MARDI 19 JANVIER 1993
La séance est ouverte à 10 heures, en présence de tous les conseillers.
Monsieur le Président : Je vous prie tout d'abord d'excuser le caractère tardif de la distribution du projet, dont vous n'avez eu connaissance qu'hier. Mais il s'agit d'un dossier long et très complexe. Je tiens à saluer le travail exceptionnel qui a été réalisé par le secrétariat dans son ensemble. C'est le premier dossier que notre nouveau Secrétaire Général a dû mener de bout en bout et cela n'a pas été facile, car ce texte est un véritable "patchwork". Aussi, je vous propose de mener nos travaux de la manière suivante : le délibéré aurait lieu aujourd'hui, toute la journée, et demain après-midi. Je vous annonce que je ne participerai pas du tout à la partie de notre délibération sur la publicité. Elle est, vous le savez, directement liée à l'économie de ce secteur, et mon beau-père (1) a pris des positions publiques sur le sujet. Aussi, ni de près ni de loin, je ne compte participer, à cette partie de nos travaux. Notre doyen, me remplacera. Pour respecter ce déroulement, nous ne suivrons pas la chronologie de la loi : on abordera toutes les questions dans l'ordre, sauf celle de la publicité et quand nous aurons fini, je partirai et vous prendrez cette dernière partie. C'est déjà arrivé, lorsque j'ai été retenu à Prague, D. MAYER avait présidé (2). Enfin, je dois dire que nous pourrions attendre jeudi matin, si nos travaux se poursuivaient, pour prendre la décision. En effet le "D.M O.S " qui nous occupera jeudi est assez court, et en cas de besoin, nous pourrions finir l'examen de la loi sur la corruption jeudi seulement. Bien ! Nous pouvons commencer la mosaïque !
Monsieur LATSCHA : En effet, Monsieur le Président. "Marathon" et "mosaïque" sont les mots qui conviennent ! Je dois vous dire que la décision que nous allons avoir à prendre aujourd'hui est triplement délicate :
- d'abord, elle l'est par la diversité des matières abordées et la multiplicité des concepts mis en cause : liberté d'entreprendre, -s'agissant des mesures relatives à la publicité- libre administration des collectivités locales -notamment à propos des délégations de service public- principe d'égalité et liberté personnelle, etc. Ceci me conduira à vous proposer quelques saisines d'office ;
(2) Voir la séance du 25 février 1992.
- enfin, elle l'est parce que nous allons, sur bien des points, devoir soit poursuivre des jurisprudences antérieures en les amenant à un niveau de précision supplémentaire, soit même innover, sur quelques points.
Je tiens à souligner que ce rapport est un travail d'équipe et je veux après vous, Monsieur le Président, remercier tout le secrétariat général qui a participé à une réflexion commune.
Je commencerai, si vous en êtes d'accord, par les questions de procédures, qui sont les plus simples à traiter, puisque je vous propose simplement d'appliquer notre jurisprudence antérieure. Ensuite, j'aborderai les questions de fond dans l'ordre du texte en procédant à quelques regroupements ce qui est la méthode la plus efficace. Je vous proposerai donc de commencer par :
- le service central de prévention de la corruption (articles 1er à 6) ;
- les modifications relatives au financement de la vie politique (titre 1er, c'est-à-dire articles 7 à 17) ;
- la publicité (c'est-à-dire les articles 20 à 29, les articles 18 et 19, visés dans les saisines ne posent pas, par eux-mêmes, de problèmes sera traitée en fin de parcours ;
- l'urbanisme commercial (le problème posé concerne l'article 32) ;
- les délégations de service public (articles 38 à 47) envisagées notamment sous l'angle de la libre administration des collectivités locales ;
- j'isolerai les problèmes posés dans cette partie par le respect du principe d'égalité. Ils concernent cinq dispositions les articles 38, 41, 48, 49 et 76-II ;
- les autres dispositions relatives aux collectivités locales, notamment le problème du sursis à exécution (article 83-II ) .
Je commencerai par les questions de procédure :
Deux types de question nous sont posées quant à la procédure :
- l'autre qui porte sur l'article 11.
Je vous propose d'inverser l'ordre de la saisine et du déroulement du texte, car le premier cas ne soulève pas de question nouvelle au regard du droit d'amendement, alors que la contestation de l'article 11 est un peu plus complexe à traiter.
Tout d'abord, les cavaliers évoqués sont les articles 53 et 54 - dans les deux saisines- 72, 73 et 86, seulement dans la saisine des députés. Je les examinerai brièvement.
Je n'ai pas beaucoup d'hésitations à vous proposer l'application de notre jurisprudence sur l'absence de lien entre les articles 53 et 54 et le texte en discussion. Ces deux articles portent en réalité sur les relations entre les locataires et les bailleurs. Plus précisément l'article 53 vise le cas dans lequel le propriétaire d'un local propose au locataire la résiliation d'un bail ou d'un droit d'occupation en cours et son objectif est de prévoir que, dans ce cas, un relogement doit être proposé au locataire. L'article 545 précise le champ d'application et le régime juridique du permis de démolition et va même jusqu'à habiliter les associations ayant vocation à défendre le droit au logement à se porter partie civile. On le voit, en dépit des efforts du gouvernement pour rattacher cela à la lutte contre la spéculation, il s'agit en fait de dispositions relatives à un secteur totalement étranger au cadre du texte et, appliquant sur ce point notre jurisprudence antérieure selon laquelle la cadre du texte est déterminé par l'objet qu'il poursuit, c'est-à-dire en fonction de son contenu précis -le Conseil s'appuie d'une manière accessoire sur le titre et l'exposé des motifs- je vous propose la censure.
Si notre Conseil confirme cette jurisprudence, il doit également aboutir à la censure de l'article 86, qui concerne la charge de la preuve dans le cas où le préfet conteste l'inscription d'un électeur sur la liste électorale. Cet article rétablit une disposition d'ailleurs supprimée par un décret (3).
Je n'ai pas, ici encore d'hésitation. Le fait que le projet prévoit par ailleurs des modifications du Code électoral ne peut être retenu : les dispositions portent sur le financement des campagnes électorales et non sur le contentieux des listes électorales. Ici encore, sauf à nier notre jurisprudence, il faut censurer ce cavalier.
Monsieur le Président : Ils n'ont pas été soulevés ?
Monsieur LATSCHA : Non ! Non ! J'arrête là ?
Monsieur le Président : Oui ! Il y a des cavaliers, traitons les tout de suite.
Monsieur ABADIE : Je souhaite intervenir au sujet de l'article 86, non pas sous l'angle de la moralisation des opérations électorales, mais sous celui de l'objet du projet, dont le titre fait mention de la lutte contre la corruption. Il existe un lien avec la corruption. Les scénario
(2) n° 92 311 D.C. du 27 juillet 1992, rec. p. 73
Madame LENOIR : Les "cavaliers" constituent un problème majeur de notre jurisprudence. Il ne faut pas tout mettre sur la même ligne. La jurisprudence sur le "lien" répond à quelques principes simples. Le critère majeur, c'est celui du cadre dans lequel projet est déposé. Or ce cadre est défini par le contenu même du texte, éventuellement interprété à la lumière du titre et de l'exposé des motifs. C'est donc clair : le droit électoral n'est abordé que sous le seul angle du financement de la vie politique. Si on assimile cela au déroulement des opérations électorales, ce serait un très net renversement de tendance de notre jurisprudence, telle qu'elle est fixée depuis 1989. Or, si cette jurisprudence doit être maintenue, il faut continuer à préciser le lien entre amendement et contenu du projet initial. Il faut maintenir cette rigueur. D'ailleurs, la question va se reposer dans deux jours.
Monsieur LATSCHA : A mon tour, je souhaite répondre à Monsieur ABADIE. Il s'agit d'un cavalier C'est clair ! Sanctionnons le
Monsieur le Président : Je vais mettre aux voix le principe, puis on passera au texte. Qui considère que l'article 86 est un cavalier ?
Monsieur ROBERT : On n'aborde que le 86, pas les précédents, pas le 83 ?
Monsieur LATSCHA : Non ! le 83, nous en sommes saisis au fond.
Monsieur le Président : Pour que cela soit bien clair on va commencer par lire, puis on votera. Monsieur LATSCHA ?
Monsieur LATSCHA : Je commence page 3 ?
(Assentiment) (Il lit, il passe sous silence le passage concernant l'article 11, il reprend p. 5).
Monsieur le Président : Page 7, après Parlement, je mettrai "à l'initiative du Gouvernement ou d'un parlementaire" car il faut préciser d'où vient la disposition.
Monsieur ROBERT : Oui ! Oui !
Monsieur le Président : Quelle idée d'aller mettre ces dispositions dans ce texte !
Madame LENOIR : Le gouvernement a "dispatché" les dispositions relatives au logement social entre ce texte et le DMOS.
(Monsieur LATSCHA poursuit sa lecture).
Monsieur ABADIE : Je me rallie, notre jurisprudence est stricte. Le lien est trop ténu.
(Le vote est acquis à l'unanimité).
Monsieur le Président : On peut changer d'avis pendant le délibéré, et c'est un des charmes de cette maison !
Monsieur LATSCHA : page 7, au 2ème alinéa, il faut ajouter "et financières" dans un souci de précision.
Monsieur le Président : Ce "souci" vous honore !
Monsieur LATSCHA : Bien ! Je vais reprendre avec l'article 11, sur la question de procédure qui pose un problème spécifique. Cet article prévoit qu'une audition de la commission nationale des comptes de campagne par une commission comprenant un représentant par parti ayant présenté au moins 50 candidats aux élections législatives a lieu deux fois par an.
Cette disposition a été ajoutée à l'Assemblée Nationale, après l'échec de la C.M.P., par un amendement du Gouvernement, après l'article 8 bis, en seconde délibération (1). Il n'y a rien là de problématique : le Conseil a déjà admis par le passé, et la jurisprudence est constante sur ce point et se fonde sur la lettre des troisième et quatrième alinéas de l'article 45 de la Constitution, que des articles additionnels puissent être introduits, après la C.M.P. quelle que soit, d'ailleurs, l'issue de celle-ci (2).
La jurisprudence est, en la matière, particulièrement large. Elle admet que les amendements, à ce stade, puissent prendre la forme d'articles additionnels et qu'ils peuvent même avoir pour effet d'"affecter des dispositions déjà votées dans les mêmes termes
La saisine pose en outre deux autres questions, que le mémoire du Gouvernement n'aborde pas. D'abord l'amendement dont il s'agit n'a pas été examiné par le Commission saisie au fond.
Le cas de figure est déjà jugé (2), l'examen d'un amendement en commission n'est pas une obligation constitutionnelle - ce qu'un considérant rappelle.
Par ailleurs l'amendement a été introduit en seconde délibération. Il faut répondre à ce moyen, inédit, en précisant qu'il n'y a pas de distinction à établir, au regard des règles constitutionnelles relatives au droit d'amendement, entre ces deux phases de la même lecture.Au total, je vous propose donc de rejeter l'argument de procédure.
En définitive, la seule question nouvelle c'est celle de la seconde délibération.
Monsieur FAURE : Je suis d'accord.
Monsieur le Président : Lisez !
(Monsieur LATSCHA lit jusqu'à la page 5).
Monsieur le Président : Pourquoi ce qu'"au surplus" ! Il n'est pas utile. On va se demander ce qu'il vient faire là. Ces dispositions découlent des règlements, il n'y a pas d'intérêt à mentionner cela. Supprimons la formule.
Monsieur LATSCHA : C'était juste un souci de précision.
Monsieur le Président : Supprimons le ! Je mets aux voix.
(Le vote est acquis à l'unanimité).
Monsieur LATSCHA : Je vais maintenant aborder la suite, c'est-à-dire la création du service central. La question des articles 1 à 6 est l'une des plus délicates sur laquelle le Conseil doit se prononcer. J'exposerai tout d'abord le contenu de la loi puis les situations comparables d'autres organismes avant de m'interroger non pas sur le principe de la censure -qui me paraît inévitable- mais sur les motifs de celle-ci, car plusieurs choix étaient possibles, et sur les dispositions censurées.
a) Le contenu du texte est assez simple :
Le service central de prévention est chargé de "centraliser les informations nécessaires à la détection et à la prévention des faits de corruption" (article 1er) et son champ de compétence est ensuite précisé ou plutôt illustré : prise illégale d'intérêts, atteinte à l'égalité des candidats dans les marchés publics, trafics d'influence...
Ce service est un service administratif et non une autorité administrative indépendante ou une autorité judiciaire, même s'il est dirigé par un magistrat de l'ordre judiciaire et composé, en partie de magistrats. Il est placé sous l'autorité du Garde des Sceaux. Les rédacteurs l'ont nettement distingué d'une autorité judiciaire : l'ouverture d'une information judiciaire implique son dessaisissement. Il est davantage un "auxiliaire" du juge à qui il communique les informations qu'il détient lorsqu'elles sont nécessaires à l'instruction ou au parquet.
Ses pouvoirs sont énumérés à l'article 5 :
- droit de se faire communiquer par toute personne tout document, quel qu'en soit le support ;
- droit de procéder à des auditions dont les intéressés ne sont prévenus que 48 heures avant -au minimum- ;
- droit de procéder, y compris de sa propre initiative, à des "investigations de caractère technique" (alinéa 5 de l'article 1er).
Une peine d'amende est prévue en cas de refus d'audition ou de délivrance des documents demandés par le service.
Le service peut-il s'autosaisir ? Non, nous répond le Gouvernement en fournissant, à l'appui le projet de décret. Mais il ne s'agit que d'un projet, et j'observe, sur ce point fondamental, que ni la lecture du texte ni même les observations du Gouvernement ne l'excluent. Car le fait de prêter son concours ou de fournir des avis sur leur demande aux autorités judiciaires ou administratives n'est pas nécessairement exclusif d'autres voies de saisine. II n'y a dans le texte aucune garantie que l'action du service n'est déclenchée que par ces autorités. Et, en tout état de cause, elle n'a lieu sous le contrôle d'aucune autorité extérieure. Le service peut conserver les documents communiqués, sans délai ni restitution prévue. Une fois une enquête engagée, il peut la poursuivre sans limitation de durée - sauf saisine du juge-.
Enfin, on observera que le secret professionnel, ou celui de la correspondance, ne peut lui être opposé.
Les réponses du Gouvernement sont doubles : les unes sont ponctuelles, les autres plus globales tiennent au caractère administratif de l'organisme dont découle le caractère administratif de la procédure.
Au titre des arguments "rassurants", on notera que le projet de décret, joint, prévoit l'assistance d'un conseil en cas d'audition, l'existence d'un procès-verbal ou le fait que les documents sont des copies. Mais d'autres "interprétations" du même texte auraient pu être faites. L'argument de fond est que ce service est administratif et que ses agents ne disposent "d'aucune possibilité de contrainte matérielle", cette expression étant issue de notre jurisprudence sur les agents de la C O.B. (1). En conséquence, il n'y avait pas de saisie, donc pas de restitution à prévoir et pas de possibilité "d'exiger qu'un document lui soit communiqué ou qu'une personne soit auditionnée", ce qui est pour le moins un interprétation très éloignée du texte, lequel ouvre au service un "droit". Il n'y a pas de possibilité de visite domiciliaire, encore que le terme "investigations techniques" recèle quelque ambiguïté. On le voit, il faut donc avoir des points de comparaison sur lesquels nous appuyer.
b) Les organismes comparables :
Les rédacteurs du texte ont été sans nul doute inspirés en premier lieu par le système "Tracfin" prévu par la loi du 12 juillet 1990. J'indique tout de suite que ce texte n'a pas été soumis au Conseil constitutionnel.
L'article 5 de cette loi prévoit qu'un service placé sous l'autorité du ministre de l'économie
Monsieur le Président :Grâce à notre jurisprudence !
Monsieur LATSCHA : Oui ! Mais ici encore, le Conseil ne s'est pas prononcé. Il l'a fait, en revanche, en ce qui concerne la C.O.B., notamment dans sa décision du 19 janvier 1988, (1) où apparaît dans les moyens de la saisine l'étendue des pouvoirs d'"investigation" conférée à des agents de l'administration et "recueillir toutes informations utiles à l'exercice de leur mission" : le Conseil n'avait pas sanctionné ce dispositif en soulignant qu'il ne conférait pas aux agents le pouvoir de procéder à des perquisitions, des saisies ou d'effectuer un acte quelconque de contrainte matérielle. La notion d'investigation apparaît aussi à propos de la Commission des comptes de campagne (n° 89-271 DC du 11 janvier 1990 (2) qui peut demander à des officiers de police judiciaire d'y procéder. Mais, on le voit, elle est très inhabituelle en ce qui concerne l'administration.
c) Au troisième niveau d'analyse, je souhaiterai indiquer quelles sont les dispositions qui sont susceptibles d'être soumises à la censure du Conseil constitutionnel. En premier lieu, la notion d'investigation doit-elle encourir notre censure ? La réponse me paraît devoir être positive. D'une part, les investigations, qui relèvent d'un vocabulaire et de pratiques judiciaires, ne sont pas définies avec une précision suffisante, je veux dire au niveau des garanties indispensables que doit conférer l'autorité judiciaire. En dépit des intentions rassurantes traduites dans la note du Gouvernement, le recours à des "personnes qualifiées" me paraît également devoir tomber sous le coup de la censure le texte ne précise même pas qu'elles doivent être "habilitées" - ce qui est fait pour la COB (3) ni leur mode de désignation. Autant d'éléments qui sont porteurs d'un risque. Contrairement à l'affirmation du Gouvernement selon laquelle "on ne saurait donc affirmer que les investigations de caractère technique permettent au service de recourir à toutes investigations, sans autre précision", le texte n'assortit cette phrase d'aucune limite. On peut en déduire, certes, que les perquisitions et visites domiciliaires ne sont pas autorisées.
(1) n° 87-240 D.C du 19 janvier 1988 Rec p. 28
(2) Rec. p. 21
(3) voir 19 janvier 1988, précitée, note 10.
Aussi, je vous propose de déclarer contraire à la Constitution cette phrase, c'est-à-dire celle du 5ème alinéa de l'article 1er. Le terrain sur lequel la décision se situerait alors serait celui de la "liberté individuelle", ce qui aboutirait à condamner le mélange des genres entre les deux procédures, administratives et judiciaires.
Si on peut avoir quelques hésitations sur cette procédure, aucun doute n'est permis sur l'article 5 : il porte atteinte à la fois à plusieurs principes constitutionnels.
1 ° Les droits de la défense, lesquels ne concernent pas exclusivement la matière pénale (1) sont totalement passés sous silence. Pas de procès-verbal prévu, pas de principe du contradictoire, pas de possibilité de se faire accompagner de la personne de son choix. Autant d'éléments qui pourront figurer dans le décret. Mais ces garanties relèvent de la loi. Le respect des droits de la défense constitue en effet un principe fondamental reconnu par les lois de la République (n° 88-248 DC, 17 janvier 1989, Rec. p. 18).
2° Il y a une atteinte au droit de propriété dans le fait que les documents peuvent être emportés par le service quel qu'en soit le support et sans qu'aucun délai de restitution ne soit prévu. Aucune limite quant à la nature des documents, aucune restriction quant à leur restitution. Or, le droit de propriété, visé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, est un principe de valeur constitutionnelle, même si on l'a parfois aménagé.
3° Le droit de convocation est constitutif d'une contrainte assez stricte. Il s'agit d'y déférer dans les 48 heures, sans égard à des difficultés géographiques, par exemple. Et les cas de refus légitime ne sont pas prévus.
4° Il y a un mécanisme de sanction, la peine de 50 000 F. étant un maximum, mais on pourrait considérer qu'elle est disproportionnée par rapport aux faits auxquels elle s'applique : il s'agit simplement d'un refus de se rendre à l'audience ou de délivrer les documents demandés.
5° Enfin, l'absence de motivation des demandes me paraît également devoir être sanctionnée.
Tout cet ensemble de possibilités d'action n'est pas assorti de la moindre garantie. Aussi, la censure est inévitable. Sur quel fondement la faire reposer ?
(1) n° 89-260 DC du 28 juillet 1989, Rec. p. 71.
Et puis, je vois dans cette décision l'occasion de faire progresser notre jurisprudence sur la liberté personnelle. En effet, il ne me paraît pas possible de faire jouer ici, comme c'est le cas pour les "investigations" -de l'article premier-, la liberté individuelle visée à l'article 66, et ce pour deux raisons. Celle-ci se décompose en éléments qui ne se trouvent pas clairement ou directement mis en cause en l'espèce, tels que la protection du domicile(1) ou la liberté d'aller et venir(2). Non ! Ce qui est ici visé c'est la liberté personnelle, qui est plus large. En outre, celle-ci ne fait pas intervenir le juge judiciaire, alors que si le Conseil relevait que la liberté individuelle est atteinte, la procédure devrait être contrôlée par le juge judiciaire.
Alors je vous propose de motiver cette décision de censure par l'absence de respect de la liberté personnelle, cette notion ayant déjà été utilisée par le Conseil à plusieurs reprises (3).
On aurait pu, certes, être plus précis quant aux garanties manquantes en notant, par exemple, l'atteinte au secret de la correspondance, le droit au respect de la vie privée ou encore les droits de la défense. Mais la notion de "liberté personnelle", plus globale, me paraît être la meilleure notion pour motiver la censure : elle n'est pas si précise qu'elle empêche le législateur de mettre en place des procédures administratives assez contraignantes, pourvu qu'il choisisse lui-même des garanties appropriées.
C'est donc la motivation la plus souple que cette décision retient.
Monsieur le Président : Bien, je vous remercie. Qui souhaite intervenir ? J'indique tout de suite que chacun pourra changer
(1) N° 83-164 DC du 29 décembre 1983, Rec. p.
(2) N° 77-75 DC du 12 janvier 1977, Rec. p. 33.
(3) Voir les décisions n° 88-244 DC du 20 juillet 1988 relative à la loi d'amnistie (cons. 22, Rec. p. 124) qui évoque "la liberté personnelle de l'employeur et des salariés de l'entreprise" ; puis en matière de déplacement de résidence du conjoint d'un salarié : n° 89-257 DC du 25 juillet 1989 (cons. 15, Rec. p. 62) , puis enfin, d'une manière plus générale, au sujet de notre décision relative aux accords de Schengen n° 91-294 DC du 25 juillet 1991 (cons. 48 et 49, Rec. p. 99).
Monsieur ROBERT : J'interviens tout de suite pour dire qu'en lisant le projet et en regardant le texte du projet de loi je souscris à ce que propose le rapporteur, mais, je dois l'avouer, j'ai quelques scrupules sur le terrain choisi. Car, de quoi s'agit-il ? L'article 5 est exorbitant, c'est manifeste ! Et l'alinéa 5 de l'article 1er est des plus ambigus. Ce service de "prévention" a pour mission de s'informer. II y a une atteinte au droit de propriété, c'est clair et c'est inadmissible. Il y a aussi une atteinte aux droits de la défense... Mais, si nous censurons les dispositions suspectes, que restera-t-il ? Comment un service, privé de tous moyens peut-il centraliser, réunir... peu importe, obtenir des renseignements ? Alors,je pense qu'il faut supprimer la sanction mais pas le principe même de l'audition, sinon le service n'aura plus aucune utilité.
Monsieur le Président : Vous, à cet instant, votre position est de censurer l'alinéa cinq de l'article premier et du début et de la fin de l'article 5. Mais, le droit de convoquer et le "secret" doivent demeurer. C'est bien cela ?
Monsieur ROBERT : Oui, Oui ! Sinon autant supprimer l'ensemble. Nous ne devons censurer que ce qui est contraire à la jurisprudence.
Monsieur ABADIE : Le secret, ça vise surtout les banquiers
Monsieur le Président : C'est pas seulement ça ! On laisse davantage de texte.
Monsieur FABRE : Si vous supprimez la sanction en laissant l'audition que reste-t-il ? Les gens refuseront de se rendre à la convocation et c'est tout !
Monsieur ABADIE : Si quelqu'un est convoqué et ne vient pas, c'est une indication intéressante.
Monsieur FABRE : Si on supprime la sanction, on supprime le seul moyen efficace dont le service est doté.
Monsieur RUDLOFF : Supprimer une sanction pénale, c'est en fait s'attaquer à la seule disposition législative du texte. Tout le reste, en effet, est purement administratif et relève du pouvoir réglementaire. Faire sauter cela, c'est tout annuler car le reste relève du seul pouvoir réglementaire.
Monsieur le Président : D'où vous en déduisez qu'il faut tout censurer ?
Madame LENOIR : Je suis très perplexe sur ces dispositions. Je me demande si on ne va pas trop loin. La compétence du service est très large, et concerne toutes sortes d'interventions. Soit les investigations sont "techniques" et concernant des analyses comptables par exemple, soit c'est autre chose. Il me semble que ce qui est visé là, c'est la notion d'expertise technique. Aussi, je suis plutôt favorable à la censure de la disposition ça va trop loin, sans garanties. Quant au droit de communication, il existe dans de nombreuses autres législations : la CNIL, par exemple, en dispose. Il n'y a pas de garanties, pas de motivation, le droit de prendre copie des disquettes informatiques. Pour autant on ne peut pas transposer les règles du droit pénal à un service administratif. Le service possède un pouvoir d'initiative, avec des modalités d'action très imprécises et un droit de communication illimité. Des amendes pénales peuvent être prononcées. Il y a là une atteinte à la liberté personnelle. Ne pas la relever, c'est admettre des atteintes graves. Mais ce qui est monstrueux, ici, ce ne sont pas les compétences prises isolément. C'est leur accumulation.
Monsieur le Président : Vous concluez à quoi précisément ?
Madame LENOIR : A ce qu'on ne copie pas le droit pénal ! Sanctionnons le fait que le législateur n'a pas prévu de garanties suffisantes, mais il faut ménager l'avenir : ne visons pas les droits de la défense, mais plutôt l'accumulation des compétences et le fait que le service puisse conserver les informations. Mais ne copions pas le droit pénal !
Monsieur ABADIE : Je rejoindrai volontiers Madame LENOIR. L'alinéa 5 de l'article 1er, on peut lui donner un caractère interprétatif. II ne vise que la liberté personnelle et nous n'avons pas sanctionné, dans d'autres cas, le principe de la communication de documents. II faut interpréter ces dispositions. Je suis d'accord pour qu'on en limite le caractère anormal, mais pas pour une censure du principe de la communication. Le droit d'auditionner n'est pas une atteinte à la liberté personnelle dès lors que des conditions matérielles sont suffisantes pour protéger les individus. Tout est ici affaire d'interprétation. Et je suis pour que l'on admette la sanction. Sans sanction, il n'y a pas d'autre pouvoir que celui d'inciter. La supprimer, c'est rendre impossible la dénonciation par le service de ce qui est anormal, c'est mettre en cause l'acuité du service. On ne peut supprimer la sanction.
Monsieur FAURE : Il faut censurer le 5ème alinéa de l'article 1er. C'est une mesure "minimale". Je suis aussi pour que l'on supprime l'alinéa 1 et l'alinéa 3 de l'article 5. Mais, en revanche, il faut garder la sanction. Sans sanction, tout le reste serait réglementaire. Monsieur RUDLOFF a attiré notre attention là-dessus.
Monsieur FAURE : Oui !
Monsieur RUDLOFF : La clef de nos décisions précédentes, c'est la présence ou l'absence de sanctions pénales : voyez la C.O.B. ! Le refus de témoigner, de dénoncer une infraction ou de prêter son concours à la justice sont constitutifs d'un délit. Je suis d'accord sur le fait de mettre une réserve sur l'article 1er, cinquième alinéa. Et je suis d'accord sur la non-conformité de l'article 5, d'autant que l'article 1er ne l'éclaire pas sous un jour favorable. Ce que l'on peut faire, par référence à notre décision du 19 janvier 1988, c'est neutraliser l'article 1er et censurer l'article 5, en ce qu'il vise un nouveau délit ; pour le reste on peut se contenter de neutraliser le texte.
Monsieur CABANNES : La formulation de l'article premier, alinéa 5 est très imprécise. Je suis Monsieur LATSCHA : il faut censurer. Sur l'article 5, je suis plutôt de l'avis de Monsieur RUDLOFF.
Monsieur le Président : A mon tour de vous donner mon sentiment. C'est un mauvais texte, il est hybride, chacun le sent ! On crée un fichier central, pourquoi auprès du Ministre
Monsieur CABANNES : La différence est simple : ce sont des magistrats !
Monsieur le Président : Admettre un pareil service, c'est admettre qu'on empiète sur le rôle de la police judiciaire. Le fichier est largement ouvert.
(Monsieur LATSCHA lit, dans les observations du Gouvernement, la liste prévue).
Monsieur le Président : Les maires pourront saisir ! Et aucun contrôle n'existe sur l'information recueillie, son contrôle, sa conservation ! Non, Non ! On ne peut pas laisser passer cela !
Monsieur LATSCHA : Dans les "préalables" invoqués par le Gouvernement il y a la mission interministérielle pour les marchés publics. Mais elle fonctionne dans un secteur et avec des compétences très précises. Elle n'a aucun pouvoir de sanction. Ici la liste des personnes susceptibles de s'adresser au service est très large, des préfets aux dirigeants d'organismes privés chargés d'une mission de service public. On ne peut pas neutraliser l'alinéa 5 de l'article 1er. Sa censure me paraît, à moi aussi, le minimum ! Le service est placé exactement là où il ne faut pas qu'il soit ! Alors on peut tout annuler ! Dans une boutade, au début de nos travaux, j'ai dit que tout était inconstitutionnel, sauf l'article 6 ! (rires). J'étais parti sur une censure du tout. Mais je propose, en définitive de ne censurer que les alinéas 1, 3 et 5 de l'article 5 -ce qui revient bien sûr à tout l'article- et l'alinéa 5 de l'article 1. Ainsi, ce qui reste sera limité : le service n'aura plus les moyens d'action exorbitants que le texte lui confère. Alors censurons tout l'article 5. Que faire des alinéas 2 et 4 si on censure le reste ? Et ces "investigations" ? Le reste est assez flou mais peut être conservé.
Monsieur ABADIE : Le service constate des infractions et sa mission n'est pas celle de la police judiciaire.
Monsieur LATSCHA : Mais il lui prête son concours.
Monsieur le Président : Il faut, au début du texte, effacer le "si", puis on lit les missions puis on voit la suite. La formule "il ne ressort pas de ces dispositions" n'est pas très heureuse ! Et pourquoi cette référence à la saisine ?
Monsieur le Secrétaire Général : La question de l'auto-saisine est importante. Le Gouvernement l'envisage clairement dans sa
Monsieur FABRE : On prend en fait une option sur un choix : est- ce qu'on supprime tout ou non ? Je pose la question, car cela détermine la suite de nos travaux.
Monsieur le Président : Avançons ! On va prendre le texte, ensuite on discutera du point de savoir sur quoi la censure doit porter.
Monsieur LATSCHA : Oui ! La lecture des pages 10 et 11 va permettre d'avancer ! (Il reprend la lecture).
(Monsieur le Président l'interrompt page 9) : cette "mission"...
(Monsieur LATSCHA poursuit jusqu'à la page 11).
Monsieur ABADIE : Page 10, "habilité" ça interprète !
Monsieur CABANNES : On a tout détaillé, sauf l'article 4 !
Monsieur LATSCHA : Il n'y a pas de difficulté concernant l'article 4. On s'est contenté d'analyser les seuls articles 1, 2 et 3 qui posent un problème.
Madame LENOIR : Page 10, je préfère "réuni" à "collecté".
Madame LATSCHA : Il y a deux fois "centraliser" page 9 et en haut de la page 10.
Monsieur CABANNES : Il faut rajouter l'article 4 !
Monsieur le Président : Cela ne sert à rien.
Monsieur CABANNES : Quitte à décrire, autant décrire totalement !
Monsieur LATSCHA : La saisine vise les articles 1er à 6. Mais on n'est pas tenu de tout détailler ! (Il reprend sa lecture, page 11).
Monsieur ABADIE : Doit-on mettre "peut recourir" ?
Madame LENOIR : ou "procéder" ?
Monsieur ROBERT : On "recourt" bien à des investigations.
Madame LENOIR : Il faut mieux mettre en évidence le fait qu'on a "vu le loup"; en matière comptable, en qui concerne les expertises techniques, ça peut aller très loin.
(Monsieur LATSCHA continue sa lecture, page 11 en bas, et jusqu'au début de la page 12).
Monsieur ROBERT : Je suis d'accord sur les auditions mais qui peut-on entendre s'agissant d'une entreprise ?
Monsieur le Président : Le comptable, le patron... N'importe qui ! Et cette audition se fait sans la moindre garantie.
Madame LENOIR : Moi, je ne suis pas d'accord avec la motivation qui est prévue dans le projet ! Je suis plutôt favorable à la censure du tout sur une base globale. Le droit de communication, même d'office, n'est pas le droit de perquisition, et on semble ici les assimiler l'un à l'autre. Je suggère de retenir plus globalement la notion de contrainte, sans autre précision.
Monsieur LATSCHA : Je crois avoir fait la différence entre cette procédure et d'autres, comme les procédures fiscales. Ce n'est pas la même chose. Mais je veux faire observer que les droits de la défense ne valent pas seulement en matière pénale mais "notamment" dans celle-ci, dit la décision du 28 juillet 1989.
Madame LENOIR : Sanctionnons le tout. Tout cela est indissociable. Retenons une motivation générale qui couvre le tout.
Monsieur le Président : Vous n'êtes pas pour tenir la main du législateur mais pour la couper ?
Madame LENOIR : Ici, oui !
Monsieur le Président : Nous avons pris le plus grand soin de préciser que c'est un service d'investigation, puis on dit qu'il n'est pas judiciaire ! L'article 5 porte clairement atteinte à la liberté personnelle. Ne mettons pas tout cela à la négative : le service "porte atteinte" à la liberté. Mettons tout cela sous la forme affirmative.
Monsieur LATSCHA : Ça aboutit à une censure plus terrible que la formulation "négative" que vous rejetez. Je préfère la formule du projet.
Monsieur ABADIE : Faut-il aller jusqu'à dire ce qu'il faut faire ?
Monsieur ROBERT : Ce service est très suspect. Il n'y a aucun respect des droits de la défense, je souhaite qu'on le mentionne clairement.
(La séance est suspendue à 12 h 30. Elle est reprise à 12 h 50).
Monsieur le Président : Voilà ce que ça donne (il lit la formule finalement retenue).
Le texte est adopté à l'unanimité.
(La séance est suspendue à 13 heures).
(La séance reprend à 14 h 45).
Monsieur le Président : Nous reprenons sur la question du financement des campagnes électorales, c'est-à-dire des articles 9, 11 et 13, mais avant je voudrais revenir sur les titres. Dites ! Monsieur PAOLI, doit-on dire "SUR LE FOND" et "en ce qui concerne", ou bien "AU FOND" ?
Monsieur PAOLI propose "AU FOND".
Monsieur le Président : D'accord !
Monsieur LATSCHA : L'article 11 prévoit l'audition de la commission des comptes de campagne par une commission de représentants des partis politiques. Je rappelle que la commission des comptes de campagne a été qualifiée d'"autorité administrative" dans notre décision du 11 janvier 1990 (cons 7, Rec. p. 23) et je vous propose de reprendre cette définition, il ne me paraît pas nécessaire d'y ajouter le mot "indépendante", ce que le projet de décision ne fait pas. Le texte précise uniquement que cette commission est composée d'un représentant par parti ayant présentée au moins cinquante candidats aux élections législatives. La requête nous demande la censure de cette disposition au motif que le législateur aurait méconnu sa compétence en ne fixant pas la composition, le fonctionnement et les attributions de la Commission des partis. Nous n'aurons aucune difficulté à écarter ce moyen, les cas où le Conseil constitutionnel a reconnu que le législateur est resté en deça de sa compétence sont rares (1) et surtout, ils se rattachent à un domaine visé par l'article 34 sur lequel la jurisprudence relative au domaine de la loi et du règlement est, le plus souvent précise : création de catégories d'établissements publics ou impositions de toutes natures. Nous trouvons très peu de cas où le simple caractère vague d'un texte ait entraîné une
(1) n° 83-191 D.C du 20 janvier 1984 cons 8 Rec. p. 38 n° 85-191 D.C. du 10 juillet 1985 Rec. p. 46. n° 87-233 D.C. du 5 janvier 1988 Rec. p. 9.
Avant que vous n'ouvriez la discussion sur ce point, Monsieur le Président, je souhaite évoquer une singularité du texte. C'est le fait que seuls font partie de cette commission les représentants de partis ayant présenté au moins 50 candidats aux élections législatives. On comprend bien le seuil. On comprend moins bien pourquoi avoir réservé aux seules élections législatives cette audition, alors que par application de l'article L. 52-4 du Code électoral, la compétence de la commission des comptes de campagne est beaucoup plus large que les élections législatives.
Alors, et je dois bien le reconnaître, il y a une certaine inégalité entre les partis qui concourent aux élections législatives et les autres. Certains partis peuvent n'avoir été candidats, par exemple, qu'aux régionales. Je tenais à souligner cette "entorse" à l'égalité, ou plutôt, cet écart entre la composition de la commission des partis et la compétence de la Commission des comptes de campagne. Mais il s'agit là d'un choix du législateur, et le moyen n'a pas été soulevé. S'il l'avait été, la question aurait mérité un examen attentif.
Au total, je vous propose de vous en tenir à la saisine, et de rejeter l'argument, en précisant que les missions de la commission des partis politiques sont strictement délimitées par cet article à cette seule condition.
Monsieur ROBERT : Je voudrais poser une question au rapporteur ? Cette commission, on l'a créé pour qu'elle auditionne... et il va falloir un décret en Conseil d'Etat pour expliquer comment on auditionne. C'est incroyable.
Monsieur LATSCHA : Le texte est mal rédigé.
Monsieur le Président : On a créé la commission nationale des comptes de campagne pour contrôler les partis, maintenant avec cette commission ce sont les partis qui contrôlent la commission nationale. Ce sont sept ou huit membres qu'on va auditionner.
Monsieur le Président : Ce sera une audition très désagréable.
Monsieur RUDLOFF : Le rapporteur a bien fait de limiter au maximum mais ce n'est pas inconstitutionnel.
Monsieur CABANNES : Et qu'est-ce qui se passerait s'il était prévu qu'une telle commission auditionne le Conseil constitutionnel ?
Monsieur le Président : Le Conseil constitutionnel censurerait. Pourquoi les communistes ont-ils introduit ces amendements ?
Monsieur ABADIE : Ils veulent savoir ce qui se passe chez les autres
Monsieur LATSCHA : C'est un texte mal fichu.
Monsieur le Président : On passe à la lecture du projet sur cette partie.
Monsieur FABRE : Je ne vois pas ce qu'il y a d'inconstitutionnel dans cette commission mais il est sûr qu'elle marque le retour des partis.
(Monsieur LATSCHA lit la partie du projet sur l'article 11, pages 13 à 15).
Monsieur le Président : Vous avez fait ce que vous avez pu, c'est très bien. Passons aux articles 9 et 13.
Monsieur LATSCHA : Il me reste, en effet, à aborder la publicité des dons des personnes morales aux partis politiques. Prévue par les articles 9 et 13 de la loi elle est très rigoureuse : la liste exhaustive de ces donations doit figurer en annexe au compte. La sanction de la méconnaissance de cette règle c'est la transmission du dossier au parquet. Jusqu'ici, il n'est prévu qu'une publication des comptes de campagne "dans une forme simplifiée" (article L. 52-12) et cette disposition de la loi de 1990 n'a pas eu à s'appliquer pour l'instant. Et la confidentialité des dons des personnes physiques est garantie (L.
Deux arguments sont avancés : une rupture de l'égalité en raison de la date d'entrée en vigueur du dispositif et une atteinte au libre exercice de l'activité des partis politiques.
Sur le premier argument, on peut, sans nul doute déplorer que ce changement implique, concrètement, une modification des règles du jeu pour les élections législatives de cette année. Les candidats qui ont déjà obtenu des dons ont eu moins de mal à en
Quant à l'autre argument, il ne résiste pas à l'analyse. Le but de la loi est d'assurer la transparence. Elle est également un facteur de bonne application des règles sur le plafond des dons, dans le cas où plusieurs entreprises concourent à un don en commun (2) et elle ne porte en rien atteinte au libre choix des citoyens. Bien au contraire, elle ne peut que favoriser la liberté d'action des partis qui, ainsi, ne pourront être accusés de favoriser telle ou telle entreprise "en retour" d'un avantage demeuré secret. On ne peut donc qu'écarter le moyen.
J'ai terminé avec la partie de ce rapport consacrée au financement de la vie politique.
Monsieur le Président : Que pensez-vous des articles 9 et 13 ?
Monsieur ROBERT : D'accord il n'y a pas d'atteinte à la liberté des partis politiques. Mais en obligeant les personnes morales à publier les dons, ne porte-t-on pas atteinte à la confidentialité des opinions publiques du Président Directeur Général d'une entreprise qui contribuerait au financement d'un parti ?
Monsieur LATSCHA : Il y a un régime identique pour les personnes physiques et pour les personnes morales.
(Monsieur LATSCHA lit le projet de décision de la page 12 à la page 13).
Le vote est acquis à l'unanimité.
Monsieur le Président : Très bien, nous sautons les parties qui concernent les prestations en matière de publicité et nous passons aux questions sur l'urbanisme commercial.
Monsieur LATSCHA : Les députés, auteurs de la première saisine, contestent la conformité de l'article 32 de la Constitution. Cet article fixe la composition de la commission départementale d'équipement commercial qui statue au premier degré sur les demandes d'autorisation des projets de création de grandes surfaces commerciales.
L'article 32 réduit sensiblement la représentation des professions commerciales, industrielles ou artisanales au sein de la commission départementale. Cette représentation sera désormais assurée par deux membres seulement, à savoir le président de la chambre de commerce et de l'industrie et le Président de la chambre des métiers.
Les députés observent qu'en vertu de l'article 34 les recours formés contre la décision de la commission départementale devant la commission nationale d'équipement commercial sont introduits à l'initiative, soit du préfet, soit de trois membres de la commission départementale, soit du demandeur. Ils en tirent la conséquence que la réduction à deux membres de la représentation des professions commerciales, industrielles ou artisanales au sein de la commission départementale est de nature à entraver le droit de recours dont disposent les représentants des professions intéressées.
Il en résulte, selon les auteurs de la saisine, une méconnaissance des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, au nombre desquels figure le principe de double degré de juridiction.
Cette argumentation ne peut être accueillie.
En premier lieu, le principe du double degré de juridiction n'a pas valeur constitutionnelle (solution implicite dans la décision n° 84-183 DC du 18 janvier 1985, cons. 14 et 15, Rec. p. 32).
Le moyen doit donc être rejeté.
Monsieur le Président : Bon très bien, y a t-il des questions ? Non ? Passons à la lecture du projet sur ce point.
(Monsieur LATSCHA lit le projet pages 19 et 20).
Monsieur le Président : Parfait, passons aux questions concernant les délégations de service public.
Monsieur LATSCHA : Les dispositions de l'article 38 relatives aux délégations de service public sont critiquées tant par les députés que par les sénateurs. Elles figurent au titre II de la loi et sont relatives à la transparence des activités économiques.
L'article 38 impose que les délégations de service public des personnes morales de droit public soient soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité. Ces délégations ne sont pas définies dans le texte même de la loi mais elles concernent essentiellement les concessions par lesquelles le cocontractant de la collectivité publique paie l'investissement et exploite ensuite à ses risques et périls en se rémunérant sur l'usager ;
Les délégations de service public concernent des secteurs très divers et très importants de la vie quotidienne comme le traitement de l'eau, des déchets, de l'assainissement, du chauffage urbain, des autoroutes, des pompes funèbres, etc... Les délégations de service public reposent sur la liberté de choix du délégataire : l'Etat et les collectivités locales peuvent choisir, sans avoir à respecter un corps de règles, la personne à laquelle ils confient la gestion d'un service public dont ils ont la responsabilité. Le choix qu'ils effectuent ne peut reposer que sur la confiance et l'intuitu personae.
Cependant cette liberté de choix a été encadrée dans les années récentes par au moins deux lois :
1° Aux termes de la loi du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marché, la passation des contrats des collectivités locales est soumise à la publicité lorsque la rémunération de l'entrepreneur consiste en tout ou partie dans le droit d'exploiter l'ouvrage ;
2° La loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, premier texte qui emploie l'expression de délégation de service public, contient des dispositions qui amorcent une assimilation des délégations de
Surtout, cette dernière loi contenait un article 52 qui disposait qu'à compter du 1er janvier 1993 et en application des directives communautaires, les conventions de délégations des services publics devant être passées par les collectivités locales, seraient soumises à une obligation de publicité préalable. Or, en fait, ces dispositions subordonnées à la publication des directives communautaires n'entreront pas en vigueur au 1er janvier 1993 et c'est la raison pour laquelle l'article 39 du présent projet de loi sur la transparence des activités économiques abroge les dispositions de l'article 52 de la loi d'orientation du 6 février 1992.
Ce rappel était sans doute nécessaire pour comprendre pourquoi le Gouvernement a décidé de légiférer une nouvelle fois en matière de délégation de service public. La volonté d'encadrer les délégations, même en l'absence de directives communautaires applicables au 1er janvier 1993, provient du rapport de la commission Bouchery qui notait que les secteurs d'activités donnant lieu à délégations étaient souvent dominés par des entreprises très puissantes qui pourraient imposer d'une part des contrats très déséquilibrés à la collectivité concédante et, d'autre part, dont celle-ci ne pourrait jamais se défaire.
Les députés, auteurs de la première saisine, invoquent, à propos de l'article 38, la rupture d'égalité devant les charges publiques en se fondant sur l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du Citoyen et invoquent la violation du principe d'égalité devant la loi en se fondant sur l'article 6 de la Déclaration et l'article 2 de la Constitution.
Vous savez bien sûr qu'aux termes de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. Je formule ici le considérant de principe qui résulte de votre décision du 4 juillet 1989 sur la loi relative aux modalités d'application des privatisations (n° 89-254 DC).
C'est donc à la lumière de ces principes qu'il faut examiner l'article 38 de la loi qui fait l'objet des critiques des saisissants.
En premier lieu, les députés le critiquent dans la mesure où il institue dans son premier alinéa une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes en matière de délégation de service public des personnes morales de droit public. Ils soutiennent qu'une telle disposition est
Ce moyen ne résiste pas à l'examen :
- S'agissant de la législation communautaire, il n'y a pas lieu d'entrer dans les détails si ce n'est pour souligner trois points :
- L'effort entrepris depuis 20 ans au niveau communautaire tend précisément à favoriser l'ouverture et la transparence dans les procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services. Cette orientation s'est traduite par de nombreuses directives introduites en droit interne ;
- Certes, la Communauté a distingué entre secteurs exclus et secteurs non exclus de l'application des procédures de transparence, certains domaines étant exclus (notamment dans la dernière directive du 18 juin 1992) comme les concessions de service public, en raison des différences qui existent entre les Etats membres ;
- Il est non moins certain que le fait que la réglementation communautaire ne traite pas encore des délégations de service public dans les secteurs exclus ne saurait être un argument pour dénier au Parlement français le droit de légiférer en la matière de façon autonome. Et dès lors, il faut dire qu'aucun principe de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce qu'une loi française accorde des droits à des personnes physiques ou morales étrangères alors même que l'Etat dont elles dépendent ne donnerait pas les mêmes droits à des personnes morales ou physiques françaises ;
- Comme le fait remarquer le Gouvernement dans ses observations,il s'agit en réalité de savoir s'il est justifié ou non d'adopter une législation plus ouverte à la concurrence des entreprises étrangères. C'est là une question d'opportunité politique sur laquelle le Conseil Constitutionnel ne peut se reconnaître un pouvoir d'appréciation. Il n'y a pas lieu sur ce point, contrairement à ce que dit le mémoire envoyé par SYNTEC, de pratiquer un contrôle de réciprocité au titre de l'article 55 de la Constitution ou un contrôle de conformité par rapport à une
Je propose le rejet.
Monsieur le Président : Sur cette intéressante question de discrimination anti-nationale y-a-t-il des questions ?
Madame LENOIR : Cette loi s'applique territorialement de manière uniforme donc elle s'applique aussi aux sociétés étrangères.
Monsieur le Président : Bon ! Passons à la lecture du projet sur ce point.
(Monsieur LATSCHA lit le projet de décision sur l'article 38).
Monsieur le Président : Je m'interroge sur le premier considérant.
Monsieur le Secrétaire général : C'est la réponse à la question de la réciprocité.
Monsieur le Président : Je mets aux voix cette partie.
(Le vote est acquis à l'unanimité).
Monsieur LATSCHA : Les députés auteurs de la première saisine font valoir que l'ensemble des conditions par lesquelles l'article 40 de la loi a limité la durée des délégations de service public, méconnaît le principe de la libre administration des collectivités locales garanti par l'article 72 de la Constitution, le principe de valeur constitutionnelle de continuité du service public, et enfin la liberté d'entreprendre.
Les sénateurs auteurs de la seconde saisine, allèguent quant à eux que la limitation de la durée des délégations à la durée normale d'amortissement des installations mises en service dont le délégataire à la charge, méconnaît l'article 72 de la Constitution.
Ecartons d'emblée le grief exposé par les députés qui soutiennent que, du point de vue du délégataire, la limitation soit à un an soit au tiers de la durée du contrat initial du délai pendant lequel la convention peut être prolongée porte atteinte à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre. Je ne
La question de l'atteinte portée à la libre administration des collectivités locales est beaucoup plus délicate parce que les dispositions de l'article 40 ne concernent pas seulement des prescriptions relatives à la transparence et donc aux procédures de passation, mais des dispositions relatives au contenu même des conventions.
Avant d'examiner ces questions, je vous rappellerai les principes :
- En vertu de l'article 72 de la Constitution, les "collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus" ;
- Aux termes de l'article 34 de la Constitution, "la loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources".
Personne ne doute, Monsieur le Doyen VEDEL tout le premier qui rédige un mémoire dans l'intérêt de la LYONNAISE DES EAUX, que les dispositions qui limitent les conventions dans leur durée, en fonction des prestations demandées au délégataire, qui prévoient l'intervention de l'assemblée délibérante pour l'octroi de prolongations éventuelles, qui interdisent l'exécution de services ou de paiements étrangers à l'objet de la délégation, qui exigent la justification dans les conventions des montants et des modes de calcul des droits d'entrée et des redevances, sont conformes à une bonne gestion et on ne saurait dire qu'elles mettent en cause la libre administration des collectivités territoriales.
En revanche, un très sérieux problème de constitutionnalité se pose à propos de la deuxième phrase de l'alinéa 1er de l'article 40. Je vous la lis :
"Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l'investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser
C'est évidemment la durée normale d'amortissement qui est loin d'être claire et qui fait problème. Car d'une part les installations à la charge du délégataire peuvent être de nature très variée et leur durée de vie s'échelonner suivant des durées très différentes ; d'autre part la notion de durée normale d'amortissement est confuse : est-ce la durée moyenne, compte tenu des différents éléments des installations en cause ? Et quel est le type d'amortissement que le législateur a entendu "retenir : l'amortissement technique, fiscal, financier ?
Mais, là encore, ce n'est pas l'essentiel, car cela ne nous conduirait qu'à la conclusion que le législateur est resté trop vague quant aux dispositions qu'il instituait.
D'une façon générale, comme le souligne le rapporteur du Sénat, il ne s'agit pas seulement pour l'Etat de recommander des durées pour différents types d'amortissement, mais de l'imposer dans des conditions de flou extrême. Mais j'insisterai plus sur "imposer" que sur "flou", car la libre détermination du temps pendant lequel s'appliquera une convention et fera la loi des parties est une donnée essentielle du droit de négocier et de conclure. La durée de la convention est à la fois une arme pour la collectivité territoriale dans la négociation et l'instrument qui lui permet de moduler la politique des investissements, des tarifs ou des prix du service public délégué. Priver la collectivité territoriale de cette arme et de cet instrument c'est réellement lui lier les deux mains. Il y a là une atteinte manifeste à la libre administration des collectivités locales et je vous propose de censurer au premier alinéa de l'article 40 les mots : "et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en oeuvre".
Le petit a) du deuxième alinéa ne semble pas poser de problème puisque le législateur a prévu que pour des motifs d'intérêt général qui tiennent notamment à la continuité des services publics qui est un principe de valeur constitutionnelle, des prolongations de conventions pouvaient être consenties dans la limite d'une durée d'une année.
Le législateur a aussi prévu au petit b) que lorsque le délégataire est contraint, pour la bonne exécution du service public ou l'extension de son champ géographique et à la demande du délégant, de réaliser des travaux non prévus au contrat initial, de nature à modifier l'économie générale de la délégation et qui ne pourraient être amortis pendant la durée de la convention restant à courir que par une augmentation des prix excessive, une prolongation est possible. Sans entrer dans les détails, cette mesure apparaît évidemment raisonnable dans la mesure où l'avenir est relativement imprévisible suivant les secteurs d'application des délégations et il est nécessaire de
Cependant, en précisant dans la phrase suivante qu'en aucun cas, la ou les prolongations décidées ne peuvent au total augmenter la durée de la convention de plus d'un tiers de la durée initialement prévue, sans avoir égard à la diversité et à la complexité des situations qui pourraient être rencontrées, le législateur a mis là encore des butoirs et des contraintes excessives qui sont de nature à porter atteinte à la libre administration des collectivités locales. Dès lors, je vous proposerai une censure de la seule dernière phrase du petit b) de l'article 40.
Monsieur FAURE : Cette question, en réalité, fait référence à l'article 72 de la Constitution qui dit que les collectivités locales s'administrent librement sous le contrôle de la loi. Aujourd'hui c'est ce contrôle de la loi qui nous intéresse. D'une part, les modalités d'application, la durée de la convention de délégation est en soi une chose assez difficile à discerner. Quelle est la durée optimale d'une convention ? C'est très difficile. Elle comprend des données informatiques, bureautiques et électroniques. Il faut donc que dans ce domaine, il y ait une réelle souplesse. Il faut laisser au juge une liberté d'appréciation. Je ne vois pas comment on peut dire clairement ce qu'est "une durée moyenne d'amortissement". En revanche, je critique la prolongation. Le "tiers" c'est tout-à-fait arbitraire. Je suis par contre d'accord avec le principe de l'introduction de la durée moyenne mais pas avec la prolongation d'un tiers, qui est parfaitement arbitraire. Le marché est parfaitement tenu par des grosses entreprises bien connues qui tiennent le veau gras et qui ne le lâcheront pas. Mais c'est très excessif de mesurer la durée normale d'amortissement sur le terrain de la libre administration des collectivités locales. Ce qui est important pour elles c'est l'argent. C'est un véritable tord-boyaux.
Monsieur le Président : La remise en cause plus fréquente des concessions est-elle à l'avantage de collectivités locales ?
Monsieur FAURE : Oui ! il faut que la durée moyenne d'amortissement soit longue.
Monsieur le Président : Notre appréciation se fait par rapport au degré d'autonomie d'administration des collectivités locales.
Monsieur ABADIE : Je voudrais d'abord dire que ces modalités ne dénaturent pas le principe posé par l'article 72 de la
Monsieur ROBERT : Je rejoins le rapporteur et Monsieur FAURE. Sur la prolongation d'un tiers, l'idée se conçoit, il faut une limite à la prolongation. Ceci se situe dans la continuité du paragraphe précédent, sinon on aurait un développement à l'infini de la durée des concessions. Je suis d'accord pour limiter la prolongation ; mais pourquoi fixer le terme d'un tiers ? Rien ne le justifie.
Monsieur LATSCHA : L'article 40 pose une règle, à savoir une limitation de la durée des concessions En second lieu cette durée ne pourrait dépasser la durée normale d'amortissement. En troisième lieu la prolongation maximale ne peut excéder la durée
Madame LENOIR : Je suis d'accord sur le fond avec Monsieur ABADIE pour des raisons de contexte législatif de ces dispositions et pour des raisons constitutionnelles. Comme le législateur a supprimé la tutelle, les communes sont soumises aux grandes sociétés qui ne sont pas contraintes par ce principe de spécialité. Avec la tutelle, on avait des problèmes avec les décrets qui fixaient des limites aux durées des concessions de 12 à 18 ans.
Ce contexte a changé. Désormais, on se rend compte que la vérité des prix est un choix essentiel dans le souci d'une bonne gestion ; il faut tenir compte de l'amortissement. Dans ma commune par exemple, où des canalisations ont été posées, j'ai découvert que les tuyaux pouvaient être amortis en 30, 60 ou 80 ans. J'ai choisi 60 ans, ce qui est une durée assez longue.
Monsieur le Président : Monsieur RUDLOFF ?
Monsieur RUDLOFF : Tout à fait d'accord avec la remarque de Madame LENOIR. Nous sommes confrontés à des situations où des entreprises sont en position très dominante : c'est le cas de la Lyonnaise et de la CGE. Mais comment prévoir les compétences des collectivités concernées ? Faut-il aller jusqu'à la liberté ou imposer la surveillance ? Celle-ci ne résulte pas seulement de la loi ! Il y a aussi le suffrage universel. Donc les collectivités locales sont livrées à un contrôle permanent ! C'est vrai qu'il y a des répercussions et que celles-ci se font plus sentir sur le contribuable que sur les usagers. C'est l'éternelle question ! Ce qui est proposé, c'est que les conventions doivent être limitées dans la durée, et je suis d'accord, et que la durée ne dépasse pas la durée normale des investissements. C'est sûr !
Mais quelle est cette durée ? Cette disposition ne se comprendra pas si elle n'est pas complétée par un décret qui fixera 10, 15 ou 20 ans ! Plus nous allons vers un encadrement des procédures, plus nous limitons le choix des contribuables. Il me semble donc personnellement que la liberté doit primer. Et puis il y a la question "terrible" de Monsieur ABADIE : que ferions-nous si le législateur revenait sur la loi de 1982 ? Il me semble que la solution du rapporteur est modérée et que nous devons l'adopter. Elle est parfaitement raisonnable.
Madame LENOIR : La question qui se pose est celle du financement des équipements collectifs et des répercussions que ce texte aura sur le financement. Il faut se souvenir que le contribuable est en même temps un usager et que, d'une manière plus générale, il existe une très forte tutelle sur le budget des collectivités locales. Par exemple, les communes ne peuvent prêter à des sociétés privées, et leur endettement s'inscrit dans de fortes
Monsieur ROBERT : Moi j'approuve le rapporteur. Je dis oui à une durée normale, non au tiers. La fixation d'une durée normale n'a rien d'exorbitant. Avant 1982, nous aurions statué de la même manière. Il n'y a pas là de véritable entrave à la liberté de négocier le contrat, qui est déjà limitée par la politique des prix et des tarifs. Tout l'équilibre consiste à fixer une durée. Mais en matière d'amortissement, on est dans le flou le plus total. La durée retenue pourra être très importante. Alors je suis tout à fait d'accord avec l'analyse faite par notre rapporteur quant à la libre administration.
Monsieur FABRE : Je rappelle que ce texte entend lutter contre la corruption. Nous avons à faire à des sociétés particulièrement puissantes. Les maires peuvent toujours choisir la solution de la régie. Alors il me semble que retenir la liberté sans fixer de date de durée au contrat est en fait permettre un arbitraire très grand. Avec le texte, les collectivités locales fixeront la durée qu'elles veulent, ce qui ne limite pas leur capacité de négocier les contrats. Je rejoins donc le rapporteur.
Madame LENOIR : Il faut bien dire que les petites communes n'ont aucun pouvoir réel face aux grosses entreprises. En réalité, la disposition limite le pouvoir de celle-ci. Or, sur les 36.000 communes, plus de 34.000 sont de petites communes. Comment voulez-vous qu'elles soient efficaces pour contrôler la gestion des équipements collectifs. La commune dont je suis maire (1) est impliquée dans 17 syndicats intercommunaux à vocation unique. Le fait d'apposer un délai préfixe est favorable aux petites communes. Il ne leur impose pas une contrainte de gestion mais leur donne un pouvoir supplémentaire.
Monsieur CABANNES : Je suis d'accord avec Monsieur FABRE sauf à démontrer des justifications appropriées sur le domaine du "tiers". Pour ma part je n'en vois pas.
Monsieur le Président : Je vais vous donner maintenant mon sentiment. Il faut en revenir au texte constitutionnel. Que nous dit l'article 72 (il lit). Le législateur, on le voit, a un pouvoir général de fixer les conditions dans lesquelles se définit la libre administration. Ici, est-il allé trop loin ? A cet égard que faut-il penser du seuil normal d'amortissement ? En inscrivant cette durée, a-t-il excédé sa compétence ? Je ne le pense pas ! Le législateur en faisant figurer dans la loi le délai raisonnable d'amortissement se contente de fixer un cadre. Ce cadre est-il excessif ? Madame LENOIR, Monsieur RUDLOFF
Monsieur LATSCHA et Monsieur le Secrétaire général : Non il n'y a pas eu de consultation émanant des collectivités locales.
Monsieur RUDLOFF : Sans doute avez-vous raison sur le premier paragraphe. "In abstracto" ça ne signifie rien ! C'est un truisme. Et en plus c'est déjà pratiqué. Mais on peut imaginer qu'à la suite de cette loi un décret fixant de manière très impérative des délais intervienne. Pour les collectivités locales ce serait difficile à accepter. Mais inscrire dans la loi un principe aussi vague, qui s'applique déjà, n'a rien de contraire à la Constitution.
Monsieur FAURE : Oui il faut couper le texte à la fin de la première phrase et supprimer cette référence au tiers.
Monsieur le Président : Sommes-nous tous d'accord là
Monsieur LATSCHA : Sur le premier point, c'est évident. Le législateur peut imposer une durée aux concessions. Celles-ci ne devront pas dépasser une durée "normale". Sur le second point, c'est-à-dire la référence à l'amortissement, deux approches sont possibles : soit, comme l'indiquait tout à l'heure Monsieur ABADIE, on peut rapprocher cette notion de celle de l'exploitation. Ou bien le décret pourrait s'en éloigner. Sur le troisième point, c'est-à-dire la limitation au tiers, je crois effectivement qu'il y a un arbitraire qui n'est pas justifiable : pourquoi un tiers et pas plus ? La difficulté qui a surgi au cours de notre délibéré, c'est celle du renvoi au Conseil d'Etat pour fixer une durée. Or dans notre décision du 20 janvier 1984 (1) relative à la fonction publique territoriale, on a refusé une procédure similaire. La notion de durée normale d'amortissement a un contenu très variable. Les installations n'ont jamais la même durée. Et ce caractère vague peut porter atteinte à la libre administration des collectivités locales.
Monsieur ABADIE : Dans sa note le Gouvernement a précisé ce qu'il entendait par durée normale d'amortissement (il lit un passage
Monsieur le Président : Posons la question autrement. La fixation d'une durée maximale est-elle ou non à l'avantage des collectivités locales ? Y-a-t-il une pratique qui justifie la fixation de ces durées et celle d'une éventuelle extension ?
Monsieur LATSCHA : Cet article se trouve dans le titre 3, c'est- à-dire dans la transparence.
Monsieur le Président : Mais, si on limite, c'est à l'avantage de quelqu'un.
Monsieur FAURE : Il est évident que c'est à l'avantage de la commune. Celle-ci retrouve, à la fin du contrat, sa liberté contractuelle.
Monsieur RUDLOFF : II y a de fortes probabilités que les durées soit maximales. C'est l'effet pervers des seuils. Mais les communes ne sont pas désavantagées. Le seul problème c'est ce que fera le décret.
Madame LENOIR : Oui évidemment si une durée arbitraire était retenue ce serait ennuyeux. C'est naturellement un avantage pour les communes. C'est évident. Il y a en quelque sorte un renversement de la charge de la preuve. Le seul point délicat c'est le décret. Monsieur RUDLOFF fait preuve d'une méfiance que je comprends. Le législateur est souvent étonné du contenu des décrets.
Monsieur le Président : Il y a une version neutralisante qui pourrait répondre à la question. Est-ce que vous considérez que le principe même de fixer une durée normale d'amortissement est attentatoire à la libre administration des collectivités locales ?
Monsieur FABRE : Cela me gêne que l'on fixe à l'avance des chiffres. Il y a en quelque sorte une mise sous tutelle des élus.
Monsieur FAURE : Mais je vois mal en quoi cela ne serait pas conforme à la Constitution.
Monsieur LATSCHA : La liberté contractuelle n'est pas absolue. J'ai rédigé une variante.
(Monsieur le Secrétaire Général distribue la variante).
(Monsieur LATSCHA lit le projet de décision pages 21 et 22 en tenant compte de la variante).
Monsieur le Président : Mettons "une atteinte telle" et je préfère une marge "suffisante". On en arrive à la variante :
Monsieur FABRE : La deuxième version est meilleure.
Monsieur LATSCHA : D'autant que les spécialistes des collectivités locales la préfèrent. Je suis prêt à me rallier à votre position, Monsieur le Président.
Monsieur FAURE : Variante !
Monsieur RUDLOFF : Variante ! Cela évite le danger que je soulignais.
Madame LENOIR : Je suis aussi d'accord.
Monsieur le Président : Alors tout le monde se rallie au projet B. Non ? Je mets aux voix ?
(La variante est adoptée à l'unanimité des conseillers, à l'exception de Monsieur ROBERT).
Monsieur FAURE : Je suis désolé mais il faut que je parte (il quitte la salle des séances).
Monsieur le Président : Voyons ce que donne ce dernier considérant sur l'article 40.
(Monsieur LATSCHA lit la partie de la décision sur l'article 40 jusqu'à la page 23).
Monsieur le Président : Mettons... "n'entendez pas" plutôt que n'a pas et puis on peut effacer la référence à l'article 72 de la Constitution qui ne concerne pas le problème. Bien nous sommes d'accord ? (Assentiment).
Monsieur ABADIE : J'ai un petit scrupule sur la durée normale d'amortissement. Est-ce qu'on ne peut pas viser des travaux nouveaux.
Monsieur le Président : Non ! nous ne pouvons pas nous substituer au législateur.
Monsieur ABADIE : Mais pourtant le problème des travaux nouveaux ...
Monsieur LATSCHA : Non, non ! Je défends le texte du projet car c'est celui de la loi.
Monsieur le Secrétaire Général : La décision conduira à préciser la durée normale d'amortissement, mais celle-ci est indépendante de la nature des travaux, ce que le législateur a souhaité.
Monsieur le Président : Nous sommes tous d'accord !
(Assentiment). Bien voulez-vous que nous continuons, en l'absence de Monsieur FAURE, tous oui ! Alors allez-y Monsieur LATSCHA sur l'article 41 .
Monsieur LATSCHA : J'aborde à présent les autres violations du principe d'égalité :
- l'article 41 est relatif aux dérogations apportées aux dispositions du chapitre IV portant sur les délégations de service public. Les députés, auteurs de la première saisine, soutiennent que l'article 41 de la loi, établissant une dérogation au profit d'une entreprise exerçant un monopole institué par la loi ou d'un établissement public ou d'une société dont le capital est détenu majoritairement, directement ou indirectement par la collectivité délégante, constitue une violation du principe d'égalité ;
Aux termes du a) de l'article 41 les dispositions du chapitre IV portant sur les délégations de service public ne s'appliquent pas lorsque la loi institue un monopole au profit d'une entreprise. Ces dispositions concernent la procédure de publicité, la limitation de la durée des concessions, et les autres dispositions du chapitre IV. En ce qui concerne les entreprises bénéficiant d'un monopole légal, elles sont placées dans une situation réellement différente en raison du fait que le choix du délégataire est imposé à la personne responsable du service public. Cette situation justifie une différence de traitement en rapport avec l'objet de la loi puisque les dispositions de la section I du chapitre IV concernant la publicité qui permettent la présentation de plusieurs offres concurrentes, concernant les règles relatives à la durée de la convention et à ses prolongations éventuelles, ne trouvent pas à s'appliquer dans le cas d'une entreprise en situation de monopole non plus que les dispositions de la section II du chapitre IV spéciales aux collectivités territoriales, à leurs groupements et à leurs établissements publics.
Cette dérogation prévue par le a) de l'article 41 ne constitue pas une violation du principe d'égalité pour autant que la délégation de service public qui fait l'objet de la convention concerne exclusivement l'activité à laquelle s'applique le monopole établi par la loi comme le fait remarquer le doyen Vedel dans le mémoire qu'il a rédigé pour le compte de la société LYONNAISE DES EAUX DUMEZ. En outre, une convention complexe s'accompagne d'une ou plusieurs autres délégations ou clauses hors monopoles, les dispositions du chapitre IV s'appliquent s'agissant des stipulations étrangères au monopole. Le Conseil pourrait reprendre cette interprétation neutralisante et évidemment conclure à l'absence de violation du principe d'égalité. C'est ce que le projet de décision prévoit.
En revanche, s'agissant des sociétés d'économie mixte, pour lesquelles d'ailleurs les dérogations aux dispositions du chapitre IV ne sont pas totales puisque les articles 40 et 42 leur demeurent applicables, ni leur statut juridique de personne de droit privé, ni le fait que la majorité de leur capital serait détenue majoritairement, directement ou indirectement par la collectivité publique délégante, ne permettent de considérer qu'elles sont dans une situation différente de sociétés délégataires dans les conditions de droit commun. En outre, la différence de traitement que le législateur a appliquée aux sociétés d'économie mixte visées par le b) de l'article 41 et qui consiste notamment à ne pas soumettre les délégations de service public dont elles seraient les bénéficiaires à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, est non seulement sans rapport avec l'objet de la loi, mais y est même contraire. Elle peut inciter à des détournements de procédure consistant dans le choix préalable d'intérêts privés associés au sein de société d'économie mixte. Dès lors, je vous proposerai de dire que les dispositions du b) de l'article 41 violent le principe d'égalité en tant qu'elles visent "une société dont le capital est directement ou indirectement, majoritairement détenu par la collectivité publique délégante et à condition que l'activité déléguée figure expressément dans les statuts de l'établissement ou de la société. Toutefois, lorsque la délégation a lieu au bénéfice d'une société d'économie mixte, les articles 40 et 42 sont applicables".
Monsieur le Président : Comment expliquez-vous cet avantage ?
Monsieur ABADIE : Il s'agit d'une demande des sociétés d'économie mixte.
Monsieur LATSCHA : D'ailleurs, elle était dans le texte initial.
Madame LENOIR : Les sociétés d'économie mixte sont quasiment des démembrements des communes.
Monsieur LATSCHA : L'exposé des motifs n'explique pas pourquoi cette disposition figure dans le texte.
Monsieur ROBERT : Je ne comprends pas le cas où un monopole existe au profit d'une entreprise. Qu'est-ce qui justifie que cette entreprise soit dans une situation différente au regard des autres dispositions ? Ça ne se justifie pas non plus.
Monsieur ABADIE : Dans ce cas là il n'y a pas de convention.
Monsieur LATSCHA : Le monopole doit être dérogatoire. Il implique qu'on puisse négocier d'une manière différente C'est ce que le législateur a décidé. En revanche, on comprend mal les dispositions sur les sociétés d'économie mixte.
Monsieur le Président : Il me semble que, soit on censure le début du B, soit on pourrait censurer tout l'article.
Madame LENOIR : Alors, on "saucissonne". Mais la réserve de fond est justifiée. Monsieur ROBERT a raison. Ce qui est gênant, c'est cette référence au monopole.
Monsieur LATSCHA : Oh, c'est un peu la même chose pour un établissement public. Simplement le monopole est institué par la loi.
Monsieur FABRE : Nous savons que l'on peut prendre quelques distances par rapport au principe d'égalité.
Monsieur ROBERT : Oui, mais lorsque nous le faisons c'est au regard des objectifs que le législateur poursuit. Or, ici, la différence de traitement ne s'appuie sur aucune justification.
Monsieur le Président : Effectivement, je ne vois pas pourquoi on exclut les monopoles. Monsieur le Secrétaire général ?
Monsieur le Secrétaire général : Je partage l'objection de fond mais cela aboutirait à une censure extrêmement complexe et très partielle. En outre, il s'agit de flux entre personnes publiques.
Monsieur ABADIE : Il faut relier cela aux établissements publics industriels et commerciaux.
Monsieur le Président : Il me semble que notre censure irait effectivement trop loin. Laissons de côté le problème des monopoles. Ne censurons pas sur ce point.
Monsieur le Président : En dépit du fait qu'on ne voit pas ce qui justifie cette référence au monopole, tenons-nous en au projet.
(Monsieur LATSCHA lit le projet sur l'article 41 jusqu'en haut de la page 26).
Monsieur le Président : Doit-on être aussi précis ?
Monsieur LATSCHA : Oui, il faut bien rentrer dans le détail.
Monsieur le Président : Je mets aux voix cette partie du projet.
(Le texte est adopté à l'unanimité).
Monsieur le Président : Voulez-vous que nous traitions maintenant de l'article 48 ? (Assentiment).
Monsieur LATSCHA : Je vous proposerai de soulever d'office une autre violation du principe d'égalité qui n'a été mentionnée par aucune des deux saisines mais qui se situe dans la logique de la censure de l'article précédemment examiné. Il s'agit de l'alinéa 1er du I de l'article 48 sur lequel l'attention du Conseil a été attirée, article par lequel le législateur a entendu soumettre aux principes de publicité et de mise en concurrence prévus par le code des marchés publics, les contrats de travaux, d'études et de maîtrise d'oeuvre, conclus pour l'exécution ou les besoins du service public par les sociétés d'économie mixte, en leur nom ou pour le compte de personnes publiques. Aux termes de l'alinéa 2 du I du même article, les sociétés d'économie mixte d'intérêt national et les sociétés filiales ne sont pas assujetties aux dispositions de l'alinéa 1er, lorsque le capital de chacun des cocontractants est contrôlé directement ou indirectement par l'Etat. Le rapport de Monsieur le sénateur Bonnet explicite le problème (p.
Certes il s'agit là de contrats passés entre une S E.M et une filiale dont le capital est majoritairement détenu, directement ou indirectement par l'Etat. Les observations du Gouvernement font remarquer que les relations entre le pouvoir adjudicateur et sa filiale à qui une mission est confiée, peuvent être gouvernées par des relations spéciales dues au fait que la SEM a, le plus souvent, constitué à dessein, la SEM délégataire, spécifiquement pour exécuter en ses lieu et place le service considéré. Mais on ne peut dire en aucun cas que la SEM délégataire passe en fait un contrat avec elle-même. Il s'agit bien d'une autre société dont on ne voit pas pourquoi, comme le fait remarquer SYNTEC, la situation privilégiée de fait devrait
Le fait que l'Etat contrôle, directement ou indirectement, le capital de certaines sociétés d'économie mixte d'intérêt national et des sociétés filiales cocontractantes n'est pas de nature à les placer dans une situation justifiant une différence de traitement eu égard à l'objet de la loi. En outre, il ne résulte pas de la loi qu'un motif d'intérêt général justifie que ces sociétés échappent aux dispositions de l'alinéa 1er de l'article 48. Ainsi, les dispositions de l'alinéa 2 du I de l'article 48 sont, nous semble-t-il, contraires au principe d'égalité et doivent être, de ce fait, déclarées contraires à la Constitution.
Monsieur le Président : Bon, et bien je pense, si nous sommes tous d'accord (assentiment) que vous pouvez passer à la lecture du projet.
(Monsieur LATSCHA lit, pages 26 et 27, la partie correspondante) : Je dois ajouter que SCETAUROUTE est une filiale de la caisse des dépôts et consignations !
Monsieur le Président : Est-ce qu'il existe des sociétés privées dans ce secteur ?
Monsieur ROBERT : Oui, il y a COFIROUTE.
Monsieur le Président : Je mets aux voix
(Le vote est acquis à l'unanimité).
Monsieur le Président : Monsieur LATSCHA, c'est à vous pour l'article 49.
Monsieur LATSCHA : Les députés, auteurs de la première saisine, font grief au deuxième alinéa du I de l'article 49 d'exclure du champ d'investigation de la mission interministérielle d'enquête sur les marchés publics et les conventions de délégation de service public, les établissements publics qui ont un caractère industriel et commercial. Ils soutiennent que cette disposition constitue une rupture du principe d'égalité par rapport aux autres personnes morales, et au surplus, est contraire à l'intérêt général. Il est paradoxal de constater que le premier projet déposé par le gouvernement proposait en fait de revenir au texte initial qu'il avait soumis au Parlement et qui est devenu la loi du 3 janvier 1991 lequel incluait les établissements publics industriels et commerciaux dans le champ de la mission interministérielle d'enquête. C'est finalement au Sénat, le 4 octobre 1990, que les EPIC ne furent pas compris dans le champ de la mission. C'est pourquoi, le rapport de M. Christian Bonnet présenté au nom du Sénat sur la loi sur la prévention de la corruption (p.
Monsieur le Président : Ici encore, j'avoue ne pas bien comprendre, quel que soit le parcours législatif de cette disposition, ce qui justifie que l'on fasse une exception, s'agissant d'une commission d'enquête sur les marchés publics. Je ne comprends pas pourquoi les établissements publics industriels et commerciaux seraient exclus.
Monsieur LATSCHA : II ne s'agit que de l'exclure du champ de compétence de la commission.
Monsieur le Président : J'entends bien, mais il doit y avoir des raisons à cela.
Monsieur le Secrétaire général : Des contrôles sont déjà prévus concernant les établissements publics industriels et commerciaux.
Madame LENOIR : Je crois qu'il y a surtout la volonté d'éviter une trop forte tutelle du ministre de l'économie
Monsieur ABADIE : je ne suis pas convaincu.
Monsieur LATSCHA : Cela doit déranger du monde.
Monsieur ABADIE : En fait, cela crée un réel handicap par rapport à des concurrents étrangers.
Monsieur le Président : Le moyen a été soulevé par les députés, mais la saisine sénatoriale fait silence sur ce point.
Monsieur RUDLOFF : C'est normal ! C'est leur texte.
Monsieur LATSCHA : La loi du 3 janvier 1991 n'a pas été soumise au Conseil constitutionnel.
Monsieur LATSCHA : La proposition de censure que je fais sur cet article repose exactement sur la même logique que celle qui a prévalu lorsque le Conseil a examiné les articles 41 et 48. Ce que je ne comprends pas personnellement c'est pourquoi on soumet les établissements publics à la compétence de cette mission. Il n'y a aucune justification à cela.
Monsieur le Président : Oui, je suis d'accord. Bien, sur la censure ? (Assentiment). Alors lisez
(Monsieur LATSCHA lit la partie de la décision correspondante. Il s'interrompt en bas de la page 27) : Faut-il mettre "situation" ou "traitement" ?
Monsieur le Secrétaire général : Traitement me paraît meilleur.
Monsieur LATSCHA : Oui (il poursuit jusqu'au bas de la page 28).
Monsieur le Président : Tout le monde est d'accord ? (Assentiment) Bien, vous pouvez peut-être terminer cette journée en traitant l'article 76-11.
Monsieur LATSCHA : Oui, oui ! Les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, contestent les dispositions de l'article 76 II de la loi qui viennent compléter le dernier alinéa de l'article 8 de la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983. Cet alinéa est ainsi rédigé: "Toute prise de participation d'une société d'économie mixte locale dans le capital d'une société commerciale fait préalablement l'objet d'un accord exprès de la ou des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires disposant d'un siège au conseil d'administration, en application du premier alinéa du présent article".
Les sénateurs, auteurs de la saisine, rappellent que toute collectivité territoriale ou groupement actionnaire a, en principe, par application du premier alinéa de l'article 8 de la loi du 7 juillet 1983, droit au moins à un représentant au conseil d'administration ou au conseil de surveillance ; que les sièges sont attribués en proportion du capital détenu respectivement par chaque collectivité mais que lorsque la représentation directe de celles-ci ayant une participation réduite au capital ne peut, en raison de leur grand nombre, être assurée au conseil d'administration et de surveillance, les collectivités et groupements non représentés directement sont réunis en assemblée spéciale et un siège au moins leur est réservé. Dès lors que les collectivités et groupements d'actionnaires sont en tout état de cause représentés, les sénateurs soutiennent qu'il y a une rupture d'égalité entre ceux qui donnent leur accord exprès à la prise de participation par
Le projet de loi initial du Gouvernement ne faisait pas de différence entre les collectivités qui disposaient d'un siège au conseil d'administration et celles qui n'en disposaient pas en raison de leur participation réduite au capital. Toutes devaient donc donner leur accord exprès. Face aux critiques de certains députés qui ont souligné le danger qu'il y avait à laisser la possibilité à une collectivité ne détenant qu'une part minime du capital, de faire obstacle à la prise de participation dans une société commerciale, le gouvernement a introduit l'amendement limitant l'exigence d'un accord de l'assemblée délibérante à celle des collectivités qui avaient un siège au conseil d'administration. Les sénateurs, auteurs de la seconde saisine reconnaissent d'ailleurs le bien-fondé de ce critère de cette différence de traitement puisqu'ils soulignent eux-mêmes que cette disposition tend à éviter qu'une seule collectivité ne détenant qu'une part minime de capital puisse faire obstacle à la participation envisagée.
Aussi, je vous proposerai de rejeter la violation du principe d'égalité alléguée par les sénateurs, s'agissant de la différence de traitement qui est faite dans cet article 76-11. Le caractère direct ou indirect de la participation au conseil d'administration est un critère pertinent en regard des objectifs de rapidité et d'efficacité que s'est allégué le législateur.
Monsieur ABADIE : Il s'agit concrètement d'empêcher une commune qui n'a pas d'intérêt dans une affaire de pouvoir bloquer de manière infondée une opération.
Monsieur le Président : Oui, la loi évite un tel "mal".
Monsieur ABADIE : Oui, c'est le cas où la commune n'a pas un intérêt objectif à la réalisation d'une opération.
Monsieur le Président : Sommes-nous tous d'accord ? (Assentiment). Bien ! Lisez !
(Monsieur LATSCHA lit la partie du projet correspondante) : On peut peut-être enlever le "ne... que".
Monsieur le Président : Oui Je vais mettre aux voix cette partie de la décision.
(Le vote est acquis à l'unanimité).
La séance est levée à 18 h 50.
SEANCE DU 20 JANVIER 1993
Monsieur le Président : Bien, allons-y !
Monsieur LATSCHA : Je vais poursuivre mon rapport. J'ai fait demander que l'on distribue l'ensemble des textes de loi modifiés par l'article 83, avec en regard le texte applicable actuellement. L'article 83 pose en effet une question qui mérite d'être soumise à votre délibération, même si elle n'a pas été évoquée dans la requête. Cet article revient sur un principe essentiel des lois de décentralisation de 1982, l'impossibilité, pour l'autorité préfectorale, de suspendre l'exécution des actes des collectivités locales.
Son économie générale est la suivante :
- d'une part, il prolonge d'un mois, durée très limitée, introduite par la loi du 6 février 1992, à trois mois, le délai dans lequel le juge administratif, saisi d'une demande de sursis à exécution doit statuer, contrainte jugée par le gouvernement plus réaliste. Rappelons d'ailleurs que ce délai n'est qu'indicatif, le juge n'étant nullement dessaisi de la demande une fois qu'il est écoulé ;
- d'autre part, et surtout, il prévoit qu'en matière d'urbanisme, de marchés et de conventions de délégations de services publics, la demande de sursis à exécution entraîne la suspension de l'exécution de l'acte durant ce délai.
Cette disposition très importante avait été, dans son principe, et pour la seule matière de l'urbanisme, suggérée au printemps dernier par un rapport de la Section du rapport et des études du Conseil d'Etat. Et cette idée avait été reprise et généralisée par le rapport de la commission présidée par M. Bouchery. Le projet initial du Gouvernement présenté devant le Conseil d'Etat ne prévoyait, lui, qu'un délai de suspension extrêmement réduit d'un mois.
Je vous propose d'examiner, au regard des dispositions de l'article 72, la constitutionnalité successivement du principe d'une suspension provisoire de trois mois, puis des modalités particulières retenues par le Parlement. Le pouvoir de suspension conféré au préfet, dans l'attente de la décision du juge,
A l'époque, vous vous en souvenez, les actes les plus importants des collectivités locales étaient soumis à un pouvoir d'appréciation soit explicite, soit implicite, le préfet pouvant en outre déclarer nulles de droit certaines délibérations mais dans des conditions très limitatives. La suspension, dans la mesure où elle retarde le moment où la décision concernée a un caractère exécutoire, implique les mêmes effets que les formes d'approbation alors requises, la différence essentielle tenant au fait que la décision appartient au juge même si dans le régime de droit antérieur à 1982, le préfet agissait bien entendu sous son contrôle.
Sur la constitutionnalité dans son principe de cette procédure nouvelle on peut hésiter et j'aurais été enclin à vous proposer de l'admettre.
Si l'article 72 prévoit le principe de la libre administration des collectivités locales, il prescrit aussi, vous le savez, au délégué du gouvernement d'assurer le contrôle administratif et le respect des lois.
Et c'est cette exigence constitutionnelle qui vous a conduit à censurer partiellement la première loi de décentralisation le 25 février 1992.
Ainsi avez-vous jugé en particulier que "si la loi peut fixer les conditions de la libre administration des collectivités territoriales, c'est sous la réserve qu'elle respecte les prérogatives de l'Etat énoncées à l'alinéa 3 de cet article ; que ces prérogatives ne peuvent être ni restreintes, ni privées d'effet, même temporairement".
Dans cette perspective, on peut faire valoir que l'intention du législateur a été précisément de donner un effet utile au contrôle de légalité en évitant que ne se créent avec le temps, avant que le juge ne statue, des situations irrémédiables s'agissant de constructions de toute nature, d'exécution de marchés publics ou de délégations de services publics.
Et dans le même sens, on pourrait soutenir que le pouvoir nouveau conféré au préfet dans un délai de trois mois est de nature à inciter le juge à statuer le plus rapidement possible, ce qui peut remédier, au moins au stade du sursis, aux lenteurs du contrôle juridictionnel de légalité.
On peut aussi observer que s'il s'est constitué sous l'empire de dispositions constitutionnelles qui ne garantissaient pas la libre administration des collectivités locales, le régime de tutelle antérieur à 1958 qui avait d'ailleurs connu des assouplissements successifs, n'était pas pour autant contraire
A l'inverse, on pourrait faire valoir que l'allongement de délai opéré en première lecture à l'Assemblée nationale à l'initiative du gouvernement a conduit à modifier sensiblement les conditions pratiques d'application de la mesure d'autant que le préfet peut en amont retarder l'exercice de son déféré par une demande administrative préalable de retrait ou même une demande de complément de dossier.
Mais somme toute il s'agit là d'arguments d'opportunité dont la force et la portée ne sont pas suffisantes pour caractériser une atteinte à la libre administration des collectivités locales laquelle doit s'apprécier compte tenu de l'exigence constitutionnelle du contrôle posée par le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution.
En revanche, il est un autre élément du dispositif, mis en place qui n'a pas été aperçu par les parlementaires, les députés ayant voté l'article quasiment sans discussion et les sénateurs l'ayant rejeté globalement, et qui comporte un risque de très graves atteintes à cette libre administration.
En effet, comme vous le savez, si la recevabilité d'une demande de sursis est subordonnée à des conclusions à fin d'annulation, cette demande peut être formulée à tout moment par requête distincte. Autrement dit, dans le cours d'une procédure juridictionnelle qui peut être fort longue -rappelons que les tribunaux administratifs ont un stock de 80 000 affaires en instance et jugent en moyenne au terme d'un délai de deux années et demi- le préfet peut à tout moment donner un effet suspensif à la contestation contentieuse qu'il a entamée.
Or il peut être tenté de procéder de la sorte pour plusieurs raisons :
- tout d'abord l'instruction contentieuse contradictoire du dossier peut lui faire apparaître des éléments nouveaux le justifiant ;
- certains déférés pouvant être de précaution, une sorte de négociation se poursuivant avec les collectivités locales, à défaut de parvenir au terme de celle-ci, ce qui lui aurait permis un désistement, le préfet peut décider alors d’user de l'arme du sursis ;
- lorsqu'une instance se prolonge indûment, l'utilisation de la procédure du sursis est un moyen commode pour inciter le juge à se prononcer plus rapidement ; en pratique, en effet, les pourvois assortis de demande de sursis sont traités en urgence, le juge se prononçant alors plus vite au fond sans avoir à statuer explicitement sur la demande de sursis.
Il ne faut, en effet, pas sous-estimer la gravité que comporterait l'interruption soudaine, en cours d'exécution pendant trois mois d'opérations d'urbanisme, de l'exécution de marchés très importants, et a fortiori, de conventions de délégations de services publics. S'agissant de ces dernières, en particulier, peut même être mis en cause le principe de continuité des services publics auquel vous avez reconnu valeur constitutionnelle (décision 79-105 DC du 25 juillet 1979, Rec. p. 33).
Nous sommes là, il faut y insister à nouveau, dans une situation très différente de celle de la suspension ab initio de l’effet exécutoire d'un acte, mécanisme qui résulte du régime des approbations préalables, que celles-ci soient explicites ou implicites, mais dans une situation où une opération en cours peut être interrompue quels que soient la nature et le sérieux des moyens invoqués par la tutelle.
On pourrait certes songer à éviter la censure par une interprétation neutralisante.
Il faudrait alors interpréter la volonté du législateur comme impliquant que le délai de trois mois commence à courir à compter de la date du pourvoi en annulation.
Mais cette solution se heurte à deux obstacles dirimants :
- en premier lieu, elle est contraire à la lettre du texte et ne peut reposer sur aucun élément des travaux préparatoires ;
- en second lieu, elle vous conduirait à évoquer une disposition uniquement pour procéder à une telle neutralisation, ce que, contrairement à la Cour constitutionnelle italienne, vous n'avez jamais fait sauf lorsque la saisine n'est assortie d'aucune conclusion à l'encontre de certaines dispositions du texte qui vous est déféré.
Je suis ainsi conduit à vous proposer une censure dont la motivation serait développée en deux temps :
- elle soulignerait tout d'abord que le retour à un mécanisme traditionnel de tutelle n'est pas en lui-même contraire à la Constitution, ce qui autorisera le législateur à envisager, après une réflexion plus approfondie sur ses implications, un autre dispositif de renforcement de pouvoirs de contrôle administratif du préfet ;
J'ajoute enfin que si vous me suivez, vous vous inscrirez naturellement dans l'esprit général de la décision dont vous délibérez, qui tend à réaffirmer, après le précédent du 20 janvier 1984 relatif à la fonction publique territoriale, la substance et l'importance de la liberté des collectivités locales.
Il serait en effet grave que le souci tout à fait légitime de moralisation de la vie publique conduise à la méconnaître.
Monsieur le Président : Bien, je précise donc qu'il y a deux problèmes. D'abord le problème de fond dont Monsieur LATSCHA vient de traiter, et qui est la constitutionnalité de cet article. Ensuite, le problème de savoir si nous devons soulever cette question d'office. Je précise bien entendu que jamais le Conseil constitutionnel n'a utilisé la pratique consistant à soulever d'office pour aboutir à une interprétation neutralisante. Dès lors que nous soulèverions, ce serait pour censurer. Il y a donc un problème quant à la démarche à suivre.
Monsieur CABANNES : Oui, le résultat est alors plus brutal.
Monsieur le Président : Oui . Si on attache une grande importance à cette question on censure, sinon il faudra la passer sous silence. Il nous est impossible de faire un découpage microscopique au sein de cet article.
Monsieur ABADIE : Moi, je me pose une question et je demande au rapporteur son interprétation. Le préfet peut déférer un acte dans les deux mois suivant sa transmission. En imaginant qu'il attende la fin du délai, il peut ensuite assortir sa demande d'une demande de sursis à exécution. A tout moment de la procédure, cela signifie en fait dans un délai qui est assez restreint. Alors cette disposition ne me paraît pas si grave. Faut-il s'en saisir ? Nous restons toujours dans le champ de l'Etat de droit Je rappelle que le principe de libre administration des collectivités locales est un principe relatif. Et si je lis la loi de 1982 il m'apparaît que nous ne sortons pas de son cadre. Alors je suis très sceptique quant au fait de savoir si nous pourrions nous autosaisir. En effet, il faut bien se rendre compte de cela. On en est à une éventuelle autosaisine sur une disposition qui ne remet pas en cause les fondements mêmes de la décentralisation.
Madame LENOIR : On en est en effet à un cas d'annulation d'office, et encore faut-il faire une interprétation du texte pour en arriver là. Nous sommes dans le cas d'un contrôle a posteriori, avec divers systèmes de dérogation qui existent à
Monsieur le Secrétaire général : Le problème c'est que la loi ne limite pas le délai dans lequel la demande de sursis doit être présentée. Elle peut intervenir bien après la saisine du juge.
Monsieur le Président : C'est ce qui justifie le : "à tout moment".
Monsieur LATSCHA : On peut ainsi bloquer un acte à tout moment de son exécution et non pas dans un délai de quelques mois. Il me semble donc que nous devons nous en saisir d'office. Le Conseil d'Etat considère que la demande de sursis peut intervenir à tout moment de la procédure. C'est en particulier l'opinion de Monsieur COMBARNOUS, qui est une référence en la matière.
Monsieur ABADIE : Lors du dépôt de ce projet devant le Conseil d'Etat, le commissaire du Gouvernement n'a pas réagi ? Personne n'en a rien dit à ce moment ? La question n'a pas été évoquée ?
Monsieur LATSCHA : Oui, mais le Gouvernement n'a pas rectifié son texte.
Monsieur ROBERT : Sur la question de la non-conformité à la Constitution, je réponds clairement oui. La situation classique en droit administratif c'est celle du caractère exécutoire des décisions. Où irait-on si le recours au juge assorti de sursis remettait automatiquement en cause ce caractère exécutoire. En effet, et Madame LENOIR l'a rappelé, l'octroi du sursis est enfermé dans des limites strictes, notamment celles qui tiennent au caractère irréparable du préjudice. Mais c'est le juge qui décide. Or ici, ce n'est plus un pouvoir du juge puisque c'est la demande de sursis qui va entraîner la suspension de l'application de l'acte. On dépouille le juge de son pouvoir d'appréciation. Si on suit l'interprétation de Monsieur COMBARNOUS, les choses sont très claires. Elles le seraient tout
Monsieur RUDLOFF : Moi, il y a quelque chose qui m'inquiète, c'est le pouvoir du préfet. Il a en charge l'intérêt national, le contrôle de l’administration et le respect de la loi. Mais je trouve cette disposition assez peu claire car elle lui permet en meme temps d'inférer de manière temporaire dans le pouvoir judiciaire. Ce sont les tribunaux administratifs qui sont en fait chargés éventuellement de suspendre des actes. Ici, il y a une suspension automatique. Il est nécessaire de clarifier cela. Je suis donc favorable à la censure à la fois pour des motifs tenant à l'opportunité : on va introduire des différences entre les actes et pour éviter cette confusion des genres.
Monsieur Robert FABRE : Certes, mais si aucun sursis n'est accordé dans un délai rapide, le promoteur qui agit illégalement a tout le temps de construire l'immeuble contesté. Je connais le cas de maisons qui ont été ainsi construites à Cabourg. La démolition a été ordonnée, il y a eu un conflit local, une controverse, un moyen tiré de l'illégalité. Mais, pendant ce temps là, les maisons ont été construites. Il faut bien arrêter cela. Dès lors que cet article, qui est fort utile, n'est pas contesté, moi je ne suis pour que le Conseil prenne la responsabilité de soulever cela d'office.
Monsieur LATSCHA : J'ai connu le cas tout de même où le recours au juge administratif avait permis de bloquer la construction d'au moins deux immeubles à Mulhouse. Toutes ces dispositions ont un champ d'application très large. Il suffit que le Conseil d'Etat, saisi au contentieux, réponde très vite aux demandes de sursis pour que celles-ci deviennent effectives. Je rappelle que le Président ODENT, dans son cours, précise que la demande de sursis peut être introduite à tout moment.
Monsieur CABANNES : La seule question est de savoir s'il y a une atteinte à la libre administration des collectivités locales. On est un peu sur le fil du rasoir, certes. Mais a-t-on franchi le stade de la saisine d'office ? Je réponds oui. Faut-il censurer ? Je réponds oui. Je suis pour la censure.
Madame LENOIR : Moi aussi je suis assez d accord. La question posée est de savoir quels principes sont mis en cause. On met en place ni plus ni moins qu'un recours contentieux suspensif. Le préfet obtient le droit de contester à tout moment n'importe quelle décision des autorités locales. C'est contraire aux règles de droit commun. Cela jette le soupçon sur les collectivités locales. Cela aboutit à une approbation tacite des opérations non contestées et à une suspension de l'application des autres.
Monsieur le Secrétaire général : Il faut toutefois souligner que le représentant de l'Etat a d'ores et déjà des armes plus importantes que celles des autres parties. Mais il pourrait aussi provoquer le sursis sans préjudice. On lui confère un droit qui accroît le déséquilibre.
Monsieur le Président : Oui, la saisine du juge lui confère une prérogative inouïe en dehors de tout contrôle, il peut figer la situation !
Monsieur le Secrétaire général : L'article 72, troisième alinéa, de la Constitution lui confère cependant une mission spécifique qui le met déjà dans une situation plus favorable que celle du droit commun. Simplement, ici, l'atteinte à la libre administration des collectivités locales le met dans une situation nettement plus favorable.
Monsieur LATSCHA : Il est clair que le pouvoir du juge reste étendu mais que, dès lors que le préfet assortit son recours d'une demande, le sursis est automatique. Tant que le juge n'a pas pris sa décision l'acte est suspendu. On peut argumenter sur la base d'une rupture d'égalité. Mais je dois dire que le terrain de la libre administration des collectivités locales me paraît préférable.
Madame LENOIR : Le préfet est garant de l'intérêt général national. II a déjà de nombreux pouvoirs de saisine que les citoyens ne possèdent pas. Dans le droit électoral déjà il existe de très fortes inégalités.
Monsieur le Président : Mais les élections ne rentrent pas dans le champ d'application de la Convention européenne des droits de l'homme. Ici, il s'agit d'un autre cadre.
Monsieur ROBERT : Nous sommes beaucoup plus forts sur l'article 72 que sur la rupture d'égalité. Le droit administratif est par nature un droit inégalitaire.
Madame LENOIR : Je crois qu'il ne faut pas aller à l'encontre de ce que nous avons affirmé dans la décision du 25 février 1982.
Monsieur le Président : Moi, je maintiens qu'il s'agit d'un problème lié à l'organisation d'un procès, dans le cadre d'une instance juridictionnelle administrative.
Monsieur ABADIE : Est-ce vraiment le bon moment pour aborder le problème ? A l'occasion de cette question marginale, nous allons nous autosaisir ? Je trouve cela disproportionné.
Monsieur le Président : Non La question est grave et il me semble qu'il ne faut pas se fonder sur l'article 72. Profitons-en pour proclamer un principe.
Monsieur ROBERT : Le moment ne me paraît pas venu de poser un principe. En revanche, il me paraît nécessaire de confirmer l'autonomie des collectivités locales.
Monsieur le Président : Sur cette base, je ne vous suivrai pas. On vole au secours de gens qui ne le demandent pas. Par contre, je suis plus sensible aux arguments tirés de l'inégalité entre les partis.
Monsieur CABANNES : La difficulté c'est effectivement qu'on soulève d'office.
Monsieur LATSCHA : Oui, mais nous sommes dans un cas très particulier. Le rôle du Préfet est avant tout d'assurer le respect de la loi. Mais ce texte lui confère un pouvoir tout à fait exorbitant. Il lui permet d'intervenir dans une instance.
Monsieur Le Président : II me semble que ce n'est pas la liberté des collectivités locales qui est d'abord en cause. Ce qui est en cause avant tout c'est le transfert de pouvoir du juge au préfet. J'y suis très attaché. Mais il s'agit d'une conséquence de cet article. Si la décision n'évoque pas le problème, personne ne nous le reprochera. Sinon, nous devons être très prudents, car nous nous fondons sur les conséquences d'une disposition pour soulever d'office l'inconstitutionnalité. Or, on donne au Préfet des prérogatives qui dérogent à l'égalité entre les justiciables. Sur cette base là, il me semble que notre décision serait particulièrement solide. Si vous le souhaitiez, nous pourrions nous octroyer un délai de réflexion supplémentaire.
Monsieur ABADIE : C'est vrai que c'est presque un pouvoir juridictionnel que l'on donne ici au préfet.
Madame LENOIR : Si la décision abordait cet article sous l'angle de l'égalité entre les justiciables, cela nous permettrait d'être en contradiction avec notre décision du 25 février 1982.
Monsieur le Président : On pourrait faire ressortir le fait que le Préfet obtienne un sursis sur sa simple demande. Mais j'insiste sur la rupture d'égalité. Ça donnerait ceci : "considérant de surcroît que la prérogative donnée au Préfet dans la cadre d'une instance contentieuse devant les juridictions administratives d'obtenir, à sa demande, la suspension de l'exécution de l'acte déféré jusqu'au terme de l'instance, or, toute décision du juge à ce sujet, méconnaît le principe d'égalité des droits des partis à un procès, lequel constitue l'une des expressions du principe constitutionnel de l'égalité devant la justice.
Madame LENOIR : Le problème c'est le moment où cette demande intervient. Cela ne vise pas que le terme de l'instance. Le juge peut statuer sur le sursis demandé.
Monsieur le Président : Non, ça peut aller jusqu'au terme de l'instance.
Plusieurs conseillers : Ça va très loin ! Oui, les pouvoirs du préfet vont très loin.
Monsieur ROBERT : Je persiste à penser que ces pouvoirs reconnus au Préfet vont à l'encontre de l'article 72 de la Constitution.
Monsieur le Président : Mais nous sommes dans un procès ! Moi je suis presque prêt à faire le silence sur cet article : ni les collectivités locales, ni le Sénat ne sont intervenus pour attirer l'attention du Conseil sur ce point.
Monsieur RUDLOFF : Oui, je le reconnais, il n'y a pas eu de demande.
Monsieur LATSCHA : La dernière observation c'est qu'on donne au Préfet un pouvoir exorbitant du droit commun et que notre motivation pourrait retenir cet argument qui me paraît très sérieux. Je propose que l'on s'en tienne là car il y a une inconstitutionnalité manifeste et que nous n'innovions pas puisque nous sommes un cas de saisine d'office.
Monsieur FABRE : II me semble que ce n'est pas le moment opportun pour soulever quoique ce soit d'office. Les élus eux-mêmes n'ont pas protester. Il faudrait aller beaucoup plus au fond de notre analyse pour montrer où est la Constitution. Moi, je suis contre.
Monsieur le Président : Bien, je crois que suffisamment d'arguments ont été échangés. Alors je vais poser deux questions. D'abord qui est pour que l'on soulève d'office, ensuite si le oui l'emporte, sur quelle base doit-on prononcer l'inconstitutionnalité ? Donc, qui est pour que nous censurions ?
(Le vote est acquis à l'unanimité).
Monsieur le Président : Bon, alors retenons-nous les moyens ou en retenons-nous un seul ? Si nous soulevons l'égalité entre les partis, on fait un pas vers la notion de procès équitable au sens de la convention
Monsieur LATSCHA : Je lis la formule que nous pourrions retenir en définitive (il lit le projet page 30).
Monsieur le Président : Bon, je mets aux voix comme cela. (Le vote est acquis à l'unanimité sauf Monsieur Fabre qui vote contre). On verra les commentaires. Si aucun commentateur ne soulève aucune question sur la rupture de l'égalité, nous en tirerons les conséquences. Maintenant, pour les raisons que j'ai déjà indiquées, je vais vous laisser débattre.
Monsieur CABANNES : Que fera-t-on au moment du dispositif ? Est-ce que vous reviendrez ?
Monsieur le Président : Non, pour les raisons que j'ai déjà indiquées, l'acquis est acquis, vous adopterez la décision, compte tenu de la partie dont vous allez maintenant délibérer.
(Monsieur le Président quitte la salle des séances. Monsieur Robert Fabre le remplace à la présidence).
Monsieur FABRE : Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.
Monsieur LATSCHA : Je ne sais ce que sera notre décision. Je ne sais pas surtout si nous devons détailler article par article. J'espère que mon rapport vous permettra de vous faire une opinion. Je dois également vous indiquer que j'ai établi, à titre principal, mais sans en être parfaitement satisfait, une décision de conformité. Mais j'ai aussi préparé, à titre supplétif une décision de censure. Je vous précise tout de suite que cette variante aboutit à une censure de tout le dispositif.
Les prestations de publicité sont visée par le chapitre 2 du titre premier de la loi, qui comporte les articles 20 à 29.
Je vais maintenant aborder la partie du rapport relative aux prestations de publicité, c'est-à-dire le chapitre II du titre de la loi qui comporte les articles 20 à 29.
Les députés contestent la constitutionnalité de l'ensemble de ces articles. Les critiques des sénateurs portent seulement sur les articles 20, 21, 22, 24 et 25. Monsieur MAZEAUD, député, a présenté un mémoire, qualifié par lui de "mémoire complémentaire"
Après avoir rappelé sommairement le mode de fonctionnement du marché publicitaire en France, je procéderai successivement à l'analyse des dispositions législatives qui nous sont soumises, à l'analyse des moyens des saisines, enfin à l'appréciation du bien fondé de ces moyens.
FONCTIONNEMENT DU MARCHE PUBLICITAIRE EN FRANCE :
Le développement de la publicité est une des caractéristiques des sociétés modernes. En France, le rythme annuel de ce développement a été de 4,52 % de 1982 à 1986 et de 7,74 % de 1986 à 1991. Les perspectives sont toutefois moins favorables pour les années à venir : le taux de croissance annuel devrait être de 4,6 % jusqu'en 1997.
La publicité est un instrument indispensable à la modernisation de l'économie : elle élargit le marché des produits et favorise l'investissement. En outre, les recettes publicitaires sont essentielles à l'équilibre de l'exploitation des médias : à cet égard, on constate une dégradation continue de la part revenant à la presse quotidienne et une progression importante de la télévision, seul média dont les parts de marché ont augmenté.
A chaque extrémité de la chaîne du marché publicitaire se trouvent les annonceurs et les supports.
Les annonceurs sont au nombre de 20 000 mais 15 % seulement d'entre eux représentent 90 % des dépenses publicitaires.
Les supports, c'est-à-dire les différentes catégories de médias, vendent leur espace publicitaire directement ou par l'intermédiaire d'une régie, qui a pour fonction de commercialiser auprès des annonceurs et des agences de publicité les espaces du support.
Le lien entre annonceurs et supports est assuré par les agences de publicité et les centrales d'achat.
La France compte un peu plus de 2 000 agences de publicité mais la profession est finalement assez concentrée : la première agence, Publicis, détient 11 % du marché, suivie d'Havas, par sa filiale Eurocom, puis de Roux, Seguela, Cayzac, Goudart et ensuite de Boulet, Dru, Dupuis, Petit.
Les fonctions des agences de publicité sont multiples : études et programmes ; conception et création, notamment conception générale du programme d'action et des thèmes, recherche de l'argumentation et de son expression par tous moyens graphiques, rédactionnels, sonores, audiovisuels, etc. ; mise en oeuvre,
A côté des agences de publicité existent des centrales d'achat dont l'apparition il y a une vingtaine d'années a procédé de l'idée de séparer l'achat d'espace des fonctions traditionnelles de l'agence publicitaire, afin de tirer le meilleur parti d'une spécialisation dans l'activité la plus rentable de la prestation publicitaire. Les centrales et la première d'entre elles, Carat ont été initialement des grossistes achetant ferme en début d'année un volume d'espace publicitaire en contrepartie de remises importantes répercutées partiellement sur le prix de revente.
Les agences de publicité n'ayant pas accès à des rabais équivalents à ceux des centrales, un grand nombre d'annonceurs ont de plus en plus dissocié l'achat d'espace, confié aux centrales, qui leur procuraient des conditions particulièrement avantageuses et les autres fonctions publicitaires (création, conseil publicitaire) conservées par les agences qui ont d'ailleurs été amenées à créer leur propres centrales.
II existe en France 70 centrales d'achat réparties en trois groupes : les unes, telles le groupe Carat, sont indépendantes, d'autres ont été créées par des annonceurs, tels Nestlé, Peugeot, l'Oréal, d'autres enfin ont été créées par des agences, certaines centrales créées par ces agences ayant donné naissance, par voie de regroupement, à deux "supercentrales", "Publimédia service" et "the media partnership".
Une des caractéristiques du marché publicitaire français est son opacité. Cette opacité est due principalement aux conditions dans lesquelles s'opère l'achat d'espace, activité représentant, en moyenne, la moitié du chiffre d'affaires des agences et la totalité du chiffre d'affaires des centrales d'achat.
Cet achat d'espace donne lieu à l'octroi par le support vendeur à l'intermédiaire acheteur, de diverses rémunérations et d'avantages qui altèrent la concurrence sur le marché publicitaire en raison du secret entourant leur montant et qui met l'annonceur dans l'ignorance du coût réel du support publicitaire mis à sa disposition.
Ces rémunérations et avantages sont constitués en premier lieu par la commission d'agence, de caractère traditionnel et qui est en général de 15 % et qui est censée rémunérer les services rendus par l'agence de publicité au média : notamment, fonction d'apporteur d'affaires, engagement à payer le support en cas de défaillance de l'annonceur dont l'agence a apporté la clientèle.
Les autres avantages consentis par le support à l'agence ou à la centrale d'achat sont : des ristournes quantitatives dénommées "dégressifs" ; des "négociations", dites aussi "négos"
Ces avantages divers et souvent très importants accordés par le support à l'intermédiaire, demeurent pour une large part occultés. Sauf pour la commission d'agence, les annonceurs en ont une connaissance très incertaine ; les tarifs officiels pratiqués par les supports et qui leur sont communiqués sont largement majorés et ont un caractère fictif. La facturation dissociée interdit aux annonceurs d'avoir une connaissance précise des remises consenties par les supports aux intermédiaires. Certes la publication en décembre 1987 d'un avis du Conseil de la concurrence relatif à la publicité, rendu sur le rapport de Messieurs MARIMBERT et SPITZ, a incité les annonceurs les plus puissants à exiger des intermédiaires chargés de l'achat d'espace la rétrocession d'avantages jusqu'alors conservés par ceux-ci. Mais les annonceurs ne disposant pas d'un poids suffisant à l'égard des intermédiaires restent dans l'ignorance des prix réels.
Outre les annonceurs, cette opacité est préjudiciable à certains intermédiaires, défavorisés par rapport à d'autres qui, indépendamment de leur volume d'achat bénéficient, sous la forme des "négociations", de conditions particulières de la part de certains supports ; les remises constituées par ces "négociations" ou "négos" peuvent atteindre des pourcentages de 20 % à 40 % selon les supports et les intermédiaires et sont soustraites pour une large part à la facture d'achat.
Quant aux médias vendeurs d'espace publicitaires, leur situation varie en fonction de leur capacité de négociations avec les intermédiaires, laquelle dépend de la qualité et du volume de leur audience. En ce qui concerne la presse écrite, les titres dont le lectorat appartient à des catégories socio-professionnelles à revenus élevés, cas notamment de certains magazines spécialisés, ont une capacité de résistance aux demandes de ristournes plus forte que celle de la presse généralisée.
Les dispositions concernant la publicité contenues dans la loi soumise au Conseil constitutionnel visent à rétablir des règles du jeu faussées par les pratiques actuelles et à introduire le maximum de transparence dans le marché publicitaire français.
ANALYSE DES DISPOSITIONS DEFEREES AU CONSEIL
Article 20 :
Cet article comporte trois alinéas :
- le premier alinéa prévoit que tout achat d'espace publicitaire ou de prestation ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur dans le cadre d'un contrat écrit de mandat ;
- le second alinéa est relatif au contenu du contrat de mandat. Ce contrat fixe les conditions de la rémunération du mandataire en détaillant les diverses prestations effectuées dans le cadre du contrat et le montant de leur rémunération respective. II mentionne en outre les autres prestations dues par l'intermédiaire en dehors du contrat de mandat et le montant global de leur rémunération. Tout rabais ou avantages
- le troisième alinéa prévoit que même si les achats mentionnés ci-dessus ne sont pas payés directement par l'annonceur au vendeur, la facture est communiquée directement par le vendeur à l'annonceur.
L'article 20 est l'article essentiel. Sa complexité le rend parfois imprécis.
Son premier alinéa interdit apparemment l'activité des centrales d'achat puisque tout achat d'espace publicitaire ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur. Une centrale d'achat ne pourra plus acheter des supports pour son propre compte, à moins de considérer que la centrale d'achat n'est pas un intermédiaire et qu'ainsi le premier alinéa ne lui est pas applicable. Au regard du contrôle de constitutionnalité ce point est essentiel.
Une autre disposition essentielle de l'article 20 est que les rapports entre l'annonceur et l'intermédiaire doivent s'établir dans le cadre d'un contrat de mandat : l'intermédiaire devient le représentant de l'annonceur ; il agit, non pour lui
L'obligation de recourir à un contrat de mandat ne s'applique pas à la totalité des prestations fournies par l'intermédiaire à l'annonceur. Elle ne concerne que l'achat d'espace publicitaire ou de prestations ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires. Autrement dit, le mandat n'est obligatoire que pour le "média" et la partie du "hors média"
De même, l'obligation de recourir au mandat ne couvre pas les prestations fournies par l'agence de publicité telles que la conception générale d'un programme publicitaire, la création des messages publicitaires, etc.
Ainsi, le contrat de mandat ne couvre obligatoirement que l'achat d'espace publicitaire auprès des médias (radio, télévision, presse écrite, affichage) ainsi que l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires.
Les autres prestations fournies par l'intermédiaire en dehors du contrat de mandat et le montant global de leur rémunération doivent toutefois être mentionnés dans le contrat, à titre d'informations.
Autre disposition essentielle : tout rabais ou avantage tarifaire accordé par le vendeur doit figurer sur la facture délivrée à l'annonceur et l'intermédiaire ne peut le conserver en tout ou partie qu'en vertu d'une stipulation expresse du contrat de mandat. Ce mécanisme s'inscrit dans une logique prohibant toute rémunération de l'intermédiaire par le support, notamment le versement par ce dernier de la commission d'agence de 15 % tout en atténuant la portée dans des conditions qui, il est vrai, ne garantissent pas la rétrocession du rabais aux intermédiaires chargés de l'achat et ne sont pas susceptibles de compenser la perte de la commission d'agence, qui représente 30 % de la quasi- totalité du chiffre d'affaires des agences et centrales d'achat.
Article 21 :
Cet article interdit au mandataire de recevoir d'autre paiement que celui qui lui est versé par son mandant pour la rémunération de l'exercice de son mandat, ni aucune rémunération ou avantage quelconque de la part du vendeur.
Ce dispositif prohibe le système de la commission d'agence en même temps que les diverses rémunérations occultes dont l'opacité des tarifs avait entraîné la prolifération.
Cet article est fort important dans la mesure où il interdit la commission d'agence présentée comme rémunérant un ensemble de services rendus par l'intermédiaire au support : valorisation de l'espace publicitaire,en particulier en ce qui concerne les supports les moins connus, regroupement des ordres des annonceurs, facilitation de la facturation, garantie du paiement de l'espace en cas de défaillance de l'annonceur.
Cet article interdit au prestataire qui fournit des services de conseil en plan-média ou de préconisation de support d'espace publicitaire de recevoir aucune rémunération ni avantage de la part du vendeur d'espace.
Il s'agit d'une disposition visant, semble-t-il, l'agence de publicité qui n'effectue pas elle-même l'achat d'espace publicitaire mais exerce en amont de l'achat l'activité de conseil en plan-média et celle de préconisateur de support ; ces deux notions sont voisines, la première étant la répartition d'un budget publicitaire entre les catégories de médias, la seconde la répartition des investissements entre les supports.
Cette disposition a pour effet d'interdire, notamment, le versement par le support aux agences des surcommissions de préconisation, pratique altérant l'objectivité de la préconisation d'espace.
Article 23 : :
Cet article impose essentiellement au vendeur d'espaces publicitaires de rendre compte directement à l'annonceur des conditions dans lesquelles les prestations ont été effectuées.
Article 24 :
L'article 24 fait obligation, dans un souci de transparence, à la personne qui fournit des services de conseil en plan-média ou de préconisation de support d'espace publicitaire d'indiquer dans ses conditions générales de vente les liens financiers qu'elle entretient avec des vendeurs d'espace publicitaire.
Article 25 :
Cet article est relatif aux sanctions pénales et aux pouvoirs d'enquêtes des fonctionnaires.
Plusieurs degrés de sanctions sont prévus :
- amende de 200.000 F :
. pour défaut de rédaction d'un contrat de mandat ;
. pour défaut des informations devant figurer dans les conditions générales de vente.
- amende prévue au dernier alinéa de l'article 31 de la loi du 1er décembre 1986 pour défaut de communication par le vendeur de la facture à l'annonceur ;
. toute personne donnant sciemment de fausses informations à un annonceur alors qu'elle entretient des liens avec un support dont elle préconise l'utilisation ;
. tout mandataire qui reçoit une rémunération ou un avantage d'autres personnes que son mandant ;
. tout vendeur d'espace qui accorde une rémunération ou un avantage au mandataire ou au prestataire de l'annonceur ;
. toute personne fournissant des services de conseil en plan média ou de préconisation de support publicitaire de recevoir une rémunération ou un avantage quelconque de la part du vendeur d'espaces publicitaires.
Pour toutes ces infractions, les personnes morales peuvent être déclarées responsables conformément à l'article 121-2 du code pénal et peuvent être exclues des marchés publics pour 5 ans au plus.
Enfin, l'article confère un pouvoir d'enquête aux fonctionnaires énumérés à l'article 45 de l'ordonnance du
1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Il s'agit des fonctionnaires de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Les pouvoirs d'enquête de ces agents comporte la possibilité d’accéder à tous locaux, de demander et de saisir des documents. L'ordonnance précise que ces enquêtes, lorsqu'elles comportent notamment le droit de visite en tous lieux et celui de saisir ont lieu sous le contrôle de l'autorité judiciaire.
Article 26 :
Cet article contient des dispositions d'importance secondaire concernant les régies publicitaires, la qualité de mandataire et la notion d'achat d'espace publicitaire.
Article 27 :
Cet article prévoit que les dispositions du présent chapitre s'appliquent quel que soit le lieu d'établissement de l'intermédiaire, dès lors que le message publicitaire est réalisé au bénéfice d'une entreprise française et est principalement reçu sur le territoire français. On peut s'interroger sur les conditions d'application de cette disposition.
Cet article fixe au 31 mars 1993 la date d'effet des deux premiers chapitres sauf pour certaines dispositions pénales, qui prendront effet à compter du 1er septembre 1993.
Article 29 :
L'article 29 prévoit qu'à l'issue d'un délai de 3 ans après l'entrée en vigueur du chapitre, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur ses conditions d'application.
LES SAISINES :
Les députés invoquent, en premier lieu, les restrictions à la liberté contractuelle : imposition du contrat de mandat, interdiction de certaines clauses, restrictions à la liberté de choisir le mode de rémunération, contraintes sanctionnées par de très lourdes peines.
Ils estiment que la combinaison de ces dispositions est de nature à porter gravement atteinte à la liberté d'entreprendre.
Ils font état de la gravité des sanctions pénales disproportionnées aux objectifs poursuivis.
Enfin, ils soutiennent que les articles en cause (restrictions apportées au contenu des contrats de vente d'espaces publicitaires et lourdeurs des sanctions frappant les vendeurs d’espaces publicitaires) méconnaissent la liberté de la presse et de la communication.
Dans son mémoire, Monsieur MAZEAUD invoque la violation de la liberté d'entreprendre en raison de la disproportion entre les limitations qui y sont apportées et l'objet de la loi et en raison du fait que le noyau de cette liberté est gravement atteint, la loi faisant disparaître la profession d'acheteur d'espace publicitaire.
Il invoque en second lieu l’atteinte à la liberté de contracter : obligation de recourir au contrat de mandat, obligation pour l'acheteur d'espace publicitaire de ne contracter qu'avec l'annonceur.
Les sénateurs développent une argumentation voisine à l'encontre des articles 20, 21 et 22.
Ils soutiennent que ces trois articles, imposant un type de contrat à l'exclusion de tout autre et interdisant toute rémunération ou avantage de la part du vendeur d'espace portent atteinte à la liberté du commerce, élément constitutif de la liberté d'entreprendre.
En tout état de cause, les sénateurs invoquent la violation de l'article 5 de la Déclaration de 1789, selon laquelle la loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Selon eux, la réglementation édictée supprime la liberté.
APPRECIATION DES MOYENS DES SAISINES :
Trois moyens peuvent être aisément écartés. Deux autres soulèvent des questions délicates, dont l'un très délicates.
1° En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte à la liberté contractuelle :
Le principe de l'autonomie de la volonté contractuelle n’a pas valeur constitutionnelle. Il appartient à la loi, en vertu de l'article 34 de la Constitution, d'en déterminer la portée et d'y apporter éventuellement des limitations. Ce n'est que dans la mesure où des restrictions à ce principe auraient pour effet de porter atteinte à des droits et libertés constitutionnellement garantis qu'à ce titre, ces restrictions, seraient contraires à la Constitution II en serait ainsi si ces limitations portaient atteinte, par exemple, à la liberté d'association, à la liberté de la presse ou à la liberté d'entreprendre. Sous cette réserve, l'obligation de recourir au contrat de mandat, prévue à l'article 20, la fixation du contenu de ce contrat et les autres limitations d'ordre contractuel édictées par la présente loi ne sont pas en elles-mêmes contraires à la Constitution.
2° En ce qui concerne l'atteinte à la liberté du commerce :
La liberté du commerce et de l'industrie n'ayant pas valeur constitutionnelle, le moyen tiré de la violation de cette liberté est inopérant.
3° En ce qui concerne l'atteinte à la liberté de la presse et de communication :
Selon les députés, cette atteinte résulte des sanctions susceptibles d'être infligées aux vendeurs d'espaces publicitaires, qui peuvent être des organes de presse (article 25), sanctions pouvant porter une grave atteinte à l'équilibre économique d'un journal ou d'une station de radio ou de
Le moyen n'est pas fondé : la réglementation des contrats de vente d'espaces publicitaires et l'institution de sanctions pénales ne constituent pas des atteintes aux deux libertés invoquées (voir décisions C.C. n° 84-181 DC des 10-11 octobre 1984, Rec. p. 78 ; n° 86-117 DC du 18 septembre 1986, Rec. p. 141).
4° En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre :
Ce moyen est fort délicat et pourrait éventuellement conduire à une censure.
Par sa décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, Rec. p. 18, rendue à propos de la loi de nationalisation, le Conseil a conféré valeur constitutionnelle à la liberté d'entreprendre dans les termes suivants : "considérant que ... la liberté qui, aux termes de l'article 4 de la Déclaration, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre".
Celle-ci n'est toutefois ni générale ni absolue et s'exerce dans le cadre d'une réglementation instituée par la loi.
Il est loisible au législateur d'y apporter des limitations exigées par l'intérêt général à la condition que celles-ci n'aient pas pour conséquence d'en dénaturer la portée n° 91-283 DC du 8 janvier 1991, Considérant 14, Rec. p. 11. Notre jurisprudence est donc nuancée.
Nous avons rendu une dizaine de décisions concernant cette liberté et jusqu'alors nous n'avons pas sanctionné d'atteinte inconstitutionnelle à la liberté d'entreprendre. Il semble que, pour entraîner la censure, ces atteintes doivent être très substantielles.
Quelle est la portée exacte de notre contrôle en la matière ?
Un point paraît certain : c'est que si les restrictions apportées à la liberté d'entreprendre ont pour conséquence de dénaturer le sens et la portée de cette liberté, la Constitution est méconnue (cf. décision précitée du 8 janvier 1991). Cette jurisprudence est, d'ailleurs, la transposition de celle dégagée par le Conseil en ce qui concerne le droit de propriété. La liberté d'entreprendre, comme le droit de propriété, ne peut pas être supprimée. Il ne pouvait en être autrement que si l'interdiction de l'activité professionnelle était commandée par des exigences d'ordre constitutionnel et, notamment, celles de la santé publique ou de l'ordre public (fabrication d'absinthe, maisons
Un autre point est moins clair. Il s'agit de savoir si, dans le cas où les limitations à la liberté d'entreprendre n'ont pas cette conséquence extrême de dénaturer la liberté, auquel cas, elles encourent la censure, le Conseil exerce sur ces limitations un contrôle de proportionnalité comme il le fait pour d'autres libertés mais comme il n'a pas encore eu l'occasion de le faire pour la liberté d'entreprendre. Le Conseil doit-il, comme en matière de presse et de communication, rechercher si les limitations apportées sont ou non disproportionnées, déraisonnables au regard du but d'intérêt général poursuivi ?
Les rédactions retenues par le Conseil ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'un tel contrôle, qu'il s'agisse de la référence à des restrictions arbitraires ou abusives (article 4 de la Déclaration de 1789) ou de la référence aux limitations exigées par l'intérêt général. Mais le Conseil innoverait en exerçant aujourd'hui ce contrôle, s'agissant de la liberté d'entreprendre.
• En ce qui concerne le moyen tiré de l’atteinte à la liberté d'entreprendre :
Ce moyen est assurément le plus sérieux.
Comme vous le savez, c'est par sa décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, Rec. p. 18, rendue à propos de la loi de nationalisation que le Conseil a reconnu valeur constitutionnelle à la liberté d'entreprendre en précisant que des restrictions abusives ou arbitraire ne pouvaient lui être apportées.
Il a souligné toutefois aussi que cette liberté qui n'est ni générale ni absolue s'exerce dans le cadre d'une réglementation instituée par la loi (voyez par exemple à propos de la loi relative à la limitation des possibilités de cumul entre pensions de retraite et revenus d'activité votre décision 85-200 DC du 16 janvier 1986, Rec. p 9).
Il est donc loisible au législateur d'apporter à cette liberté des limitations exigées par l'intérêt général à la condition que celles-ci n'aient pas pour conséquence d'en dénaturer la portée n° 91-283 DC du 8 janvier 1991, considérant 14, Rec. p. 11. Notre jurisprudence est ainsi nuancée.
D'ailleurs si nous avons rendu une dizaine de décisions concernant cette liberté, jusqu'alors nous n'avons pas sanctionné d'atteinte inconstitutionnelle à la liberté d'entreprendre. Il semble que, pour entraîner la censure, ces atteintes doivent être très substantielles.
Quelle est la portée exacte de notre contrôle en la matière ?
Un autre point est moins clair. Il s'agit de savoir si, dans le cas où les limitations à la liberté d'entreprendre n'ont pas cette conséquence extrême de dénaturer la liberté, auquel cas, elles encourent la censure, le Conseil exerce sur ces limitations un contrôle de proportionnalité comme il le fait pour d'autres libertés mais comme il n'a pas encore eu l'occasion de le faire pour la liberté d'entreprendre. Le Conseil doit-il, comme en matière de presse et de communication, rechercher si les limitations apportées sont ou non disproportionnées, déraisonnables au regard du but d'intérêt général poursuivi ?
Les rédactions retenues par le Conseil ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'un tel contrôle, qu'il s'agisse de la référence à des restrictions arbitraires ou abusives ou de la mention de limitations exigées par l'intérêt général. Mais le Conseil innoverait en exerçant aujourd'hui ce contrôle, s'agissant de la liberté d'entreprendre.
Je ne vous proposerai pas pour ma part de vous engager dans un tel contrôle.
La liberté d'entreprendre touche à des matières à la fois économiques et techniques extrêmement délicates dont l'appréciation est étroitement dépendante de circonstances de facteurs éminemment variables. Vous engager dans un contrôle de proportionnalité vous conduirait inévitablement à des considérations contestées et contestables selon les approches socio-économiques voire idéologiques de l'état des forces du marché et du rôle dévolu aux collectivités publiques.
Le juge administratif qui a été confronté avant vous à ce problème s'est d'ailleurs toujours montré à cet égard particulièrement prudent :
- en prenant en compte l'état de la réglementation antérieure de la liberté invoquée qui dégage les contenus et la portée de celle-ci ;
- en se limitant très fréquemment à un contrôle minimum.
- pour que des atteintes soient admises, il faut qu'elles soient conformes aux objectifs d'intérêt général que s'est assigné le législateur, en l'espèce la transparence, la concurrence et la prévention de la corruption ;
- quand bien même elles s'inscriraient dans le cadre de ces objectifs, ces atteintes ne doivent pas aboutir à interdire une activité professionnelle ou la rendre pratiquement impossible dès lors que ne sont pas en jeu des objectifs de nature constitutionnelle dont le respect serait susceptible d'aboutir à une telle conséquence.
Si vous partagez cette approche, vous devriez être conduit à estimer que si importantes et sans doute si inopportunes que soient les contraintes imposées par le législateur, elles ne dénaturent pas la liberté d'entreprendre des agents économiques concernés.
Il en est ainsi assurément de l'obligation de recourir au mandat dans les rapports entre intermédiaires et annonceurs dont le champ d'application est d'ailleurs limité.
En effet, dès lors que ne sont pas en cause des achats d'espace publicitaire ou de prestation ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires, cette forme de contrat n'est plus imposée, le contrat de mandat devant seulement mentionner les autres prestations ou le montant global de leur rémunération.
Ce qu'il importe de déterminer, c'est si les modes de rémunération imposés par la loi aboutissent à interdire réellement ou à rendre impossibles des activités professionnelles qui ne sont en rien contraires à l'ordre public.
Deux observations me paraissent à cet égard devoir être soulignées dès lors que les dispositions des articles 20, 21 et 22 de la loi ont pour objet et pour effet de rompre toute relation financière directe entre les clients des annonceurs et les supports :
1° la première concerne les agences de publicité qu'elles aient ou non une activité intégrée de centrale d achat. Dans l'état actuel du marché publicitaire, les intermédiaires vendent des services réels aux vendeurs d'espace : valorisation de l’espace surtout pour les supports les moins connus, regroupements et standardisation des ordres des annonceurs, facilitation de la facturation et même conseils techniques et commerciaux relatifs à la fabrication et à la commercialisation des supports. L'interdiction de la commission d'agence et au-delà de toutes les rémunérations et de tous les avantages parfois consentis plus ou moins spontanément par les supports qui sont
Est-ce suffisant pour caractériser une atteinte abusive ou arbitraire conduisant à une dénaturation de la liberté d'entreprendre ?
La réponse me paraît être négative pour deux raisons :
- en premier lieu certaines de ces activités peuvent être prises en compte dans le cadre du contrat du mandat avec l'annonceur. L'article 20, alinéa 2 de la loi précise d'ailleurs à cet égard que des rabais, avantages tarifaires de quelque nature que ce soit accordés par le vendeur peuvent être conservés en tout ou partie par l'intermédiaire dès lors que c'est en vertu d'une stipulation expresse du contrat de mandat ;
- en second lieu, si cette limitation conduit à exclure certaines activités de l'intermédiaire menées à l'insu de l'annonceur, cette exigence conforme à l'objectif de transparence du législateur ne limite ces formes d'activité des agences que si celles-ci se placent en position d'intermédiaire. Si elles veulent développer, sans contrôle, sous toutes leurs formes des activités de conseil aux supports, elles peuvent le faire à condition de ne pas la lier avec une relation avec les annonceurs.
Les publicitaires ont d'ailleurs réfléchi avec les annonceurs dans la perspective de l'entrée en vigueur de la loi sur les modalités nouvelles de leurs rémunérations dans le cadre des contrats de mandat. Assurément ils se heurtent là à des contraintes réelles qui modifient à leur détriment les rapports de force avec les annonceurs : ils doivent en effet compter sur le bon vouloir de leurs clients en matière de rémunérations. Mais ces contraintes n'aboutissent qu'à limiter certaines formes d'activités ou services des supports en les soumettant dès lors qu'elles sont pratiquées en position d'intermédiaire, au contrôle des annonceurs qui peuvent en pratique s'y opposer en leur refusant toute rémunération dès lors qu'ils n'y trouvent eux- mêmes aucun intérêt même indirect. Si inopportun que cela puisse apparaître pour le dynamisme de la profession publicitaire, cela ne suffit pas à caractériser une dénaturation de sa liberté d'entreprendre ;
2° Les atteintes à cette liberté peuvent certes, en second lieu, paraître plus graves encore s'agissant des seules centrales d'achat. Celles-ci gui se sont développées comme on l'a vu sur un marché entièrement occupé jusque-là par les agences de publicité ne pourront plus en situation d'intermédiaire acheter ferme pour revendre aux annonceurs puisque comme aux agences de
Mais cette incontestable limitation d'activité apparaît en pratique de portée limitée. En effet, il ressort du rapport du Conseil de la Concurrence que cette activité de grossiste qui fut développée à l'origine n'est plus qu'accessoire. Le plus souvent les centrales d'achat se bornent à apporter des garanties financières et de marché aux supports. Or ces garanties qui permettent de peser sur le prix de vente des espaces publicitaires et ainsi de bénéficier indirectement aux annonceurs ne sont pas insusceptibles d'être pris en compte même dans le cadre de contrat de mandat.
C'est ainsi que si l'on en croit un article de la Tribune de l'économie du 8 janvier dernier, le délégué général de l'Union des annonceurs a pu déclarer : "globalement les annonceurs reverseront aux centrales ce qu'elles avaient l'habitude de percevoir de la part des supports, même si ce n'est pas au franc près". Cela implique la mise sur pied nécessairement complexe et difficile d'un système de compensations qui placera les centrales d'achat plus encore que les agences de publicité aux activités diversifiées en position de relative faiblesse par rapport aux annonceurs.
Mais reste que la loi n'annihilera pas non plus leur liberté d'entreprendre même si elle en limite incontestablement les modalités d'exercice. Autrement dit, ce n'est pas toute une activité professionnelle qui se trouve interdite ou rendue impossible, mais seulement certaines formes qu'elle est susceptible de prendre aujourd'hui et qui ne correspondent pas à la pratique dominante.
Je vous propose ainsi en définitive de rejeter le moyen tiré de l'atteinte à la liberté d'entreprendre mais, je peux vous dire un mot de l'alternative censure II suffit d'appuyer un peu plus sur les contraintes et sur les limites mises à la liberté d'entreprendre pour aboutir à une solution inverse.
Nous avons affaire à des limitations à la liberté d'entreprendre qui vont plus loin que celles dont nous avons eu à connaître jusqu'alors, réserve faite des cas où était en cause des libertés et des principes de valeur constitutionnelle, tels que la liberté de la presse ou de la communication, l'ordre public, la santé publique.
Dans la présente affaire, il n'y a pas de libertés ou de principes de valeur constitutionnelle qui sont en balance avec la liberté d'entreprendre On ne saurait reconnaître à l'objectif de transparence une valeur constitutionnelle.
Dans ces conditions, les limitations apportées par le législateur à la liberté d'entreprendre pourraient être regardées comme en
Ces limitations sont, en premier lieu, l'interdiction faite aux intermédiaires de recevoir de la part des vendeurs d'espaces sauf accord exprès des annonceurs des rémunérations ou des avantages correspondant à des services techniques, commerciaux, financiers et de conseil qu'ils assurent aux supports.
Ces interdictions de rémunérations et avantages peuvent s'analyser comme entraînant l'interdiction des activités professionnelles développées jusqu'alors par les intermédiaires envers les supports. En effet, ces rémunérations et avantages sont la contrepartie de services tels que la valorisation de l'espace du vendeur, surtout pour les supports les moins connus, le regroupement et la standardisation des ordres des annonceurs, la clarification de la facturation, la garantie de paiement assurée aux vendeurs d'espace etc.
Tout un pan de l'activité des intermédiaires en direction des vendeurs d'espace va se trouver supprimé. En second lieu, les limitations édictées par la loi en ces articles 20, 21 et 25 ont pour effet d'interdire aux intermédiaires de pratiquer une activité d'achat ferme d'espaces publicitaires ou de biens destinés à l'édition ou à la distribution d'imprimés publicitaires en vue d'une revente ultérieure.
Ces diverses interdictions, en raison de leur caractère cumulatif pourraient être regardées comme abusives et apportant à la liberté d'entreprendre des restrictions d'une ampleur telle qu'elles en dénaturent la portée. Et si on retient cette approche, on aboutit à la censure.
Tels sont les deux versants du raisonnement, et compte tenu des caractéristiques de ces secteurs, je dois vous dire que j'ai beaucoup hésité. Si vous le souhaitez, je vous présenterai une variante. Mais je souhaite terminer mon rapport (assentiments).
5° En ce qui concerne le moyen tiré de la lourdeur excessive et disproportionnée des sanctions pénales :
Les peines d'amende prévues à l'article 25 peuvent paraître très lourdes, même si les montants fixés constituent des maximums. Il en est surtout ainsi de l'amende de 2 000 000 F. qui punit, notamment, le fait pour un intermédiaire de recevoir une rémunération ou un avantage quelconque et pour un vendeur d'espace d'accorder une rémunération ou un avantage quelconque au mandataire ou au prestataire de l'annonceur.
Le Gouvernement observe que de nombreuses lois établissent des sanctions comparables en matière de transparence dans les transactions : 2 500 000 F et 500 000 F pour le délit d'escroquerie (loi du 30 décembre 1977) ; 500 000 F pour défaut de communication des barèmes et conditions de vente dans les négociations commerciales entre professionnels (ordonnance du
Les montants prévus à l'article 25 constituant des maximums, le Conseil est quelque peu désarmé pour apprécier la notion de nécessité des peines car, pour des cas exceptionnellement graves, le montant maximum pourra apparaître comme non entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Pour ces raisons, je propose de ne pas retenir le moyen.
Monsieur FABRE, Président de séance : Je vous remercie pour la clarté et la précision de votre propos. Qui demande la parole ?
Monsieur ROBERT : Moi aussi je voudrais présenter toutes mes félicitations au rapporteur. Je dois indiquer toute de suite que je ne connais rien à ce secteur. Rien ni personne ! Je ne sais pas si on n'y pratique ou non la corruption. Il me semble évident que la liberté individuelle n'est pas en cause. L'objectif de transparence quant à lui n'a évidemment aucune valeur constitutionnelle. Reste naturellement le terrain de la liberté d'entreprendre. Et ici, je l'avoue, je suis un peu perplexe si je regarde notre jurisprudence. En effet, nous admettons que la liberté d'entreprendre n'a pas une portée générale et absolue et donc que le législateur peut y apporter des tempéraments. Le limite c'est naturellement, au regard de notre jurisprudence que ne soit pas dénaturé la portée de cette liberté, dénaturée ça n est pas rendre impossible. C'est apporter une atteinte telle que les conditions d'exercice d'une activité soit profondément changée. Or, quelle est la situation actuelle ? A l'heure actuelle, l'acheteur d'espaces peut négocier comme il le souhaite avec qui il veut. Il achète des espaces, il les stocke, il les revend, il se rémunère librement s'il trouve un vendeur d'espaces. Il dispose donc d'une libre choix total de son activité. Il négocie comme il veut. C'est peut-être affreux et déontologiquement pas très défendable, mais il peut être rémunéré de tous les côtés. C'est comme ça. Or, vous lui imposez de transformer sa relation contractuelle en prévoyant la signature de contrat de mandat. La liberté d'aller vers l'annonceur n'est donc plus total. On va vous demander des informations sur toutes vos prestations, sur le montant de vos honoraires, sur les rabais ou les avantages consentis. La facture sera communiquée. Vous interdisez certaines rémunérations ou avantages. Je veux bien, mais dire que ces contraintes sont légères c'est totalement erroné. La loi met en place tout un appareil de contraintes. Est- ce qu'elle se contente de restreindre un mode de rémunération ? Non ! En réalité, elle touche aux modalités mêmes de l'exercice de la profession. Si avec tout cela, vous ne croyez pas que ça dénature, je me demande où le Conseil fixe la limite. On passe simplement à des professions quasiment réglementées. Comme pour les avocats. Ces contraintes sont alors exigées par l'intérêt général ? Je m'interroge. En quoi, la restriction de l'activité actuelle est-elle exigée par l'activité générale ? La loi
Monsieur FABRE, Président de séance : Mais l'objectif de la loi c'est de lutter contre la corruption.
Monsieur ROBERT : Oui, mais la loi admet les rabais.
Monsieur FABRE, Président de séance : Chacun sait bien que l'opacité est source de manoeuvres et de détournements.
Madame LENOIR : Cette loi met en place une machine lourde par rapport à une profession. Il s'agit en fait d'une nette restriction à une liberté : la liberté d'entreprendre. Mais j'observe qu'on n'a jamais fait une application positive de cette liberté. Pour le moment cette profession est spontanée. Elle tient à la fois d'une activité de courtier, de démarcheur et de négociateur. Et puis s'est développée l'idée des Frères GROSS, qui ont transformé cette fonction et l'apparente à celle d'un marchand de biens : il achète en bloc, il vend en bloc, il achète à prix de gros et il vend au prix de détail. Il y a certes des rapports plus personnalités qui s'instaurent de la vente au détail systématique. Dans ce cas
Monsieur LATSCHA : Dois-je distribuer la variante qui est prête ?
Monsieur RUDLOFF : Ma première impression, c'est que le Conseil constitutionnel n'a rien à voir avec cette querelle. Ce que j'ai lu confirme ma première impression. On peut décortiquer. C'est quoi, la liberté d'entreprendre ? C'est des contrats ? Non, on peut imposer une modalité de contrat. C'est de ne pas empêcher des liens entre un acheteur et un vendeur. Les liens sont maintenus. C'est de ne pas empêcher une entreprise ? L'entreprise de publicité, malgré les contraintes prévues par la loi, ne sera pas supprimée. Enfin, je dois dire que l'étude de droit comparé ne m'a pas du tout impressionné. Alors je suis convaincu. Je suis hostile à la variante !
Monsieur FAURE : Je n'ai pas regardé dans le détail l'impact de chaque mesure. Mais je me dis que ce que le législateur a voulu, le législateur pourra peut-être le défaire. J'ai été jusqu'au bout hésitant pour savoir s'il y a ou non dénaturation. Mais je suis un peu de l'avis de Monsieur Rudloff. Il y a de fortes atteintes ponctuelles, mais il n'y a pas d'atteinte à la liberté. Les contraintes ne vont pas tout-à-fait jusqu'à la dénaturation. Le mandat ne porte que sur deux points les intermédiaires et la tarification. Mais le mandataire peut poursuivre son activité. La contrainte est donc plus apparente que réelle. Les professionnels dont déjà pris leur disposition. Je ne m'en fais pas trop. Certes, il y a moins de liberté, mais il n'y a de dénaturation. C'est clair.
Monsieur CABANNES : Je suis en total accord avec Monsieur Faure. J'ai été séduit par l'attaque du professeur Robert. Cette énumération est difficile à admettre. Mais ce sont des questions de seuil. Est-il ou non franchi ? Je suis le rapporteur : ça interdit telle ou telle branche d'activité mais non toute l'activité de la profession.
Monsieur ABADIE : La loi interdit un acte d'achat de la part de l'intermédiaire en vue de sa revente. Mais le vendeur peut prendre un intermédiaire s'il le souhaite. Simplement, ça ne peut pas être celui qui va lui servir de régie de publicité. Rien n'empêche de trouver une autre forme juridique. L'annonceur peut toujours prendre un autre intermédiaire. L'interdiction dissocie en fait deux fonctions. L'intermédiaire actuel peut donc parfaitement dissocier ses activités en deux : d'un côté il sera vendeur, de l'autre il sera annonceur. Des lors, je ne dénature pas l'ensemble de l'opération qui consiste à acheter et à vendre. La facturation ? On obère un acte de commerce. On n'aliène rien ! Est-ce qu'on empêche l'acte de vente ou d'achat ? Non ! Est-ce qu'on élimine tout intermédiaire ? Non ! On empêche une vente ou un achat sans mandat. On a déjà vu la loi imposer un recours au contrat. C'est le cas pour les agences de voyage, pour les agents commerciaux. Ici, le législateur n'interdit que quelques actes actuellement pratiqués par la profession, mais pas la profession elle-même. Je tombe du côté de non-censure.
Monsieur LATSCHA : A la lecture du rapport de l'inspection des finances, rédigé par Monsieur BOUCHERY, c'est une impression de flou, de malaise qui m'a dominé. J'ai demandé des arguments dans un sens ou dans l'autre. On en a reçu énormément. Mais il faut être clair : ça ne vaut pas un clou ! J'ai la très forte impression d'une bataille au sein de cette profession. Je me demande même si certains ne tireront pas avantage de la loi. Je voudrais apporter quelques précisions. Tout d'abord les régies de publicité sont considérées comme vendeurs. L'article 26 est formel. Il est clair aussi que le métier d'achats fermes avec revente est visé par la loi. Il est clair également que l'article 24 indique que le montant des participations doit être précisé. Mais l'achat de prestations c'est une notion très large. Ainsi, la nouvelle loi modifie l'ensemble d'un secteur. C'est clair. Il en est de même des modalités selon lesquelles on impose un contrat. Tout ceci va dans le sens d'un effort de transparence. On le voit bien, on est sur le fil du rasoir mais la décision, elle, doit trancher : ou blanc, ou noir. Aussi, j'ai une préférence pour l'absence de censure.
Monsieur FABRE, Président de séance : Bon, si plus personne ne veut s'exprimer, je mets aux voix. Qui est pour la solution du projet principal, c'est-à-dire l'absence de censure ?
(Le vote est acquis à l'unanimité).
Monsieur FABRE : On passe à la lecture.
(Il lit l'ensemble).
Monsieur CABANNES : Il me semble qu'on pourrait réduire un peu l'angle d'attaque, l'énumération est trop longue.
Monsieur le Secrétaire général : On peut en effet réduire.
(Il lit la variante).
Madame LENOIR : Très bien.
Monsieur ROBERT : Oui, d'accord, l'énumération des contraintes est trop longue. Ne peut-on aussi faire sauter la page 14 ?
Madame LENOIR : Parmi l'atteinte, il y a la liberté contractuelle. C'est à l'intérieur, alors on peut la faire sauter.
Monsieur SCHRAMECK : D'accord, je réduis donc.
(Le vote est acquis à l'unanimité.)
Monsieur FABRE, Président de séance : C'est donc moi qui signe ?
Monsieur SCHRAMECK : Oui.
La séance est levée à 18 h 10.
Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.