SEANCE DU 22 SEPTEMBRE 1993
La séance est ouverte à 10 heures en présence de tous conseillers.
Monsieur le Président : Bien, nous allons prendre le contentieux électoral et nous en arrivons à des affaires plus délicates. Je voudrais en préambule insister sur deux choses : d'une part, je crains fort qu'au regard de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, nous ne soyons confrontés à des saisines de la commission européenne dès lors qu'on aura rendu des décisions non pas d'annulation mais d'inéligibilité. La question qui se pose est de savoir si ce sont des "sanctions" au sens de la Convention ou non. Enfin, depuis l'affaire RUIZ- MATEOS, il faut bien dire que même les juridictions constitutionnelles ne sont pas à l'abri d'une saisine de ce type.
Ma seconde remarque porte sur le secret du délibéré. Nous allons maintenant juger des gens que certains d'entre nous connaissent. Le silence est la règle absolue de notre liberté de parole et c'est aussi la garantie de notre indépendance. Ce n'est pas possible de retrouver dans la presse ce que l'on a dit pendant un délibéré. Ça suscite des commentaires, des interrogations. Je dois ici bien insister. Le Conseil constitutionnel n'est pas le Conseil des Ministres. Personne ne doit savoir ce qui se passe ici. Pendant sept ans, la règle du secret du délibéré a été strictement gardée. Je n'ai pas besoin d'y insister davantage. Ce doit être un règle absolue. Et je ne souhaite pas avoir à revenir sur ces questions.
Nous allons passer maintenant à l'affaire du jour. C'est Monsieur ARRIGHI de CASANOVA qui commence.
(Monsieur ARRIGHI de CASANOVA prend place à la table des rapporteurs adjoints).
Monsieur ARRIGHI de CASANOVA :
La requête n° 93-1231 de Monsieur VAN ANDREWELT est dirigée contre l'élection de Monsieur HAGE en qualité de député de la 16ème circonscription du Nord, acquise le 28 mars dernier au deuxième tour. Présentée dans les délais par un candidat à cette élection, qui a ainsi qualité pour agir, cette requête est recevable.
Les résultats ont été les suivants :
Suffrages exprimés : 50 942
- M. HAGE (PC) : 30 845 voix (soit 60,54 %)
- M. VAN ANDREWELT (UPF) : 20 097 (soit 39,45 %)
L'écart est donc de 10 748 voix et plus de 20 points en pourcentage.
L'écart est donc de 10 748 voix et plus de 20 points en pourcentage.
Les griefs articulés par Monsieur VAN ANDREWELT sont de cinq sortes :
Les griefs articulés par Monsieur VAN ANDREWELT sont de cinq sortes :1° En premier lieu, le requérant met en cause les conditions dans lesquelles s'est déroulée la campagne électorale.
A ce titre, il a d'abord invoqué un grief tiré de l'irrégularité que Monsieur HAGE aurait commise en faisant distribuer, en infraction avec l'article L. 49 du code électoral, deux documents qui ont été versés au dossier, intitulés "Mieux vivre en Douaisis".
Bien que le requérant ne précise pas davantage la nature de l'infraction, on pourrait déduire de la référence à l'article L. 49 qu'est en cause, s'agissant de propagande écrite, une distribution faite le jour de l'élection, celle-ci étant interdite par cette disposition.
Toutefois, l'élu, Monsieur HAGE, ne se place pas sur ce terrain dans sa défense puisqu'il souligne que les autres candidats disposaient de "tout le temps nécessaire pour y répondre".
Dans sa réplique, Monsieur VAN ANDREWELT ne se réfère d'ailleurs plus à la violation de cet article mais invoque l'article L. 165 dont le troisième alinéa prohibe l'impression et l'utilisation de circulaires, affiches ou bulletins sous une forme autre que celle qui résulte des dispositions réglementaires visées au premier alinéa.
Sous cette nouvelle forme, le grief est recevable car il vise seulement à préciser d'une autre manière celui, présenté en temps utile, et tiré de l'irrégularité des moyens de propagande en question (25 novembre 1988, Bouches-du-Rhône, 6ème circ., Rec. p. 246).
Au fond, il s'agit d'un imprimé qui se présente comme un journal électoral mais qui, ainsi que le relève le requérant, ne comporte aucune des mentions prévues au titre du régime de la presse. Bien que ces documents ne comportent pas de date, il ressort de leur contenu qu'ils ont été diffusés avant chacun des deux tours de scrutin.
En principe, et comme tout document de propagande électorale, ces imprimés auraient dû respecter les dispositions prises pour l'application de l'article L. 1 65 du code électoral, c'est-à-dire celles de l'article R. 29 qui fixe le format 21 x 29,7 comme taille maximale des tracts et circulaires.
En l'espèce - et indépendamment du fait que ces imprimés ont sans doute été diffusés en sus de la propagande officielle acheminée aux électeurs par courrier - le format est double. Le premier numéro, celui appelant à voter pour Monsieur HAGE au premier tour, comporte huit pages. Le second, apparemment imprimé et
diffusé entre les deux tours, n'en comprend que deux et ressemble davantage - mis à part son format - à un tract recto-verso.
Bien que Monsieur VAN ANDREWELT ne fournisse aucune indication quant à la diffusion de ces imprimés, Monsieur HAGE n'en conteste pas la réalité et ne soutient pas qu'elle aurait été limitée. Il se fonde seulement sur leur contenu pour estimer que cette diffusion n'a pas faussé la campagne.
Il résulte d'une jurisprudence particulièrement abondante sur ce point que la méconnaissance des dispositions régissant la propagande électorale ne suffit évidemment pas à entacher d'irrégularité le scrutin. Tout dépend, comme pour l'affichage sauvage et les tracts de dernière heure d'une conjugaison de facteurs :
- contenu dépassant ou non les limites habituellement admises ;
- possibilité pour les autres candidats de répondre ;
- écart des voix etc.
(cf., par exemple, 21 octobre 1988, Isère, 1ère circ., Rec. p. 157, à propos des mentions requises par la loi sur la presse en ce qui concerne le nom de l'imprimeur ; 27 juin 1973, Meurthe-et-Moselle, 7ème circ., à propos de distributions irrégulières de tracts ; 12 juillet 1978, Martinique, 2ème circ., à propos de la méconnaissance de l'article L. 165.
En l'espèce, le contenu de ces imprimés est particulièrement anodin. IL s'agit de comptes-rendus de mandat visant à mettre en évidence le dynamisme et l'efficacité de Monsieur HAGE, à l'exclusion de toute imputation personnelle visant les autres candidats. Et le requérant n'établit, ni même n'allègue, que ces documents auraient apporté des éléments nouveaux au débat électoral auxquels il aurait été impossible aux autres candidats en présence de répondre.
Il reste que ces imprimés étaient revêtus du logotype de la Régie Renault, laquelle emploie de nombreux salariés dans la circonscription. Monsieur HAGE ne conteste pas avoir volontairement fait figurer ce logo. Il se borne à relever que cette entreprise n'a jamais protesté.
Le procédé est malgré tout discutable car on ne voit pas au nom de quoi un candidat s'approprierait cette marque. C'est pourquoi le projet de votre section d'instruction relève ce point.
Pour autant, le requérant ne précise pas en quoi cette circonstance a pu être de nature à exercer une influence sur le comportement des électeurs, indépendamment même de la prise en compte de l'important écart des voix. Il n'est pas sûr, en effet, que l'attachement des salariés de Renault à leur entreprise soittel qu'ils soient nécessairement incités à voter pour un candidat du seul fait que ce dernier a cru pouvoir en arborer les couleurs sur ses documents de propagande.
2° Grief relatif aux bureaux de vote :
Monsieur VAN ANDREWELT soutient que certains des bureaux de vote de la circonscription auraient été irrégulièrement composés :
- délégués et assesseurs désignés par lettre simple alors que l'article R. 46 prévoit une lettre recommandée ;
- caractère incomplet de certains bureaux.
Vous jugez que l'irrégularité de la composition des bureaux n'entraîne pas systématiquement l'annulation des suffrages qui y ont été émis. Tel n'est le cas que s'il apparaît que cette composition irrégulière a eu pour effet de rendre possible ou de favoriser des fraudes (14 juin 1978, Haute-Corse, 2ème circ.).
Or, le requérant ne soutient pas qu'en l'espèce les circonstances qu'il relève ont été de nature à favoriser des fraudes. Au demeurant, ces allégations sont particulièrement imprécises quant à la portée exacte des irrégularités invoquées.
Ce grief ne peut donc, de toute façon, être retenu.
3° Griefs relatifs à la tenue des listes d'émargement :
Monsieur VAN ANDREWELT fait valoir, constat d'huissier à l'appui, que dans certaines communes de la circonscription les listes d'émargement ne comportaient pas la mention de leur certification par le maire, prévue par l'article L. 62-1 du code électoral. Mais le requérant n'allègue cependant pas qu'elles n'aient pas été conformes aux listes électorales. En pareil cas, le grief est sans portée utile (31 octobre 1968, Guadeloupe, 3ème circ.).
Monsieur VAN ANDREWELT fait également valoir que certaines de ces listes n'étaient ni reliées, ni paginées ou ne comportaient qu'une seule zone d'émargement et qu'en outre certaines listes additives n'étaient pas datées. Mais il n'apporte aucune précision à l'appui de ce grief permettant d'apprécier dans quelle mesure ces éléments ont pu affecter la régularité des votes émis dans les bureaux correspondants ou en empêcher le contrôle. Le projet de la section vous propose de répondre sur ce terrain en réservant par un "en tout état de cause" la question - douteuse - de l'irrégularité de telles pratiques.
4° Contrôle de l'identité des électeurs :
Monsieur VAN ANDREWELT soutient que l'identité des électeurs n'aurait pas été vérifiée dans trois des communes de la circonscription, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 62 du code électoral. Mais ce grief est sans portée utile lorsque, comme en l'espèce, le requérant n'allègue pas que des électeurs non inscrits sur les listes électorales auraient pris part au vote - et qu'une telle circonstance ne ressort pas, par ailleurs, du dossier (12 juillet 1978, Guadeloupe, 2ème circ. ; 25 novembre 1988, Haute-Corse, 1ère circ.).
5° Dépouillement du scrutin :
Selon le requérant, plusieurs dispositions ont été méconnues à ce titre :
- l'article R. 62 du code électoral, selon lequel la liste d'émargement doit, dès la clôture du scrutin, être signée par les membres du bureau de vote avant qu'il soit procédé au dénombrement des émargements ;
- le premier alinéa de l'article L. 65 du même code, qui prévoit que ce dénombrement doit être effectué avant l'ouverture des urnes et le début du dépouillement ;
- le deuxième alinéa du même article qui prescrit de regrouper les enveloppes contenant les bulletins par paquets de cent, lesquels doivent être introduits dans des enveloppes cachetées et signées par le président du bureau et deux assesseurs ;
- enfin l'article L. 67 qui permet à tout candidat ou représentant qu'il a désigné de contrôler l'ensemble des opérations.
Lorsque ces dispositions ne sont pas respectées, les suffrages émis dans les bureaux correspondants peuvent être annulés, si les irrégularités présentent un caractère systématique révélant un comportement frauduleux (32 novembre 1988, Val-de-Marne, 10ème circ.).
Mais le grief est rejeté s'il n'est pas établi que cette irrégularité a eu pour effet de permettre des fraudes ou de provoquer des erreurs de calcul (12 novembre 1988, Val-de-Marne, 3ème circ.).
Or, si Monsieur VAN ANDREWELT relève l'absence, sur certaines listes d'émargement, des signatures requises par le code, il n'établit, ni d'ailleurs n'allègue que cette absence a pu favoriser des fraudes ou des erreurs dans le décompte des suffrages.
D'autre part, le requérant n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de l'allégation selon laquelle, dans les bureaux de
vote de cinq communes, les urnes auraient été ouvertes et le dépouillement commencé sans avoir au préalable établi le décompte des émargements. C'est donc en vain qu'il invoque votre décision du 23 novembre 1988 (Val-de-Marne, 10ème circ.) ou un tel grief a été retenu.
Enfin, Monsieur VAN ANDREWELT soutient également que des enveloppes contenant des bulletins par centaines n'auraient été ni cachetées, ni revêtues des signatures requises et que certains présidents de bureau de vote auraient empêché les délégués d'accéder aux procès-verbaux. Mais il n'apporte aucun élément précis et vérifiable à l'appui de ces allégations. En effet, la seule mention au procès-verbal concerne apparemment une altercation entre un délégué et le président d'un bureau de vote avant l'ouverture de ce bureau.
Rien de tout ceci ne paraît donc suffisant au regard notamment de l'avance très confortable de Monsieur HAGE pour remettre en cause son élection. C'est ce qui a conduit la troisième section à vous proposer un projet de rejet.
Monsieur FABRE : Nous avons ici une affaire facile mais je crains qu'on ne se lie les mains pour l'avenir. Ne serait-il pas plus sage de réserver les affaires qui posent des questions de comptes de campagne pour ne pas trop nous lier les mains dès le départ ?
Monsieur le Président : Oui, mais nous sommes pris par le temps et il faut bien que nous décidions des affaires dans un certain ordre.
Monsieur FABRE : Mais déjà ici on trouve un problème de bulletins, de tracts, donc incidemment des questions de financement.
Monsieur le Président : Nous prendrons garde à ne pas engager notre jurisprudence. En toute hypothèse, nous pouvons prendre cette affaire puisqu'elle ne se pose pas directement de problème de compte de campagne.
Monsieur LATSCHA : En ce qui concerne la question du contrôle de l'identité, nous avons déjà eu des jugements plus sévères et nous avons même annulé des voix pour non vérification de l'identité.
Monsieur le Président : Oui, mais ce sont des cas un peu différents.
Monsieur RUDLOFF : Oui, à l'occasion de notre décision de septembre relative au référendum sur Maastricht, nous n'avons annulé que les bureaux dans lesquels cette irrégularité se poursuivait en dépit d'observations.
Monsieur ARRIGHI de CASANOVA : Le requérant ne soutient d'ailleurs pas qu'il y a eu fraude.
Monsieur le Président : Il est hors de question d'annuler compte tenu du déroulement de l'ensemble de l'opération.
(Assentiments).
Monsieur ROBERT : Je suis sceptique sur l'utilisation du papier à en-tête de Renault. C'est vrai que c'est abusif. Mais je trouve que cela a pu influencer le comportement des électeurs. Il faudrait modifier, sur ce point, notre rédaction. Il est évident que l'importance économique de la régie Renault peut influencer certains électeurs. Ce qu'il faut dire c'est que le résultat des élections, lui, n'a pas été réellement touché.
Monsieur le Président : Nous avons affaire à un contentieux de masse. Je souhaite, en ce qui concerne la méthode, que ces observations soient faites au moment de la lecture plutôt que dans le courant de la discussion. Nous y verrons plus clair. Sur le fond, vous avez tout à fait raison. Qui d'autre souhaite intervenir ? Personne ? Alors vous pouvez lire !
(Monsieur ARRIGHI de CASANOVA commence la lecture. Monsieur le Président l'interrompt après le 2ème considérant).
Monsieur le Président : C'est là qu'est le problème soulevé par Monsieur ROBERT.
(Les conseillers modifient le projet dans le sens souhaité par M. Robert).
Monsieur le Président : Est-ce que le compte de campagne a retenu le coût de cet imprimé ?
Monsieur ARRIGHI de CASANOVA : La commission n'a fait aucune réformation.
Monsieur le Président : Il est vrai que ces dépenses sont très basses. Moins de 330 000 F.
Monsieur FAURE : De toutes les façons, le coût de ces bulletins doit être assez faible.
Monsieur le Président : Et le requérant ne demande pas la réintégration. Mais on peut améliorer la rédaction.
Monsieur SCHRAMECK lit une version définitivement retenue, qui fait allusion à la diffusion de l'imprimé.
Monsieur ARRIGHI de CASANOVA (termine la lecture).
Monsieur FAURE : Sur le contrôle de l'identité, il y a tout de même une irrégularité.
Monsieur LATSCHA : Oui, mais l'argument n'est pas si solide car il faudrait qu'il y ait eu une fraude.
Monsieur ARRIGHI de CASANOVA : La difficulté c'est que les irrégularités ne sont pas toutes établies. Certaines peuvent avoir une influence et d'autres non.
Monsieur le Président : On en garde aucune ?Monsieur ARRIGHI de CASANOVA : L'essentiel c'est la distribution irrégulière du document. Mais vous avez jugé que cela n'avait pas d'incidence sur le résultat.
Monsieur le Président : Compte tenu de notre débat je pense qu'il vaudrait mieux faire une référence finale à l'écart des voix.
(Assentiments).
(Le texte ainsi modifié est adopté à l'unanimité).
Monsieur ARRIGHI de CASANOVA :
Je me contenterai d'un rapport fort simple s'agissant de la requête 1303. Monsieur BORLOO a été élu au second tour dans la 21ème circonscription du Nord avec 63 % des voix soit 31 600 contre 18 500 à son adversaire Monsieur Fabien THIEME, candidat du parti communiste. Le requérant présente un seul moyen tiré de la distribution d'un tract dont le contenu n'est d'ailleurs pas diffamatoire dans les boîtes aux lettres le jour du second tour. Fondé sur un simple constat humain, cette circonstance n'est assortie d'aucun moyen tiré de l'ampleur ou du moment de la distribution. Le contenu de ce tract n'amène aucun élément nouveau. Compte tenu de l'écart de voix, il est donc sans incidence sur le résultat de l'élection. J'ajoute qu'il a également une allégation sans preuve d'un affichage sauvage avant de vous indiquer que la section d'instruction vous demande de rejeter cette requête.
Monsieur le Président : Cette affaire est très simple. Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose ? Alors lisez.
(Le texte est acquis à l'unanimité sans modification).
(Monsieur ABRAHAM remplace Monsieur ARRIGHI de CASANOVA à la table des rapporteurs-adjoints).
Monsieur ABRAHAM : Concernant l'affaire 93-1262 13ème circonscription du Rhône, je vous ai présenté un rapport le 7 juillet dernier. (Il rappelle les faits et la question de droit qui se pose).
Monsieur le Président : Le Conseil constitutionnel a déjà statué en partie sur cette affaire. Elle pose une question de principe et il faut la résoudre.
Madame LENOIR : Je ne suis pas d'accord avec le raisonnement proposé. En effet, il est clair que le but de M. Manovelli est
uniquement de ramasser de l'argent. Il nous arrive d'annuler des bulletins sans remettre en cause l'élection. Il faut que nous retenions ici les mobiles des candidatures.
Monsieur ROBERT : Je ne comprends pas cette intervention. Il y a des conclusions. Il y a une requête. Comment statuer en dehors de toute cela ?
Monsieur le Président : La difficulté c'est donc le 2ème considérant de la page 3.
Madame LENOIR : Pourquoi interdire toute possibilité d'annuler des bulletins ? Je ne crois pas qu'il faille se rallier à cette solution.
Monsieur FABRE : A ce moment-là, il faudrait supprimer les mots "dans le seul but".
Madame LENOIR : Mais si on avait des fausses signatures sur des candidatures, nous donnerions raison aux requérants.
Monsieur ABRAHAM : La rédaction de la page 3 répond aux conclusions de M. WOLF. Il demande en effet à bénéficier d'un avantage financier. C'est le sens de sa démarche. Sa requête n'a pas d'autres objets, le requérant estime que le juge est tenu de statuer à cause des conséquences financières.
Monsieur FABRE : A ce moment-là, on pourrait indiquer que le but est "allégué" ou "poursuivi" par le requérant.
Monsieur le Président : Mais non, ça va de soi, c'est ce qu'il demande. Je crois qu'il faut garder les mots "seul but".
Monsieur ABADIE : Moi j'avais demandé des précisions sur le grief de la page 2 au sujet des dépôts de candidatures. Il faut voir s'il y a bien une déclaration, car si un candidat avait déposé en temps voulu un retrait, le problème du report des voix se poserait vraiment.
Monsieur ABRAHAM : Je n'ai pas gardé un souvenir que le Conseil ait conclu dans cette affaire à un supplément d'instruction lorsque je l'avais déjà présentée.
Monsieur RUDLOFF : Non, c'était dans un autre dossier.
Monsieur le Président : Si vous voulez bien lire le projet.
(Monsieur ABRAHAM lit le projet).
Monsieur le Président : Est-ce que sur le texte même il y a d'autres débats ?
Madame LENOIR : Oui, sur la page 3 j'aurais préféré que nous retenions ce qui est dit page 2, ni annulation des bulletins ni
réintégration de voix à quelqu'un d'autre. C'est trop sévère de se fonder sur des motifs.
Monsieur RUDLOFF : Mais une fois encore, il faut se fonder sur ce qui est demandé. Nous avons dit que nous attirerions l'attention du Ministre sur cette question.
Monsieur le Président : Nous n'avons pas à reconstituer de manière arbitraire des voix.
Monsieur RUDLOFF : On pourrait annuler les bulletins de Mme Barbosa. Mais ce n'est pas cela qui nous est demandé.
Madame LENOIR : Il reste qu'on va déclarer ces recours irrecevables, alors que les candidats ont un intérêt à agir. C'est très grave.
Monsieur RUDLOFF : Supposons qu'une requête se contente de demander le paiement d'une somme d'argent. Elle serait irrecevable.
Monsieur ABADIE : Oui, oui.
Monsieur le Président : Il faut être très prudent. Nous ne sommes pas le juge de la répartition des voix. On risque d'aller vers des contentieux secondaires, purement dilatoires. Le Conseil n'a pas besoin de cela. Au contraire, il faut faire barrage à ce type de demande. Le requérant a abattu sa couleur.
Monsieur FAURE : Je suis d'accord avec vous, nous devons statuer comme on vient de le proposer.
Monsieur le Président : Je mets aux voix.
(Le vote est acquis à l'unanimité).
(M. GAUTIER remplace M. ABRAHAM à la table des rapporteurs adjoints).
Monsieur GAUTIER : Les huit affaires qui viennent maintenant en séance concernent à titre principal les requêtes de candidats de l'"Entente des écologistes - Génération écologie - Les Verts" qui dénoncent les manoeuvres frauduleuses et irrégularités commises par des candidats de mouvements écologistes dissidents ou adverses.
Elles sont dirigées en particulier contre les agissements de deux mouvements intitulés "Les nouveaux écologistes" et "Génération verte" qui auraient suscités partout en France des candidats dans le seul objectif de semer la confusion dans l'esprit des électeurs et d'entraîner une dispersion de voix au détriment des candidats de l'"Entente des écologistes".
Ces requêtes sont rédigées toutes selon le même modèle et comporte en première partie un argumentaire se rapportant au contexte général des élections.
Elles diffèrent entre elles essentiellement en ce que les griefs qu'elles exposent ont, préalablement à la tenue des élections, donné lieu à une saisine du juge judiciaire, qui selon les cas, s'est déclaré incompétent pour en connaître ou a ordonné la modification des bulletins des listes adverses voire leur mise sous séquestre.
Cette intervention du juge judiciaire a selon les circonstances pu avoir une incidence sur le déroulement du scrutin.
Le rapport sur le première requête exposera l'ensemble des griefs de l'entente des écologistes, mais dans un souci de concision les suivants ne répondront qu'aux griefs particuliers à l'espèce considérée ou aux arguments nouveaux.
Monsieur LALONDE candidat de l'"Entente écologiste - Génération écologie - Les Verts" et Monsieur LAGOUGE candidat sans étiquette nationale ont chacun adressé au secrétariat du Conseil constitutionnel une requête tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 21 et 28 mars 1993 dans la 1ère circonscription de Paris.
Ces élections ont été remportées au second tour du scrutin par Monsieur DOMINATI candidat UDF-PR par 18 633 voix contre Madame BERTINOTTI candidat PS qui obtenait 14 768 voix.
Arrivé en troisième position à l'issue du premier tour de scrutin avec 6 293 voix soit -à 1 109 voix près- moins de 12,5 % (= 7 302 voix) du nombre des électeurs inscrits dans la circonscription, Monsieur LALONDE n'a pu se maintenir au second tour.
Sur le nom de Monsieur LAGOUGE se sont par ailleurs portés 67 suffrages au premier tour.
RECEVABILITE DES REQUETES
Les requêtes demandant l'annulation de l'élection de Monsieur DOMINATI ont été adressées au secrétariat général du Conseil constitutionnel dans les délais prescrits. Elles sont présentées et signées par deux candidats ayant qualité pour agir. Elles sont fondées sur des griefs précis et sont donc recevables. Comme leurs conclusions sont identiques, elles seront jointes pour qu'il y soit statué par une seule décision.
EXAMEN DES REQUETES
1 ) Du grief tiré de l'abus de propagande électorale contenu dans la requête de Monsieur LAGOUGE
Monsieur LAGOUGE fait valoir dans sa requête que des tracts de Monsieur DOMINATI ont été diffusés au cours de la campagne électorale en violation de l'article L 165 du Code électoral.
Si pareille diffusion a bien été effectuée, comme en témoigne d'ailleurs la production de documents électoraux distribués sur la voie publique ou déposés dans les boîtes à lettres des électeurs, il n'est pas établi ni même allégué par le requérant qu'elles ont revêtu une ampleur telle que les résultats du premier tour de scrutin en auraient été affectés.
2) Des griefs contenus dans la requête de Monsieur LALONDE
La requête de Monsieur LALONDE est fondée sur la dénonciation de manoeuvres frauduleuses susceptibles d'avoir induit des électeurs en erreur du fait notamment de la contrefaçon par d'autres candidats du titre et du logo des bulletins de "l'Entente des écologistes - Génération écologie - Les Verts". Monsieur LALONDE s'élève en outre contre des irrégularités qui auraient été commises lors de la déclaration des candidatures de Madame KERCKEL de "Génération verte" et de Monsieur RIBARDIERE présentée par le mouvement des "Nouveaux écologistes".
L'appréciation de la requête implique l'examen au fond de trois questions :
- Y-a-t-il eu manoeuvres frauduleuses visant à fausser la sincérité du scrutin ?
- La préparation du scrutin était-elle régulière ?
- Les manoeuvres et irrégularités alléguées ont-elles été de nature à modifier le résultat des élections ?
2.1. Des moyens tirés des manoeuvres frauduleuses
Monsieur LALONDE développe dans une première partie de sa requête des considérations relatives au contexte général de l'élection qui vit "fleurir" partout en France plus de 1 500 candidats sous des étiquettes écologistes diverses. Il dénonce notamment les agissements de trois mouvements se déclarant de l'écologie qui auraient suscité des candidatures à seule fin de créer la confusion dans l'esprit des électeurs.
Il s'agit des mouvements des "Nouveaux écologistes" de "Génération verte" et de "L'alliance pour l'écologie et la démocratie".
Si l'on ne peut nier que la multiplicité des candidatures se plaçant sous une étiquette écologique ait entraîné une dispersion des voix qui a pu diminuer les scores enregistrés par l'"Entente des écologistes" notamment celui de la première circonscription de Paris, il n'est pas établi que ce phénomène ait causé un
préjudice particulier et exclusif aux seuls candidats de l'"Entente des écologistes" et en l'occurrence au requérant.
De surcroît la référence à l'écologie dans la dénomination d'un mouvement politique ne saurait être déclarée usurpée dès lors que ce qualificatif est largement passé dans le vocabulaire commun et qu'il traduit un courant de pensée ou des idées qui à l'époque actuelle sont largement reprises dans le discours ou les programmes des partis politiques. Il n'appartient pas enfin au juge de l'élection d'apprécier la sincérité de l'adhésion des candidats aux idées sont ils se réclament.
Si pour la clarté du débat public et le bon déroulement de la campagne électorale on peut regretter les conditions dans lesquelles ont été déclarées les candidatures des "nouveaux écologistes" et de "Génération verte", en particulier la connaissance tardive de l'étiquette sous laquelle les candidats de ce mouvement se sont finalement présentées aux électeurs. Il faut relever qu'aux termes des articles L. 154 et L. 155 et R. 99 du Code électoral l'étiquette politique d'un candidat n'a pas à figurer sur la déclaration que ce dernier doit déposer en préfecture avant chaque tour de scrutin.
D'ailleurs le Conseil constitutionnel a reconnu qu'un candidat était libre d'utiliser l'étiquette de son choix sur ses bulletins de vote (AN, Corse, 1ère circ., 9 juillet 1963 ; AN, Somme, 1ère circ., 7 juin 1978).
De surcroît il faut souligner que la déclaration de rattachement faite au titre de l'article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée et relative à la transparence financière de la vie politique est indépendante de l'étiquette que le candidat se sera finalement donnée pour l'élection.
Certes à la différence des espèces déjà jugées par le Haut Conseil (AN, Guadeloupe 2ème circ., 23 avril 1959), la question soulevée ici par Monsieur LALONDE ne porte pas sur la dénomination d'une candidature isolée mais sur une étiquette regroupant de nombreux candidats à travers toute la France, mais il ne semble pas que la jurisprudence puisse de ce fait en être infléchi au regard de l'effet produit circonscription par circonscription. Il convient de souligner en outre que l'"Entente des écologistes" a eu la possibilité d'informer et de mettre en garde ses partisans en dénonçant par tract et voie de presse "la floraison de pseudo écologistes" et en donnant une large publicité aux décisions ou attendus de jugements rendus par les tribunaux judiciaires devant qui les candidats des "Nouveaux écologistes" et de "Génération verte" étaient assignés pour fraude.
Monsieur LALONDE fait à ce stade valoir qu'il aurait été victime d'une rupture d'égalité par rapport aux autres candidats, du fait que le Tribunal de grande instance et la Cour d'Appel de Paris saisis de ces griefs de contrefaçons ou de propagande abusives
se seraient déclarés incompétent pour en connaître, à la différence de juridictions judiciaires d'autres ressorts. Cet argument est irrecevable pour deux raisons :
- la première est qu'en l'espèce le juge judiciaire en se déclarant incompétent pour connaître des contentieux relatifs aux actes préliminaires aux opérations électorales, a respecté les règles régissant sa compétence (AN, Aisne, 3 juillet 1986, affaire LIPKA) ;
- la seconde résulte du fait que l'égalité entre les candidats, s'apprécie pour une élection législative au plan local entre les candidats d'une même circonscription.
En constatant leur incompétence pour statuer sur les demandes de Monsieur LALONDE, le Tribunal de grande instance et la Cour d'Appel de Paris n'ont donc pas modifier les conditions objectifs du scrutin dans la 1ère circonscription de Paris.
Tout au plus peut-on prétendre que les interprétations divergentes du droit électoral par le juge judiciaire ont entraîné une différence de traitement au plan national entre des candidats de l'"Entente des écologistes" ce qui est bien sûr là aussi sans effet sur le résultat du scrutin de la 1ère circonscription de Paris.
En ce qui concerne spécifiquement les arguments tirés de manoeuvres qui seraient intervenus dans la première circonscription de Paris sous forme de plagiat du titre et du logo de l'"Entente des écologistes" sur les documents de propagande et supports électoraux des candidats n'appartenant pas à ce mouvement, il faut déterminer premièrement si cette contrefaçon supposée des bulletins et affiches est manifeste et délibérée, si deuxièmement elle a pu faire naître une équivoque susceptible d'induire les électeurs en erreur.
L'examen des sigles et du graphisme des bulletins électoraux des quatre candidats "écologistes" de la 1ère circonscription de Paris autre que celui de l"Entente des écologistes" à savoir :
- M. Bernard CORNUT (Solidarité écologiste gauche alternative),
- Monsieur Jacques RIBARDIERE (Nouveaux écologistes),
- Monsieur GARBARZ (Ecologie, citoyenneté et laïcité),
- Mme Emilienne HERCKEL (Génération verte)
montre que seuls les bulletins de Madame HERCKEL ont manifestement cherché à imiter ceux de Monsieur LALONDE.
L'intitulé, "Génération verte" est voisin de "Génération écologie", par ailleurs les types de caractères utilisés sur les bulletins sont très proches de ceux figurant sur les bulletins
de l'"Entente des écologiste - Génération écologie - les Verts" et jouent sur la superposition et le décalage des lettres de l'un et l'autre cas.
C'est pourquoi l'absence d'envoi de professions de foi et de bulletins du mouvement "Génération verte" à la commission de propagande apparaît particulièrement suspecte.
Cependant même s'il y a eu une intention frauduleuse, celle-ci vu les résultats obtenus par Madame HERCKEL 199 voix soit 0,54 de suffrages exprimés, n'a guère atteint son but.
La notoriété de Monsieur LALONDE fondateur animateur réputé de "Génération écologie" rend d'ailleurs peu crédible l'idée que les électeurs aient pu se méprendre sur le candidat écologiste en faveur duquel il votait.
La préparation du scrutin a-t-elle donné lieu à des irrégularités ?
Monsieur LALONDE soutient que la candidature de Monsieur RIBARDIERE du mouvement des "Nouveaux écologistes" serait irrégulière d'une part parce qu'à l'instar d'autres candidats de ce mouvement sa déclaration ne serait revêtue de sa propre signature et ne comporterait pas l'acceptation écrite du remplaçant, d'autre part parce que la caution versée lors du dépôt de candidature, l'aurait été par un mandataire Monsieur MANOVELLI.
Il ne ressort pas cependant de l'instruction et des pièces communiquées par le requérant que la candidature de Monsieur RIBARDIERE n'ait pas respecté les formalités de dépôt prévues par les articles L. 154 et suivant du Code électoral.
Par ailleurs l'article L. 158 du Code électoral prévoit "que chaque candidat doit verser entre les mains du Trésorier payeur général...un cautionnement". Mais il ne précise aucunement l'obligation pour le candidat de déposer lui-même cette somme.
Dès lors que la caution de Monsieur RIBARDIERE a bien été versée, Monsieur LALONDE ne saurait prétendre que la déclaration de candidature de celui-ci est irrégulière faute de l'accomplissement d'une formalité substantielle. Quant au préfet s'il lui appartient de saisir le tribunal administratif en application de l'article L. 159 dès lors qu'il constate qu'une déclaration de candidature ne remplit pas la condition, pour être régulièrement enregistrée, il ne peut refuser d'enregistrer une candidature irrégulière a fortiori lorsque la contestation ne porte pas sur l'omission matérielle d'une des formalités mais sur l'interprétation d'un article du Code électoral qui la prévoit (AN, Oise 1ère, 17 juin 1986).
En considérant régulier le versement d'une caution par une tierce personne au nom d'un candidat et en enregistrant la candidature de Monsieur RIBARDIERE, le préfet n'a pas non pas comme le prétend le requérant "laissé sciemment s'exécuter une manoeuvre".
Les manoeuvres et irrégularités alléguées auraient-elles été de nature à modifier le résultat des élections ?
Si l'on totalise les voix obtenues au 1er tour par Madame KERCKEL et Monsieur RIBARDIERE (candidats les plus directement mis en cause par le requérant) et qu'on les ajoute aux résultats de Monsieur LALONDE on obtient un score supérieur de 182 voix à celui de Madame BERTINOTTI arrivée en 2ème position, sans parvenir toutefois au seuil des 12,5 %.
A supposer qu'en l'absence des candidatures de Madame HERCKEL et de Monsieur RIBARDIERE, Monsieur LALONDE ait obtenu ce résultat, il serait demeuré seul en lice contre Monsieur DOMINATI au second tour. Or il faut noter qu'au deuxième tour la victoire de Monsieur DOMINATI a été obtenue avec 18 633 voix soit près de 4 000 voix de plus que le score de son adversaire. Aussi, il est difficile de suivre le requérant lorsqu'il soutient que du fait de sa seule présence au second tour l'avantage des 4 000 voix obtenues par Monsieur DOMINATI aurait été réduit à rien. C'est pourquoi l'annulation des opérations électorales dans la première circonscription de Paris aurait comme principale conséquence de sanctionner l'élection de Monsieur DOMINATI confortablement élu.
Monsieur le Président : Très bien, qui demande la parole ? Personne ? Nous avons déjà vu ces questions sous d'autres angles mais la rédaction risque de poser des problèmes. Vous pouvez lire.
Monsieur GAUTIER procède à la lecture du projet.
Monsieur le Président : "N'a pu d'aucune manière" c'est un peu dur, puisqu'au contraire il a pu influencer les élections.
Monsieur ABADIE : Au sujet de la page 3, la difficulté du considérant sur le refus de candidature, c'est que on ne statue pas sur le cas où il y aurait une irrégularité manifeste.
Monsieur le Président : Mais le préfet n'a pas le pouvoir de refuser. Je vous rappelle les termes de l'article L.O. 159.
Monsieur ABADIE : D'accord, mais alors il faut supprimer "dont la régularité serait contestée".
(Assentiments).
Madame LENOIR : Sur le considérant précédent, on pourrait mettre "utilement".
Monsieur GAUTIER : "Utilement" vise plutôt le cas où il n'est pas fondé à intervenir.
Monsieur le Président : Contentons-nous de la suppression et poursuivons.
Monsieur GAUTIER achève la lecture.
Monsieur le Président : A la page 4, si une diffusion n'est pas établie, vous ne pouvez pas la regretter (assentiments). Il vaut mieux supprimer cela.
Monsieur LATSCHA : Et page 5 il ne s'agit pas de la sincérité du scrutin mais du résultat des élections.
(Le vote est acquis à l'unanimité, avec ajout d'un visa relatif à la loi du 11 mars 1988 et une correction de forme sur le visa de cette loi page 4).
Monsieur GAUTIER : Monsieur Dominique JULIEN LABRUYERE candidat de l'Entente des écologistes" et Monsieur Jean-François CORDET candidat de "Génération verte" ont adressé dans les délais requis au secrétariat général du Conseil constitutionnel chacun une requête n° 93-1240 et 1358 tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 21 et 28 mars 1993 dans la 2ème circonscription des Yvelines. Ces requêtes étant recevables, elles seront jointes pour qu'il y soit statué par une seule décision.
A l'issue du premier tour de scrutin Monsieur JULIEN LA BRUYERE est arrivé en 3ème position avec 6 558 voix soit à 2 268 suffrages près moins que le seuil des 12,5 %
Il soutient dans sa requête qu'il a été victime de manoeuvres frauduleuses et d'irrégularités qui ont affecté ses propres résultats et la nature du scrutin, il fait notamment valoir que la candidature de Madame GARCIA des "Nouveaux écologistes" et de Monsieur CORDET de "Génération verte" serait irrégulière et que l'intitulé de leur mouvement et la contrefaçon du logo de l'"Entente des écologistes" sur les documents de propagande de "Génération verte" ont pu tromper les électeurs, et le priver des voix qui lui auraient permis de franchir la barre des 12,5 % et d'être alors présent au second tour.
Si l'on suit en effet le raisonnement du requérant, en additionnant à ses voix les 1 254 suffrages de Madame GARCIA et les 578 bulletins de Monsieur CORDET, son score est supérieur à celui de Monsieur Alain GRIBE classé second, sans toutefois parvenir au seuil des 12,5 % du nombre des électeurs inscrits dans la circonscription.
Les moyens de la requête de Monsieur JULIEN LABRUYERE sont les mêmes que ceux utilisés dans la requête précédente, il y sera donc répondu de manière identique qu'il s'agisse :
- des pouvoirs du préfet en matière d'enregistrement des candidatures ;
- du choix de son étiquette électorale par un candidat et de son affiliation à un parti ou mouvement politique ;
- du versement de la caution par un tiers ;
- de l'utilisation de la référence à l'écologie par d'autres candidats, que ceux de l'"Entente des écologistes" ;
Il est de surcroît rappelé dans le projet de décision qui vous est soumis de Madame GARCIA et Monsieur CORDET n'étaient pas tenus aux termes des articles L. 166, L. 167, R. 37 et R. 38 du Code électoral d'adresser leurs documents électoraux à la commission de propagande de leur inscription.
En ce qui concerne les circonstances de l'élection dans la 2ème circonscription des Yvelines, il faut en outre souligner que Monsieur JULIEN LABRUYERE a eu la possibilité d'alerter l'opinion sur les risques de confusion entre sa candidature et celle de mouvements se réclamant de l'écologie, notamment en donnant une large publicité à un arrêt de la Cour d'appel de Versailles qui lui était favorable.
En effet dans cette affaires préalablement à la tenue de l'élection, Monsieur JULIEN LABRUYERE a saisi en référé le juge judiciaire afin d'obtenir le retrait des bulletins de Monsieur CORDET de faire interdire à ce dernier l'utilisation de l'étiquette "Génération verte".
Réformant une décision du Tribunal de Grande Instance qui déclinait sa compétence, la Cour d'appel de Versailles par un arrêt du 19 mars 1993 a enjoint à Monsieur CORDET de cesser d'utiliser sur ses documents électoraux et bulletins de vote "la mention "Génération verte" dans son graphisme actuel" et a ordonné l'affichage de cette décision dans les bureaux de vote.
Aussi la requête jointe de Monsieur CORDET tend à faire constater que cette intervention du juge judiciaire qui n'était pas compétent pour connaître de cette manière, lui a été préjudiciable et l'a privé des suffrages de nombreux électeurs.
Monsieur CORDET a raison lorsqu'il soutient que l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles a outrepassé sa compétence.
En effet, en vertu de l'article 59 de la Constitution le contentieux de l'élection des députés relève de la compétence du Conseil constitutionnel.
Une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel récemment réaffirmée dans une affaire LIPKA (Conseil constitutionnel du 3 juillet 1986, Aisne) indique que les décisions administratives de même que les jugements rendus par le tribunal administratif dans les cas mentionnés aux articles L. 154 et L.O. 160 du Code électoral, qui sont relatifs à l'enregistrement ou au refus d'enregistrement de déclarations de candidature, constituent des décisions, préliminaires aux opérations électorales et ne peuvent être contestées que devant le juge de l'élection.
Le Tribunal des conflits dans une jurisprudence très claire (TC 26 juin 1989 préfet de la Seine-St-Denis) a posé strictement le même principe, réaffirmant le bloc de compétence du juge administratif en matière d'élection locale et censurant les jugements ou ordonnances prononcées par le juge civil à l'occasion d'élections municipales.
Par ailleurs les moyens avancés par Monsieur JULIEN LABRUYERE dans son assignation n'évoque que la perspective d'un contentieux électoral issu de manoeuvre ayant pour objet de porter atteinte à l'égalité de candidats et à la validité du scrutin, et ne fait pas état d'agissements assimilables à la réalisation d'un délit pénalement sanctionné ou portant atteinte à la vie privée.
Il ressort donc de ce qui précède que c'est à tort que la Cour d'Appel de Versailles s'est en l'espèce déclarée compétente et qu'il ne lui appartenait pas d'enjoindre la suppression de mentions dans les documents électoraux d'un candidat enregistré conformément aux dispositions de l'article L. 155 du Code électoral, ni d'ordonner l'affichage de son arrêt dans le bureau de vote.
Cependant pour regrettable que soit cette décision il faut reconnaître qu'elle sanctionnait un comportement manifestement déloyal de la part du candidat de "Génération verte" en outre elle n'a été que partiellement exécutée et ne paraît pas de nature à avoir pu modifier de façon déterminante l'issue du premier tour de scrutin et est donc sans effet sur le résultat final de l'élection.
En effet Monsieur CORDET candidat de "Génération verte" n'a obtenu que 578 voix. Or il en fallait au moins 8 826 pour être présent au second tour.
En ce qui concerne la candidature de Mme GARCIA, les vérifications des pièces déposées lors de la déclaration montre qu'elle n'est pas formellement contestable.
L'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 21 et 28 mars 1993 dans la 2ème circonscription des Yvelines aurait donc comme conséquence de sanctionner injustement Monsieur Franck BOROTRA qui fut élu avec 67,23 % des suffrages exprimés et un avantage incontestable de 1 5 274 sur le seul adversaire restant au second tour. Il ressort de tout ce qui précède que les
requêtes de Messieurs JULIEN LABRUYERE et CORDET doivent être rejetées.
Monsieur le Président : Lecture !
Monsieur GAUTIER (lit le projet).
Monsieur le Président : Page 4, je propose qu'on supprime la référence à l'exécution partielle de l'arrêt. Les autres corrections sont identiques au cas précédent.
(Le vote est acquis à l'unanimité).
Monsieur GAUTIER : Monsieur Sylvain DANDONNEAU candidat de l'"Entente des écologistes et de Monsieur DEBROSSE candidat de "Génération verte" dans la 12ème circonscription du département des Yvelines ont adressé au Secrétariat général du Conseil constitutionnel une requête (n° 93-1241) tendant à l'annulation des élections législatives des 21 et 28 mars 1993 remportées par Monsieur Jacques MASDEU-ARUS (RPR).
Monsieur Sylvain DANDONNEAU arrivé en 4ème position au premier tour avec 4 036 voix soit moins de 12,5 % des électeurs inscrits (12,5 % : 7 781 voix) n'a donc pu se maintenir au second tour.
Monsieur Gilbert DEBROSSE également candidat dans la 12ème circonscription du département des Yvelines sous l'étiquette "Génération verte" a obtenu lui 801 voix au premier du scrutin arrivant en 17ème place.
Au second tour, Monsieur Jacques MASDEU-ARUS RPR a été réélu avec 23 899 voix (soit 60,7 % des suffrages exprimés) contre Madame Marie-Annick TRENTAROSSI PS qui recueillait 15 467 voix.
Les requêtes demandant l'annulation de l'élection de Monsieur Jacques MASDEU-ARUS ont été adressées au secrétariat du Conseil constitutionnel dans les délais prévus.
Monsieur Sylvain DANDONNEAU et Gilbert DEBROSSE étant candidats dans la 12ème circonscription des Yvelines ont qualité pour agir.
Leurs requêtes sont fondées sur des griefs précis.
Monsieur Sylvain DANDONNEAU considère qu'il a été empêché de se maintenir au 2ème tour de scrutin du fait d'un détournement des voix écologistes vers Mme LOUVET et Monsieur Gilbert DEBROSSE respectivement candidat. "Des nouveaux écologistes" et "Génération verte". Monsieur Sylvain DANDONNEAU considère en effet que ces candidatures étaient irrégulières et manifestement suscitées de façon à fausser l'expression du suffrage universel. Il s'appuie principalement sur un arrêt de la Cour d'appel de Versailles interdisant la diffusion de documents électoraux notamment des bulletins de votes de Monsieur Gilbert DEBROSSE. Celui-ci à l'inverse nie que l'utilisation de l'étiquette "Génération verte" était une manoeuvre et conteste le bien-fondé de l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles dont il soutient
qu'il a en revanche nuit gravement à la sincérité du scrutin du 21 mars 1993.
Les requêtes sont sur tous leurs points à celle précédemment examinée.
Il est proposé d'y réponde de la même manière tant ce qui concerne le mal fondé et l'incidence de la décision de la Cour d'appel de Versailles sur le déroulement des élections, qu'en ce qui concerne tous les autres moyens à savoir :
. les conditions d'enregistrement des candidatures "Génération verte" et "Nouveaux écologistes" ;
. le choix d'une étiquette électorale et la déclaration d'affiliation à un parti ou mouvement politique ;
. le versement d'une caution par un tiers ;
. l'utilisation de la référence à l'écologie par d'autres candidats que ceux de l'"Entente des écologistes".
Il est également signalé que la candidature de Monsieur LOUVET du "Mouvement des nouveaux écologistes" est des plus sérieuses. Monsieur LOUVET conseiller régional ayant d'ailleurs auparavant été élu sur une liste "Génération écologie".
Il est proposé au Conseil constitutionnel que les requêtes de Messieurs DANDONNEAU et DEBROSSE soient rejetées.
Monsieur le Président : Il n'y a pas là de gros problèmes.
Monsieur SCHRAMECK : J'attire toutefois l'attention du Conseil sur les affaires 1244 et 1245 dans lesquelles l'avocat a évoqué des candidatures "Génération verte" alors qu'il n'y en avait pas.
Monsieur le Président : Bien, il faudra modifier à ce moment-là. Est-ce que cela se pose pour l'affaire 1244 ?
Monsieur GAUTIER : Oui, cette requête est présentée par Madame Josette BENARD candidate de l'"Entente des écologistes" dans la 1ère circonscription du Calvados. Madame BENARD a obtenu au 1er tour 4 670 voix et est arrivée en 3ème position à 2 725 voix d'écart du candidat socialiste Monsieur MEVEL arrivé en 2ème place.
A) Par ailleurs en additionnant à ses voix, comme le suggère Madame BENARD, les bulletins des candidats écologistes mis en cause (Madame POULAIN des "nouveaux écologistes", Monsieur DUFOUR "l'écologiste ni à droite ni à gauche" ont obtenu un score de 7 310 suffrages, inférieur au résultat de Monsieur MEVEL arrivé en second et en-dessous du seuil des 12,5% (8 277 voix).
A l'issue du second tour du scrutin, Monsieur François SAINT- ELLIER candidat UDF-PR a été élu avec 23 185 voix soit 59,82% des suffrages exprimés.
Dans cette affaire il n'y a eu aucune saisine préalable du juge judiciaire et les moyens sont identiques à ceux généralement développés dans les requêtes des candidats de l'"Entente des écologistes" dans les autres circonscriptions, il y sera répondu de même, en outre seront rejetés les arguments particuliers avant - le mémoire en défense du Monsieur SAINT-ELLIER quoique signé par une tierce personne est régulier seule la requête introductive doit en effet être signée de son auteur.
Faute d'un commencement de preuve, il n'est pas possible de retenir le grief tiré de l'irrégularité du financement du mouvement des "écologistes ni à droite ni à gauche" qui, à supposer qu'elle soit dûment établie, serait sans influence sur le résultat du scrutin.
Les griefs visant "Génération verte" seront déclarés sans objet dès lors qu'aucun candidat de ce mouvement ne se présentait dans la 1ère circonscription du Calvados.
Je vous propose donc, compte tenu de ce qui a été dit, une modification du premier considérant. En revanche dans l'affaire concernant M. Mamère, n° 93-1248 et n° 93-1339, ce problème ne se pose pas. Il s'agit de deux requêtes concernant les opérations électorales qui ont eu lieu dans la troisième circonscription de Bordeaux et qui demandent l'annulation de l'élection de Monsieur Gérard CASTAGNERA RPR. (Par ailleurs, décédé dans le courant de l'été et remplacé par son suppléant Monsieur J.C. BARRAN).
Les requêtes sont présentées l'une par Monsieur Noël MAMERE candidat de "l'entente des Ecologistes" d'autre par Monsieur Francis VERDIERE candidat de "génération verte".
Les arguments exposés par Monsieur Noël MAMERE dans sa requête sont identiques à ceux utilisés dans les requêtes des autres candidats de "l'Entente des écologistes déjà examinés. Nous ne les reprendrons pas en détail, renvoyant à la lecture des considérants du projet de décision. En revanche cette affaire se distingue des autres en deux points :
- d'une part la forte ingérence du juge judiciaire dans le déroulement des opérations préliminaires aux élections ;
- d'autre part les résultats très serrés entre les candidats tant au premier qu'au second tour.
Il a en effet manqué 212 voix à Monsieur MAMERE pour se maintenir au second tour alors que les listes écologistes adverses totalisaient 1269 suffrages :
422 pour Monsieur WENDZINSKI "union écologie et démocratie"
841 pour Madame COYAUT "des nouveaux écologistes"
6 pour Monsieur VERDIERE de Génération verte
Monsieur CASTAGNERA a été élu au second tour avec seulement 1 052 voix de plus que Monsieur BARANDE candidat socialiste et à peine plus de 51 % de suffrages exprimés.
I ° Le tribunal de grande instance de Bordeaux a en effet interdit par une ordonnance de référé en date du 19 mars 1993 à Monsieur VERDIERE d'utiliser la dénomination "génération verte", lui a enjoint le retrait de tous "documents", bulletins de vote ou affiche portant ce titre et a demandé leur mise sous séquestre.
Cette décision a été pleinement exécutée de sorte qu'aucun des bulletins de Monsieur VERDIERE n'était à la disposition des électeurs dans les bureaux de vote le 21 mars.
Monsieur VERDIERE qui n'a obtenu que six voix (bulletins que des électeurs avaient emportés avec eux le jour du vote) fait valoir qu'il a été lésé et privé de nombreux suffrages du fait de cette décision de l'autorité judiciaire.
Sans revenir sur la grave anomalie que constitue la décision du juge judiciaire, et sur ses effets malheureux, il nous semble que par souci de cohérence avec le raisonnement suivi jusqu'ici dans les autres décisions, il faut considérer que Monsieur VERDIERE a bien cherché à imiter les documents de propagande de l'"Entente des écologistes" et qu'il ne saurait de ce fait avoir gain de cause même si les conséquences de la décision erronée du juge judiciaire ont été particulièrement lourdes pour lui.
D'un autre côté on peut tirer argument de l'exécution de cette décision pour rejeter les conclusions de Monsieur Noël MAMERE.
2° Les candidatures de Monsieur VENDZINSKI "union écologie et démocratie" et de Madame COYCAUT "de nouveaux écologistes" ont été régulièrement déclarées et enregistrées.
3° Dès lors que, dans les circonscriptions de l'espèce la décision du juge judiciaire et les commentaires qu'elle a suscitée localement ont permis de clarifiés les conditions de la concurrence entre les diverses listes écologistes, l'écart de voix entre Monsieur MAMERE et Monsieur BARANDE arrivé en seconde position à l'issue du premier tour de scrutin ne saurait être considéré comme un élément pouvant influencer votre décision de manière déterminante.
II vous est donc proposé de rejeter les requêtes de Messieurs MAMERE et VERDIERE.
Monsieur le Président : Bien, vous ne lirez désormais que ce qui change d'une décision à l'autre.
Monsieur GAUTIER (lit le projet).
(Le vote est acquis à l'unanimité).
Monsieur GAUTIER : Monsieur Denis MAURER, candidat de l'"Entente des écologistes" a adressé au secrétariat du Conseil constitutionnel une requête n° 93-1247 tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 21 et 28 mars 1993 dans la 4ème circonscription du Bas-Rhin. A l'issue de ce scrutin Monsieur DURR candidat sortant a été réélu avec 70,46 % du suffrage exprimé.
Monsieur MAURER arrivé en troisième position avec un nombre de voix inférieur à 12,5 %
Il dénonce notamment la candidature de Monsieur Alain FROMONT du mouvement des "Nouveaux écologistes" qui a obtenu 3 065 voix.
Il estime que si cette candidature qu'il considère irrégulière, n'avait pas été enregistrée, il aurait pu se prévaloir d'un nombre de voix suffisant pour être placé en deuxième position au premier tour et participer de ce fait au second tour de scrutin.
Cette affaire sur le fond est identique à celle examinée dans la 1ère circonscription de Paris, avec une petite spécificité, car le juge judiciaire n'est pas intervenu en référé mais après ??? sur requête. Ainsi le juqe ne s'est-il pas déclaré incompétent mais a considéré que la procédure sur requête en l'espèce est irrecevable.
Cette décision est neutre pour l'élection. Il conviendra cependant dans le considérant de rappeler les rèqles de compétence en matière électorale :
- le préfet ne pouvait refuser d'enregistrer la candidature de Monsieur Alain FROMONT pour des motifs autres que ceux visés par l'article L. 0160 du Code électoral,
- le versement d'une caution par un tiers n'est pas irrégulier,
- le choix d'une étiquette et la déclaration d'affiliation à un parti ou mouvement politique n'est pas obligatoire,
- la référence à l'écologie est passée dans le langage courant.
On constatera par ailleurs dans le projet de décision que les observations et conclusions relatives au mouvement "Génération verte" contenu dans la requête sont sans objet dès lors qu'aucun candidat de ce mouvement ne se présentait pas dans la 4ème circonscription du Bas-Rhin.
Il est proposé que la requête soit rejetée. Je poursuivrai avec la requête n° 93-1243 présentée par Monsieur FORESTIER candidat de la 4ème circonscription du Haut-Rhin et tendant à l'annulation des opérations électorales qui s'y sont déroulées les 21 et 28 mars 1993 est recevable. Monsieur FORESTIER considère qu'il a été victime de la part de Mme FREYNET candidate du mouvement des "Nouveaux écologistes" d'une concurrence déloyale, qui l'a privé du nombre de voix nécessaires à son second tour. Monsieur FORESTIER est arrivé en 3ème position avec 4 356 voix soit un écart de 269 voix par rapport au candidat du Front national Monsieur JURY arrivé en 2ème place totalisant moins de 12,5 % des électeurs inscrits dans la circonscription. Les arguments exposés dans les mémoires de Monsieur FORESTIER sont les mêmes que ceux utilisés dans les autres requêtes de l'entente des écologistes :
- référence abusive à l'écologie ;
- irrégularité de la déclaration des candidatures de Madame FREYNET (caution déposée par un tiers, non déclaration d'affiliation à un parti politique etc...).
Il faut indiquer dans cette affaire que :
- le TGI de Mulhouse a rejeté la procédure sur requête introduit par le candidat de l'entente des écologistes et n'a donc pas interféré dans le déroulement de l'élection ;
- mais il convient de souligner les conditions particulièrement ambiguës de l'engagement de Mme FREYNET dans cette élection ;
- la candidate affirme dans une lettre avoir signer une déclaration de candidature en blanc sans connaître la circonscription dans laquelle l'affectait Monsieur MANOVELLI ;
- sensible aux arguments contre la vivisection développés par le rassemblement nature et animaux, elle s'est abstenue de toute participation dans la campagne électorale ;
- elle a été enregistrée à la Préfecture sous son nom de jeune fille comme FREYNET alors qu'elle est connue dans la vie
courant sous son nom d'épouse DUFRAIGNE. Comme elle habite un autre département que celui du Haut-Rhin, le candidat de "l'entente des écologistes" se plaint de n'avoir pas pu identifier son adversaire ce qui selon lui aurait faussé les conditions d'une concurrence loyale devant les électeurs.
A ce stade de l'exposé il convient de rappeler :
- que Monsieur FORESTIER ne demande pas explicitement de sa requérante l'annulation des bulletins de Mme FREYNET ;
- qu'il résulte du Code civil que la femme mariée n'a pas d'autre nom que son nom patronymique qu'elle tient de son père et que la déclaration de candidature sous le nom de FREYNET était donc régulière ;
- que formellement les déclarations de Mme FREYNET et de son suppléant sont authentiques et dûment signées par eux- mêmes ;
- que Monsieur FORESTIER demande sans démarche du juge de constater réparation du résultat du scrutin et que cette réformation n'est pas nécessaire à l'examen des conclusions de sa requête ;
- que seule une interprétation audacieuse de l'article L. 156 qui prévoit que "nul ne peut être candidat dans plus d'une circonscription" pouvait éventuellement permettre d'invalider la candidature de Mme FREYNET et par conséquent d'annuler ses bulletins.
Il faudrait alors soutenir que Mme FREYNET ne connaissant pas la circonscription dans laquelle elle allait être candidate, ne pouvait s'opposer à une manipulation de la part de son mandataire et au risque d'être présenté par Monsieur MANOVELLI dans plus d'une circonscription (thème du mandat).
Cette interprétation nous paraissant assez précaire il est proposé à votre Haut Conseil de ne pas la suivre et pour cela, de rejeter la requête de Monsieur FORESTIER tendant à l'annulation de l'élection de Monsieur UEBERSCHLAG. Il y a un tout petit problème, c'est qu'il y a des cas où le juge s'est déclaré incompétent et des cas dans lesquels où il déclare la requête irrecevable. Il y a là une légère nuance.
(Il lit une correction du 1er considérant de la décision).
Compte tenu de cela, il faut modifier légèrement le considérant initial de la décision 1226.
(Assentiments).
(Il lit les modifications des décisions 93-1243 et 93-1247).
Monsieur le Président : Bien, je vous remercie pour ce marathon. Il nous reste l'affaire de Monsieur DRAY.
(Monsieur POCHARD remplace Monsieur GAUTIER).
Monsieur POCHARD : La requête de Monsieur CHARRIN n° 93-1229 est dirigée contre Monsieur Julien DRAY (P.S.), élu député dans la 10ème circonscription de l'Essonne. Monsieur DRAY l'emporte de 253 voix sur Monsieur CHARRIN (UPR - PR), pour un total d'un peu plus de 35 000 suffrages exprimés (soit 17 755 contre 17 502).
Deux griefs sont présentés par Monsieur CHARRIN :
- l'un à peine articulé, non étayé de la moindre preuve : des inscriptions obscures sur certains panneaux. Ce grief mérite à peine d'être mentionné ;
- l'autre, plus grave : la distribution irrégulière de tracts.
Monsieur CHARRIN signale déjà la diffusion de tracts par Monsieur DRAY, le samedi 27, de 11 h 30 à 12 h 30, mais il n'allègue pas un instant que ces tracts ont comporté un quelconque élément polémique. Surtout, Monsieur CHARRIN évoque des incidents plus graves qui apportent quelques explications complémentaires sur les conditions dans lesquelles se sont déroulées les élections législatives de mars 1 993 dans la 10ème circonscription de l'Essonne.
Ces élections ont été marquées par une primaire inorganisée à droite : Monsieur Bernard BERTRY (RPR), Président du Mouvement solidarité participative (MSP), qui vous est présenté comme l'aile gauche du RPR, a en effet maintenu sa candidature au premier tour contre Antoine CHARRIN, investi par l'UPF. Il recueillera 8,69 % des suffrages contre 23,37 % à Monsieur CHARRIN. A l'issue du scrutin, Monsieur Bernard BERTRY n'a pas donné de consigne à ses électeurs pour le second tour, ce qui témoigne d'une réserve importante vis-à-vis de Monsieur CHARRIN.
Un incident va alors se produire entre les deux tours, entraînant un raidissement supplémentaire de Monsieur BERTRY contre Monsieur CHARRIN : ce dernier sort un tract dit de "mobilisation générale" dans lequel il cite le nom de 7 élus appelant à voter pour lui. Ce tract n'appelle pas d'observation, mais il se trouve qu'un autre tract se trouve parallèlement diffusé, de même présentation, quoique avec des caractères légèrement différents, et de même nature, c'est-à-dire d'appel à la mobilisation générale, mais cette fois avec huit noms d'élus appelant à voter CHARRIN, le huitième nom étant celui de Monsieur BERTRY. Celui-ci a alors fait diffuser les vendredi 16 et samedi 27 mars un tract hostile et même violent et diffamatoire à l'encontre de Monsieur CHARRIN.
Ce tract est intitulé "CHARRIN l'imposteur", en caractères gras, et se termine par cette phrase : "Je préfère combattre, de face, un adversaire déclaré que d'avoir derrière moi un "allié" anti- gaulliste prêt à me poignarder pour conquérir un siège qu'il n'a pas la compétence d'occuper".
Le tract ne comporte pas en lui-même de consigne de vote, mais on y trouve la formule : "Je regrette que le vote blanc ne soit pas encore comptabilisé". Autant dire que Monsieur BERTRY conseille l'abstention.
Ces incidents sont-ils de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin ? Ils peuvent nous inciter à en décider ainsi :
- le faible écart de voix ;
- la vigueur du tract de Monsieur BERTRY, ce qui laisse à penser qu'il n'a pas pu avoir d'influence sur les électeurs de ce dernier.
On notera inversement :
- qu'il ne peut être imputé au candidat élu, ce que vous relevez toujours, y compris en cas de tract diffamatoire (1er octobre 1981, Calvados, 3ème circ., p. 158). Il est même difficile de ne pas imputer le tract à des amis de Monsieur CHARRIN, sauf à imaginer une manoeuvre machiavélique de Monsieur BERTRY, qui aurait modifié le tract CHARRIN pour pouvoir mieux poignarder ce dernier. Cela ne ressort absolument pas du dossier et ce n'est pas allégué. Il n'y a pas eu manoeuvre de la part de Monsieur DRAY ;
- deuxième élément conduisant à hésiter sur une annulation : la prise de position de Monsieur BERTRY par tract de défiance à l'égard de Monsieur CHARRIN ne constitue pas vraiment un élément nouveau dans le débat électoral. Le "Parisien" du 26 mars traitant des élections dans la 10ème circonscription de l'Essonne, donc avant même la diffusion du tract BERTRY, intitule son article "A droite, la primaire se poursuit au second tour" et il cite une phrase particulièrement assassine de Monsieur BERTRY dans le communiqué adressé par celui-ci à ses électeurs après le premier tour. Monsieur BERTRY invite ceux-ci à "continuer le combat pour libérer cette circonscription d'hommes dénués de civisme", phrase qui semble bien concerner davantage Monsieur CHARRIN que Monsieur DRAY". Comme le dit Monsieur DRAY en défense, le message du tract avait été adressé aux électeurs dès le soir du premier tour.
- troisième élément : la diffusion du tract a commencé le vendredi. Il restait à Antoine CHARRIN une certaine marge de temps pour répondre. Or, ce sont le plus souvent les manoeuvres de dernière heure que vous sanctionnez (28 juin 1978, A.N. , Pas-de-Calais, p. 171 ; A.N., Meurthe-et-Moselle, p. 184 ; 12 septembre 1978, A.N., Allier, p. 44).
Au total, il y a matière à hésitation car le tract BERTRY est diffamatoire et peut ainsi, incontestablement, peser sur les résultats.
Nous vous proposerons toutefois le rejet, au double motif :
- que Monsieur DRAY n'y est pour rien et qu'il est défendu de lui faire assumer les conséquences de luttes fratricides dans le camp adverse sur le tract explicite mais qui étaient certaines sous-jacentes ;
- que le tract correspond sans conteste au message que Monsieur BERTRY a certainement voulu adresser à ses électeurs. Le tract, en lui-même, est certainement loin d'avoir eu l'importance que l'on pouvait imaginer au premier abord.
Monsieur le Président : Bien Merci. Le véritable intérêt de cette décision c'est de comparer avec notre jurisprudence EVIN (il lit une partie des considérants de cette décision).
Monsieur LATSCHA : Ici, le tract va beaucoup moins loin.
Monsieur FAURE : Et surtout on ignore quelle est son origine.
Monsieur CABANNES : Oui, dans l'affaire EVIN c'était clair.
Monsieur ROBERT : Et puis il y a une différence car nous étions dans un cas manifestement diffamatoire. Ici, ce n'est tout de même pas la même chose.
(Tous les conseillers manifestent leur assentiment).
Monsieur le Président : Alors, vous pouvez lire.
(Monsieur Pochard lit).
Monsieur le Président : Il faudrait noter également que Monsieur Charrin avait la possibilité de répondre.
Monsieur FAURE : Oui, l'adversaire a diffusé trop tôt.
Monsieur RUDLOFF : Quant à l'origine, dans l'affaire EVIN, nous n'avons pas parlé de l'éventuelle responsabilité de Monsieur GARNIER, ici il n'est pas allégué que le tract émane de Monsieur DRAY. Je me demande s'il faut le dire.
Monsieur le Président : Je vous suivrai pour éviter que l'on fasse de ce critère une condition d'annulation.
Monsieur POCHARD : C'est pourtant là une mention très classique. Je puis à cet égard citer une décision du 1er octobre 1981 et du 3 décembre 1981. Mais il va de soi que ce n'est pas un élément déterminant.
Monsieur LATSCHA : Dans l'affaire EVIN, on n'en a pas parlé.
Monsieur CABANNES : Mais c'est intéressant de dire que Monsieur DRAY n'y était pour rien. Sinon ce serait une manoeuvre. Si l'origine était établie, il est vraisemblable que vous auriez annulé.
Monsieur POCHARD : Dans l'affaire intéressant Monsieur CAMBACERES, vous avez mentionné l'origine du tract.
Monsieur RUDLOFF : Oui, mais on en était sûr. Je suis pour la suppression de cette mention.
Madame LENOIR : Moi aussi.
Monsieur le Président : Moi aussi. Si nous avançons cet argument, on va se demander pourquoi.
(Les conseillers conviennent à la majorité de supprimer cette mention dans le second considérant ; compte tenu de trois autres modifications de forme, ils adoptent à l'unanimité le texte).
(La séance est levée à 13 h 20 elle est reprise à 14 h 30).
Monsieur le Président : Allons-y sur les fouilles archéologiques.
Madame LENOIR : Le Conseil Constitutionnel a été saisi le 23 août 1993 par le Premier Ministre, dans les conditions prévues à l'article 37, alinéa 2 de la constitution d'une demande tenant à l'appréciation du caractère juridique des dispositions contenues dans les articles 1er, 6, 8, 14 et 15 de la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques, en tant seulement que ces dispositions ont été rendues applicables dans les départements d'outre mer par la loi du 10 novembre 1965 étendant aux départements d'outre-mer le champ d'application de plusieurs lois relatives à la protection des sites et des monuments historiques.
Au nombre de ces lois, rendues applicables dans les départements d'outre-mer, figure la loi du 27 septembre 1941, portant réglementation des fouilles archéologiques, validée par l'ordonnance du 13 septembre 1945.
La présente affaire est d'une grande simplicité et ne soulève aucune difficulté.
Les dispositions dont le déclassement nous est demandé sont toutes contenues dans les mots "Secrétaire d'Etat à l'Education Nationale et à la Jeunesse", "Secrétaire d'Etat" et "Secrétaire général des Beaux Arts", qui figurent aux articles 1, 6, 8, 14 et 15 de la loi.
J'examinerai successivement les conditions dans lesquelles le Premier Ministre a été conduit à nous saisir et l'appréciation
de la nature juridique des dispositions qui nous sont soumises. La réglementation des fouilles archéologiques, telle qu'elle résulte de la loi du 27 septembre 1941 est caractérisée par une forte concentration. Les demandes d'autorisation de fouilles doivent être adressées au "Secrétaire d'Etat à l'Education Nationale et à la Jeunesse", qui statue après avis d'un Conseil Supérieur de la recherche archéologique créé par un décret du 23 avril 1964.
L'accroissement très important des fouilles archéologiques, notamment de "sauvetage", l'extrême lourdeur du fonctionnement du Conseil Supérieur composé d'une quarantaine de membres et qui doit s'en remettre pour l'examen des dossiers urgents à une délégation permanente incapable de faire face à une demande croissante, ont conduit à envisager une réforme du système inspirée d'une réflexion confiée à un inspecteur général du patrimoine Monsieur Marc GAUTHIER. Le principe retenu est celui d'une déconcentration du contrôle, le nouveau Conseil National n'étant plus chargé que de la définition de la programmation générale et de l'examen des seuls dossiers d'importance nationale.
Les décisions concernant les autres dossiers seront prises par le préfet de région après avis d'une commission interrégionale. Est prévue la création de six commissions interrégionales, composées chacune d'une dizaine de membres. Outre les avis qu'elle doit donner au préfet de région, notamment sur les demandes d'autorisation de fouilles, la commission interrégionale suit les projets de fouilles de sauvetage urgentes, évalue les rapports relatifs aux fouilles programmées et examine notamment le bilan de l'année écoulée et le programme de l'année à venir. Le Gouvernement a transmis au Conseil Constitutionnel, pour information, deux projets de décrets tendant à la mise en oeuvre de cette réforme. L'ensemble laisse d'ailleurs une certaine impression de complexité.
La réforme envisagée rend nécessaire, quelques modifications de détail de la loi du 27 septembre 1941. Il s'agit de la référence au Secrétaire d'Etat à l'Education Nationale et à la Jeunesse, Secrétaire d'Etat et au Secrétaire général aux Beaux Arts, qui figure dans cinq articles de la loi. Le texte de base à modifier étant antérieur à la Constitution de 1958, le Gouvernement a saisi le Conseil d'Etat de deux projets de décrets, l'un modifiant la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques, l'autre portant création du Comité Interministériel de l'archéologie et de diverses autres instances en matière d'archéologie. Le premier de ces deux projets de décret, opérait un déclassement de dispositions de la loi de 1941 qu'il avait pour objet de modifier. Le Conseil d'Etat était compétent pour statuer sur cette demande de déclassement, eu égard à la date de la loi de 1941, antérieure à l'entrée en vigueur de la constitution de 1958. Mais les dispositions dont le déclassement était demandé au Conseil d'Etat ont été rendues applicables aux départements d'outre-mer par une loi du 10
novembre 1965. En vertu de l'Article 1er de cette loi, "sont étendues aux départements d'outre mer :... 5° les dispositions de la loi validée du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques, à l'exception de l'Article 23 de la loi", relatif à l'Algérie. Ainsi, dans les départements d'outre- mer les dispositions contenues dans la loi du 27 septembre 1941 résultent d'un texte de forme législative intervenu postérieurement à l'entrée en vigueur de la Constitution. C'est donc au Conseil constitutionnel, et non au Conseil d'Etat, qu'il appartient de connaître de la demande de déclassement en tant qu'elle concerne les départements d'outre mer. Les réformes envisagées par le gouvernement sont en effet destinées à s'appliquer non seulement en France métropolitaine mais aussi dans les départements d'outre mer.
C'est pourquoi le Conseil d'Etat a estimé que sa saisine sur le fondement du deuxième alinéa de l'Article 37 de la Constitution devait être subordonnée à l'intervention préalable d'une décision du Conseil Constitutionnel qui en application du même article, viendrait constater le caractère réglementaire de certaines dispositions de la loi du 1941 en tant qu'elles ont été rendues applicables dans les départements d'outre mer par la loi du 10 novembre 1965. Pour ces motifs, la section de l'intérieur, statuant le 23 mars 1993 sur rapport de Monsieur Bruno GENEVOIS, a estimé qu'elle ne pouvait se prononcer en l'état.
Telles sont les raisons de cette saisine, qui ne porte que sur des dispositions de la loi de 1941 rendues applicables dans les départements d'outre-mer par la loi du 10 novembre 1965.
La saisine porte sur quelques membres de phrase figurant aux articles 1, 6, 8, 14 et 15 de la loi de 1941. Comme je l'ai indiqué ces membres de phrases désignent une autorité ministérielle ou administrative. A l'article 1er, alinéa 2, il est dit que la demande d'autorisation de fouilles doit être adressée au "Secrétaire d'Etat à l'Education Nationale et à la Jeunesse". A l'alinéa 3 du même article, il est précisé que le "Secrétaire d'Etat" accorde s'il y a lieu, l'autorisation de fouille. A l'article 6 premier alinéa, il est prévu que le "Secrétaire d'Etat" peut prononcer le retrait de l'autorisation de fouilles et au deuxième alinéa, que les fouilles peuvent être reprises si le "Secrétaire d'Etat" n'a pas prononcé le retrait dans un délai de 6 mois. A l'article 8, second alinéa, il est précisé que l'auteur des recherches peut en cas de retrait de l'autorisation, obtenir une indemnité d'éviction dont le montant est fixé par le "Secrétaire d'Etat". A l'article 14, alinéa 4, il est indiqué que le "Secrétaire général des Beaux Arts" peut faire visiter les lieux où les découvertes ont été effectuées et les locaux où les objets sont déposés. Enfin, à l'article 15, alinéa 2, il est précisé qu'il peut à titre provisoire ordonner la suspension des recherches pour une durée de six mois. Les seules dispositions qui nous sont soumises sont celles contenues dans les mots que je viens de citer : Secrétaire d'Etat à
l'Education Nationale ; Secrétaire d'Etat et Secrétaire général des Beaux Arts.
Ces dispositions sont de toute évidence de nature réglementaire.
Elles ont pour objet de désigner l'autorité administrative habilitée à exercer au nom de l'Etat des attributions qui, en vertu de la loi, relèvent de la compétence du pouvoir exécutif.
Or en vertu d'une jurisprudence très abondante de notre Conseil, il appartient au pouvoir réglementaire de désigner cette autorité administrative :
- N° 70-59 L du 23 février 1970, page 33 ;
- N° 88-158 L du 13 juillet 1988, page 87.
Il a été souvent fait application de cette jurisprudence en ce qui concerne notamment la répartition des attributions entre ministre et préfet (N° 73-76 L du 20 février 1973 page 29).
On peut rapprocher de la présente affaire une espèce qui a donné lieu à une décision N° 69-53 L du 27 février 1969 page 23 concernant notamment les commissions départementales et la commission supérieure des sites, perspectives et paysages : dans cette affaire le Conseil n'était saisi de dispositions législatives qu'en tant qu'elles avaient été rendues applicables dans les départements d'outre mer.
La matière ne serait législative que si les dispositions en cause touchaient à un principe ou à une garantie relevant du domaine de la loi. Ce n'est pas le cas dans la présente affaire.
Dans ces conditions, j'ai l'honneur de vous proposer de reconnaître un caractère réglementaire aux dispositions qui nous sont soumises contenues dans les articles 1, 6, 8, 14 et 15 de la loi du 27 septembre 1941 en tant qu'elles ont été rendues applicables dans les départements d'outre mer, par la loi du 10 novembre 1965.
(Adoption du projet à l'unanimité sans modification).
(Monsieur Gautier prend place à la table des rapporteurs- adjoints ) .
Monsieur GAUTIER : J'ai le cas d'un certain nombre de comptes non déposés.
Monsieur ABADIE : Le problème, c'est qu'il y a quelques décisions dans lesquelles on peut se poser la question de la sanction parce que le compte a été posté dans un délai raisonnable et que de bonne foi il peut arriver que des candidats aient pensé se conformer ainsi aux obligations du Code électoral.
Monsieur le Président : Est-ce que vous souhaitez poser cette question sur certains des dossiers en cause ?
Monsieur ABADIE : Non, elle se posera pour les requêtes 93-1469, 1465 et la 1499.
Monsieur le Président : Bon, alors ne retardons pas l'activité du Conseil, les éléments de fait sont très simples. Nous l'avons déjà vu. Si nous prenons le cas de Monsieur Manovelli, je ne vois pas ce que nous pouvons faire d'autre que de constater. Certes, nous ne sommes pas liés par la position de la commission.
Monsieur FABRE : Je suis inquiet à ce sujet. La commission nous met devant un fait accompli.
Monsieur le Président : Mais nous pouvons apprécier les faits. Dès lors qu'ils sont avérés, c'est-à-dire si la commission n'a pas commis d'erreur de fait, nous sommes liés. C'est la loi. Vous pouvez lire la décision de principe.
Monsieur GAUTIER lit la décision concernant Melle Charrasson n° 93-1 391 .
Monsieur le Président : Je souhaiterais faire quelques modifications.
Monsieur CAMBY : La difficulté, c'est que vous avez déjà arrêté cette rédaction dans vos précédents concernant Messieurs Souillot et Blache.
Monsieur le Président : Mais, je dois dire que les mots "ait constaté" ne me conviennent pas.
Monsieur CAMBY : Mais pourtant l'article L.O. 128 du Code électoral vous conduit bien à opérer cette distinction. Dans un cas vous ne pouvez que constater, dans l'autre, celui du dépassement du plafond, votre appréciation est souveraine le candidat "peut" être déclaré inéligible.
Monsieur le Président : Dans ce cas là, je préférerai que l'on mettre "est déclaré inéligible".
Monsieur GAUTIER : Mais vous vous livrez à un simple constat objectif, donc le mot "constaté" est juridiquement convenable.
Monsieur le Président : Oui, mais je partage l'observation de Monsieur FABRE. Nous ne devons pas nous sentir liés par la position de la commission. Je suis d'accord pour abandonner cette formule dans le dispositif. Tant pis, il y aura deux versions différentes dans le recueil. Je mets aux voix.
(Le vote est acquis à l'unanimité).
Monsieur le Président : Combien y en-a-t-il d'autres dans la série, 120 ?
Monsieur SCHRAMECK : Oui.
Monsieur le Président : Sous réserve des trois cas qui sont soulevés par le Préfet, je mets aux voix la même rédaction pour les 116 autres.
(Le vote est acquis à l'unanimité).
Monsieur FAURE : Ils sont inéligibles seulement pour les seules élections législatives ?
Monsieur GAUTIER : Oui. Cela est tranché en ce qui concerne les élections administratives par le Conseil d'Etat dans une affaire de décembre 1992. Mais il est possible que l'affaire se pose en ce qui concerne les municipales où des requérants pourraient dire que cette inéligibilité là vaut également pour des élections administratives.
Monsieur le Président : Le Conseil d'Etat tranchera cette question. Ce n'est pas notre affaire.
Monsieur ABADIE : J'en reviens au cas de MANOVELLI. Les trois dossiers que j'évoque sont des dossiers dans lesquels les candidats ont protesté de leur bonne foi. Ils ont indiqué qu'ils avaient été candidats à leur insu. Beaucoup n'ont rien dit suite aux lettres que nous leur avons envoyées. Mais ces trois là ont protesté. Je rappelle la manière dont les choses ce sont passées, (il lit les formulaires envoyés par Monsieur MANOVELLI). La plupart ont appris qu'ils étaient candidats par la presse. Ils n'ont pas su où ils étaient candidats. Dès lors, je suis favorable à un examen des dossiers en détail. Car, si l'intéressé proteste, s'il n'a rempli qu'une déclaration tronquée ou en blanc, il me paraît injuste de prononcer une sanction à son encontre. C'est une position morale.
Madame LENOIR : Oui, je vais moi aussi dans ce même sens. Il y a des déclarations de candidature qui sont manifestement viciées. Le Conseil d'Etat dans une jurisprudence de 1990, commune de Mundolsheim a jugé que les déclarations doivent être signées personnellement. Et il y a des cas dans lesquels certains candidats ont écrit à MANOVELLI pour retirer leur candidature. La sollicitation de candidatures que Monsieur ABADIE vient de lire, a été jugée comme correcte au regard du droit électoral. Mais pour autant qu'il me semble, lorsque il y a un extorsion de signature nous devons en tenir compte. Dans l'affaire 1465 par exemple, l'intéressée a écrit à MANOVELLI pour retirer sa candidature. Monsieur MANOVELLI envoie alors un courrier lui indiquant qu'elle ne peut plus la retirer. C'est proprement scandaleux, la candidature est un acte personnel et volontaire attesté par la signature. J'ai moi des scrupules moraux et donc électoraux.
Monsieur FAURE : Je partage bien votre scrupule mais vous voyez bien qu'il n'y a pas de moyens d'en sortir. La signature est authentique. Vous le savez bien. Elle a été donnée par l'intéressée sans pression.
Monsieur ABADIE : Mais c'est une feuille signée à leur insu.
Monsieur LATSCHA : Mais ces candidats ont bien dû avoir des voix et le savoir.
Monsieur ABADIE : Non, s'ils n'habitent pas là.
Monsieur FAURE : Mais ils ont signé une déclaration. Ils ont accepté.
Monsieur GAUTIER : Je ne puis que rappeler la jurisprudence bien établie relative à l'article R. 100 du Code électoral. Le retrait n'est possible que dans le délai de candidature. Notre Conseil lui-même l'a jugé à plusieurs reprises. Nul n'est censé ignorer la loi, surtout en ce qui concerne son propre engagement. Enfin j'ajoute que les inéligibilités sont portées au discrédit de Monsieur MANOVELLI et non pas des candidats eux-mêmes. Une simple lettre de protestation ne vaut pas retrait a posteriori d'une candidature librement consentie, et si vous admettiez cela, ce serait la porte ouverte à des modifications substantielles des conditions dans lesquelles les candidatures s'effectuent. L'engagement dans une compétition électorale est un acte civique et politique grave. Ici, il est manifeste que des candidats se sont engagés à la légère. Ils doivent donc être sanctionnés. Cela me paraît être une question de citoyenneté.
Monsieur RUDLOFF : Moi aussi, j'ai des scrupules moraux mais les dénégations sont venues très tard. On ne peut pas rentrer dans ces faits, il s'agit de l'appréciation de l'émotion de tel ou tel, de sa protestation polie une fois qu'il a lu les journaux. Ils ont bien vu le coup monté, mais après s'être engagés. Si on admet ça, c'est la porte ouverte à tout, et d'ailleurs, on peut se demander si la dénégation de Madame VILLAUDIERE est de bonne foi.
Monsieur ROBERT : Moi aussi je suis d'accord avec le rapporteur, je comprends bien les problèmes moraux que cela pose mais ils ont bien signé des déclarations.
Madame LENOIR : Hélas, oui. Mais il faudrait empêcher cela pour l'avenir et peut-être notre jurisprudence pourrait y participer.
Monsieur LATSCHA : Monsieur MANOVELLI s'est bien débrouillé, c'est un escroc, il faut prévenir le Garde des sceaux. Voilà tout !
Monsieur le Président : Oui, je partage les points de vue qui viennent d'être exprimés. Le juge de l'élection ne peut rien faire d'autre. Combien Monsieur MANOVELLI va-t-il recevoir ?
Monsieur GAUTIER : Compte tenu des sommes votées, ça lui fera 5 millions de francs.
Monsieur CAMBY : 5 millions par an, au minimum.
Monsieur FAURE : C'est net d'impôts !
Monsieur ABADIE : C'est pour cela que dire "que ces candidats ne l'ont pas été" l'aurait privé de ces voix.
Monsieur le Président : Mais non, vous statuez seulement ici sur leur inéligibilité. L'article L.O. 128 n'enlève pas une voix au candidat. M. MANOVELLI est un escroc, c'est à la police judiciaire de mener l'enquête, pas à nous. Nous ne pouvons rien faire de mieux que de statuer comme dans les autres cas. Sur ces trois affaires, je propose que nous votions comme sur les autres et que nous saisissions le Garde des Sceaux de la question.
(Le vote est acquis à l'unanimité).
(La séance est levée à 16 heures).
Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.