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PV1994-12-20<transcripteur data-tag="transcripteur"><></transcripteur> VERARD Gwendolyne 


COMPTE-RENDU DE LA SEANCE DU 20 DECEMBRE 1994

La séance est ouverte à 11 h 10 en présence de tous les conseillers.

Monsieur le Président : Bien ! Monsieur FAURE, c'est à vous.

Monsieur FAURE : Nous allons commencer par cette loi qui ne soulève pas de grandes difficultés. Il s'agit d'une affaire assez simple qui ne pose qu'un seul type de problèmes, que nous avons déjà vu. Il s'agit de la compétence de la loi organique en ce qui concerne le statut des Territoires d'Outre-Mer.

Monsieur le Premier ministre nous a transmis, le 21 novembre 1994, le texte de la loi organique relative à certaines dispositions législatives des livres I et II du code des juridictions financières. Cette transmission est obligatoire aux termes des dispositions des articles 46 et 61, alinéa 1 de la Constitution. Nous avons donc à nous prononcer sur la conformité de cette loi à la Constitution.

Ce texte a été discuté devant le Sénat le 27 avril 1994 et a fait l'objet d'une discussion commune avec le projet de loi ordinaire n° 300 relatif à la partie législative des livres premier et II du code des juridictions financières. Il a également fait l'objet d'une discussion commune devant l'Assemblée nationale le 26 mai 1994.

En premier lieu, j'appellerai votre attention sur le fait que la loi du 10 juillet 1982 relative aux chambres régionales des comptes prévoyait déjà à son article 27 que serait établi un code regroupant l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires relatives à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes. Pour répondre à cette obligation, la commission supérieure de codification a élaboré un projet concernant la partie législative d'un tel code. Celui-ci comprendra trois livres, le premier sur la Cour des comptes, le deuxième sur les chambres régionales des comptes, le troisième sur la cour je suppose qu'il faut un "de" discipline budgétaire et financière.

Dans l'immédiat, le texte qui vous est soumis ne concerne que les livres I et II. Celui qui se rapporte à la cour de discipline budgétaire sera examiné ultérieurement par le Parlement.


Je vous rappelle également que depuis 1989, la Commission supérieure de codification a élaboré plusieurs codes qui ont été définitivement adoptés par le Parlement :

 - le code de la propriété intellectuelle,
 - le code de la consommation,
 - le code rural (livres premier, trois et huit qui a été soumis à notre contrôle),
 - le code du commerce,
 - le code de la communication,
 - et le code des juridictions financières (livre premier et II).

I.- Les rèqles de codification :

Sans entrer dans le détail, je mentionnerai rapidement que les règles de codification suivies par la commission supérieure sont appliquées pour la partie du code qui nous est soumise comme pour les autres codes, règles dont nous avions déjà pris connaissance lors de l'examen du code rural :

 - Le principe essentiel est que la codification se fait â droit constant. Ce qui veut dire que les textes épars qui sont codifiés ne sont en principe pas modifiés par cette codification. Nous avions vu précisément qu'un des problèmes posés par l'examen du code rural résidait dans le fait que par le biais de la codification, le Parlement pouvait être amené à effectuer un partage entre la loi et le règlement qui, pour certains parlementaires (et notamment pour Monsieur LARCHE) était du ressort du seul Conseil constitutionnel. Après audition par la Commission supérieure de codification du secrétaire général qui a fait part de l'appréciation du Conseil constitutionnel, cette position n'a pas été retenue.
 - Les textes susceptibles d'être codifiés sont les lois, les ordonnances et les décrets voire certains arrêtés lorsqu'ils sont publiés.
 - Le droit communautaire n'est pas intégré dans les codes, mais le cas échéant, il figure en annexe.
 - Enfin, la détermination des règles à suivre lorsque des dispositions intéressent plusieurs codes a donné lieu à l'application du principe du "code pilote" et "du code suiveur". Deux mots d'explication s'agissant de cette distinction qui a l'air de décrire des poissons d'espèces différentes. Si certaines dispositions intéressent deux ou plusieurs codes, la commission a exclu qu'un code se borne à renvoyer à un autre sans reproduire les articles concernés. Dès lors, le "code suiveur" reproduit les articles du "code pilote" qu'il cite. On verra à propos de la loi organique qui vous est soumise que cette distinction est




transposée respectivement aux lois statutaires concernant les territoires d'outre-mer et au code des juridictions financières.

II.-Pourquoi deux projets de loi ?

On doit s'interroger sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement a présenté deux projets de loi pour mettre en oeuvre le code des juridictions financières. Nous avions déjà été confrontés à cette dualité projet de loi ordinaire/projet de loi organique lorsque nous avions examiné la loi organique relative au transfert à l'Etat des compétences de la Polynésie française en matière pénitentiaire. La loi sur les conditions des personnels relevait de la loi ordinaire tandis que le transfert lui-même relevait de la loi organique. Nous avions, à l'époque, souligné le paradoxe qu'il y avait à promulguer la loi ordinaire avant que le Conseil constitutionnel se prononce sur la loi organique qui lui était portant pourtantliéelié mais aucune disposition ne permet au Gouvernement de retarder la promulgation d'une loi ordinaire jusqu'à ce que le Conseil ait statué sur la loi organique. Dans le cas d'espèce qui se présente aujourd'hui, le même phénomène se reproduit puisque la loi ordinaire relative à la partie législative des livres premier et II du code des juridictions financières a été publiée au Journal officiel du 6 décembre 1994.

La répartition des dispositions entre les deux projets de loi résulte d'une obligation constitutionnelle issue de la nouvelle rédaction donnée à l'article 74 de la Constitution lors de la révision du 25 juin 1992 qui impose le recours à une loi organique pour les mesures statutaires relatives aux territoires d'outre-mer.

L'ensemble des dispositions législatives codifiées sont issues :

 - de la loi n° 67-483 du 22 juin 1967 relative à la Cour des comptes ;
 - de la loi n° 82-594 du 10 juillet 1982 relative aux chambres régionales des comptes ;
 - de la loi n° 82-595 du 10 juillet 1982 relative aux Présidents des chambres régionales des comptes et aux statuts de leurs membres ;
 - de certaines dispositions de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et aux libertés des communes ;
 - des lois statutaires concernant la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie.




Cet ensemble de textes codifiés représente 375 articles qui se répartissent entre le livre I et le livre II du code des juridictions financières. Il a donc fallu répartir ces 375 articles entre ceux qui relevaient de la loi organique (codifiés en L.O.) et ceux qui relevaient de la loi ordinaire (codifiés en L.).

III.- Les règles du partage entre loi organique et loi ordinaire


A. Les principes généraux

La solution adoptée par la commission supérieure de codification est celle qui est énoncée dans la note d'Assemblée du 10 mars 1994 qui a été rédigée par Bruno Genevois (rapporteur du projet de loi organique).

En premier lieu, le Conseil d'Etat a estimé que par les termes de statuts des territoires d'outre-mer au sens du deuxième alinéa de l'article 74 de la Constitution, il fallait entendre non seulement les dispositions qui définissent les compétences des institutions propres d'un territoire déterminé, mais également les règles essentielles d'organisation et de fonctionnement de ces institutions y compris les cas dans lesquels s'exercent sur elles les pouvoirs de contrôle de l'Etat.

En deuxième lieu, le Conseil d'Etat a estimé que seuls avaient le caractère d'institutions propres les organes administratifs territoriaux qui présentent une spécificité par rapport à ceux des autres collectivités territoriales de la République dont l'énumération figure au premier alinéa de l'article 72 de la Constitution. Il suit de là, que pour le Conseil d'Etat, le régime des communes des territoires d'outre-mer, dès lors qu'il procède de règles analogues à celles applicables en métropole, ne relève pas du domaine d'intervention d'une loi organique.

Sur cette question, j'attire votre attention sur le fait que la jurisprudence du Conseil constitutionnel issue de notre décision du 7 juillet 1994 sur la loi relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs du contrôle de mer, est en complète harmonie avec la position du Conseil d'Etat. En effet, dans un considérant de principe, notre Conseil a dit que la loi dont il était saisi "n'introduit, ne modifie ou ne supprime aucune disposition spécifique au territoire de la Polynésie française touchant à l'organisation particulière de ce dernier".

En troisième lieu, le Conseil d'Etat a distingué la notion de statut des territoires d'outre-mer des autres modalités de leur organisation particulière ainsi que cela ressort du troisième alinéa de l'article 74 de la Constitution. Le Conseil visait de ce chef notamment, pour le projet de loi qui nous



occupe, les règles relatives à la création des chambres territoriales des comptes qui constituent, comme le souligne la note d'Assemblée générale du Conseil d'Etat, des organes de l'Etat et non des institutions propres du territoire.

Ces distinctions, destinées à préciser les contours de l'article 74 qui résulte de l'amendement LÉONTIEFFLEONTIEFF, permettent, même si elles peuvent sembler subtiles parfois, au Gouvernement de savoir ce qui doit être inclus dans un projet de loi ordinaire et ce qui relève de la loi organique.

La Commission des finances du Sénat pas plus que celle de l'Assemblée nationale n'a souhaité revenir sur ce partage effectué par la commission de codification et par le Conseil d'Etat.

Les seules modifications, qui ont été apportées par le Sénat, ont incontestablement amélioré la présentation des projets de loi. En effet, le Gouvernement avait à l'origine mis en annexe â l'article premier de chacun des projets de loi, ordinaire comme organique, le même texte regroupant à la fois les dispositions codifiées en L.O. et celles codifiées en L.

La Commission des finances du Sénat a adopté un amendement tendant à ne conserver dans l'annexe rattachée à l'article premier du projet de loi organique que les seuls articles précédés de la mention L.O.

Les deux projets sont ainsi plus lisibles et notamment la loi organique qui, seule, est soumise obligatoirement à l'examen du Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, la plupart des amendements qui ont été apportés ont eu pour objet de rectifier, "horresco referens", des erreurs ou des oublis commis par le Conseil d'Etat : correction d'une référence, précision d'une rédaction, oubli de renvois, oubli de dispositions de la loi du 5 février 1994 relative au développement économique de la Polynésie, oubli de certaines mesures relatives à Mayotte.

B.- L'application au cas d'espèce

Dans le cas où une loi organique est soumise obligatoirement à l'examen du Conseil constitutionnel, il nous appartient de vérifier que toutes les dispositions qui y figurent ont un caractère organique.

Je vous rappelle qu'en vertu d'une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, si le fait pour une loi d'empiéter sur le domaine constitutionnellement réservé à la loi organique, est contraire à la Constitution (86-217 DC, 18 septembre 1986), il n'en va pas de même lorsque des



dispositions de lois ordinaires sont incluses dans une loi organique. Dans ce cas, le Conseil se borne à déclasser le statut juridique de ces dispositions (1). (par exemple 92-305 DC, 21 février 1992, décision dans laquelle le Conseil souligne que les règles d'accès à la fonction publique des candidats ayant échoué au troisième concours de l'ENM relève du domaine de la loi et non de la loi organique).

Ainsi, il nous appartient d'examiner non seulement l'ensemble des articles de la loi organique mais aussi les articles figurant en annexe de l'article premier de la loi qui nous est transmise pour déterminer dans chaque cas, s'ils ont une nature organique ou non.

C.- Le cas de l'article premier

Rassurez-vous, je vous épargnerai l'échenillage complet des trentes articles annexés à l'article 1. Cependant, je dois signaler qu'il y a plusieurs fondements organiques à ces articles :

 1) le premier article codifié, L.O. 132-1, est relatif à des documents établis par la Cour des Comptes et annexés au projet de loi de règlement. Cet article a un fondement organique en vertu de l'article 2 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances qui assimile la loi de règlement à la loi de finances ; et également en vertu de l'article 34 de la Constitution qui énonce que les lois de finances "déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions... prévues par une loi organique". Cette disposition ne pose ainsi aucun problème.

 2) Le deuxième article annexé, L.O. 222-2, précise que l'exercice des fonctions de magistrat des chambres régionales des comptes est incompatible avec l'exercice d'un mandat au Parlement ou au Conseil économique et social. Le fondement organique de cette disposition est double. En effet, d'une part, aux termes de l'article 25 de la Constitution : "Une loi organique fixe... le régime... des incompatibilités" des membres de chaque assemblée. D'autre part, l'article 71 de la Constitution énonce que "la composition du Conseil économique et social et ses règles de fonctionnement sont fixées par une loi organique." Si cette disposition est moins explicite que celle de l'article 25 dans la mesure où elle ne dit pas que le régime des incompatibilités des membres du Conseil économique et social est fixé par la loi organique, il n'en reste pas moins que le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision n° 84-177 DC du 30 août 1984 (sur la loi portant statut du territoire de la Polynésie française) que l'article 71 de la Constitution : "réserve à la loi organique le soin d'instituer les incompatibilités applicables aux membres du



Conseil économique et social." Par conséquent, cette deuxième disposition a un caractère organique.

 3) Les autres dispositions annexées concernent essentiellement la procédure budgétaire du territoire de la Polynésie comme celle du territoire et des provinces de Nouvelle-Calédonie. Elles énoncent notamment que les budgets doivent être votés en équilibre et qu'ils doivent comporter les dépenses obligatoires. Par ailleurs, elles précisent que la chambre territoriale des comptes juge l'ensemble des comptes des comptables publics et examine la gestion du territoire, des provinces et de leurs établissements. Enfin, elles énoncent dans quelles conditions les comptables des territoires ou des provinces peuvent suspendre le paiement d'une dépense. Ces dispositions décrivent évidemment les pouvoirs de contrôle de l'Etat qu'on retrouve sur l'ensemble du territoire français. On pourrait penser que ces contrôles qui peuvent s'apparenter aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer ne relèvent pas du deuxième alinéa de l'article 74 de la Constitution. Cependant ces contrôles de l'Etat s'exercent sur les institutions propres des territoires et touchent également à leurs règles essentielles d'organisation et de fonctionnement. Dès lors, il me semble clair que nous sommes dans le cadre défini par le deuxième alinéa de l'article 74.

D.- Les autres articles de la loi organique

Les autres articles de la loi organique c'est-à-dire les articles 2, 3 et 4 se bornent à modifier les articles des lois statutaires de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie pour introduire des renvois aux articles organiques du code des juridictions financières qui figurent en annexe à l'article 1. Pour répondre aux souhaits des élus de ces territoires de conserver des lois statutaires qui peuvent se lire par elles-mêmes sans qu'on soit obligé de consulter d'autres textes, les articles modifiés des lois statutaires ne se bornent pas à renvoyer au code mais reproduisent les articles codifiés en partie organique. Il est donc évident que ces articles des lois statutaires acquièrent un caractère organique qui résulte de la modification introduite par le deuxième alinéa de l'article 74 de la Constitution. Tous les articles des lois statutaires qui ont été adoptés avant la réforme constitutionnelle et qui concernent les statuts des territoires d'outre-mer ont maintenant le caractère organique.


E.- L'article 5

Je me suis arrêté quelques instants sur l'article 5 et dernier de la loi organique parce que sa rédaction est un peu ambigu<ambiguë>. En effet, il dispose que les lois statutaires de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie qui citent en les reproduisant



les articles du code des juridictions financières sont modifiés <modifiées>de plein droit par l'effet des modifications ultérieures de ces articles. C'est effectivement de bonne méthode de prévoir qu'à chaque fois que les dispositions organiques seront modifiées, ces modifications se reporteront automatiquement dans les articles des lois statutaires. Cependant, l'ambiguïté de la rédaction de l'article 5 peut inclure les modifications qui affecteront les articles codifiés par la loi ordinaire. Or, les modifications qui affectent les articles de la loi ordinaire ne relèvent pas de la loi organique. D'ailleurs, l'article T du projet de loi ordinaire reproduit exactement les termes de l'article 5 de la loi organique pour mettre en oeuvre le même mécanisme de modification automatique.

Donc, je vous propose de faire une légère interprétation qui indique que l'article 5 doit être regardé comme ne visant que les seules dispositions relatives à des articles à caractère de loi organique de ce code.


IV.- La procédure de consultation

Il me reste un petit problème à voir qui un moment m'a causé du souci : vous savez que dans le cadre du deuxième et du troisième alinéa de l'article 74 de la Constitution, les projets de loi qui intéressent les territoires d'outre-mer doivent faire l'objet d'une consultation des Assemblées territoriales intéressées. Si on combine cette obligation et celle qui résulte par exemple de l'article 68 du statut de la Polynésie, on s'aperçoit que dans tous les cas où un avis doit être recueilli l'assemblée territoriale dispose d'un délai de trois mois. Ce délai peut être réduit à un mois en cas d'urgence. Or, la loi organique qui vous est soumise a fait l'objet d'une saisine de l'assemblée territoriale le 27 janvier 1994 et sa discussion a commencé le 27 avril 1994 au Sénat. On pouvait alors se demander si les trois mois s'étaient effectivement écoulés. Si les rapporteurs de l'Assemblée de la Polynésie ont bien remis un rapport sur la loi le 19 avril 1994, ils invitaient pourtant leurs collègues de l'Assemblée à surseoir à l'étude du projet de loi. Ils souhaitaient que les travaux de la commission des lois de l'Assemblée nationale concernant la révision du statut de la Polynésie française aient abouti avant de se prononcer sur la loi organique.

Cependant, le Secrétariat général du Gouvernement m'a fourni la copie de la lettre de transmission datée du 27 janvier 1994 dans laquelle le Ministre des territoires et départements d'outre-mer invoquait l'urgence pour l'examen du projet de loi en cause. Ainsi, il demandait que l'Assemblée se prononce dans le délai d'un mois. Dès lors, la procédure de consultation a été en tout état de cause opérée conformément à l'article 74 de la Constitution.



V. - Conclusion

L'ensemble des articles qui figurent dans l'article de la loi organique sont conformes à la Constitution et ils ont tous le caractère de loi organique.

Je vous propose donc de déclarer l'ensemble de la loi organique conforme à la Constitution.

Voilà j'en ai terminé. Merci de votre attention.

Monsieur le Président : Merci ! C'était courageux de prendre cela article par article. Je crois qu'on peut procéder de cette façon sans difficulté (Assentiments). Alors vous lisez article par article...

Monsieur FAURE lit page 1 puis page 2 jusqu'à la fin.

Monsieur le Président : Bon ! On peut continuer ? (Assentiments).

Monsieur FAURE lit page 3 jusqu'à la fin.

Monsieur le Président : Là-dessus ?

Monsieur LATSCHA : C'est bon ! On suit la position du Conseil d'Etat et la note GENEVOIS.

Monsieur FAURE lit page 4 jusqu'à la fin.

Monsieur le Président : Bien ! On peut voter.

(Le vote est acquis à l'unanimité).

Monsieur RUDLOFF : Une question. Dans la codification, qu'est-ce qu'on va faire ? Un code spécial ?

Monsieur FAURE : Pas un code spécial, mais un chapitre spécial dans le code.

(La séance est suspendue à 11 h 40) .

(Elle est reprise à 14 h 30) .

La séance est ouverte à 14 h 45 en présence de tous les conseillers.

Monsieur le Président : Bien, Madame Lenoir c'est à vous.

Madame LENOIR : Monsieur le Président, Messieurs, la loi déférée "porte statut fiscal de la Corse". On verra que cet intitulé, adopté de préférence à l'intitulé initial de la loi désignée dans le projet gouvernemental comme "relative au statut fiscal de la Corse", n'a pas de véritable portée juridique.



L'utilisation du mot "statut" ne renvoie en effet nullement en l'espèce à une spécificité institutionnelle qui ferait du droit fiscal corse, un droit non seulement dérogatoire, mais autonome.

Cela étant précisé, la loi soumise à notre examen comporte 7 articles qui accentuent le caractère dérogatoire du régime fiscal de la Corse :

L'article 1er qui, comme l'intitulé de la loi, fait référence au statut fiscal de la Corse, résulte d'un amendement introduit en première lecture à l'Assemblée nationale par Messieurs De Rocca-Serra et Rossi (JO. AN. du 8 octobre 1994, page. 5093) .

Les articles 2 à 4 prévoient divers allégements ou exonérations fiscaux (en matière de Taxe professionnelle, de Foncier non bâti et d'impôt sur les sociétés). Ils constituent le Titre 1er de la loi sur les "mesures de soutien aux entreprises".

Les articles 5 et 6, sont contenus dans le Titre II relatif au "renforcement des moyens financiers de la collectivité de Corse". L'article 5 instaure un mécanisme de compensation financière au titre des transferts de compétence à la Corse résultant de la loi du 13 mai 1991. L'article 6 (modifiant le Code des douanes) attribue à la collectivité territoriale de Corse le produit des "droits de francisation et de navigation" perçus sur les navires de plaisance (équivalents des droits d'immatriculation pour les automobiles).

L'article 7, seule disposition du Titre III relatif aux "dispositions diverses", ne comporte, quant à lui, aucune véritable innovation. Il se borne à reconduire, jusqu'à fin 1997, l'exonération des droits applicables aux actes et attestations nécessaires au règlement des indivisions successorales en Corse. Instaurées par l'article 11-IV de la loi de finances pour 1986 (art. 1135 et 750 bis A du CGI), et régulièrement prorogées (en dernier lieu jusqu'au 31 décembre 1994), ces dispositions se trouvent de nouveau prorogées pour 3 ans.

L'article du projet initial sur la faculté pour la collectivité territoriale de Corse d'instituer une Taxe sur l'électricité (à l'instar de la taxe susceptible d'être prélevée par les communes et départements) a finalement été supprimé par les Parlementaires.

Les dispositions des articles 2 et 7 de la loi ajoutent donc aux dispositions fiscales dérogatoires déjà prévues au profit de la Corse depuis plus ou moins longtemps. L'ensemble forme un régime tout-à-fait exceptionnel quant à l'ampleur des dégrèvements, allégements et exonérations accordés, (q. Dictionnaire permanent Fiscal du 30/11/94 Bulletin 522 : "Statut fiscal de la Corse").

Le poids financier pour l'Etat des dispositions nouvelles introduites par la loi déférée est estimé à 370 millions de francs.



Une saisine limitée à la critique de l'article 1er :

La saisine émane des sénateurs socialistes. Elle porte exclusivement sur l'article 1er (et non comme mentionnée à l'origine par les saisissants sur l'article 7). Les saisissants reprochent à cet article de la loi de "faire référence à des dispositions qui n'ont pas de bases légales en matière de droits de succession et qui, en raison d'une absence d'évaluation des biens immobiliers situés en Corse, permettent à ces derniers de bénéficier d'une exonération de fait, contraire aux principes d'égalité des citoyens devant la loi et devant l'impôt".

Avant d'analyser cette argumentation juridique (qui n'est pas dénuée de toute pertinence) il convient d'indiquer que cette dernière vise essentiellement l'alinéa 2 de l'article 1er aux termes duquel, "dans le cadre du statut" fiscal de la Corse, "l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires actuellement en vigueur sont maintenues". Or les dispositions en cause sont, à titre principal, celles qui résultent des arrêtés Miot (du nom du Conseiller d'Etat missionné par l'Empereur Napoléon pour proposer des dispositions fiscales dérogatoires au droit commun, favorables à la Corse, et destinées à faciliter son rattachement à la France). Sont concernés principalement les droits de successions afférents aux biens immobiliers situés en Corse.

Pour les sénateurs, l'exonération dont bénéficient ces biens est contraire au principe d'égalité devant la loi et devant l'impôt (sans que les saisissants se limitent à invoquer l'article 13 de la DDHC).

Telle est donc la question posée : le particularisme fiscal, propre à la Corse, est-il compatible avec le principe constitutionnel d'égalité, dont notre jurisprudence fait couramment application, y compris dans le domaine fiscal, cependant par essence inégalitaire ?

La question est importante d'autant que l'on constate, en France, comme dans les autres pays européens, une tendance à faire consacrer par la loi des différenciations géographiques de plus en plus marquées ; cette tendance n'étant pas une exclusivité des Etats Fédéraux.


Examinons successivement :

 . Le paysage institutionnel et fiscal de la Corse (I).



 . Les problèmes juridiques posés par les changements introduits par la loi qui nous est déférée (II).
 . La solution à retenir, en ce qui concerne l'article 1er, seule disposition critiquée (III).


I.- LE PAYSAGE INSTITUTIONNEL ET FISCAL DE LA CORSE

1) Le statut institutionnel de la Corse est sans équivalent au plan national.

Ceci résulte de deux lois successives dont nous avons admis, dans leur ensemble, la constitutionnalité.

a) DC n° 138 du 25 février 1982. (loi du 3 mars)

Dans la décision n° 82-138 DC portant sur la loi du 3 mars 1982, nous avons fait valoir une interprétation extensive de l'article 72 de la Constitution prévoyant que les collectivités territoriales autres que les départements, les communes et les collectivités d'outre-mer nommément visées, sont créées par la loi. Ainsi cet article autorise-t-il à créer par la loi "des catégories de collectivités territoriales ne comprenant qu'une unité", comme ce fut le cas en l'occurrence pour la collectivité de Corse, après la ville de Paris, ou encore la collectivité territoriale de Mayotte.

La faculté offerte au législateur d'instituer ainsi des collectivités territoriales au statut entièrement dérogatoire se heurte cependant à certaines limites, résultant de l'article 2 de la Constitution qui fonde le principe du caractère indivisible de la République :

. D'une part, dans les collectivités de la métropole des procédures adaptées doivent ménager le contrôle administratif du représentant de l'Etat prévu par l'article 72 alinéa 3 de la Constitution sur les actes des autorités locales ;

. D'autre part, même dans les Territoires d'Outre-mer, qui sur le fondement de l'article 74 de la Constitution, peuvent se voir attribuer des attributions normatives dans des matières relevant de l'article 34 de la Constitution (DC. 342 du 2 juillet 1965), il n'existe pas de compétence d'auto-organisation à l'instar de celle conférée aux Etats



fédérés dans les pays fédéraux. Cette compétence est exclusivement réservée au législateur National.

Ainsi, dans une décision (DC n° 161 du 19 juillet 1983), le Conseil constitutionnel s'est attaché à qualifier la convention fiscale passée entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie -pour éviter les doubles impositions ou au contraire l'évasion fiscale- de document "de pur droit interne". Nous avons précisé que le législateur "ne peut s'interdire lui-même, que ce soit unilatéralement ou conventionnellement, de modifier la loi en vigueur" d'où l'affirmation que "les stipulations de la Convention [ne pouvaient être de nature] à affecter l'exercice de la compétence du législateur telle qu'elle résulte de l'article 34 de la Constitution".

b) DC n° 290 du 9 mai 1991 (loi du 13 mai).

Pour les mêmes motifs liés â l'indivisibilité de la République française, le Conseil constitutionnel a censuré la référence faite par cette loi à l'existence du "peuple corse, composante du peuple français". L'article 2 de la Constitution ne connaît en effet "que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion".

Pour le surplus nous avons admis, dans cette décision du 9 mai 1991, la conformité à l'article 72 de la Constitution des dispositions de la loi déférée accentuant fortement le statut dérogatoire de la collectivité territoriale de Corse. S'agissant de l'institution d'instances délibérantes spécifiques sur generis ou encore de l'attribution d'une série de compétences nouvelles (ne ressortissant pas néanmoins du domaine de la loi) , nous avons relevé que la loi dote la Corse d'une "organisation spécifique â caractère administratif" . Or, cette expression reflète son statut très largement dérogatoire.

2) Le caractère encore plus dérogatoire du régime fiscal applicable en Corse ne paraît pas cependant doter cette collectivité d'un véritable statut fiscal au sens institutionnel.

a) Le particularisme fiscal de la Corse.

Il est ancré dans la mentalité corse, depuis l'époque napoléonienne, ainsi que l'exposent très clairement les rapports parlementaires : celui de Monsieur Paul Girod au Sénat (n° 587, 6 juillet 1994), et celui de Monsieur Gilbert Gantier (n° 1541, 29 septembre 1994).



Une première catégorie de dérogations s'inscrit, comme dans beaucoup d'autres régions en Europe, dans le cadre des actions visant à favoriser le développement économique :

 . Ainsi, la TVA applicable en Corse a un régime doublement dérogatoire : il existe d'abord 6 taux spécifiques de TVA minorés par rapport au taux de droit commun (18,60 %) ; en second lieu, les transports maritimes de marchandises ou de voyageurs en provenance ou à destination de la Corse ne donnent pas lieu à perception de la TVA, tandis que les transports aériens n'y sont soumis qu'à raison du trajet effectué au-dessus de la France continentale.
 . Divers droits indirects sont inapplicables, telles les licences sur débits de boisson, la taxe à l'essieu, le droit de circulation sur les vins consommés en Corse ; par ailleurs, la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) est affectée d'un taux réduit.
 . Enfin, diverses exonérations d'impôts sur les sociétés bénéficient aux entreprises nouvelles dans les secteurs de l'industrie, de l'hôtellerie et du BTP.
 . Mais c'est incontestablement, le régime applicable aux droits d'enregistrement qui marque l'originalité du droit fiscal corse.

Deux règles spécifiques, découlant des "arrêtés Miot” du 21 Prairial an IX (auxquels a été reconnue valeur législative par la jurisprudence), sont applicables :

1°) La première est l'absence de toute sanction lorsque la déclaration de succession intéressant les meubles et biens immobiliers situés en Corse n'est pas produite dans le délai légal de six mois.

2°) La seconde règle est celle de l'évaluation en principe forfaitaire des biens immobiliers composant une succession.

Selon les arrêtés Miot, cette évaluation devait être faite "en capitalisant par 100 le montant de la contribution foncière perçue au profit de l'Etat au jour du décès".

A la suite de l'attribution en 1948 d'un caractère exclusivement local à cette contribution, une décision du ministre des Finances du 14 juin 1951 a prévu que la valeur imposable des immeubles situés en Corse serait déterminée en multipliant le revenu cadastral retenu pour l'assiette des taxes foncières perçues au profit des collectivités locales par un coefficient, égal à l'époque au taux de la taxe professionnelle sur les revenus de capitaux immobiliers. (18, puis 22, puis 24, à partir de 1959).



A ces deux règles dérogatoires qui ont encouragé notablement le maintien des biens en indivision, furent dans la période récente ajoutées deux mesures spécifiques destinées précisément à favoriser les sorties d'indivision :

1°) La première est une exonération de toute perception au profit du Trésor de droits sur les procurations et attestations notariées après décès établies entre le 1er janvier 1986 et le 31 décembre 1994 (art. 1135 du CGI).

2°) La deuxième a pour effet de dispenser du droit de 1% perçu sur les actes de partage et les licitations, les biens héréditaires situés en Corse, pour la même période de 1986 à 1994 (art. 750 bis A du CGI).

b) La mise en application de ce dispositif fiscal.

Le législateur a éprouvé le besoin (art. 20 de la loi de finances pour 1968, n° 67-1114 du 21 décembre 1967) de mentionner le régime fiscal de la Corse, en se référant notamment aux arrêtés Miot de 1801. Mais les dispositions fiscales dérogatoires dont bénéficie la Corse restent, pour la plupart, non codifiées.

Ainsi leur applicabilité fait-elle régulièrement l'objet de contestations qui donnent d'ailleurs lieu à des interprétations différentes de la part de la juridiction judiciaire et de la juridiction administrative.

 . La juridiction judiciaire.

Celle-ci se montre très favorable â l'application des dérogations découlant des arrêtés Miot de 1801, et du décret impérial du 24 avril 1811 consacrant la réunification administrative de la Corse en un seul département. (Le décret de 1811 comporte en effet diverses mesures fiscales et douanières) .

 . Dans un arrêt du 23 janvier 1875, "ministère public c/Costa" (Dalloz périodique, 1876, septième cahiers, page 331) la Cour de cassation admet la force législative des arrêtés Miot et affirme leur maintien en vigueur, nonobstant l'intervention de la loi du 30 mai 1851 fixant le régime des droits de timbre perçus sur les actes de procédure. La Cour attribue en effet aux arrêtés la valeur d'une loi spéciale dérogeant en tant que telle aux dispositions de portée générale de la loi de 1851.
 . Dans un arrêt du 18 décembre 1956, "contributions indirectes c/Consortium et Piazza", la Cour de cassation consacre de même la valeur législative des dispositions fiscales du décret impérial du 24 avril 1811.
 . Dans un arrêt du 4 décembre 1984, "DGI contre Dame Benedetti", la Cour de cassation assure, de façon encore plus




nette, la primauté des dispositions fiscales spécifiques â la Corse.

La décision ministérielle de 1951 (visée plus haut) prise à la suite de la suppression en 1948 de la contribution foncière comme impôt d'Etat, avait proposé une adaptation des arrêtés Miot en prévoyant l'évaluation des biens immobiliers situés en Corse par référence à un certain coefficient. Or, la haute juridiction dénie en l'occurrence à l'administration fiscale la possibilité d'évaluer les biens compris dans une succession suivant les modalités ainsi définies en 1951, en se fondant sur les arrêtés Miot en tant qu'ils ne prévoient pas un tel mode d'évaluation.

 . Malgré cela, l'administration fiscale avait continué à appliquer, de manière sélective, la procédure de taxation d'office à laquelle les arrêtés Miot n'empêche pas de recourir. (En 1991 et 1992, l'administration a procédé à 20 taxations d'office et a recouvré en 1992, 12 millions de Francs).

Toutefois cette pratique a été mise en échec par un nouvel arrêt du 28 janvier 1992 "Perrino" de la Cour de cassation. Depuis cette date, il n'existe plus aucune méthode d'évaluation des biens héréditaires des biens situés en Corse permettant de prélever quelques droits de succession que ce soit.

 . La juridiction administrative.

La juridiction administrative, traditionnellement soucieuse de ménager les deniers publics, est plus encline à donner des dispositions fiscales spécifiques à la Corse une interprétation restrictive. Citons deux décisions, parmi d'autres :

 . Dans un arrêt d'Assemblée du 13 juillet 1966 (Lebon page 479) "Sieur Pinna", le Conseil d'Etat a fait prévaloir une interprétation étroite du décret impérial du 24 avril 1811 sur les dérogations applicables en Corse à certaines contributions indirectes. (Taxes sur le chiffre d'affaires).
 . L'avis du 22 janvier 1992 rendu par le Conseil d'Etat (sur la base de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1987) est encore plus illustratif de l'attitude réservée de la haute instance.

Dans cet avis, le Conseil d'Etat a en effet écarté l'application du principe suivant lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales, pour constater qu'avaient été implicitement abrogées certaines dispositions fiscales dérogatoires concernant la patente dont étaient exonérées les activités installées en Corse.




Il s'agit, semble-t-il, du seul cas de constatation de l'abrogation implicite de dispositions résultant des arrêtés Miot. Pour le surplus, ces arrêtés constituent encore de nos jours la base légale du régime privilégié dont bénéficient les biens héréditaires en Corse. Ce régime est même totalement exonératoire depuis qu'en application de l'arrêt Perrino de 1992 de la Cour de cassation, aucun droit de succession ne devrait plus être susceptible d'être réclamé par l'administration fiscale.

II.- LES PROBLEMES JURIDIQUES SOULEVES PAR LES CHANGEMENTS INTRODUITS PAR LA LOI DEFEREE.

1) L'économie générale de la loi ne confère pas à la Corse un véritable statut fiscal autonome.

a) L'économie générale de la loi.

 . L'objectif est clair : Il s'agit de soutenir l'activité des entreprises et de multiplier à cet effet les incitations fiscales de nature à favoriser le développement économique de l'île. En ce sens, les dispositions de la loi constituent le prolongement des mesures prises en 1993, en particulier :
 . La conclusion d'un contrat de plan Etat/collectivité de Corse, en juillet 1993, pour la période 1994-1998 (695 millions de francs à la charge de l'Etat).
 . L'engagement de crédits d'Etat pour la modernisation du réseau routier structurant la Corse (250 millions de francs). Ces crédits sont donc augmentés de 370 millions de francs par suite du dispositif de la loi soumise â notre examen.

La loi déférée s'inscrit également dans la ligne de l'engagement pris par le gouvernement suivant les termes de l'article 63 de la loi du 13 mai 1991(2) Sur la constitutionnalité duquel le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé. Selon cet article :

"Une commission mixte de 12 membres, composée par moitié de représentants de la collectivité territoriale de Corse et de représentants de l'Etat est chargée de formuler des propositions relatives au régime fiscal spécifique applicable en Corse et aux dispositions destinées à faciliter la sortie de l'indivision.

"Avant la conclusion de ses travaux, la commission mixte consulte les parlementaires élus dans les départements de Corse.




"Compte tenu de ses propositions, le gouvernement présentera au Parlement un projet de loi dans un délai d'un an à compter de la date d'installation du Conseil Exécutif".

A noter que les dispositions de la présente loi s'écartent de la philosophie du rapport plus ancien de Michel PRADA (rendu public en septembre 1989) qui préconisait non seulement un remaniement du régime de la TVA, mais également une "normalisation" du régime des droits de succession, moyennant diverses mesures transitoires (cf. Louis ORSINI "Les conclusions du rapport PRADA sur le redéploiement du régime fiscal particulier à la Corse à la Revue Française des Finances Publiques, 1990) .

En effet, la loi déférée, loin de normaliser le régime fiscal existant en Corse, en accentue accentuantles effets dérogatoires. Par ailleurs, elle prévoit des transferts ou des reversements d'impôts d'Etat au profit de la collectivité de Corse.

 . L'accentuation du particularisme fiscal de la Corse n'est pas uniquement "à usage interne". Elle se veut aussi un message adressé aux instances communautaires.

Les travaux préparatoires révèlent en effet le désir des représentants corses d'obtenir le bénéfice, en Europe, d'un statut insulaire spécifique à l'instar d'autres collectivités au sein des Etats membres de l'Union Européenne. Deux regrets sont exprimés :

1°) Le fait que la Corse ne figure pas au second alinéa de l'article 227 du Traité de Rome qui prévoyait la possibilité de déroger, en certaines matières, au Traité pour l'Algérie (à l'époque département français) et les DOM. La Corse devrait donc être en principe soumise au régime fiscal communautaire relatif à la TVA et aux droits d'accises (sur les tabacs) . C'est d'ailleurs pour cette raison que le gouvernement avait adressé, en janvier 1993, aux instances communautaires une demande de dérogation à la directive 92/77/CEE du 19 octobre 1992 relative au rapprochement des taux de TVA en vue du maintien en Corse des taux particuliers de TVA, pendant la période d'application du régime transitoire de cette taxe (qui se termine le 31 décembre 1996).

Les autorités françaises ont pour la même raison notifié (le 12 juillet 1994) aux instances communautaires le projet de loi ayant donné lieu à la loi soumise à notre examen. Sans soulever d'objection, la Commission Européenne a néanmoins rappelé que "les aides à l'investissement résultant du dispositif d'exonération pendant huit ans de l'impôt sur les sociétés... devront être prises en compte pour le respect du plafond de 30 % net applicable au cumul des aides à finalité régionale en Corse". En effet, le Corse fait partie des zones françaises éligibles à l'objectif n° 1 de la politique régionale européenne, qui vise




les zones en retard de développement. A ce titre, elle bénéficie de larges apports des fonds structurels : (1 milliard de Francs du FEDER).

2°) Mais la région Corse souhaiterait bénéficier du régime plus favorable des "POSE!" : Programme d'options spécifiques liées à l'éloignement, et à l'insularité (voir Madère, les Açores, les Iles Canaries). Toutefois, l'adoption d'un POSEI nécessite l'unanimité du Conseil des ministres.

Dans ces conditions, la loi déférée peut s'interpréter comme une manière, de se prémunir contre certaines perspectives européennes de nature à inquiéter les résidents corses :

 . La fin de la période transitoire permettant de déroger au taux de droit commun de la TVA, (même si l'échéance du 31 décembre 1996 a peu de chances d'être respectée).
 . L'élargissement de l'Union Européenne à de nouveaux Etats membres, en particulier ceux de l'Europe de l'Est. On va voir augmenter le nombre des régions éligibles aux aides communautaires, dans un contexte de restriction budgétaire.

b) La portée de la notion de "statut fiscal" de la Corse visée par la loi.

Quelle que soit l'ampleur des dérogations instituées par la loi qui s'ajoutent à toutes celles consenties antérieurement aux contribuables en Corse, depuis l'ère Napoléonienne jusqu'à nos jours, il est difficile de considérer que la Corse jouit d'un véritable statut fiscal, au sens juridique du terme.

En effet, la notion de statut ne renvoie pas seulement à un ensemble cohérent de règles spécifiques, puissent-elles même être uniques, comme en l'espèce en matière de droits de succession. L'existence d'un véritable statut fiscal paraît devoir exiger, au sens de notre jurisprudence, des compétences autonomes ressortissant du domaine législatif, ainsi qu'en sont dotés les TOM. C'est précisément ce qui explique que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie Française figurent sur la liste Etats ou des territoires à fiscalité privilégiée par l'administration pour la mise en oeuvre des mesures de lutte contre l'évasion fiscale internationale. La même logique fonde la conclusion par la France des conventions fiscales "de droit interne" avec ses propres TOM (DC 160 du 19 juillet 1983 visée plus haut). Enfin, il convient de relever que les conventions fiscales internationales conclues par la France avec des Etats tiers ne s'appliquent dans les TOM -contrairement à la région de Corse partie intégrante de la France métropolitaine- que sous réserve d'une extension expresse établie en la forme diplomatique (cf. la Relativité du Territoire fiscal de la Corse par Patrick DIBOUT...).




Rien de tel avec la loi déférée. Elle n'attribue pas à la Corse d'autonomie fiscale. Elle n'instaure même pas quant au dispositif de fond, le régime d'exception qui aurait pu résulter d'une défiscalisation des investissements, voire de la création de zones franches (Gilbert Gantier, Rapporteur, JO. AN. du 8 oct. 1994, page. 5081).

La référence au statut fiscal ne renvoie par conséquent qu'à un régime fiscal d'ensemble, comme le reconnaissent les parlementaires corses pourtant favorables à un tel statut. Ainsi Monsieur De Rocca-Serra, Président de l'Assemblée de Corse, évoque-t-il en deuxième lecture à l'Assemblée nationale ce statut fiscal comme "constituant la liste exhaustive de toutes les mesures législatives et réglementaires en vigueur, ce qui suppose l'existence d'un document unique" (JO. AN. du 16 nov. 1994, page 5622).

Ces considérations ne sont pas sans intérêt dans le cadre du contrôle de constitutionnalité de la loi qui nous est soumise. L'instauration d'un véritable statut d'autonomie fiscale de la Corse eût en effet vraisemblablement du être liée à l'attribution à celle-ci du statut de TOM (relevant, par conséquent, de l'article 74 de la Constitution). Une telle éventualité n'est au demeurant pas exclue par ceux qui voudraient voir échapper la Corse à l'application des prescriptions communautaires relatives à l'harmonisation fiscale, (voir la chronique de D. Rousseau sur "la constitutionnalité d'un statut propre à la Corse" RSAMO n° 29 du 30 juin 1990. Voir également, sous notre DC du 9 mai 1991, Thierry Michalon "La Corse entre décentralisation et autonomie", RFDA. Sept-oct. 1991, page 734).

2) La portée des dérogations prévues par la loi, au regard du principe d'égalité.

a) Le principe d'égalité selon notre jurisprudence.

 . Le principe d'égalité est affirmé dans de très nombreux textes de référence constitutionnels.
 . Constitution de 1958.

Art. 2. Egalité devant la loi.

 . DDHC de 1789.

Art. 1er : "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit".

Art. 13 : "Pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés". (Egalité devant l'impôt).




 . Préambule de la Constitution de 1946.

12ème alinéa : "La Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales". (Egalité devant les charges publiques).

Toutefois, bien souvent, le Conseil ne précise pas les textes sur lesquels il se fonde pour appliquer ce principe.

Le premier cas d'application jurisprudentielle du principe est la DC n° 51 du 27 décembre 1973 en matière de taxation d'office. Nous avons alors censuré une disposition de la loi de finances pour 1974 dans la mesure où elle tendait "à instituer une discrimination entre les citoyens au regard de la possibilité d'apporter une preuve contraire à une décision de taxation d'office". Depuis lors, le principe d'égalité a donné lieu à bien plus d'une centaine d'applications, ayant pour une partie d'entre elles conduit à des invalidations.

 . La jurisprudence paraît maintenant bien établie, notamment dans le domaine du droit fiscal.

Le considérant de principe se réfère aux deux conditions qui sont de nature à faire écarter les motifs d'inconstitutionnalité tirés de la méconnaissance du principe d'égalité : nous affirmons, en effet, rituellement que ce principe "ne s'oppose, ni à ce que le législateur règle de façons différentes des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qu'il établit".

 . Différences de rèqles justifiées par des différences de situation.

Ainsi par exemple :

"Le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte des dispositions fiscales différentes pour des activités professionnelles différentes". A propos de la contribution particulière des institutions financières (DC n° 184 du 29 décembre 1984. Cons. 16 à 18. Rec. p. 94) id. à propos des avantages consentis aux fondations et associations d'intérêt général à caractère culturel (cons. 24 à 26).

Ce faisant, le Conseil exige, pour assurer le respect du principe d'égalité, que le législateur fonde son appréciation sur des "critères objectifs et rationnels". Cette exigence est en particulier requise dans la détermination de l'assiette d'une imposition (DC n° 270 du 29 décembre 1989, cons. 4 page. 129 ; DC n° 277 du 25 juillet 1990, cons. 19 et 20, page 70).




Les différences de traitement peuvent être justifiées par des différences de situation géographiques, notamment lors de :

 . L'institution de tarifs différents pour des ponts à péage selon la situation particulière des usagers, et notamment de ceux qui ont leur domicile ou leur lieu de travail dans les départements concernés (n° 79-107 DC du 12 juillet 1979) ;
 . la création d'une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureau dans la seule région d'Ile de France (n° 89-270 DC du 29 décembre 1989) ;
 . l'institution d'un mécanisme de solidarité financière intercommunale propre à la seule région d'Ile-de-France (n° 91-291 DC du 6 mai 1991).

La décision de 1991 est intéressante car elle s'appuie sur "la distribution très inégale du potentiel fiscal des communes à population équivalente de la Région d'Ile-de-France du fait de la répartition des emplois entre le centre et la périphérie, et de la variété des besoins sociaux des communes". Ainsi la décision se réfère-t-elle non seulement au principe d'égalité, mais aussi au principe de solidarité Nationale proclamé par le 12ème alinéa du Préambule de 1946. (cons. 22 à 26) .

 . La justification de l'intérêt général.

Indépendamment de la prise en considération de l'inégalité des situations à laquelle il s'agit de remédier, le Conseil admet des différences de traitements qui sont justifiées par des nécessités d'intérêt général.

La décision susvisée du 12 juillet 1979 sur les ponts de péage (Ile de Ré) fait aussi référence à de telles nécessités "en rapport avec les conditions d'exploitation du l'ouvrage d'art" concerné (cons. 4).

 . La nécessité du rapport avec l'objet de la loi.

En tout état de cause, que la différence de régime se fonde sur des différences de situation, ou sur des motifs d'intérêt général, elle doit être en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit.

Ainsi dans une décision n° 302 du 30 décembre 1991 sur la loi de finances pour 1992, le Conseil constitutionnel (cons. 7) a censuré les dispositions prises "en faveur de la transmission des patrimoines du vivant de leur détenteur, en exceptant du rappel des donations antérieures celles qui ont été effectuées depuis plus de dix ans, dès lors qu'il s'agit de




donations ayant elles-mêmes donné lieu au paiement de droits de mutation à titre gratuit". Nous avons jugé que ces conditions "ne présentaient pas, eu égard à l'objet de la disposition en cause, une différence par rapport aux donations passées devant notaire, qui serait susceptible de justifier... la discrimination pratiquée".

 . Le contrôle restreint exercé par le Conseil en matière de discriminations fiscales.

Ce n'est en effet que s'il y a rupture caractérisée devant l'impôt que nous censurons les dispositions discriminatoires de la loi. (cf. DC n° 164 du 29 décembre 1983, page 67). Mais, cette rupture, peut parfaitement résulter, au-delà des différences entre catégories d'assujettis, de la forte pénalisation pesant sur certains d'entre eux, et ce alors même que le législateur l'aurait envisagée, comme un moyen de satisfaire un objectif économique. Nous avons, en application de cette jurisprudence, censuré la disposition de la loi du 17 janvier 1986 relative à la limitation des cumuls entre pensions de retraite et revenus d'activité, qui modifiait le taux de la contribution de solidarité sur les pensions de retraite en le portant à 50 % au-delà de 2,5 fois le SMIC. (DC du 16 janvier 1986) .

b) Appréciation des dérogations prévues par la loi au regard du principe d'égalité.

* L'article 1er sur le maintien en vigueur de "l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires" constituant le statut fiscal de la Corse.

Cet article comporte trois alinéas :

 . Selon le premier alinéa, "la Corse est dotée d'un statut fiscal destiné à compenser les contraintes de l'insularité et à promouvoir son développement économique". Or, on a vu que la référence à un tel statut fiscal, en l'absence de pouvoir normatif autonome de la collectivité territoriale corse, ne soulevait pas de problème de constitutionnalité (en particulier au regard de l'article 72 de la Constitution).
 . L'alinéa 2 prévoit que "dans le cadre de ce statut, l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires actuellement en vigueur sont maintenues". Se doit être combiné avec l'alinéa 3 qui précise que ces dispositions "feront l'objet d'une publication par le gouvernement dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi". Ces deux dispositions peuvent apparaître de prime abord plus problématiques sur le plan de la constitutionnalité.

Il est clair, en effet, d'après les travaux préparatoires que les auteurs de l'amendement à l'origine de




cette disposition (amendement voté à l'Assemblée nationale en première lecture avec l'accord du gouvernement) ont entendu valider les arrêtés MIOT et le décret impérial de 1811. Ils ont voulu éviter que leur applicabilité puisse être mise en question que ce soit par les juridictions, ou surtout par l'administration fiscale.

D'ailleurs, l'amendement initialement proposé était encore plus explicite de ce point de vue. Il faisait en effet expressément référence au maintien en vigueur de l'article 20 de la loi n° 67-1114 du 21 décembre 1967 visant en particulier les dispositions spécifiques à la Corse sur les droits de succession.

Or le rapporteur de la Commission saisie à l'Assemblée nationale (JO du 8 octobre 1994, page 5082), avait exprimé ses réserves sur l'amendement adopté, contre son avis, par la commission des finances. Se fondant sur notre jurisprudence relative au contrôle des lois promulguées, dès lors qu'elles sont modifiées ou complétées par une loi soumise à notre examen, il a fait valoir que le Conseil constitutionnel "se prononcerait non seulement sur la validation de l'article 20 de la loi du 21 décembre 1967, mais également sur les dispositions sous-jacentes, dont l'annulation reviendrait à placer la Corse dans le régime de droit commun applicable dans le reste de la métropole en matière de droits de succession".

Le rapporteur du Sénat, n'a pas manqué d'exprimer des scrupules analogues, malgré le libellé moins explicite de la disposition adoptée à l'Assemblée nationale et proposée au Sénat. Il a en effet souligné : "Cela équivaut à conférer une valeur législative à l'ensemble des arrêtés MIOT et des textes subséquents qui jusqu'ici, ont été appliqués en Corse sans référence juridique précise..." Ceci présente "un certain nombre d'inconvénients sur le plan constitutionnel". (JO. du 16 novembre 1994 page 5 622) .

S'il était vrai que la disposition en cause a une portée normative (interprétative ou de validation) , elle pourrait encourir, selon moi, notre censure en tant qu'elle méconnaît l'égalité devant l'impôt.

On voit mal, en effet, en quoi l'exonération des droits de succession afférents aux biens héréditaires en Corse répond à l'objectif de développement économique de la loi, ou plus généralement du régime fiscal applicable en Corse.

Le critère géographique de la situation de ces biens, n'est par ailleurs pas rationnel, au regard de cet objectif. D'ailleurs c'est bien parce que l'exonération en cause introduit, entre assujettis aux droits de mutation, une discrimination qui ne paraît pas justifiée que diverses tentatives ont été faites pour rapprocher le régime des droits de succession en Corse de celui du droit commun continental. (voir notamment les



amendements du sénateur LORIDANT (JO. du 13 juillet 1994, page 3 866).

Les autres articles de la loi.

Les autres dispositions de la loi, en revanche, ne me paraissent pas soulever de problème majeur, au regard du principe d'égalité :

 - Elles se rattachent toutes à l'objectif de développement économique de la Corse, et visent en outre soit des catégories d'entreprises, soit des activités particulières à encourager.
 - Les exonérations ou allégements prévus n'introduisent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, au sens de notre décision précitée sur la loi du 17 janvier 1986.

L'article 2.

Il supprime, à compte du 1 janvier 1995, les parts régionale et départementale de Taxe professionnelle et réduit de 25% les bases de la Taxe perçue par les communes et leurs groupement (coût : 250 millions de frs sur un produit total de 480 millions de frs) .

La mesure est assortie d'un mécanisme de compensation.

Le rapport de Monsieur GAUTIER à l'Assemblée Nationale (page 25) se livre à une analyse de la portée de ces dispositions qui réduisent la marge de manoeuvre fiscale des collectivités de Corse. Se référant à deux de nos décisions (DC n° 277 du 25 juillet 1990 sur l'encadremement du vote des taux des impôts directs locaux et DC n°291 du 6 mai 1991 sur la péréquation fiscale en matière d'impôt communal il en conclut justement que la mesure ne méconnaît pas le principe de libre administration (article 72 de la Constitution).

Article 3.

Il exonère totalement, à compter de 1995, des parts communale et départementale de la Taxe FNB, les terres à usage agricole situées en Corse. (La part régionale est supprimée dans toute la France, depuis 1993).

La mesure est également assortie d'une compensation.

En l'absence de dissociation pratiquement envisageable entre les terres simplement classées agricoles, et celles effectivement affectées à l'usage agricole, la disposition répond à l'objectif économique de la loi, et n'entraîne pas de discrimination excessive ou injustifiée.



Article 4.

Il reconduit, jusqu'en 1999, les dispositifs d'exonération de l'IS, spécifiques â la Corse.

Là encore, il parait difficile d'y voir une atteinte au principe d'égalité.

Article 5.

Il crée un prélèvement sur les recettes de l'Etat destiné à compenser le solde des charges provenant des transferts de compétences résultant de la loi du 13 mai 1991 (égal à 10 % du produit de la TIPP de la Corse) . Le but est d'assurer une évolution dynamique de la ressource.

Article 6.

Il transfert à la Corse, non pas une compétence, mais une recette nouvelle qui parait limitée dans son montant, et adaptée à l'objectif de promotion du tourisme nautique. (Droits sur l'immatriculation des navires de plaisance).

Article 7.

Il porte sur les successions. Il en règle un aspect mineur celui des droits perçus à l'occasion des procurations et actes notariées après décès d'une part, et des actes de partage de succession et de licitations de biens héréditaires d'autre part.

Pour favoriser la sortie des indivisions, si préjudiciables à une bonne gestion du patrimoine, ces droits ne sont plus perçus en Corse depuis 1986. Il s'agit de proroger de nouveau ce régime d'exonération jusque fin 1997.

Même si la spécificité de la situation Corse n'est pas, à cet égard, évidente, le caractère limité de la mesure rend difficile de l'interpréter comme entraîner une rupture caractérisée de l'égalité devant l'impôt.

Au surplus, comme le relève le gouvernement dans les fiches qu'il a transmises, les prorogations antérieures successives de ce régime, prévues par diverses lois de finances, n'ont pas été jugées par nous, contraires à la Constitution.

Cela étant, je ne vous aurais pas proposé en tout état de cause de soulever d'office l'inconstitutionnalité des articles susvisés.



III. - SOLUTION A PROPOSER EN REPONSE A LA SAISINE DES SENATEURS.

L'examen du moyen tiré de la violation du principe d'égalité invoquée par les saisissants est subordonné à une question préalable.

Certes, en vertu d'une jurisprudence qui s'est affinée depuis notre décision de principe DC n°187 du 25 janvier 1985 sur l'état d'urgence en Nouvelle Calédonie, nous admettons d'examiner la constitutionnalité de dispositions législatives déjà promulguées, dès lors qu'un élément nouveau est apporté par la législateur : qu'il s'agisse d'une modification ou d'un complément à la loi promulguée, ou encore que les dispositions nouvelles affectent le domaine de celle-ci. On comprend ces limites liées à l'absence de contrôle de constitutionnalité par voie d'exception.

Dans notre DC n° 256 du 25 juillet 1989, nous avons ainsi examiné des dispositions du Code de l'Expropriation, sur la procédure d'expropriation d'extrême urgence, étendant simplement cette dernière (instituée par la loi du 23 décembre 1970) des routes et oléoducs aux voies de chemin de fer.

Peut-on dire qu'en l'espèce, l'article 1er de la loi déférée, qui a entendu viser l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires (il est probable qu'il s'agit des arrêtés MIOT de force législative, mais de forme réglementaire) "modifie, complète ou affecte le domaine" de ces dispositions ? Je ne le pense pas.

L'argumentation du gouvernement tendant à dénier toute "portée normative" à cet article ne parait en effet juridiquement fondée.

L'utilisation des termes "maintien en vigueur" est très explicite. Il ne peut s'agir de remettre en vigueur ou d'étendre la portée de dispositions dont on pourrait craindre qu'elles aient été implicitement abrogées. D'ailleurs, l'applicabilité des arrêtés MIOT dont la portée législative est évidente, a été à maintes reprises réaffirmée par la Cour de Cassation).

Il ne saurait pas plus être question de faire obstacle à des modifications ou abrogations ultérieures, toujours possibles si le législateur en décide ainsi. Et ce, quelque soit, selon une expression fréquemment utilisée, "l'attachement viscéral des Corses à leurs droits acquis". Sous réserve bien sûr du respect de la non rétroactivité des sanctions et de l'autorité de la chose jugée, on voit mal ce qui pourrait s'opposer à l'amodiation de certaines dispositions fiscales propres à la Corse (DC n°142 du 27 juillet 1982 sur la planification précisant que le "législateur ne peut lui-même se lier pour l'avenir").



Il y a même quelques raisons de penser que l'élargissement de l'Europe conduira à certaines révisions dans ce domaine.

Quoiqu'il en soit, l'absence de portée normative de l'article 1er me parait exclure toute possibilité de censure. Une telle absence d'effet juridique de certaines dispositions de lois est d'ailleurs loin d'être exceptionnelle et est même parfois, expressément relevée dans nos décisions :

 - DC n°142 du 27 juillet 1982 sur la planification dont les dispositions sur le dépôt de plusieurs projets de loi "sont dépourvues de tout effet juridique... et ne sauraient empêcher le vote dans l'avenir de lois contraires aux dites dispositions".
 - DC n° 64 du 29 décembre 1983 sur la loi de Finances pour 1984. L'annexe "voies et moyens" concernant l'évaluation des ressources de l'Etat, comporte des dispositions "qui n'ont pas pour objet d'édicter ou de modifier les règles relatives à 1'impôt".
 - DC n° 196 du 8 août 1985 sur l'évolution de la Nouvelle Calédonie. La mention de "l'association de la France" à la consultation des populations sur l'accession du Territoire à l'indépendance, constitue "une déclaration d'intention sans contenu normatif" ;
 - PC n° 208 des 1er et 2 juillet 1986 sur l'élection des députés et de découpage par ordonnances des circonscriptions électorales. La disposition constatant le lien entre l'évolution démographique à la base du découpage et les recensements de population, "ne saurait lier le législateur pour l'avenir", et a "un caractère inopérant".

Tel est le cas, à mon sens, des dispositions de l'article 1er. Ceci exclut donc d'envisager tout examen des dispositions des arrêtés MIOT sur le régime des droits de succession, comme l'auraient souhaité les saisissants.

Monsieur le Président : Merci beaucoup pour ce rapport très détaillé, j'ouvre la discussion sur l'article 1er.

Monsieur ABADIE : Je voudrais poser une question préalable qui ne tient pas au fond. Cette question est relative à la saisine des sénateurs. Je me demande pourquoi nous nous limitons à l'article 1er alors que la lettre de saisine signée de Claude Estier dit explicitement que les sénateurs socialistes nous défèrent toute la loi.

Monsieur le Président : Oui mais à la page suivante...



Monsieur ABADIE : Attendez ! Certes il y a une annexe à la lettre de saisine mais qui n'est pas signée. Cette annexe expose en effet les moyens à l'encontre de l'article 1er. Mais notre jurisprudence a toujours accepté qu'une lettre de saisine sans argumentaire aucun était recevable. Les requérants auraient parfaitement pu se limiter à l'envoi de la lettre nous déférant la loi et n'articuler aucun grief contre ses articles. Bon ! Ils ont ajouté une annexe avec des moyens dirigés contre l'article 1 mais ce n'était pas nécessaire. Donc, à mon avis, nous sommes saisis du tout et pas seulement de l'article 1er. C'est une question préalable que je voulais poser et je peux même dire, qu'ayant eu des conversations çà et là, les saisissants entendaient bien nous saisir de toute la loi.

Monsieur ROBERT : Je suis absolument d'accord. Nous sommes saisis de toute la loi. La lettre est parfaitement claire et ce n'est parce que nous avons un argumentaire à l'encontre de l'article 1er que nous ne devons pas examiner les autres articles.

Monsieur le Président : En fait cela n'a pas de conséquence hormis la rédaction du dispositif. Si nous sommes saisis de toute la loi il faut que nous disions que toute la loi est constitutionnelle. Je ne suis pas sûr que le Conseil ait intérêt à faire cela. Je préfère qu'on considère que la saisine est restrictive. Je suis pour ma part très méfiant.

Monsieur LATSCHA : L'approche du Professeur Robert est tout à fait conforme à la jurisprudence. Mais cela doit-il avoir une influence sur le dispositif ?

Monsieur le Président : (se tournant vers Monsieur Abadie) je ne partage pas du tout votre point de vue sur la saisine.

Monsieur ABADIE : "J'ai l'honneur de déférer la loi..." la saisine porte sur l'ensemble de la loi.

Monsieur le Président : Non ! C'est seulement la lettre de saisine et elle n'est signée que du seul Claude Estier.

Monsieur RUDLOFF : Si les requérants nous saisissaient de toute la loi, on ne voit pas pourquoi ils auraient procédé à cette rectification pour nous signaler qu'ils contestaient l'article 1 et non pas l'article 7.

Monsieur le Président : La lettre de Claude Estier se borne à nous transmettre la saisine dont les moyens portent sur l'article 1er. Tenons nous en là. Soyons prudents, plutôt que de déclarer constitutionnel chaque article. Moins on avalisera le statut fiscal de la Corse, mieux ça sera.

Monsieur FAURE : Je dois dire qu'à propos de l'étendue de la saisine nous faisons tantôt une interprétation large tantôt une interprétation restreinte.



Monsieur SCHRAMECK : Les pratiques sont différentes selon que la saisine provient de l'Assemblée ou du Sénat. Dans le premier cas la lettre de transmission est adressée au Secrétaire général, tandis que dans le second, la lettre comme la saisine sont adressées au Président, ce qui est d'ailleurs plus logique.

Madame LENOIR : C'est aussi mon avis. Il faut être très prudent sur les moyens soulevés d'office, ce doit être flagrant.

Monsieur le Président : Alors votons. Qui désire que nous ne répondions que sur l'article 1er ? Les conseillers votent pour à l'exception de Georges Abadie et de Jacques Robert qui votent contre.

Monsieur ROBERT : Mais ce n'est pas une lettre d'envoi. C'est une saisine, agrémentée d'un fragment.

Monsieur le Président : Non, permettez-moi de vous faire remarquer que la lettre est signée par le seul président du groupe socialiste qui n'a aucune qualité pour agir.

Monsieur CABANNES : Il faut ajouter que la lettre rectificative se contente de corriger le 7 en 1. Il n'y a donc pas de saisine globale.

Monsieur LATSCHA: Cela ne préjuge pas de ma position sur l'article 3.

Monsieur le Président : Bien, la question préalable est donc rejetée.

Monsieur ABADIE : Je suis d'accord avec le rapporteur sur le plan de la directive juridique, il n'y a aucune novation et l'article 1er n'a pas de portée normative. Evidemment le considérant le plus important dit que le législateur ou le "réglementeur" peut modifier les règles en vigueur. Donc nous faisons une neutralisante qui nous permet d'interpréter le texte en disant que chacune des deux autorités fait ce qu'elle veut dans le domaine de compétence qui est le sien. Cela me va.

Monsieur ROBERT : En ce qui concerne l'article 1er on peut avoir deux approches :

 - Ou bien la Corse est déjà dotée d'un statut et l'article 1er a une valeur seulement déclaratoire.
 - Ou bien c'est un article innovateur qui dit qu'à partir d'aujourd'hui la Corse a un statut fiscal qui comprend les dispositions fiscales qui existaient antérieurement et celles qui sont ajoutées par le présent texte de loi. Dès lors, l'article 1er a une valeur normative et n'a pas de portée seulement symbolique.


Monsieur LATSCHA : On peut dire qu'il y a vraiment une spécialité corse. En 1991, la loi disait déjà qu'il existait "un peuple corse". Le Conseil constitutionnel n'a pas considéré que cette affirmation était seulement déclaratoire mais bien à valeur normative. Dès lors, on a considéré que c'était contraire à la Constitution qui ne connaît que le peuple français et on a censuré. A l'époque, le texte allait beaucoup plus loin que celui qui nous est soumis aujourd'hui. Le législateur se borne à dire que les textes législatifs et réglementaires sont maintenus. On n'ajoute rien. Il n'y a aucune disposition ayant valeur juridique dans cet article à l'exception du troisième alinéa.

Monsieur le Président : C'est certain c'est une proclamation politique et c'est tout.

Monsieur CABANNES : Moi je suis d'accord avec la position qui vient d'être exprimée.

Monsieur FABRE : Il est certain que tout ce qui est contraire à l'égalité est inconstitutionnel. Les dérogations sont souvent en elles-mêmes contraires à l'égalité. Mais ici on a affaire à une déclamation politique. Tout ça existe depuis le début du 19ème siècle et on voit bien ce qui est visé : le maintien de nombreuses dérogations fiscales. Tout ce qu'on risque de faire c'est d'irriter les corses pour rien, alors que si nous ne disons pas que les dispositions sont constitutionnelles, ça me paraît bien.

Monsieur le Président : Oui on voit bien pourquoi ça été fait en 1801, c'est Napoléon pour faire plaisir à Laetitia... D'ailleurs, en Alsace-Lorraine il y a beaucoup de statuts dérogatoires.

Monsieur RUDLOFF : Je puis vous assurer que les alsaciens sont rasés de la même manière. La seule question qui se pose, c'est que nous sommes saisis de l'état actuel de la fiscalité en Corse. Les requérants nous disent : certains textes sont anciens et manquent de base légale. Il y a notamment Paul Loridant qui s'est exprimé avec intelligence sur cette matière et qui a bien dit que ces textes violaient le principe d'égalité. Mais pour ce qui nous concerne, nous ne faisons qu'appliquer notre jurisprudence sur l'absence de contrôle des lois déjà promulguées et nous neutralisons l'incursion dans le pouvoir réglementaire. Nous ne pouvons pas faire autrement.

Monsieur FAURE : Je suis d'accord avec le rapporteur et je suis ses conclusions. Je n'accorde pas à ces trois alinéas de l'article 1er de valeur juridique. C'est une déclaration politique.

Monsieur ROBERT : Oui mais sur le plan juridique il y a un vrai problème.



Monsieur ABADIE : Que nous fassions figurer le dernier considérant, ou considérant balai comme on l'appelle est un vrai problème. Dire qu'il n'y a pas lieu en l'espèce de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution ça veut dire qu'on a regardé toute la loi et que nous l'avons estimé constitutionnelle. Or, je me refuse à considérer que toutes ces mesures dérogatoires sont constitutionnelles.

Monsieur LATSCHA : Nous ne mettons pas ce dernier considérant de façon systématique. On pourrait très bien ne rien mettre et dire seulement que l'article 1er n'est pas contraire à la Constitution. Donner une onction constitutionnelle à l'article 3 de la loi par exemple ce n'est pas possible. C'est un statut vraiment discriminatoire.

Monsieur ABADIE : Et j'ajouterai pour ma part que cette disposition discriminatoire n'a aucun objectif d'intérêt général. L'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties ne vise pas seulement les terres agricoles.

Monsieur FAURE : De deux choses l'une, soit toute la loi a été épluchée et on ne peut plus argumenter sur la constitutionnalité de ses dispositions. C'est le sens de la présence du considérant "balai". Soit on ne fait pas figurer ce dernier considérant et on ne donne pas un brevet de constitutionnalité à l'ensemble de la loi.

Monsieur LATSCHA : L'article 3 de la loi est manifestement discriminatoire. (Monsieur Latscha relit l'article 3 de la loi)

Monsieur RUDLOFF : Si on ne met rien, il va y avoir une dérive doctrinale. En effet, il a toujours été admis que si l'on était saisi d'une loi, on en était saisi en totalité. Si on ne met rien, ce sera interprété dans le sens que nous nous bornons désormais à ce dont nous sommes saisis.

Monsieur SCHRAMECK : Je comprends l'intérêt de ne pas faire figurer à la fin de la décision le considérant "balai" . Mais je partage les craintes exprimées par Monsieur Rudloff. Il est clair que la doctrine va le relever. Nous ferions un pas de plus dans le sens restrictif si nous enlevions ce fameux considérant. Un pas de plus car déjà nous avons abandonné la pratique qui consiste à donner un brevet de constitutionnalité à l'ensemble de la loi. Nous ne disons plus que l'ensemble de la loi est conforme à la Constitution. En outre, le "ne... que..." du premier considérant dans lequel nous considérons que les auteurs de la saisine ne mettent en cause que l'article 1er serait interprété comme le fait que nous nous bornons à l'examen de la saisine.

Monsieur le Président : Monsieur Camby je voudrais que l'on vérifie si nous avons toujours fait figurer ce considérant "balai".



Monsieur ROBERT : Si nous faisons figurer le considérant "balai" alors il faut vraiment examiner l'article 3 et si on ne le censure pas on comprendra qu'il ne mérite pas qu'on se saisisse d'office.

Monsieur le Président : Madame Lenoir, vous avez vu une inconstitutionnalité flagrante dans cet article ?

Madame LENOIR : Effectivement... cet article... n'a pas de rapport direct avec l'objet de la loi. Il est vrai qu'on peut hésiter.

Monsieur ABADIE : Si on avait dit que cette exonération de taxe foncière concernait les terres agricoles alors d'accord. Mais cette disposition n'est pas limitée aux agriculteurs.

Monsieur RUDLOFF : Le nombre des dispositions fiscales dérogatoires est incalculable. Il y a toute une série de communes qui bénéficient d'exonérations. Alors bien sûr on dira que ces communes bénéficiaires sont celles qui sont en perte de vitesse et que d'une certaine façon les exonérations sont justifiées.

Madame LENOIR : Ce ne sont pas toutes les terres qui sont exonérées. Ce sont les terres agricoles mais avec un zonage si large que ça englobe les jardins des châteaux. Donc, il n'est pas évident que la mesure soit en rapport avec l'objet de la loi.

Monsieur le Président : Donc vous voyez une inconstitutionnalité ?

Monsieur FAURE : Mais la loi a déjà accordé sur le continent une exonération de la part communale et départementale de la taxe foncière. Cela ne me paraît pas inconstitutionnel de consacrer une exonération totale.

Monsieur LATSCHA : Je considère que nous ne pouvons pas soulever d'office l'article 3 compte tenu de sa rédaction. Mais ce qui me choque c'est l'onction donnée à cet article. J'insiste pour que l'on ne donne pas un brevet de constitutionnalité à toute la loi. Il y a un problème de fond sur le principe d'égalité. Celui-ci permet des différences de traitement en rapport avec des différences de situations. Ou bien il permet des différences de traitement pour des raisons d'intérêt général. Il faut tenir la main à ces deux objectifs sinon on vide le principe d'égalité de tout sens.

Madame LENOIR : Finalement, je suis favorable au maintien du dernier considérant car le fait que nous disions qu'en l'espèce il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office une inconstitutionnalité ne veut pas dire que toute la loi est constitutionnelle.



Monsieur le Président : Bon passons au vote...

(Les conseillers votent sur le maintien ou non du dernier considérant. Tous votent pour à l'exception de Monsieur Robert et de Monsieur Abadie. Quant à l'adoption de l'ensemble de la décision tous votent pour à l'exception des deux mêmes conseillers).

La séance est levée â 16 h 45.

Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.