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PV1992-12-29<br><br><br><br><br><br><br><br><br>  Maxime MARCHAL



CONSEIL CONSTITUTIONNEL

ORDRE DU JOUR mardi 29 décembre 1992

10 heures

- Décision n° 92-172 L :

Examen, en application de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, d'une demande d'appréciation de la nature juridique de dispositions relatives à certaines compétences de la direction générale des impôts, du service des douanes et de leurs agents.

- Décision n° 92-173 L :

Examen, en application de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, d'une demande d'appréciation de la nature juridique de dispositions contenues dans les articles 7 et 53 de l'ordonnance n° 58-1372 du 29 décembre 1958).

Rapporteur : Monsieur Jean CABANNES

 

SEANCE DU 29 DECEMBRE 1992

La séance est ouverte à 10 h 05.

Monsieur le Président : Bien, nous commençons.

Monsieur CABANNES : Je suis heureux d'avoir l'occasion de terminer cette année bien que ce soit pour la dernière fois devant notre Secrétaire général. Je voudrai renouveler en mon nom propre l'hommage qui lui est dû et remercier aussi ses collaborateurs pour l'aide qu'ils m'ont apportée pour les deux affaires que nous avons à examiner aujourd'hui. Ce sera d'ailleurs rapide.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 décembre 1992 par le Premier ministre, dans les conditions prévues à l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, d'une demande tendant à l'appréciation de la nature juridique de dispositions contenues dans un ensemble de textes touchant à la compétence de la direction générale des impôts, du service des douanes et de leurs agents.

Ces textes, qui contiennent des dispositions dont le déclassement nous est demandé, peuvent être répartis en trois groupes :

- en premier lieu, plusieurs articles du code général des impôts : articles 422, 444, 489, 1560ter, 1699 ;

- en second lieu, les articles ci-après du livre des procédures fiscales : articles L 38, L 81, L 190, L 256 ;

- enfin, un certain nombre de textes législatifs qui sont les suivants :

- loi du 21 décembre 1967, article 69 ;

- loi du 27 décembre 1968, articles 15 et 30 ;

- loi du 3 juillet 1970, articles 2 et 5 ;

- loi du 24 mai 1976, articles 5, 7, 11 et 12 ;

- loi du 30 décembre 1981, article 49 ;

- loi du 29 décembre 1988, article 29.

Tous ces textes ont le caractère de textes de forme législative intervenus postérieurement à l'entrée en vigueur de la Constitution.



Une des dispositions dont le déclassement est demandé est contenue dans l'article 444, alinéa 2 du code général des impôts et est issue, non d'une loi, mais d'une ordonnance du 30 décembre 1958 prise sur le fondement de l'article 92 de la Constitution. De telles ordonnances ont le caractère de texte de forme législative (n° 82-129 L du 26 novembre 1982, p.105) .

Nous sommes donc compétents pour connaître de l'ensemble de la saisine.

MOTIF DE LA DEMANDE :

L'article 108 de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992 prévoit que la direction générale des douanes et droits indirects est substituée, à compter du 1er janvier 1993, à la direction générale des impôts pour rechercher, constater et poursuivre les infractions qui peuvent donner lieu à des sanctions à caractère répressif en matière de contributions indirectes, droits, taxes, redevances et impositions obéissant aux mêmes règles. Il en va de même en ce qui concerne la garantie des matières d'or, d'argent et de platine ainsi qu'en matière de réglementations dans le domaine de la viticulture, des céréales, des tabacs et des alcools.

Cette réforme se traduit par une modification partielle des attributions des administrations dépendant du ministère du budget et de leurs agents, au profit de la direction générale des douanes et droits indirects. Cela suppose l'abrogation de dispositions législatives qui désignent, pour exercer ces attributions, d'autres administrations, services et agents et, plus particulièrement, la direction générale des impôts.

Selon l'usage, le Gouvernement nous a communiqué le projet de décret portant à la fois déclassement et fixation des nouvelles attributions respectives de la direction générale des douanes et droits indirects et de la direction générale des impôts.

APPRECIATION :

A l'exception d'un article, l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales, j'estime que toutes les dispositions dont le déclassement nous est demandé relèvent du domaine du règlement.

J'examinerai, en premier lieu, les dispositions dont le déclassement est demandé, autres que celles qui figurent à cet article L. 38.



A. DISPOSITIONS AUTRES QUE CELLES DE L'ARTICLE L.38 DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES :

Toutes les dispositions des 19 articles en cause dont le déclassement nous est demandé sont semblables : elles désignent soit le service administratif auprès duquel des formalités, notamment des déclarations ou des dépôts de documents doivent être accomplies, soit l'autorité administrative habilitée à exercer au nom de l'Etat des attributions relevant de la compétence du pouvoir exécutif.

De telles dispositions, lorsque, comme c'est le cas, elles ne mettent en cause aucun des principes fondamentaux non plus qu'aucune des règles que la Constitution a placés dans le domaine de la loi, relèvent du domaine réglementaire.

Voyez, en ce sens, nos décisions :

- n° 83-131 L, 19 juillet 1983, p. 84 ; 

- n° 83-132 L, 19 juillet 1983, p. 85 ; 

- n° 88-155 L, 10 mars 1988, p. 44 ; 

- n° 88-158 L, 13 juillet 1988, p. 87 ; 

- n° 89-161 L, 24 octobre 1989, p. 88.

Je vous propose, dans ces conditions, de regarder comme relevant du domaine réglementaire l'ensemble des dispositions qui nous sont déférées autres que celles de l'article L 38 du code général des impôts.

B. DISPOSITIONS CONTENUES DANS L'ARTICLE L 38 DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES :

La rédaction actuelle de cet article a fait suite à une censure d'un texte antérieur par le Conseil constitutionnel dans une décision n° 83-164 DC, 29 décembre 1983, p. 67.

Les dispositions de cet article, dont le déclassement est demandé sont contenues dans les paragraphes 1, 3 et 4.

Le paragraphe 1 dispose que, pour la recherche et la constatation des infractions aux dispositions du titre III de la première partie du livre 1er du code général des impôts (contributions indirectes et monopoles fiscaux, taxes diverses) et aux législations édictant les mêmes règles en matière de procédure et de recouvrement, les agents de l'administration des impôts (les mots "des impôts" nous sont soumis) habilités à cet effet par le directeur général des impôts (les mots "directeur général des impôts" nous sont aussi soumis) peuvent effectuer des visites en tous lieux, même privés, où les pièces, documents, objets ou



marchandises se rapportant à ces infractions sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie. Ils sont accompagnés d'un officier de police judiciaire.

L'article 34 de la Constitution réserve au législateur le soin de fixer les règles concernant la procédure pénale. Au nombre de ces règles figure la détermination des agents ou catégories d'agents habilités à constater des infractions pénales (cf. à propos des lieutenants de louveterie la décision 87-149 L du 20 février 1987 - Rec. p.22).

Tel est le cas des dispositions qui nous sont soumises et qui prévoient que la recherche et la constatation des infractions visées à l'article L 38 seront réservées à des agents de l'administration des impôts habilités à cet effet par le directeur général des impôts.

Les dispositions du 1 de l'article L 38 du livre des procédures fiscales qui nous sont soumises sont donc à mon avis de nature législative.

Le Gouvernement demande en outre le déclassement de la mention faite aux paragraphes 3 et 4 de l'article L 38 de l'intervention des agents de l'administration des impôts visés au 1 de l'article. Il s'agit de l'intervention de ces agents pendant la visite et lors de la rédaction du procès-verbal établi à l'issue de la visite.

Ces mentions me paraissent ressortir de la compétence législative pour les mêmes motifs que ceux que j'ai indiqués à propos du paragraphe 1 de l'article L 38. Les agents ainsi mentionnés interviennent dans la constatation d'infractions de caractère pénal. Nous sommes là encore dans le domaine de la procédure pénale.

En conclusion, j'ai l'honneur de proposer au Conseil de décider que :

1° dans le texte de l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales, ont un caractère législatif les dispositions contenues au 1 dans les mots "des impôts" et "directeurs général des impôts" ainsi qu'au 3 et au 4 dans les mots "des impôts" ;

2° les autres dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel ont un caractère réglementaire.

Monsieur le Président : Qui souhaite intervenir ? Personne ? Monsieur le Préfet... ?

Monsieur ABADIE : En quoi l'article 108 de la loi du 17 juillet 1992 qui substitue la Direction générale des douanes à la Direction générale des impôts peut-il interférer au niveau législatif avec la procédure pénale qui prévoyait que les agents



pouvaient intervenir ? La valeur de la loi de juillet 1992 ne vaut-elle pas habilitation pour que les agents de la Direction générale des douanes puissent intervenir ? Cette loi a dit ce que faisait la Direction générale des impôts, c'est maintenant la Direction générale des douanes qui le fait.

Monsieur CABANNES : Il s'agit là de la différence entre la procédure et l'application.

Monsieur le Président : Monsieur le Professeur, vous souhaitez répondre.

Monsieur ROBERT : J'avoue que je ne comprends pas bien votre question. Les règles de procédure pénale sont du domaine de la loi .

Monsieur ABADIE : Mais du fait de cette loi cette habilitation existe.

Monsieur ROBERT : Le remplacement d'une direction par l'autre joue pour la totalité du processus.

Monsieur RUDLOFF : De toute façon ce n'est pas le problème. Nous avons affaire à une question de déclassement qui ne pose aucune question.

Monsieur le Président : Passons à la lecture du projet.

(Monsieur CABANNES lit le projet. Il est adopté à l'unanimité).

Monsieur le Président : Bien. Nous passons au projet suivant.

Monsieur CABANNES : Celui-là sera encore plus rapide.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 décembre 1992 par le Premier ministre, dans les conditions prévues à l'article 37, alinéa 2 de la Constitution, d'une demande tendant à l'appréciation de la nature juridique de dispositions contenues dans deux articles de l'ordonnance n° 58-1372 du 29 décembre 1958 relative à diverses dispositions d'ordre fiscal et douanier.

Ces dispositions sont les suivantes :

- à l'article 7, les mots "service des contributions indirectes" ;

- à l'article 53, au paragraphe I, les mots "des agents des contributions indirectes" et au paragraphe II, les mots "aux agents des contributions indirectes".

Mes commentaires sur cette affaire se ramèneront à trois brèves observations.

En premier lieu, nous sommes compétents pour connaître de la demande de déclassement. Les dispositions sur lesquelles porte cette demande sont contenues dans une ordonnance prise sur le



fondement de l'article 92 de la Constitution. Comme je l'ai indiqué à propos de la précédente affaire, ces ordonnances ont le caractère de textes de forme législative et nous sommes donc compétents pour en connaître, en vertu de l'article 37, alinéa 2 de la Constitution.

Ma seconde observation est que la présente demande de déclassement répond aux mêmes motifs que la précédente.

L'article 7 de l'ordonnance, relatif à certains droits et taxes perçus dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion sont assis et perçus par les services des contributions indirectes.

L'article 53 comporte deux paragraphes :

- le paragraphe I dispose que les propriétaires, utilisateurs ou conducteurs de véhicules automobiles servant au transport des marchandises doivent, notamment, à la demande des agents des contributions indirectes, conduire ces véhicules à une bascule publique ;

- le paragraphe II prévoit que les personnes assujetties à la taxe de circulation sur les viandes doivent fournir les moyens nécessaires, notamment aux agents des contributions indirectes en vue du pesage des viandes et conduire à la demande de ces agents leur chargement à la bascule publique.

Les agents des contributions indirectes mentionnés aux articles 7 et 53 dépendent actuellement de la direction générale des impôts ; la réforme envisagée par le Gouvernement consistant à transférer une partie des attributions de la direction générale des impôts à la direction générale des douanes et droits indirects conduit à modifier ces dispositions.

Ma troisième observation sera pour indiquer que les dispositions dont le déclassement nous est demandé - et qui figurent uniquement, à l'article 7, dans les mots "service des contributions indirectes" et, à l'article 53, dans les mots "des agents des contributions indirectes" - me paraissent pour les motifs que j'ai développés à l'occasion de la précédente affaire, relever du domaine réglementaire.

Monsieur le Président : Bien, qui souhaite intervenir ? Alors allons-y.

(Le projet est adopté à l'unanimité).

Monsieur le Président : La motivation était claire. Il faut reconnaître que l'affaire n'était pas importante. Nous allons prendre maintenant les calendriers pour examiner l'ordre du jour à venir des saisines. Nous avons la loi sur la corruption, la mise en oeuvre du 88-4 par le règlement du Sénat et le D.M.O.S. Deux textes sur lesquels je comptais ne feront pas l'objet d'un contrôle : la loi de finances et le code de procédure pénale. Nous avons là une indication précise sur la nature des saisines.



Il ne sera pas indifférent qu'un jour un chercheur puisse se pencher sur les raisons pour lesquelles le Conseil constitutionnel est saisi. Les saisines sont moins liées au contenu même des projets de loi qu'aux rapports entre la majorité et l'opposition et peut-être à la crainte d'une éventuelle déclaration d'inconstitutionnalité. Par exemple, la loi sur le financement des partis politiques. En revanche, je suis vraiment étonné que nous n'ayons pas été saisis du code de procédure pénale. C'est peut-être tout simplement l'indifférence ou l'absence de considération. En ce qui concerne le budget, c'est certainement la crainte des cavaliers budgétaires qui auraient pu faire l'objet d'une censure qui a arrêté les requérants.

Monsieur CABANNES : En ce qui concerne le code de procédure pénale, je ne crois pas qu'il s'agisse d'indifférence ou d'absence de considération. L'opposition veut revenir sur ce texte et elle craignait certainement que le Conseil constitutionnel ne sacralise certains aspects de la procédure pénale.

Monsieur le Président : Il me semble que ce qu'on peut retenir de la nature des saisines c'est moins les motifs ou les mobiles constitutionnels que les raisons politiques. Le déclenchement du contrôle est d'ordre politique.

Monsieur RUDLOFF : Il est certain que le mécanisme de contrôle est un outil de l'opposition.

Monsieur le Président : Non, ce peut être aussi un outil entre les mains du Premier ministre ou du Président de la République. Par exemple, les textes sur la bioéthique pourraient faire l'objet d'une saisine de leur part. Il est certain que notre jurisprudence est issue d'impératifs politiques tout autant que juridiques. Mais je suis toujours très discret sur cette question. Au fond c'est la saisine autant que la non saisine qui sont d'ordre politique. Il est certain que ça mériterait une étude fouillée sur près de quinze ans.

Monsieur LATSCHA : Il est certain que ce serait un travail de recherche intéressant à faire.

Monsieur le Président : Alors, pour le 88-4, Monsieur RUDLOFF, nous nous réunissons le 12 janvier. A midi, pour dire au revoir à Bruno GENEVOIS puis déjeuner et nous commencerons à 14 h 30. Nous en avons pour combien de temps à examiner le règlement du Sénat, Monsieur le Secrétaire général ?

Monsieur le Secrétaire général : Environ deux heures.

Monsieur le Président : Monsieur LATSCHA, nous aurons ensuite l'examen de la loi sur la corruption les 19 et 20 janvier.

Madame LENOIR : J'ai une impossibilité majeure pour le 19, après-midi.



Monsieur le Président : Je veux bien commencer le 18 mais je crois que Monsieur LATSCHA ne peut pas. Je vous rappelle que nous avons plusieurs impératifs. En premier lieu, nous devons finir en temps utile. En second lieu, lorsque nous avons des questions difficiles, il faut se ménager du temps et enfin, le 21 janvier, c’est la date ultime pour que nous rendions notre décision.

Monsieur LATSCHA : Au point où nous en sommes, je ne suis pas sûr que nous ayons fini le 19 janvier.

Monsieur le Secrétaire général : Donc vous pouvez siéger le mardi 19 à partir de 16 heures et le 20 janvier après-midi.

Monsieur le Président : En ce qui concerne le D.M.O.S., nous avons un peu plus de temps. Nous pouvons prendre le vendredi 22 car il me semble qu'enchaîner la corruption et le D.M.O.S. ce n'est pas très bon. Ou si vous voulez on peut commencer le jeudi 21 avec une éventuelle prolongation le 22 au matin. Je crois que ce serait bien ainsi. (Regardant Madame LENOIR) Donc nous siégerons le 21 janvier, matin et après-midi.

Puis-je rappeler enfin que le travail au Conseil constitutionnel n'est pas si astreignant qu'il ne puisse passer avant tout autre chose. Il faut prévoir quand la saisine arrive de retenir ses dates un mois après.

Madame LENOIR : En ce qui concerne les déjeuners ?

Monsieur le Président : Le 12, déjeuner des membres. Les 19 et 21, buffet. Et le 2 février déjeuner des membres.

Monsieur le Secrétaire général, avez-vous eu des échos sur une éventuelle session extraordinaire, sur la bioéthique par exemple ?

Monsieur le Secrétaire général : Des rumeurs mais pas de certitudes. Il se pourrait que la majorité future reprenne les textes sur la bioéthique et élabore un projet de convention internationale.

Monsieur le Président : Donc nous aurons sans doute une nouvelle majorité... Nous pouvons nous attendre aux prochaines saisines vers le mois de juin.

Encore une fois, je voudrais dire combien notre Secrétaire général nous a été précieux et combien il mérite notre gratitude.

Il est prévu un déjeuner aujourd'hui.

Madame LENOIR : Je ne pourrai pas y assister.

Monsieur le Président : Moi non plus. Je vais à Genève finir de préparer la Constitution bosniaque, chef-d'oeuvre de l'art surréaliste, et je prends le train à 12 h 25.

La séance est levée à 11 h 30.

Cette décision contient des annexes.

Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.