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PV1995-07-12

Matteo Renaut

SEANCE DU 12 JUILLET 1995.

La séance est ouverte à 15 h 05 en présence de tous les conseillers sauf M. DAILLY excusé.

Monsieur le Président  : J’ai pris l’initiative de nous installer dans cette pièce compte tenu de la canicule et du travail que nous allons avoir pendant tout l'été. Je passe au point numéro 1 du jour c’est à dire à la nomination des rapporteurs adjoints auprès du Conseil constitutionnel. Nous arrivent ainsi :

- Madame PAPPALARDO, conseiller référendaire à la Cour des comptes

- et Messieurs LOLOUM et TOUVET, maîtres des requêtes au Conseil d’Etat.

Monsieur le Secrétaire général : A ce sujet, je voudrais ajouter quelques mots sur les rapporteurs adjoints qui s’en vont. Monsieur POULY a été nommé avocat général près la Cour des comptes. Cette fonction prend effet immédiatement et elle est incompatible avec celle de rapporteur adjoint. Quant à Monsieur ARRIGHI de CASANOVA, il a été nommé conseiller technique au Secrétariat général du Gouvernement. Il défendra ainsi les lois soumises au contrôle de constitutionnalité. J’ai fait valoir que cette fonction était incompatible avec celle de rapporteur adjoint. Ce dont Monsieur ARRIGHI est convenu bien volontiers. Enfin Monsieur SCANVIC va occuper des fonctions de direction chez USINOR. Les deux derniers rapporteurs précités étaient prêts à analyser les comptes de campagne, du moins à commencer cette analyse mais j’ai préféré que ce soient les mêmes qui suivent le contrôle des comptes du début à la fin.

Monsieur le Président : J’avais donné mon accord compte tenu du travail qu’ils vont avoir. C’est mieux qu’un changement en cours de route. D’ailleurs je vous fais remarquer que le changement se fait à l’identique puisque deux maîtres des requêtes sont remplacés par deux autres et un conseiller à la Cour des comptes remplace celui qui est partant.

En ce qui concerne les comptes de campagne des candidats reçus au Conseil constitutionnel, ils feront l’objet d’une publication telle quelle au début de la semaine prochaine. Monsieur ABADIE c’est à vous puisque vous êtes prévu au point 2 de l’ordre du jour.

Monsieur ABADIE :

Monsieur le Président, Madame, Messieurs,

Nous avons été saisis le 29 mai dernier du projet de formulaire de présentation d’un candidat à l’élection du Président de la République. Cette saisine peut paraître, a priori, assez surprenante. En effet, juste après l’élection présidentielle, le formulaire de présentation nous est renvoyé. En fait, cela s'explique par des raisons de commodité. Le Gouvernement souhaite pouvoir parer à toute éventualité, et les délais d'impression du document par l'imprimerie nationale sont relativement longs. En 1988, le ministère de l'intérieur avait dû, pour tenir compte de notre avis, modifier le formulaire déjà envoyé aux préfets. En 1995, vous vous en souvenez, notre avis s'était traduit par l'adjonction d'une notice additionnelle pour :

- prendre en compte le fait que la loi organique du 19 janvier 1995 avait ajouté les membres de l'Assemblée de Corse à la liste des présentateurs ;

- rappeler les dates pendant lesquelles les formulaires devaient être renvoyés ;

- indiquer que les envois par télécopie ou photocopie ne seraient pas pris en compte.

C'est donc ce même document avec cette notice qui est soumis à notre approbation. Il y a une question préalable à trancher avant d'en venir à l'examen concret du formulaire. J'envisagerai successivement ces deux aspects.

La question préalable est celle de savoir si notre avis doit être rendu d'ores et déjà. En effet, les observations finales que nous devons être amenés à produire, comme cela est traditionnel après une élection présidentielle, pourraient nous conduire à demander des modifications de la réglementation applicable à cette élection. Plus précisément, il est possible, et je ne veux pas anticiper sur un prochain débat, que nous demandions que soient précisées les compétences respectives du Conseil constitutionnel et de la Commission nationale de contrôle en matière de propagande. Il faut rappeler que nous avons constaté que la C.N.C. avait largement outrepassé ses compétences, s'intéressant par exemple aux votes par procuration. Il faut rappeler également que le Conseil a lui-même revendiqué une compétence en matière de textes réglementant la campagne audiovisuelle édictés par le C.S.A. Il faut rappeler en outre que l'existence des deux heures d'antenne n'est sans doute pas la plus opportune compte tenu du nombre de candidats au premier tour. On pourra s'interroger sur d'autres aspects de ce décret, comme celui qui concerne les personnes susceptibles de participer aux émissions (troisième alinéa de l'article 12 du décret). Vous le voyez donc, il y aura sans doute bien des aspects sur lesquels nous aurons à nous prononcer. Pour ce qui concerne plus directement le formulaire, on pourra s'interroger sur l'article 3-1 du décret reproduit dans le formulaire qui prévoit les conditions dans lesquelles les formulaires doivent être certifiés. Plus précisément, je rappelle que ce texte exige le sceau de la mairie s'agissant des maires ou le certificat d'un membre du bureau de l'assemblée ou du conseil lorsqu'elle émane d'un membre de ces instances. Vous savez que nous avons eu de nombreux problèmes à ce sujet.

Je vous propose cependant d'émettre un avis, puisque le Gouvernement nous le demande, et de compléter celui-ci par l'envoi d'une lettre de Monsieur le Président dont le projet vous a été transmis et qui ferait allusion au fait que le Conseil émettra des observations sur le décret du 14 mars 1964. Si vous me suivez sur cette méthode, je peux aborder le contenu concret de l'avis qui vous est proposé.

Tout d’abord, il convient de mettre à jour l'article 3-1 de la loi du 6 novembre 1962 pour y mentionner les membres de l'Assemblée de Corse. Ceci soulève d'ailleurs une question, car ces personnes peuvent être prises en compte dans le quota numéraire de la Haute-Corse ou de la Corse du Sud. Cette question pourrait avoir une importance pratique pour le décompte des 500 signatures. Je tenais à souligner au passage ce point pour lequel je ne vois pas de solution à ce stade. Mais peut être les observations seraient-elles utiles.

D'autres modifications portent sur la page de la présentation proprement dite, qui ne m'est pas apparue suffisamment claire. Il faut indiquer dans quelle case doit figurer le nom du candidat, il faut indiquer que la signature de l'auteur doit être manuscrite car, vous vous en souvenez, nous avions eu le cas de l'utilisation d'une machine à signer et il vaut mieux préciser la certification. En particulier, si celle-ci émane d'un membre d'une assemblée d'une région ou d'un département, la qualité de la personne qui certifie doit clairement apparaître. A cet égard, je tiens à vous indiquer que nous sommes confrontés à une difficulté juridique sérieuse. L'article 3-1 du décret prévoit que c'est un membre du bureau qui doit certifier. Or, la difficulté à laquelle le Conseil a été confronté, c'est que les anciens bureaux des conseils généraux ont quasiment disparu au profit de la commission permanente. Et nous avons admis que les membres de la commission permanente pouvaient certifier même sans délégation de signature. Mais c'est une interprétation très souple des textes. Aussi, ai-je fait un recensement des divers cas de figure possibles.

1° S'agissant des communes, elles ne sont constituées, aux termes de l'article 121-1 du code des communes, que du seul conseil municipal, du maire et d'un ou plusieurs adjoints.

Elles n'ont ni bureau ni commission permanente.

2° S'agissant des conseils généraux, il résulte de la loi du 6 février 1992 (d'orientation relative à l'administration territoriale de la République), en particulier de son article 37 qu'ils sont dotés d'une commission permanente. En outre, le 2 de l'article 38 de cette même loi introduit un nouvel alinéa à l'article 38 de la loi du 2 mars 1982 pour énoncer que les membres de la commission permanente ayant reçu délégation forment le bureau. C'est ce texte qui a été interprété souplement.

3° S'agissant du conseil régional, l'article 11 de la loi du 5 juillet 1972 rend applicable au conseil régional l'article 38 de la loi du 2 mars 1982 précité. Les conseils régionaux sont donc dotés à la fois d'une commission permanente et d'un bureau au sens dudit article.

4° S'agissant du conseil de Paris, l'article 38 de la loi du 31 décembre 1982 (relative à l'organisation administrative PLM) précise dans son troisième alinéa que "lorsque le conseil de Paris siège en qualité de conseil municipal, les dispositions relatives aux conseils municipaux sont applicables au conseil de Paris ; lorsqu'il siège en qualité de conseil général, les dispositions relatives aux conseils généraux lui sont applicables".

Ainsi, en tant qu'il est conseil général, le conseil de Paris est doté d'un bureau et d'une commission permanente.

5° S'agissant de la Corse, aux termes de l'article 21 de la loi du 13 mai 1991 (portant statut de la collectivité territoriale de Corse), "aussitôt après l'élection du Président... l'assemblée procède à l'élection des membres du bureau... le bureau est présidé par le Président de l'assemblée qui en est membre de droit. Il comprend en outre 10 conseillers à l'assemblée".

Ainsi, l'assemblée de Corse ne possède pas de commission permanente. Elle possède un bureau qui organise les travaux de l'assemblée mais qui n'est pas défini au sens du bureau de l'article 38-2 de la loi du 6 février 1992. Le bureau de 1 ' assemblée de Corse dans la mesure où il est élu à la proportionnelle s'apparente plus à la notion de commission permanente.

Enfin, on notera une curiosité : l'article 37 de la loi du 6 février 1992 substitue les mots "commission permanente" à "bureau" dans un certain nombre de lois y compris la loi n° 82-214 du 2 mars 1982 portant statut particulier de la région corse qui a été abrogée par la loi du 13 mai 1991 (article 87).

6° Enfin, s'agissant des régions de Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion, l'article 37 de la loi du 6 février 1992 vise la loi n° 82-1171 du 31 décembre 1982 relative à ces régions et substitue la commission permanente au bureau.

Vous le voyez, il y a tout intérêt à ce que le décret de 1964 soit modifié sur ce point.

En ce qui concerne l'avis, je dois préciser en outre que de nombreuses erreurs dans le numéro des départements m'incitent à proposer une présentation plus claire de la zone grise du bas de la page. Enfin, la notice, conformément à notre avis, pourrait indiquer que les télécopies ou photocopies ne sont pas prises en compte et que la signature de la personne qui présente le formulaire doit être manuscrite.

Tel est l'économie du texte de l'avis qui vous est proposé.

J'en ai terminé. Je vous remercie.

Monsieur le Président : Merci pour ce rapport et pour les suggestions que vous nous avez faites. Qui demande la parole ?

Monsieur ROBERT : Dans l'avis on va beaucoup dans le détail en ce qui concerne le formulaire et la notice. Pourquoi reste-t-on aussi elliptique en ce qui concerne les dispositions majeures de la loi organique ? S'il s'agit d'ajouter les membres de l'Assemblée de Corse dans la liste des présentateurs, pourquoi ne pas le dire ?

Monsieur ABADIE : Effectivement, les deux formules sont possibles.

Monsieur ROBERT : Dans la lettre d'accompagnement, pourquoi ne pas se borner à dire que le rapport du Conseil constitutionnel suivra ? Nous n'avons pas besoin de leur dire d'attendre, ça va de soi. On a l'air de les traiter en petit garçon.

Monsieur ABADIE : On peut effectivement le supprimer.

Monsieur le Président : Monsieur ROBERT votre objection ne me paraît pas insurmontable. Quant à mentionner l'Assemblée de Corse nommément, je n'y vois pas d'inconvénient. On peut gagner en précision. Enfin, sur l'autre point, on pourrait être moins brutal mais je crois qu'on peut laisser la formule telle que.

(Les conseillers conservent le projet de lettre d'accompagnement de la transmission de l'avis sur le formulaire tel qu'il était. Ils se mettent d'accord pour substituer à la référence très générale à la loi organique du 19 janvier 1995 la mention "des membres de l'Assemblée de Corse").

Je dois ajouter que j'ai manqué à tous mes devoirs tout à l'heure en ne mentionnant pas Monsieur DAILLY qui a subi une intervention chirurgicale et qui se remet de celle-ci chez lui. Il reste très actif et intellectuellement très présent.

Bien, nous pouvons passer au point 3 de l'ordre du jour consacré à l'examen des comptes de campagne des candidats à l'élection présidentielle des 23 avril et 7 mai derniers. C'est la première expérience dans ce domaine, il faut qu'elle soit réussie. Nous allons écouter Monsieur le Secrétaire général.

Monsieur SCHRAMECK : Il s'agit effectivement d'une procédure sans précédent. Bien entendu, lors de la dernière élection présidentielle, il y avait les comptes de campagne qui étaient transmis au Conseil constitutionnel lequel n'avait pas de pouvoir de contrôle. Maintenant, il est responsable de bout en bout de l'opération, c'est-à-dire à la fois de la phase d'instruction et de contrôle et de la phase juridictionnelle puisque il devra prendre des décisions statuant sur les comptes.

Cette procédure comporte plusieurs caractéristiques :

1 ) elle a une haute charge politique. Elle concerne des personnalités politiques qui ont l'habitude de manier des arguments politiques.

2) c'est une procédure enserrée dans des délais brefs. On va retrouver des contraintes qui sont de même nature que celles que nous avons rencontrées à l'automne 93.

3) cette procédure fait peser une responsabilité particulièrement lourde sur les rapporteurs adjoints. Bien sûr, ils avaient un rôle important en ce qui concerne les élections législatives mais il était encadré par un contentieux lié par les moyens des requêtes suivant une procédure définie par un règlement du Conseil. Maintenant, ils vont être confrontés à des comptes et ce sont eux qui vont devoir définir la procédure.

4) bien entendu il faut tirer des leçons de l'expérience passée. Des observations critiques qui ont été faites contre le Conseil constitutionnel doivent l'amener à se prémunir contre les procès d'intention.

Pour introduire les questions que vous allez débattre, je dois souligner que nous avons reçu les 5, 6 et 7 juillet l'ensemble des comptes des candidats. Nous avons tenu des réunions internes au service juridique pour cerner les questions qui pouvaient se poser. Puis nous avons tenu une réunion hier matin avec les rapporteurs adjoints qui avaient eu connaissance auparavant des comptes de campagne. Ainsi, la réunion d'aujourd'hui sera nourrie par leurs observations et il m'arrivera d'être parfois leur porte parole. Enfin, dès demain, ou lundi, les rapporteurs adjoints auront communication des décisions prises par le Conseil aujourd'hui.

En ce qui concerne les questions posées, j'en distinguerai deux grandes catégories : les questions de procédure, les plus importantes, et les questions de fond, certes difficiles, pour lesquelles il faut tracer des orientations avant de pouvoir les trancher dans les cas d'espèce.

1 Les questions de procédure

Il y a 5 points qui me paraissent essentiels.

1) le délai d'instruction et de jugement des comptes de campagne

2 ) quel doit être le rôle des membres du Conseil constitutionnel dans la procédure ?

3) quelle doit être la responsabilité des rapporteurs adjoints ?

4) quelle forme de publicité devons-nous donner à la procédure ?

5) quel est le calendrier de nos travaux ?

Je reprends le premier point.

1) le délai d'instruction et de jugement des comptes de campagne

Lors de l'examen de la loi organique de janvier 1995, il avait été question non seulement au Parlement mais aussi dans la maison d’à côté d'enserrer la procédure d'examen des comptes dans un délai de trois mois. A ce sujet, j'étais intervenu. Maintenant le Conseil n'a plus de délai. Le seul délai qu'il doit observer est celui d'un mois pour publier les comptes tels qu'il les a reçus.

En pratique cependant, il me semble difficile de dépasser les trois mois car les associations de financement, aux termes de la loi, doivent disparaître trois mois après qu'elles ont déposé les comptes. Il y a dans la question du délai à observer deux points qui me paraissent importants :

- le législateur a prévu que le solde de l'activité de ces associations doit donner lieu à un reversement à la Fondation de France. En l'état actuel certes, il n'y a que deux comptes qui présentent un solde positif, celui de Monsieur JOSPIN et celui de Monsieur CHEMINADE.

Cependant, le Conseil constitutionnel sera amené à décider du solde des autres comptes puisqu'il sera conduit soit à ajouter soit à retrancher dans les recettes ou dans les dépenses. Il serait donc difficile de demander à une association de reverser un solde s'il n'a pas encore été fixé par le Conseil.

- Il y a un second point qui concerne le rôle des associations de financement. Il est prévu qu'un remboursement doit intervenir mais l'assiette de celui-ci dépend de ce qui reste personnellement à la charge du candidat. Dans la pratique, les candidats et leurs associations de financement soit seules soit solidairement avec le candidat, ont recouru à l'emprunt pour couvrir les dépenses. Ces associations sont donc débitrices et comptent sur le remboursement de l'Etat pour rembourser les emprunts.

II y a deux autres raisons qui militent dans le sens d'un délai court pour se prononcer : il y a d'une part la disponibilité des rapporteurs, dont je ne veux pas abuser, et d'autre part il vaut mieux passer le cap de cette haute tension politique dans les délais les plus brefs. J'ajouterai enfin que, même si le délai de trois mois est respecté par le Conseil, il reste le délai qu'il faut à l'Etat pour rembourser. J'ai d'ailleurs pris contact avec la direction compétente pour que le remboursement soit effectué dès le lendemain de la décision du Conseil constitutionnel.

Bien entendu, la décision appartient au Conseil mais je vous propose que ce délai court soit retenu quitte à se ménager quelques jours pour examiner les problèmes les plus difficiles.

Monsieur le Président : Je vous remercie. Je pense qu’il est préférable de débattre de chaque point de cet exposé au fur et à mesure. Le premier est relatif à la durée de l'examen des comptes. Il faut que nous prenions deux décisions. En ce qui concerne la première relative à la publication des comptes, elle doit intervenir la semaine prochaine. En ce qui concerne le deuxième sujet, c'est évidemment plus délicat. Tout ce qui a été dit par Monsieur le Secrétaire général milite en faveur d'un délai de trois mois. Je me demande même si ce délai n'est pas trop long dans la mesure où notre décision a des effets juridiques en aval. Si l'association de financement doit disparaître dans un délai de trois mois, comment pourrait-elle se manifester à trois mois plus un jour pour encaisser les sommes qui lui reviendraient ? Bien sûr, en ce qui concerne les associations de la loi de 1901, on sait qu'elles peuvent continuer à exister au delà de leur terme pour les besoins de sa dissolution.

Monsieur FAURE : Mais si on compte trois mois de délai, il part à partir de quand ?

Monsieur SCHRAMECK : A compter du jour où le Conseil reçoit le compte du candidat. La date est variable suivant les cas puisque leur dépôt s'est échelonné le 5, 6 et 7 juillet. Dans le calendrier que je vous présenterai, j'ai prévu que les séances se tiennent fin septembre mais aussi les 2 et 3 octobre pour parer aux dernières difficultés.

Monsieur ROBERT : Je suis très gêné. Sur le fond, je suis d'accord avec le Secrétaire général mais je ne serai pas à Paris du 16 au 28 septembre. Je sais bien que nul n'est indispensable mais tout de même.

Monsieur le Secrétaire général : Jacques ROBERT me l'avait dit donc j'avais prévu des séances les 14 et 15 septembre puis les 28, 29 et 30.

Monsieur CABANNES : Je voudrais savoir comment notre décision sera matérialisée.

Monsieur le Secrétaire général : Certaines décisions seront prises aujourd'hui de telle façon que je puisse les communiquer aux rapporteurs adjoints et que je puisse informer les candidats du nom des rapporteurs qui vont s'occuper de leur compte.

Madame LENOIR : Je suis désolée de faire une intervention dans le même sens que Jacques ROBERT car je suis prise entre le 18 et le 21 septembre et je ne serai pas disponible non plus le 28 à cause de la réunion de mon comité de bioéthique.

Monsieur le Secrétaire général : Il est difficile de ne prévoir que deux jours à la fin septembre car cela fait trois comptes par demi-journée et il y aura des difficultés sur tous les comptes.

Monsieur le Président : Y-a-t-il d’autres membres qui ne seront pas là ?

Monsieur le Secrétaire général : Je suggérerais dans le rapport général de faire valoir que la durée de vie des associations de financement devrait être portée à six mois au lieu de trois actuellement. Bien entendu, Monsieur le Président, vous avez rappelé une règle très générale de la continuation des associations pour les besoins de leur dissolution mais ce qui est gênant c'est qu'en la matière il y a une règle spécifique du code électoral qui porte dérogation à la règle générale.

Monsieur le Président : Sur les deux points nous sommes d'accord.

Monsieur le Secrétaire général : La publication des comptes interviendra le mardi 18 juillet et les candidats seront informés du mandat qui a été conféré aux rapporteurs adjoints.

Monsieur le Président : On peut peut-être informer les candidats dès demain.

Monsieur RUDLOFF : Je voudrais savoir, les décisions concernant les comptes seront-elles toutes dans le même Journal officiel ?

Monsieur le Secrétaire général : Oui, je crois qu'il est préférable, pour des raisons d'égalité, que tous les comptes soient publiés en même temps sauf s'il existe un problème particulier. Je crois qu'il ne faut pas isoler un compte.

Monsieur le Président : Oui, il vaut beaucoup mieux.

Monsieur RUDLOFF : Je suis très gêné que l'on fasse comme s'il existait, aux termes de la loi, un délai qui nous était imparti. Bien sûr, les associations sont dissoutes dans un délai de trois mois, l'argument est vrai. La loi pourtant ne fixe pas de délai. Je comprends bien les raisons qui ont été avancées mais je ne suis pas sûr que l'on arrive au bout.

Monsieur le Président : Il y a des raisons politiques pour lesquelles nous devons préférer un délai court.

Monsieur AMELLER : Je crois même que de statuer sur les comptes le 15 septembre serait une meilleure solution.

Monsieur le Secrétaire général : Je crois qu'alors là il ne serait pas possible d'effectuer le contrôle dans de bonnes conditions.

Monsieur le Président : Bien, alors on en reste au calendrier que vous avez esquissé.

2) Le rôle des membres du Conseil constitutionnel dans l'instruction :

Je ferai observer en premier lieu qu'en ce qui concerne l'examen des comptes des candidats à l'élection présidentielle nous n'avons aucun règlement intérieur. Nous sommes contraints par un temps très court et on doit pourtant maîtriser la procédure. Il y a des problèmes d'instruction des dossiers et les rapporteurs adjoints ressentent eux-mêmes le besoin d'être guidés. Ils ne veulent pas d'un mandat en blanc.

Il y a cinq façons de répondre à cette question, cinq solutions peuvent être envisageables :

a) On peut faire rapporter les rapporteurs adjoints au mois de septembre mais nous serons alors devant une période de contrôle des comptes de plusieurs mois sans que le Conseil puisse être informé du cours de la procédure. Je vous proposerai d'écarter radicalement cette perspective.

b) On peut imaginer un suivi de l'instruction par le Conseil constitutionnel en formation plénière. C'est la formule la plus exigeante qui exigerait qu'il y ait au moins quatre ou cinq séances d'instruction effectuées par le Conseil : à la fin juillet, au début septembre, c'est-à-dire au moment de l'instruction complémentaire, à la mi-septembre pour cristalliser en quelque sorte les chefs de redressement, à la fin septembre pour statuer, enfin peut-être au début octobre pour régler les difficultés.

c) On peut imaginer de désigner un rapporteur issu du Conseil constitutionnel qui suive l'équipe de rapporteurs adjoints dans sa tâche. On tomberait sur une formule qui associerait chacun des neuf membres du Conseil aux neuf comptes des neuf candidats. Cette formule me paraît présenter un inconvénient grave tenant à une trop grande personnalisation.

d) On peut aussi utiliser les sections d'instruction qui existent pour les élections législatives. Mais, cette solution présente deux inconvénients : elle risque d'entraîner des contrariétés de jurisprudence entre les sections et au fond cela serait tout aussi exigeant que la formation plénière des neuf membres.

e) Enfin, on pourrait constituer une section d'instruction et une seule de trois ou quatre membres, ou autant que vous voudrez, qui seraient chargés d'examiner les comptes. C'est d'ailleurs le voeu des rapporteurs adjoints. Voilà, Monsieur le Président, tout en ayant bien conscience que cela n'est pas parfait.

Monsieur le Président : Je vous remercie. Je ferai un bref commentaire sur les propositions que vous venez de faire. En premier lieu, je vois la nécessité d'éviter un premier risque. On ne peut pas laisser la bride sur le cou des rapporteurs adjoints avec le danger de se retrouver, au mois de septembre, devant des dossiers presque entièrement ficelés. Je crois qu'effectivement il faut retenir la formule qui associe les rapporteurs adjoints et le Conseil.

En deuxième lieu, il est important que l'on ne puisse pas suspecter les membres du Conseil ou les rapporteurs adjoints de partialité. Il faut aussi éviter les dérapages. Si on crée des structures sans coordination, nous assisterions à des jurisprudences différentes. J'en arrive donc à rejoindre l'opinion présentée in fine par le Secrétaire général. La question qui va se poser, c'est comment mettre en place cette structure de coordination. J'aimerais que chacun s’exprime.

Monsieur AMELLER : Compte tenu des dangers qui ont été rappelés, je me demande si la meilleure solution ne serait pas de tenir des réunions plénières pour assurer le suivi. La section d'instruction, elle aussi, sera connue et sa composition sera rendue publique dès que possible.

Monsieur CABANNES : Est-ce que le Secrétaire général pourrait nous dire quel serait en gros le plan de nos activités et le programme de travail qui risque d'être le nôtre ?

Monsieur ABADIE : Oui, toutes activités confondues.

Monsieur ROBERT : Je suis partisan de la dernière solution proposée par le Secrétaire général car, de toute façon, le nom du rapporteur, en matière de contrôle de constitutionnalité est connu de tout le monde mais pas en matière de contentieux électoral.

Madame LENOIR : Je suis totalement favorable à la solution de Michel AMELLER. La vindicte personnelle de Jack LANG me poursuit dans tout Paris et on ne peut pas dire que dans le contentieux électoral nous sommes à l'abri des curiosités. Le contrôle des comptes de campagne pour l'élection présidentielle est quelque chose de nouveau pour nous. Nous serons à l'abri de toute critique si nous sommes en formation plénière. Bien entendu, la règle du quorum ne s'appliquera pas. Donc, sur une affaire comme celle-ci où le Conseil va être en ligne de mire, il est de la plus haute prudence que l'instruction se fasse dans les meilleures conditions de neutralité et de collégialité. Et cela, globalement, nous économisera du temps.

Monsieur FAURE : Donc l'option se réduit au choix entre trois ou neuf membres. Je n'ai d'objection contre aucune des deux formules. Je comprends les scrupules de Monsieur AMELLER et d'ailleurs, dans la mesure où la présence ne serait pas obligatoire, pourquoi pas.

Monsieur ABADIE : Je pose la question dans l'hypothèse où la séance plénière aurait à se prononcer sur les conclusions de la section... Le Conseil va-t-il se retrouver dans le sens de la décision proposée par la section ? Comment orienter l'instruction d'examen d'un compte ? Est-ce que la décision prise à trois pourra préjuger de celle prise à neuf ? J'ai la crainte que ce qui aura été fait par la section ne soit pas bien ressenti ou bien que cela soit ressenti comme un préjugement par les neuf membres. Cette discordance me gêne. La proposition de Monsieur AMELLER, amendée par le Ministre d'Etat, est peut-être la plus intéressante. Les rapporteurs adjoints vont nous demander des réunions fréquentes et le secrétariat général va vouloir être couvert.

Monsieur RUDLOFF : En partant des mêmes prémices que Georges ABADIE, j'arrive à une conclusion contraire. Le préjugement que vous signalez est bien plus grave si nous instruisons à huit ou à neuf. A quoi servirait la séance de jugement de la fin ? La question est liée à ce que vont faire les rapporteurs adjoints : ce que je crains c'est que l'orientation donnée aux rapporteurs adjoints soit moins précise. S'il s'agit de faire le point avec les rapporteurs adjoints, il n'y a pas de problème. En revanche, s'il s'agit de prendre des décisions formelles, c'est autre chose. Je suis plutôt partisan de la distinction de la section d'instruction et de celle de la formation de jugement.

Monsieur le Président : Nous sommes amenés à choisir entre deux formules :

- trois ou quatre membres

- ou séance plénière

J'admire le zèle avec lequel tous les membres se déclarent disponibles pendant cette période de vacances. Pour moi, cela ne pose pas de problème. Je ne serai absent qu'un jour, celui du mariage de mon fils. Cela nous ramène à la question du calendrier posée par Monsieur CABANNES. Monsieur SCHRAMECK, est-ce que vous pouvez nous préciser le calendrier ?

Monsieur le Secrétaire général : En ce qui concerne les décisions de constitutionnalité, il se peut que nous en ayons assez peu. Sans doute le collectif, peut-être la proposition de loi sur la T.V.A., la loi d'amnistie, et le contrat initiative-emploi. En ce qui concerne la T.V.A, cela pourrait venir fin juillet ou la première quinzaine d'août. En ce qui concerne le contrôle des comptes, je ne prévois pas de séance au mois d'août mais seulement fin juillet et début septembre. Les rapporteurs adjoints vont prendre des vacances en août. On peut donc prévoir une séance fin juillet.

Monsieur le Président : Oui, oui.

Monsieur le Secrétaire général : Je prévois une séance de coordination avec les rapporteurs adjoints le 25 juillet au matin et une autre réunion de coordination le 6 septembre au matin. On pourrait prévoir des séances du Conseil les 27 et 28 juillet et les 7 et 8 septembre. Des réunions d'instruction les 11, 12 et 13 septembre et des séances plénières du Conseil le 14 et le 15. Enfin, des séances plénières du Conseil les 27, 28 et 29 septembre du Conseil au complet.

Madame LENOIR : Moi, j'ai un problème parce qu’à ce moment-là j'ai l'U.N.E.S.C.O.

Monsieur le Secrétaire général : On peut prévoir aussi les 2 et 3 octobre s'il nous reste des difficultés.

Madame LENOIR : Mais moi le 27, le 28 et le 29, je suis à l'U.N.E.S.C.O. Encore, pour le 28 et le 29, je pourrai m'arranger mais le 27, c'est la séance inaugurale, j'aurai plusieurs centaines de personnes et je ne peux pas ne pas y être.

Monsieur le Président : Nous vous regretterons.

Madame LENOIR : Est-ce qu'on ne peut pas reculer au samedi, c'est-à-dire faire le 28, 29 et 30.

Monsieur le Président : C'est reculer encore un peu plus. Mais, bon, si cela va à tout le monde.

Monsieur RUDLOFF : De toute façon, on saura déjà tout le 14 et le 15 septembre.

Monsieur ABADIE : Moi, c'est sous réserve des problèmes d'avion.

Monsieur le Secrétaire général : Le 7 et le 8 septembre à 10 heures, le 14 et le 15 à la même heure, puis les 28, 29 et 30.

3) Quelle doit être la responsabilité des rapporteurs adjoints ?

Monsieur le Secrétaire général : Le principe qui doit guider la procédure c'est son caractère contradictoire. Certes, il n'y a pas de parties proprement dites au litige mais les candidats ne doivent rien ignorer de ce qui peut être retenu contre eux. Donc, il faudrait que le Conseil se prononce sur le sort à réserver :

- à ce que nous appelons les "portes étroites",

- aux informations complémentaires à demander,

- aux limites de l'instruction à laquelle doivent se livrer les rapporteurs adjoints,

- enfin, comment aborder le problème de l'oralité ?

a) Les portes étroites :

Ce sont des interventions spontanées de personnes qui écrivent au Conseil constitutionnel. Ces productions ont déjà été distribuées au Conseil. Elles sont d'inégale valeur. Tout le monde sait, pour l'avoir appris par la presse, que d'autres mémoires parviendront au Conseil et notamment de la part du P.S. Ces interventions posent des problèmes : faut-il communiquer ? Faut-il communiquer le document lui-même ? Faut-il communiquer les répliques, comment communiquer ? A qui communiquer ?

Faut-il communiquer ? : Oui, si ces correspondances comportent des éléments qui peuvent guider l'instruction et être retenues par le juge. C'est toujours ainsi que l'on pratique dans le contentieux administratif.

Faut-il communiquer le document lui-même ? : Les rapporteurs adjoints ont beaucoup discuté et certains ont fait valoir qu'il ne fallait pas communiquer le document lui-même mais le reprendre en substance dans une lettre. Ils font valoir en effet qu'il faut éviter de faire naître des problèmes politiques entre ceux qui écrivent et ceux qui sont mis en cause ; qu'il faut éviter de faire naître des "parties" à un contentieux ; enfin, qu'il faut éviter les risques qui pourraient retomber sur ceux qui nous ont écrit.

D'autres rapporteurs adjoints (la majorité) ont pensé qu'il fallait communiquer les documents tels quels ; qu'il ne fallait pas reprendre à son compte des allégations. Quant aux imputations politiques, elles seront de toute façon connues. Quant aux risques subis par ceux qui nous écrivent, ils les prennent en connaissance de cause lorsqu'ils nous font parvenir les documents. Quant aux risques de constituer des parties à un contentieux, il suffit d'éviter de communiquer les répliques. Les intervenants extérieurs ne doivent pas être avisés de ce qui se passe au cours de l'instruction. En bref, je pense qu'il faut communiquer avec une grande circonspection et communiquer le document lui-même.

Faut-il communiquer en réplique ? : Le fait de communiquer pour réponse implique-t-il de communiquer celle-ci aux intervenants ? La majorité des rapporteurs a tranché en pensant qu'il était indispensable d'éviter d'envoyer la réponse à l'intervenant qui deviendrait ipso facto une partie au litige.

Quoi communiquer ? : C'est de la responsabilité des rapporteurs adjoints sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

A qui communiquer ? : Uniquement au candidat ou au mandataire qu'il aura désigné. Je prévois que cette communication se fasse avec accusé de réception et envoi parallèlement par fax ou par lettre ordinaire.

En résumé, je vous propose de ne communiquer que les mémoires qui le justifient en raison des éléments qui les composent, de ne pas communiquer les répliques ; que ces communications soient faites à l’initiative du rapporteur et du Conseil au candidat ou à son mandataire par lettre avec A.R. et par fax.

Monsieur le Président : Bien, je fais un tour de table.

(Approbation pleine et entière du Conseil).

Il me semble que c'est une proposition sage qui ne mêle pas le sachant dans le contradictoire parce que cela n'intéresse que le candidat lui-même.

b) Les informations complémentaires :

Monsieur le Président : Oui, c'est-à-dire les investigations complémentaires qui vont être faites par les rapporteurs.

Monsieur le Secrétaire général : Oui, il y a trois points :

- quels sont les éléments qui vont faire l'objet d'une investigation ?

- à qui vont être demandées ces investigations ?

- comment vont-elles être faites ?

- Quels éléments ? :

Il faut distinguer les recettes et les dépenses. En ce qui concerne les recettes, elles ont fait l'objet d'un traitement informatisé. Le Conseil dispose de l'identité de l'ensemble des donateurs. Ce traitement est exploité par une société informatique sous-traitante qui permettra d'obtenir deux types de résultats : vérifier que les dons ont été encaissés et en second lieu que les dons ont respecté les plafonds fixés.

Evidemment, les problèmes les plus difficiles concerneront les dépenses.

- Quels moyens d'investigation ? :

En premier lieu, il appartiendra aux rapporteurs adjoints d'effectuer un contrôle de la cohérence interne du compte et de son exhaustivité. En deuxième lieu, ils pourront recouper des données entre les comptes des candidats. Par exemple, ils pourront voir combien un équipement donné a été facturé à l'un ou à l'autre. Cela peut aboutir à des sommes très différentes. Ces recoupements seront fournis sous forme de tableaux. En troisième lieu, ils disposeront de dossiers de presse qui ont été élaborés par le Conseil constitutionnel à partir de la presse nationale et régionale concernant une vingtaine d’éditions. L'ensemble des manifestations a été retracé par la presse entre mars et mai derniers. Les rapporteurs adjoints disposent, candidat par candidat, de l'ensemble des manifestations.

Une question se pose : faut-il aller au-delà ? Le Conseil envisage-t-il que les rapporteurs puissent obtenir des compléments d'information auprès des ministères ? Des préfectures ? Pour ma part, je recommanderais d'éviter, dans la mesure du possible, tout contact extérieur qui pourrait donner lieu à interprétations et à rumeurs.

- Quels destinataires pour les informations complémentaires ? :

En ce qui concerne les informations, elles peuvent évidemment être demandées aux candidats eux-mêmes et à leurs mandataires. Mais les rapporteurs adjoints ont-ils aussi qualité pour s'adresser à des tiers ? : fournisseurs, banques, la C.C.F.P., voire avec réserve aux autorités de l'Etat, voire auprès du Parquet.

- Comment s¹ adresser à ces destinataires ? :

Il est indispensable que les résultats des démarches effectuées par les rapporteurs adjoints soient connues par les candidats. En revanche, il apparaît aux rapporteurs adjoints qu'il est inopportun de prévenir les candidats de leurs démarches. Mais, tous les résultats recueillis le seront a posteriori. En outre, à la mi-septembre, il faudra retenir toutes les charges de redressement qui seront alors cristallisées et qui seront communiquées aux candidats pour qu'ils répondent dans les huit jours.

c) Quelles limites à cette instruction ? :

Si la loi a prévu que la Commission nationale des comptes peut diligenter les services de police judiciaire, ce n'est pas le cas pour le Conseil. Il est possible qu'à certaines demandes du Conseil il soit opposé le secret. Le Conseil ne pourrait qu'en prendre acte. D'autres problèmes liés au recueil d'informations pourraient se poser du point de vue politique ou diplomatique s'il s'agit de personnes étrangères.

d) L'oralité :

Elle se pose à deux niveaux :

- à l'échelon des rapporteurs adjoints qui ont évidemment le souci de travailler directement avec les mandataires financiers. D'autres ont indiqué qu'ils ne le souhaitaient pas.

En ce me concerne j'exprimerai deux recommandations : éviter les contacts oraux qui pourraient prêter à interprétation. S'il faut absolument y procéder, que les auditions se passent au Conseil, en présence du greffier avec l'établissement d'un procès-verbal.

- à l'échelon du Conseil constitutionnel : je ne suggère pas de prendre des contacts oraux mais il est possible que certains candidats le demandent, d'autant qu'ils peuvent être amenés à reverser des sommes au Trésor Public.

Pour me résumer :

Les éléments de réponse auraient trait à la question des informations extérieures aux éléments dont dispose le Conseil aujourd'hui, c'est-à-dire ceux qui figurent dans les comptes par recoupement dans les tableaux et dans la presse c'est-à-dire les informations qu'il faut demander à titre principal au Ministre de l'intérieur. Peut-on s'adresser de façon générale à des tiers ? Quelles sont les conséquences qu'il importe d'en tirer pour la communication aux candidats ? Quelle position à tenir à l'égard du secret qu'impose la législation ? Enfin, quelle position sur la tenue de réunion de travail et d'auditions ?

monsieur le Président : Je voudrais faire deux ou trois remarques. Cela est très utile de dépouiller la presse régionale. Je vous adresse mes félicitations et je crois d'ailleurs que cela a été fait par des stagiaires. En deuxième lieu, je crois qu'il ne faut rien exclure sur les renseignements qu'on peut demander aux tiers (par exemple aux renseignements généraux). En troisième lieu, je crois qu'il ne faut pas exclure les auditions ou comme les Américains les appellent des "Hearings" par exemple celle du Président de la commission nationale de contrôle.

Tout va en somme reposer sur le mandat donné aux rapporteurs adjoints qui devra être le plus large possible. En ce qui concerne les limites, les rapporteurs se verront sans doute objecter des secrets. Cela ne doit pas nous conduire à nous fermer les portes. Ne serait-ce que pour s'entendre dire : niet ! Enfin, ce qui concerne l'oralité, adoptons une démarche prudente et laissons venir les choses. Bien, j'ouvre la discussion.

Monsieur ROBERT : Je rejoins ce que vous avez dit, il faut doter les rapporteurs des pouvoirs d'investigation les plus larges et notamment auprès des tiers. En revanche, sur le résultat de ces investigations, faut-il les communiquer ? Oui, et c'est à nous de décider et à qui. Sur le secret qu'on peut nous opposer, on verra bien. En ce qui concerne l'oralité, vous savez combien je suis réservé. Si les rapporteurs mettent le doigt dans le dialogue avec les mandataires, ils ne s'en sortiront pas.

Madame LENOIR : Pour ce qui relève des moyens à mettre à la disposition des rapporteurs adjoints, il faut leur reconnaître les pouvoirs les plus larges quitte à définir les limites au cas par cas. Je suis aussi réservée sur le dialogue avec le mandataire. En revanche, d’accord pour les "Hearings" avec les autorités compétentes.

Monsieur RUDLOFF : Je me rallie également avec cette précision supplémentaire. Il faut que le mandataire ou le candidat soit informé au plus vite des démarches entreprises. Attention au droit de la défense et au contradictoire. Si on apprend que le Conseil interroge les bouchers, les boulangers et les organisations de meetings... sans contact préalable, ce n’est déjà pas bon ; mais si en plus c'est fait sans qu'il soit prévenu, alors ça va être vraiment difficile. Quant à la discussion avec le mandataire sur le compte de campagne, je comprends la préoccupation des rapporteurs. Je ne suis pas fondamentalement opposé à cela. Les rapporteurs ne se laisseront pas faire. Il est vrai que de discuter un compte uniquement par écrit ce n'est pas pareil que lorsqu'on peut s’expliquer de vive voix. Sinon, sur le reste, je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit M. SCHRAMECK.

Monsieur FAURE : Je suis d'accord avec quelques nuances. Les investigations doivent être communiquées aux candidats. Car ce sera un secret de polichinelle. On doit être vigilant sur ce point.

Quant au second point développé par M. RUDLOFF, relatif à l'audition du mandataire, elle peut être indispensable pour que le rapporteur adjoint puisse bien pénétré le compte qui resterait autrement bien abstrait. Il peut très bien demander à un mandataire de bonne foi des informations qui éviteraient que ne se posent des questions.

Monsieur le Président : Je me demande si effectivement ce ne serait pas la bonne démarche. On pourrait imaginer que le rapporteur adjoint, à la fin de son instruction, fasse un récapitulatif de ses griefs et les soumette aux mandataires financiers. Cela me paraîtrait bien d'effectuer cette récapitulation qui assure le contradictoire et l'oralité.

Monsieur FAURE : Pas seulement en conclusion de l'instruction car quelquefois le dialogue a un intérêt au début.

Monsieur le Président : Alors, il vaut mieux en instaurer le principe.

Madame LENOIR : En présence du greffier.

Monsieur le Président : Mais pas un dialogue permanent.

Monsieur AMELLER : Il y a une question qui me préoccupe : comment tenir dans ces délais avec ces très larges pouvoirs d'investigation ?

Monsieur ABADIE : En plus, c'est le mois d'août.

Monsieur AMELLER : Comment cela va-t-il se passer en réalité ?

Monsieur le Président : Cela me rappelle la formule de Monsieur FORMERY : "la comptabilité publique prévoit deux catégories de gens, ceux qui la font et ne la comprennent pas et ceux qui la comprennent mais ne la font pas".

Monsieur ABADIE : A certaines étapes essentielles, il faut qu'il y ait des réunions de coordinations. Mon problème, c'est celui de l'investigation auprès des tiers. La plupart des choses qui va nous arriver viendra après la publication au JO des comptes. Comment réussir à harmoniser les initiatives des rapporteurs adjoints ? Il ne faut pas que certains candidats se sentent plus visés que d'autres. C'est le côté délicat et c'est là que l'étroitesse des rapports entre le Secrétaire général et les rapporteurs adjoints est la clé de l'égalité de traitement entre les candidats. Il faut piloter ce type d'investigations et prendre toutes les précautions utiles à cet égard.

Monsieur le Secrétaire général : Les recoupements et la coordination sont opérés par le biais des réunions et par les tableaux informatiques dont j'ai parlé au début. Les rapporteurs adjoints sont eux-mêmes suffisamment avisés. Ils ont une expérience en matière de comptes et de contentieux. Il est clair qu'il y a un risque. C'est pour cela que le contact doit être maintenu. Ils ont leur responsabilité propre et il serait fâcheux que le Secrétariat général donne l'impression de pousser les uns et de ralentir les autres. En cas de difficulté d'appréciation, on reviendra devant le Conseil.

Monsieur le Président : Comment allez-vous procéder ? Sous quelle forme allez vous diffuser les instructions d'aujourd'hui ?

Monsieur le Secrétaire général : Le délibéré est secret comme tous les autres. Mais au fur et à mesure de la délibération, le service juridique établit un compte rendu de décisions qui sera adressé sous pli personnel et confidentiel aux membres du Conseil et aux rapporteurs adjoints.

Madame LENOIR : Et pourquoi ne rédige-t-on pas un règlement intérieur ?

Monsieur le Secrétaire général : Tous les rapporteurs sont des magistrats. Nous sommes obligés de leur donner toute information utile. Bien sûr ils seront dépositaires, tous, à chaque moment, de documents explosifs. Je crois qu'il faut leur faire confiance. Je crois que les risques de fuites en ce qui concerne ce compte rendu de décisions sont minimes. De toute façon, aucun qualificatif ne sera employé dans sa rédaction qui puisse entraîner des polémiques.

Monsieur le Secrétaire général : Il y a déjà des questions posées par les candidats. Par exemple est-ce-que vous êtes susceptibles de vous adresser à des tiers. On dira oui en précisant que le résultat des investigations leur sera communiqué.

En somme, le mandat donné aux rapporteurs adjoints devra leur donner :

a) La possibilité de demander des informations aux candidats ou aux mandataires.

b) La possibilité de s'adresser à des tiers sans aviser immédiatement les candidats de leur démarche mais seulement des résultats.

c) Envoyer au candidat l'ensemble des griefs retenu à la mi-septembre.

d) La possibilité de se voir opposer des secrets mais laisser libres les rapporteurs adjoints d'effectuer des démarches auprès des autorités.

e) Enfin, la possibilité de tenir des réunions de travail avec les mandataires sous la réserve de la présence du greffier qui établit un procès-verbal.

f) J'ajouterai sur la suggestion du Conseil la possibilité d'entendre des personnalités au Conseil lui-même.

Madame LENOIR : Il ne faudrait pas que les membres du Conseil constitutionnel soient informés a posteriori des démarches effectuées par les rapporteurs adjoints. Certaines demandes d'investigation sensibles devraient être portées à la connaissance des membres.

Monsieur ROBERT : Dans le sens de Madame Lenoir, est-ce-que cela ne serait pas de la compétence du Secrétaire général que de laisser aux rapporteurs la possibilité d'aller si loin.

Monsieur FAURE : Le Secrétaire général l'a dit, il nous en référera.

Monsieur CABANNES : Le rapporteur adjoint peut-il s'adresser à un juge d'instruction ou à un procureur ?

Madame LENOIR : Je mets à part les enquêtes auprès des magistrats. Ce doit être une procédure particulière car ce que nous effectuons nous, c'est une procédure administrative. Compte tenu de la séparation des pouvoirs, la procédure doit-être différente...

Monsieur le Secrétaire général : Si je suis saisi d'une demande délicate, je pourrais toujours la greffer lors d'une séance de contrôle de constitutionnalité du Conseil.

Monsieur le Président : Absolument et je tiens à éviter qu'on nous fasse des reproches qui consisteraient à nous dire : vous n'avez pas fait d'investigation auprès des judiciaires. On pourra leur répondre si ! On l'a fait mais on nous a opposé le secret. Et voilà.

4) Quelle forme donner à la publicité des décisionsdu Conseil ?

Monsieur SCHRAMECK : La publicité des comptes est prévue par la loi. La loi prévoit deux types de publication :

- la publication des comptes et la liste des personnes morales qui ont pu financer jusqu'à la loi du 21 janvier 1995. L'option qui vous est proposée est de publier les quatre pages qui vous ont été communiquées et qui nous ont été envoyées par les candidats. Elles seront publiées "flashées" telles quelles. La liste des personnes morales donataires sera publiée dans les mêmes formes que celles qui sont pratiquées par la CCFP.

- la publicité donnée au mandat des rapporteurs adjoints : et là je me réfère au document qui figure dans le dossier de séance.

- dans la mesure où nous sommes dans une procédure rythmée par les séances du Conseil, je crois qu'il faut poser la règle très nettement.

Pourquoi publier ce mandat ? Dès lors que vous admettez que les rapporteurs adjoints s'informent auprès des tiers, il faut que ceux-ci en soient avisés. Une autre position aurait été de joindre la décision à chaque demande ce qui aurait eu l'avantage d'éviter la publication.

Madame LENOIR : Non, il vaut mieux la publier au JO. Il n'y a pas de procédure secrète.

Monsieur ROBERT : Je voudrais avoir deux précisions :

- que publie-t-on exactement ? Les quatre pages du compte et puis la liste des personnes morales ?

- s'agissant du mandat donné aux rapporteurs adjoints, il ne transparait pas nettement qu'ils peuvent obtenir des informations auprès de tiers très divers.

Monsieur SCHRAMECK : En ce qui concerne le premier point, nous disposons d'un délai d'un mois pour la publication des comptes reçus tels quels.

Monsieur AMELLER : Si je comprends bien, ce que nous publions, ce sont aussi les dons des personnes morales recueillis avant le 19 janvier 1995. Ce serait bien me semble-t-il de le préciser.

(Monsieur le Secrétaire général lit le projet du mandat et procède à la demande du Conseil dans le a) de l’article 2 à l'adjonction du terme "toute personne").

Monsieur AMELLER : Est-ce qu'il est vraiment indispensable de publier les noms des rapporteurs adjoints ?

Monsieur SCHRAMECK : Je proposerais au Conseil d’envoyer une lettre aux candidats pour leur donner le nom des rapporteurs chargés de l'examen de leurs comptes.

Monsieur le Président : Comment avez-vous procédé pour la répartition des dossiers entre eux ? Est-ce que cela ne mérite pas d'être discuté ?

Monsieur le Secrétaire général : Cette répartition a répondu à des critères que je crois objectifs :

- le choix a été de prévoir trois rapporteurs pour les comptes les plus importants et deux pour les autres.

- il y a dans l'équipe des rapporteurs une personne du Conseil d'Etat et une de la Cour des comptes

- chaque rapporteur s'occupe de deux ou trois comptes.

Monsieur FAURE : Il n'y a rien à dire.

Monsieur le Secrétaire général : Par ailleurs, je prends soin de demander à chacun s'il n'y a pas quelque incompatibilité à ce qu'il s'occupe de tel ou tel compte.

Madame LENOIR : Je ne sais pas si c'est absurde ce que je vais dire mais l'article 52-7 du code électoral prévoit : "des comptes bancaires ou postaux". On devrait rajouter "postaux".

(L'amendement est adopté).

Monsieur le Secrétaire général : D'autre part, j'ai fait préparer des projets de lettres à chaque candidat pour les informer du nom des rapporteurs qui vont s'occuper de l'examen de leurs comptes et les priant de désigner, s'il le juge nécessaire, un interlocuteur.

(Monsieur le Secrétaire général lit le projet de lettre).

Monsieur le Président : Très bien.

Monsieur le Secrétaire général : Sera notifiée aussi une lettre aux candidats vers la mi septembre, moment où les griefs seront cristallisés.

Madame LENOIR : Leur donne-t-on un délai pour répondre ?

Monsieur le Secrétaire général : Oui, dix jours mais en pratique cela reviendra à huit.

Monsieur le Président : Cela sera court.

Monsieur le Secrétaire général : Si le Conseil m’en donne l’autorisation, je pourrais très bien préparer à l'avance les candidats à cette procédure.

Madame LENOIR : Excusez-moi d'y revenir mais je me demande tout de même s'il ne faudrait pas ajouter dans le a) de l'article 2 : "Toute personne ou autorité".

(Tous s'accordent sur cet amendement).

Monsieur le Secrétaire général :

5) Les problèmes de calendrier

En ce qui concerne lecalendrier est un nom masculin calendrier des travaux, le Conseil a répondu d'ores et déjà. Il y a une petite difficulté. Dans les décisions définitives, il y aura aussi, s'il y a dépassement, une décision relative au reversement du montant équivalent à celui- ci. Par ailleurs, le Conseil risque d'être confronté à des recours en rectification d'erreur matérielle. Ce serait ennuyeux car la décision sera suivie d'effets immédiats.

Voilà j'en ai terminé avec les problèmes de procédure.

Monsieur le Secrétaire général : Le contentieux des comptes ne présente pas que des questions bien balisées, il présente beaucoup de questions nouvelles. En premier lieu, parce que le contentieux des législatives n'a pas tout réglé et il n'est pas nécessairement transposable. Les textes sont différents et il est venu s'y ajouter la législation de 1995. J'en prendrai deux exemples. L'inéligibilité prévue par l'article L.O. 128 du code électoral n'est pas applicable et il n'y a plus de distinction entre la sanction automatique et celle qui est prononcée éventuellement à l'initiative du juge pour dépassement du plafond. En matière de présidentielle, dès lors que le plafond est dépassé, il y a un reversement automatique au Trésor Public. Doit-on pour autant considérer qu'il y a rejet du compte ? Cela paraît difficile de ne pas rejeter de compte s'il est en dépassement mais à la différence de l'article 128, ce problème n'est pas explicitement tranché.

Le deuxième exemple peut être tiré de la législation de 1995 puisque c'est le législateur lui-même qui, par voix d'amendement, a souhaité qu'il y ait reversement du montant du dépassement. Dès qu'il y a dépassement, il y a lieu à reversement mais il n'est pas certain que ce reversement implique le rejet du compte.

Le contexte même de l'élection présidentielle est très différent. Par exemple, le Conseil a décidé s'agissant des élections législatives à la Réunion que les frais de déplacement et de séjour d'une personne venue apporter son soutien au candidat, n'entraient pas dans les dépenses. Est-ce qu'une telle décision est transposable au contentieux présidentiel ? Il est certain que s'il existe une seule circonscription, alors il n'y a pas de source d'inégalité possible entre les candidats qui se présentent loin et ceux qui se présentent en métropole. De façon générale, certains candidats ont inscrit eux-mêmes dans leurs dépenses ces frais.

Il n'y a pas beaucoup de jurisprudence en la matière si j'excepte les articles de M. Malignier et celui de M. Camby. Il importe d'autre part de prendre en compte ce qui a été la doctrine de la commission nationale des comptes de campagne et les circulaires du Ministre de l'intérieur.

J'informerai le Conseil sur les questions qui nous ont été d'ores et déjà posées. Il y a quelques mois j'avais soumis la question à M. Badinter. Le Conseil ne devrait-il pas se prononcer par avance ? M. Badinter a refusé de faire délibérer le Conseil sur des questions qui ne se posaient pas dans l'immédiat et qui devaient être tranchées par le Conseil dans une composition différente.

Si j'insiste sur ce point, c'est qu'il ne fallait ni se dérober ni s'avancer. J'ai adopté l'attitude suivante :

- aucune réponse écrite n'a été donnée. Lorsqu'il y a eu des coups de téléphone, les conversations ont fait l'objet d'enregistrement pour que les interlocuteurs ne puissent contester les réponses.

Monsieur le Président : Vous les avez prévenus bien sûr.

Monsieur le Secrétaire général : Oui, oui.

- En ce qui me concerne, je n'ai reçu de mandataires qu'à leur demande et toujours en présence du greffier en chef. Voilà pour les précautions de forme. Mais j'ai pris aussi mes précautions de fond.

Je vous propose d'adopter l'attitude la plus libérale possible :

- il ne faudrait pas donner l'impression d'un raidissement de la jurisprudence d'autant plus que nous avons affaire à des problèmes nouveaux qui comportent beaucoup de flou et qui méritent des réponses nouvelles. Cette attitude est aussi fondée sur le fait que manifestement le législateur n'a pas perçu toutes les implications de ses choix.

- par exemple, il a interdit tout avantage en nature quel qu'il soit. En théorie, si le Conseil s'apercevait de la moindre faveur consentie par une personne morale, il serait fondé à rejeter le compte. D'autre part, comme nous l'avons déjà vu, le dépassement. d’un plafond pose le problème déjà évoqué non seulement du reversement au Trésor Public mais du rejet du compte.

Les autres questions que j'aperçois sont au nombre de cinq :

a) comment doit-on rembourser les candidats ?

b) comment doit-on prendre en compte les dépenses autofinancées ?

c) quelle est la marge de tolérance pour les avantages en nature ?

d) comment doit-on traiter les dépenses consécutives à l'élection ?

e ) comment prendre en compte l'accord du candidat pour les dépenses qui sont faites pour lui, par exemple par les comités de soutien ?

a) comment doit-on rembourser les candidats ?

Vous savez que le Conseil constitutionnel a rappelé sans cesse le principe de la prohibition de l'enrichissement sans cause. Par suite, ce sont seulement les dépenses qui restent à la charge du candidat qui font l'objet d'un remboursement.

Souvent, les candidats ont emprunté soit personnellement soit par le biais de leur association de financement. J'ai conseillé chaque fois que l'on me le demandait de faire des emprunts solidaires. Je proposerai au Conseil d'accepter tous ces titres d'engagement. En revanche, la question des prêts des personnes physiques n'a jamais été envisagée.

- Faut-il admettre tout type d'avance jusqu'à la clôture du compte ?

- Faut-il porter l'accent sur la justification des emprunts ?

- Faut-il admettre la prise en compte des agios puisqu'on peut soutenir que c'est une dépense qui a été engagée et supportée par l'emprunteur.

Monsieur le Président : Des questions sur ce point ? J'ai été particulièrement intéressé par l'exposé liminaire concernant l'incertitude qui plane sur l'interprétation des textes. Si c'est un franc ou un million de francs de dépassement, est-ce qu'on peut moduler la décision ?

Monsieur le Secrétaire général : A ce stade, il n'y a pas d'équivalent de l'article L.O. 128. La logique du texte qui précise le plafond des dépenses et sanctionne le dépassement tend à montrer que celui-ci constitue une irrégularité et par suite doit conduire à l'appréciation du Conseil.

Monsieur ROBERT : C'est là toute la question.

Madame LENOIR : On verra, on verra.

(Monsieur CAMBY exprime énergiquement un désaccord et rappelle qu'au dernier alinéa du V de l'article 3 de la loi de 1962, il est précisé : "le remboursement forfaitaire prévu à l'alinéa précédent n'est pas effectué aux candidats qui ne se sont pas conformés aux prescriptions des deuxième et troisième alinéas du paragraphe 2 ci-dessus. Monsieur Camby rappelle aussi que le deuxième alinéa du paragraphe 2 est précisément celui qui définit le plafond).

Monsieur ABADIE : Si on nous a confié le contentieux des comptes de campagne, ce n'est pas pour nous considérer comme une machine.

Monsieur le Secrétaire général : Monsieur Camby a raison de dire que les textes ne sont pas homogènes. Cela dit on pourrait faire une distinction entre le rejet du compte et l'absence de remboursement par l'Etat. Le non remboursement est automatique, le rejet est à l'appréciation du Conseil.

Monsieur CAMBY : Cela a la même portée.

Monsieur ROBERT : Mais ça n'a pas la même nature.

Monsieur le Président : L'un est plus infamant que l'autre.

Monsieur CAMBY : Le Conseil a semble-t-il une compétence liée. En cas de dépassement, le dernier alinéa du 52-15 est applicable et il y a lieu à reversement.

Monsieur le Secrétaire général : Mais le Conseil peut réformer des comptes et, tout en faisant apparaître un dépassement, ne pas les rejeter.

Monsieur ABADIE : Pourquoi ne peut-on pas faire comme pour les élections législatives ? On peut dire il y a eu dépassement mais cela n'entraîne pas le rejet du compte ni le défaut de remboursement.

Monsieur le Président : Cela promet de longues discussions.

Monsieur ABADIE : Et s'il y a un dépassement de 1 000 F ?

Monsieur ROBERT : Il ne peut pas être remboursé.

Monsieur ABADIE : Et pourquoi pas ?

Monsieur le Président : On verra ça le moment venu.

Monsieur le Secrétaire général : Maintenant, en ce qui concerne les opérations qui donnent lieu à paiement, par exemple les dîners-débats, on pourrait convenir que seul entre dans le compte, le solde des opérations commerciales. Mais il faut bien voir que si nous autorisons la seule intégration de ce solde, un candidat pourrait à l’extrême limite subdéléguer à un sous-traitant la totalité de sa campagne et n'inscrire dans son compte que la contraction résultant des recettes et des dépenses. On pourrait distinguer trois cas :

- 1 ) les opérations relatives aux banquets, réceptions et manifestations collectives. Lorsque ces réceptions sont prises en charge par les convives eux-mêmes, la doctrine veut que seul figure au compte, le solde de ces opérations. Nous pouvons accepter cette position si deux conditions sont remplies. En premier lieu, il faut qu'il y ait un versement direct des participants au restaurateur. En second lieu, il faut que le prix facturé n'inclue pas des avantages en nature. Si ces deux conditions sont remplies, on peut admettre que l'ensemble ne soit pris en compte que pour le seul solde.

Pour le reste, tout est en suspens.

Il faut aussi aborder la question des livres parus chez un éditeur comme opération commerciale. Nous avons un problème concret d'un livre édité par un imprimeur privé qui supporte les charges et encaisse les bénéfices. Nous avons une jurisprudence relative aux dépenses de promotion d'un livre qui sont considérées comme des dépenses électorales dès lors que la promotion du livre excède par sa nature et son ampleur la promotion habituelle.

- 2) Enfin, la question des revues et des magazines municipaux.

Sur ce point, la position du Conseil consiste à compter le coût page par page mais la législation a changé depuis janvier 1995. il faut se poser la question du coût des publicités qui permettent de financer le magazine. Si le Conseil était appelé à considérer que le financement par la publicité est un avantage en nature, cela entraînerait ipso facto le rejet du compte.

Les seules indications données par le Secrétariat général concernent les repas pris au cours d'un dîner-débat payant conformément aux conditions que je vous ai exposées.

Monsieur FAURE : Oui, mais cela peut être payé au restaurateur et être quand même une source de financement pour le parti.

Monsieur le Président : Si le coût n’est pas supérieur au prix de revient, le candidat en a quand même tiré un avantage. Je ne vois pas pourquoi cela ne rentre pas en ligne de compte. Certes, ça bénéficie à tout le monde mais tout de même.

Monsieur FAURE : Si c'est le trésorier local qui fait la quête, cela rentre dans le compte de campagne.

Monsieur le Secrétaire général : On ne compte pas les dépenses exposées par les personnes qui viennent participer aux meetings. C'est le même raisonnement. Mais en la matière, il faudra procéder à une harmonisation car les candidats ont adopté des attitudes très différentes.

- 3) En ce qui concerne les avantages en nature et la marge de tolérance que l'on peut accepter. La loi est très sévère. Je ne prendrai que quelques exemples. Les fonctionnaires qui ont participé aux campagnes électorales d'un candidat, certains se sont mis en disponibilité alors que d'autres non. Je crois qu'il faudra faire passer le critère entre l'exercice normal de ses activités professionnelles et l'exercice à temps plein d'activité pour le candidat. Un deuxième exemple : en ce qui concerne l'utilisation des équipements des collectivités locales. La jurisprudence SULZER du Conseil d'Etat ne concerne que les préaux d'école. Cette jurisprudence est traditionnelle mais peut-on l'étendre à d'autres équipements collectifs comme par exemple un stade ? J'ajouterai aussi qu'il y a des cas de location des équipements collectifs à des taux réduits ce qui évidemment représente un avantage en nature.

Monsieur FAURE : A chaque tour de scrutin, j'offrais gratuitement à chaque candidat une salle qu'il choisissait.

Monsieur le Secrétaire général : Il y a une autre difficulté relative à l'utilisation des moyens publics. Il y a une jurisprudence du Conseil qui a distingué le don de l'aide (cela concernait l'utilisation d'une machine à timbrer du Sénat). Encore une fois, la loi est devenue plus sévère mais il faudra bien distinguer et établir des critères.

Monsieur FAURE : Par définition, cette élection est nationale et ce genre de détournement par les collectivités locales ne doit pas trop entrer en ligne de compte.

Monsieur ABADIE : L'avion payé par la mairie, ça oui...

Monsieur RUDLOFF : Mais le stade c'est simplement un grand préau.

Monsieur le Secrétaire général : En ce qui concerne les dépenses faites après l'élection, elles ne sont en principe pas prises en compte. Mais il existe des difficultés concernant les dépenses effectuées entre le premier et le deuxième tour (voir jurisprudence GALY-DEJEAN). Après le premier tour, elles ne peuvent pas entrer en ligne de compte. Mais les dépenses occasionnées par les remerciements après le second tour oui. Plus généralement, le problème est celui de la discontinuité ou de la continuité des dépenses : par exemple les frais postérieurs à l'élection dus à la rémunération des collaborateurs ou au paiement des loyers qui se poursuit. Tout cela pose un problème. Enfin, le cinquième point et le plus délicat est certainement celui de l'accord du candidat aux dépenses effectuées pour lui.

Vous savez que la loi a supprimé la formule avec son "accord même tacite" pour ne retenir que son "accord".

Monsieur ABADIE : Oui, c'est le problème que nous avons rencontré avec Monsieur LANG.

Monsieur le Secrétaire général : Il est certain qu'on ne peut retenir le critère d'un accord explicite par écrit car alors on n'inscrirait plus aucune dépense. En même temps, on ne peut retenir non plus un accord implicite car alors on en reviendrait à l'accord même tacite. Le problème est complexe.

D'autres problèmes sont liés aux comités de soutien dont certaines ont été constitués en vue des municipales. Comment distinguer les dépenses inhérentes aux présidentielles et celles inhérentes aux municipales. En outre, beaucoup de ces comités de soutien seront dissous avec les élections municipales. Comment faire alors ? La loi assimile ces comités de soutien à des partis politiques mais en contrepartie on ne peut exercer aucun contrôle.

D'autres problèmes encore concernent les frais de transport des personnalités venus soutenir les candidats mais sur tout cela, je ne retiendrai pas pour l'instant l'attention du Conseil plus longtemps.

Monsieur le Président : Je m'exprime au nom du Conseil pour vous féliciter et vous remercier de cet excellent travail.

Monsieur ABADIE : Chapeau !

Monsieur FAURE : Peut-être ne verrons-nous pas le dixième de ce qui a été évoqué.

Monsieur le Président : Ou peut-être beaucoup plus si nous avons l'attention attirée sur des points supplémentaires.

Monsieur FAURE : On a déjà reçu beaucoup de lettres ?

Monsieur le Secrétaire général : Oui mais trois ou quatre seulement présentent un intérêt.

Monsieur FAURE : Mais ces lettres peuvent arriver n'importe quand.

Monsieur le Secrétaire général : Oui, sans aucun doute.

(Ici se termine, après de longs applaudissements, l'exposé fait par Monsieur le Secrétaire général).

Monsieur le Président : Je voudrais dire encore quelques mots sur notre contentieux de STRASBOURG dont vous avez pu voir qu'il s'était bien passé. Pour le moment, il n'y a aucun commentaire. En outre, l'engagement pris par Monsieur LANG a été respecté. Enfin, le communiqué publié par son avocat est passé inaperçu. Peut-être Monsieur le Secrétaire général pourrait nous dire quelques mots de l'audience elle-même.

Monsieur le Secrétaire général : J’ai indiqué par écrit aux membres du Conseil quelle était la tonalité de la plaidoirie. Il faut dire que les autres plaignants ont été pas mal désarçonnés par la défection de Monsieur LANG. Les questions qui ont été posées étaient très techniques. La délibération a été très longue et s'est achevée vers 6 heures. La distinction que la commission a faite entre l'affaire PIERRE-BLOCH et ESTROSI montre bien que c'est le reversement au Trésor Public qui est considéré comme une sanction.

Après communication de la décision, il y aura un rapport au fond qui ouvre la possibilité théorique d'une transaction.

Dès lors que le problème réside dans cette sanction automatique, le plus simple serait certainement de supprimer cette automaticité.

Monsieur le Président : Le Conseil n'a pas à regretter de m'avoir suivi sur cette affaire.

(La séance est close à 18 heures).

Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.