres électeurs, notamment du sud de la Hollande et de Rotterdam, votant à La Haye, ce qui suppose un déplacement de 80 à 100 kilomètres -d'où les 40 à 50 % d'abstentions constatés. J'ai admiré la patience des électeurs qui ont fait la queue toute la journée. Il n'y a pas eu le moindre incident. Je n'ai été amené à faire qu'une seule observation : on n'utilisait pas l'édition du code électoral qui prévoit désormais que l'émargement est effectué par l'électeur lui-même ; c'était l'un des membres du bureau qui émargeait. J'ai discrètement fait l'observation et les choses ont été immédiatement rectifiées. Je signale enfin que 
j'ai reçu des autorités diplomatiques qui représentent la France aux Pays-Bas le meilleur des accueils.

Monsieur le Président : Eh bien, parfait, Monsieur PAOLI, nous vous remercions.

Monsieur le Secrétaire général : Monsieur le Président, les services vont à présent procéder à une totalisation générale compte tenu des décisions prises par le Conseil constitutionnel (étant entendu que demeure la réserve de Chatelaillon-plage, dont nous recherchons le nombre exact d'habitants) et il convient de mettre la dernière main au projet de proclamation des résultats. J'estime à une heure le laps de temps nécessaire pour ces opérations.

Monsieur le Président : Parfait, je suspends donc la séance ; nous reprendrons dans une heure.

La séance est suspendue à 16 heures.

La séance est reprise à 17 heures.

(Monsieur LEFOULON est introduit dans la salle des séances).

Monsieur LEFOULON : Je suis désolé ! Il me semblait que le département des Vosges avait déjà été examiné. Or, nous n'y avons fait qu'une allusion. Mais je serai très bref : il n'y a pas d'observation particulière, et aucun incident notable n'est mentionné aux procès-verbaux. Aussi, je termine ce bref rapport en vous indiquant qu'il n'y a pas lieu à rectification.

Monsieur le Président : Merci, Monsieur le rapporteur.

(Monsieur le Secrétaire général remplace Monsieur LEFOULON à la place du rapporteur adjoint).

Monsieur le Secrétaire général : Il reste au Conseil à statuer sur le cas de la commune de Chatelaillon-plage. Le Conseil a estimé que le code électoral avait été méconnu dans un bureau de cette commune. Mais les dispositions de l'article R. 60 du code électoral ne s'appliquent que dans les communes de plus de 5 000 habitants. L'article R. 114-2 du code des communes précise que le chiffre à prendre en considération est celui de la "population municipale totale", telle qu'elle résulte du dernier recensement général de la population. Pendant le temps, assez bref, de la suspension de séance, j'ai recherché les résultats du dernier recensement de 1990. Mais il ne concerne que les départements et renvoie à l'I.N.S.E.E. pour les chiffres de population dans les communes. Le ministère de l'intérieur, pour sa part, retient la population municipale. Celle-ci est distincte de la population totale, au sens de l'I.N.S.E.E., en ce qu'elle exclut les "doubles comptes" qui sont, par exemple, des 
élèves d'internat ou des détenus. Le ministère de l'intérieur les exclut. Ceci est très important pour la commune de Chatelaillon-plage car, si les "doubles comptes" sont exclus, la population municipale est de 4 993 habitants -au dernier recensement général- mais si on exclut les doubles comptes, le seuil de 5 000 habitants est franchi. Voilà le problème posé au Conseil. Quant à la jurisprudence du Conseil d'Etat, elle n'est pas, en l'espèce, d'un grand secours : elle vise en effet, dans ce genre d'hypothèse, le "dernier décret de recensement". Doit-on ou non inclure les doubles comptes ?

(Monsieur le Secrétaire général regagne sa place habituelle).

Monsieur le Président : Dans la logique qui sous-tend l'article R. 114-2 du code des communes, la réponse à cette question est négative.

Monsieur LATSCHA : C'est la position du ministère de l'intérieur.

Monsieur ABADIE : Jadis, les tableaux de recensement incluaient, dans la colonne de droite, les résultats pris en compte mais les doubles comptes étaient à part. Je ne fais que dire là ce qui prévalait jusqu'ici : on ne les incluait pas. Et je suis favorable au maintien de cette pratique. Ne les incluons pas !

Monsieur le Président : Bien ! Il n'y a pas d'avis divergent ? Alors on ne les prend pas en compte !

Monsieur ABADIE : Je peux lire le projet de décision ?

Monsieur le Président : Oui ! Allez-y !

Monsieur ABADIE commence sa lecture. Il s'interrompt à la fin des visas. Cela convient-il ?

Monsieur le Président : Monsieur le Secrétaire général, on vise une décision du Conseil d'Etat ?

Monsieur le Secrétaire général : Oui. C'est le décret tel que partiellement annulé sur certains articles par le Conseil d'Etat qu'applique le Conseil constitutionnel. Ce dernier ne peut ignorer la chose jugée par le Conseil d'Etat.

Monsieur ABADIE reprend sa lecture.

Monsieur le Président (l'interrompant après le considérant central de la page 5) : Faut-il parler d'un "principe fondamental" ? 

Monsieur le Secrétaire général : C'est à la demande expresse du Doyen VEDEL que l'expression avait été utilisée en 1988.

Monsieur le Président : "La méconnaissance de cette règle" suffirait peut-être...

Monsieur le Secrétaire général : Il s'agit du secret du vote.

Monsieur le Président : Oui... Mais...

Les conseillers s'accordent sur la formule : méconnaissance de "cette obligation".

Monsieur ABADIE reprend la lecture du projet, après avoir précisé que le considérant relatif à Chatelaillon-plage doit bien entendu être supprimé.

Monsieur le Président (l'interrompant après la lecture du considérant relatif à la commune de Gralhet) : Dit-on "bureaux considérés" ou "bureaux en cause" ?

Cette dernière formulation est adoptée.

Monsieur ABADIE (ayant procédé à la lecture du considérant suivant) : On dit ainsi : "sans influence sur l'issue du scrutin" ?

Plusieurs conseillers : Oui, c'est la formule traditionnelle...

Monsieur le Président : Oui l"issue", c'est le "OUI" ou le "NON".

Monsieur le Secrétaire général : Monsieur le préfet est en possession en exclusivité des résultats.

Monsieur le Président : Eh bien, il va nous la faire partager.

Monsieur ABADIE :

Inscrits : 38.305.534
Votants : 26.695.951
Suffrages exprimés : 25.786.546
OUI : 13.162.992
NON : 12.623.582

Il y a une légère discordance entre les suffrages exprimés et le total des "OUI" et des "NON". 

Monsieur le Secrétaire général : Effectivement, le nombre des suffrages exprimés devrait s'élever à 25.786.574. Les tabulations viennent à l'instant de procéder à ces totalisations. Je vais faire vérifier que c'est bien au montant que je viens de dire que doivent être arrêtés les suffrages exprimés*<* Vérification ultérieurement faite, les suffrages exprimés s'élevaient bien à 25.786.574, soit le total des OUI et des NON.>.

Monsieur le Président : Sous réserve de cette vérification ultime, je mets aux voix le projet de proclamation.

Adoption à l'unanimité.

Monsieur le Président : Je mets maintenant aux voix le projet de décision relatif à la loi référendaire.

(Adoption à l'unanimité).

La séance est levée à 17 H 30.

Vérification ultérieurement faite, les suffrages exprimés s'élevaient bien à 25.786.574, soit le total des OUI et des NON.

Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.