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SEANCE DU 21 JANVIER 1994

La séance est ouverte à 10 heures en présence de tous les conseillers, à l'exception de Monsieur le Président, légèrement retardé, et de Messieurs Jacques ROBERT et Marcel RUDLOFF excusés.

Monsieur FABRE : En l'absence du Président, je vais donc présider le début de cette séance. Pour le moment tout ce que nous avons à faire, c'est d'écouter Madame Lenoir.

Madame LENOIR : Je vais commencer par l'article 6, qui ne pose pas de gros problèmes.

 Seules sont contestées à l'article les dispositions figurant aux paragraphes I B et II B qui valident respectivement : les permis de construire ne satisfaisant pas à certaines exigences légales (relatives au projet architectural) et les actes administratifs relatifs à certaines opérations d'aménagement (mentionnées à l'article L 300-5 du Code de l'urbanisme) adoptés sans élaboration préalable du programme de référence prescrit par le dit article.

 Les premières dispositions contestées ont pour objet de revenir sur les dispositions de la loi du 8 janvier 1993 relative à la protection et à la mise en valeur des paysages. On se souvient que cette loi a renforcé les exigences dans la présentation des demandes de permis de construire, en imposant aux pétitionnaires d'indiquer les conditions d'intégration au paysage et à l'environnement de la construction envisagée. Le décret d'application de cette loi n'est pas encore intervenu. Ainsi en l'absence de précision les permis de construire ont été délivrés selon les communs suivant des modalités différentes au regard de ces prescriptions légales nouvelles. C'est pour éviter que des contentieux ne naissent de cette incertitude juridique que les dispositions du I B de l'article 6 de la loi prévoit la validation des permis de construire délivrés avant la publication du décret d'application de la loi "paysages".

Les secondes dispositions contestées, au paragraphe III B de l'article, ont pour objet de tirer les conséquences de la modification prévue au A III, à l'article L 300-5 du code de l'urbanisme. L'article L 300-5 du code de l'urbanisme dispose que, dans le cadre de procédures d'amélioration et de réhabilitation de l'habitat existant, la collectivité territoriale doit établir un programme de référence. Ce programme doit tenir compte des objectifs et des principes de diversité de l'habitat, fixés par la loi 1991 d'orientation pour la ville.

 En pratique, ces programmes de référence sont restés lettres mortes. Lorsque (cas rare) la procédure d'élaboration de tels programmes a été engagée, elle a été cause de retard soit pour l'élaboration d'un plan d'occupation des sols, soit, le cas échéant, pour la réalisation d'une ZAC.

 La décision a donc été prise de renoncer à l'exigence de ce programme de référence. C'est l'objet des dispositions contestées qui valident à l'occasion les actes administratifs relatifs aux actions et opérations d'aménagement engagés et décidés sans élaboration préalable dudit programme.

 Les députés invoquent dans les deux cas l'inconstitutionnalité de ces validations législatives. Ils font observer, que la loi ne précise pas en effet qu'elles s'appliquent sous la réserve des décisions de justice passées en force de chose jugées.

 Ils se référent à cet égard à votre jurisprudence traditionnelle issue des principes dégagés par votre décision du 22 juillet 1980.

Ce moyen ne peut être retenu. En effet, vous avez déjà jugé qu'en l'absence d'une telle réserve expresse, celle-ci devait être considérée comme implicite. Voir notamment la décision n° 88-250 du 29 décembre 1988 sur la loi de finances rectificative pour 1988. La loi qui nous est déférée par les députés a pour objet la relance de la construction. Elle complète le dispositif d'incitations financières et fiscales tendant à favoriser la construction de logements en supprimant "certaines sources de blocages entravant l'acte de construire".

En réalité, il s'agit d'aider les promoteurs à surmonter les difficultés grandissantes, juridiques et contentieuses, auxquelles ils sont confrontés du fait de l'extrême complexité du droit de l'urbanisme. Par négligence, par ignorance, ou parfois, plus rarement, on ose l'espérer, par tactique, les élus locaux, maintenant compétents pour élaborer les documents d'urbanisme et délivrer les permis de construire, sont amenés à commettre des illégalité. or l'ardeur des associations de défense de l'environnement, des comités d'usagers et de certains particuliers entraine une multiplication des recours contentieux devant les juridictions administratives, de qui a pour effet de fragiliser la règle de droit local de l'urbanisme

La loi qui nous est soumise n'est pas la grande loi annoncée, en matière d'urbanisme, pour le printemps prochain. Il s'agit d'un texte beaucoup plus modeste, dont la plupart des dispositions sont d'ailleurs issues d'un récent rapport du Conseil d'Etat sur : "l'Urbanisme : pour un droit efficace" (élaboré sous l'égide de Monsieur le Conseiller d'Etat LABETOULLE). Cette loi n'est donc pas l'expression d'un programme de réformes. Elle reflète avant tout, les revendications et les préoccupations des bureaux du ministère de l'Equipement. Ceux-ci souhaitent en effet revenir sur un certain nombre de jurisprudences, selon eux gênantes. Ce texte repose sur une méthode à mon sens très contestable :

 - D'une part, il comporte des dispositions excessivement disparates. La plupart sont codifiées au Code de l'Urbanisme, au Code Général des Impôts, dans le Livre des procédures fiscales, au Code de la Construction. D'autres reviennent, de façon plus ou moins nuancée, sur des législations récentes, comme la loi de finances pour 1990, la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique, ou encore la loi du 8 janvier 1993 sur les paysages

 D'autres dispositions modifient, par ailleurs, des lois de portée générale, notamment, la loi du 2 mars 1982 sur les droits et libertés des communes, des départements et des régions, et la loi du 13 juillet 1983 sur le statut des agglomérations nouvelles.

- Enfin et surtout, les dispositions de la loi ne répondent pas à l'exigence de stabilité et de clarté que doit remplir tout texte législatif. Souvent, il s'agit de régler des problèmes particuliers en modifiant des règles de portée générale, et, les cas échéant, en bouleversant des principes bien établis.

 Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'en effet de nombreux principes traditionnels du contentieux administratif sont sérieusement battus en brèche. Et l'on peut craindre que, contrairement aux intentions affichées par le législateur, le droit de l'urbanisme n'en devienne encore plus complexe, plus incertain, plus instable et plus dérogatoire. Ce phénomène est encore aggravé ici du fait que, dans le domaine de l'urbanisme, sont imbriquées des dispositions de niveau, de nature et de portée très divers : à la loi qui fixe le cadre général de l'utilisation des sols et au Règlement national d'urbanisme, de caractère supplétif, s'ajoutent des réglementations locales multiples définies à l'issue de procédures plus ou moins pointilleuses.

Ainsi, ce qu'observait Alexis de TOCQUEVILLE, dans : "I'Ancien Régime et la Révolution", se vérifie à travers le droit de l'urbanisme et, a fortiori, à travers les dispositions de la présente loi.

 Il eût été fort possible d'alléger les dispositions existantes en matière d'urbanisme. Le texte qui nous est déféré aboutit à l'inverse, à les rendre plus difficiles à appliquer de manière, pourrait-on dire exemplaires.

Je ne me hasarderai pas à vous infliger une analyse détaillée des différentes dispositions de la loi. J'indiquerai seulement que le texte porte sur :

- Les procédures contentieuses et l'effet des décisions juridictionnelles censurant les actes des autorités administratives en matière d'urbanisme ;

- Les effets juridiques dans le temps de certaines décisions administratives telles le permis de construire ou l'autorisation de lotir ;

- L'information des administrés et des associations locales d'usagers sur différents actes des autorités locales en matière d'urbanisme et d'aménagement ;

- Les dérogations susceptibles d'être accordées par les autorités administratives pour l'aménagement ou l'installation de certains équipements ou ouvrages ou pour certains types d'urbanisation, en particulier dans les zones de montagne, sur le littoral et dans les départements d'outre-mer ;

- La participation des constructeurs aux coûts des équipements publics induits par les opérations d'aménagement ;

- Les barèmes de supplément de loyer perçus par les organismes d'HLM.

Diverses autres dispositions très ponctuelles ne méritent pas que l'on s'y attarde.

La saisine des députés porte sur 9 articles que j'examinerai successivement. J'évoquerai également les problèmes de constitutionnalité soulevés par un dixième article que je suggère de censurer d'office.

Ces dix articles sont problématiques à différents points de vue : certains concernent le contrôle de légalité des actes administratifs (article 3 et article 10) ; d'autres comportent des validations législatives (articles 6, 7, 8 et 22) ; d'autres intéressent la durée de validité des autorisations de construire et de lotir (articles 11 et 12).

 Un autre article (l'article 16) abroge des dispositions de la loi du 29 janvier 1993 "anti-corruption" qui imposait des obligations nouvelles aux collectivités locales en matière d'information de leurs administrés.

Les dernières dispositions contestées enfin intéressent des questions plus spécifiques : la perception par les organismes de HLM des loyers ou la gestion des syndicats d'aménagement des agglomérations nouvelles (articles 22 et 23).

Monsieur FABRE : Bien, Madame, vous pouvez peut-être lire cette partie du projet qui ne pose pas de problème.

Madame LENOIR : lit la partie du projet correspondante. < cette partie n'est pas en italique dans le texte originale. Mais tout les autres phrase de ce style le sont. Je pense qu'il s'agit d'un oubli du transcripteur. Cependant, vu que le texte ne la met pas en italique, je ne le ferais pas>

Monsieur ABADIE : Je préférerais la formulation du projet qui nous a été distribué, mais j'avoue que ce n'est pas essentiel. La formule la plus souple, choisie en définitive par le rapporteur < présence de cette virgule dans le texte original. Cependant, elle ne me parait pas être à sa place. je pense que c'est une faute de frappe car c le seul espace entre les 2 mots. En conséquence je retire >laisse une ambiguïté quant à la validité des permis de construire.

Monsieur le Président arrive et Monsieur Robert FABRE reprend sa place.

Monsieur le Président : Vous n'avez pas voté l'article 6 ?

Madame LENOIR : Non j'ai un peu modifié le projet.

Monsieur le Président : Bon, je ne vois pas d'objection. Si tout le monde est d'accord (assentiment) on va maintenant prendre l'article 3.

Madame LENOIR : Cet article introduit un nouveau livre dans le code de l'urbanisme comportant "des dispositions relatives aux contentieux de l'urbanisme". Il insère dans ce livre un certain nombre d'articles nouveaux : de L. 600-1 à L. 600-5. Seules les dispositions de l'article L. 600-1 sont contestées par les députés.

 Leur objet est de priver les requérants lorsqu'ils invoquent, par voie d'exception, devant le juge administratif, l'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un document d'urbanisme ou d'un acte créant une zone d'aménagement concertée, de la possibilité de présenter certains moyens après l'expiration d'un délai de 6 mois à compter de la prise d'effet du document ou de l'acte en cause.

Il est en effet de plus en plus fréquent de voir des particuliers ou des associations de défense de l'environnement attaquer des permis de construire en se fondant pour les voir déclarer illégaux, sur l'illégalité externe du document d'urbanisme en constituant la base. Or, les procédures d'élaboration décentralisée des documents d'urbanisme sont si minutieuses et si complexes que bien souvent des irrégularités sont commises consciemment ou non par les élus locaux. Or, ces illégalités entraînent celles des autorisations de construire délivrées ultérieurement et fragilisent donc le droit local de l'urbanisme.

Pour remédier à une telle situation, plusieurs solutions étaient envisageables. Certaines ont d'ailleurs été effectivement appliquées dans le passé : 

En effet, la loi a très fréquemment procédé à des validations de plan d'occupation des sols dans le cas où des irrégularités formelles les affectaient en raison par exemple du défaut de consultation des services publics ou de collectivités territoriales.

Une autre solution, qui me paraissait mieux adaptée aurait consister à indiquer qu'un certain nombre de formalités ne sont pas prescrites à peine de nullité.

Enfin, il eut été opportun d'alléger la procédure d'élaboration des documents d'urbanisme.

Ce n'est pas ce qu'a choisi de faire le législateur en l'espèce. Il a décidé de maintenir intégralement les dispositions procédurales existantes. Il a simplement privé les requérants du droit de contester, après un certain délai, par la voie de l'exception, les documents d'urbanisme ou les actes créant une ZAC, en invoquant certains moyens de droit.

Les députés articulent trois griefs à l'encontre de cette disposition :

Le grief principal est tiré de la violation du principe de légalité, entendu comme garantissant l'effectivité de la protection juridictionnelle des droits. Ils invoquent l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen suivant lequel : "toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution"

 Ils considèrent, par ailleurs, que la limitation du droit d'articuler certains moyens devant le juge administratif porte atteinte au principe issu de l'article 72 de la constitution sur le contrôle administratif et la défense des intérêts nationaux, au travers de l'intervention du représentant de l'Etat.

 Enfin, ils invoquent la méconnaissance des stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantissant, à l'article 6 l'accès à la justice et, à l'article 13, le droit à un recours effectif devant une instance nationale. Ils notent, dans le même ordre d'idées, que le Traité sur l'union européenne est violé. Ils citent à cet égard la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes qui depuis un arrêt "Marguerite JOHNSTON" du 15 mai 1986 considère que l'existence d'un contrôle juridictionnel constitue un principe général du droit "qui se trouve à la base des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres".

Les trois moyens invoqués n'ont pas tous la même valeur.

 Nous rejetterons aisément le moyen tiré de la violation des stipulations des traités internationaux. En effet, suivant votre jurisprudence constante, établie depuis la décision IVG du 15 janvier 1975, vous décidez que l'article 61 de la constitution n'autorise pas le Conseil Constitutionnel à vérifier la conformité des lois aux traités et aux conventions internationales.

 De même, on ne voit pas en l'espèce de quelle manière l'encadrement du droit au recours juridictionnel peut entamer le contrôle par les délégués du gouvernement, des actes des collectivités territoriales. Les Préfets continueront de veiller à la défense des intérêts nationaux, au contrôle administratif et au respect des lois ainsi qu'ils doivent le faire, en vertu des dispositions de l'article 72 de la Constitution.

 Est sensiblement plus sérieux, en revanche, le moyen articulé par référence à la protection juridictionnelle des droits.

 Quel est l'état de notre jurisprudence, d'abord ?

 Quelle réponse apporter en l'espèce, ensuite ?

 Il convient d'emblée d'observer que les textes constitutionnels français ne reconnaissent pas expressément, comme c'est le cas de certains textes internationaux et de certaines constitutions étrangères, le droit au recours juridictionnel ou le droit d'accès à la justice.

 Pour autant, le droit positif n'est pas muet. On a déjà cité l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme sur "la garantie des droits". On pourrait également rattacher au droit au recours, le droit d'égal accès à la justice.

Enfin, l'article 66 de la Constitution qui fait de l'autorité judiciaire la gardienne de la liberté individuelle implique nécessairement le droit de recourir au juge en cas d'atteinte à cette liberté.

 En outre, même si le Conseil Constitutionnel n'a jamais expressément mentionné parmi les principes de valeur constitutionnelle le droit au recours au juge, il existe beaucoup d'éléments dans la jurisprudence qui permettent de déduire que ce droit est effectivement reconnu comme un principe de valeur constitutionnel.

 Je me référerai à cet égard à quelques décisions, parmi d'autres :

 - La décision n° 73-51 du 27 décembre 1973 sur la taxation d'office, qui fonde le principe d'égalité d'accès à la justice ; 

 - La décision n° 82-144 du 22 octobre 1982 qui donne valeur constitutionnelle au principe du "droit à compensation des préjudices subis". Ce droit peut valablement être assimilé à celui d'agir en justice, lorsque la victime ne dispose d'aucune autre voie pour obtenir réparation.

 - La décision n° 86-224 du 23 janvier 1987, sur le Conseil de la concurrence qui range parmi les principes fondamentaux reconnus par les loi de la République, la compétence de la juridiction administrative pour annuler ou réformer les décisions des autorités investies de prérogatives de puissance publique.<voir dans le même sens, la décision n° 89-261 du 28 juillet 1989 sur la loi relative aux conditions de séjour et d'entrée des étrangers en France>

C'est cette dernière décision qui me parait fonder de la manière la plus explicite le droit à la protection Juridictionnelle des droits. Le considérant n° 15 fonde le principe visé plus haut . Le considérant n° 22 est aussi très explicite, puisqu'il indique : "le droit pour le justiciable formant un recours contre une décision de cette organisme (le conseil de la concurrence) de demander et d'obtenir, le cas échéant, un sursis à l'exécution de la décision attaquée constitue une garantie essentielle des droits de la défense". Il ressort par ailleurs, comme je l'ai dit des considérants 15 à 19 que le droit de contester la légalité des actes administratif est rangé par le Conseil Constitutionnel parmi les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. (sont cités la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor An III). 

 Dans ces conditions, il n'y a pas aucun d'effort à faire pour confirmer ici la valeur constitutionnelle de ce principe, en tant qu'expression de la garantie des droits mentionnée à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

 Toute la question est de savoir si en l'espèce, la garantie des droits est méconnue.

 Après de très vives hésitations, j'en suis venue à la conclusion que, compte tenu des précautions prises par le législateur, à la suite des débats parlementaires, la garantie des droits n'est pas en l'espèce violée. Encore faut-il pour parvenir à cette conclusion énoncer quelques principes de droit à respecter en tout état de cause... 

 Le droit au recours, comme tous les principes fondamentaux d'ailleurs, n'a pas un caractère absolu. C'est ainsi que la loi ou le Règlement (en matière de contentieux non pénal) encadre le droit au recours dans diverses limites qu'il s'agisse du délai du recours, des préalables obligés au recours, de l'assistance obligatoire ou non d ' un conseil, ou encore de la possibilité pour le juge d'infliger des amendes pour recours abusifs. Il Si agit de concilier le principe de la protection juridictionnelle des droits et la nécessité de la stabilité juridique des situations.

 

 La théorie de l'abus de droit justifie également les mesures que le législateur définit pour encadrer les saisines juridictionnelles, voire pour sanctionner les cas de recours abusif. Qu'en est-il en l'espèce? Grâce à un amendement présenté par la commission des lois de l'Assemblée Nationale, l'interdiction fixée par l'article
L 600-1 du code de l'urbanisme d'invoquer par voie d'exception, des moyens d'illégalité externe à l'encontre des actes pris en matière d'urbanisme se trouve doublement limitée, dans le temps et eu égard à la nature des vices invoqués.

 Le texte de la loi prévoit en effet que l'interdiction ne s'applique qu'après un délai de 6 mois et se vaut pas si le vice de forme concerne :

- soit l'absence de mise à disposition du public des schémas directeur d'urbanisme ;

 - soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique sur le plan d'occupation des sols ;

- soit enfin l'absence du rapport de présentation ou des documents graphiques des POS.

 Pour autant, la disposition en cause est absolument inédite et contredit les principes de la jurisprudence administrative définis, voici près d'un siècle (voir l'arrêt du Conseil d'Etat du 29 mai 1908 - POULIN) affirmant que l'exception d'illégalité est perpétuelle contre les règlements. Reste à décider soit de transposer ce principe au plan constitutionnel, soit de considérer que le droit au recours, n'ayant pas portée absolue, les restrictions apportées en l'espèce sont suffisamment limitées pour pouvoir être regardées comme n'altérant pas de façon substantielle la garantie des droits. J'ajoute que ces dispositions peuvent être justifiées par les spécificités du contentieux de l'urbanisme. L'imbrication des réglementations entre elles et le fait que de nombreuses décisions individuelles reposent sur des documents d'urbanisme souvent contestés très tardivement, crée une situation d'instabilité juridique particulière.

 Je propose donc tout en admettant le bien-fondé de l'argumentation des saisissants sur l'atteinte à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme relatif à la "la garantie des droits", de ne pas néanmoins censurer l'article.

 D'une part, l'atteinte n'est pas manifeste car les vices de forme substantiels peuvent toujours être invoqués en justice. D'autre part, le domaine de l'urbanisme peut justifier que les limitations soient ainsi apportées pour éviter les conséquences préjudiciables de la multiplication de certains types de contentieux


Monsieur le Président Nous sommes une juridiction constitutionnelle. Pour que nous retenions une atteinte à la constitutionnalité, il faudrait qu'elle soit caractérisée.


Monsieur ABADIE : Je me rallie aux conclusions du rapporteur. Il faudrait qu'il y ait une inconstitutionnalité avérée. Ici on la frôle. En effet six mois après un arrêté portant sur une ZAC, plus personne ne songe à son contenu, et vous ne pensez à soulever l'illégalité qu'une fois que les premiers permis de construire sont déposés. Il y a là un problème de cohérence entre les divers documents d'urbanisme, les ZAC, les schémas et les permis proprement dits. Et très souvent les intéressés songent à attaquer les permis mais ils ont laissé passer les actes antérieurs. Il y a donc une réduction des droits au recours ou, du moins, à l'ouverture des recours.


Monsieur le Président : Cette disposition a été proposée par le Conseil d'Etat. Je ne vois pas en quoi le Conseil constitutionnel va la juger inconstitutionnelle.

Monsieur FAURE : Il vaut beaucoup mieux attaquer les documents d'urbanisme avant que les permis ne soient délivrés. La disposition est donc bonne.

Madame LENOIR : On ne peut pas véritablement se fonder sur la position du Conseil d'Etat. Il y a 250 membres au Conseil d'Etat, et sur ces question techniques vous risquez de trouver autant d'avis différents. La méthode est bien critiquable, mais elle n'est pas inconstitutionnelle pour autant.

Monsieur le Président : Lisez le projet.

Madame LENOIR lit la partie du projet correspondant à l'article 3.

Monsieur le Président : Je trouve ça assez étrange, comment peut-on lier la garantie des droits de l'article 16 au principe d'un recours contre les décisions faisant grief ? Je suis extrêmement surpris, car ici on affirme un principe.

Madame LENOIR Mais derrière cela il y a les droits de la défense, et la possibilité d'attaquer un acte de la puissance publique. Pour dire qu'il n'y a pas d'altération substantielle, il faut déjà affirmer que le droit au recours est encadré.

Monsieur LATSCHA : J'avais lu la rédaction précédente et j'avais trouvé que l'affirmation de principe était bien suffisante. 

Madame LENOIR : Oui mais je tiens à répondre à l'argument des saisissants, qui est sérieux. En outre, les observations du Gouvernement contiennent des affirmations qui ne sont pas exactes. Alors le projet que je présente est celui dont nous discutons actuellement, et qui répond à ces arguments.

Monsieur LATSCHA :Mais je pensais que celui que vous avez distribué était votre projet.

Madame LENOIR : En fait il y a eu un malentendu...

Monsieur le Président : Ce n'est pas possible ! si vous avez laissé distribuer un projet sans l'avoir lu alors c'est la fin de tout. Vous avez quand même bien lu le projet qui vous a été envoyé ?

Madame LENOIR : Il y a eu un malentendu, je l'ai lu et nous en avions discuté ensemble avec le service juridique, mais peut-être un peu tardivement.

Monsieur le Président : Alors vous avez établi un second projet. Ça arrive, c'est concevable. Le premier vous l'avez lu, le second vous l'avez écrit.

Madame LENOIR : Oui et je pense qu'il faut aller dans le sens de notre décision de 1987.

Monsieur SPITZ : Il me semble qu'il y a une différence avec le principe de l'autonomie de la justice administrative telle qu'elle a été affirmée dans cette décision de 1987.

Monsieur le Président : Je me souviens à l'époque, il s'agissait de constitutionnaliser le "noyau dur" de la juridiction administrative : on ne visait que le bloc de compétence.

Madame LENOIR : et ce n'est pas la République administrative. Le fondement ici c'est la garantie des droits, un principe fondamental reconnu par les lois de qui fonde l'existence de la juridiction administrative.

Monsieur le Président : Par rapport à notre décision de 1987 on ferait un pas très important, regardez votre rédaction !

Madame LENOIR : Non! Je trouve qu'en 1987 on a visé la puissance publique. Or ici je vise les actes "réglementaires ou non", et c'est à peu près la même chose.

Monsieur le Président : Non je vois une différence sensible.

Monsieur ABADIE : Un règlement est un acte de puissance publique.

Monsieur le Président : Il y a d'abord un problème de l'économie de moyens, devons-nous faire un tel détour?

Monsieur le Secrétaire général : On peut considérer en effet que le projet fait un détour superflu par rapport à la question posée qui est simple et qui a trait exclusivement à la portée de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme. Ce n'est pas un problème de répartition des compétences.

Madame LENOIR : Il y a un problème de garantie des droits. En l'espèce, ce principe n'a pas été méconnu, les limitations apportées par le législateur au droit au recours ne sont pas substantielles. Mais il faut bien que nous donnions à l'article 16 toute sa portée.

Monsieur le Président : En 1987 on a statué à partir des lois de l'ancien régime, en prenant nettement le soin, par la suite, d'établir un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Mais en quoi l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme qui vise la garantie des droits de l'Homme et non pas du tout celle du justiciable, vous permet-il d'écrire ce que vous avez écrit? Le projet est extrêmement audacieux. Jamais dans la vision des rédacteurs de la Déclaration n'était visé le droit du justiciable. Ils songeaient aux droits de l'homme. Il faut d'abord se référer au précédent ou à des principes quand on les trouve. Mais n'allons pas inventer des principes. Comment relier le droit au recours avec l'article 16 ?

Madame LENOIR : On est ici dans le droit au recours au juge administratif, que nous avons constitutionnalisé en 1987. Il s'agit du droit de demander au juge réformation ou annulation d'un acte administratif.

Monsieur le Président : Oui mais je ne vois pas en quoi on peut relier cela à l'article 16 de la Déclaration, je ne vous suivrai pas là-dessus, il faut à tout prix pratiquer l'économie de moyens. En 1987 on n'a pas cité l'article 16. Il n'est pas fait pour cela. Pourquoi le citer ici ?

Madame LENOIR : Mais les commentaires doctrinaux ont insisté sur le fait qu'il y avait un droit à recourir au juge.


Monsieur le Président : Bien sûr, mais ici ça n'a rien à voir. La construction de ce considérant est beaucoup trop vertigineuse, en 2 heures de temps on ne va pas utiliser le fondement de l'article 16 pour créer une jurisprudence qui est totalement novatrice. Permettez-moi de vous dire qu'il aurait fallu regarder cette affaire de beaucoup plus près, depuis au moins quinze jours, et non pas proposer de la sorte un bond en avant qui n'est pas du tout indispensable.

Madame LENOIR : Mais il faut bien répondre aux moyens. Dans une décision du 14 mai 1980, nous avons vu dans le recours en cassation une garantie fondamentale du justiciable.

Monsieur le Président : Oui Mais on ne l'a pas fondé sur l'article 16.

Madame LENOIR : Vous croyez qu'il faut le motiver autrement?

Monsieur le Président : Incontestablement oui, ce n'est pas le moment d'inventer un principe ce que personne nous demande de faire, d'une manière hasardeuse, et en appliquant un texte qui n'était pas destiné à cela. Je vais suspendre un quart d'heure, mettez-vous d'accord avec le secrétaire général pour proposer un texte qui aille à l'économie de moyens.

Madame LENOIR : Mais pourtant le principe de légalité est admis comme un principe général du droit, de valeur législative. Je ne puis que renvoyer sur ce point à la jurisprudence du Conseil d'Etat "A litalia".

Monsieur le Président : Ca n'a rien à voir avec le problème de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme. Ce que vous proposez c'est une innovation considérable, qui ne va pas passer inaperçue ! Je ne peux pas travailler dans des conditions pareilles ! On sort un principe que l'on fabrique de toute pièce. Toute la doctrine va nous tomber dessus, on ne peut pas travailler de cette manière là !

Madame LENOIR : Mais j'ai travaillé là-dessus et j'ai même consulté Bruno GENEVOIS.<Ancien secrétaire général du Conseil Constitutionnel, Conseiller d'Etat.>

Monsieur le Président : Et il vous a dit cela ? Il vous a dit qu'une telle construction était possible ? Je ne peux pas le croire! C'est impossible. Comment se fait-il que nous ne nous expliquiez pas le lien logique entre l'article 16 et le principe que vous affirmez? L'époque est à la plus extrême prudence. Vous n'avez pas entendu les critiques sur le droit d'asile? Nous avons difficilement redressé la barre avec la décision relative à l'abrogation de la loi FALLOUX.<n° 93-329 DC du 13 janvier 1994> Ce n'est pas le moment d'être audacieux.

Madame LENOIR : Mais je croyais...

Monsieur le Président : Vous ne pouvez pas construire une  jurisprudence qui ne soit pas fermement étayée. On a l'extérieur tout le mal que l'on peut du Conseil. Les erreurs matérielles nous ont causé un tort considérable. Et là on crée à partir d'un texte totalement différent, un principe.

Madame LENOIR : Mais hier on a bien créé un principe fondamental.

Monsieur le Président : Non ! Justement pas. Vérifications faites, un décret loi de 1938 nous empêchera de la faire, j'y reviendrai. Mais j'ai vérifié.

Madame LENOIR : Mais ici la seule chose qui change c'est la référence à l'article 16. C' est le fondement, en aucun cas la portée de la décision de 1987, qui est modifié.

Monsieur le Président : Il est clair que je ne vous suivrai pas sur ce terrain là. Tout le monde va se demander où va le Conseil et ce qu'il a voulu dire. Je vais suspendre.

La séance est suspendue à 11 h 40. Elle reprend à 12 h 20.

Monsieur le Président : Y-a-t 'il une nouvelle rédaction?

Madame LENOIR : Oui. (Elle lit) (après quelques cor

Madame LENOIR : L'article 7 modifie l'article L 145-5 du code de l'urbanisme introduit par la loi sur la montagne. Il permet, à titre exceptionnel, l'implantation d'un hameau d'une surface hors œuvre nette de 30 000 m2 sur les rives d'un plan d'eau artificiel en zone de montagne, sur autorisation conjointe des ministres chargés de l'urbanisme et de l'environnement. Comme le souligne le rapport de Monsieur SANTINI à l'Assemblée Nationale (page 43), cet article "vise très clairement à régler le cas particulier de la ZAC créée au bord du lac de FABREGES dans les Pyrénées-Atlantiques. Le Conseil d'Etat a en effet invalidé l'opération en 1989, au motif qu' ''un programme d'aménagement de 30 000 m2 , soit 2 000 lits... excède par son importance les dimensions d'un hameau, seul aménagement autorisé en application de l'article L 145-5 du code de l'urbanisme". Cet article, je l4indique, tend à protéger les parties naturelles des rives des plans d'eaux qu'il soient artificiels ou naturels (arrêt du Conseil d'Etat du 9 octobre 1989 : SEPANSO).

 Une première tentative de validation de cette opération d'urbanisation fut faite en 1990 lors du vote de la loi sur la révision générale des évaluations immobilières pour la détermination des bases des impôts directs locaux. Mais cette tentative avait alors échouée. La disposition, qui était déjà issue d'un amendement du Sénat, avait été déclarée non conforme à la constitution par le conseil constitutionnel comme étant dépourvue de tout lien avec le texte en discussion (décision n° 90-277 du 25 juillet 1990).

 Le législateur reprend une disposition analogue. Mais la dérogation en cause a une portée particulièrement extensive, puisque la notion de hameau à laquelle elle renvoie recouvre une opération de construction d'une superficie de 30 000 m2.

Monsieur ABADIE : Cette affaire est très compliquée. Il y a eu un arrêté de ZAC, au vu duquel trois permis ont été déclarés valables. Un autre a été attaqué en 1987, sur le fondement de l'irrégularité de la ZAC, et il concerne le dernier immeuble. Il faut dire que la notion de hameau, c'est quantitatif. Et que ce dernier immeuble a fait franchir le seuil quantitatif. C'était trop et le permis de construire a été annulé mais l'immeuble, lui, est bien là. Une société d'économie mixte qui est donc en déficit, doit gérer le tout, mais elle est en faillite. Il est clair que la validation ne doit pas remettre en cause l'autorité de la chose jugée. Mais le dernier immeuble est construit alors il est possible de le mettre en location, et c'est sans doute vers cette solution que l'on se dirige pour sortir la société d'économie mixte de ses difficultés actuelles.

Monsieur le Président : Je nous vois mal annuler, car après tout formellement, le dispositif n'est pas rétroactif. (Assentiment)

Madame LENOIR : L'article 8 < pour une raison inconnu l'article est souligné dans le texte. il s'agit peut être d'une erreur, mais dans le doute je concerne l'intension du transcripteur >modifie l'article L 146-8 du Code de l'Urbanisme issu de la loi sur le littoral. Son objet est similaire à celui de l'article 7 bien que le cas visé soit différent. Il s'agit d'éviter l'application de certaines dispositions de la loi "littoral" aux stations d'épuration avec rejet en mer. Là encore, le but est régler un problème particulier, celui de l'implantation de la station d'épuration de Toulon avec rejet en mer au cap Sicié, dans le Var. L'ouvrage en cause doit répondre aux besoins de l'agglomération de Toulon. Toutefois, dans un arrêt du 19 mai 1993 : Association "VERTS VAR", le Conseil d'Etat a décidé que l'arrêté prescrivant la réalisation de cette station d'épuration était illégal au motif que l'installation litigieuse n'exigeait pas la proximité immédiate de l'eau.

 C'est pour échapper aux conséquences de cette jurisprudence que l'article 8 permet conjointement aux Ministres de l'Environnement et de l'Urbanisme d'autoriser, à titre exceptionnel, la réalisation de stations d'épuration d'eaux usées avec rejet en mer, non lié à une opération d'urbanisation nouvelle, par dérogation à l'ensemble des dispositions applicables du Code de l'Urbanisme.

 Les griefs sont au nombre de trois : Les saisissants soutiennent que les dispositions des articles 7 et 8, introduites par voie d'amendement, sont sans lien avec les dispositions du projet initial.

 Ils font valoir qu'il s agit de validations législatives non respectueuses des principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et de garantie des droits.

 Enfin, ils considèrent que ces articles sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir.

 Les deux derniers moyens : Erreur manifeste d'appréciation et détournement de pouvoir, ne répondent à aucun grief précis en droit constitutionnel. Aussi y-a-t-il lieu de les écarter, à mon avis, sans autre forme de procès.

 De même convient-il d'adopter la même solution s'agissant du grief concernant l'inconstitutionnalité des dispositions en tant qu'elles constitueraient des validations.

 En fait, il ne s'agit pas à proprement parler de validations. L'objet des dispositions contestées est, de modifier pour l'avenir la réglementation en vigueur de telle sorte que les demandes relatives aux opérations d'urbanisation en cause puissent être demain accueillies favorablement, au lieu de devoir faire l'objet d'un refus en application de la jurisprudence du conseil d'Etat.

 Enfin, il est difficile de regarder ces dispositions comme étant sans lien avec le projet initial. Au contraire, par leur objet (faciliter des opérations d'urbanisation) et par leur nature (modification du code de l'urbanisme) elles s'inscrivent directement dans le cadre du texte soumis aux assemblées qui se veut plus que bienveillant envers les constructeurs.

 Je retiendrai, pour ma part, s'agissant plus particulièrement de l'article 8, un moyen qui n'est pas spécifiquement articulé par les saisissants. Il doit, selon moi, sans aucune hésitation conduire à la censure de cet article.

 Je rappelle que l'article 8 prévoit des dérogations à l'ensemble des dispositions du Code de l'Urbanisme relative à la protection des parties naturelles des rives de plan d'eau, sans que ces dérogations soient limitées par aucune condition de quelque nature quelle soit. La dérogation doit seulement être accordée par décision conjointe des ministres chargés de l'urbanisme et de l'environnement. Encore ne s'agit-il pas d'une véritable condition qu'il appartient à la loi de fixer, étant donné que la détermination des autorités chargées d'exercer des attributions au nom de l'Etat relève, selon votre jurisprudence constante, du domaine réglementaire.

 Voulant régler un problème tout à fait particulier et ponctuel, le législateur vide en vérité de son contenu la législation sur la protection des rives de plans d'eau artificiels.

Il ne fait pas de doute, pour moi, que le législateur a, ce faisant, méconnu l'étendu de sa propre compétence. La disposition doit être censurée pour incompétence négative.

 La jurisprudence du Conseil constitutionnel est bien établie en la matière et ne peut s'être transposé ici.

 Cette jurisprudence est la suivante :

 Dans un domaine ressortissant à sa compétence en application de l'article 34 de la Constitution, il est loisible au législateur d'édicter les régies et principes qu'il estime utiles ;

 Toutefois, il lui appartient de préciser les conditions d'entrée en vigueur de ces règles et de ces principes de manière à éviter d'en dénaturer la portée, ou encore de manière à éviter que puisse être méconnu un principe ou une garantie fondamentale.

 Cette jurisprudence a déjà été appliquée en matière de dérogation comme en l'espèce. Elle l'a d'ailleurs été dans un cas récent que nous connaissons bien puisqu'il s'agit de notre décision sur la loi "FILLON" relative aux Universités. Dans cette décision du 28 juillet 1993, nous avons estimé que "en autorisant le pouvoir réglementaire ou les établissements publics concernés à déroger aux règles constitutives qu'il a fixées et l'autorité ministérielle, à s'opposer à de telles dérogations ou à y mettre fin, le législateur a méconnu la compétence qu'il tient à l'article 34 de la constitution... et n'a pas assorti de garanties légales les principes de caractère constitutionnel que constituent la liberté et l'indépendance des enseignants chercheurs".

 Cette jurisprudence fait expressément référence à la mise en vigueur de dispositions touchant à une liberté constitutionnelle. En cela, elle s'inscrit dans le prolongement de la décision du 12 janvier 1977 sur la loi relative à "la fouille des véhicules". Elle est parfaitement adaptée en l'espèce

 - D'une part en effet, le domaine de l'urbanisme à la protection des intérêts nationaux en matière d'aménagement du territoire et de préservation des sites visés par l'article 72 de la constitution ainsi qu'au droit de propriété, lequel figure parmi les principes de valeur constitutionnelle.

 - D'autre part, et en tout état de cause, votre jurisprudence sanctionnant l'incompétence négative du législateur s'est appliquée dans des domaines qui ne touchaient pas directement, au moins expressément, à une liberté publique. Ainsi, dans la décision n° 86-223 du 29 décembre 1986 sur la loi de finances rectificative pour 1986, vous avez estimé, s'agissant de l'abrogation de certaines dispositions de nature fiscale, que le législateur ne pouvait, sans méconnaître sa compétenceconférer au gouvernement un pouvoir qui n'était assorti d'aucune limite quant à la date effective d'abrogation de ces dispositions (considérant N° 14).

 De même, dans la décision n° 87-233 du 5 janvier 1988 relative à la loi sur les élections cantonales, vous avez considéré qu'en prévoyant un délai dérogatoire d'une durée de 6 mois pour la fixation de la date d'une élection cantonale partielle, en fonction de la plus ou moins grande proximité de l'élection du Président de la République, sans préciser les conditions et les limites de la dite dérogation, le législateur était resté en deçà de sa compétence.

 Dans ces conditions, il ne fait guère de doute pour moi que la disposition contestée de l'article 8 de la loi soumise à votre examen est entachée d'inconstitutionnalité pour incompétence négative du législateur.

Monsieur ABADIE : En réalité, c'est uniquement Toulon qui est visé. La déclaration d'utilité publique a été annulée, il y a autorité de la chose jugée, et on ne peut en aucun cas mettre ailleurs cette station d'épuration. Si on annule, comme le rapporteur le propose, il n'y aura que deux possibilités, soit une loi nouvelle spécifique à Toulon soit la création d'une exception nouvelle dans une loi générale.

Monsieur FAURE : On pourrait ne pas retenir d'office ce moyen, puisque on évacue les moyens de la saisine, qui sont identiques à ceux de l'article 7. On va juger différemment de ces deux affaires ?

Monsieur ABADIE : Si on ne censure pas ça fait l'économie d'une loi.

Monsieur LATSCHA : Oui je suis embarrassé moi aussi. Qu'est ce qu'on peut ajouter qui entre dans le cadre de la compétence législative ? Et il faudra bien régler le problème de TOULON.

Monsieur FAURE : De toute façon la station d'épuration ne peut pas être ailleurs.

Monsieur LATSCHA : Le moyen n'est pas soulevé.

Monsieur le Président : Que voulez-vous qu'ils ajoutent à la loi ?

Madame LENOIR : Ils pourraient prévoir 1 avis de la commission des sites

Monsieur FAURE : Mais ils l'ont eu ! Qu'est ce que vous voulez de mieux ?

Monsieur le Président : Oui on risque fort de ne pas comprendreles subtilités de notre décision, si on juge différemment l'article 7 et l'article 8, pour arriver sur ce dernier à soulever un moyen d'office.

Madame LENOIR : Mais il s'agit d'une mauvaise méthode législative et le Conseil d'Etat a annulé l'opération.

Monsieur FAURE : Il n'y a pas un toulonnais qui soit partisan d'une autre solution alors franchement, je ne vois pas pourquoi on va censurer.

Monsieur le Président : Et en plus ce serait soupçonner les ministre, faisons une version de non censure.

Monsieur le Secrétaire général : Je peux vous proposer une version très proche de celle retenue pour l'article précédent.

Monsieur le Président : Oui (la rédaction définitive est adoptée).

Madame LENOIR : J'évoquerai avant de conclure un autre article à savoir l'article 10. Il n'est pas contesté par les auteurs de la saisine. Toutefois, cet article bouleverse de façon flagrante les conditions générales de l'équilibre du contrôle de légalité par le Préfet des actes des collectivités locales.

 Sa justification est la suivante :

 Il s'agit d'éviter qu'un particulier ou une personne morale puisse saisir le Préfet d'une demande de déféré. A cet effet, il est indiqué que la saisine du Préfet ne conserve pas les délais du recours contentieux. Les dispositions ont pour effet pratique de réduire à néant les possibilités d'option offertes aux administrés qui peuvent soit demander au Préfet d'exercer son contrôle de légalité, soit saisir directement la juridiction administrative, s'ils estiment lésés.

 On est perplexe face à une telle réforme qui n'est nullement justifiée par le comportement fort discret, à cet égard, des administrés.

 En outre, chacun déplore le peu d'enthousiasme des Préfets pour exercer le contrôle de légalité. Quoiqu'il en soit, la portée de la disposition qui vide le contrôle de sa portée est de grande ampleur. En outre, de par son contenu, elle est sans lien avec le contentieux de l'urbanisme, car elle concerne tout les types de recours dans tous les domaines, très variés, des activés locales. Enfin, c'est tout l'équilibre entre le contrôle de la légalité proprement dit de l'article 72 de la constitution, et le principe de libre administration des collectivités locales qui est en cause. Toutes les conditions me paraissent réunies pour soulever d'office ce cavalier. Je vous propose donc de le censurer.

Monsieur FAURE : C'est d'office !

Monsieur ABADIE : L'idée est de limiter le contentieux.

Monsieur le Président : Il y a trois recours par an, ce n'est pas beaucoup.

Monsieur ABADIE : Mais le moyen lui est très important Si le Préfet met du temps à saisir le juge, le justiciable est hors délai. C’est donc une source potentielle importante. Or les préfets sont la plupart du temps très prudents en la matière. Donc cette restriction aura un effet certain.

Monsieur FAURE : Oui mais comme on l'a dit tout à l'heure ça ne fait guère que restreindre un droit au recours.

Madame LENOIR : Si le préfet ne bouge pas, ça prive tout de même le justiciable d'un sérieux moyen d'action.

Monsieur le Secrétaire général : La portée générale de la disposition est importante. Il y a une incontestable atteinte aux possibilités de recours. Dans l'arrêt BRASSEUR, en 1991, le Conseil d'Etat a déterminé les délais d'intervention du Préfet en la matière.

Monsieur le Président : Oui, c'est vrai que c'est un amendement et qu'il s'agit d'un cavalier, je suis d'accord avec la solution proposée. (assentiment)

Madame LENOIR : lit la partie du projet correspondante.

Monsieur le Président : Bien, vous pouvez poursuivre.

Madame LENOIR : Les articles 11 et 12 de la loi visent d'une part, à prolonger les délais de validité des permis de construire et des autorisations de lotir arrivant à échéance entre la date de publication de la loi et le 31 décembre 1994 ; d'autre part, par exception aux dispositions législatives en vigueur, pour les permis de construire et les autorisations de lotir ainsi prolongés, pour lesquels en outre il n'y a pas eu commencement d'exécution des travaux, de différer le paiement de certaines contributions d'urbanisme par les constructeurs.

 Selon les députés, ces dispositions constitueraient une dérogation non justifiée par un intérêt général. Elle ne viserait en réalité qu'à satisfaire des intérêts privés. Ils font valoir que de ce fait, ces articles sont entachés "d'une erreur manifeste sur l'intérêt public".

 Quelle que soit la pertinence des arguments présentés, vous n'aurez pas beaucoup de difficultés à rejeter le grief qui est bien peu juridique dans la forme et au fond.

 L'article 16 a pour objet d'une part, d'abroger l'article 51 de la loi du 29 janvier 1993 "anti-corruption" qui obligeait les collectivités locales, leurs groupements, leurs établissement publics, concessionnaires ou sociétés d'économie mixte locales à procéder à la publicité préalable des ventes de terrains constructibles et de droits de construire aux promoteurs privés ; d'autre part, de valider les ventes desdits terrains et droits intervenues entre la publication de la loi du 29 janvier 1993 et la date d'entrée en vigueur de la présente loi, en tant que "ces ventes n'ont pas satisfait aux formalités de publicité exigées".

 En effet, la loi anti-corruption avait imposé de nouvelles obligations en matière d'information des administrés aux collectivités territoriales. Celles-ci n'ont pas été dans la plupart des cas respectées. Par ailleurs, elles ont semblé inopportunes au gouvernement qui en a donc décidé la suppression.

 Les députés font valoir que l'alinéa premier de l'article 16 méconnaît le principe de transparence et le droit des électeurs à l'information, auxquels ils confèrent une valeur constitutionnelle.

 Par ailleurs, ils considèrent que la validation législative opérée au second alinéa de l'article ne réserve pas l'exécution des décisions de justice passées en force de chose jugée.

 Quel que soit le jugement que l'on puisse porter sur l'opportunité de priver les électeurs de l'information qui leur était fournie en vertu de la loi SAPIN, il ne parait pas que la disposition en cause soit entachée d'inconstitutionnalité :

 D'une part, il est difficile de reconnaître valeur constitutionnelle au principe même de transparence et d'information des électeurs, bien qu'on puisse à mon sens y voir un objectif constitutionnel.

 D'autre part, la restriction apportée n'est pas suffisamment caractérisée pour que l'on puisse considérer que le contrôle démocratique fondé sur l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme, soit entamé d'une manière qui rende la disposition en cause inconstitutionnelle.

 Rappelons, pour ce qui est du cas précis, que les ventes de terrain sont opérées sur la base de contrats passés par l'organe exécutif de la collectivité en vertu de délibérations qui sont en général rendues publiques. Par ailleurs, le budget des collectivités vendeuses est en règle générale accessible aux administrés. Or il retrace en recettes les opérations de vente.

Dans ces conditions, on ne peut dire qu'il y ait eu violation de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme

 Concernant la validation, il suffit de reprendre votre jurisprudence déjà citée en indiquant que rien dans le texte de loi ne permet d'inférer que le législateur aurait entendu méconnaître l'autorité de la chose jugée, la réserve de l'exécution des décisions étant définitives est implicite.

Monsieur le Président : Bien, bien, la transparence n'est pas un principe constitutionnel.

Madame LENOIR : Il faut tout de même laisser une formulation souple pour montrer que le droit à l'information a pris une réelle importance (elle lit les parties du projet correspondantes).

Madame LENOIR : L'article 22 a pour objet d'éviter les conséquences d'une décision du tribunal administratif de Paris du 10 mars 1993. De quoi s'agit-il ? En application des articles L 441-3 et L 442-1-2 du code de la construction et de l'habitation, les organismes de HLM doivent transmettre les barèmes de supplément de loyer et les délibérations qu'ils prennent relatives aux loyers, au Préfet. Ces documents ont été dans la pratique transmis au Préfet du siège de chaque organisme. Or, il ressort du jugement du tribunal administratif de PARIS visé plus haut que le Préfet du siège était compétent que pour les logements situés dans son département, et non pour ceux situés dans d'autres départements.

 L'article 22 clarifie la situation en précisant d'abord que la transmission des barèmes et des délibérations en cause doit être faite auprès du Préfet du siège de l'organisme et au Préfet du lieu de situation des logements. Par ailleurs, la loi confirme le caractère exigible des loyers et suppléments de loyer en validant en quelque sorte à titre rétroactif les actes de transmission passés.

 Les auteurs de la saisine font valoir que cette disposition est dépourvue de tout lien avec le projet de loi.

 Le moyen ne peut être retenu, eu égard à votre jurisprudence sur les limites du droit d'amendement.

 En effet, tant par sa portée, par sa nature que par son ampleur l'article 22 ne peut être considéré comme sans lien avec le texte soumis aux assemblées.

 L'objectif de la disposition contestée est bien de favoriser l'effort de construction des HLM dont les recettes sont principalement constituées des loyers. Par sa nature, la disposition contestée concerne bien le domaine de la construction puisque c'est le code de la construction qui est ainsi modifié. Enfin, par son ampleur, on ne peut dire que cette disposition dépasse les limites inhérentes au droit à l'amendement.

 Par conséquent le grief doit être écarté.

 L'article 23 modifie la loi de 1983 sur le statut des agglomérations nouvelles. Son seul objet est d'assurer que figurent au comité syndical de ces agglomérations nouvelles, des membres élus en leur sein par les conseils municipaux. L'article est destiné à revenir au droit commun des organismes intercommunaux, mettant ainsi fin à la pratique de certaines communes de se faire représenter au conseil d'administration par un élu d'une autre collectivité.

 C’est à bon droit, dans le cas précis, que les auteurs de la saisine font valoir que ces dispositions issues d'un amendement parlementaire, sont sans lien avec le projet initial. Il ne s'agit en aucune manière de favoriser la construction ou de modifier les règles d'urbanisme et de construction. L'article est totalement étranger au projet initial II est donc non conforme à la Constitution.

Monsieur LATSCHA : Oui je suis assez d'accord. (La partie correspondante du projet est adoptée compte tenu d'une modification de forme s'agissant de l'article 22).

(Le texte est adopté à l'unanimité).

La séance est levée à 13 h 05.

cette décision contient des annexes


SEANCE DU 21 JANVIER 1994

La séance est reprise à 16 heures en présence de l'ensemble des conseillers.

Monsieur ROBERT : En 35 ans, depuis l'avènement de la Vème République, le régime de la radio et de la télévision n'aura connu pas moins de 8 réformes de fond. Une tous les 4 à 5 ans. Tant il est vrai que le développement de plus en plus rapide des technologies de la communication conduit le législateur à devoir perpétuellement suivre et à adapter sans cesse les structures juridiques du secteur de l'audiovisuel à l'évolution du progrès.

1959, 1964, 1972, 1974, 1982, 1986, 1989 et 1993

Chacune de ces réformes marque une étape. On ne retiendra que les toutes dernières mais on ne peut comprendre la loi qui nous est aujourd'hui déférée que si l'on mesure les changements qu'elle apporte à son tour à un système qui a commencé à être élaboré en 1982, profondément modifié en 1986, complété en 1989, et dont l'apothéose se situe -si l'on peut dire- en 1993.

Quelques mots donc pour expliquer et pour camper le décor dans lequel nous allons évoluer pendant toute notre discussion.

Car les problèmes que nous aurons à évoquer se sont déjà posés. Ils ont reçu, en leur temps, une solution, pas toujours la même. Il se reposent ainsi à nouveau dans un contexte politique différent. Mais les réalités économiques et financières, elles demeurent. Les principes aussi.

Comment harmonieusement concilier toujours les deux ?

1. L'audiovisuel à la veille de la loi déférée

2. Les objectifs de la loi

3. Les critiques faites à l'ensemble

4. Jurisprudences

5. Examiner chacun des 5 articles en cause.

LA LOI DU 29 JUILLET 1982 SUR LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

1959, 1964, 1972, 1974, 1982, 1986, 1989 et 1993. De toutes ces réformes, la plus audacieuse fut, sans aucun doute, celle qui, en 1974, se traduisit par l'éclatement de l'O.R.T.F. Et ce n'est point un hasard si l'on retrouve dans la loi de 1982 certaines des idées de la loi de 1974. Mais les rapports du pouvoir et des mass média sont à ce point ambigus qu'à chaque bouleversement ou changement politique, on remet sur le métier un statut de l'audiovisuel qui, à nouveau, quelques années plus tard, sera modifié...

Parce que l'on avait surtout reproché à l'ancien système de 1974 de favoriser les pressions et les mainmises et d'empêcher une véritable indépendance, la loi de 1982 sur la communication audiovisuelle l'avait voulu déjà reposer sur trois grands principes :

- 1er principe : la réaffirmation solennelle de la primauté du service public de la radiodiffusion et de la télévision.

- 2ème principe : l'indépendance du système audiovisuel français par rapport au pouvoir exécutif.

Il s'agit là d'une innovation considérable. C'est la première fois, en effet, qu'un Gouvernement se dessaisissait de son pouvoir de "tutelle" pour le confier à une institution nouvelle chargée de garantir l'indépendance du service public.

- 3ème principe : la mise en place, programmée sur quatre années, d'une véritable télévision régionale qui va de pair avec les principes de la décentralisation territoriale.

Comment ces trois principes se reflètent-ils dans les structures, l'organisation et le fonctionnement du nouveau système ? C'est ce qu'il convient d'examiner ici.

LE MONOPOLE

La loi de 1974 stipulait que "le service public de la
radiodiffusion-télévision française est un monopole d'Etat". Des dérogations au monopole pouvaient cependant concerner : la diffusion de programmes à des publics déterminés, des expériences scientifiques, l'intérêt de la défense nationale et de la sécurité publique.

Désormais, seul le monopole de diffusion est conservé : "l'Etat établit ou autorise les moyens de diffusion par voie hertzienne, ainsi que les infrastructures et installations de communication audiovisuelle qui empruntent le domaine public, ou qui, situées sur une propriété privée, sont collectives ou traversent une propriété tierce.

Le monopole de programme n'existe plus, et l'Etat peut concéder des autorisations de programme, soit par l'intermédiaire de la haute autorité pour les radios et télévisions locales privées, soit par le biais des concessions de service public accordées par le gouvernement pour l'accès aux satellites et aux réseaux hertziens de télévision.

Ainsi, notamment demeureront "les postes périphériques" et apparaîtront les "radios libres".

LA HAUTE AUTORITE

Les fonctions de la Haute autorité sont essentielles dans le nouveau dispositif mis en place par la nouvelle loi et, de ce fait, les modalités de désignation de ses membres revêtent une importance considérable.

1. Ses fonctions. - La Haute Autorité, qui nomme notamment les présidents des sociétés de radio et de télévision, est d'abord chargée de garantir l'indépendance du service public de la radiodiffusion sonore et de la télévision. Elle veille au respect des missions du service public et, par ses recommandations, au respect du pluralisme et de l'équilibre dans les programmes, au respect de la personne humaine, de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la protection des enfants et des adolescents. Elle est attentive à la défense de la langue française, à la promotion des langues et des cultures régionales, à l'adaptation des conditions de diffusion des programmes de télévision aux difficultés particulières des sourds et des malentendants.

LES STRUCTURES

Il est créé un établissement public de diffusion ; des sociétés nationales ; et des sociétés régionales.

L'ETABLISSEMENT PUBLIC DE DIFFUSION

Un établissement public à caractère industriel et commercial, doté de l'autonomie administrative et financière, est chargé d'assurer la diffusion en France et vers l'étranger, par tous procédés de télécommunication, des programmes de service public de la radiodiffusion sonore et de la télévision. A ce titre, il participe à la conception, à l'installation, à l'exploitation et à l'entretien des réseaux de distribution de la communication audiovisuelle. Il s'agit de la T.D.F., maintenant rattachée aux P.T.T.

LES SOCIETES NATIONALES

- Une société est chargée de la conception et de la programmation d'émissions du service public national de la radiodiffusion sonore, dont elle fait assurer la diffusion.

- Des sociétés sont chargées de la conception et de la programmation d'émissions du service public national de la télévision sur l'ensemble du territoire national (TF 1, A 2...)

- Une société assure la coordination des sociétés régionales de télévision. Elle est chargée de concevoir un programme mis à la disposition de ces sociétés régionales (FR 3).

- Une société assure la coordination des sociétés régionales et territoriales de radiodiffusion sonore et de télévision.

- Une société est chargée de la production d'œuvres et de documents audiovisuels (S.F.P.).

- Un institut de la communication audiovisuelle (INA).

LES SOCIETES REGIONALES

1 ) Des sociétés régionales de radiodiffusion sonore gèrent, dans la limite de leur ressort territorial, les stations locales ;

2) Des stations locales sont chargées de la conception et de la programmation d'œuvres et de documents audiovisuels ;

3) Il est créé douze sociétés régionales de télévision chargées, dans le ressort territorial d'une ou plusieurs régions, de la conception et de la programmation des œuvres et documents audiovisuels du service public de la télévision ;

4) La création d'autres sociétés régionales de télévision est autorisée par décret ;

5) Dans le ressort d'une ou plusieurs région d'outre-mer, des sociétés régionales ou territoriales sont chargées de la conception et de la programmation d'émissions du service public.

LA TELEVISION PAR VOIE HERTZIENNE

Aux termes de l'article 79 de la loi de 1982, les services de télévision par voie hertzienne destinés au public en général ne peuvent, en principe, faire l'objet que des contrats de concession de service public conclus par l'Etat ou des personnes morales de droit public ou de droit privé. < S'agissant de la télévision par câble, le législateur des le souci de favoriser le développement de ces nouvelles techniques, a prévu un régime plus simple d'autorisations délivrées par la Haute Autorité, étant entendu qu'en principe une seule personne, physique ou morale, privé ne pourra être titulaire de plus d'une autorisation >

CANAL PLUS, télévision à péage, contrôlée par le groupe Havas, en bénéficiera ainsi que les groupes attributaires des canaux supplémentaires correspondant aux cinquième (La Cinq) et Sixième (TV 6) chaînes.

A peine votée, la nouvelle loi sur la communication audiovisuelle fut déférée au Conseil constitutionnel. Celui-ci rendit sa décision le 27 juillet 1982. La décision du Conseil constitutionnel est intéressante à plus d'un titre.< Décision 141 D.C du 27 juillet 1982, Rec. 48>

Sur la saisine des députés de l'opposition qui faisaient valoir que la loi méconnaîtrait le droit à la libre circulation des pensées et des opinions, tel qu'il résulte de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le Conseil constitutionnel considère qu''il appartient au législateur de concilier, en l'état actuel des techniques et de leur maîtrise, l'exercice de la liberté de communication définie par cet article 1 < L'article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen indique : "La libre communication de pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi" >avec, d'une part, les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication audiovisuelle et, d'autre part, les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l'ordre public, le respect de la liberté d'autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels auquel ces modes de communication, par leur influence, sont susceptibles de porter atteinte.< guillemets fermé mais aucun d'ouvert alors je l'ai supprimé.

Ces impératifs sont respectés, estime le Conseil constitutionnel. En outre, il déclare non fondé le grief formulé par les auteurs de la saisine, selon lequel la disposition relative à l'établissement d'installations aurait méconnu le droit de propriété.

Les députés U.D.F. et R.P.R. avaient également invoqué la violation du principe de l'égalité devant la loi, sur trois points. D'une part, la Haute Juridiction relève que l'interdiction faite aux radios locales privées de collecter des ressources provenant de la publicité ne viole pas ce principe, dans la mesure où cette règle s'applique à toutes les radios de même nature. D'autre part, elle constate que les autorisations dérogatoires concernant les stations périphériques ne vont pas jusqu'à permettre à ces dernières de "bénéficier d'un régime dont les traits spécifiques ne seraient pas en rapport avec leur situation particulière et qui, ainsi violeraient le principe d'égalité".

En revanche, le Conseil constitutionnel n'admet pas l'exclusion du bénéfice du droit de réponse dont la loi frappe les personnes morales à but lucratif. L'article 6 de la loi stipule notamment que "toute personne physique et morale sans but lucratif". L'article 6 de la loi stipule notamment que "toute personne dans le cas où les imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation auraient été diffusées dans le cadre d'une activité de communication audiovisuelle". Le Conseil déclare contraire à la Constitution cette discrimination qui frappe les personnes morales à but lucratif.

LA LOI DU 30 SEPTEMBRE 1986 RELATIVE A LA LIBERTE DE COMMUNICATION

Pourquoi une nouvelle loi ?

Bien sûr, de la même manière que, s'agissant de la presse écrite, la nouvelle majorité issue des élections législatives de 1986 avait voulu modifier ce que la gauche avait, elle même, changé en 1982, il était à prévoir, dans le domaine de l'audiovisuel, que la droite souhaiterait apporter sa pierre à l'édifice en bouleversant quelque peu les structures mises en place par sa devancière. Mais il y avait d'autres raisons.

Certes, la loi de 1982 proclamait déjà la liberté de la communication, mais que signifiait une telle liberté -pensait la nouvelle majorité- si les seules chaînes qui recueillent une audience substantielle sont celles que possède ou contrôle l'Etat, si le pouvoir politique choisit discrétionnairement lui- même les titulaires des chaînes nouvelles, si un organisme d'Etat détient le monopole de la diffusion de la télévision, si les télécommunications sont monopolisées par l'Etat ?

La vraie liberté de communication ne peut s'épanouir que dans un paysage audiovisuel ouvert à l'initiative privée et dans un climat de concurrence et de pluralisme. Il n'était évidemment pas question de supprimer le "Service public" mais simplement d'établir une situation d'équilibre entre le secteur public et le secteur privé.

Après avoir donc rappelé, une nouvelle fois après d'autres, que la liberté de communication ne peut être limitée, dans le respect de l'égalité de traitement, que dans la mesure requise par les besoins de la Défense nationale, par les exigences du service public ainsi que par la sauvegarde de l'ordre public, de la liberté et de la propriétaire d'autrui et de l'expression pluraliste des courants d'opinion, la loi du 30 septembre 1986 institue une Commission chargée de veiller au respect de ces principes en précisant également ce qu'il faut entendre par secteur public et secteur privé de la communication audiovisuelle.

Au niveau de ses pouvoirs de sanction, la C.N.C.L. peut mettre en demeure les titulaires d'autorisations pour l'exploitation d'un service de communication audiovisuelle de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par la décision d'autorisation. Si les intéressés ne se conforment pas à cette mise en demeure dans le délai qui leur est imparti, la commission peut suspendre l'autorisation pour une durée d'un mois au plus ou en prononcer le retrait.

Sans mise en demeure préalable, la commission peut retirer l'autorisation en cas de modifications substantielles des données en vu desquelles l'autorisation avait été délivrée.

Le recours formé contre les décisions de retrait prononcées sans mise en demeure préalable est suspensif, sauf lorsque le retrait est motivé par une atteinte à l'ordre public, à la sécurité ou à la santé publiques. Le juge administratif statue dans les 3 mois.

Le Président de la C.N.C L. peut saisir la justice pour qu'il soit ordonné à la personne responsable de manquements à ses obligations de se conformer aux dispositions des textes en vigueur, de mettre fin aux irrégularités et d'en supprimer les effets. La demande au Président est portée devant le Président de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat qui statue en référé et dont la décision est immédiatement exécutoire.

LE SECTEUR PUBLIC DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

a) Sa composition.

1) Une société nationale de programme chargée de la conception et de la programmation d'émissions de radiodiffusion sonore dont elle fait assurer la diffusion (Radio-France).

- Une société nationale de programme chargée de la conception et de la programmation d'émissions de télévision dont elle fait assurer la diffusion sur l'ensemble du territoire métropolitain (Antenne 2).

- Une société nationale de programme chargée de la conception et de la programmation d'émissions de télévision à caractère national et régional dont elle fait assurer la diffusion sur l'ensemble du territoire (FR 3).

- Une société nationale de programme chargée de la conception et de la programmation d'émissions de télévision et de radiodiffusion sonore destinées à être diffusées dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'Outre-Mer (Radio-France Outre-Mer).

- Une société nationale de programme chargée de la conception et de la programmation d'émissions de radiodiffusion sonore destinées à la diffusion internationale (Radio-France Internationale).

L'Etat détient la totalité du capital de ces sociétés. Le Conseil d'Administration de chacune d'elles comprend 12 membres (2 parlementaires désignés respectivement par l'Assemblée Nationale et le Sénat ; 4 représentants de l'Etat nommés par décret ; 4 personnalités qualifiées nommées par la C.N.C.L. ; 2 représentants du personnel élus dont le mandat est de 3 ans.

Les Présidents des 4 premières sociétés sont nommés par la C.N.C.L. parmi les personnalités qu'elle a désignées. Le Président de la cinquième société (RFI) est nommé par la C.N.C.L. parmi les représentants de l'Etat.

Ces Présidents sont nommés à la majorité des membres de la C.N.C.L. et leur mandat peut leur être retiré dans les mêmes conditions.

Bien entendu, un cahier des charges fixé par décret définit les obligations de chacune des sociétés nationales de programme, et notamment celles qui sont liées à leur mission éducative, culturelle et sociale.

2) L'Institut national de l'audiovisuel (I.N.A.). - Un établissement public de l'Etat à caractère industriel et commercial, dénommé I.N.A., est chargé de conserver et exploiter les archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme.

Son Conseil d'Administration dont la composition est la même que celle de chacun des conseils des sociétés nationales est présidé par une personnalité représentant l'Etat au Conseil et nommée pour 3 ans par décret en Conseil des Ministres.

3) Une société, dont la majorité est détenue par les personnes publiques, assure la diffusion et la transmission en France et vers l'étranger des programmes des sociétés nationales (T.D.F.).

Cette société peut offrir, concurremment avec d'autres opérateurs, tous services de diffusion et de transmission aux exploitants des services de communication audiovisuelle et a vocation à procéder aux recherches et à collaborer à la fixation des normes concernant les matériels et les techniques de radiodiffusion sonore et de télévision. Elle est soumise à la législation sur les sociétés anonymes.

 
4) La société nationale de production audiovisuelle dénommée "Société française de production et de création audiovisuelle" (S.F.P.) est chargée de produire ou de faire produire des services et des documents audiovisuels. Elle fournit des prestations, notamment pour le compte des sociétés nationales de programme.

LE SECTEUR PRIVE

Aux termes de l'article 58 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, sera transféré au secteur privé le capital de la société nationale de programme "Télévision française 1" mais la répartition du capital est minutieusement décrite :

- 50 % du capital seront cédés à un groupe d'acquéreurs désigné par la C.N.C.L. ;

- 10 % du capital seront proposés aux salariés de l'entreprise ;

- 40 % du capital feront l'objet d'un appel public à l'épargne.

La loi précise qu'aucune "personne" ne peut détenir, directement ou indirectement, la propriété de plus de 25 % du capital d'une société privée titulaire d'une autorisation pour un service national de télévision hertzienne diffusé en clair. Dans le même but de contrôler les concentrations, on refusera au propriétaire d'une ou plusieurs radios ou télévisions, une nouvelle autorisation si elle doit porter son audience à plus de 15 millions d'auditeurs...

En raison des contraintes techniques telles que la rareté des fréquences hertziennes et de la nécessité de veiller en priorité au maintien de l'ordre public et au bon fonctionnement des services publics, la liberté de la communication audiovisuelle doit opérer dans un cadre juridique précis.

Seront ainsi soumis à "déclaration", les services de communication audiovisuelle distribués par câble.

Tous les autres services, notamment ceux qui utilisent la voie hertzienne, seront soumis à un régime d' "autorisation".

Pour l'attribution de ces autorisations, un certain nombre d'éléments devront être pris en considération : expérience professionnelle du candidat ; sources et modalités du financement ; perspectives d'exploitation...

Est donc abandonné le système précédent de la "concession" et sont de la sorte résiliées les concessions de la 5ème et 6ème chaînes. Canal Plus est, quant à lui, maintenu car son existencese justifiait davantage dans la mesure où la chaîne est financée par des contributions d'usagers conformément aux principes généraux du droit des concessions.

La loi relative à la liberté de communication de septembre 1986 a été, dans sa rédaction initiale, déférée au Conseil constitutionnel qui a rendu, le 18 septembre 1986, une fort intéressante décision (décision n° 86-217 DC).

. S'agissant du contrôle des concentrations, le Conseil constitutionnel a tenu, au niveau des principes, à proclamer solennellement, tout à la fois, que le pluralisme des courants d'expression socioculturels est un objectif de valeur constitutionnelle et que le respect du pluralisme est une des conditions de la démocratie.

Il en a, au plan des conséquences, tiré, en l'espèce, la conclusion qu'étaient insuffisantes les règles énoncées par la loi pour limiter les concentrations susceptibles de porter atteinte au pluralisme. Risquaient ainsi de se développer -si l'on n'y prenait garde- des situations caractérisées par des concentrations non seulement dans le domaine de l'audiovisuel mais également au regard de l'ensemble des moyens de communication dont l'audiovisuel est l'une des composantes essentielles.

. S'attachant plus particulièrement à l'exigence du pluralisme, le Conseil constitutionnel n'a pas hésité à exprimer clairement son sentiment. Il a voulu développer explicitement l'idée que la libre communication des pensées et des opinions ne serait pas effective si le public ne se trouvait pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du service public que du service privé, de programmes qui garantissent l'expression de tendances de caractères différents dans le respect de l'impératif d'honnêteté de l'information.

Or le Conseil constitutionnel a pensé que, pour respecter ces objectifs dans l'octroi des autorisations, la C.N.C.L. sera gênée du fait des insuffisances de la loi en ce qui concerne le contrôle des concentrations.

. Dans la privatisation de TF1, le Conseil a tenu à rappeler que la C.N.C.L. devra tenir compte, dans la désignation du groupe cessionnaire, de la triple nécessité de diversifier les opérateurs, d'assurer le pluralisme des opinions et d'éviter les abus de position dominante.

La Commission nationale de la Communication et des Libertés devra également assurer la limitation de la concentration dans l'ensemble du secteur de la communication lors du choix du groupe d'acquéreurs. Le respect du pluralisme revêtira, pour le groupe d'acquéreurs, un caractère impératif.S'agissant des émissions à caractère politique, le Conseil constitutionnel a également précisé dans sa décision qu'il était exclu qu'elles puissent privilégier quiconque en raison, notamment, des moyens financiers dont il dispose.

Le Conseil constitutionnel s'est donc prononcé, sans ambages, contre une stratégie multimédia.

C'était son droit strict et sans doute aussi son devoir. Mais on peut faire valoir -et certains groupes ne s'en sont point privés- un certain nombre d'arguments, qui ne sont pas sans poids, contre une telle interdiction des concentrations.

Le souci du pluralisme dont le Conseil constitutionnel s'est fait le gardien vigilant ne risque-t-il point de constituer, à plus ou moins long terme, une entrave à l'efficacité économique ? L'idée de la loi dite "Léotard" n'était-elle pas de favoriser la création, en France, de groupes multimédia capables de rivaliser avec leurs concurrents internationaux ? En luttant contre le concentration, ne va-t-on pas inéluctablement favoriser la stratégie de groupes-média étrangers qui voudront s'implanter sur le marché français ? Certes, la participation d'une personne étrangère dans une société du secteur audiovisuel est limitée à 20 % du capital (article 40 de la loi) mais c'est déjà énorme, surtout si les autres groupes sont émiettés...

Ne va-t-on pas, par ailleurs, mettre en péril la stratégie de redéploiement, vers le secteur audiovisuel, de la presse écrite dont le nombre des lecteurs est faible, et ainsi porter atteinte, par ricochet, aux conditions économiques d'une authentique liberté de la presse ?

On le voit, le problème est infiniment complexe. Et le dilemme, angoissant : faut-il empêcher les groupes multimédia français au risque de provoquer l'invasion étrangère, ou au contraire, les encourager au risque de porter atteinte au pluralisme ?

On aurait souhaité qu'une réflexion sérieuse soit menée autour de ces questions qui engagent tout l'avenir de la communication en France, dans un climat plus serein que celui qui a présidé à l'installation puis aux premiers mois d'activité de la C.N.C.L.

Brocardée -comme d'ailleurs sa devancière- pour les conditions de désignation et le choix de ses membres, il ne semble point qu'elle ait toujours montré l'objectivité, la rigueur et l'habileté tacticienne que l'on était en droit d'attendre d'elle. Elle s'est quelquefois laissée enliser dans des querelles subalternes et n'a pas su faire preuve de l'autorité qui aurait redoré son blason. Son prestige s'en est trouvé atteint, ses décisions contestées, son avenir incertain.

Il apparaissait dès lors évident, le Président de la Républiqueet le parti socialise n'ayant jamais caché le peu d'enthousiasme qu'ils éprouvaient pour la loi Léotard qui, selon eux, faisait la part trop belle à la privatisation et mettait sur pied une C.N.C.L. à la composition fort contestable, que les avatars de cette Commission allaient hâter sa déchéance.

LA LOI DU 17 JANVIER 1989 RELATIVE AU CONSEIL SUPERIEUR DE L'AUDIOVISUEL

Il ne s'agissait point, pour les promoteurs de cette loi, de remettre totalement en cause le système de 1986 par une nouvelle réorganisation d'ensemble faisant suite aux nombreuses réformes intervenues dans le passé, mais seulement de tirer au mieux la leçon des expériences passées. Le choix a donc été fait d'amender seulement la loi de 1986 en traitant seulement et en priorité de l'instance de régulation, clef de voûte du système du double secteur public et privé, point de passage obligé des décisions majeures qui régissent l'audiovisuel. Assurer l'indépendance et la collégialité du nouveau Conseil mis en place ; renforcer son autorité par une définition claire de ses responsabilités, un allégement de ses tâches de gestion et un dialogue institué avec les pouvoirs publics ; diversifier et renforcer ses pouvoirs d'action : tels ont été les trois objectifs de la nouvelle loi.

A - LE CONSEIL SUPERIEUR DE L'AUDIOVISUEL (C.S.A.)

a) sa composition

La révision du mode de désignation des membres de l'instance de régulation ne devait évidemment en aucun cas entraîner un recul pour son indépendance. L'expérience avait révélé qu'aucun mode de désignation ne pourrait garantir, à lui seul, l'indépendance de l'institution, donc qu'aucune solution ne s'imposait pas de manière incontestable.

La nomination directe par les autorités publiques prête toujours à contestation et laisse planer un doute sur l'autonomie des membres par rapport à ceux qui les ont choisis, même si, dans la réalité, le cordon ombilical se rompt -et c'est une bonne chose-, définitivement tranché (quand il a existé !) au moment précis de la désignation

La désignation par de grands corps de l'Etat et non point par leur seul Président risque, de son côté, de susciter au sein de ces corps spécialisés dans des tâches de gestion et de contrôle, l'organisation d'élections et de campagnes électorales - insidieuses et pernicieuses- peu compatibles avec le souci de nominations consensuelles.

Le recours à des professionnels peut enfin conduire à instaurer,au sein de l'instance de régulation, des pratiques corporatistes peu conciliables avec la mission de régulation globale qui est impartie à celle-ci.

C'est sans doute la raison pour laquelle la loi, maintenant à 9 le nombre des membres du nouveau Conseil supérieur de l'Audiovisuel, a voulu qu'ils soient choisis selon les mêmes modalités que les membres du Conseil constitutionnel, c'est-à-dire trois par le Président de la République, trois par le Président de l'Assemblée nationale et trois par le Président du Sénat. Le Sénat aurait -quant à lui- souhaité que 6 seulement des membres du C.S.A soient nommés par les trois principaux personnages de l'Etat, les trois autres étant désignés respectivement par le Conseil d'Etat, la Cour des Comptes et la Cour de Cassation...

Le Président du C.S.A est nommé par le Président de la République et non point par le Conseil lui-même. C'est à notre avis une bonne chose, l'élection du Président par un organisme aussi restreint entraînant nécessairement des ambitions contradictoires, génératrices de divisions, d'amertumes et de rancœurs...

Les membres du C.S.A sont nommés pour 6 ans. Leur mandat n'est pas renouvelable, et ils ne sont pas révocables en cours de mandat. Seuls leurs pairs pourraient les démettre de leurs fonctions pour non-respect des règles d'incompatibilité. Ces dernières sont rigoureuses. Il est interdit aux membres du C.S.A. d'être titulaires d'un mandat électif quel qu'il soit, d'avoir une autre activité professionnelle ou de détenir des intérêts dans une entreprise de communication. Ils sont par ailleurs tenus au secret professionnel et au devoir de réserve.

b) ses pouvoirs

"Autorité indépendante", le Conseil supérieur de L'Audiovisuel a pour mission générale de garantir l'exercice de la liberté de la communication audiovisuelle, l'indépendance du secteur public, de veiller à l'égalité de traitement et au pluralisme, à la qualité et à la diversité des programmes, à la défense de la langue et de la culture françaises.

Pour ce faire, le C.S.A. a été investi par la loi de trois ordres de pouvoirs :

 - pouvoir d'information, de contrôle et de surveillance

  1 - Le Conseil supérieur de l'Audiovisuel donnera, d'abord, un certain nombre d'avis publics et motivés, par exemple sur les cahiers des charges des sociétés ou établissements du secteur public établis par décret etfixant les obligations du service public (respect du pluralisme, droit d'accès, missions...), sur les décrets définissant les obligations concernant la publicité, la diffusion d'œuvres d'expression originale en langue française et originaires de la Communauté européenne...

  2 - Le C.S.A., en second lieu, autorise et contrôle l'usage des bandes de fréquences ou des fréquences, les radios et télévisions privées, l'exploitation des réseaux câblés après passation d'un contrat. Il peut évidemment retirer ou suspendre ces autorisations. Il attribue les fréquences à T.D.F. Il reçoit les déclarations préalables des activités non soumises à autorisation.

Il surveille le respect des règles relatives à la concentration et fixe celles relatives aux émissions électorales, syndicales, religieuses, veillant ainsi, d'une manière générale, au respect des missions de service public...

 - le pouvoir réglementaire du C.S.A.

Le pouvoir reconnu notamment au C.S.A de fixer les règles relatives aux émissions électorales, syndicales et religieuses… que les sociétés nationales de programme sont tenues de diffuser, a été encadré par le Conseil constitutionnel.

Après avoir rappelé dans sa décision du 17 janvier 1989 (248 DC, "les grandes décisions du Conseil constitutionnel", Paris, 1991, 6ème édition, pp. 724 et suivantes) que si l'article 21 de la Constitution n'exclut pas la compétence réglementaire des autorités indépendantes, c'est à la condition que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu, le Conseil en tire les conclusions qui s'imposent s'agissant du C.S.A.

Il estime que la loi qui habilite le C.S.A. à fixer seul par voie réglementaire non seulement les règles déontologiques concernant la publicité mais également l'ensemble des règles relatives à la communication institutionnelle, au parrainage et aux pratiques analogues à celui-ci, méconnaît, par sa portée trop étendue, les dispositions de l'article 21 de la Constitution.

 - le pouvoir de sanction

Les articles 42-1 et 42-2 nouveaux de la loi du 30 septembre 1986 dans sa version modifiée du 17 janvier 1989 autorisent le C.S.A. à prononcer contre le titulaire d'une autorisation d'exploitation d'un service de communication audiovisuelle une mise en demeurede respecter l'autorisation, puis, éventuellement, une sanction pouvant consister dans la suspension de l'autorisation ou d'une partie des programmes pour une durée limitée, ou dans la réduction de la durée de l'autorisation ou dans une sanction pécuniaire ou, tout simplement et plus durement, dans le retrait de l'autorisation.

La reconnaissance d'un tel pouvoir de sanction à une autorité "administrative" et non "juridictionnelle" était-elle compatible avec le principe de la séparation des pouvoirs ? Le pouvoir, en effet, d'infliger des sanctions ou des peines n'appartient-il pas exclusivement au juge ?

A la question qui lui est posée ainsi clairement pour la première fois, le Conseil constitutionnel a répondu dans sa décision du 17 janvier 1989 précitée en relevant successivement que le C.S.A. est une instance indépendante, qu'aucune sanction ne revêt un caractère automatique, que toute sanction doit être motivée, que la diversité de mesures susceptibles d'être prises correspond à la volonté du législateur de proportionner la répression à "la gravité du manquement" reproché au titulaire d'une autorisation, qu'un même manquement ne peut donner lieu qu'à une seule sanction administrative, qu'elle soit légale ou contractuelle, et qu'une sanction pécuniaire ne peut se cumuler avec une sanction pénale, que toute décision infligeant une sanction peut faire l'objet devant le Conseil d'Etat d'un recours de pleine juridiction.

Le Conseil constitutionnel en a déduit que, s'agissant de manquements à des obligations attachées à une autorisation administrative et eu égard aux garanties prévues, les articles 42-1 et 42-2 n'étaient pas contraires, dans leur principe, aux articles 11 et 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Ainsi l'attribution d'un pouvoir de sanction au C.S.A, autorité administrative, ne porte pas atteinte au principe de séparation des pouvoirs dès l'instant que, d'une part, on se situe dans le cadre d'un régime d'autorisation administrative rendu nécessaire par l'obligation de tenir compte de contraintes techniques et d'objectifs de valeur constitutionnelle, et d'autre part que ce pouvoir est exercé par une autorisé administrative indépendante.

Ces deux conditions seront d'ailleurs même apparemment abandonnées quelques mois plus tard quand, dans sa décision 260 DC du 28 juillet 1989, le Conseil constitutionnel ira jusqu'à dire "que le principe de la séparation des pouvoirs non plus qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dès lors, d'une part, que la sanction susceptible d'être infligée est exclusive de toute privation de liberté, d'autre part que l'exercice du pouvoir de sanction estassorti par la loi de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis".

B - LE PAYSAGE AUDIOVISUEL FRANÇAIS (P.A.F.)

a) Les contours du paysage : "la liberté de communication audiovisuelle"

La liberté de communication audiovisuelle présente à l'heure actuelle en France trois caractéristiques :

 - elle est essentiellement une liberté de réception,

 - elle est une liberté soumise à autorisation,

 - elle est une liberté garantie par une autorité administrative indépendante.

1) une liberté constitutionnelle de réception.

La liberté de la communication audiovisuelle est avant tout un droit fondamental des auditeurs et des téléspectateurs.

L'objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs, qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l'article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même d'exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leur propres décisions et qu'on puisse en faire les objets d'un marché.

Ainsi le Conseil constitutionnel veillera-t-il jalousement à préserver ce droit à une communication audiovisuelle libre et pluraliste. Il fera de la liberté d'autrui et -on l'a vu plus haut- de "la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socio-culturels" des "objectifs à valeur constitutionnelle"

b) Cette liberté trouve son fondement constitutionnel dans l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme dès lors que la liberté de communication au sens large englobe à la fois la liberté de la presse et la liberté de communication audiovisuelle.

2) Une liberté d'émission soumise à autorisation.

C'est la remis en cause du monopole d'Etat par la loi du 9 novembre 1981 (qui légalisait les radios locales privées sous forme de dérogations au monopole) qui a fait naître la nécessité de subordonner le bénéfice de ces dérogations à une autorisation administrative préalable. Les lois qui se sont succédées depuis n'ont fait qu'ébranler davantage le monopole. L'autorisation qui s'impose à l'évidence juridiquement aujourd'hui dans le contexte générale d'un monopole éclaté se justifie également pour des raisons d'ordre technique qui tiennent aux contraintes inhérentes aux moyens de la communication audiovisuelle (limitation des fréquences disponibles et nécessaire d'instaurer une certaine discipline dans l'attribution des ces fréquences

Mais qu'est-ce que cette liberté qui ne peut être exercée que par un petit nombre de personnes nominativement autorisées ? S'il y a bien liberté de réception, y a-t-il encore liberté d'émission ?

3) Une liberté garantie par le C.S.A.

Déjà, dans sa décision du 26 juillet 1984, à propos de la Haute Autorité de la Communication audiovisuelle, le Conseil constitutionnel avait considéré que "la désignation d'une autorité administrative indépendante du gouvernement pour exercer une attribution aussi importante au regard de la liberté de communication que celle d'autoriser l'exploitation du service de radio-télévision mis à la disposition du public sur un réseau ciblé, constitue une garantie fondamentale pour l'exercice d'une liberté publique"...

Il ajoutera -on l'a rappelé- dans sa décision du 17 janvier 1989 que la loi peut même, sans qu'il soit porté atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, doter l'autorité indépendante chargée de garantir l'exercice de la liberté de communication audiovisuelle, de pouvoirs de sanction dans la limite nécessaire à l'accomplissement de sa mission.

Le Conseil supérieur de l'Audiovisuel a-t-il rempli et pouvait-il remplir convenablement son rôle de "garant" de la liberté de communication audiovisuelle ?

A la vérité, il n'a, pas plus que sa devancière (la C.N.C.L.), pu échapper aux critiques et aux procès d'intention. Tour à tour son impérialisme et son inertie ont été dénoncés. Ses silences comme ses prises de position. Ses décisions comme ses abstentions. Pouvait-il y échapper, pris entre les exigences du service public et les légitimes préoccupations financières des exploitants, les contraintes des textes et l'habileté des utilisateurs, la férocité de la concurrence entre les chaînes et les intérêts bien compris des auditeurs et téléspectateurs ?

Pour conforter sa position, faut-il "constitutionnaliser" son existence ? A l'évidence, il ne saurait s'agir d'une obligation imposée par les textes. Dans sa dernière décision du 17 janvier 1989, le Conseil constitutionnel a simplement déclaré qu'il était "loisible" au législateur de changer une autorité administrative... Il avait auparavant estimé (D.C. 217) qu' "à elle seule", la substitution d'une autorité à une autre n'avait pas pour effet de priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel...

Peut-on en déduire que l'existence même d'une telle instance ne serait pas une garantie indispensable ? A l'évidence, si la création d'une telle autorité n'est pas une obligation pour le législateur, on voit difficilement comment elle pourrait être une exigence constitutionnelle (v. L. Favoreu et L. Philip : "les grandes décisions du Conseil constitutionnel". Paris, Sirey, 1991, 6ème éd., pp 724 et suiv.).

c) Les éléments du paysage.

La loi du 17 janvier 1989 n'a pas changé radicalement la physionomie du paysage audiovisuel français.

1 ) Dans le secteur public, on trouve toujours : les deux sociétés nationales de programme chargées de la conception et de la programmation d'émissions de télévision à caractère national et régional, diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain (Antenne 2 et FR3) ; les trois sociétés de programmes de radio (Radio-France ; Radio-France International ; Radio-France Outre- Mer) ; une société chargée d'assurer la diffusion et la transmission en France et vers l'étranger des programmes des sociétés nationales (T.D.F.) ; une société nationale de production audiovisuelle chargée de produire et de faire produire des documents audiovisuels (S.F.PC.A. : Société française de production et de création audiovisuelle) ; l'I.N.A. (Institut national de l'Audiovisuel) chargé de l'archivage des productions audiovisuelles.

. Au plan juridique, l'Etat reste l'unique actionnaire des cinq sociétés nationales. T.D.F. qui détient toujours le monopole de la diffusion est devenue une société d'économie mixte en 1986 mais son capital est détenu, majoritairement, par des personnes publiques.

La S.F.P.C.A. est aussi une société d'économie mixte qui -on l'a vu- produit des œuvres destinées en priorité aux chaînes publiques, en concurrence avec les producteurs privés.

L'I.N.A. reste, lui, un établissement public à caractère industriel et commercial.

. Au plan -plus politique- des restructurations, on signalera la création d'une présidence commune pour A2 et FR3. Le but était de renforcer la coordination entre deux chaînes qui avaient peu apprécié et mal supporté la fin du monopole et la privatisation de TF1 (v. Jean Roche et André Poulie : "Libertés publiques". Paris, 1990, Mémentos Dalloz, 9e édition, p. 132).

Nommé pour trois ans par le C.S.A., le Président nomme à son tour les directeurs généraux des deux sociétés. Le 10 août 1989, le premier Président des deux chaînes était nommé. Il ne semble point que sa mission se soit très bien terminée ! Sans doute sa nomination qui avait, à l'époque, paru manifester un certain degré d'indépendance du C.S.A. ne fut-elle jamais vraiment acceptée par les gouvernants… Il est encore trop tôt pour pouvoir, aujourd'hui, dresser un bilan objectif et précis de l'action de son successeur.

1e) Dans le secteur privé, on trouve aujourd'hui 4 chaînes : trois ont été créées avant 1986, la quatrième résulte de la privatisation d'une chaîne appartenant au secteur public et enlevée à celui-ci par la loi du 30 septembre 1986.

. Chaîne dite "à péage", Canal Plus a fait l'objet, par application de l'article 79 de la loi du 24 juillet 1982, d'une concession de service public accordée en octobre 1983 à M. André Rousselet, P.D.G. de l'Agence Havas, devenu Président de la nouvelle Société d'exploitation de la chaîne. La situation de Canal Plus n'a pas été modifiée par la loi du 30 septembre 1986 ni par celle du 17 janvier 1989. Elle se trouve toujours basée sur le contrat initial de concession (v. la nouvelle loi déférée).

. M6 a connu, elle, quelques péripéties contentieuses.

Le contrat de concession initial approuvé par le décret du 21 février 1986 fut résilié par un décret du 30 juillet 1986 après avoir été deux fois attaqué devant le Conseil d'Etat sans succès. Ce décret du 30 juillet 1986 fut à son tour annulé par le Conseil d'Etat le 2 février 1987 (Revue française de Droit administratif, 1987, p. 4). Mais le même jour, un décret prononçait à nouveau la résiliation de la concession TV6.

Celle-ci est alors attribuée à un nouveau groupe. Elle change de nom et devient, après s'être appelée RTL6, M6. Elle change également de programme, perd sa vocation musicale et devient une chaîne généraliste.

. TF1 , privatisée et attribuée au groupe Bouygues, se trouve régie par la décision d'autorisation prise le 4 avril 1987 par la C.N.C.L. et par un cahier des charges adopté par le décret du 30 janvier 1987.

La Cinq, quant à elle, n'aura jamais eu beaucoup de chance. Après avoir connu de nombreuses vicissitudes de 1983 à 1985, elle verra en 1986 et 1987 son contrat de concession résilié deux fois de suite… En février 1987, la C.N.C.L. attribue l'exploitation de la Cinq au groupe Hersant-Berlusconi, ce dernier ayant bénéficié antérieurement de la concession résiliée ! Plus tard, la Cinq changera de mains mais le groupe Hachette n'aura guère plus de succès que ses prédécesseurs et devra à son tour renoncer. La Cinq cessera donc définitivement ses émissions, au début de l'année 1992.

. La Sept, enfin (Société d'Edition de programmes de télévision) est créée en 1986 et chargée de préparer des programmes culturels diffusés par FR3 et par le satellite européen TDF1...

Ces différentes chaînes privées n'ont point toujours entretenu avec les pouvoirs publics ou le C.S.A. d'excellentes relations. Elles se sont souvent plaintes d'être l'objet de leur part de réglementations tatillonnes dont l'inobservance débouchait sur de substantielles et calamiteuses amendes. Elles se sont souvent opposées à la puissance publique sur la définition exacte des catégories de films ou d'œuvres audiovisuelles en langue française et sur le décompte des pourcentages d'heures à consacrer à la diffusion de certaines d'entre elles… Les contentieux ont été nombreux, notamment en ce qui concerne TF1 et la Cinq.

Il est vrai que, de part et d'autre, on en a souvent pris à son aise, les chaînes, en ne respectant qu'approximativement les quotas de diffusion imposés, les pouvoirs publics ou le C.S.A. en se lançant dans des réglementations par circulaires ou notes dont le fondement apparaissait quelquefois d'une solidité juridique douteuse...

LE TAUX DES EQUIPEMENTS

1) Selon Médiamétrie, en 1991 :

- 93,3 % des ménages sont équipés d'au moins un appareil,

- 95 % de ces derniers le sont d'un téléviseur couleur.

Le marché du multi-équipement prend aujourd'hui la relève : plus de 24 % des ménages sont déjà équipés d'un appareil

supplémentaire pour permettre une plus grande liberté de choix des programmes au sein du foyer.

2) Le parc des téléviseurs en 1991

- en couleur 28 010 000

- noir et blanc 4 085 000

- en tout 32 095 000 postes

3) Le nombre des chaînes (1er octobre 1992) (toutes formes de diffusion)

1980                       1992
3 chaînes publiques        26

4) L'offre de programmes


1983                               1991
10 942 h annuelles       40 345 h

5) Répartition des temps d'antenne

fiction : 1 4 080 h 34,9 %
magazine documentaire : 6 415 h 15,5 %
divertissement : 5 729 h 14,2 %
information : 4 922 h 12,2 %
 

6) L'explosion radiophonique

En 1981 : France-Inter, France-Musique, France-Culture, Europe 1, RTL, RMC.

Aujourd'hui : de 1 700 à 1 800 radios différentes de tous les formats, de tous les genres, de toutes les sensibilités. Liberté de choix pratiquement illimitée. L'explosion des initiatives un peu anarchiques des débats de la FM a laissé la place à une évolution vers la cohabitation de véritables réseaux privés offrant à l'auditeur une alternative aux programmes de services publics ou des postes périphériques.

A la suite d'NRJ (précisément des réseaux schématiques musicaux se sont développés (sous l'impulsion de gros groupes de communication) FUN, RFM, SKYROCK, NOSTALGIE, Europe 2, Maximum.

7) Les grandes sources de réseaux

Publicité (en millions de francs)

<1987 1992
TF1 3 370 6 244
A2/F2 1 927 1 840
FR3/F3 420 835
Canal + 268 411
M6 1 200 6>
               

La redevance< 1987 1992
A2/F2 776 2 179
FR3/F3 2 261 3 076
La Sept/Arte 20 273

Les abonnés

Canal + : 1992... 6 410
1987...3 076

    

PRESENTATION DE LA LOI N° 86-1067 DU 30 SEPTEMBRE 1986 RELATIVE A LA LIBERTE DE COMMUNICATION (modifiée par la loi du 17 janvier 1989)

C'est celle qui est modifiée à nouveau par le texte dont nous sommes saisis :

Article 1 à 3 :

 - la communication audiovisuelle est libre

 - limites à l'exercice de cette liberté

 - le C.S.A. garantit l'exercice de cette liberté

- définition de la "télécommunication" et de la "communication audiovisuelle"

TITRE I - DU CONSEIL SUPERIEUR DE L'AUDIOVISUEL

Article 17 - Le CSA adresse des recommandations au Gouvernement pour le développement de la concurrence dans les activités de communication audiovisuelle.

Il doit saisir les autorités diverses ou juridictions compétentes pour connaître les pratiques restrictives de la concurrence et des concentrations économiques.

TITRE II - DE L'USAGE DES PROCEDES DE TELECOMMUNICATIONS

Chapitre I - Des services utilisant la voie hertzienne

Section I - Règles générales d'utilisation des fréquences
Section II - Règles applicables aux usagers autres que les services de communication audiovisuelle diffusés
Section III - Règles applicables aux services de communication audiovisuelle diffusés

Article 28 : la délivrance des autorisations d'usage des fréquences pour chaque nouveau service de radio ou de télévision autres que ceux exploités par les chaînes nationales est subordonnée à la conclusion d'une convention entre le CSA et la personne qui demande l'autorisation.

La convention porte notamment sur un certain nombre de points (un 12ème rajouté) : article 7 nouveau.

Deux autres rajouts :

. un article 28 I nouveau : sur la reconduction de ces antennes par le CSA hors appel aux candidatures, dans certaines conditions ;

. un article 28 II nouveau : le titulaire d'un contrat de concession est regardé comme titulaire d'une autorisation ;

. un article 28 III nouveau : le CSA peut, hors appel de candidatures, délivrer des autorisations relatives à un service de radio ou de télévision pour une durée n'excédant pas 6 mois.

Article 29 : le régime des autorisations pour la radio (déclaration de candidatures, liste des candidats arrêtée, conditions de l'octroi des autorisations).

Le CSA accorde l'autorisation en fonction de l'intérêt du projet pour le public, au regard de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs et la nécessité d'éviter les abus de position dominante.

Il tient compte aussi de l'expérience acquise, du financement et des perspectives d'exploitation du service, des participations détenues par la candidature dans le capital de régions publicitaires ou de sociétés d'éditions de publication de presse.

Chapitre II - Des services de radiodiffusion sonore et de télévision distribués par câble

Chapitre III - Dispositions applicables à l'ensemble des services de communication audiovisuelle soumis à autorisation

Article 39 :

- une même personne physique ou morale ne peut détenir plus de 25 % d'une société nationale de télévision ;

- quand une personne physique ou morale détient plus de 15 % dans une société elle ne peut détenir plus de 15 % dans une autre ;

- quand une personne physique ou morale détient plus de 5 % de la société nationale, elle ne peut détenir plus de 5 % d'une autre société.

Article 41 :

Une personne qui autorisée, dispose d'un réseau de diffusion à caractère national ne peut devenir titulaire d'une ou de plusieurs autorisations d'usage de fréquences pour la diffusion de services de radio que dans la mesure où la population des zones desservies est inférieur à 15 millions.

Article 41-3 4°

En matière de radiodiffusion sonore, est regardé comme ayant un caractère national tant réseau de diffusion desservant une zone dont la population recensée est supérieure à 30 millions.

Nouvelle disposition du réseau donnée par l'article 15 nouveau :

En matière de radio, constitue un réseau tout service ou ensemble de services diffusant un même programme pour une proportion majoritaire du temps d'antenne de chaque service.

Constitue un réseau de diffusion à caractère national tout réseau qui dessert une zone dont la population recensée est supérieure à 30 millions.

Article 42 - Le C.S.A. peut mettre en demeure les titulaires d'autorisation de télévision de respecter leurs obligations.

Article 42-1 - En cas de non respect de leurs obligations, le CSA peut prononcer des sanctions : la suspension après mise en demeure, la réduction de la durée de l'autorisation dans la limite d'un an, une sanction pécuniaire et le retrait de l'autorisation.

Chapitre IV - Dispositions relatives aux services de communication audiovisuelle soumis à la déclaration préalable

TITRE III - DU SECTEUR PUBLIC DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Article 45 - Une société nationale de programme peut être chargée d'émissions à caractère européen. Remplacé par l'article 2 nouveau : une chaîne culturelle.

Article 48 - Un cahier des charges fixera les obligations de chacune des sociétés de programmes, et notamment celles qui sont liées à leur mission éducative, culturelle et sociale. Complété par l'article 4 nouveau sur les pouvoirs d'amortissement et de sanction du CSA à l'égard des chaînes nationales.

Article 49 - concerne l'INA - Un 49-1 est ajouté par l'article 6 nouveau sur les pouvoirs du CSA en cas de manquement de l'INA à ses obligations.

TITRE IV - DE LA CESSION DE LA SOCIETE NATIONALE DE PROGRAMME "TF1 ".

Article 58 - Sera transféré en secteur privé, dans les conditions suivantes, le capital de TF1 :

- 50 % du capital à un groupe d'acquéreurs désignés par le CSA

- 10 % au personnel salarié

- 40 % du capital restant font appel public à l'épargne.

Article 62 - Conditions fixées à la cession : obligations pesant sur TF 1 privatisé.

TITRE V - DU DEVELOPPEMENT DE LA CREATION CINEMATOGRAPHIQUE

 Diffusion des films : le nombre maximal annuel, la grille horaire.

TITRE VI - DISPOSITIONS PENALES

TITRE VII- DISPOSITIONS DIVERSES

LA LOI DEFEREE

Buts de la loi

1. Créer une nouvelle société peut favoriser l'accès au soin et à la formation.

2. Soumettre le secteur public aux mêmes sanctions que le secteur privé.

3. Ouvrir aux opérateurs privés la possibilité d'une continuité d'exploitation sur une période suffisante (adaptation des procédures d'autorisation du CSA), reconduction des autorisations (conditions tout de même posées à cette reconduction), pouvoirs importants du CSA.

4. Favoriser le développement de groupes de communications importants capables d'affronter la concurrence étrangère en argumentant la possibilité de détention du capital (25 % jusqu'à 49 %) et la somme totale des populations pouvant être desservies par un même opérateur pour l'exploitation de plusieurs réseaux radiophoniques.

Un projet utile et limité

1. La consolidation des entreprises françaises

a) Conforter les conditions de leur activité

. Présomption de renouvellement des autorisations d'usage des fréquences aux services privés de radiodiffusion sonore et de télévision hertzienne, terrestre ou satellitaire. Le but est d'assurer une garantie de durée facilitant le recours au crédit bancaire et à 1'appel de l'épargne et favorisant le développement des inventions.

Canal plus sera considéré comme titulaire d'une autorisation et pourra donc bénéficier de la reconduction.

. Elévation des seuils de concentration

 - En ce qui concerne la télévision, relèvement de 25 % à 49 % du seuil de détention de parts de capital dans une chaîne de télévision. Il est normal que l'actionnaire de référence perçoive une part de son profit correspondant aux responsabilités qu'il assume dans la gestion.

 - Pour la radio, le projet définit juridiquement la notion de réseau et porte à 150 millions d'habitants au lieu de 45 actuellement le bassin potentielle susceptible d'être desservi par une même personne exploitant plusieurs réseaux. Ce seuil de 150 millions résultant d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale correspond à quatre réseaux nationaux.

Précisons que les règles de concentration multimédias ne sont pas touchées et en ce qui concerne la télévision que seules les règles de concentration du capital sont modifiées pour aligner le droit sur le fait à TF1.

. Le régime de la location-gérance (article 8 ancien) qui a pour but d'éviter l'interruption du service lors de la liquidation judiciaire d'un service autorisé de radio et de télévision. Il s'agit de permettre à un repreneur d'entreprise, sans passer par l'appel d'offres, d'émettre jusqu'à ce qu'il obtienne l'autorisation du C.S.A.

b) Diversifier l'offre audiovisuelle

. Le projet de loi permet la délivrance d'autorisations temporaires de diffuser des émissions de radio ou de télévision sans passer par l'appel de candidatures.

Il s'agit d'amplifier le retentissement de certains événements. Autorisation pour six mois.

. L'article 1 du projet crée une nouvelle société de programmes à l'intérieur du secteur public de la communication audiovisuelle.

Chaîne culturelle qui se voit attribuer le réseau diurne du cinquième réseau hertzien.

. Citer ici aussi, au titre de la diversification de l'offre, l'autorisation donnée aux chaînes nationales d'effectuer des "décrochages locaux" de trois heures par jour au plus, sauf dérogation du C.S.A.

Il s'agit de permettre l'extension des décrochages très limités (six minutes par jour) actuellement menés par M6 dans un certain nombre de villes.

. Un article (premier bis ancien) accorde au Parlement la possibilité de créer une "chaîne parlementaire".

2. Le renforcement de la régulation

a) Le contrôle du secteur public

L'article 2 du projet étend le contrôle du C.S.A. sur toutes les chaînes publiques. Ce sera celui qui porte déjà sur le secteur privé.

b) L'article 7 ancien du projet insère dans la liste des points traités par les conventions passées entre le C.S.A. et les titulaires d'autorisation, la création d'un quota de 40 % au moins de chansons d'expression française.

Seuls sont soumis à ce régime les services de radiodiffusion à vocation nationale et à dominante de musique de variété.

3. Une réponse incomplète aux défis d'aujourd'hui

Projet de loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Dix-huit articles :

Certains articles non-contestés :

- article 2 qui crée une chaîne culturelle.

- article 3 qui autorise chaque assemblée parlementaire à faire diffuser par voie hertzienne ou distribuer par câble un programme de présentation de ses travaux.

- articles 4, 5 et 6 qui traitent des sanctions du C.S.A. et les sociétés nationales qui ne respectent pas leurs obligations.

- article 9 qui fait entrer Canal plus dans le régime de L'autorisation.

- article 10.

- article 12 sur le minimum de 40 % de chansons françaises (dont la moitié provenant de nouveaux talents) imposé à la radio pour la part de ses programmes composés de musique de variété.

- article 13 sur le contrat de location-gérance en cas de liquidation judiciaire d'une entreprise.

- article 16, 17 et 18 sur le dépôt que fera le C.S.A. d'un rapport sur le bilan de l'usage des fréquences (dans un délai de deux ans) et la communication, chaque mois, du temps d'intervention des personnes politiques dans les émissions politiques, aux Présidents des assemblées et responsables des

3. Les objectifs à valeur constitutionnelle que sont :

- la sauvegarde de l'ordre public,

- le respect de la liberté d'autrui,

- la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socio-culturels.

4. Le pluralisme des courants d'expression est une des conditions de la démocratie

5. La liberté d'entreprendre qui n'est ni générale, ni absolue, reconnue en matière de liberté de communication audiovisuelle.

D.C. 27 juillet 1982 sur la loi de la communication audiovisuelle.

 "Il appartient au législateur compétent en vertu de l'article 34 pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, de concilier, [en l'état actuel des techniques et de leur maîtrise] l'exercice de la liberté de communication telle qu'elle résulte de l'article 11 de la Déclaration avec, d'une part, les contraintes techniques inhérentes aux moyens de la communication audiovisuelle et, d'autre part, les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l'ordre public, le respect de la liberté publique et la présentation du caractère pluraliste des courants d'expression socio-culturels auxquels ces modes de communication, par leur influence considérable, sont susceptibles de porter atteinte."

D.C. 18 septembre 1986 sur la loi relative à la liberté de communication.

- Même considérant de principe que dans la décision de1982.

- Le respect du pluralisme des courants d'expression socio-culturels est "une des conditions de la démocratie".

- Les conditions d'effectivité de la libre communication des pensées et des opinions.

- Les pouvoirs accordés par la loi à la C.N.C.L.

- Méconnaissance par le législateur de sa compétence au regard de l'article 34 en raison de l'insuffisance des règles énoncées par la loi pour limiter les concentrations susceptibles de porter atteinte au pluralisme.

Mais il a censuré le fait qu'une personne pouvait participer au capital de différentes sociétés titulaires d'autorisations de service de télévision (25 %).

- Sur la cession du capital de TF1 (50 % à un groupe).

Reporter dans notre projet les exigences de la décision du 18 septembre 1986.

Au C.S.A. de veiller au respect du pluralisme.

- Sur la C.N.C.L.

C'est une autorité administrative indépendante soumise au contrôle de légalité du Conseil d'Etat.

L'ARTICLE 7

Article 4 A : nouvelle numérotation : 7

Les "décrochages locaux"

Le nouvel article dispose que les conventions fixant les règles particulières applicables aux services nationaux de télévision autorisant les données à effectuer des "décrochages locaux" d'une durée limitée, sauf dérogation accordée au C.S.A., à trois heures par jour, ces décrochages n'étant pas considérés comme des services distincts fixé précisément d'autorisations locales.

Actuellement, les décrochages autorisés sont de six minutes.

Ici, on va jusqu'à trois heures et on ne limite ni le nombre ni l'audience.

Critiques des sénateurs :

1. Une telle pratique s'analyse comme une dérogation aux règles interdisant le cumul.

2. Porte atteinte au pluralisme et à la liberté des concentrations.

Le décrochage local

- Entièrement réalisé par le service national ; il ne pèsera pas sur les ressources des médias locaux.

- Les décrochages ne peuvent comporter de messages publicitaires.

- C'est une partie intégrante du service national autorisé.

- En contribuant à l'animation de la vie locale, le décrochage répond à un besoin d'informations de proximité (le C.S.A. a reconnu l'intérêt et le succès des décrochages pratiqués par France 3 et par M6 sur sept agglomérations : Lille, Bordeaux, Marseille, Tours, Nantes, Lyon, Montpellier).

- Le décrochage suppose un investissement initial ; il faut donc un temps de diffusion plus long.

Monsieur ROBERT : Nous pouvons peut-être aborder la discussion sur l'article 7.

Monsieur le Président : Y-a-t-il des questions sur l'article 7 ? Non ? Alors nous passons tout de suite à la lecture.

(Monsieur ROBERT lit les considérants se rapportant à l'article 7. Ils sont approuvés à l'unanimité).

Monsieur ROBERT : Je passe maintenant à l'examen de l'article 8.

L'ARTICLE 8

La durée de l'autorisation initiale ne peut excéder dix ans pour la télévision et cinq ans pour la radio.

Autorisation reconduite par le C.S.A. hors appel de candidatures, dans la limite de deux fois, et chaque fois pour cinq ans sauf dans trois cas :

1 . Si l'Etat a modifié la destination de la fréquence considérée.

2. Sauf si le titulaire a fait l'objet de condamnation à des astreintes.

3. Sauf si le C.S.A. estime que la reconduction porte atteinte au pluralisme.

Procédure applicable aux autorisations venant à expiration après le 28 février 1995.

Griefs : "prime aux sortants"

Atteinte au pluralisme qui implique une redistribution des cartes.

Pouvoirs discrétionnaires laissés au C.S.A. Absence de l'appel à la concurrence.

3ème condition : réserve d'interprétation dans les pouvoirs du C.S.A. Il faut que le C.S.A. puisse reconsidérer l'ensemble de la situation.

Sur cet article, j'avoue avoir beaucoup hésité. On peut soutenir parfaitement deux points de vue opposés. L'un qui conduirait à la censure, l'autre, qui est celui du projet conduirait à la validation. J'exposerai successivement les deux points de vue.

La validation :

On pourrait mettre en avant l'ensemble des garanties qui figurent dans la loi. Souligner que les dispositions contestées relatives aux conditions de renouvellement des autorisations doivent être interprétées et mises en œuvre au regard des principes posés par l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986. En particulier, il appartient au Conseil supérieur de l'audiovisuel de veiller à assurer l'égalité de traitement, à favoriser la libre concurrence et à assurer la qualité et la diversité des programmes. Pour la mise en œuvre de cette procédure et notamment pour décider d'une reconduction d'une autorisation hors appel aux candidatures, le Conseil supérieur de l'audiovisuel doit s'assurer par tous les moyens d'information et de contrôle dont il dispose qu'est respecté le pluralisme sur le plan national ou sur le plan régional et local. La décision quant à la possibilité de reconduire une autorisation hors appel à candidatures doit intervenir un an avant l'expiration de celle-ci et être publiée au Journal officiel. Dans l'affirmative, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut de sa propre initiative et avec l'accord du titulaire de l'autorisation modifier la convention prévue à l'article 28 de la loi susvisée du 30 septembre 1986. Ainsi les modifications peuvent porter notamment sur la durée et les caractéristiques du programme, le temps consacré à la diffusion d'œuvres d'expression originale française ou européenne, la part du chiffre d'affaires consacrée à l'acquisition de droits cinématographiques d'expression française, la diffusion de programmes éducatifs et culturels, le temps maximum consacré à la publicité, le concours au soutien de l'industrie cinématographique et de l'industrie de programmes audiovisuels. Il est précisé par l'article contesté qu'à défaut d'accord au moins six mois avant la date d'expiration de l'autorisation pour les services de télévision et de radiodiffusion sonore, l'autorisation n'est pas reconduite hors appel aux candidatures. Cette nouvelle décision est à son tour publiée au Journal officiel. Dans ce cas, une nouvelle autorisation d'usage de fréquences ne peut être délivrée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel que conformément aux articles 29 et 30 de la loi susvisée du 30 septembre 1986.

On peut en déduire ainsi qu'il incombera au Conseil supérieur de l'audiovisuel de tenir compte dans tous les cas du comportement passé du titulaire de l'autorisation initiale et de veiller, dans le cadre de la nouvelle discussion, qui peut être globale, de la convention qui le lie, à ce qu'il respecte ses obligations destinées à assurer une expression libre et pluraliste des idées et des courants d'opinion. C'est à la condition d'un accord sur ces obligations que le Conseil supérieur de l'audiovisuel, autorité indépendante garante de l'exercice de la liberté de communication, peut notamment décider de reconduire l'autorisation hors appel aux candidatures.

En outre, comme nous l'avons souvent rappelé, dans l'exercice de ses compétences, le Conseil supérieur de l'audiovisuel sera, à l'instar de toute autorité administrative, soumis à un contrôle de légalité qui pourra être mis en œuvre tant par le Gouvernement, que par toute personne qui y aurait intérêt. Il incombera à la juridiction administrative de veiller tout particulièrement au respect de l'objectif du pluralisme. Dans ces conditions, la disposition contestée pourrait ne pas être par elle-même de nature à mettre en cause l'objectif à valeur constitutionnelle du pluralisme.

Maintenant, en ce qui concerne le principe d'égalité : vous savez bien sûr que nous avons un considérant type que nous reproduisons toujours qui consiste à dire que ce principe ne s'oppose pas à ce que le législateur déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général dès lors que la différence de traitement qui en résulte est en rapport avec l'objet de la loi. Un des objectifs de la loi consiste précisément à encourager les investissements privés dans l'audiovisuel pour que se constituent des groupes aptes à affronter la concurrence internationale, à s'adapter rapidement aux évolutions technologiques et à promouvoir les intérêts culturels français. On peut souligner que le législateur a adopté les dispositions de l'article 8 pour assurer aux opérateurs privés de radio et de télévision une continuité d'exploitation facilitant la programmation de leurs investissements et de leur développement. Dès lors la procédureprévue par l'article 8 de la loi ne méconnaîtrait pas le principe d'égalité. En outre, l'application de cette procédure nouvelle aux autorisations venant à expiration à une date postérieure au 28 février 1995 concerne tous les services de télévision et de radiodiffusion qui ont d'ores et déjà fait l'objet d'une autorisation. Sur ce point, le moyen tiré d'une méconnaissance du principe d'égalité n'est pas recevable. Les requérants ne sont pas fondés à soulever ce moyen. Il manque en fait.

Enfin, en ce qui concerne la compétence du législateur, on pourrait dire que pour la réalisation des objectifs à valeur constitutionnelle rappelés, il est loisible au législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, de confier à une autorité administrative indépendante des pouvoirs d'appréciation dans le cadre des conditions et précisions qu'il édicte. Mais, comme on l'ajoute toujours, il faudrait souligner qu'il lui appartient toutefois d'assortir l'exercice de ces pouvoirs, de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis.

Enfin, on ferait observer que le législateur a assorti de règles et garanties le renouvellement des autorisations hors appel aux candidatures ; que l'appréciation des comportements des titulaires d'autorisation ayant pu donner lieu à astreintes ou sanctions relève de la mission spécifique du Conseil supérieur de 1 audiovisuel. Là encore, on rappellerait qu'il appartiendra au juge administratif de veiller au respect de ces règles et garanties à l'initiative tant du Gouvernement que de toute personne qui y aurait intérêt. Dans ces conditions, le législateur n'aurait pas méconnu sa compétence en conférant au Conseil supérieur de l'audiovisuel les pouvoirs que celui-ci tient de l'article 8 de la loi.

Arrivé à ce point du raisonnement, je dois vous avouer que je suis loin d'être convaincu par ma propre argumentation. On pourrait en effet tout à fait soutenir une argumentation inverse sur l'article 8 qui conduirait à la censure.

La censure : On pourrait souligner en premier lieu que les dispositions du deuxième alinéa de l'article 28-1 de la loi relative à la liberté de communication ouvrent un véritable droit au titulaire d'une autorisation initiale de dix ans pour un service de télévision et de cinq ans pour un service de radiodiffusion sonore, diffusés par voie hertzienne terrestre, à la reconduction par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, hors appel à candidatures, dans la limite de deux fois et chaque fois pour une durée de cinq ans de l'autorisation initiale. Souligner ensuite qu'en dépit des réserves que le troisième alinéa de cet article formule tenant à la modification éventuelle des fréquences considérées par l'Etat et de celles du cinquième alinéa tenant à l'appréciation portée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel sur le respect du pluralisme, le deuxième alinéa de cet article interdit à des opérateurs potentiels de présenter des projets d'exploitation de fréquences garantissant tout autant l'expression des idées et des opinions de se porter candidat à une autorisation d'utilisation de fréquences que l'article 22 de la loi du 30 septembre 1986 définit comme "un mode d'occupation privatif du domaine public de l'Etat". Il pourrait être soutenu par suite que le législateur a méconnu le respect du principe du pluralisme.

En deuxième lieu le cinquième alinéa de l'article 28-1 habilite le Conseil supérieur de l'audiovisuel à ne pas reconduire l'autorisation initiale s'il estime que cette reconduction porte atteinte à l'impératif de pluralisme. Toutefois le législateur n'a pas fixé de critères objectifs permettant au Conseil supérieur de l'audiovisuel qui, par ailleurs, ne dispose pas du pouvoir de fixer seul par voie réglementaire l'ensemble des règles relative à la communication, au parrainage et aux pratiques analogues, de garantir le pluralisme des courants socioculturels dans le respect de l'impératif de l'honnêteté de l'information . Cet absence de critères objectifs ne permettrait pas au juge administratif d exercer un contrôle sur les décisions de reconduction des autorisations hors appel aux candidatures. Dès lors, il resterait à conclure que le législateur a méconnu la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant l'exercice des libertés publiques .

Enfin, en troisième lieu, une telle reconduction des autorisations initiales hors appel à candidatures, en l'absence de garanties suffisantes édictées par le législateur, serait de nature à conférer aux opérateurs déjà titulaires de ladite autorisation, une période d'occupation privative du domaine public de l'Etat qui pourrait être de vingt ans sans que cette situation puisse être remise en cause par l'examen de projets alternatifs. Si le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur y déroge pour des raisons d'intérêt général dès lors que la différence de traitement qui en résulte est en rapport avec l'objet de la loi, le privilège ainsi accordé à l'opérateur initial, eu égard au nombre des fréquences disponibles limitées notamment en matière de télévision hertzienne terrestre, n'est justifié ni par des contraintes techniques ni par des nécessités économiques d'intérêt général Dès lors, il faudrait conclure que les dispositions de l'article 28-1 sont contraires au principe d'égalité.

Il résulterait des arguments précédemment exposés que la procédure de reconduction des autorisations initiales qui ne revêt pas un caractère public est susceptible de porter atteinte au pluralisme des courants d'opinion, méconnaît la compétence du législateur et contrevient au principe d'égalité.

Monsieur FAURE : Il est difficile de parler après Monsieur ROBERT qui a utilisé une heure vingt d'horloge pour exposer les deux positions. Il dit que c'est une conciliation à opérer entre nécessités techniques et pluralisme. En ce qui concerne l'évolution technique, nous n'en connaissons pas le terme. Elle a évolué, mais où en sera-t-elle dans dix ou quinze ans ? En revanche, le pluralisme, nous savons ce que c'est. Pour prendre position, il faudrait avoir du CSA une image exacte. On pourrait reprocher au CSA d'avoir tout pouvoir. Mais on peut aussi lui reprocher l'inverse. Pour ce faire une idée, j'avoue que c'est difficile et j'attends que la discussion fasse pencher la balance d'un côté plutôt que de l'autre. A priori, je suis plutôt en faveur de la première position mais à 51 % contre 49 %.

Monsieur FABRE : Il y a une différence entre l'idéal et ce qu'il est possible d'atteindre. L'idéal ce serait d'accorder l'égalité des chances à toutes les entreprises. Or, bien entendu il y a un privilège de celui qui est en place. On le connaît. C'est le même problème avec les concessionnaires. Il y a ceux qui sont en place et qui demandent qu'à continuer et puis il y a les autres qui veulent entrer sur le marché. Le CSA a un rôle déterminant à jouer. Si on approuve le texte, c'est une motion de confiance qu'on vote au CSA. Il faut qu'il ait la pureté des intentions et l'autorité qu'il doit acquérir. Je souligne d'ailleurs que les critiques formulées contre lui se sont amenuisées au fur et à mesure. Voilà pourquoi comme rien n'est parfait, je me rallierai à ce qui nous est proposé en premier lieu.

Monsieur ABADIE : Je rends hommage à l'objectivité de Monsieur ROBERT qui nous a exposé avec impartialité les deux positions possibles. Le choix est difficile. Si l'on songe aux garanties constitutionnelles qu'il faut apporter à la liberté de communication de façon à permettre que le pluralisme soit effectif, je crois qu'il faut distinguer trois niveaux :

a) le premier niveau, qui n'est pas en cause c'est l'équilibre entre le secteur public et le secteur privé.

b) le second niveau est celui qui s'exprime à l'intérieur même du secteur privé et qui joue entre les différentes sociétés qui occupent ce marché. Il faut éviter tout monopole c'est-à-dire qu'on ait plusieurs opérateurs.

c) enfin, à l'intérieur de chaque société, il faut éviter les positions dominantes. Mais ça, c'est le problème spécifique de l'article 14. Pour moi, j'estime que le principe du pluralisme est plus important que l'existence de plusieurs sociétés. Il faut qu'il soit réalisé à l'intérieur de chaque société. Au regard de cette construction, que peut-on dire ? Quel est le meilleur service pour la collectivité ? Celui qui est rendu par l'opérateur en place et qui jouit d'une rente de situation ou celui qui est rendu par celui qui a l'intention de rendre leservice ? En ce qui concerne les concessions de service public, on estime souvent que celui qui occupe la place n'est pas toujours celui qui rend le meilleur service.

En ce qui concerne l'évolution de la technique : oui, bien entendu mais si on prend en compte la nécessité des investissements qu'elle rend obligatoires, on peut dire aussi qu'elle fige un opérateur pendant une vingtaine d'années.

En ce qui concerne le pluralisme il est vrai que cette tâche est essentiellement confiée au CSA et qu'il est encadré quant à sa mission par les articles du texte.

Enfin, sur l'égalité de traitement : en effet, il y a une différence de situation mais celle-ci justifie-t-elle des différences de traitement ? Il y en a un qui est dans la place, qui a tout, et l'autre n'a rien. En ce qui concerne la compétence du législateur, les arguments ont été données et je n'ai rien à y ajouter.

Sur un dernier point qui concerne les conventions passées entre le CSA et les sociétés, il faut bien souligner tout de même que les conventions actuelles sont de dix ans et que les opérateurs qui s'engageaient le savaient. Ils ont dû prévoir leurs investissements pour cette période. Je sais bien a contrario qu'on est conduit au renforcement des opérateurs en raison des investissements qu'ils ont à faire. Mais je ne vois pas où est le désavantage qu'ils auraient à subir en raison d'une reconduction non automatique.

Monsieur CABANNES : Ce n'est pas paresse intellectuelle mais le rapporteur a vraiment fait le tour du problème. En gros, ce qui me déterminerait, à 60 % contre 40 % pour reprendre la formule de Monsieur le Ministre d Etat, ce sont deux éléments, à savoir l'expérience acquise et la nécessité de procéder à des investissements. Ces deux critères me feraient pencher pour la thèse principale, c'est-à-dire la première

Monsieur LATSCHA : Je suis gêné d'avoir à prendre une décision sur cet article 8 considéré à part des autres dispositions de la loi. En effet, le problème ne se pose pas en terme de pouvoir. D'une part, il y a la durée des autorisations et leur reconduction automatique, et d'autre part la possibilité de posséder 49 % des droits ou du capital dans un même groupe ce qui revient à une position dominante. Enfin, il y a aussi la possibilité de participer à d'autres groupes.

Monsieur le Président : Oui, mais tout cela n'est pas changé par le présent texte de loi.

Monsieur LATSCHA : Peut-être mais il faut dire tout de même que TF1 va appartenir à une même société pendant vingt ans. Ilpossède déjà 55 % des recettes du marché publicitaire. Ce texte qui nous est soumis renforce encore sa position. Comment peut-on faire pour éviter les positions dominantes ? J'aurais préféré qu'on donne un droit préférentiel de postuler à un renouvellement des candidatures mais que l'on procédât tout de même à cet appel de candidature à l'expiration de chacune des étapes. Nous n'avons pas beaucoup de choix. Il faut censurer ou déclarer la conformité.

Madame LENOIR : Je suis d'accord avec le projet principal du rapporteur.

Monsieur le Président : A ce stade je voudrais faire part de mon sentiment. Au départ, la situation de la communication audiovisuelle était complexe et fluide. En 1986, nous avons statué sur l'attribution de quelques chaînes de réseau hertzien et sur quelques fréquences attribuées aux radios. Il est certain que dans quelques années nous aurons des bouleversements. Il y aura cinq à dix programmes de plus sur le territoire français. Donc nous sommes dans une situation difficile à apprécier. C'est au législateur qu'il appartient de définir l'intérêt général. Je ne me fais pas d'illusion sur l'inspiration du texte. Il est certain que c'est une prime à ceux qui sont déjà en place. Les possibilités de durée de convention s'accroissent. TF1 sera encore plus puissant et la famille BOUYGUES encore plus riche.

Cela ne me paraît devoir être un motif de censure. Pourquoi ? Vous avez rappelé Monsieur le rapporteur, les principes : la liberté de communication, la nécessité de protéger l'ordre public etc. En fait, il y a une seule question vraiment importante c'est celle du pluralisme. Je souhaiterais que le Conseil se souvienne qu'il y a à la fois une exigence et une considération.

Une exigence : il faut définir et défendre le pluralisme avec force. Le pluralisme doit être mesuré au regard des utilisateurs. On pense par rapport aux radios et à la télévision mais il faut penser aussi par rapport aux consommateurs. Du côté des producteurs de service, la question essentielle c'est celle de la concentration. Je veux dire celle de la concentration multi- média. Je ferai observer que le texte qui nous est soumis n'a pas touché aux séries de prises de participation dans d'autres sociétés quand on est déjà titulaire d'une autorisation.

Cela dit comment justifier la pérennisation des autorisations d'émettre :

- renforcer les opérateurs

- renforcer les investissements

- renforcer l'industrie de programme

Nous devons être là disent les opérateurs car nous devons renforcer notre capitalisation en bourse. Je ne prendrai que l'exemple de LAGARDÈRE qui a dit qu'il ne pouvait obtenir le concours des banques si l'autorisation dont il était titulaire était trop courte. Je ne sais pas si cette justification est vraie mais c'est celle qui est avancée.

Les deux opinions me paraissent soutenables. Qui sommes-nous pour trancher ? Y-a-t-il un principe constitutionnel qui est enfreint ? Que gagnerait-on à passer de BOUYGUES à HACHETTE ? Le texte de loi est habile. S'il y a une atteinte au pluralisme, c'est automatiquement le CSA qui doit y faire obstacle. La deuxième garantie offerte par le texte, c est celle du moment où la convention doit être renouvelée et renégociée. Tout passe et tout revient au CSA. Si cela ne va pas, qu'il agisse ! Si les garanties sont insuffisantes, qu'il en réclame d'autres ! La seule critique qui me paraît un tant soit peu fondée, est celle qui concerne la rupture d'égalité entre ceux qui sont en place et ceux qui n'y sont pas. Le problème de ce point de vue est plus liée à la liberté d'entreprendre qu'à la sauvegarde du pluralisme.

Passer de dix ans à vingt ans n'est pas contraire à un principe constitutionnel. En revanche, la rupture d'égalité invoquée concerne le principe même de l'autorisation et de la concession. Des appréciations quantitatives sont impossibles. Certes, il y a un point qui pourrait être invoqué mais plus pour la radio que pour la télévision. Ca ne coûte rien de faire une radio et on ne voit pas au nom de quel raisonnement constitutionnel on pourrait justifier le maintien quasi automatique de l'autorisation. Sauf la plume à la main, je ne vois pas comment on pourrait censurer. Je lirai votre texte de censure avec plaisir mais je ne le sens pas. Je ne vois pas comment on peut écrire que c'est une atteinte au pluralisme alors qu'il s'agit plutôt de la liberté d'entreprendre.

Monsieur CABANNES : Je suis autant convaincu par une position que par l'inverse. Je suis à 50-50.

Monsieur le Président : Tout le transfert des recettes publicitaires se fait au bénéfice de la télévision et du plus gros des opérateurs. Il y a des abus de position dominante, c'est certain mais vous savez que c'est le rôle du Conseil de la concurrence que d'y faire face

Monsieur ROBERT : On peut soutenir les deux positions mais ne pas soumettre le renouvellement des autorisations à appel d'offres, c'est faire bon marché du pluralisme. Aucune des conditions du pluralisme ne me paraisse remplies. TF1 ne paie pas ses amendes.

Monsieur le Président : Il est certain qu'il y a un abus de position dominante. Il suffit de voir comment on interviewait le pauvre BEREGOVOY et comment on interview l'actuel Premier ministre.

Monsieur ROBERT : Les pouvoirs qui sont donnés au CSA par cette loi ne seront jamais exercés.

Monsieur ABADIE : Le texte nous coince en raison de l'impératif du pluralisme.

Monsieur le Président : Qui peut s'acheter une télé et qui peut avoir une autorisation ? Il y a très peu d'opérateurs sur le marché. Il y a HACHETTE. Mais que fera-t-il de plus ? Ecoutez, mon sentiment est celui-là, je ne vois pas comment on pourrait montrer et motiver la rupture du pluralisme. Si nous prenions cette position, comme nous n'avons pas de motivation en bronze, on serait accusé de faire place aux groupes allemands. Bien sûr, la reconduction hors appel aux candidatures, n'est pas convenable. C'est fait pour rassurer ceux qui sont là et conforter leur position.

Monsieur ABADIE : Est-ce qu'on n'a jamais tiré du Préambule de 1946 quelque chose qui concerne le monopole de fait ?

Monsieur LATSCHA : On peut souligner quand même que le texte qui nous est soumis est rédigé de telle façon qu'il dit : l'autorisation est reconduite sauf...

Monsieur le Président : Le texte est très bien fait. Si vous avez une autre rédaction, Monsieur le rapporteur, faites-là distribuer.

Monsieur FABRE : On s'étonne un peu de la puissance de BOUYGUES, mais enfin, il a réussi.

Monsieur ROBERT : Mais pourquoi ne pas donner sa chance aux autres ? C'est tout ce que je demande.

Monsieur FAURE : Il n'y a pas de système parfait qui puisse être mis à la place.

Monsieur le Président : Dans le projet de décision, il manque les conditions inhérentes au respect du pluralisme.

Monsieur le Secrétaire général : C'est le considérant qui est au bas de la page 9 qui rappelle cela.

Monsieur le Président : Oui, mais il faut le dire expressément et rappeler que le CSA examine les conditions dans lesquelles le pluralisme s'exerce.

Monsieur ROBERT : C'est effectivement page 9.

Monsieur le Président : Oui mais là c'est la référence à la procédure mais ça c'est autre chose. Le CSA en revanche doit dire s'il estime que le pluralisme est respecté et s'il ne l'est pas, il doit changer de procédure et passer par l'appel d'offres.

Monsieur LATSCHA : Le système mis en place c'est une reconduction avec préférentiel.

Monsieur le Président : Regardez le cas HERSANT. Ses journaux sont restés ce qu'ils étaient. La question est donc bien celle- ci : le problème n'est pas celui de la garantie du pluralisme mais de la liberté d'entreprendre.

Monsieur ROBERT : Je sais bien que la liberté d'entreprendre n'est ni générale, ni absolue. Mais est-ce qu'on ne peut pas essayer d'encadrer plus le CSA.

Monsieur le Président : Vous vous rappelez notre décision du 17 janvier 1989 sur le transfert d'une partie du pouvoir réglementaire au CSA. Nous avons nous-mêmes limité ce pouvoir réglementaire. Comment pourrait-on justifier aujourd'hui une augmentation de nos exigences ?

Je propose que nous passions à la lecture.

(Monsieur ROBERT lit la première version du projet de décision qui va dans le sens de la validation, c'est cette version qui est retenue par les conseillers).

L'ARTICLE 14

Article 9 : Nouvelle numérotation : 14

Texte initial de l'article 39 de la loi du 30 septembre 1986 : une même personne physique ou morale ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote d'une société titulaire à une autorisation.

Le nouvel article porte le pourcentage de 25 % à 49 %, la fraction du capital ou des droits de vote qu'une société titulaire d'une autorisation relative à un service national de télévision par voie hertzienne terrestre peut détenir. Il est en outre prévu que ce plafond s'applique dans le cas où une ou plusieurs personnes physiques ou morales agissent de concert.

Les saisissants font valoir que le relèvement du seuil de 25 à 49 % permettra à un actionnaire de contrôler en fait une chaîne nationale diffusée par voie hertzienne terrestre dès lors que selon l'article 355-1 de la loi du 24 juillet 1966, une société est présumée en contrôler une autre lorsqu'elle dispose d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 %. La disposition qu'ils critiquent contreviendrait, selon eux, à la triple nécessité de diversifier les opérateurs, d'assurer le pluralisme des opinions et d'éviter les abus de position dominante. Les députés, quant à eux, soutiennent que les dispositions de l'article 14 n'ont pas pour but de déterminer un régime garantissant le respect des principes et des objectifs à valeur constitutionnelle mais uniquement de régulariser des agissements de l'opérateur privé français le plus important dont tout le monde sait qu'il s'agit de TF1 . L'actionnaire dominant serait en mesure de contrôler entièrement le fonctionnement et la stratégie d'une chaîne. Une atteinte inconstitutionnelle serait ainsi portée au pluralisme.

Là encore comme pour l'article 8 j'ai longuement hésité : je crois qu'il est possible de censurer cet article au nom d'un certain nombre d'arguments que je vais vous présenter. Cependant, c'est l'autre thèse que je vous proposerai à titre principal comme projet de décision :

Les arguments en faveur de la censure :

Nous avons dit à plusieurs reprises que l'objectif du pluralisme doit s'analyser comme permettant au public de disposer aussi bien dans le cadre du secteur privé que dans celui du secteur public de programmes qui garantissent l'expression de tendances de caractère différent dans le respect de l'honnêteté de l'information.

D'autre part, nous avons dit en 1986 que la concentration doit s'analyser comme le fait pour un groupe économique ou financier d'exercer une influence prépondérante au sein d'une société titulaire d'une autorisation et de contrôler plusieurs réseaux de diffusion de télévision ou de radiodiffusion sonore et par là de mettre en péril l'expression de la diversité des courants socioculturels.

Bien entendu, de façon générale aucun principe ni aucune règle à valeur constitutionnelle ne s'oppose à ce qu'une société prenne une participation dans le capital d'une autre pour une fraction équivalente à 49 % de son capital. Pourtant, en matière de presse et de communication, la sauvegarde du pluralisme et le contrôle des concentrations exigent qu'une personne physique ou morale agissant dans ce domaine, ne soit pas en mesure de contrôler une ou plusieurs sociétés dans des proportions telles qu'elles mettent en péril la libre communication des pensées et des opinions.

On peut prendre en considération que les dispositions édictées par l'article 14 de la loi renforcent la portée du contrôle de la concentration au sein d'une entreprise de communication en soumettant explicitement au plafond qu'il prévoit tout "concert" d'actionnaires. Cependant celles-ci autorisent une personne morale ou physique à détenir à elle seule une fraction équivalente à 49 % du capital ou des droits de vote d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service national de télévision. L'élévation du seuil de 25 à 49 % de détention du capital ou des droits de vote d'une société par une personne physique ou morale, permet de considérer qu'elle exerce un contrôle sur cette société. Il est certain que la détention d'une telle fraction du capital pourrait conduire un opérateur déjà prédominant non seulement en termes d'audience mais aussi en parts de marché publicitaire à exercer, eu égard au nombre de fréquences hertziennes disponibles limitées, une influence prépondérante dans le secteur privé de la communication. Celle-ci serait encore aggravée par les dispositions de l'article 8 de la loi déférée qui ouvre un droit à renouvellement au bénéfice du titulaire d'une autorisation initiale donnée à un service de télévision.

Aussi notre décision pourraient faire valoir, sur le terrain de l'incompétence négative, que si les dispositions contestées ne dérogent pas à celles du deuxième alinéa de l'article 39 de la loi susvisée du 30 septembre 1986 qui permettent d'éviter la concentration multimédias, non plus qu'à celle de l'ordonnance n° 1243 du 1er décembre 1986, le législateur n'a pas énoncé de garanties suffisantes destinées à éviter qu'une société déjà dominante sur le marché, et concentrant en outre au profit d'une seule personne agissante une fraction aussi élevée de son capital ou de ses des droits de vote, n'exerce une influence prépondérante dans le domaine de la communication et ne porte atteinte au pluralisme qui est une des conditions de la démocratie.

Il résulterait du raisonnement précédent que les dispositions de l'article 14 devraient être déclarées contraires à la Constitution. J'avoue pourtant ne pas avoir été entièrement convaincu moi-même par ce raisonnement. Aussi je vous présenterai les arguments en faveur d'une solution inverse qui est celle de mon projet et qui se fonde sur les garanties apportées par la loi.

Les dispositions de l'article 14 de la loi déférée peuvent être analysées au regard de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 et des articles 17, 38 et 41 de la même loi. L'article 17 de cette loi confère au Conseil supérieur de l'audiovisuel des pouvoirs d'avis, de recommandation et de saisine des autorités administratives et judiciaires compétentes en vue de contrecarrer les pratiques restrictives de la concurrence et les concentrations économiques. L'article 38 de la même loi fait obligation à toute personne physique ou morale qui vient à détenir toute fraction supérieure ou égale à 20 % du capital ou des droits de vote aux assemblées générales d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service de communication audiovisuelle d'en informer le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans le délai d'un mois à compter du franchissement de ces seuils. Les articles 41, 41-1 et 41-2 de la même loi restreignent la possibilité pour une même personne d'être titulaire de plusieurs autorisations tant en matière de services de télévision qu'en matière de radiodiffusion. Les limitations ainsi énoncées visent, comme il est précisé à l'article 41-3 de la même loi, aussi bien la personne titulaire de l'autorisation que la personne qui contrôle celle-ci au regard des critères figurant à l'article 355-1 précité de la loi susvisée du 24 juillet 1966.

Si les dispositions édictées par l'article 14 de la loi rehaussent le plafond de détention du capital ou des droits de vote par une même personne au sein d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service national de télévision par voie hertzienne terrestre, elles renforcent par ailleurs la portée du contrôle de la concentration au sein d'une entreprise en soumettant explicitement à ce plafond tout "concert" d'actionnaires. En outre, il n'est pas dérogé aux garanties édictées par le législateur concernant les services de télévision et de radiodiffusion sonore et notamment à celles qui viennent d'être rappelées. Par ailleurs les dispositions contestées ne dérogent pas non plus à celles du deuxième alinéa de l'article 39 de la loi susvisée du 30 septembre 1986 qui interdisent à une personne physique ou morale de détenir plus de 15 % du capital ou des droits de vote d'une autre société titulaire d'une autorisation lorsqu'elle détient déjà plus de 15 % d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service national de télévision. Elles ne peuvent non plus contrevenir aux dispositions du troisième alinéa de l'article 39 qui interdit une participation de plus de 5 % dans le capital d'une société lorsqu'une personne physique ou morale détient déjà plus de 5 % dans deux autres sociétés titulaires d'une autorisation semblable. Enfin ces diverses règles s'appliquent sous réserve des dispositions de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence et notamment de ses titres IV et V relatifs à la transparence et à la concentration économique.

Il résulterait ainsi de l'ensemble des considérations qui précèdent que l'article 14, eu égard aux garanties édictées par le législateur, n'a méconnu aucune règle ni aucun principe à valeur constitutionnelle.

Monsieur le Président : Je vous remercie beaucoup, Monsieur le professeur et en particulier de votre souci d'honnêteté qui consiste à présenter les deux thèses opposées. Pour ma part je n'ai pas beaucoup de doutes sur le bien fondé de votre seconde argumentation.

(Après un débat relativement bref, les conseillers se mettent d'accord sur le second projet de M. Robert)

L'article 15

Le I de l'article 15 de la loi déférée modifie le premier alinéa de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986. Cet alinéa ne permet à une même personne physique ou morale, titulaire d'autorisations relatives à des services de radiodiffusion sonore, de disposer en droit ou en fait de plusieurs réseaux, que dans la mesure où la somme des populations recensées dans les zones desservies par ceux-ci n'excède pas 150 millions d'habitants.

Les sénateurs, auteurs de la première saisine font valoir que les dispositions de l'article 15 relèvent dans des proportions considérables le seuil de concentration dans le secteur de la diffusion sonore fixé par l'article 41 dans sa rédaction issu de la loi du 27 novembre 1986. Ils font valoir aussi que ces dispositions loin d'aménager les modalités de protection du pluralisme, portent atteinte au principe de libre communication des pensées et des opinions dès lors que n'est prévu aucune garantie équivalente à celles instituées par l'article 41 ainsi modifié. Les députés, quant à eux, soutiennent sur le même fondement que les critiques qu’ils adressent à l’article précédent, que ces dispositions méconnaissent l'objectif constitutionnel du pluralisme.

Je n'ai pas beaucoup de doutes sur cet article. En effet, le premier alinéa de l'article 41 contesté ne peut se comprendre qu'à la lumière de la modification du 4° de l'article 41-3 de la loi de 1986 réalisée par le II de l'article 15 de la loi déférée. En effet, celui-ci substitue à une définition du réseau nationale de radiodiffusion sonore fondée sur la seule somme des populations desservies qui était de trente millions d'habitants, une définition fondée à la fois sur le nombre inchangé d'habitants et sur le programme diffusé pour une proportion majoritaire du temps d'antenne. Cette substitution de définition permet d'accroître la transparence des activités de radiodiffusion et de renforcer les dispositions relatives au contrôle des concentrations en matière de radiodiffusion en prenant en compte les réseaux qui diffusaient pour une part un programme identique. En contrepartie du renforcement de la notion de réseau, le législateur pouvait relever le seuil de la population desservie dès lors que le seuil de 150 millions d'habitants desservis représente seulement environ 20 % de la couverture cumulée des seuls opérateurs privés. Les dispositions de l'alinéa premier ne méconnaissent pas à mon avis le principe du respect du pluralisme.

Monsieur le Président : Merci, quelqu'un demande la parole ? Alors nous passons à la lecture.

(Les conseillers adoptent la formulation proposée par le rapporteur à l'unanimité).

(La séance est levée à 20 heures).

< cette décision ne contient pas d'annexe >

Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.