ORDRE DU JOUR
DE LA SEANCE DU mercredi 28 juillet 1993
[1] Loi ordinaire
Loi relative aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (n° 93-322 DC)
SEANCE DU 28 JUILLET 1993
La séance est ouverte à 10 heures en présence de tous les conseillers, à l'exception de Monsieur Jacques LATSCHA, excusé.
Monsieur le Président : Bien, Monsieur ROBERT, c'est à vous et vous souhaitez faire un exposé sur l'ensemble.
Monsieur ROBERT : Oui, Monsieur le Président. Nous sommes saisis d'une proposition de loi modifiant la loi de 1984, dite loi "SAVARY". Cette proposition a été adoptée le 6 juillet. La saisine des sénateurs date du même jour. Cette loi, d'apparence anodine, tenté⁻en faità modifier de manière assez substantielle loi de 1984. Aussi, je vous présenterai un rapport en cinq points : quelles sont les structures de l'université et l'évolution législative les concernant, qu'en est-il à l'heure actuelle des dérogations, quel est le contenu du texte déféré, quels sont les moyens de la saisine, ce qui nous permettra d'aborder la question de savoir s'il existe ou non un droit universitaire, et, enfin, à quelle solution pouvons-nous aboutir ?
I. Les structures de 1'Université
Pauvres universités ! A-t-on assez écrit sur elles ? Les a-t-on assez choyées de tous les maux qui accablent notre jeunesse laborieuse et attentive ! Parkings pour futurs chômeurs, lieu de la reproduction sociale et du privilège de classe, instrument d'incubation des valeurs bourgeoises, théâtre de la bacchanale révolutionnaire... Nos universités ne méritent ni cet excès d'honneur ni cette indignité. Mais il est vrai que le monde a du mal à reconnaître dans nos établissements l'université qu'il avait naguère connue et supplément à vanter le rayonnement. Il faut cesser de nous persuader que le monde a les yeux fixés sur nous, éternellement ; que par un choix divin de la Providence, nous somme voués à la perfection instinctive et que nous sommes les meilleurs. Le temps est fini où la langue française dominait le monde, où l'on régnait par le livre et par la parole, où il suffisait que nos oeuvres soient éditées et que nos conférenciers parlent bien devant de petits cercles motivés pour que nous soyons assurés de la portée de notre rayonnement. Nous sommes à l'heure de la technologie et de la concurrence. L'université française doit s'ouvrir au monde nouveau, exporter ses laboratoires et ses techniques, faire connaître ses découvertes... Ou elle mourra !
L'université est mal partie, elle souffre de gigantisme et de langueur. L'ancienne université est représentée par une académie trop traditionnelle où l'on peut remarquer la non représentation des étudiants. On peut aussi lui reprocher : le "mandarinat", le "compartimentage", 1'"ésotérisme". La loi d'orientation de 1968 comprend trois idées : l'autonomie, la pluridisciplinité, la participation. Toutefois, on peut critiquer ces idées. L'autonomie est illusoire dans le choix des matières, la pluridisciplinité, discutable, et la participation nulle ce qui
nous montre bien qu'il n'y a aucune autonomie réelle. Vingt cinq ans après les turbulences de Mai 1968, où en est l'Université française aujourd'hui ? Il y a 840 000 étudiants répartis dans 73 universités, encadrés par 50 000 enseignants universitaires (dont 27 % de rang magistral). Noblesse, clergé et Tiers-Etat du monde universitaire, le Ministère, le corps professoral et les étudiants sont en quête d'un équilibre qui apaiserait le malaise qui est le leur depuis 20 ans. Le malaise tient à la fois à des structures inadaptées et à des finalités incertaines comme les lois FAURE, SAVARY, DEVAQUET, par exemple. Pour comprendre ce malaise, il faut se situer avant, depuis et après 1968. Que propose-t-on pour remédier à ce malaisé ?
Les anciennes Facultés étaient - dit-on - corporatistes, désuètes, engoncées dans un traditionalisme de mauvais aloi, enfermées dans le ghetto de leur spécialité. Dirigées uniquement par les Professeurs qui élisaient le doyen, les Facultés étaient toutes regroupées au sein d'Académies dirigées par des Recteurs qui reproduisaient à peu près les divisions territoriales du pays. Tout cela a volé en éclats au nom de l'autonomie de la participation et de la pluridisciplinarité. Il fallait que les Universités soient autonomes et que les étudiants participent à leur gestion. Mais qu'est-ce que l'autonomie quand on n'a pas le pouvoir financier ? Chaque Université - qui n'a pratiquement pas de ressources propres - reçoit une enveloppe du Ministère, plus ou moins lourde, dont la taille peut varier suivant l'occasion, l'humeur ou la fidélité.
Qu'est-ce que l'autonomie quand, conditionnés par la vieille philosophie centralisatrice, on ne veut pas ouvrir la concurrence entre les Universités en conservant artificiellement à tous les diplômes la même valeur nationale ? L'autonomie suppose que l'on soit jugé sur ses résultats. Or chaque Université bénéficie encore du filet de protection que constitue la reconnaissance nationale et égalitaire de tous ses diplômes. Quant à la participation, qu'est-elle devenue depuis dix ans ?
Les structures prévues par la loi sont : le Président, le Conseil de l'Université et le Conseil scientifique.
Aux professeurs de jadis, qui demeurent, la loi d'orientation avait ajouté dans les conseils les étudiants, le personnel administratif et des personnalités extérieures.
Les personnalités extérieures, choisies pour leur compétence et leur renom n'eurent bien vite plus le temps du loisir nécessaire à l'écoute de nos conversations ésotériques ; les étudiants qui avaient pu, un temps, penser que nos débats leur rappelleraient les heures exaltantes de la Convention, se lassèrent vite du vote des budgets et des promotions d'assistants. En l'absence d'un syndicalisme structuré, ils n'étaient déjà pas tellement représentatifs, élus par une faible minorité dans des élections tristes et mornes ! Resta le personnel administratif, certes fidèle, mais gêné d'avoir à statuer sur des problèmes pédagogiques qu'il ne dominait pas toujours, il se réfugia la plupart du temps dans une abstention compréhensive et courtoise.
Faute d'autonomie et en l'absence de participation, le seul acquit de Mai 1968 reste la diminution de l'importance de l'examen dans la vie étudiante et l'élévation sur le pavois du contrôle continu, c'est-à-dire du nivellement par les médiocres. Un étudiant brillant peut avoir 18 à sa copie d'examen. Il ne peut pas avoir 18, chaque semaine tout le temps. L'étudiant médiocre, par contre, qui aurait eu 8 à l'examen et donc recalé, finira par avoir 10 par indulgence s'il a été attentif, assidu et poli
A quoi sert 1'Université ? Quelle est sa fonction réelle dans la société ? A cette question simple mais fondamentale, on apporte rituellement les réponses les plus contradictoires. L'Université napoléonienne n'avait que deux missions : délivrer des connaissances et collationner des grades. La loi de 1968 ne lui en confère pas moins de 10 (article I). En fait, elles se résument à 3 qui sont déjà immenses : préparer à la recherche, préparer à la culture et préparer à la profession. Ces trois objectifs sont entremêlés et visés conjointement, la culture désintéressée exigeant en effet d'être officiellement constatée par les mêmes grades que les autres études.
Cet état de choses n'entraînait aucune difficulté majeure tant que le nombre des diplômes délivrés, qu'ils sanctionnent des travaux de recherche, des éléments de culture ou des acquis d'ordre professionnel, restait largement inférieur aux besoins de la société. A quelques exceptions près, les détenteurs de diplômes parvenaient à trouver des situations en rapport avec la valeur supposée, et finalement garantie, de leurs titres. La situation est aujourd'hui radicalement différente par suite des effets combinés de la situation économique, du nombre des diplômés et de leur mentalité.
L'accroissement du nombre des diplômés est la conséquence naturelle de la démocratisation des études et de l'accession des classes moyennes à 1'Université. Il y a plus de hauts diplômés que d'emplois de cadres supérieurs à pourvoir. Par ailleurs, les diplômés exigent de hautes situations car, pour beaucoup, leur diplôme atteste leur réussite sociale et il ne faut pas la galvauder. S'agissant de la profession, 1'Université doit-elle moduler strictement la production de ses diplômes en fonction des débouchés prévisibles ou doit-elle permettre à tous ceux qui en sont capables de devenir diplômés ?
La modulation des diplômés sur les débouchés a, certes, des avantages : les futurs diplômés ne seront pas lésés dans leurs ambitions, le rendement des Facultés sera enfin avouable. Croyez-vous que nous soyons satisfaits d'avoir, chaque année, en première année de droit 70 % d'échec à ASSAS ?(1), la charge financière de la collectivité sera réduite. Savez-vous ce que coûte en papier, en salles, en assistants, en^ logement, en restaurants universitaires, ces 70 % de collés dont 40 % quitteront définitivement 1'Université, déçus en plus, et frustrés ?
Et puis, pour obtenir des "produits" opérationnels, il faut les sélectionner à l'entrée et bien les former. D'où la nécessité des concours d'entrée et les frais de scolarité. Or cela est tabou.
Mais qui ne voit aussi les inconvénients d'une telle modulation ?
Il faut une prévision à long terme, souvent problématique si l'on ne veut point aller jusqu'à une planification autoritaire et aléatoire ou une orientation forcée.
Comment, surtout, choisir dans la masse des bacheliers - ou même des non-bacheliers -, ceux qui seront dignes de poursuivre des études supérieures ? Un examen du dossier ? Cela ouvre la porte à tous les favoritismes et à tous les abus. Un entretien avec un jury ? Quelle inégalité entre candidats de milieux différents ! Pas d'E.N.A. à l'Université... Un second baccalauréat ? Mais s'il est semblable au premier, à quoi sert-il ? Et s'il est différent, sur quel programme ?
Mieux vaut préférer à la "loterie", la démesure des effectifs d'étudiants, quitte, comme nous le faisons à ASSAS, à tempérer la sélection par le "sprint" par la sélection par le mérite : en droit, priorité aux mentions, en sciences économiques, priorité au Bac C.
Il faudrait en fait différencier plus ouvertement les cycles. Pas en instituant de numerus clausus mais en effectuant un tri sur les aptitudes au niveau du second mais plutôt en assurant une information bien faite sur les débouchés, une orientation incitative, une mise en garde générale : les diplômes ne correspondent pas nécessairement à des débouchés.
Mais l'Université est aussi une maison de la culture de niveau supérieur. Sur le plan culturel, le rôle de l'Université est triple. Elle doit d'abord être un lieu de conservation de la culture des siècles passés, un lieu de stockage, une sorte de banque de données culturelles. Elle doit être ensuite un lieu d'élaboration de la culture de notre temps. De nouveaux enseignements sont donnés (écologie, environnement, science de la décision, formation continue, informatique prouvant l'éveil...) de l'Université aux problèmes de notre époque. De nombreux universitaires sont aussi des écrivains... Elle doit
(1)M. Jacques ROBERT est professeur dans cette université (PARIS II).
être aussi un centre de diffusion de la culture dans la société moderne.
Remplit-elle convenablement ce triple rôle ?
Trois vices importants me paraissent, sinon en empêcher, du moins rendre difficile sa réussite.
- L'Université est-elle parvenue à prendre en charge l'héritage culturel des différentes couches sociales ? Installée à la ville, 1'Université connaît mal le monde rural. Au mieux s'attache-t-elle à en recueillir les dernières traditions. Quant au monde ouvrier, elle n'entretient guère de rapports avec lui : combien y-a-t-il de fils d'ouvriers dans nos Universités ? 12 % sur une proportion de 37 % dans la nation, alors que 40 % sont des fils de hauts cadres.
Par ailleurs, 1'Université cultive trop la "cérébralité discursive", l'aptitude verbo-conceptuelle, au détriment des facultés de sensibilité, d'émotion, d'enthousiasme. Combien d'excellents étudiants n'ont point une calorie de chaleur humaine ? Ainsi, notre enseignement évacue-t-il trop souvent la part la plus caractéristique de la condition humaine ? Enfin, quelle est la raison d'être de notre enseignement ? Un enseignement n'est pas statique. Ou bien il meurt. Il doit être animé par une idée, par un projet : contester ou consolider la société établie ? Accéder à la culture dominante ou l'inhumer ? Former des hommes pour la société d'aujourd'hui ou former l'homme nouveau pour la société de demain ?
7 à 8 % des découvertes fondamentales dans le monde viennent de France. Pour un pays qui représente 1 % de la population mondiale, c'est loin d'être négligeable. . . Et 80 % de découvertes faites dans notre pays sortent des Universités ! Ce sont à des universitaires et non à des apparatchiks du Centre National de la Recherche Scientifique que sont allés les médailles FIELDS dont un tiers sont revenus à des Français. Or, la vraie richesse d'une Nation se trouve aujourd'hui dans sa matière grise. L'industrie du futur est dans les têtes et les têtes sont dans les Universités. Ces "bénédictins" du XXème siècle que sont les chercheurs d'aujourd'hui, mal payés, travaillant sans limite d'heures dans les laboratoires, c'est l'honneur de 1'Université de les faire surgir. Pour les mettre à la disposition de tous, des pouvoirs comme des entreprises, même si ces dernières contournent souvent 1'Université grâce aux grandes écoles, aux formations spécialisées qu'elles mettent en place et aux mécanismes de la formation permanente. Même si les structures universitaires ne sont pas toujours bien adaptées à la négociation de contrats d'études...
L'Université peut-elle accomplir en même temps cette triple tâche ? Elle s'y efforce en tous cas, dans l'incohérence apparente de ses démarches et le brouhaha enfumé de ses amphithéâtres trop pleins. Consciente, en toute hypothèse que c'est à elle qu'a été confiée la mission la plus noble : accompagner 1'homme qui marche.
La loi Savary du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur ne s'intitule que "loi relative aux Etablissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel". Son titre I : "le service public de l'enseignement supérieur" définit ses caractères. Il doit être laïc, indépendant de toute emprise politique, économique, ou idéologique et ses missions sont : la formation initiale et continue, la recherche scientifique, la coopération internationale.
Le titre II fixe Les principes applicables aux formations supérieures relevant de l'éducation nationale. Les études sont divisées en cycles et tout candidat est libre de s'inscrire dans l'établissement de son choix dès l'instant qu'il est bachelier ou qu'il a obtenu un équivalent ou qu'il est dispensé en justifiant d'une qualification ou d'un diplôme, dans le ressort de l'académie où il a obtenu le bac ou en cas de dispense dans l'académie de son domicile. Si l'effectif des candidatures excède les capacités de l'établissement, les inscriptions sont prononcées, après l'avis du Président, par le chancelier, en fonction du domicile, de la situation de famille et des préférences des candidats. Toute sélection est exclue, sauf pour les grandes écoles et tous les établissements où l'admission est subordonnée à un concours national, et sauf pour les étudiants en médecine où, pour l'accès en deuxième année de premier cycle, un quota est fixé chaque année compte tenu des besoins de la population. L'Etat a le monopole de la collation des grades : les diplômes sont nationaux.
Le titre III est relatif aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel. Jouissant de la personnalité morale, de l'autonomie pédagogique et scientifique, culturelle et financière, ils sont gérés de manière démocratique, avec le concours de l'ensemble des personnels, des étudiants et de personnes extérieures et ils sont autonomes (définissant leur politique de formation, de recherche et de documentation). Ils sont créés par décret après avis du CNESER. En vertu de l'article
21 , les décrets peuvent prévoir des adaptations aux "obligations" de la loi pour la durée strictement nécessaire à leur mise en place et n'excédant pas dix huit mois. Ces adaptations doivent assurer une participation des personnes et des usagers. L'article
22 prévoit que les établissements déterminent, par délibération à la majorité des 2/3, leurs statuts et structures dans le respect d'une équitable représentation dans les conseils de chaque secteur.
Le chapitre I concerne les divers types d'établissements publics. L'article 29 définit le pouvoir disciplinaire et l'article 33 est relatif aux instituts et écoles, faisant partie des universités. Les directeurs sont nommés sur proposition d'un conseil élu. Il s'agit obligatoirement d'un enseignant.
Le chapitre II est relatif aux dispositions communes
L'article 38, alinéa 1 prévoit que les membres des conseils sont élus au scrutin secret. Le renouvellement du mandat intervenu tous les quatre ans, sauf pour les étudiants, qui disposent d'un mandat de deux ans.
La section II concerne le régime financier, la section III les relations extérieures des établissements et la section IV le contrôle administratif et financier
Le titre IV est intitulé : "les usagers et les personnels des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel". Il prévoit que les établissements ne peuvent pas recruter par contrat à durée indéterminée des personnes rémunérées, soit sur des crédits d'Etat ou régionaux, soit sur leurs ressources propres. Les institutions abrogées par la loi du 6 janvier 1986 sont les suivantes :
Le titre IV prévoit notamment que les établissements publics à caractère scientifique et culturel créés en 1968 doivent réviser leurs statuts pour les mettre en harmonie avec la loi (à la majorité des 2/3 des suffrages exprimés), dans un délai fixé par décret, faute de quoi la révision arrête d'office les dispositions statutaires. Les Présidents d'université restent en fonction jusqu'à l'élection des nouveaux conseils et l'élection des nouveaux conseils se fait sur la base des nouveaux statuts.
Après la loi de 1984 intervint le rapport Valade et le projet "Devaquet", qui a échoué. Pour celui-ci, la vocation de l'université est de transmettre la culture générale : développer des aptitudes de "généralistes" qui trouveront leur emploi dans un milieu économique en rapide mutation. Ne pas engager tout le potentiel du système dans les filières spécialisées. Elle est aussi de préparer à la vie professionnelle et de développer la formation "continue". Une révision des valeurs sociales s'impose : la France compte environ 9 % de cadres et l'enseignement supérieur et accueille actuellement 31 % d'une classe d'âge ! Un grand nombre de non-cadres seront donc désormais formés par l'université. Dès lors, sa valeur ne tiendra plus à sa difficulté d'accès mais à son ouverture. Elle est, enfin de développer la recherche : le CNRS doit être un "organe de moyens" et la recherche doit s'inscrire dans la politique des régions.
Le rapport insiste sur les liaisons entre l'université et l'économie. Il préconise l'élaboration des "cursus de formation" : proposer des cycles de formation s'intégrant à la stratégie de formation de l'entreprise et des stages en milieu professionnel dont l'efficacité est liée à quatre conditions :
- être intégré au projet éducatif,
- être suivi par l'enseignant responsable,
- être directement lié à l'activité de 1'entreprise,
- avoir une durée d'au moins deux mois. L'université devait assurer son "marketing" auprès des entreprises. Le rapport Valade postule de ne faire venir dans les conseils d'université les personnalités extérieures que lorsque les questions traitées les intéressent et le développement de contrats de recherche. Il prévoit également de faire venir des industriels comme enseignants. Encore faut-il pouvoir les payer i
Le rapport insiste sur la mauvaise communication entre les universités et les médias. Il devait y avoir dans chaque université un interlocuteur pour les médias. La presse doit traiter sérieusement des problèmes et non relater seulement les incidents ou faire des "palmarès".
S'agissant du premier cycle, il existe actuellement quatre systèmes :
- les classes préparatoires,
- les premiers cycles universitaires (Bac+2),
- les IUT,
- les sections de technique supérieure (S.T.S.).
Le rapport suggère les orientations suivantes :
- Créer des classes préparatoires. Encore faudrait-il que les universités fassent la preuve de leur aptitude.
- Après deux ans d'iUT, au lieu de se lancer dans la vie active, les titulaires du DUT vont à l'université où ils ont du mal à lutter, vu leur spécialité, avec les étudiants sortis des DEUG. Aussi il est proposé d'augmenter la culture générale dans les deux années d'iUT.
- Vu l'augmentation, dans l'avenir, des bacheliers techniques le rapport précise de prévoir la création de nombreuses formations courtes, spécialisées (deux ans) et non sélectives.
- Pour permettre une meilleure orientation des étudiants, créer un temps préparatoire d'un an, commun à toutes les filières à la fin duquel les étudiants s'orienteraient vers des formations courtes, sélectives ou non, ou vers des formations longues.
S'agissant du troisième cycle, il propose de lier davantage les DESS et les débouchés, d'associer l'entreprise à la thèse pour favoriser l'insertion précoce de l'étudiant dans l'entreprise, de donner des bourses aux meilleurs étudiants pour qu'ils se destinent à la carrière enseignante et de prêter davantage attention aux bibliothèques. Il y a 60 cin de bibliothèque par étudiant !
Il suggère aussi de modifier la formation permanente avec notamment les orientations suivantes : ouvrir les formations "diplômantes" aux stagiaires de la formation permanente (par un aménagement des horaires) et prévoir l'accueil "individuel" de stagiaires dans les laboratoires.
Il préconise enfin de renforcer le partenariat avec une ou plusieurs entreprises, l'université bénéficierait alors de leur concours régulier pour les programmes de formation, les stages d'enseignants dans les entreprises, stages d'étudiants.
S'agissant de la structure des établissements, il prévoit de maintenir les trois piliers :
- la participation,
- l'autonomie,
- et la pluridisciplinité.
Le projet Devaquet tend à mettre en place les conditions d'une autonomie "véritable".
Les établissements se prononcent sur leurs composantes, les modifications sont proposées par le Conseil d'établissement à la majorité des 3/5, au Ministre. Les établissements fixent leurs statuts.
Ils fixent le rôle de leurs composantes internes et fixent les organes indispensables et les autorités supérieures à condition que les diverses catégories soient représentées dans les proportions fixées par la loi mais selon un mode de scrutin qu'ils fixeront. Un seul Conseil pourrait suffire. Il prévoit également l'autonomie de gestion des agents, la dotation de fonctionnement et d'investissements élaborée en fonction des besoins et des résultats, l'existence de ressources propres gérées librement sans les contraintes de la comptabilité publiques et le recrutement de personnels par contrat.
Il prévoyait aussi la possibilité de créer des collèges universitaires ayant vocation à accueillir tous les étudiants et les orienter et à gérer tous les premiers cycles différenciés (DEUG, IUT, classes préparatoires à l'intérieur des universités, filières, professionnelles et financières.
Si on cherche à aborder le thème du rayonnement de l'université dans le monde, on constate d'abord une baisse de la langue française, donc son influence. Il y a 100 millions de francophones, 350 millions d'anglophones et 210 millions d'hispanophones.
10
Les moyens d'y remédier sont nombreux : meilleur accueil des professeurs étrangers, hébergement des étudiants étrangers, création d'une "Agence Française d¹ Echanges Universitaires", développement des envois de lycéens français à l'étranger, politique d'équivalence des diplômes politique plus réaliste des bourses, meilleur choix des boursiers...
Mais si l'on dresse un constat, on observe surtout une dégradation des moyens notamment quant à 1'état des bibliothèques et des locaux etc...et une dégradation de la fonction enseignante (bureau, dactylographie, collaborateurs etc.. . )
La prochaine décennie universitaire va poser deux problèmes :
A. L'accueil d'une masse d'étudiants qui aura doublé en l'an 2000 (deux millions d'étudiants) . Les moyens mis en oeuvre ont été les suivants :
a) La "délocalisation" de certains enseignants ou de certaines années (les antennes universitaires), exemple : Lille (Caen, Arras, Boulogne, Dunkerque, Cambrai, Saint-Quentin). Mais il s'agit d'antennes locales qui coûtent moins cher.
o
b) Le "plan d'urgence" de 1990 600.000 m
supplémentaires étaient prévus ; en fait 200.000 furent réalisés.
c) Le plan "pluriannuel". Plan universitaire "2000". Remodeler la carte universitaire.
d) Les contrats de plan entre l'Etat et les Universités (quatre ans).
Il y a deux régimes particuliers dans le Nord-Pas-de-Calais, et en Ile de France.
En Ile-de-France, il a fallu se rendre à l'évidence que les universités de la grande couronne n'attiraient pas les étudiants qui avaient l'habitude d'aller à Paris (Amiens, Reims, Orléans, Tours...), d'oû deux idées : rénover certaines universités périphériques (Nanterre, Créteil, Villetaneuse et Saint-Denis) et créer dans les villes nouvelles quatre universités (Marne-la-Vallée, Cergy-Pontoise, Saint-Quentin en Yvelines-Versailles (Paris XIV) et Evry).
B. La formation dépend de l'argent
Le budget des enseignements supérieurs en 1990 s'évalue à 25 milliards de Francs dont 90 % est financé par l'Etat. Il faut trouver d'autres ressources, mais où ? Il y a l'emprunt, la possibilité de ramener à 51 % la part de l'Etat dans les entreprises nationales et vendre les autres pour les affecter à
11
---------------- ----- ---------------------------------- --------- ------ 1'université, et l'augmentation des ressources prévues des universités - Ressources de l'université qui sont principalement a) les droits d'inscription, b) les collectivités locales c) la taxe d'apprentissage, contrats.. ---------------- ----- ---------------------------------- --------- ------
Contacts étroits entre entreprises et universités.
Les régions aimeraient, comme contrepartie à leur aide, être associées à la définition des filières de formation et au choix de leur implantation. Pourquoi ne pas leur transférer aussi la responsabilité des constructions ? Mais l'Etat est jaloux de ses prérogatives. Pourquoi ne pas les laisser construire des universités entièrement autonomes ? C'est l'idée de la proposition de loi. Elle pose deux problèmes, celui de la reconnaissance nationale des diplômes et celui du choix des enseignants.
II. Le texte de proposition de loi du 6 juillet 1993 qui nous est déféré
Il était prévu que les décrets portant création des établissements pouvaient mettre en place des adaptations aux dispositions de la loi et des décrets pris par son application, pour la durée strictement nécessaire à leur mise en place et n'excédant pas dix huit mois, indique l'article 21 de la loi de 1984. La loi du 20 juillet 1992 instaure une nouvelle formule pour l'alinéa 2 de cet article.
Le projet déféré prévoit que les décrets pourront déroger à de nombreux articles de la loi de 1984 . Les dérogations ont pour objet d'assurer la mise en place des nouveaux établissements. Elles ouvrent également, pour tout établissement, la possibilité d'expérimenter des formules nouvelles de nature à favoriser l'ouverture au monde socio-économique ou développer la recherche. Elles doivent assurer la participation des personnels et des usagers.
A) L'article 21
A l'article 21 de la nouvelle loi, l'alinéa 1 est inchangé : la création des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel se fait par décret après avis du CNESER. L'alinéa 2, en revanche, est modifié : les décrets portant création des établissements peuvent déroger à certains articles : 25 à 28, 30, 31, 32, 34 à 36, 38 à 42, excepté l'article 38, alinéa 1 du statut.
Qu'y-a-t-il dans ces articles ?
12
1° Articles 25 à 28 : "Les universités"
Article 25 : Les universités regroupent différentes composantes qui sont :
a) les instituts ou écoles créés par décret après avis du CNESER,
b) des universités créées par arrêté du Ministère de 1'Education nationale,
c) des départements, laboratoires, centres de recherche créés par délibération donc à la majorité des 2/3 de ses membres, sur proposition du Conseil scientifique. Des services communs peuvent être créés, dans des conditions fixées par décret, notamment pour assurer :
- l'organisation des bibliothèques et des centres de documentation,
- le développement de la formation permanente,
- l'accueil, 1¹ information et 1'orientation des étudiants.
Article 26 : Le Président de l'université par ses décisions, le Conseil d'administration par ses délibérations, le Conseil scientifique ainsi que le Conseil des études et de la vie universitaire par leurs propositions, leurs avis et leurs voeux, assurent l'administration de l'université.
Article 27 : En ce qui concerne le Président :
- son élection (les trois conseils réunis en une assemblée à la majorité absolue des membres), pour cinq ans. Pas rééligible dans les cinq ans qui suivent la fin de son mandat, de nationalité française : enseignant-chercheur en exercice dans l'université.
- ses fonctions :
- dirige l'université, la représente,
- préside les trois conseils,
- ordonnateur des ressources et dépenses,
- chef du personnel,
- responsable du maintien de l'ordre.
L'article 28 concerne le Conseil d'administration :
Composition :
- 30 à 60 membres ainsi répartis,
13
- 40 à 45 % de représentants des enseignants-chercheurs, des enseignants et des chercheurs,
- 20 à 30 % de personnes extérieures,
- 20 à 25 % de représentants d'étudiants,
- 10 à 15 % de représentants des personnes
A.T.O.S.
Pouvoirs :
- détruire la politique de l'établissement,
- vote le budget,
- répartir les emplois.
2° Article 30 : Le Conseil scientifique
Composition : 20 à 40 membres :
- 60 à 80 % de représentants des personnels,
- la moitié au moins aux professeurs et autres personnes habilités à diriger des recherches,
- l/6ème au moins de docteurs en droit n'apportent pas à la catégorie précédente,
- l/12ème au moins aux autres personnes parmi lesquelles la moitié au moins aux ingénieurs et techniciens,
- 7,5 à 12,5% de représentants des étudiants de 3ème cycle,
- 10 à 30 % de personnes extérieures qui peuvent être des enseignants-chercheurs ou des chercheurs appartiennent à d'autres établissements.
Pouvoirs :
- propose en conseil d'administration les orientations des politiques de recherche,
- consulté sur tout ce qui touche à la recherche,
3° Article 31 : Le Conseil des établissements de la vie universitaire :
Composition : 20 à 40 membres :
- 75 à 80 % de représentants des
enseignants-chercheurs et enseignants d'une part, et des étudiants, d'autre part (les deux représentations étant égales),
14
- 10 à 15 % de représentants des ATOS,
- 10 à 15 %de représentants des personnes extérieures.
Pouvoirs :
- propose les grandes orientations de formation initiale et continue,
- propose les mesures destinées à améliorer les conditions de vie de l'établissement.
4° Article 32 : Les UFR
- agrément des départements de formation et des centres de recherche,
- administrées par un conseil élu et dirigées par un directeur élu par le Conseil,
- le Conseil doit représenter (sur 40 membres au maximum) 20 à 50 % des personnes extérieures. Le rôle des enseignants doit être égal à celui des autres catégories (personnel ou étudiants),
- cas particuliers des UFR médicales.
5° Articles 34 à 36 : Concernent les instituts et les écoles extérieures aux universités qui sont (par décret en Conseil d'Etat puis après avis du CNESER) administrés par un conseil d'administration assisté par un conseil scientifique et un conseil des études et de la vie de l'étudiant et dont la composition est un peu différente :
- Président élu pour trois ans par le seul conseil d'administration. Son mandat est renouvelable.
- Le Président est élu, sans condition de nationalité. Il doit être un enseignant, membre ou non de l'institution. Nommé par arrêté du Ministre de 1'Education nationale sur proposition du Conseil d'administration pour cinq ans renouvelables une fois, sur proposition du Conseil d'administration.
- assisté d'un comité de direction composé des directeurs de département ou des responsables des études.
6° Articles 38 à 42 : Concernent les dispositions relatives à la composition des conseils.
Article 38-1 : Le mode d'élection des membres du Conseil :
15
- renouvellement des conseils tous les quatre ans ; seuls les étudiants ont un mandat de deux ans à suffrage direct,
- 1 ' élection pour 1 ' ensemble des personnels se fait au scrutin de liste à un tour à la proportionnelle au plus fort reste.
Article 40 : La composition des personnalités
extérieures.
Les articles 41 et 42 concernent le régime financier
Article 41 , alinéa 1 : Les ressources des
universités :
- droits d'inscription, subventions, dons et legs, rémunérations de services, participations des employeurs à des formations, locations de salles, contrats, subventions des régimes...
L'article 41, alinéa 2 prévoit ce que fait le Gouvernement :
Le Ministre répartit les emplois entre les établissements outre des programmes et compte-tenu des contrats d'établissements et de critères nationaux et affecte les moyens financiers aux différentes activités (enseignement, recherche, information scientifique et technique),
Il attribue des subventions de fonctionnement et d'équipement.
Article 42 : Chaque établissement vote et publie son budget : chaque UFR a un budget propre à 1'intérieur du budget de son établissement, le budget doit être approuvé par le Conseil de l'université.
Les dérogations à l'ensemble de ces articles ont deux objets :
1° Assurer la mise en place des nouveaux établissements.
2° Dans tout établissement : permettre d'expérimenter des formules nouvelles de nature à favoriser l'ouverture des formations dispersées dans le monde socio-économique ou le développement des activités de recherche.
B. L'article 22 de la nouvelle loi
Alinéa 1 : Article ancien : les établissements déterminent leurs statuts à la majorité des 2/3 de leur Conseil d'administration,
16
conformément aux dispositions de la présente loi et de ses décrets d'application et dans le respect d'une équitable représentation dans les conseils de chaque grand secteur de formation.
Alinéa 2 : En vue d'expérimenter des formules nouvelles, à la même majorité des 2/3, les établissements pourront demander à bénéficier des dérogations et modifier en conséquence leurs statuts et leurs structures dans deux buts : mieux les adapter à leurs missions et, en particulier, favoriser l'insertion professionnelle des étudiants.
Alinéa 3 : Chacune des composantes de l'établissement pourra faire de même à la majorité simple des membres de son conseil d'administration.
Alinéa 4 : Les statuts modifiés seront transmis au Ministre. Si aucune observation du Ministre n'est faite dans les deux mois, les statuts seront considérés comme approuvés.
Le Ministre s'oppose, par arrêté, dans les deux mois, aux demandes de dérogations qui seraient incompatibles avec les missions de l'université, la cohésion du système d'enseignement, le caractère national des diplômes.
Alinéa 5 : Après trois ans, le Ministre peut faire procéder à l'évaluation d'une formule dérogatoire. Il peut mettre fin à la dérogation.
Le dernier article
Trois ans après l'entrée en vigueur de la loi, un rapport relatif à toutes les représentations est mis en valeur. En fait, il y a trois catégories de textes :
1° Les décrets portant création d'établissement et comportant dérogations.
2° Les statuts des universités modifiés à la majorité des membres en exercice après demande de dérogation à la même majorité.
3° L'arrêté du Ministre qui, dans les deux mois de la transmission des nouveaux statuts, s'oppose aux demandes de dérogations.
Deux rapports :
1° Après trois ans, est inscrite la possibilité de l^élaboration d'une formule dérogatoire et fin éventuelle de la dérogation.
17
2° Trois ans après, le texte prévoit l'obligation d'un rapport au Parlement sur toutes les expérimentations.
Les buts de la nouvelle loi sont de pérenniser les statuts dérogatoires accordés aux universités nouvelles par la loi du 20 juillet 1992.
Ainsi, le décret du 22 juillet 1991 a créé les universités de :
- Cergy-Pontoise,
- Evry-Val d'Essonne
- Marne-la-Vallée
- Versai1les-Saint-Quentin-en-Yvelines
le décret du 7 novembre 1991 celles d'Artois, Béthune, Arras, Douai, Lens, du Littoral, Boulogne, Calais, Dunkerque, Rouen,
et le décret du 20 janvier 1993 celle de La Rochelle.
Qu'ont fait ces nouvelles universités ? Leur direction est assurée par un directeur provisoire qui se substitue au Président d'université de la loi "SAVARY". Nommé par le Ministre parmi les personnes ayant vocation à enseigner à l'université sur proposition du conseil d'orientation, il devra constituer une commission qui élaborera le projet de statut qui sera soumis au Ministre. Le Conseil d'orientation propose les grandes orientations relatives aux activités de formation et de recherche. Le Conseil d'université exerce l'ensemble des activités attribuées aux trois conseils de la loi SAVARY.
La composition de ces conseils s'est ouverte aux représentants des collectivités locales et des activités économiques, les représentants des activités économiques sont nommés par le Ministre.
Tout cela n'était prévu en 1992 que pour trois ans. C'est pérennisé par la nouvelle loi.
La loi instaure la possibilité d'extension des dérogations à l'ensemble des établissements, uniquement sur la base du volontariat.
3° Elle prévoit un droit de regard du Ministre.
V. Les moyens de la saisine
La saisine est fondée sur le fait que ces dérogations sont contraires à l'article 34 de la Constitution.
A. Les dispositions attaquées méconnaissent la compétence du législateur pour définir le champ d'application de la loi :
18
1° La loi du 20 juillet 1992 limiterait les dérogations à trois ans et aux établissements créés dans les dix huit mois précédent sa promulgation pour mettre en place les nouveaux établissements et expérimenter des foules nouvelles.
Les dispositions nouvelles étendent la compétence à toutes les universités, sans limite de date et au régime financier connu aux composantes des universités (UFR).
2° Aucune indication de la participation des personnels et des usagers ni de l'importance respective de ces catégories.
3° Les raisons de s'opposer aux dérogations sont bien vagues :
a) missions de l'université,
b) cohérence du système de l'enseignement et de la recherche,
c) caractère national des diplômes.
B. Les dispositions méconnaissent la compétence du législateur pour fixer les règles concernant la création de catégories d'établissements publics :
1° Les règles de création d'une catégorie d'établissements publics comprenant les règles constitutives de cette catégorie.
Or, les dérogations peuvent porter sur :
- l'organisation et la structure interne des établissements,
- les catégories de personnes représentées,
- les conditions de nomination des présidents d'universités,
- le mode d'élection des représentants,
- les catégories de ressources.
C. Les dispositions privant de garantie légale des principes de valeur constitutionnelle :
La décision du 20 janvier 1984 a affirmé que les conditions et les modalités de la représentation des enseignants-chercheurs et des professeurs dans les conseils universitaires doivent garantir la libre expression des enseignants-chercheurs et le respect du principe constitutionnel de l'indépendance des professeurs.
19
Or, il n'est pas exigé des dérogations qu'elles comportent des garanties équivalentes à celles des articles 30 et 31 de l'ancienne loi "SAVARY", rectifiée après la décision du Conseil constitutionnel.
LA DEFENSE DE L'ADMINISTRATION EST CENTREE SUR CINQ POINTS :
1° Les principes généraux définissent le service public de l'enseignement, restent applicables. Ils devront donc respecter les règles générales : accueillir tous les bacheliers, l'Etat conservant le monopole de collection des grades, on ne touche pas à la gestion démocratique, ni au concours de l'ensemble des personnels.
Ils restent soumis aux règles de la comptabilité publique et au contrôle financier.
2° La loi ne fait qu'expliciter un article 21 déjà modifié. Elle ne fait qu'accroître la durée (plus de limitation à trois ans) et en fixer la mission : favoriser l'ouverture des formations sur le monde socio-économique et développer les activités de recherche.
3° Portée des dérogations :
- La composition des organes de l'université et de ses composantes. Mais uniquement pour y faire entrer des personnalités extérieures.
- Le régime financier dérogatoire (mais pas le montant des droits universitaires) est destiné à permettre une plus grande souplesse dans la gestion des crédits afférents aux emplois vacants (appel à des personnes privées ; contrats d'assurance avec les sociétés).
4° Le juge administratif sera là pour vérifier si les statuts nouveaux dérogatoires correspondent bien aux caractéristiques de l'établissement, ce que le Conseil d'Etat a fait le 22 janvier 1990 (Fédération nationale des syndicats autonomes de l'enseignement supérieur).
Le dernier alinéa de l'article 37 de la loi SAVARY prévoyait possibilité de dérogations au mode de scrutin pour l'élection des membres des conseils (pour les grands établissements en fonction de leurs caractéristiques). Vu les caractéristiques propres de l'Ecole pratique des hautes études, le Gouvernement pouvait légalement, par décret, instituer un mode de scrutin dérogatoire, affirme le Conseil d'Etat.
5° Contrôle direct du Ministre sur les nouveaux statuts :
Le Ministre n'a aucun pouvoir d'appréciation :
20
a) l'emploi de l'indicatif indique que le Ministre "s'oppose".
b) le "notamment" n'a pas pour conséquence de laisser au Ministre pouvoir discrétionnaire mais a pour but de rappeler qu'outre les critères précisés, le Ministre a, de manière générale, la charge de veiller au respect des garanties légales de la loi et des grands principes d'égalité, de neutralité, d'indépendance des enseignants-chercheurs (C.C. décision du 20 janvier 1984). Ils citent l'arrêt du Conseil d'Etat du 29 mai 1992.- Association amicale des professeurs titulaires du Muséum national d'Histoire naturelle ou il a été admis que le Gouvernement pouvait parfaitement, sur la base de l'article 37, fixer des règles d'organisation du Muséum mais que les directeurs de laboratoires ne peuvent être assimilés aux professeurs. Donc le Conseil a annulé le décret qui prévoit un collège unique pour les professeurs et les directeurs.
VI. LE DROIT CONSTITUTIONNEL UNIVERSITAIRE EXISTE-T-IL ?
Les dispositions relatives à l'enseignement sont peu nombreuses dans la Constitution.
La formule uniforme - adaptée - de l'établissement public figure dans l'article 34. Ce n'est pas la formule la mieux adaptée :
- L'origine historique des universités les rapproche bien davantage des collectivités locales que des services publics personnalisés. Elles sont des créations, des monarques et des primas, des villes, de 1'Eglise, constituées en communautés autonomes.
- La catégorie des établissements publics n'est pas la meilleure solution juridique pour accueillir toutes les personnes publiques autres que l'Etat. On refuse de cette qualité aux ordres et comités d'action professionnels.
Et pourtant, c'est la formule retenue à l'article 34. Seule la création d'un établissement public à l'intérieur d'une catégorie existante ressortit à la compétence réglementaire. Est réservée au législateur non seulement l'acte institutif d'une nouvelle catégorie mais la détermination des règles constitutives de cette catégorie (organisation, fonctionnement, financement, attribution, réponse des actes...).
De là, il y a des contraintes très fortes, sur le plan constitutionnel, qui pèsent sur les universités.
Ou elles relèvent toutes d'une même catégorie et le législateur est limité à la création initiale de la catégorie, l'autorité réglementaire reproduisant à 1'identique les compositions de la catégorie. Toute modification importante est, alors,
21
constitutionnellement interdite : il faudra, à chaque fois, une intervention du législateur.
Ou les actes institutifs s'attachent à refléter leur diversité, et les catégories d'établissement public se trouvent alors multipliées en proportion, chacune appelant l'intervention du législateur.
Nous avons choisi "l'économie législative" et l'uniformité, au travers de deux grands textes uniformes et incantatoires : les lois de 1968 et 1984, largement inappliquées parce qu'inapplicables. Pour le reste, la crainte d'agir et la primauté de stratégies politiques immédiates ont largement inspiré la politique universitaire.
Or, l'uniformité de la loi universitaire concourt à la privatisation de l'enseignement supérieur. Alors que la diversité des institutions universitaires est extrême, que leurs fonctions se sont multipliées, que leurs caractéristiques sont dissemblables, les lois de 1968 et de 1984 imposent infiniment le même modèle d'établissement public. Il faut laisser les universités "respirer" mais pas n'importe comment.
L'article 34 confère au législateur la détermination des règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires de l'Etat. Certains principes de la fonction universitaire sont de caractère constitutionnel. Le principe d'indépendance des professeurs d'université, par leurs activités d'enseignement et de recherche doit être considéré comme un standard constitutionnel qui lie le législateur lui-même. Et cette indépendance applique à l'égard de l'Etat comme à l'égard des autres pouvoirs dans l'université. Mais la mise en oeuvre de cette indépendance doit-elle ressortir à la loi ou au règlement ? L'article 34 réserve à la loi la détermination des principes fondamentaux de l'enseignement. Or la pratique a fait l'impasse sur la disposition d'un texte législatif de base posant les principes et les garanties de l'indépendance de la de fonction. On s'est orienté vers une réglementation uniforme (décrets de 1978, puis de 1984) muette sur l'essentiel, mais imposant dans le détail les mêmes règles statutaires à des corps et disciplines différents, sont gouvernés, comme les autres activités de service public par le principe constitutionnel d'égalité. Il vaut, pour les universitaires, dans leurs droits statutaires, à partir du moment où ils appartiennent à un même corps. Il entre dans la détermination des conditions d'accès au service des étudiants, accès aux établissements comme aux différents cursus et diplômes nationaux comportant la fixation de règles identiques pour la préparation et l'obtention de ceux-ci.
Existe-t-il un principe constitutionnel de gratuité ?
Si l'on se réfère au Préambule de 1946 : "La nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de
22
l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat", c'est probable.
Le Conseil constitutionnel n'a pas été amené à se prononcer sur ce point. Il est vrai que les droits universitaires sont modiques et que c'est le Ministre qui les fixe (article 48 de la loi de finances rectificative du 24 mai 1951). Le projet DEVAQUET envisageait une modulation de ces droits par les établissements publics eux-mêmes, dans des limites fixées par le Ministre. On pourrait discuter la légalité d'une telle décision, aussi bien au plan de la gratuité que de l'égalité.
CONCERNANT LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET L'UNIVERSITE je n'ai que trois décisions à vous citer :
1° 20 janvier 1984
Principe de l'indépendance des professeurs de l'enseignement supérieur.
2° 17 juillet 1980
Une loi pourrait réduire la seule représentation des étudiants dans le cas d'une insuffisante de participation électorale. Elle pourrait également maintenir en fonction des Présidents d'universités et les Directeurs d'UER jusqu'à l'expiration normale de leur mandat en raison de leurs fonctions particulières, alors qu'elle décidait de dissoudre les Conseils d'Université dans leur ancienne composition.
3° 30 OCTOBRE 1981
Ne porte pas atteinte au principe d'égalité une disposition gui fixait des règles particulières quant à la fin du mandat et à la possibilité de réélection immédiate des Présidents d'Université en distinguant suivant le régime légal qui était applicable au moment de leur élection.
VII. La solution proposée
Le projet de décision se fonde sur l'article 34 : la loi fixe les règles concernant la création de catégories d'établissements publics : les E.P.S.C.P. sont une catégorie particulière d'établissement public, le législateur est seul compétent pour fixer les règles de création de ces établissements publics, qui comportent nécessairement les règles constitutives.
- Que sont les règles constitutives ? C'est dit à la page 5 du projet.
Le statut des établissements publics ne saurait limiter le droit à la libre communication des pensées et des opinions garanti par
23
l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme que dans la seule mesure des exigences du service public. Les fonctions d'enseignement et de recherche exigent, dans l'intérêt même du service, que l'indépendance des personnels soit garantie. Donc aucune disposition statutaire ne doit être de nature à porter atteinte à la liberté et à l'indépendance des enseignants- chercheurs (a fortiori des professeurs d'université par une représentation propre au soin des conseils).
Que pouvait faire le législateur ?
Il pouvait parfaitement, dans le respect des principes constitutionnels, abroger des textes antérieurs et leur substituer de nouvelles dispositions. En ce qui concerne les règles constitutives, le législateur peut parfaitement prévoir que les établissements puissent opérer un choix entre plusieurs formules qu'il aurait au préalable déterminées lui-même. En ce qui concerne les dérogations, le législateur peut prévoir des expérimentations dérogatoires pour, au vu des résultats, adopter par les règles mieux adaptées. Et que faut-il définir ? La nature et la portée des dispositions, les cas dans lesquels elles peuvent être entreprises, les conditions et procédures de l'évaluation future permettant leur maintien, leur modification, leur généralisation ou leur abandon.
En fait, il n'a pas fait cela ; l'alinéa 3, article 1, les dérogations ne sont assorties d'aucune précision ou limite quant à leur contenu.
Une seule exception : l'obligation de prévoir la participation des personnels et des usagers avec voix délibératives. Quelles proportions ? Le texte est muet à cet égard. Quant à leurs objectifs, c'est le vague total : "l'ouverture des formations dispensées sur le monde socio-économique et le développement des activités de recherche". Les modifications statutaires dérogatoires sont adoptées à la majorité des membres en exercice des conseils d'administration (pour les autres, les 2/3). Ces modifications statutaires dérogatoires (alinéa 5 du même article) entrent en vigueur à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de leur transmission au Ministre.
Quant à l'activité ministérielle, les cas dans lesquelles elle est tenue de s'y opposer ne sont pas précisés, sauf en cas de contradiction (mais ce n'est pas limitatif) avec :
- l'émission de l'université,
- la cohérence du système d'enseignement et de recherche,
- le caractère national des diplômes.
Sur l'évaluation des expérimentations
24
Alinéa 6, article 2 : Le Ministre peut faire procéder à une évaluation, à l'expiration d'un délai de trois ans, donc il n'y est pas tenu.
Il n'y a pas de conditions fixées dès lors qu'il se voit reconnaître la possibilité de mettre fin à l'évaluation.
Ainsi le législateur a méconnu la compétence qu'il tient de l'article 34 et a privé de garanties légales les principes de matière constitutionnelle. Enfin, le projet juge l'inséparabilité des autres articles.
Monsieur le Président : Merci pour cet exposé clair et très pédagogique. Qui veut la parole ? ... Je vais suspendre quelques minutes.
(La séance est suspendue à 11 h 10. Elle est reprise à 11 h 30).
Monsieur CABANNES : Une proposition de loi, ça pose toujours des problèmes, notamment parce qu'elle est privée de l'avis du Conseil d'Etat. La question fondamentale est de savoir si ces dérogations sont de nature permanente ou non. Y-a-t-il un changement de nature ou de degré lorsqu'on passe d'un système de dérogations possibles, limitées à trois ans à un système de dérogations sans délai. Je souhaite livrer ici des questions : est-ce que ce simple changement est véritablement un changement de nature ? La proposition du rapporteur était en quelque sorte optimiste avec une conclusion très pessimiste, et le Conseil doit choisir entre deux thèses : la vôtre et celle du Secrétaire général du Gouvernement. En outre, si nous suivons le rapporteur, on va passer d'une loi inappliquée à une loi censurée. Je ne vois pas comment en sortir. Enfin, il y a un problème constitutionnel, qui est celui de l'indépendance, que nous avons affirmée mais que le texte ne heurte pas nettement. Alors, vous voyez que je suis assez réservé en l'état actuel.
Madame LENOIR : Je voudrais présenter mes félicitations au rapporteur, et lui dire combien je partage son sentiment de nécessité de laisser respirer l'université. Mais ça me conforte dans l'idée que le projet est trop sévère. En ce qui concerne le contexte, je voudrais dire que nombre de dispositions sont du domaine réglementaire. C'est le cas de certains éléments qui ont trait à la composition des organismes et à leur condition de fonctionnement. Concernant ces derniers, les dérogations sont possibles, car la loi pourrait être modifiée par un simple décret. Dès lors que les dérogations ne touchent pas au principe constitutionnel de l'indépendance des professeurs d'université, où est la difficulté ? Quant aux principes fondamentaux, je dois dire que ceux-ci ne sont pas véritablement atteints. Le législateur n'a pas transféré au pouvoir réglementaire le pouvoir de déroger aux principes. Sur ce point, le Gouvernement me paraît avoir raison. Reste le problème des compétences. Je constate que le contrôle financier n'est pas modifié, et que la loi tend
25
essentiellement à diversifier des ressources. Eu égard à notre jurisprudence, celle-ci rentre plutôt dans l'organisation et le fonctionnement des établissements. Mais ici aussi, tout n'est pas très précis, et tout n'est pas du domaine de la loi. Il me semble que les articles 25 et 26 de la loi de 1984 fixent des règles générales. Il en va de même de l'article 34. A cela, le législateur ne peut pas déroger. Quant au reste, sous réserve de la participation des divers parties intéressées et du principe d'indépendance, ce texte ne méconnaît pas notre jurisprudence sur les catégories d'établissements publics. Enfin je me demande comment le législateur aurait pu définir de manière plus précise les dérogations. C'est vrai, je le reconnais, les garanties du respect des grands équilibres de la loi sont assez vagues. Mais comment faire mieux ? Nous avons admis des dérogations en ce qui concerne les hôpitaux dans la décision du 19 juillet 1991. Si vous admettez qu'il est nécessaire d'aérer ce secteur, comment ne pas tenter de sauver, au moins partiellement ce texte ? Quant aux relations financières entre l'Etat et l'université, je vous rappelle que nous avons admis, et très récemment encore, une autonomie financière pour certains organismes. Cela était le cas l'année dernière pour les ports autonomes. J'ajoute que la finalité des dérogations est bien définie. Sous réserve des articles que j'ai cités et sans doute du membre de phrase "majorité simple", puisque les statuts doivent être adoptés au 3/5ème, le texte me paraît pouvoir être sauvé. Si nous suivons le rapporteur, nous condamnons les dérogations.
Monsieur FAURE : Moi aussi je souligne le caractère brillant de ce rapport, mais je voudrais faire quelques remarques de bon sens. L'indépendance des professeurs d'université, il n'en est pas dit un mot dans ce texte. Où est-elle remise en cause ? L'essentiel me paraît être que les dérogations soient étendues à tous, sans limite. Jusqu'ici ça ne concernait que les nouveaux établissements : ça a été permis en 1992 et étendu en 1993. Mais tout ce système date d'avant 1992, et, si la formule des dérogations fonctionne bien, pourquoi ne pas l'étendre ? Je sais bien qu'il n'y a plus de délais. C'est un gros argument. Mais le Ministre intervient et, sauf à juger en fonction d'a priori politique, je ne vois pas pourquoi on ne verrait pas là une sorte de garantie. Quant aux ressources, on sait qu'elles proviennent en grande partie des droits d'inscription. A ce niveau, le texte est plutôt faible. Aussi, si nous devons choisir entre une censure partielle et une censure totale, je choisis, comme Noëlle LENOIR, une censure partielle dont le champ reste à déterminer.
Monsieur ABADIE : La censure est fondée sur l'infraction à l'article 34 de la Constitution. Elle s'attache au fait que les règles constitutives d'un établissement sont inhérentes aux règles de sa création. Car si tel n'était pas le cas, une loi pourrait vider de son sens une autre loi en renvoyant au pouvoir réglementaire certaines de ces règles constitutives. Or le rapporteur m'a convaincu, en m'indiquant en quoi chacune des règles de la loi SAVARY était bien de nature constitutive. Telle qu'exprimée à la page 5 de son rapport, son opinion apparaît
26
convaincante (il lit le projet). Mais il certain qu'il y a là des règles inhérentes à la création des établissement publics. Aussi, j'irai volontiers à la censure, tout en faisant attention à la façon dont on exprimerait que les dispositions visées relèvent des règles constitutives. Il me semble difficile de rentrer à un tel point de détail dans la loi de manière à n'aboutir qu'à une censure partielle. On doit considérer que dans la mesure où un nombre important d'articles sont concernés, on aboutit plutôt à une censure totale. Certes, le raisonnement de Maurice FAURE est cohérent. Mais la censure que je retiendrais s'appuie sur une violation de l'article 34. Aussi, il me semble possible dans le projet de ne pas faire allusion au fait que c'est parce que la dérogation est permanente qu'il y a censure. Faisons l'économie de cela.
Monsieur RUDLOFF : C'est vrai que ce serait compliqué de dire sur quels éléments de la loi SAVARY nous fondons les règles constitutives et au contraire quels sont les articles qui relèvent du pouvoir réglementaire. Mais en même temps la seule question est de savoir comment s'applique l'article 34 de la Constitution. La dérogation est beaucoup plus large. Peut-on changer, par voie réglementaire, tous les statuts ? Je penche quant à moi, pourtant, vers un examen approfondi de censures véritablement partielles. Dans le cas contraire, on va censurer le principe même des dérogations, alors que seule une partie de ce texte me paraît mériter la censure.
Monsieur FABRE : Moi, aussi je suis tombé sous le charme du rapporteur, mais je suis partagé. Il faut bien entendu censurer une partie de ce texte, mais pas tout. Méfions-nous d'un excès de rigorisme. Ce qui me gêne c'est l'indépendance des professeurs des universités. Il est évident qu'il faut censurer la plus grande partie de ce texte de ce seul fait, et, s'il le fallait, nous pourrions censurer le tout. Mais je me contenterai d'une censure limitée, car on sait bien que le Parlement perçoit toujours le "refaites-le" comme une atteinte à sa compétence.
Monsieur le Président : Je regrette l'absence de Monsieur LATSCHA. C'est dommage car nous entrons dans le meilleur moment du débat. Grâce à Monsieur SCHRAMECK et à vous Monsieur le Rapporteur, nous avons un vision extrêmement concrète des problèmes posés et je rends hommage à vos compétences en la matière. Il y a trois problèmes : un majeur et deux mineurs. Le problème majeur c'est l'article 34. Il y a dans la jurisprudence un noyau dur : ce sont les règles de création d'un établissement public, que le législateur ne peut pas déléguer. Le législateur doit-il fixer lui-même ces règles et quelles règles ? Dès lors que l'on touche à ces règles de création, la dérogation n'est pas possible et la censure s'impose. Quant aux deux mineurs, ils recoupent le problème précédent. Il s'agit de la durée de la dérogation et de son ampleur. Enfin, je suis d'accord avec Monsieur FAURE pour reconnaître qu'il n'y a pas d'atteinte dans les textes à l'indépendance des professeurs d'université. Mais il me concédera qu'aucune garantie de cette indépendance n'est
27
prévue dans le texte. N'y-a-t-il pas atteinte aux garanties de principe ? Je me pose la question avec perplexité. Les statuts demeurent, la vigilance du corps enseignant aussi. Il y a des risques assez forts de recours et si le texte ne proclame rien, on doit se demander ce qu'il empêche ou qu'il l'interdit. Le texte n'est pas satisfaisant à cet égard.
Monsieur ROBERT : Effectivement, on pourrait hésiter entre la censure totale et le censure partielle. On en a débattu entre nous. Mais il reste que, si le Conseil d'Etat est saisi des dérogations, je vois mal comment il les censurera, sauf à fixer lui-même des règles de portée générale. Moi, je suis très réservé sur la méthode consistant à dire que le législateur peut déléguer au pouvoir réglementaire. Quant à l'indépendance, le pourcentage de représentations des divers catégories dans les organismes peut être affecté. Sur ce plan, il n'y a aucune garantie sauf à s'en remettre au Conseil d'Etat. Mais cela n'est pas bon. En 1992, on est passé de l'adaptation à la dérogation. Aujourd'hui, on généralise dans le temps et dans le type d'université. On dit même aux anciennes universités : "sortez de la loi". En contrepartie, on ne leur impose rien, il n'y a pas de garantie. Quant aux règles constitutives des catégories d'établissements publics, on a fixé une liste depuis longtemps. La seule hésitation qu'on puisse avoir c'est sur le régime financier. En dehors de cela, les organismes ont bien une importance réelle, les pourcentages de représentation de diverses catégories aussi. Les règles financières, je vous l'accorde, mais imaginez que le Conseil constitutionnel dise : "allez-y là dessus mais pas sur le reste", ce serait injurieux. Mais si le Conseil constitutionnel dit :"vous pouvez toucher au principe, mais pas au reste", ce serait encore plus injurieux. On permettrait des dérogations encore plus larges, à condition de ne pas toucher aux toits ni aux murs ! Non, décidément, je maintiens mes conclusions !
Monsieur ABADIE : Il faudrait faire une véritable "épicerie" si nous devions appliquer l'article 34 de la Constitution. Ce qui aboutirait à bâtir dans le détail une décision. Dans chacun des articles de la loi Savary, on va trouver des règles constitutives. Cela nous amène à tous sanctionner plutôt qu'à faire un échenillage. Sinon, nous allons aboutir à censurer les 9/10 du texte et il y aurait de grosses difficultés d'application.
Monsieur le Président : Nous avons toute liberté. Il est clair qu'il y a un noyau dur qui aboutit à un censure partielle. Mais on peut discuter sur les règles financières. C'est pourtant vrai et j'ai pu le constater à la gestion de l'université avant 1968 que celui qui détient l'argent, détient le pouvoir. Monsieur PAOLI, pouvez-vous nous dire ce qui ressort de notre jurisprudence ?
Monsieur PAOLI : Les catégories de ressources font partie des règles constitutives, mais pas le régime financier. La création
28
d'une catégorie nouvelle de ressources pour un établissement public relève du domaine de la loi. Les règles constitutives ne sont pas les règles de composition, d'organisation et de fonctionnement. Ce sont dans ces matières les règles essentielles. Le problème c'est la composition précise des différents conseils. Mais, dès lors que les différentes proportions pourraient être modifiées, ou que la définition des catégories représentées pourrait être changée d'une manière dérogatoire, vous touchez là à l'essentiel. En fait, c'est le principe de la participation qui est ici en jeu. Dès lors qu'il s'agit d'un conseil important dans la gestion ou la surveillance d'un secteur, la fixation de la composition de ces organes dirigeants, relève de la loi. En revanche, si vous êtes confrontés à un organisme purement consultatif ou qui n'a qu'un rôle facultatif, cela n'est pas grave et la compétence réglementaire peut être affirmée. Quant à la détermination précise du nombre de personnes qui siègent dans ces conseils, ce ne sont pas des règles constitutives. En revanche, je le répète, le fait de pouvoir modifier la représentation de telle ou telle catégorie, relève quant à elle de la loi.
Monsieur le Président : Oui, on peut considérer que le législateur est resté en deçà de sa compétence.
Madame LENOIR : Certes, mais où est la violation des principes de fond. Le problème de la composition des conseils ? Si l'article 26 relève bien du domaine de la loi, le reste est plutôt réglementaire. Regardez notre jurisprudence sur la compétence législative en ce qui concerne les centres de formation des personnels communaux. On a conjugué deux principes : la libre administration des collectivités locales et la répartition du domaine de la loi et du domaine du règlement. Mais ici, les principes relèvent du domaine de la loi, mais leur fixation concrète, leur mise en oeuvre si vous préférez relève du pouvoir réglementaire. Si le législateur a sauvé des principes, il doit pouvoir ensuite renvoyer au pouvoir réglementaire. Compte tenu de l'autonomie des universités, du rôle des établissements, si on sauvegarde les articles 26 et 27 de la loi Savary, on aboutit à une censure partielle. Notre jurisprudence y conduit certainement. On a toujours fait la différence entre les règles essentielles et celles qui ne l'étaient pas.
Monsieur ROBERT : Mais on va rentrer dans le détail avec tous les inconvénients que cela représente.
Monsieur le Président : Je rappelle que la situation actuelle c'est que la dérogation est très limitée. Les articles 25 à 28 relèvent bien du domaine de la loi.
Madame LENOIR : Oui, c'est vrai pour les articles 25, 26 et 27.
Monsieur le Président : Vous voyez le péril de ce découpage au scalpel. Il faut bien que la hiérarchie de normes soit respectée.
29
Le législateur a-t-il respecté sa compétence ? Il s'est tenu délibérément à l'écart de ce qu'il doit et de ce qu'il peut faire. Il n'a pas rempli sa mission. Alors je penche plutôt pour un censure. '
Monsieur PAOLI : Notre jurisprudence a un peu évolué. Vers 1980, on n'a plus pris en compte le caractère industriel et commercial ou administratif de l'établissement. La conséquence c'est que comme certaines règles financières sont liées à cette nature des établissements, la notion de règles constitutive s'est un peu restreinte. Ces règles financières rélèvent non plus de la loi mais du décret.
Monsieur SCHRAMECK : Je partage l'opinion exprimée par Monsieur PAOLI. Dans chaque article de la loi Savary auquel le présent texte permet de déroger, nous allons trouver pour partie ou en totalité, des règles constitutives. Ainsi l'article 42 prévoit le budget, mais dans celui-ci se trouve également le problème de l'application des règles de la comptabilité publique, ou la question des budgets de composantes intégrés au budget général d'un établissement.
Madame LENOIR : Mais tout cela n'est pas essentiel. Certaines dispositions ne relèvent pas du domaine de la loi. On peut dissocier. Tout votre débat s'oriente comme si vous étiez saisi sur la base de l'article 37, alinéa 2. Or, ce n'est pas le cas.
Monsieur le Président : Il n'empêche qu'il y a des règles constitutives auxquelles il n'est pas possible de déroger et que le texte prévoit des dérogations.
Madame LENOIR : Mais dès lors que les principes sont maintenus, que les dispositions d'ordre général sont reprises, alors la dérogation est possible.
Monsieur le Président : Bien sûr on pourrait voir, point par point, mais je crains que cela ne soit pas possible. Je sais que c'est désagréable et que la censure totale sera mal ressentie mais je vois pas comment les sauver. Si vous trouvez de quoi étayer une distinction au sein des articles de la loi Savary, on peut envisager votre solution. Mais en pratique, elle me paraît impossible.
Monsieur SCHRAMECK : Il est très délicat de savoir dans quelle mesure tel ou tel élément peut subir une dérogation et telle ou telle autre non. De plus, dans le 19ème considérant de la décision de 1984, le Conseil constitutionnel a donné toute sa portée à l'indépendance des fonctions d'enseignement et de recherche et à la libre expression des personnels. Dès lors qu'on peut déroger à ces principes, il est très difficile d'admettre la constitutionnalité, au regard même de votre décision de 1984.
30
Monsieur le Président : Madame Lenoir, je suis d'accord pour que vous fassiez l'exercice qui consiste à scinder mais il sera difficile.
Monsieur ABADIE : Mais dès lors que l'article 28 de la loi Savary entre dans le cadre de l'indépendance, il n'est pas possible d'y toucher. Il faut que l'indépendance soit assurée.
Monsieur le Président : Bien à ce stade arrêtons-nous et nous reprendrons cela tout à l'heure.
(La séance est suspendue à 12 h 45. Elle est reprise à 15 h 05).
Monsieur le Président : On va commencer à lire le projet et on verra bien.
Monsieur ROBERT lit.
Monsieur SCHRAMECK : Page 2 on peut supprimer la référence aux alinéas 7 et 9 pour viser tout l'article 34.
(Assentiments).
Monsieur le Président : page 5. Faut-il mettre "que ces règles comprennent". On pourrait ajouter "notamment". Je suis toujours très sceptique lorsqu'il s'agit de faire une énumération au risque d'en oublier.
Monsieur SCHRAMECK : Il vaudrait mieux alors écrire : "que figurent au nombre de ces règles".
Monsieur ABADIE : La nature des contrôles ne fait pas partie des règles constitutives. Supprimons-le.
(Assentiments) .
Madame LENOIR : Les composantes internes ne font pas partie des règles constitutives. C'est très clair. C'est propre à l'université. Ça n'a rien à voir.
Monsieur ABADIE : Mais enfin aucun de ces organismes n'est consultatif. Ils jouent tous un rôle très important dans les règles régissant 1 ' Université. Je ne suis pas d'accord avec vous.
Monsieur le Président : Ça me paraît largement jugé par la décision de 1984 et affirmer que tel ou tel organisme n'est pas important serait ressenti de manière très négative.
Monsieur ROBERT : Sans les composantes, pas d'universités !
Monsieur le Président : Gardons le rappel des principes. (Les conseillers entament un large débat sur le 1er considérant de la page 6, ils s'accordent majoritairement sur une autre rédaction
31
et sur l'abandon de la mention d'une représentation propre et authentique des professeurs et des enseignants chercheurs).
Monsieur le Président : page 7, je suggère une rédaction un peu différente, il faut supprimer le mot large et mettre des règles fixées.
(Assentiments sur la nouvelle rédaction).
Madame LENOIR : page 8. Comment voulez-vous limiter la portée des dérogations. Qu'est-ce que vous voulez leur demander de plus ?
Monsieur ROBERT : Il faudrait que les objectifs soient beaucoup plus précis. Il faut répondre de manière précise à la saisine. (Les conseillers entament un large débat sur la question de savoir si le 1er considérant de la page 8 doit être ou non maintenu et décident finalement à la majorité de le conserver).
Madame LENOIR : page 9. Non c'est pas possible d'écrire ça. On est beaucoup trop directif.
Monsieur ABADIE : Allons jusqu'au bout.
Monsieur CABANNES : Non, attendez. Moi aussi je trouve ce passage dangereux car il est très directif. Qu'est-ce qu'on est en train de faire ? On constitutionnalise, on fige, alors que tout cela n'est pas vraiment du niveau des principes constitutionnels, gravé dans le marbre...
Monsieur FABRE : Oui, mais le moyen est soulevé.
Monsieur CABANNES : Il est possible de répondre incidemment à tout cela. On est en train de censurer une chose qui ne le mérite sans doute pas car après tout, on se situe ici â un niveau dont je me demande s'il est au rang de la Constitution au mieux. Il y a en revanche des principes qui vont au-delà de la Constitution et ce sont ceux-là que le Conseil doit garantir.
Monsieur le Président : Quoi ? Il n'y a pas de noyau supra- constitutionnel. C'est un contre-sens. Dans la bouche d'un homme aussi éminent que vous ! Vous le diriez dans un colloque ? C'est inouï d'entendre ça. Où voyez-vous des principes au-delà de la Constitution.
Monsieur CABANNES : Nous ne sommes pas dans un colloque, mais il y a bien un droit au-delà du texte de la Constitution et le principe de l'indépendance, il faut reconnaître que le Conseil constitutionnel l'a largement inventé. Il ne fait pas partie du "noyau dur". En revanche, il existe des droits essentiels, intangibles.
Monsieur le Président : Mais, bien sûr que non ! C'est le constituant qui fixe ce qu'il souhaite. On peut tout réviser, tout. Le souverain c'est le peuple, il est libre, sous réserve
32
de l'article 89 de la Constitution. Le constituant est maître de tout.
Monsieur CABANNES : Je n'ai pas dit le contraire, mais je maintiens que le Conseil constitutionnel a procédé à une création jurisprudentielle dont les fondements ne sont pas évidents. Et je maintiens qu'il y a des principes auxquels le constituant lui-même ne peut pas, au moins dans leur fondement, toucher.
Monsieur FABRE : Mettons "qu'il a privé de garanties" ou "qu'il n'a pas assorti de garanties". Ça résoudra le problème.
Madame LENOIR : Je maintiens que les universités ne sont pas dans la Constitution en tant que telles. D'autre part, il faut bien que le législateur puisse organiser des dérogations. On fait un peu comme si le législateur comprenait tout tout seul et pouvait tout organiser de lui-même. C'est un peu excessif.
Monsieur CABANNES : Alors, il faut mettre "il n'a pas assorti de garanties légales".
Monsieur le Président : Oui, je suis d'accord.
Monsieur ROBERT (termine sa lecture) : le dernier considérant c'est sur l'inséparabilité des dispositions.
Monsieur le Président : Oui, ça n'aurait aucun sens de laisser l'article 3. Bon, je mets aux voix.
Madame LENOIR vote contre, les autres conseillers votent pour.
Monsieur FAURE : J'ai voté pour la mort dans l'âme. Je pense que les réactions seront très dures, et la rédaction finalement choisie n'y change rien.
Monsieur le Président : Je suis convaincu que ce sera difficile à expliquer. Je préférerais que ce ne soit pas public avant 19 heures.
Monsieur FAURE : Non, il vaudrait que ça ne soit sorti que demain.
(Assentiment général)
La séance est levée à 16 h 15.
Décision n° 93-322 DC
du/ juillet 1993
(Loi relative aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel)
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le
6 juillet 1993 et par lettre rectificative y le
7 juillet 1993, pari MM. Claude ESTIER, Robert LAUCOURNET, William CHERVY, Paul RAOULT, Jean-Pierre MASSERET, Jean-Louis CARRERE, Marcel BONY, Mmes Françoise SELIGMANN, Marie-Madeleine DIEULANGARD, Josette DURRIEU, MM. Jacques BELLANGER, Jacques BIALSKI, Aubert GARCIA, Roland BERNARD, Guy PENNE, Michel DREYFUS-SCHMIDT, Gérard MIQUEL, Fernand TARDY, Robert CASTAING, Gérard DELFAU, Pierre BIARNES, Mme Maryse BERGE-LAVIGNE, MM. André VEZINHET, Louis PHILIBERT, Mme Monique BEN GUIGA, MM. Michel SERGENT, Germain AUTHIE, Jean BESSON, Jean-Pierre DEMERLIAT, Paul LORIDANT, Guy ALLOUCHE, Léon FATOUS, Claude FUZIER, Claude CORNAC, Gérard ROUJAS, François LOUISY, Marc BOEUF, Francis CAVALIER-BENEZET, Jacques CARAT, Jean PEYRAFITTE, René-Pierre SIGNE, Marcel CHARMANT, Claude PRADILLE, André ROUVIERE, Louis PERREIN, Marcel VIDAL, Franck SERUSCLAT, Jean-Luc MELENCHON, Charles METZINGER, René REGNAULT, François AUTAIN, Michel MOREIGNE, Michel CHARASSE, Gérard GAUD, Pierre MAUROY, Roland COURTEAU, Claude SAUNIER, Bernard DUSSAUT, Albert PEN et Rodolphe DESIRE, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 modifiée sur l'enseignement supérieur ;
Le rapporteur ayant été entendu
Considérant que les sénateurs auteurs de la saisine font grief au législateur d'avoir méconnu sa compétence en conférant au pouvoir réglementaire la faculté de ne pas appliquer des dispositions de la loi du 26 janvier 1984 modifiée sur l'enseignement supérieur relatives à l'organisation et au fonctionnement des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel et d'y substituer_(;)établissement par établissement des règles tout à fait différentes ; qu'en particulier ils font valoir que pourraient être modifiées des règles constitutives de la catégorie des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel en méconnaissance^àês—alinéas 7 et ^j/de l'article 34 de la Constitution et que le législateur, en permettant de telles dérogations aux dispositions de la loi sans imposer qu'elles fussent assorties de garanties au moins équivalentes de la liberté d'expression des enseignants chercheurs et de l'indépendance des professeurs d'université, aurait privé de garanties légales des principes de valeur constitutionnelle ;
Considérant que la loi déférée prévoit que les établissements concernés pourront être régis par des statuts dérogeant aux dispositions des articles 25 à 28, 30, 31, 32, 34 à 36 et 38 à 42, à l'exception de l'article 38-1, de la loi du 26 janvier 1984 ;
Considérant que, s'agissant des universités, sont définis par l'article 25 la nature et les conditions de création de leurs composantes internes, par l'article 26 leurs organes de direction et d'administration, par l'article 27 les conditions d'élection et les compétences du président, par l'article 28 la composition et le rôle du conseil d'administration, par l'article 30 la composition et le rôle du conseil scientifique, par l'article 31 la composition et le rôle du conseil des études et de la vie universitaire, par l'article 32, d'une part, les conditions de constitution et d'administration de l'ensemble des unités de formation et de recherche, d'autre part, la nature des relations des unités de formation et de recherche de médecine et d'odontologie avec les centres hospitaliers et les autorités ministérielles compétentes ainsi que les compétences pédagogiques qui leur sont dévolues en matière de formations de deuxième et troisième cycles et leurs conditions d'exercice ;
Considérant que, s'agissant des instituts et écoles extérieurs aux universités, sont définis par l'article 34 les conditions de leur création, la nature de leurs organes de direction et d'administration, par l'article 35 la composition et le rôle du conseil d'administration, les conditions d'élection de son président, la composition et le rôle du conseil scientifique et du conseil des études ;
Considérant que, s'agissant de l'ensemble des établissements concernés, sont définies par l'article 38 les conditions d'élection des membres des conseils, par l'article 39, d'une part, la règle selon laquelle au sein de la représentation des enseignants- chercheurs et personnels assimilés de chaque conseil, le nombre des professeurs et personnels de niveau équivalent doit être égal à celui des autres personnels, d'autre part, des conditions spécifiques permettant la participation en qualité d'étudiant à l'élection des représentants aux conseils de la catégorie correspondante, par l'article 40 la détermination des collectivités, organismes et secteurs d'activités représentés au titre des personnalités extérieures ainsi que la désignation de personnalités à titre personnel, par l'article 41 la détermination des moyens et des ressources des établissements et notamment les obligations à leur égard qui incombent dans ce domaine à l'Etat, par l'article 42 les conditions de vote, de présentation et d'exécution des budgets des établissements et de leurs composantes internes ainsi que les conditions dans lesquelles peuvent être décidés des emprunts, prises de participation et créations de filiales ;
Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution la loi fixe les règles concernant la création de catégories d'établissements publics ; que les établissements publics à caractère
culturel, scientifique et professionnel constituent au sens de ces dispositions une catégorie particulière d'établissements publics ; que le législateur est dès lors seul compétent pour fixer leurs règles de création lesquelles comportent nécessairement leurs règl££» constitutives ; ces règles c~~empronncnt~~ la détermination et le rôle de leurs organes de direction et d'administration, les conditions de leur élection ou de leur désignation, la détermination des catégories de personnes représentées au sein des conseils des
établissements, celle des catégories de ressources dont
peuvent bénéficier
contrôles auxquels emploi^ la nature internes ainsi que
ces derniers sont soumis pour leur et les fonctions des composantes les conditions de désignation ou
d'élection de leurs organes de direction et
d'administration dès lors que ces composantes sont dotées de compétences qui leur sont propres ;
Considérant d'autre part que le statut des établissements d'enseignement supérieur ne saurait limiter le droit à la libre communication des pensées et des opinions garanti par 1'article 11 de la Déclaration des Droits de 1'Homme et du Citoyen que
dans la seule mesure des exigences du service public en
cause ; que par leur nature, les fonctions
d'enseignement et de
recherche exigent
dans
1'intérêt /
même du service,
que la libre
expression et/
ndépendance des ^pexsoiiH^ls dlsposi-te-~~ion~~s—qui—l~~eur~~—sont—a-
soient
~~a~~r ~~1-&&~~
; qu ' en ce qui
concerne les professeurs, la garantie de l'indépendance
résulte en outre d'un principe fondamental reconnu par
les lois de la
République ;/ que, dès lors, aucune des
dispositions
statutaires
des
établissements
d'enseignement
supérieur ne
doit
être de nature à
porter atteinte à la liberté et à l'indépendance des
enseignants-chercheurs et notamment des professeurs ; jqu'en particulier doit être garantie par la loi une représentation propreet authentique dans les conseils de la communauté universitaire des professeurs d'une part, des enseignants-chercheurs; ayant une autre ! qualité d'autre part ;
Considérant qu' il appartient au législateur dans le respect des principes de valeur constitutionnelle ci-dessus rappelés, de décider, s'il l'estime opportun, de modifier ou d'abroger des textes antérieurs en leur substituant le cas échéant d'autres
dispositions ; qu'il peut en particulier pour la
détermination des règles constitutives des établissements publics à caractère scientifique, .... cul-turel et- professionnel prévoir, eu égard à l'objectif d'intérêt général auquel lui paraîtrait
correspondre
le( renforcement de l'autonomie des
établissements,
que
puissent être opérés par ceux-ci
des choix entre
règles /de / nal
qu ' il
aurait
qu'il lui est aussi possible, une
fois des règles constitutives définies, d'autoriser de S
des établissements dotés d'un doivent faire l'objet d'une évaluation conduisant à leur maintien, à leur modification, à leur généralisation ou à leur abandon ;
statut
en
fonction
de
leurs
caractéristiques propres
Considérant
qu'il est même loisible au
législateur
de prévoir
la possibilité d'expériences
comportant
des dérogations aux règles ci-dessus
nature à lui permettre d'adopter par la
des résultats de celles-ci des règles
appropriées à 1'évolution des missions
de la catéqorie d'établissements en cause
que
toutefois il lui incombe alors de définir précisément
la nature et la portée de ces expérimentations, les cas
peuvent être entreprises, les
es-c
Considérant d'une part qu'en vertu du troisième alinéa de l'article 1er de la loi déférée, les dérogations autorisées aux articles ci-dessus analysés de la loi du 26 janvier 1984 ne sont assorties, quant à leur contenu, d'aucune précision ni d'aucune limitera la seule exception de l'obligation de prévoir la participation des personnels et des usagers avec voix délibérative ; que les objectifs énoncés par le législateur, à savoir l'ouverture des formations
dispensées sur le monde socio-économique et le
développement des activités de nature à |erf|circonscrire
de recherche, ne sont pas
la portée
Considérant d'autre part qu'à la différence des établissements nouveaux pour lesquels les statuts restent fixés par décret, pour les établissements existants, le troisième alinéa de l'article 2 de la loi prévoit que les modifications statutaires dérogatoires sont adoptées à la seule condition qu'elles soient votées à la majorité des membres en exercice des conseils d'administration alors d'ailleurs que celles qui seraient conformes aux dispositions actuellement en vigueur ne peuvent être décidées qu'à la majorité des deux tiers ; qu'en vertu du cinquième alinéa du même article, à l'expiration d'un délai limité à deux mois courant à compter de leur transmission au ministre chargé de l'enseignement supérieur, les modifications statutaires dérogatoires sont considérées comme approuvées en l'absence d'opposition de celui-ci ; que les cas dans lesquels ce dernier est tenu de s ' y opposer ne sont pas précisés autrement que par la référence non limitative à une contradiction avec les missions de l'université, la cohérence du système d'enseignement et de recherche et le caractère national des diplômes ; que, s'agissant de l'ensemble des établissements concernés, si le sixième alinéa de l'article 2 indique que le ministre a la faculté de faire procéder à une évaluation, à l'expiration d'un délai de trois années suivant l'expérimentation, celui-
----------------------- ---------------------------- ci n'y est pas tenu ; que la même disposition ne ----------------------- ----------------------------
définit pas les conditions dans lesquelles le ministre se voit reconnaître la possibilité de mettre fin à une
----------------------- ------------------------ expérimentation au vu des résultats de cette ----------------------- ------------------------
évaluation ;
------------- --------------------------- Considérant qu'en autorisant ainsi le ------------- ---------------------------
pouvoir réglementaire ou les établissements publics
concernés à déroger aux règles constitutives qu'il a fixées et l'autorité ministérielle à s'opposer à de telles dérogations ou à y mettre fin, le législateur a
méconnu la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution en matière de création de catégories d'etablissements publics et | u pii ira? /de garanties légales les principes de caractère constitutionnel que constituent la liberté et l'indépendance des .enseignants-chercheurs ; que, dès lors, les dispositions ci-dessus analysées ne sont pas conformes à la Constitution ;
Considérant que les articles 1er et 2 de la loi reprennent par ailleurs des règles déjà en vigueur relatives aux conditions de création des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel et à la modification des statuts des établissements existants à la seule exception, s'agissant de ces derniers, de l'adjonction des mots "et de recherche" qui, eu égard aux missions générales conférées à ces établissements constituent une simple explicitation ; que l'article 2 prévoit en outre les conditions dans lesquelles les composantes des établissements peuvent proposer les dérogations que la loi a pour objet de permettre ; que l'article 3 se borne à indiquer que trois ans après l'entrée en vigueur de la loi un rapport relatif aux expérimentations mises en place serait soumis au Parlement ; que ces dispositions n'étant pas séparables de celles qui ont été précédemment analysées, la loi
doit, dans son ensemble, être regardée comme non conforme à la Constitution ;
DECIDE :
Article premier.- La loi relative aux établissements publics à . caractère scientifique, culturel —et professionnel est contraire à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le dans sa séance du ^æ^juillet
Conseil 1993.
constitutionnel
Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.