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Matéo COURTE

COMPTE-RENDU DE LA SEANCE DU 9 MARS 1995

La séance est ouverte à 10 h 15 en présence de tous les conseillers.

(Après une longue séance de photos...)

Monsieur le Président DUMAS : Allez merci...

(Les photographes sortent)

Monsieur le Président : Madame et Messieurs la séance est ouverte. Avant d'aborder l'ordre du jour je voudrais dire quelques mots brièvement. Je ne peux pas laisser passer cette première séance sans souligner l'honneur que m'a fait le Président de la République en me nommant Président de cette éminente institution. Je suis sensible à ce choix et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour m'en montrer digne. Le Conseil constitutionnel a déjà une réputation bien affirmée et elle le doit pour beaucoup à mon prédécesseur. C'est un ami de longue date qui a donné un lustre particulier au Conseil constitutionnel. S'il l'a fait, c'est aussi grâce à vous tous, du moins à ceux qui siégeaient avant nous. Sous son impulsion, le Conseil constitutionnel par son travail collectif a réussi à s'enraciner dans nos institutions et à trouver cet équilibre que nous cherchons tous. Il a affirmé des lignes de force dans la République et trouvé un équilibre entre les pouvoirs du Parlement, du Président de la République et du Gouvernement. Cette oeuvre est là et il faut la poursuivre. Je suis persuadé que les autres membres nommés avec moi sont sensibles à l'honneur qui leur a été fait. Cette institution a acquis au-delà de l'hexagone grâce à Monsieur Robert BADINTER une réputation qui ira grandissante. Je veillerai à ce que cette réputation se développe et je souhaite que de tous les coins du monde viennent des sollicitations. C'est important. Nous allons prendre notre ordre du jour mais avant je voudrai rappeler quelques principes inhérents à nos travaux dont je suis certain qu'ils ont contribué à asseoir la réputation du Conseil constitutionnel. Ces principes sont ceux de la sérénité de ses travaux et du secret qui les accompagne. Une seule anecdote : Philippe II, le roi d'Espagne, lorsqu'il fit visiter le Palais de l'Escurial auquel il tenait beaucoup, s'arrêta devant un superbe statue. L'architecte qui l'accompagnait lui dit : "Sire que pensez-vous de cette statue qui représente un chartreux ?" Philippe II lui répondit : "Elle est magnifique et semble tellement vivante qu'il ne lui manque que la parole". L'architecte ajouta : "Majesté, dois-je vous rappeler que les Chartreux ne parlent pas ?".

Je vous rappelle à mon tour que cette exigence particulière doit être celle de tous les membres du Conseil constitutionnel. Pas de commentaire à l'extérieur. Ça a été une règle d'or qui a fait la réputation du Conseil constitutionnel et je voudrais qu'on s'y tînt.

(Olivier SCHRAMECK procède au tirage au sort des sections d'instruction pour le contentieux électoral. Le résultat en est le suivant :

.../...

- Première section d'instruction du Conseil : Président M. FAURE, M. RUDLOFF, M. AMELLER.

- Deuxième section d'instruction du Conseil : Président M. DUMAS, M. DAILLY, Mme LENOIR.

- Troisième section d'instruction du Conseil : Président M. ABADIE, M. CABANNES, M. ROBERT.

Monsieur le Président : Que se passe-t-il si M. RUDLOFF n'est pas disponible ?

Monsieur SCHRAMECK : Les sections d'instruction peuvent siéger quand même.

En ce qui concerne la nomination des délégués du Conseil constitutionnel, elle découle de l'article 48 de l'ordonnance. Certaines désignations sont faites à titre collectif comme les présidents des tribunaux, d'autres se rapportent à d'anciens rapporteurs-adjoints. L'objectif est d'éviter d'envoyer pour des destinations lointaines des rapporteurs-adjoints en fonction qui seront tous mobilisés sur place. D'où l'idée de faire appel à des anciens. Ainsi, il y a Messieurs CHABROL, PICQ, et Monsieur TOUTEE. Les autres anciens rapporteurs-adjoints qui ont été approchés n'étaient pas disponibles. C'est la raison pour laquelle sont proposés des maîtres des requêtes au Conseil d'Etat, Messieurs SCHWARTZ, MEDA (ancien chargé de mission au Secrétariat général du Gouvernement) et SIMON-MICHEL ainsi que Madame Eliane CHEMLA. Cette liste n'est pas nécessairement limitative et vous pouvez procéder ultérieurement à d'autres nominations.

Monsieur le Président : De combien de personnes disposons-nous ?

Monsieur SCHRAMECK : De tous ceux qui font l'objet de la liste qui est sous vos yeux. Mais encore une fois, rien n'interdit que vous fassiez une désignation supplémentaire.

Monsieur le Président : Bien et voilà donc pour le point I de l'ordre du jour. Monsieur ABADIE, avant que vous ne preniez la parole, je voudrais que vous nous résumiez un peu où nous en sommes de la préparation de l'élection présidentielle.

Monsieur ABADIE : Je suis navré de vous dire que nous n'avons eu que des petites affaires mais dans le cadre de notre fonction consultative, de l'article 58 de la Constitution de l'article 46 de l'ordonnance et de la loi du 6 novembre 1962, tous les textes doivent nous être soumis. Nous avons vu un premier train de textes le 15 février parmi les plus urgents et les plus fondamentaux. Notamment quatre décrets pour lesquels nous avons donné un avis conforme parmi lesquels celui qui ouvre le délai de présentation des candidatures et celui de convocation des électeurs. L'essentiel des textes concernait la métropole. Aujourd'hui, nous avons dix-sept avis à rendre et quatre textes nous sont soumis pour information. Je vous rappellerai seulement avant de commencer le calendrier électoral (Monsieur ABADIE

.../... rappelle l'ensemble des dates qui jalonnent le calendrier du 16 mars 1995 à la proclamation des résultats de l'élection présidentielle). Nous avons aujourd'hui 400 pages à examiner. Ça a été un travail très long et très minutieux. L'ensemble des textes a été passé au peigne fin et les erreurs minimes ont été corrigées par téléphone. Il n'est pas évident de faire le partage entre les principes fondamentaux et leur mise en oeuvre. Mais parfois, c'est dans les détails que se cachent d'énormes "bourdes". Il ne faut pas oublier que l'on donne un label de perfection à ces textes. Je vous proposerai de faire la même chose cette fois-ci.

Les dix-sept textes sont extraordinairement répétitifs et les affaires qui nous sont soumises pour information ne requièrent pas votre attention sauf pour l'un qui pose un véritable problème.

Le premier texte n'est pas négligeable puisqu'il s'agit d'élargir les possibilités de voter par procuration pour les personnes qui prennent des vacances. Notre avis est favorable et conforme.

Monsieur AMELLER : Quels justificatifs faut-il qu'un citoyen présente lorsqu'il prend sa voiture pour prendre des vacances et qu'il n'utilise pas d'enveloppes de réexpédition ?

Monsieur ABADIE : Une attestation du maire.

Monsieur ROBERT : Je suis dans cette situation.

Monsieur le Président : Le texte dit "tout justificatif'. C'est donc à la discrétion absolue des fonctionnaires habilités.

Monsieur ROBERT : Il va pouvoir y avoir des divergences d'application considérables.

Monsieur DAILLY : Je voudrais faire une remarque sur un problème, car cette disposition, on ne peut pas se le cacher, va être à l'origine d'un grand nombre d'absentions. Aller chercher une fiche à la Poste, la faire tamponner, ce n'est pas gratuit. A partir de là, l'expression du vote n'est plus gratuite et c'est assez choquant. Bien entendu, je ne m'oppose pas à la circulaire.

Madame LENOIR : Evidemment, ces dispositions sont de nature à créer des obstacles mais le système retenu est quand même beaucoup plus souple que le précédent. Il est de nature à compenser le fait que l'élection se déroule pendant les vacances. Et je pense que les instructions seront données pour que l'application des textes soit faite avec assez de souplesse.

Monsieur DAILLY : Je partage entièrement le point de vue de Madame LENOIR mais est-ce qu'on ne pourrait pas supprimer le droit de réexpédition ?

.../...

Monsieur le Président : C'est un service de la Poste...

Monsieur ABADIE : Il peut y avoir quelque interrogation sur la notion de "vacances". Cela recouvre une absence longue.

Monsieur le Président : Peut-on considérer que la situation est éclaircie et que le texte est adopté ? ... Bien passons au second point.

Monsieur ABADIE : Ce texte n'apporte rien de nouveau. En ce qui concerne la liste des parrains, il faut enlever "définitif' qui n'ajoute rien.

Nous pouvons préciser qu'il y a cinq cents présentateurs et ajouter que le Conseil constitutionnel tire au sort tous les jours les présentateurs qui y figureront. Nous afficherons la totalité des parrainages dans nos locaux. Mais la question se pose : ou bien on affiche tous les présentateurs ou bien on affiche seulement les présentateurs supplémentaires par rapport à la liste publiée au J.O. Les deux choix sont possibles.

Monsieur ROBERT : Je suis un peu choqué qu'il y ait une distinction entre ceux qui sont tirés au sort et les autres. Si les autres n'ont pas d'intérêt, pourquoi les afficher ? Et s'ils sont importants, pourquoi ne pas tous les publier ?

Monsieur ABADIE : Il n'est pas possible de tous les publier au Journal officiel puisque la loi dit elle-même que cette publication s'effectue dans la limite de 500.

Monsieur ROBERT : Donc il n'est pas possible non plus de les afficher.

Monsieur le Président : Pouvez-vous nous rappeler le texte ?

Monsieur SCHRAMECK : En vertu de l'article 3-I de la loi du 6 novembre 1962 et effectivement la liste qui est publiée au Journal officiel est limitée à 500. D'ailleurs le Conseil constitutionnel avait souhaité en 1988 dans le rapport qu'il avait fait à la suite des élections présidentielles que la totalité des présentateurs fasse l'objet d'une publication. Le Gouvernement n'y avait pas donné de suite. En outre, ce point a été abordé à nouveau lors d'une réunion avec le SGG qui en a refusé l'idée. Cependant rien ne s'oppose à ce que le Conseil constitutionnel l'affiche dans ses locaux.

Monsieur FAURE : Moi j'étais partisan de publier la totalité de la liste mais puisque la loi s'y oppose, ma remarque est sans objet. Pour ce qui concerne le reste, je suis partisan de l'affichage dans les locaux.

Monsieur le Président : Bien, passons au point suivant.

.../...

Monsieur SCHRAMECK : Pour que nous soyons tout à fait au clair Monsieur le Président, le Conseil souhaite-t-il que nous affichions toute la liste, les cinq cents inclus ?

Monsieur le Président : Oui.

Monsieur ABADIE : Voilà, c'est tout pour le point II. Il n'y a rien à dire sur le mémento au mandataire. Je passe au point IV qui concerne le vote des français à l'étranger. On pourra reparler ultérieurement du problème du vote des français en Algérie. En ce qui concerne la circulaire, elle prévoyait la réutilisation des enveloppes du premier tour. C'était peut-être par souci d'économie, mais cela posait un problème parce qu'elles pouvaient être tachées, déchirées etc... donc on rectifie et on supprime le quatrième paragraphe de la page 8. Enfin, nous ajoutons le rappel du vote des délégués du Conseil constitutionnel.

Monsieur le Président : Bon, adopté.

Monsieur ABADIE : Je voudrais faire quelques remarques sur les deux lettres de la direction des français à l'étranger du Quai d'Orsay. L'une pose le problème du vote des français restés en Algérie car les bureaux de vote ont été supprimés en raison de la situation. La deuxième difficulté concerne les quatre délégués du Conseil supérieur des français en Algérie dont trois résident maintenant en France. Leur qualité de parrain doit-elle leur être conservée ? Il est difficile de la leur supprimer. En tout état de cause, c'est une note transmise pour information.

Monsieur le Président : Restons-en là et passons au point V.

Monsieur ABADIE : Il n'y a rien à dire.

Monsieur le Président : Le VI.

Monsieur ABADIE : Nous entrons dans les textes qui concernent l'outre-mer. Page 6, nous faisons un additif et page 10, nous corrigeons les amendes du code pénal puisque pour les départements d'outre-mer c'est le nouveau code pénal qui s'applique. Les minima ont été supprimés.

Monsieur ROBERT : Pourquoi avoir changé la formule sur les délégués du Conseil constitutionnel ? Pourquoi avons-nous deux rédactions différentes ?

Monsieur CAMBY : Dans la précédente séance du 15 février, nous avons fait ajouter un paragraphe sur le rôle des délégués du Conseil constitutionnel dans la circulaire aux maires parce qu'il n'y avait rien.

Monsieur ROBERT : Ce n'est pas le problème. Pourquoi avons-nous adopté deux rédactions différentes ?

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Monsieur le Président : On adopte la formulation "par tous moyens".

Monsieur ABADIE : Oui, mais il ne faut pas mettre "en cas d'incident" parce que ça ne concerne que les préfets et non pas les maires.

Monsieur le Président : D'accord. On passe au point 7.

Monsieur ABADIE : Il n'y a que des modifications mineures proposées par l'avis.

Monsieur le Président : Pas d'objections ? Adopté.

Monsieur ABADIE : En ce qui concerne les 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, les modifications sont les mêmes.

Monsieur le Président : Bien, adoptés. Avec le point 16, nous entrons dans le domaine de la Poste.

Monsieur ABADIE : Il s'agit d'une circulaire interne et nous n'avons pas à entrer dans le détail du texte. C'est la raison pour laquelle on écrit que le Conseil constitutionnel "estime que ce texte n'appelle pas d'observations".

Monsieur le Président : Vous ne dites pas pourquoi ?

Madame LENOIR : On pourrait rajouter : "de la part du Conseil constitutionnel".

Monsieur le Président : "De sa part". Car on est bien compétent, mais on a rien à dire.

Monsieur DAILLY : Cette formulation pourrait vouloir dire que ce texte appelle des observations de la part de quelqu'un d'autre. Mais de qui ?

Monsieur ABADIE : Les autres circulaires nous sont adressées pour information et seule la quatrième pose un problème. C'est celle qui émane du ministère de l'Intérieur et qui concerne le financement et le plafonnement des dépenses électorales et relative au financement des partis politiques. Il s'agit seulement de sa mise à jour au 1er février 1995. Ce qui veut dire que c'est une circulaire qui a déjà été envoyée. Elle nous est transmise seulement pour information et encore tardivement. Nous avons été alertés sur cette circulaire par le Président VACQUIER¹ qui avait les plus grandes craintes sur sa légalité. Son interrogation portait essentiellement sur le 4ème alinéa de la page 33 et accessoirement sur les ambiguïtés éventuelles du dernier paragraphe de la page. Le 3ème alinéa ne pose pas de problème. Il est vrai qu'un parti politique n'est pas obligé de recourir à un mandataire financier. S'il ne veut

1Président de la Commission nationale des comptes de campagne et du financement de la vie politique.

.../... pas recueillir de fonds, il n'est pas obligé d'avoir un mandataire. En revanche, le problème se pose pour recevoir des dons. Faut-il avoir une association de financement ou est-elle seulement facultative ? Si on lit seulement l'article 11 de la loi de mars 1988 modifiée, on déduit de l'indicatif présent que les partis "recueillent des fonds" par l'intermédiaire d'une association de financement. Il n'y a pas écrit "peut" ou "doit" mais il y a l'indicatif présent qui est la marque d'un impératif. En revanche, si nous lisons l'article 11-8 dans le même sens que l'article 11, il serait redondant ; donc il faut le lire a contrario et à ce moment là, le recueil de dons de personnes non identifiées peut se faire sans l'intermédiaire d'un mandataire financier. Dès lors, l'article 11 devrait être lu comme n'ayant pas de signification contraignante et il faudrait l'interpréter comme "peut recevoir des fonds". Tout ceci est important, car si on prend cette appréciation de l'article 11-8, il est certain que la déductibilité fiscale qui s'attache à l'article 11 ne s'applique pas, mais qu'en revanche, l'exigence du mandataire et celle du plafonnement des dons tombent. On peut ainsi imaginer un parti, n'importe lequel, qui rentre n'importe quel argent anonyme sans aucun plafonnement. Ce qu'a voulu la loi s'agissant de limitation et de transparence des fonds serait complètement tourné. Comment en sortir ? Si on lit les deux réponses aux questions écrites, données par le ministre de l'Intérieur lui-même, c'est-à-dire par l'auteur de la circulaire dont nous discutons, elles apportent des réponses radicalement contraires à celles-ci. Pour les réponses, c'est le 11 qui l'emporte sur le 11-8. Pour la circulaire, le 11-8 pourrait l'emporter sur le 11. Il est évident que les réponses aux questions écrites ne font pas jurisprudence.

Monsieur FAURE : La circulaire non plus.

Monsieur ABADIE : Oui, mais la circulaire, elle, est sous le contrôle éventuel du Conseil d'Etat. Si nous nous référons à la décision du 11 janvier 1990 sur la loi modificative du 15 janvier 1990, on s'aperçoit que le considérant 17 fait seulement la distinction entre le mandataire financier et l'association de financement. Le Conseil a dit que dès lors que le parti politique conservait le choix entre les deux, ce n'était pas contraire à l'article 4 de la Constitution. Si on laissait aux partis la possibilité de ne pas avoir de mandataire du tout, ce serait évidemment conforme à l'article 4 de la Constitution. Mais nous ne nous sommes pas prononcés sur cette question. Si on se réfère aux travaux parlementaires, on s'aperçoit que tant dans le rapport de Monsieur SAVY à l'Assemblée nationale que dans celui de Monsieur BONNET au Sénat, on peut interpréter l'idée qu'il faut une association de financement comme une simple faculté. En revanche, si on lit le rapport de Monsieur BONNET sur la loi de 1995 relative au financement de la vie politique, il dit exactement le contraire puisqu'il affirme qu'un parti doit obligatoirement passer par un intermédiaire pour recevoir des dons.

Si nous prenons le 11-8 prédominant sur le 11, alors tout est possible. Seul le 11-4 interdit le financement par des personnes morales, mais encore, c'est tout juste.

Monsieur le Président : Mais alors, comment interprétez-vous le : "à l'exception des partis politiques" ?

.../...

Monsieur ABADIE : Un parti politique peut toujours verser des sommes à un autre parti politique ou à une association de financement d'un candidat. Le problème des personnes morales n'est pas posé par la circulaire. Je propose que nous laissions tomber. En revanche, la commission nationale des comptes de campagne va être en présence de cette situation avec des partis politiques qui auront pu s'engouffrer dans la faille ouverte par le ministre de l'Intérieur et auront découvert des fonds tous azimuts sans limitation de plafond. Cela dit, Monsieur Vacquier va se trouver devant le problème, mais il n'est pas tenu par la circulaire et peut s'adresser à nous comme au Conseil d'Etat. Mais nous, nous sommes dans une position difficile puisque la circulaire nous a été envoyée tardivement pour information et qu'elle a déjà été diffusée. Dès lors, si nous ne disons rien, le ministère pourra toujours arguer devant nous ou devant le Conseil d'Etat qu'il nous a envoyé cette circulaire et que nous n'avons rien dit.

Bref ! Si on considère que l'article 11 est prédominant, cela nous conduit à proposer la suppression du 4ème alinéa de la circulaire.

Monsieur le Président : Cette version de la circulaire de 1995 était déjà celle de 1991.

Monsieur ABADIE : Oui, mais le texte de 1991 ne nous a pas été soumis. La CCFP n'a pas contesté non plus, et aujourd'hui, elle se réveille. Supposons qu'on veuille supprimer le 4ème alinéa, comment allons-nous motiver.

Monsieur ROBERT : Il suffit de motiver en reprenant les réponses ministérielles.

Monsieur ABADIE : Convient-il de répondre à une circulaire en s'appuyant sur une réponse ministérielle. Est-ce notre rôle ? Et d'ailleurs, faut-il attirer l'attention sur ce 4ème alinéa ?

Madame LENOIR : Juste un petit point, car c'est un sujet important sur lequel Monsieur VACQUIER a attiré notre attention. Il s'agit de savoir si la loi de 1990 permet des échappatoires. Si on suit la circulaire, tout le champ d'application de la loi disparaît. Et d'ailleurs, pourquoi nous soumet-on des textes pour information et d'autre pour avis ? On nous soumet n'importe quoi pour avis et on nous soumet seulement a posteriori des textes extrêmement importants.

Monsieur le Secrétaire général : Il est certain que cette pratique n'est pas satisfaisante. Le ministère de l'Intérieur effectue le partage entre deux types de textes :

- les textes d'intérêt général qui ne concernent pas seulement les élections présidentielles nous sont soit envoyés pour information, soit pas envoyés du tout ;

- les textes spécifiques à l'élection présidentielle nous sont envoyés systématiquement même lorsqu'il s'agit de broutilles.

.../...

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Par exemple la circulaire sur le vote par procuration, c'est à notre initiative qu'elle nous a été envoyée. Car les indications correspondantes étaient auparavent incluses dans une circulaire générale. De même que cette circulaire sur le financement des partis politiques nous a été envoyée pour information car elle a été déjà diffusée.

Monsieur ROBERT : Moi, je trouve que nous cherchons midi à 14 heures. Les textes sont clairs. En premier lieu, il est certes facultatif pour un parti politique d'avoir un mandataire. Dans ce cas, les partis peuvent toucher des cotisations. En revanche, la loi sur le financement des partis politiques vous dit que vous ne pouvez recueillir des fonds que par l'intermédiaire d'un mandataire. Ainsi, je suis d'accord sur le troisième alinéa de la circulaire mais on ne peut pas laisser subsister le quatrième alinéa. L'article 11 de la loi vous dit "recueille des fonds", c'est impératif. Il faut un mandataire. Et si on part d'un a contrario tortueux sur l'article 11-8, on violerait non seulement la lettre de la loi mais aussi son esprit. Si vous autorisiez un parti à recevoir des dons de personne non identifiée sans l'intermédiaire d'un mandataire, vous tournez entièrement la loi.

Monsieur le Président : Je me demande quelle est la portée de notre avis puisque ce texte nous est envoyé seulement pour information et qu'il concerne l'ensemble des élections.

Madame LENOIR : Je suis entièrement d'accord avec Monsieur le Professeur ROBERT. Il faut s'en tenir à la lettre de l'article 11 car selon que l'on verserait par chèque ou en liquide, on pourrait le faire par le biais d'un mandataire ou non et on tournerait complètement la loi. En outre, je n'ai jamais vu que l'indicatif présent puisse ouvrir une faculté. Il faut que la loi soit normative. C'est une obligation. Je suis d'accord avec Monsieur ROBERT, c'est l'article 11 qui prime et l'obligation s'applique aussi bien aux personnes identifiées qu'aux personnes non identifiées. Cela résulte clairement de l'article 11-2. Même si au moment du vote de la loi il y avait une certaine ambiguïté, maintenant celle-ci a disparue.

Monsieur le Président : D'ailleurs, il me semble que cette zone d'ombre est parfaitement bien éclairée par les réponses aux questions écrites faites par le ministre de l'Intérieur et par le rapport BONNET sur la loi de 1995.

Madame LENOIR : Et j'ajouterai aussi, éclairée par notre décision du 11 janvier 1990 qui a affirmée que l'obligation d'avoir un mandataire n'était pas contraire à l'article 4 de la Constitution dès lors que les partis conservaient le choix entre un mandataire financier ou une association de financement.

Monsieur le Président : Il reste à savoir comment formuler notre opinion.

Monsieur FAURE : On peut peut-être se borner à faire une lettre au ministre de l'Intérieur...

Monsieur ROBERT : Sur un texte aussi important, on ne peut pas se contenter d'envoyer une lettre, il faut faire un avis officiel.

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Monsieur le Président : Certes, nous sommes saisis tardivement, mais le danger dans un texte qui ne nous est transmis que pour information, c'est que nous nous abstenions de donner notre avis. Par la suite, on pourrait nous le reprocher.

Madame LENOIR : Je suis d'accord car cette circulaire pourrait être attaquée au contentieux et mise en cause pour son caractère réglementaire car manifestement elle ajoute à la loi. Si nous donnons notre avis officiellement, il est certain que la circulaire sera modifiée. Il vaudrait mieux être très ferme.

Monsieur DAILLY : J'interviens avec beaucoup de prudence car j'ai commencé à regarder cela hier soir. Cette circulaire ne nous intéresse que parce qu'il y a des élections présidentielles, sinon nous ne serions pas consultés. Elle traite du recueil des fonds et bien entendu, elle a une incidence sur ces élections. En second lieu, je suis complètement de l'avis du Professeur ROBERT. L'article 11 pose le principe, c'est le portique. Les articles suivants ne sont que des modalités d'application de l'article 11. Si nous admettons que l'article 11 est le principe, alors le 4ème alinéa de la circulaire ne doit pas pouvoir s'appliquer. Il doit être supprimé, du moins s'agissant de l'élection présidentielle. Pour le reste, cela ne nous concerne pas. Nous devons dire quelque chose et j'opine plutôt pour affirmer qu'à l'occasion de l'application de cette circulaire pour l'élection présidentielle, le 4ème alinéa doit être supprimé.

Monsieur AMELLER : Je suis d'accord sur le fond, le principe est posé par l'article 11, mais je voudrais que l'on ne soit pas aussi tranchant. Nous pourrions faire remarquer que nous regrettons d'avoir été saisis a posteriori et être plus nuancés sur le fond.

Monsieur DAILLY : On pourrait limiter nos remarques aux présidentielles.

Monsieur ROBERT : Je crois qu'il faut que nous donnions nettement notre avis.

Monsieur le Secrétaire général : Je crois qu'effectivement il faut que le Conseil prenne position sur le fond de façon que le Gouvernement sache que le Conseil constitutionnel pourrait se saisir de ce problème.

Monsieur le Président : Effectivement, il faut que nous exprimions notre avis. Je suggère que nous écrivions que le 4ème alinéa de la page 33 de la circulaire ne résulte pas du texte même de la loi sans en proposer la suppression.

Tous : D'accord.

La séance est levée à 13 heures.

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Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.