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Coline DIAZ


SEANCE DU 27 JUILLET 1995

La séance est ouverte à 10 h 10 en présence de tous les conseillers à l'exception de M. DAILLY, excusé.

Monsieur le Président : Bien ! Je prendrai des nouvelles de Monsieur DAILLY la semaine prochaine. Du côté des assemblées, j'ai eu le Président SEGUIN au téléphone. Le Congrès aura lieu lundi après-midi et si le règlement était modifié il y aurait de très réelles difficultés, car nous devrions nous réunir sans délai. Qui sera là ? (Messieurs ROBERT et AMELLER se manifestent). Cela ne sera pas facile. Mais nous ne devrions pas être saisis. Nous allons aborder l'ordre du jour. Monsieur AMELLER : c'est à vous.

Monsieur AMELLER :

Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Conseillers,

Je suis extrêmement sensible à l'honneur d'avoir été désigné par Monsieur le Président comme rapporteur du premier texte dont est saisi le Conseil constitutionnel dans sa nouvelle formation. C'est aussi mon baptême du feu, et je sollicite votre indulgence. Le Conseil a été saisi le 20 juillet par 60 députés socialistes et apparentés du texte d'une proposition de loi tendant à relever de 2 points le taux normal de la T.V.A.

Cette saisine concerne la procédure et non le fond, ce dont je ne suis pas mécontent pour ce premier rapport et j'essaierai d'être bref, compte tenu de ce qui nous attend par la suite. Vous connaissez tous les faits. Ils sont exposés dans le recours. Je les rappelle brièvement.

Le 28 juin, le Gouvernement dépose un projet de loi de finances rectificative (collectif) sur le Bureau de l'Assemblée nationale. Ce collectif comporte, dans son article 1er, une mesure importante : l'augmentation de 2 points du taux normal de la T.V.A., qui passerait ainsi de 18,6 % à 20,6 %. Le gain de ce relèvement est évalué à 17,4 milliards de Francs pour 1995 et 57 milliards de Francs en année pleine : c'est dire, en effet, l'importance de la disposition. Les augures gouvernementaux calculent que le texte ne pourra pas être promulgué avant le 10 août, compte tenu des délais de procédure (discussion dans chacune des Assemblées, navette, Commission mixte paritaire, etc.) et de l'intervention éventuelle du Conseil constitutionnel. C'est donc la date du 10 août qui, tout simplement, est retenue pour la mise en application de l'augmentation. Le 5 juillet, le collectif est examiné par la Commission des Finances. Tollé général sur cette date du 10 août qui va abusivement compliquer la comptabilité des redevables. La Commission adopte alors un amendement repoussant la date de mise en vigueur au 1er septembre. Après le tollé de la commission, c'est l'émoi dans le clan gouvernemental : la perte de recettes est évaluée à près de 3 milliards de Francs. On lui préférerait


évidemment la date du 1er août, qui représenterait un gain appréciable. Mais comment procéder ? Par voie d'amendement au collectif -procédure naturelle- ? On hésite car la mesure aurait alors un effet rétroactif qui, pense-t-on, malgré les précédents, risquerait d'être sanctionnée par le Conseil constitutionnel. L'objection fondamentale, c'est que cette mesure rétroactive compliquerait encore plus les comptes des professionnels assujettis : il est facile d'anticiper les baisses d'impôt mais pas les hausses.

Un député, identifié comme étant Monsieur DE COURSON, a alors une idée de génie : c'est l'oeuf de Christophe Colomb. Pourquoi pas détacher la disposition en cause du collectif et en faire une proposition de loi avec un article unique ? Celle-ci pourrait brûler les étapes -pas d'avis du Conseil d'Etat, pas de passage en Conseil des ministres, accélération de la procédure, transmission directe d'assemblée à assemblée. Le Gouvernement est conquis, bien qu'un tantinet inquiet sur le sort final de la loi. Mais on le rassure : les conditions juridiques ont été étudiées. Elles ne comportent aucun risque. Il n'y a rien à craindre. Dès lors, l'opération est montée sur le champ. 4 volontaires (AUBERGER, J. DE GAULLE, J.P. THOMAS, ZELLER) se proposent pour cosigner le texte, immédiatement déposé. On est le vendredi 7 juillet.

La Commission, sur rapport du rapporteur général, l'examine le mardi 11 juillet. Il passe en séance publique, après une modification rapide de l'ordre du jour, et est adopté le mercredi 12. Le Sénat en est immédiatement saisi. Sa Commission des Finances l'examine le 18 et il passe en séance le 19. Des modifications apportées par le Sénat amènent le Gouvernement à convoquer une Commission mixte paritaire qui doit se réunir le même jour à 19 h 30. Elle ne peut le faire qu'à 22 h 30 "ce qui, dira Monsieur AUBERGER, nous a donné le temps de réfléchir". Le texte de la Commission mixte paritaire est adopté conforme par les deux Assemblées le 20 juillet. Toute l'opération a pris 13 jours : c'est rapide mais ce n'est pas un record. En revanche, ce qui est notable, c'est que :

1° pour la première fois, à ma connaissance, une proposition de loi a pour seul et unique objet l'AUGMENTATION D'UN IMPOT, et pas une augmentation insignifiante, puisque l'un des auteurs, Monsieur ZELLER, dira qu'il s'agit "d'une des mesures fiscales et financières les plus importantes qu'il ait été donné de discuter au Parlement au cours de ces dernières années". Il faut saluer l'événement : il ne se reproduira pas de sitôt.

2° Deuxième fait notable, c'est L'EFFICACITE DE L'INITIATIVE PARLEMENTAIRE, surtout lorsqu'elle bénéficie du concours du Gouvernement, avec intervention du Premier ministre en prime. Au moment où la Commission s'apprête à lui accorder une plage mensuelle dans l'ordre du jour, on peut toutefois se demander si c'était bien là la meilleure illustration que l'on 


pouvait donner du droit d'initiative parlementaire. Il s'agit bien en effet d'un droit formellement reconnu par l'article 39 de la Commission : 

"L'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement". Ce principe d'égalité ne souffre que des réserves édictées par les articles 40 et 41 de la Commission Le mot "Commission" est ici barré et remplacé par le mot "Constitution"qui ne sont pas en cause. C'est pourquoi je vais tenter de démontrer qu'en dépit de l'intention subjective des auteurs, on est bien en présence d'un exercice OBJECTIVEMENT ET JURIDIQUEMENT CORRECT du droit d'initiative parlementaire.

Nous pourrons débattre de ce premier point et de la partie de la décision y afférent, avant d'aborder le dernier moyen invoqué par les requérants. Il concerne l'article 29 de la Constitution relatif à la tenue des sessions extraordinaires. C'est un problème nouveau et nous aurons alors à prendre pour la première fois une décision sur ce sujet.

Je pense qu'il est possible de traiter en même temps les points I et II de la saisine (intitulés détournement de la procédure budgétaire, violation de l'article 47 de la Constitution et 2 de l'ordonnance organique de 1959) car ils reprennent grosso modo la même argumentation en imbriquant les divers moyens invoqués pour prouver l'inconstitutionnalité de la loi.

1° Le premier moyen consiste à alléguer qu'une proposition de loi ordinaire ne peut comporter une disposition qui devrait relever exclusivement du domaine des lois de finances. Les requérants soulignent que l'unique objet de la proposition de loi serait de modifier l'équilibre budgétaire et qu'en conséquence il y aurait là une véritable méconnaissance de la distinction entre loi de finances et loi ordinaire. Ils invoquent à cet égard les articles 1er et 2 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et citent les nombreuses déclarations, tirées du débat, démontrant l'imbrication pouvant exister entre la proposition de loi et le collectif. Ces références sont nombreuses. Je puis vous en citer quelques unes, tirées des débats :

Mais ces observations sont des arguments de fait, tirés pour l'essentiel d'une confusion entre l'objet de la proposition -purement fiscal- et son effet sur l'équilibre budgétaire.

La seule question à se poser est celle-ci : est-ce que ces faits mettent en cause un principe constitutionnel ?

Certes, l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 a été intégrée dans le bloc de constitutionnalité (depuis une décision du Conseil constitutionnel en date du 11 août 1960) et les requérants invoquent son article 2 d'après lequel "seules des lois de finances dites rectificatives peuvent, en cours d'année,


modifier les dispositions de la loi de finances de l'année". Mais il n'y a pas lieu de retenir cette argumentation. En effet, l'article 34 de la Constitution place expressément dans le domaine de la loi "la fixation des règles concernant notamment le taux des impositions de toutes natures". L'alinéa 3 de l'article 1er de l'ordonnance organique indique que les lois de finances peuvent également contenir de telles dispositions. C'est dire que la loi ordinaire au même titre que la loi de finances peut contenir des modifications de taux d'impôt sous réserve, bien entendu, du respect de l'article 40 de la Constitution ce qui, de façon aveuglante, est le cas dans notre affaire. D'ailleurs, et les saisissants eux-mêmes citent une décision du 4 juin 1984 (n° 84-170 DC Rec. p. 45), dans laquelle le Conseil a explicitement admis que des lois ordinaires pouvaient modifier le montant d'une imposition. Cette jurisprudence repose sur un argument de procédure qui paraît incontournable. En effet, la loi de finances est obligatoirement d'origine gouvernementale. Exiger que des augmentations d'impôt dussent exclusivement relever de la loi de finances, ce serait ramener l'initiative parlementaire en la matière au seul droit d'amendement et, à cet égard, l'on peut s'étonner que des parlementaires particulièrement attachés à leurs prérogatives soulèvent un tel moyen, qui aboutirait à une restriction sensible de leur droit d'initiative. Quoi qu'il en soit, comme l'a déjà exprimé très nettement la décision de 1984 et aussi celle du 24 juillet 1991 ( n° 91-298 DC du 24 juillet 1991, Rec. p. 91), également citée par les requérants, il n'est pas douteux qu'une proposition de loi augmentant le taux d'un impôt n'est pas en elle-même contraire à la Constitution.

2° Une autre question est celle qui se pose à propos de l'imbrication de la proposition dans le mécanisme du collectif budgétaire. Comme je l'ai déjà dit et comme le Conseil constitutionnel l'a déjà reconnu le 13 janvier 1994, l'initiative parlementaire est totalement libre et rien n'interdit qu'une proposition de loi reprenne à son compte le libellé intégral d'une disposition contenue dans un projet de loi. Et même si l'on peut s'en étonner -appréciation purement subjective- l'augmentation d'un impôt peut parfaitement résulter d'une proposition de loi.

Un autre argument, voisin, consiste à se demander si l'équilibre budgétaire est ou non modifié par l'adoption de la proposition de loi en cause. Dans la décision du 24 juillet 1991, que j'ai déjà citée, le Conseil avait justement à juger de la question de savoir à partir de quel moment le dépôt d'un projet de loi de finances rectificative était obligatoire pour le Premier ministre. Le Conseil avait jugé qu'une loi de finances rectificative était obligatoire soit pour ratifier les décrets d'avances ou les annulations de crédits intervenues pendant l'année, ce qui ici n'est pas en cause, soit en cas de bouleversement des grandes lignes de l'équilibre économique et financier en cours d'exercice. Sans indiquer si, en l'espèce, il y a un bouleversement, on constate que la proposition de loi a bien été prise en compte dans l'équilibre du collectif. Le


Gouvernement a fait adopter un amendement qui prévoit cette modification. J'en ai déjà parlé à propos de son exposé des motifs assez mal venu, il faut le dire.

Telles sont les observations que je voulais présenter sur le premier point de la saisine et je vous propose, dans la décision à prendre, de joindre les deux moyens apparemment distincts invoqués par les requérants mais dont les arguments sont étroitement mêlés.

La deuxième partie de la saisine concerne l'inscription de la proposition de loi à l'ordre du jour de la session extraordinaire. Cette inscription est en effet intervenue après-coup, ce qui est contesté par les saisissants. En application des articles 29 et 30 de la Constitution, le Gouvernement a-t-il ou non le droit de modifier le décret "déterminant" l'ordre du jour d'une session extraordinaire ?

Disons d'emblée que la pratique est constante.

Les exemples sont nombreux. On en compte au moins 8 depuis 1963 -dont un cas de retrait d'un texte de l'ordre du jour en juillet 1984. Mais bizarrement, ce point n'avait jusqu'ici jamais été contesté. A la lecture de l'article 29 de la Constitution, on peut distinguer deux cas, selon que la session extraordinaire résulte d'une initiative gouvernementale ou d'une initiative parlementaire (majorité des membres composant l'Assemblée). Dans ce dernier cas, la règle semble claire. La Constitution précise que "le décret de clôture intervient dès que le Parlement a épuisé l'ordre du jour pour lequel il a été convoqué et au plus tard 12 jours à compter de sa réunion". Il résulte de ce texte spécifique qu'il ne peut y avoir aucune modification de l'ordre du jour fixé d'ailleurs par les députés.

Rien de semblable n'existe pour les sessions extraordinaires à la demande du Premier ministre. Le Président de la République, qui signe le décret de convocation, n'a pas compétence liée. Il peut modifier comme bon lui semble les propositions du Premier ministre, retrancher ou ajouter des affaires à traiter.

L'interprétation des auteurs du recours est d'ailleurs tout à fait paradoxale, puisque le Président de la République peut, à tout moment, convoquer une nouvelle session extraordinaire à la demande du Premier ministre. Si le Premier ministre peut demander une nouvelle session, a fortiori il peut demander l'inscription de nouveaux textes à l'ordre du jour d'une session déjà ouverte. Si l'on suivait les auteurs du recours, il faudrait attendre l'épuisement de l'ordre du jour initial pour convoquer à nouveau le Parlement, ce qui serait particulièrement choquant, compte tenu généralement du caractère d'urgence des textes qui justifie la tenue de session extraordinaire. En réalité, l'exigence d'un ordre du jour "déterminé" signifie tout simplement que le Parlement ne peut délibérer que sur des


affaires inscrites à l'ordre du jour fixé par le Président de la République. Le Conseil constitutionnel en a d'ailleurs jugé ainsi le 30 octobre 1981.

Le moyen ultime des auteurs de la saisine doit donc être également écarté mais, à mon avis, sans référence au raisonnement "a contrario" tiré du 2ème alinéa de l'article 29. Je pense en effet que la période actuelle de tentative de revalorisation du Parlement se prêterait mal à l'affirmation officielle d'une restriction supplémentaire à la prérogative accordée aux députés de demander la tenue d'une session extraordinaire. Je vous propose donc de ne faire allusion à ce problème qu'"en creux" dans la décision, qui ne visera que les sessions extraordinaires tenues à la demande du Premier ministre. Il appartiendra éventuellement aux commentateurs de faire le raisonnement "a contrario". Avant d'en terminer, un petit mot sur le FOND du texte. Il n'en a pas été question car il n'est pas contesté. Il prévoit : une augmentation de 2 points de la T.V.A., la fixation d'une date d'application de la mesure, le 1er août, des dérogations prévues en faveur des constructions immobilières, un aménagement des taxes sur la consommation des tabacs, une hausse, à due concurrence, des subventions émanant du Fonds de compensation de la T.V.A. au profit des collectivités locales.

Notons, à titre d'information, que Madame LUC, au Sénat, en plus de l'atteinte aux droits du Parlement et de la violation de l'ordonnance organique sur les lois de finances, a estimé que, sur le fond justement, la proposition de loi était contraire à l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme (égalité de la contribution entre les citoyens, à raison de leurs facultés).

Monsieur le Président, j'en ai terminé. J'ai été plus long que prévu. Veuillez m'en excuser et surtout merci d'avoir bien voulu me prêter attention.

Monsieur le Président : Bien ! Je vous remercie. Je crois qu'il n'y a pas beaucoup de problèmes. En effet, c'est une "ficelle" que le dépôt de cette proposition de loi mais elle n'est pas inconstitutionnelle pour autant. C'est complexe mais je crois qu'on peut vous féliciter, vous et le parlementaire qui a fait preuve d'une imagination aussi fulgurante (sourires). Qui demande la parole ?

Monsieur ROBERT : Je suis le rapporteur sur les quatre points qu'il vient de traiter : il n'y a pas de détournement de procédure, la loi ordinaire peut contenir des dispositions fiscales, l'équilibre est dans le collectif. Je suis d'accord avec tout cela. J'ai quelques scrupules sur la session extraordinaire et sur la distinction selon l'auteur de la demande. J'ai quelques scrupules sur cette question : on convoque le Parlement sur un ordre du jour déterminé et on en ajoute en cours de route. Cela n'est pas une très bonne chose. Mais je conviens qu'exiger une clôture puis une ouverture c'est bien formel.


Monsieur le Président : La pratique est claire et le précédent Président de la République voulait limiter cela.

Monsieur AMELLER : Les textes sont clairs : le 3ème alinéa de l'article 29 permet au Premier ministre d'ouvrir une nouvelle session. Cela serait plus gênant pour lui comme pour les parlementaires d'être convoqués à nouveau.

Monsieur le Président : Si on peut en ajouter on peut sans doute en enlever.

Madame LENOIR : Le budget devient un moyen très souple d'adaptation des finances publiques, on modifie tout cela par amendement et proposition. Cela dit, il y a ici un artifice de procédure qui n'est pas pour autant un détournement de procédure. Je suis d'accord avec le rapporteur. Sans doute le Gouvernement aurait-il pu procéder par amendement et faire adopter le collectif plus vite. Notre décision de 1991 prévoit qu'il faut, en outre, et j'allais dire au moins, tenir compte de l'adoption de la loi fiscale sur l'équilibre. On devrait sans doute, sur ce point, être plus net.

Monsieur AMELLER : C'est dit page 4, qui "doit".

Madame LENOIR : On pourrait renforcer cela. Sur les sessions extraordinaires, je suis d'accord.

Monsieur le Président : On pourrait même imaginer que des sessions se chevauchent.

Monsieur AMELLER : Qu'elles se succèdent, plutôt.

Monsieur ABADIE : C'est habile, c'est vrai. Mais tout cela est conforme aux articles 40 et 41. La question c'est l'équilibre. S'il n'y avait pas de collectif, qu'aurions-nous fait ? Aurions-nous annulé cette amélioration du solde ? Je ne crois pas. Mais la solution serait incertaine. Sur le dernier point, je partage la position du rapporteur. Le deuxième alinéa de l'article 29 est clair. Je suis donc d'accord. Il y a bien "en creux", une différence entre les deux cas. S'agissant du Premier ministre, il n'y a pas de doute possible. Je suis d'accord.

Monsieur ROBERT : Non ! Ce n'est pas un argument. On a prévu une clôture pour empêcher les parlementaires de prolonger le débat. Cela ne signifie pas que le Président puisse faire ce qu'il veut.

Monsieur FAURE : Je félicite, moi aussi, le rapporteur. Je partage son point de vue. Si on veut aller jusqu'au bout il faut affirmer que la proposition est, en quelque sorte dans le projet.

Monsieur CABANNES : Je félicite le rapporteur.

Monsieur RUDLOFF : Je ne suis même pas sûr que la procédure puisse être soupçonnée. Cette voie est possible. Les députés ont eu l'accord du Gouvernement. Soit. Mais cela n'est pas répréhensible. Il n'y a pas de manoeuvre et le Gouvernement n'est 


pas réellement en cause. Quant à la session extraordinaire, la différence de texte provient de la volonté de limiter les prérogatives du Parlement. Je suis donc d'accord.

Monsieur le Président : Oui, c'est paradoxal de voir des parlementaires protester contre une initiative parlementaire alors qu'ils se plaignent souvent de l'impossibilité de faire inscrire les propositions de loi à l'ordre du jour. Je pense qu'on peut passer à la lecture (assentiments). Juste un mot sur les visas : faut-il mettre le nom du rapporteur ? Cela va dans le sens de la transparence, mais c'est la 1ère affaire de D.C. dont nous sommes saisis et je comprends les problèmes que cela peut poser.

Monsieur AMELLER : Je ne suis, en effet, pas favorable à cela : le Conseil juge et le rapporteur peut ne pas adhérer à la solution. Le seul intérêt c'est que les étudiants feront des statistiques, qui n'auront aucun sens. Je préfère que ce soit le Conseil qui assume. Sinon on pensera que la décision est celle du rapporteur, ce qui n'est pas une bonne chose.

Madame LENOIR : Je suis pour. C'est un secret de polichinelle et le Conseil d'Etat ou la Cour de Cassation le font. On a changé de période. La clarté est une bonne chose. La presse fait écho et on sent une pression. Je préfère le faire maintenant. Ce moment est opportun.

Monsieur ABADIE : Je suis sensible à l'argumentation de M. AMELLER et j'y ajoute un risque, celui de la "spécialisation". M. X est spécialiste des libertés... On court le risque de la spécialisation. Cela va à l'encontre de la collégialité. Nous ne sommes que 9. Au Conseil d'Etat, il y a un mélange beaucoup plus grand. Ici il y a 8 rapporteurs possibles.

Monsieur CABANNES : A la Cour de Cassation, il n'y a pas de problèmes. Je me rallierai à la solution.

Monsieur FAURE : Je suis d'accord avec Michel AMELLER. Le Conseil est un, c'est une organisation très spéciale.

Monsieur ROBERT : Cela ne trompe personne, mais le mettre officiellement me gêne ? On fera le départ. Qui rapporte et qui censure ? Ce n'est pas très bon. On le sait. Peut-être plus tard.

Monsieur RUDLOFF : On ne peut pas comparer avec la Cour ou le Conseil d'Etat. Ce n'est pas la même chose. Pour le commun des mortels, on n'est pas uniquement une juridiction. Telle n'est pas l'ambiance générale. Paradoxalement, l'indication du nom du rapporteur favorise l'indépendance car on voit que les critères politiques ne jouent pas.

Madame LENOIR : Les cours étrangères le font.

Monsieur ABADIE : Les modes de nomination sont très différentes.


Monsieur le Président : Je ne ferai pas jouer ma voix prépondérante. Mais je suis pour. Je m'abstiens car il y a un partage des argumentations. On verra plus tard. Je mets aux voix.

(Sont pour Madame LENOIR, Monsieur CABANNES et Monsieur RUDLOFF contre les 4 autres conseillers).

Monsieur le Président : Mais je remercie Monsieur ROBERT d'avoir laissé la porte ouverte. On verra plus tard. Passons à la lecture.

(Monsieur AMELLER procède à la lecture).

Monsieur le Président : Je mets aux voix.

(Le texte est adopté, sans modification, à l'unanimité).

Monsieur le Président : Bien ! Nous allons suspendre quelques minutes.

(La séance suspendue à 11 h 30 est reprise à 11 h 45).

Monsieur le Président : Bien, nous allons entendre les rapporteurs-adjoints.

(Messieurs GAUTIER, LOLOUM, SANSON, TOUVET, BONIN et Mesdames BELLON, PAPPALARDO prennent place à la table des rapporteurs-adjoints).

Monsieur le Président : Bien, voici une vision panoramique des rapporteurs adjoints. Le sens de la manoeuvre est clair : il s'agit d'éviter les appréciations divergentes à propos des comptes de campagne. Bien, Monsieur GAUTIER, je crois que vous allez nous présenter les questions d'intérêt commun à propos du compte de Monsieur CHEMINADE.

Monsieur GAUTIER :

1. Le code électoral est extrêmement précis et ses dispositions limitatives quant aux dons (origine, montant, nature, date d'engagement antérieure à la date où l'élection est acquise).

En revanche, le statut des avances remboursables et des prêts est peu clair.

Le Conseil constitutionnel a adopté une position de principe relativement pragmatique et souple à l'égard des avances au risque de créer une brèche dans le dispositif juridique encadrant la perception des recettes.

Plusieurs questions méritent d'être posées :

1) Les avances ou prêts remboursables doivent-ils être soumis à un minimum de formalisation (existence d'un engagement, date de


l'engagement, nature de l'engagement, conditions de remboursement de l'avance ou du prêt, perception d'intérêt) (cf. Cheminade) ?

2) Les avances ou prêts, peuvent-ils être versés postérieurement à l'élection, voire postérieurement à la reddition des comptes (Cf. Cheminade) ?

- Convient-il que la décision d'autorisation de prêts de découverts bancaires ou d'avances soit prise et formalisée antérieurement au jour où l'élection est acquise ou peut-elle être postérieure et jusqu'au dépôt du compte de campagne (cf. Cheminade et Laguiller) ?

- Les prêts et avances doivent-ils être versés et encaissés à la date de transmission de comptes au Conseil ou peuvent-ils l'être jusqu'au jugement du compte (problème du financement des dépenses prévisionnelles rattachables au compte et postérieures à son dépôt) ? Dans le second cas quelle est la date d'exigibilité des justificatifs d'encaissements (cf. Cheminade) ?

- Les avances ou emprunts doivent-ils tous obligatoirement transiter sur le compte bancaire ou postal du mandataire financier (apport personnel du candidat emprunteur, ou emprunt directement contracté par le mandataire) (cf. Cheminade) ?

- Des dépenses directement effectuées par un parti et qualifiées de "paiements effectués d'avance au nom du candidat" sont-elles intégrables au montant des dépenses du candidat ouvrant droit à remboursement (cf. Laguiller) ?

2. Jugement du compte

Le Conseil constitutionnel peut rectifier le périmètre du compte, réévaluer une dépense et requalifier une recette. Il procède alors à un une ?révision du compte. De façon générale et en vertu des dispositions du code électoral, l'irrecevabilité d'une recette entraîne de droit le rejet du compte. Dès lors qu'il existe un tel moyen, est-il nécessaire de développer dans le jugement des considérants concernant l'évaluation et l'appréciation du caractère électoral des dépenses (Cheminade, Laguiller) ?

3. Réponse du candidat ou de son mandataire aux questionnaires des rapporteurs adjoints

- Exigences des délais de réponse. La non réponse à une question ou une réponse dilatoire ou renvoyant sur un autre interlocuteur peut-elle être considérée comme élément suffisamment probant (exemple non réponse d'un candidat à une question sur l'identité de l'émetteur initial d'un chèque de banque anonyme) (cf. Cheminade) ?

Monsieur le Président : Toutes les questions que vous posez sont bien compliquées. En somme, vous souhaitez que le Conseil donne


des indications sur la perception des recettes, la date des encaissements, les preuves et la matérialité du versement.

Monsieur LOLOUM : De ce point de vue, il y a une différence à faire entre les prêts des personnes physiques et ceux consentis par les partis politiques.

Monsieur ABADIE : Il ne faut pas laisser contourner les règles d'encadrement des dons sous prétexte que ceux-ci pourraient être présentés comme des avances ou comme des prêts. La première question qui se pose est la suivante : faut-il un minimum de formalisation ? Pour s'assurer de la réalité du prêt, il en faut évidemment une. On peut la demander a posteriori si elle n'est pas produite. Ce qu'il faut obtenir, c'est au moins un papier bilatéral entre celui qui reçoit et celui qui prête sur lequel figure le montant, l'objet, et la durée du prêt.

La deuxième question porte sur l'encaissement des recettes, tout en tenant compte de la distinction entre personnes physiques et parti politique, je me demande quelle difficulté il y aurait à ce que ce soit le mandataire qui les reçoive. Ou bien alors il faudrait en quelque sorte que le mandataire tienne une double comptabilité en faisant état des avances qui auraient dû théoriquement passer par lui. C'est la seule façon dont on aurait pu s'assurer de la réalité des avances faites. Il faut avoir une vision claire de tels mouvements. Les candidats ont pu croire de bonne foi que cela pouvait se faire. Cette comptabilité théorique pourrait servir aux rapporteurs adjoints à saisir la réalité des flux même si ce n'est pas passé par le mandataire financier. On ne peut pas mettre une croix dessus. On ne peut que réintroduire ces dépenses et donc aussi les recettes.

En ce qui concerne la troisième question portant sur les intérêts, on peut considérer que sur une courte période, le fait de ne pas les réclamer est dans les usages. Mais si la date de remboursement est lointaine et que cela représente en fait un don, la question est de reconstituer la valeur des intérêts et de les réintroduire dans la comptabilité théorique. Si on n'exige pas le remboursement des avances dans un certain délai, les comptes auront été déjà jugés. Il y a une "réflexion de queue" à avoir sur ce point de façon que nous sachions si le prêteur peut mettre la main sur le patrimoine provenant du remboursement.

Monsieur GAUTIER : Je voudrais reprendre quelques points :

1) quelle est la date d'encaissement des recettes que nous retenons comme pertinente ?

2) en ce qui concerne les avances et les prêts, il nous faut une matérialisation de l'engagement. Si on ne s'engage pas dans une formalisation juridique forte, je pense que l'on risque alors de contourner la législation sur le plafond des dons.


3) le transit des fonds par le mandataire est la seule vraie possibilité de qualifier le caractère électoral d'une dépense ou d'une recette. Il est difficile par conséquent d'éviter le transit par le compte du mandataire.

4) en ce qui concerne les partis politiques, il faut se poser la question : dans quelle mesure leurs apports sous forme remboursable ouvrent droit à un remboursement par l'Etat ? Si ça transite par le compte du mandataire, je répondrais oui. En revanche, si c'est une prise en charge directe, elle est certainement autorisée par la loi, mais elle n'ouvre pas droit au remboursement.

Le système CHEMINADE organise pour le moins l'opacité du compte par l'apport d'avances consenties par des personnes physiques. Si je comprends bien, la position du Conseil est d'obtenir, s'agissant de ces avances, la date à laquelle elles ont été consenties, les justificatifs d'engagement ; et il faut aussi que l'ensemble de ces avances et ces prêts ait transité par le compte du mandataire.

Madame LENOIR : La question évoquée est très intéressante. Il s'agit d'apprécier la régularité des recettes et notre jurisprudence précisera celle que nous avons initiée à propos des législatives dans des conditions différentes. Le système des avances paraît se substituer au système très encadré des dons. Les questions sont nouvelles. Les tribunaux administratifs, à l'occasion des élections locales, ont rejeté des comptes en raison d'avances consenties à un candidat et non justifiées préalablement. Comment concrétiser le régime des dons ?

1) Il faut en établir la matérialité. Celle-ci ne doit pas résulter du seul fait qu'il y ait une demande d'intérêts, il en faut plus. Il faut un reçu ou un document contractuel.

2) Il faut éviter le contournement de la loi et exiger que soient établies la date de souscription et la date du remboursement. A quel moment fixe-t-on cette dernière ? A la date de la disparition de l'association de financement ?

Monsieur le Président : Il faut rappeler effectivement la contrainte légale de la dissolution de l'association.

Madame LENOIR : Il faut se rappeler à ce sujet la jurisprudence GALY-DEJEAN qui faisait état d'une méconnaissance de bonne foi. Si on a une certaine idée de ce qu'on va décider, est-ce qu'on ne pourrait pas demander dans le questionnaire qui est adressé au candidat la date à laquelle est fixée le remboursement.

Il est certain que l'on va être confronté à l'application de règles que nous dégageons pour la première fois. On ne peut pas répéter pourtant une seconde fois que la méconnaissance de ces règles a été opérée de bonne foi.


Monsieur RUDLOFF : Je me pose les mêmes questions que Madame LENOIR à la suite des observations des rapporteurs adjoints. Il est très difficile de mettre au passif des candidats des entorses aux règles que nous allons poser. Prenez par exemple les dons comptés comme avances. Mais je suis sceptique car la seule preuve que ce n'est pas un don, c'est le remboursement. Mais alors faudrait-il pour cela suspendre nos décisions jusqu'au remboursement de ces avances ou à la condamnation à payer si ces questions allaient jusque devant le juge civil. C'est pourquoi je crois qu'il faut relativiser nos demandes :

- Demandons la preuve par écrit, de préférence, de l'avance consentie ainsi que de sa date.

- En ce qui concerne le transit par le mandataire : je pense que oui puisque c'est une exigence du code. S'agissant des partis politiques, c'est autre chose, ils l'ont toujours fait.

Monsieur ROBERT : Je ne connais rien aux affaires financières ni collectives ni même, je le regrette parfois, personnelles. Cependant, j'essaie de comprendre. Dans ma candeur magnanime, je comprends que ce n'est pas le document que nous avons qu'il faut analyser. En ce qui concerne ce que nous avons, je serais favorable à ce que nous prenions en considération les avances avant notre décision. Il faut donner au candidat la possibilité de fournir des documents qui en établit la réalité avant notre décision. Je suis partisan de retenir le principe que l'avance perçue avant la décision est une recette. S'agissant de la formalisation, il est évident qu'il en faut une, mais ils vont nous fournir des documents "bidons" et on n'en saura pas beaucoup plus. Demandons-les mais il ne faut pas se laisser berner, sauf acte notarié, nous n'aurons rien de sûr. Le remboursement non plus ne prouve rien. Si nous rentrons là-dedans, le problème sera insoluble. Enfin, si les candidats ont reçu des sommes vertigineuses par ailleurs, comment le savoir ?

Monsieur le Président : Quelques unes de ces sommes figurent dans le compte. Mais peut-il y en avoir en dehors ?

Monsieur GAUTIER : Oui, mais on ne le saurait que par une enquête. Sur la question de la date d'encaissement ?

Monsieur le Président : Attention, ce n'est pas la même chose. Parle-t-on de la perception de l'avance ou de la preuve de l'avance ?

Monsieur GAUTIER : Pour être sûr qu'il ne s'agit pas d'une recette fictive, il faut qu'elle ait été perçue et encaissée sur le compte du mandataire.

Monsieur le Président : On peut, s'agissant de la preuve de l'avance, demander une déclaration sur l'honneur à défaut d'un acte notarié. Ça vaudra ce que ça vaudra.


Monsieur GAUTIER : Il faut au moins que le Conseil marque un certain formalisme.

Monsieur le Président : Mon attention a été attirée sur le fait que beaucoup de sommes ont été versées le 6 juillet alors que le compte devait être déposé le 7. Cela les rend très suspects.

Monsieur FAURE : Comment obtenir la certitude qu'il s'agit d'une avance ?

Monsieur le Président : Il faut pour cela exiger qu'il y ait une date de remboursement.

Messieurs ROBERT et FAURE : Il faut qu'il y ait remboursement avant notre décision.

Monsieur ABADIE : Ce n'est pas possible. Les candidats vont dire qu'ils attendent le chèque de l'Etat.

Monsieur le Président : C'est précisément là qu'intervient la différence entre l'avance et le prêt.

Monsieur LOLOUM : Le compte de M. CHIRAC offre un bon exemple de ces questions puisque nous avons une convention entre le RPR et le candidat dans laquelle est stipulé que cette avance est consentie à titre gracieux et fixée la date du remboursement à la date du remboursement par l'Etat.

Madame LENOIR : Cette remarque montre bien que si on ouvre trop les vannes et qu'on admet les pseudo-avances qui couvrent en fait des dons, on va à l'encontre de la loi. Si on admet le système CHEMINADE, on vide la loi de sa portée et c'est la raison pour laquelle il faut fixer un cadre.

Monsieur le Président : On aura toujours à toutes les élections présidentielles des outsiders comme ceux qu'on appelle sur la route du tour de France les "individuels".

Monsieur AMELLER : Je suis effrayé par la complexité de cette question. C'est une mission quasiment impossible. Peut-on exiger une un ?formalisme après-coup ? Peut-on accepter pour les prêts le seul engagement oral ?

Monsieur ABADIE : Si on n'exige pas un minimum de formalisme, il n'y a plus de contrôle du tout.

Monsieur AMELLER : Bien sûr, on ne peut pas accepter le formalisme bidon, mais comment contrôler alors ?

Monsieur le Président : Il faut surtout que nous ayons la conscience claire.

Monsieur GAUTIER : Il reste une question : c'est celle des avances consenties par les personnes morales. Si une banque fait


un prêt, elle exige des intérêts. Cependant, si on accepte que les personnes physiques fassent des prêts gratuits... Pour une personne morale, il faut qu'il y ait des engagements plus formalisés comprenant des taux d'intérêt. Ce n'est pas du tout la même situation que pour les personnes physiques.

Monsieur le Président : Peut-être mais il faut faire attention alors au respect du principe d'égalité.

Monsieur FAURE : Ce n'est pas du tout pareil.

Monsieur GAUTIER : Je prends un exemple : si une personne physique fait une avance de 500 000 F pendant six mois, au taux d'intérêt théorique de 6 %, on ne dépasse pas les 30 000 F de dons autorisés pour les personnes physiques. Cela est admissible. En ce qui concerne les personnes morales, elles ne peuvent faire ni don ni consentir des avantages en nature.

Madame BELLON : La question posée d'un prêt sans intérêt consenti par une personne morale autre que le parti politique ne me paraît pas se poser dans les comptes que j'ai eus.

Monsieur GAUTIER : Peut-être mais la question se pose à propos des découverts bancaires. Un découvert peut être assimilé à un prêt sans taux d'intérêt. C'est un avantage en nature.

Monsieur LOLOUM : Si on s'engage dans cette obligation de faire figurer des intérêts, la question de leur statut juridique va se poser. Pourra-t-on les qualifier de dépenses électorales ?

(Plusieurs membres : oui, oui).

Monsieur le Président : Je résume les questions posées :

- En ce qui concerne les moyens de preuve, une opinion commune s'est dégagée pour se rapprocher des éléments exigés par le code civil. A défaut de les réunir, il faut les rechercher sachant qu'elles n'auront qu'une valeur approximative mais il faut que le dossier du candidat qui a été envoyé au Conseil soit complet : c'est-à-dire que figure le montant du prêt ou de l'avance, les intérêts s'il y a lieu, le plan du remboursement s'il y a lieu et la date du versement.

Monsieur ABADIE : Mais le seul engagement de remboursement véritable se situe après la rentrée du remboursement de l'Etat.

Monsieur FAURE : Mais non puisqu'on exige un acte notarié qui mentionne la date du remboursement.

Monsieur le Président :

- En ce qui concerne les autres questions portant sur les dons : tout ce qui pourrait être tentative de dons des personnes


morales, il faut les rejeter et on les range en prêts ou avances.

Monsieur GAUTIER : S'il s'agit de sommes versées par des personnes morales, il faut qu'il y ait des intérêts qui soient mentionnés. S'il s'agit de personnes physiques, cela doit figurer au compte 6600. Le problème c'est celui des prêts ou avances consentis par des personnes physiques sans taux d'intérêt. Je suggère d'accepter la gratuité à la condition que cela reste en dessous du plafond des dons que peuvent consentir les personnes physiques. Evidemment, pour que ce calcul puisse être effectué, il faut qu'il y ait une date de remboursement.

Monsieur le Secrétaire général : Il faut faire une différence de traitement entre les avances et les dons gratuits. En effet, le surplus du compte doit être reversé à la Fondation de France et c'est la raison pour laquelle il faut les inscrire en recettes. En ce qui concerne l'encaissement, ce serait faire une situation très différente aux avances d'une part et aux dons d'autre part. Dans la jurisprudence GALY-DEJEAN, nous avons exigé que les engagements soient souscrits antérieurement à l'élection. Ici, ce serait aller un petit peu plus loin car ce serait admettre une avance fictive a posteriori. J'attire l'attention du Conseil sur ce fait car il prendrait une position inverse sur les avances par rapport à la jurisprudence adoptée, pour reprendre le terme employé sur les "fonds".

Monsieur ROBERT : Il faut avoir une position libérale.

Monsieur le Président : On est quand même un peu tenu. Il est certain que les versements du 6 juillet sont vraiment gênants.

Monsieur GAUTIER : On distingue trois étapes différentes :

- l'engagement

- le versement

- et l'encaissement

Si l'engagement doit être préalable à l'élection, le versement ne doit-il pas être préalable au dépôt du compte ? Quant à la date d'encaissement, si elle n'apparaît pas du tout, on peut considérer que ces versements viennent juste compenser des dépenses fictives.

Monsieur le Président : S'il n'y a pas d'encaissement, la question ne se pose pas.

Monsieur FAURE : Est-ce que toutes ces exigences ne pourraient pas être formulées à partir d'une certaine somme seulement ?

Monsieur ABADIE : Pas au-delà de 30 000 F puisque c'est le plafond légal pour les personnes physiques.

Monsieur GAUTIER : Il faut une preuve même a posteriori qu'il y a eu un engagement préalable avant l'élection. Mais qu'en est-il


de l'encaissement ? En effet, le problème de CHEMINADE c'est d'obtenir un maximum de remboursement à partir de dépenses relativement minimes. Il faut donc qu'il gonfle les dépenses et les recettes.

Madame LENOIR : Il faut qu'il y ait un engagement antérieur à l'élection et certainement un remboursement avant la disparition des associations.

Monsieur ROBERT : Non ce n'est pas possible.

Madame LENOIR : Je veux dire l'encaissement et non le remboursement avant le dépôt du compte.

Monsieur le Président : Il faut exiger la preuve effective de l'encaissement avant le dépôt du compte.

Madame BELLON : Pour les personnes physiques ?

Monsieur le Président : Oui.

Monsieur GAUTIER : La preuve du versement et de l'encaissement à la date du dépôt du compte ? Mais si on nous dit que c'est le 9 juillet... ?

Monsieur le Président : On verra.

Monsieur ABADIE : Tout ce qui est fait après le dépôt du compte est suspect.

Monsieur ROBERT : Pourquoi ?

Madame LENOIR : Parce que les candidats cherchent à obtenir un maximum de remboursements la part de l'Etat.

Monsieur ABADIE : Bien sûr, ils vont aller voir les copains en leur disant tu me fais un chèque et je te le rembourse en liquide dans deux mois. C'est l'Etat qui paie.

Monsieur le Président : Le Conseil a jugé en 1993 que le compte devait être en équilibre. S'il ne l'est pas le 7 juillet, il ne le sera pas le 9.

Monsieur le Secrétaire général : En ce qui concerne le transit obligatoire par le compte du mandataire et le remboursement ? Ce sont deux questions qui ne sont pas encore tranchées.

Monsieur GAUTIER : Le transit par le compte du mandataire est obligatoire pour les personnes physiques seulement.

Monsieur le Secrétaire général : S'agissant du remboursement, il convient d'être libéral puisque celui-ci est suspendu à l'aide de l'Etat.


Monsieur le Président : On suspend la séance et on reprend cet après-midi.

(La séance est levée à 13 h 20).

(La séance est reprise à 15 heures).

Monsieur le Président : Bien, la séance est reprise. Monsieur GAUTIER...

Monsieur GAUTIER : Je voudrais poser le problème des dépenses payées par les partis politiques. Par exemple, chez Madame LAGUILLER, elles ne sont pas retracées dans le compte. Elles n'ont pas transité par le compte du mandataire. Dans ce compte, il y a 7 millions qui ont été exposées directement par le parti. Certes le parti avait le droit de payer ces factures mais peuvent-elles, a posteriori, être requalifiées de dépenses.

Monsieur ABADIE : On se trouve là en présence d'une attitude traditionnelle des partis politiques. Ils font des avances.

Monsieur GAUTIER : Madame LAGUILLER elle-même est partagée puisque si elle avait fait moins de 5 %, elle ne souhaitait pas dépasser les 7 millions, mais si elle dépassait les 5 %, comme cela était le cas, elle avait intérêt à gonfler ses dépenses.

Monsieur ABADIE : Sur le fond, c'est certain. Le problème est celui de la requalification.

Monsieur GAUTIER : Le problème est bien celui de la requalification a posteriori de ces factures payées directement par le parti en avances. On pourrait considérer que les 6,9 millions inscrits par erreur dans telle colonne devraient l'être dans une autre.

Monsieur LOLOUM : Dans le compte de M. CHIRAC, il y a quelque chose d'un peu pareil. Le RPR a fait des dépenses qu'il a soumises au mandataire de sorte qu'au bout du compte, le RPR apparaît comme ayant fait des dépenses à hauteur de 20 millions de francs alors qu'il a en fait réglé directement des factures à hauteur de 20 millions. Du coup, ces 20 millions figurent comme dépenses réglées par le mandataire.

Monsieur GAUTIER : Oui, c'est un peu le même mécanisme chez Mme LAGUILLER.

Monsieur LOLOUM : Il est un peu difficile d'accepter que dans le compte de M. CHIRAC, le parti n'apparaisse qu'à hauteur d' 1 million.

Monsieur RUDLOFF : Je me demande s'il ne serait pas intéressant de demander directement à LUTTE OUVRIERE la part des subsides qu'ils reçoivent de l'Etat et la part des cotisations qu'ils encaissent. C'est important pour ce contrôle car il est certain


que Mme LAGUILLER avait intérêt à gonfler ses dépenses remboursables.

Monsieur FAURE : La façon dont nous allons traiter cette affaire commandera notre jurisprudence pour l'avenir. Ou nous pratiquons la rigueur ou nous sommes laxistes et cela peut être admis, mais ce que nous décidons aujourd'hui va décider pour l'avenir. Ce cas, nous allons le retrouver dans quantités d'autres.

Monsieur le Président : Mais sur le fond, qu'est-ce que vous en pensez ?

Monsieur FAURE : Je suis pour la rigueur pour ce cas là et dans les cas identiques.

Monsieur ABADIE : C'est le même problème chez M. CHIRAC et chez Mme LAGUILLER.

Monsieur GAUTIER : C'est un petit peu différent car dans le cas de M. CHIRAC, le mandataire a payé le parti tandis que chez Mme LAGUILLER, les dépenses exposées par le parti sont considérées comme des avances faites au mandataire.

Monsieur le Président : Est-ce que ces dépenses pour les partis politiques correspondent à des dépenses véritables ? On a l'air de dire que Mme LAGUILLER aurait sollicité les faits pour qu'apparaissent comme de vraies dépenses, des dépenses fictives. Est-ce que la forme doit l'emporter sur la réalité des faits ? Dans le compte de M. CHIRAC, ces sommes figurent dans la bonne colonne et on les admet. On n'a pas besoin de rechercher la réalité de la dépense.

Monsieur GAUTIER : Dans le dispositif du jugement que vous allez prononcer, qu'est-ce qu'on va examiner en premier ? Les recettes ?

- Est-ce que nous nous attachons au problème formel de l'inscription des sommes dans les colonnes ? Si c'est le cas, nous serons amenés à faire des requalifications. Ou bien au contraire, on se borne à examiner la colonne A.

- Comment traiter l'augmentation des recettes fictives face à des dépenses fictives ? Est-ce qu'à priori on refuse d'intégrer dans le montant du remboursement les dépenses faites par le parti politique ou bien de nous-mêmes on requalifie ces dépenses. Quelles compétences se donne le Conseil constitutionnel en matière de requalification ?

Monsieur le Président : Je souhaiterais qu'on laisse la porte ouverte à toutes les hypothèses et qu'on vous laisse investiguer sur le montant des dépenses.

Monsieur BONIN : Ce n'est pas une question de plafond des dépenses mais de remboursement par l'Etat.


Monsieur le Président : Cela ne change rien à la réalité de la dépense.

Monsieur GAUTIER : Souhaitez-vous qu'on aille vers un jugement très long et très étayé ? Car pour M. CHEMINADE on pourrait s'arrêter à l'examen des recettes.

Monsieur le Président : Nous verrons lorsque le problème se posera. Peut-être pourrions-nous passer maintenant à l'examen du compte de M. BALLADUR ?

Monsieur TOUVET : Monsieur le Président, Madame, Messieurs,

Au nom de Madame DENIS-LINTON, de Monsieur FRENTZ et en mon nom personnel, j'ai l'honneur de vous présenter les grandes lignes du premier examen du compte de campagne de Monsieur Edouard BALLADUR.

1. Le compte de campagne de M. BALLADUR

Monsieur BALLADUR a déposé un compte qui affiche 83 846 000 francs de dépenses, soit environ 6 millions sous le seuil de 90 millions imparti par la loi aux candidats présents au seul premier tour de scrutin.

Les postes de dépenses principaux sont :

- d'abord, les frais de réception et de réunions publiques, pour 30,5 millions (soit 36 % des dépenses du candidat) ;

- les frais postaux et de distribution pour 13,7 millions ;

- les productions écrites ou audiovisuelles, pour 10,5 millions.

L'intégralité des dépenses ont été prises en charge par l'"Association de financement de la campagne d'Edouard Balladur" (AFICEB) : aucun avantage en nature ni aucune dépense effectuée par un parti politique ne sont inscrits au compte de campagne. On reviendra plus avant à cette présentation des dépenses dans la colonne "A" exclusivement.

Le compte est affiché en déséquilibre. Doit-il être rejeté ?

Le compte est affiché en déséquilibre, en violation de l'article L. 52-12 du code électoral (issu de la loi du 19 janvier 1995).

En effet, M. BALLADUR indique un déficit de 30 170 000 francs, en fait couvert par un emprunt contracté auprès du Crédit du Nord, du CCF et de la BNP par l'Association de financement de la campagne d'Edouard BALLADUR, et pour lequel M. BALLADUR s'est porté caution.

La réalisation de cet équilibre étant atteint par des moyens identiques à d'autres candidats, il nous semble qu'il serait


sévère de rejeter le compte au motif qu'il est présenté en déséquilibre, alors que la recette nécessaire pour le couvrir existe et que la convention de prêt nous est fournie. Ce déséquilibre résulte plutôt d'une erreur d'écriture et d'une maladresse de présentation.

2. Les difficultés rencontrées lors de l'examen du compte

Il nous est vite apparu que le souci de l'association de financement de M. BALLADUR a été de maintenir les dépenses du candidat sous le plafond de 90 millions, exigence d'autant plus contraignante que s'éloignait la perspective d'une participation au second tour. D'ailleurs, les factures sont d'autant plus rares que les manifestations sont proches du scrutin.

C'est donc sur les dépenses que nous avons orienté l'essentiel de nos recherches, en centrant cette étude sur le poste le plus important, c'est-à-dire les réunions publiques.

Grandement aidés en cela par l'observatoire de presse mis en place par le Conseil constitutionnel, nous avons, dans toute la mesure du possible, regroupé les factures par manifestation.

Deux grandes catégories de manifestations apparaissent alors :

- celles auxquelles M. Balladur a lui-même participé. Elles sont au nombre d'une quarantaine.

Pour certains déplacements (visite de quartiers de banlieue en région parisienne, visite du salon du Livre, participation à un congrès professionnel), il nous a semblé qu'aucune dépense de campagne ne pouvait être imputée.

Pour les manifestations plus étoffées que la simple présence du candidat, nous avons toujours trouvé (à deux exceptions près : Poissy le 10 mars et Auxerre le 17 mars) une ou plusieurs factures relatives à ces manifestations. Mais il nous a aussi toujours semblé que l'intégralité des dépenses ne nous a pas été présentée. Nous n'avons jamais le panorama exhaustif des dépenses vraisemblablement engagées pour cette réunion : invitations, affiches ou tracts, location de la salle, déplacement du candidat et de son équipe, déplacement des militants, frais de restauration.

- celles où M. Balladur n'était pas présent. Il faut ici subdiviser ces manifestations en trois groupes :

* celles pour lesquelles nous avons des factures, même si elles ne couvrent vraisemblablement pas l'intégralité des dépenses engagées ;

* celles, très nombreuses, pour lesquelles nous n'avons aucune facture, aucun justificatif de dépenses. Elles ont été organisées le plus souvent autour d'un ministre ou d'une personnalité


nationale. Il nous a paru nécessaire d'interroger le candidat sur la réalité et le contenu de ces manifestations ainsi que sur les dépenses correspondantes ;

* celles organisées à l'échelon local par un élu local, député ou conseiller général, sans la participation d'un élu extérieur au département. Il nous a semblé que le nombre de ces manifestations empêche tout inventaire exhaustif, que leur nature et leur assez faible audience ne sont pas susceptibles d'engendrer de dépenses significatives. Nous les avons donc passées sous silence et n'avons pas interrogé le candidat à leur sujet.

En ce qui concerne les locaux de campagne, n'apparaissent dans le compte de M. BALLADUR que des factures relatives à trois lieux :

- le siège national (84 rue de Grenelle) ;

- le siège parisien des comités de soutien (28 boulevard Raspail) ;

- une permanence à Sète (Hérault).

Le même examen des coupures de presse relatives à la campagne de M. BALLADUR nous a conduit à nous interroger sur l'existence d'autres permanences de campagne alors qu'aucune dépense n'apparaît à ce titre dans le compte.

Nous n'avons rien trouvé dans le compte de campagne qui se rapporte à l'outre-mer : ni manifestation publique ni local ni voyage. Rien. Ce silence ne nous semble pas refléter la réalité de la campagne, aussi avons nous interrogé le candidat.

En revanche, en l'état actuel de nos recherches, le partage des dépenses entre le candidat et le Premier ministre ne nous a pas posé de difficulté majeure : une convention a été signée le 13 mars entre l'association de financement et le Secrétariat Général du Gouvernement, concernant la mise à disposition de personnel. Deux factures ont été payées à ce titre (environ 625 000 F au total). Sous réserve d'une contestation éventuelle du candidat, le partage des manifestations publiques entre le Premier ministre BALLADUR et le candidat BALLADUR n'a pas soulevé de difficulté.

3. Mesures d'instruction décidées par les rapporteurs adjoints

En application du mandat que le Conseil constitutionnel nous a donné le 12 juillet dernier, nous avons adressé le 24 juillet cinq questionnaires à M. BALLADUR :

- questionnaire n° 1 : réunions publiques de soutien à M. BALLADUR (en sa présence) ;

- questionnaire n° 2 : réunions publiques de soutien à M. BALLADUR (hors sa présence) ;


- questionnaire n° 3 : frais de location et d'entretien des locaux de permanence des comités de soutien de M. BALLADUR ;

- questionnaire n° 4 : dispositifs de sécurité ;

- questionnaire n° 5 : sondages d'opinion.

a) questionnaire n° 1 : réunions publiques de soutien à M. BALLADUR (en sa présence)

3 pages de questions relatives à 35 manifestations pour lesquelles le candidat n'a vraisemblablement pas fourni l'intégralité des dépenses.

Nous avons demandé, pour chaque manifestation, un exemplaire du programme de la réunion, notamment pour savoir si une participation financière était demandée au public assistant à la réunion, et nous faire une idée plus précise des dépenses engagées.

b) questionnaire n° 2 : réunions publiques de soutien à M. BALLADUR (hors sa présence)

Douze pages de questions relatives à 157 réunions publiques auxquelles était présent au moins un ministre (dans 9 cas sur 10) ou une personnalité nationale extérieure au département où avait lieu la réunion (dans les autres cas). Cet inventaire s'est donc limité aux manifestations les plus importantes et nul ne peut en inférer une volonté d'acharnement ou d'excessive investigation.

Les factures et justificatifs de dépenses engagées pour ces manifestations sont très fragmentaires. Nous avons donc précisé, pour chaque manifestation, la nature des dépenses justifiées et celles pour lesquelles nous demandons des explications.

c) questionnaire n° 3 : frais de location et d'entretien des locaux de permanence des comités de soutien de M. BALLADUR

Ainsi qu'il a été dit plus haut, d'après les factures fournies par le candidat dans son compte de campagne, seules trois permanences électorales auraient été ouvertes :

- le 84 rue de Grenelle à Paris, loué du 1er octobre 1994 au 1er juin 1995, pour lequel les factures semblent refléter l'intégralité des dépenses engagées ;

- le 28 boulevard Raspail à Paris, loué du 9 février au 15 mai, pour lequel nous avons des factures de loyer, d'électricité et d'assurance ;

- un local à Sète, pour lequel nous avons des factures de loyer, d'électricité et de nettoyage.


L'évidence, appuyée par le recensement effectué par l'observatoire de presse, nous a permis d'identifier 86 permanences situées dans une quarantaine de départements, dont nous avons communiqué les adresses au candidat en demandant des explications.

Ainsi mené, ce recensement est certainement incomplet. Au moins des dizaines sinon des centaines d'autres locaux nous restent inconnus. D'aussi grandes villes que Dijon, Nancy, Metz, Lille, Grenoble, Reims, Strasbourg, Amiens, pour ne citer que les plus importantes, auraient été dépourvues de tout local affecté à la candidature de M. BALLADUR. Nous avons demandé des explications sur ces lacunes.

d) questionnaire n° 4 : dispositifs de sécurité

La consultation et le classement des factures révèlent que la moitié environ des réunions publiques en présence de M. BALLADUR et de M. PASQUA ont été dotées d'un service de sécurité spécial, pour environ 100 000 francs pour chaque manifestation. Pour d'autres, aucune facture n'est produite ; pour d'autres encore, la facture produite affiche un montant très faible (2 000 F pour la sécurité de M. PASQUA à Marseille par exemple). Nous avons donc interrogé le candidat pour qu'il nous explique cette différence de traitement.

e) questionnaire n° 5 : sondages d'opinion

Seules 3 factures ont été produites pour 1,1 million de francs. Cela nous a semblé peu. Nous avons donc interrogé le candidat pour obtenir des précisions et des compléments éventuels.

4. Questions que soulève l'examen du compte de M. BALLADUR

- Les avantages en nature fournis par les partis politiques

Ainsi qu'il a déjà été dit, le compte de M. BALLADUR ne fait apparaître aucun avantage en nature d'aucun parti politique. Huit partis politiques ont fourni des dons, pour la plupart d'entre eux avant le premier tour de scrutin, et d'importantes contributions du RPR (10 millions de Francs au total) sont arrivées entre les deux tours et après le second tour. Le candidat affirme que la contribution financière des partis à la campagne a exclusivement pris la forme de dons au mandataire.

Il nous semble extrêmement probable que la contribution des partis politiques et des comités au candidat ne s'est pas limitée à cet apport financier. D'importants avantages en nature ont été très certainement fournis par certaines partis politiques, notamment en mettant à disposition du candidat des locaux de permanences électorales sur l'ensemble du territoire. Rien n'a été valorisé à ce titre.


- les dépenses prises en charge par des partis ou des personnes physiques et qui n'apparaissent pas dans le compte de campagne

Le compte de campagne de M. BALLADUR indique que "n'ont pas été pris en compte :

- les frais éventuels engagés par les groupements politiques et partis politiques sans l'autorisation de l'AFICEB ;

- les frais éventuels divers réglés directement par les parlementaires ou les ministres avec leurs deniers personnels - dépenses de faible montant inconnues de l'AFICEB)".

Dans une note annexé au compte, le mandataire reconnaît qu'une somme de 500 000 F (représentant une partie des dépenses du comité du soutien de Paris), devrait être imputée sur le compte. Il s'en remet à votre sagesse.

Cette mention nous semble contraire aux exigences légales (article L. 52-12) selon lesquelles "chaque candidat est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection". La circonstance que ces dépenses aient été payées par les partis politiques ou les ministres sur leurs deniers personnels ne leur retire en rien le caractère de "dépenses effectuées en vue de l'élection". Ces avantages en nature reçus de personnes physiques devront être valorisés : ils sont sans doute relatifs aux déplacements effectués par les ministres pour les réunions publiques déjà mentionnées, sur lesquelles nous avons interrogé le candidat.

- quelle est l'étendue de la notion de l'accord du candidat ?

En fait, M. BALLADUR a essayé de répondre par avance à ces objections en indiquant dans son compte de campagne :

"n'ont pas été pris en compte : les frais éventuels engagés par les groupements politiques et partis politiques sans l'autorisation de l'AFICEB".

Dans une courte note annexée au compte de campagne, le président de l'association de financement justifie le silence du compte sur ce point par le fait que le mandataire n'a pas été informé de leur engagement. Selon lui, engagées sans son accord, ce ne sont pas des dépenses de campagne.

D'abord, vous avez jugé que les dépenses engagées par le parti politique qui soutient le candidat doivent figurer dans le compte de campagne (AN, 21. 10. 93, Seine-Saint-Denis, 6ème circ. p. 398).

Ensuite, nous sommes au coeur de la notion de dépenses exposées avec l'accord du candidat. Faut-il exiger un accord écrit ? Il nous semble que l'application effective de la législation sur le


financement des campagnes électorales conduit à concevoir largement cette notion d'accord du candidat. Lorsque les ministres de M. BALLADUR parcourent la France pendant deux mois pour soutenir sa candidature, ils n'ont probablement pas demandé ni obtenu l'autorisation écrite du candidat pour animer telle ou telle réunion publique. Mais le candidat peut-il soutenir que ces réunions publiques ont été organisées sans son accord, ou à son insu ?

D'ailleurs, pour nombre de ces manifestations, le candidat produit une facture, certes fragmentaire, mais validant ainsi son accord à la tenue de la réunion. De plus, ces réunions, dont la presse se faisait quotidiennement l'écho, n'ont jamais été désavouées par le candidat. Il nous semble impossible d'exclure des dépenses du candidat les réunions pour lesquelles aucune facture n'est produite, au seul motif qu'il s'agirait de réunions tenues sans l'accord du candidat : lorsque plusieurs centaines de personnes sont réunies sur le nom d'un candidat, il s'agit d'une dépense électorale de ce candidat. Sinon, une brèche considérable serait ouverte dans la loi.

Le compte doit-il mentionner les déplacements des personnalités qui soutiennent le candidat ?

Un autre argument pourrait vous être opposé pour essayer d'exclure du compte de campagne les dépenses engagées par les partis politiques, les parlementaires ou les ministres : il s'agirait de déplacements de personnalités autres que le candidat. Là encore, cet argument nous semble dépourvu de fondement.

Certes vous avez jugé (CC, 1. 12. 93, AN, Réunion, Pihouée, p. 502 ; 2. 12. 93, AN, 10ème circ. Bouches-du-Rhône, Fabre-Aubrespy contre Tapie, p. 516) que "les frais liés au déplacement et à l'hébergement des représentants de formations politiques se rendant dans une circonscription ne constituent pas, pour le candidat qu'ils viennent soutenir, une dépense électorale qui doit figurer dans le compte de campagne". Mais il s'agissait d'élections législatives pour lesquelles le territoire nationale national ? est divisé en 577 circonscriptions. Il nous semble difficile de reproduire ce raisonnement à l'élection présidentielle, pour laquelle la France constitue une circonscription unique. Exclure ces déplacements des représentants de formations politiques venus soutenir le candidat aboutirait à ne prendre en compte que les dépenses exposées pour le déplacement du candidat lui-même. Or les candidats ne peuvent matériellement pas visiter la France entière et leur campagne, pour être efficace, doit être relayée par d'autres responsables politiques qui tiennent réunion pour le soutenir ; les dépenses alors engagées nous semblent bien des dépenses électorales, qui doivent figurer dans le compte de campagne, puisqu'elles ont été exposées "directement au profit du candidat" (31. 7. 91 ; AN, Paris, 13ème circ. p. 114).


Les petites manifestations publiques doivent-elles être incluses ou exclues du compte de campagne ?

Vous ayant exposé les difficultés juridiques relatives aux dépenses engagées pour des manifestations publiques hors la présence du candidat, il me reste à vous indiquer que nous n'avons pas inclus dans le questionnaire adressé à M. BALLADUR les petites réunions ou manifestations d'importance seulement locale.

Dans la logique des textes, il aurait fallu les prendre en compte, puisque ce sont des dépenses exposées au profit du candidat. Mais cela nous a paru impossible, s'agissant d'une élection présidentielle.

D'abord, aucune facture ne nous a été produite pour de telles manifestations.

Ensuite, il nous a semblé impossible d'en établir un inventaire exhaustif. Chaque jour avaient lieu dans de nombreux chefs-lieux de cantons des réunions où le député rassemblait 50 personnes dans une salle municipale pour leur exposer les raisons de son soutien au candidat BALLADUR.

Troisièmement, ces réunions purement locales étaient souvent aussi des réunions préparatoires aux élections municipales. Un partage serait très difficile.

Enfin, essayer un tel recensement nous semble dénué de toute portée : la nature même de ces manifestations montre bien que les seules dépenses réellement engagées ont été la diffusion de quelques centaines d'invitations et la mise à disposition d'une petite salle municipale.

Cette exclusion est-elle justifiée ?

Quelle instruction mener pour s'assurer que le candidat n'a pas bénéficié d'apport financier de l'Etat

La presse (Libération du 25 juillet 1995) a publié une information selon laquelle la somme de 2,4 millions de francs trouvée par le juge Halphen dans le coffre-fort du parti républicain proviendrait des fonds secrets de Matignon et serait le reliquat de la campagne de M. BALLADUR.

Or aucune recette mentionnée au compte de campagne de M. BALLADUR ne fait état de fonds secrets de Matignon (recette d'ailleurs interdite par la loi). Il est en revanche possible que ces "fonds secrets" aient été affectés à des partis politiques qui les ont ensuite utilisés pour contribuer financièrement à la campagne du Premier ministre-candidat. Ce transit par la caisse d'un parti politique, s'il relève certainement de la législation sur le financement des partis politiques, suffit-il à blanchir ces sommes au regard de la législation sur les comptes de campagne ?


Les rapporteurs adjoints chargés de l'étude du compte de M. BALLADUR souhaiteraient obtenir du Conseil constitutionnel des indications quant aux suites à donner à cette information.

Voilà donc, Monsieur le Président, Madame, Messieurs, les principales difficultés rencontrées jusqu'à présent dans l'étude du compte de campagne de M. BALLADUR et les questions qui vous sont posées.

Monsieur le Président : Bien merci Monsieur le rapporteur, je vais demander leur avis aux membres. Qui veut intervenir ?

Monsieur ROBERT : J'ai relevé quelques points :

- Les locaux des permanences.

- L'accord du candidat en matière de dépenses faites pour le soutenir.

- La question des déplacements.

- Le problèmes des fonds secrets.

En ce qui concerne le premier problème, je crois qu'il faut faire une enquête sérieuse pour savoir quels sont les locaux et permanences qui ont été mis à la disposition du candidat ?

En ce qui concerne le deuxième point, je ne vois pas des frais engagés par le comité de soutien sans l'accord du candidat. Quand un Ministre en exercice se déplace à l'invitation d'un comité de soutien, il faut considérer qu'un accord implicite a été donné.

En ce qui concerne les déplacements, nous avions dit à propos des législatives à la Réunion, que si nous réintégrions le prix des billets pour se rendre dans les départements et territoires d'outre-mer, nous défavoriserions ces lieux lointains par rapport à la métropole. Mais là le problème est différent puisque pour l'élection présidentielle, il n'y a qu'une seule circonscription.

Monsieur FAURE : On ne l'avait pas dit seulement pour la Réunion mais aussi pour les Bouches-du-Rhône.

Monsieur le Président : Ah bon !

Monsieur ROBERT : Enfin le quatrième point sur les fonds secrets de Matignon, je ne crois pas qu'on puisse entrer là dedans là-dedans ? par définition. Contentons-nous de jeter un voile pudique.

Monsieur FAURE : Je m'associe à ce qu'a dit M. le Professeur. Est-ce que M. le rapporteur pourrait rappeler les questions posées ?

Monsieur TOUVET : La première question posait le problème du compte affiché en déséquilibre.

Monsieur le Président: Mais non, il n'est pas en déséquilibre, c'est un simple problème d'écriture.


Monsieur ABADIE : C'est une simple omission matérielle.

(Tous les conseillers sont d'accord).

Monsieur le Président : On peut avoir été Ministre des Finances et ne pas savoir dans quel compte, il faut inscrire une somme.

Monsieur TOUVET : La deuxième question est relative aux dépenses engagées sans l'autorisation de l'association de financement. Doivent-elles être écartées ?

Monsieur le Président : Non, ce n'est pas possible. Il faut les prendre en compte.

Monsieur TOUVET : Les dépenses payées par les Ministres sur leurs deniers personnels doivent-elles être prises en compte ?

Monsieur FAURE : Mais ils ne payent pas.

Monsieur ABADIE : On va entrer dans une épicerie épouvantable.

Monsieur le Président : J'ai noté vos questions :

- les petites manifestations publiques, il est difficile de faire le détail.

- en ce qui concerne les fonds secrets...

Monsieur AMELLER : Il est difficile d'entrer en conflit avec l'autorité judiciaire.

Monsieur le Président : Je rappelle que lors de l'examen des principes directeurs, nous avions accepté la possibilité d'interroger les autorités judiciaires. Nous avions dit que si le besoin s'en faisait sentir, on pourrait les interroger. Jette-t-on un voile pudique ?

Madame LENOIR : Je voudrais revenir à une question rituelle : celle de l'exhaustivité du compte. C'est un principe clé de la législation. Est-ce qu'il s'entend hors des dépenses effectuées par les partis ? En ce qui concerne les manifestations non comptabilisées, il y a une jurisprudence balisée. On ne prend pas en compte les frais de déplacement des ministres, en revanche, on prend en compte la manifestation elle-même.

Monsieur le Président : Nous avons d'autant plus intérêt à nous fixer une ligne de conduite que cette campagne électorale avait ceci de particulier que des Ministres en exercice ont fait campagne pour deux candidats différents.

Madame LENOIR : Quant aux fonds secrets, ce n'est pas notre problème. S'il y a des développements, on avisera. Il faudrait savoir pourquoi il y avait un solde positif. Notre problème à nous ce sont les dépenses et les recettes.


Monsieur le Président : Attendons de voir les développements de cette affaire.

Monsieur RUDLOFF : En ce qui concerne les déplacements, nous ne sommes pas dans le même cas que pour les législatives. Pour ces élections, on fait venir un champion pour vous soutenir. Mais là pour les élections présidentielles on n'invite pas une personnalité mais on demande au parti de faire venir un ténor pour soutenir le candidat. Mais celui-ci ne se déplace pas lui- même. C'est le même problème que l'on va retrouver pour les permanences. Des permanences, c'est seulement des tas d'affiches que l'on y entrepose. Le parti local est obligé de distribuer le matériel de campagne sans qu'il y ait à proprement parler de permanence.

Monsieur FAURE : Nous avons dit que les voyages ne comptaient pas mais les frais de séjour oui.

Monsieur le Secrétaire général : Sur ce point précisément des voyages, la pratique des candidats a consisté à compter les déplacements. Spontanément, certains candidats ont considéré que la jurisprudence du Conseil élaborée pour les élections législatives n'était pas transposable. En revanche, la réponse à la question écrite du Ministère de l'intérieur a consisté à reprendre les termes de la jurisprudence du Conseil sans tenir compte du fait que l'élection présidentielle se déroule dans une seule circonscription. Il reste donc pendante cette question des déplacements et elle est d'autant plus importante qu'elle constitue un poste de dépenses important.

Monsieur BONIN : Il est certain que votre décision fera jurisprudence car si vous statuez dans le sens inverse, il faudra enlever du compte les sommes qui sont comptées pour ces déplacements. Cela représente plusieurs millions pour le compte JOSPIN.

Monsieur FAURE : Faire venir à Marseille, Toulon ou Albi, quelqu'un d'important, cela fait partie des comptes de campagne.

Monsieur ABADIE : Il faut uniformiser notre pratique à propos de tous les comptes. Il est certain que si l'on diminue les dépenses, on diminue mécaniquement les remboursements auxquels les candidats ont droit.

Monsieur TOUVET : Ils ont souvent pris des avions privés et cela représente des factures très élevées.

Monsieur GAUTIER : Si l'on retranche ces sommes de certains comptes, on pénalise précisément les candidats qui ont joué la transparence.

Madame LENOIR : Moi, je serais candidate aux présidentielles, je ne les mettrais pas dans le compte.


Monsieur RUDLOFF : Je dis que le candidat vient par personne interposée et on ne peut pas assimiler les élections législatives aux élections présidentielles. Pour ces dernières, on devrait assimiler les dépenses du délégué à celles du candidat.

Monsieur le Président : L'observation de M. RUDLOFF est pertinente. Il faut poursuivre l'investigation sur ceux qui n'ont pas mentionné les frais de transport. Il faut voir ce que ça représente si on les réintègre.

Monsieur FAURE : Il y en a qui dépasseront le plafond.

Monsieur le Président : C'est tout le problème.

Monsieur ROBERT : Une question sur le total des dépenses de M. BALLADUR. Est-ce que vous avez fait le compte de ce qui est prouvé ?

Monsieur TOUVET : Les 83 millions qui figurent au compte représentent la somme totale des factures qui sont présentées.

Monsieur ROBERT : Donc si vous en ajoutez, on dépasse le plafond.

Monsieur le Président : Bien, nous allons prendre le compte de Mme VOYNET.

Madame PAPPALARDO :

I Présentation générale

- contrôle exhaustif des pièces possibles - montant limité : 7,9 millions de francs de dépenses et de recettes essentiellement faites par le mandataire. Le parti des Verts a dépensé 2 500 000 F.

- conséquence : le droit à remboursement maximum est de 7,2 MF et on est à peine au-dessus de 7,4 MF. Visiblement on a cherché à atteindre le plafond. "Cela est manifeste dans l'appel aux comités locaux qui a été lancé en fin de période. Cela a permis d'intégrer des achats divers... L'enjeu existe bien : les décisions du Conseil en matière de dépenses auront des effets sur le montant qui sera remboursé.

II Recettes

Il y a un don de 500 000 F. Il n'y a rien à signaler.

L'apport du candidat se monte à une avance d'1 MF.

La contribution du parti au mandataire est de 5,9 MF.

Les problèmes sont les suivants :


- il n'y a pas de texte d'accord entre les Verts/Voynet

- les conditions de remboursement ne sont pas fixées, le taux d'intérêt non plus

S'agit-il d'un don ?

Une seule indication : en dépenses et en recettes le parti comptabilise environ 400 000 F de provisions pour des frais financiers.

Il y a 4,63 MF qui ont reçu l'appellation "avances de trésorerie".

Enfin, il y a un découvert bancaire de 1,25 MF.

A propos de ce découvert bancaire : il n'y a pas de preuve d'un versement d'une recette destinée à le couvrir.

D'ailleurs les relevés de banque du mois de juillet manquent mais cela est normal.

Pour le moment, nous avons seulement un découvert de la banque mais nous n'avons pas d'autorisation écrite de ce découvert.

Comment doit-on interpréter cette situation ? Si on accepte ce type de recettes il n'y a plus aucune contrainte en ce qui concerne les recettes du compte. Il suffit de laisser "un trou" et de le combler après la décision du Conseil relatif au compte.

En revanche, si on ne l'accepte pas, le compte est en déséquilibre et il faut le rejeter.

Une partie d'avances (1,350 MF) a été versée en juin mais il n'y a pas d'engagement antérieur à l'élection.

III Dépenses

- le matériel est passé en achat et non à sa valeur d'utilisation.

- les achats personnels divers sont qualifiés de dépenses électorales : vêtement, teinturier, coiffeur, parfumerie, esthéticienne, pharmacie et chèque emploi service

- les salaires représentent une forte dépense : 1,3 MF pour 8 personnes dont Madame VOYNET à hauteur de 8 000 F + 20 000 F.

- les transports comptent un abonnement annuel jusqu'à fin 95 ou début 96

- le téléphone est pris en compte pour l'intégralité de factures de personnes physiques et pour certains locaux. Pourtant ces


personnes privées ont bien dû téléphoner pour d'autres raisons que pour les besoins de la campagne.

- pour la réalisation de son programme il a été financé par Ecodif. Il a été procédé au remboursement d'achats de livre à des comités de soutien.

- les dépenses exposées par un autre mandataire : Planche/Galtier à hauteur de 40 000 F

- les opérations de fin de période intègrent du téléphone et de la SNCF...

IV Comptes bancaires

- il y a eu 2 comptes successifs ouverts l'un au CIC et l'autre à la BFCC

L'ouverture du 1er compte n'a pas été effectuée par le mandataire de Madame VOYNET, c'est probable. En tout cas, c'est une question.

- L'ouverture du deuxième compte a eu successivement deux titulaires. Le premier le mandataire et le second le trésorier des Verts. Il faudra poser la question sur les personnes habilitées à signer les chèques.

- Les opérations bizarres : opérations de début de période (septembre-octobre) payées sur le compte de la BFCC en juin mais il y a eu des factures qui portent comme indications qu'elles ont été payées par chèque du CICI.

Voilà Monsieur le Président les quelques questions qui se posent.

Monsieur le Président : Je voudrais qu'on se concentre sur les questions bancaires. Cela m'intrigue cette question du découvert. Vous n'avez rien ? Une partie du financement est assurée par le parti politique.

Madame PAPPALARDO : Oui, mais c'est assez classique.

Monsieur le Président : Donc l'investigation va surtout porter sur l'arrangement bancaire.

Madame PAPPALARDO : Oui, sur les 5,9 millions car seuls 4,6 millions ont été honorés. Ainsi, le mandataire doit 1,3 million à la banque. Je ne sais pas à hauteur de combien le parti de Mme VOYNET s'est engagé. Il n'y a pas beaucoup de pièces justificatives.

Monsieur ABADIE : Est-ce que lorsque les comptes ont été présentés, le mandataire avait conscience qu'il était en


déséquilibre ? Il faut le lui demander. Il n'a pas pu ne pas en avoir conscience.

Madame PAPPALARDO : Dans le questionnaire que nous envoyons, la question est posée.

Madame LENOIR : Un découvert bancaire, c'est une autorisation de dépenses sans contrepartie. On recherche 1,3 million imputé sur la contribution du parti alors qu'en réalité cela doit s'analyser comme une avance de la banque au mandataire. Elle a dû gonfler ses dépenses et les couvrir au moyen de cette avance.

Monsieur le Président : Bien, nous allons passer au rapport sur les comptes de M. LE PEN. Madame BELLON, c'est à vous.

Madame BELLON :

Questions générales (c'est-à-dire qui peuvent être communes à plusieurs candidats) relatives au compte de campagne de Monsieur Le PEN.

1) Recettes : Contribution personnelle du candidat.

le compte de campagne de Monsieur Le PEN s'élève à un peu plus de 41 millions de francs équilibré en recettes et en dépenses.

Les recettes sont constituées par :

- l'apport du candidat au mandataire (32,69 MF),

- les dons de personnes physiques (4,3 MF),

- la prise en charge par le parti de certains frais de campagne évalués à 2,5 MF et déclarés comme "avantages en nature",

- des recettes diverses (1,8 MF).

Bien que le montant de l'apport du candidat au mandataire soit indiqué au franc près (32 690 572 F) les documents joints au compte concernent exclusivement le prêt consenti par le parti au candidat (32 MF).

Questionné sur ce point, notamment, le candidat a, de nouveau, fourni copie de son contrat de prêt (point 1.2 de la réponse parvenue le 24 juillet).

Doit-on en conclure que l'apport personnel du candidat est limité à 32 MF, ce qui réduit donc le montant maximum du remboursement auquel le candidat pourra prétendre à l'issue de l'examen par le Conseil constitutionnel, alors qu'il demande le remboursement de 32,4 MF ? Ou bien faut-il poursuivre les investigations ?


Il résulte en outre de premières investigations que les versements effectués par le parti sur le compte bancaire du mandataire ont été limités à 31,7 MF.

2) Recettes Exigence de pièces justificatives.

Un simple relevé de bordereaux de remise en banque peut il peut-il ? justifier des recettes de propagande : c'est la seule pièce communiquée spontanément à l'appui du compte de campagne et fournie à nouveau en réponse au questionnaire envoyé au candidat (point 1.3 de la réponse reçue le 24 juillet). Il est donc difficile de vérifier si ces versement correspondent en fait à des dons de personnes morales. Difficile mais pas impossible (du moins en théorie) à condition de remonter du bordereau de remise de chèque à l'émetteur du chèque.

Faut-il procéder à des investigations de ce type par sondage ?

3) Avantages en nature

Les avantages en nature correspondent à la prise en charge par le Front National de 2,5 MF de charges au bénéfice de la campagne de Monsieur Le PEN. Leur montant résulte d'une déclaration du trésorier du parti évaluant les avantages ainsi accordés : location 0,9 MF ; personnel 1,2 MF etc... sans autre justificatif.

Dans sa réponse reçue le 24 juillet, Monsieur LE PEN considère que cette déclaration vaut pièce justificative et précise à vos rapporteurs : "si vous disposez d'éléments d'évaluation qui nous auraient échappé échappés ? , nous sommes prêts à revoir avec vous notre estimation, à la hausse ou à la baisse".

- Doit-on se satisfaire de la déclaration du trésorier du parti ?

4) Dépenses

En l'absence de numérotation des pièces justificatives, une seule écriture correspond souvent à la sommation de plusieurs factures à des dates différentes, dispersées parmi les factures remises à l'appui du compte. Ce constat a été confirmé par de nombreuses réponses parvenues le 24 juillet.


- Certaines pièces restent totalement absentes : en guise de pièces justificatives (factures, avis de prélèvement etc...) des dépenses imputées au compte "frais financiers", le candidat fournit à nouveau un extrait du grand livre des comptes du compte de campagne (point 1.1 de la réponse parvenue le 24 juillet). Il ne s'agit donc pas d'un oubli au moment du dépôt du compte. Toutefois, les sommes en jeu sont de faible montant et, de plus, vraisemblables au regard d'autres éléments. L'absence de pièces justificatives ne saurait donc, à elle seule, justifier le rejet de ces dépenses.

- En tout état de cause, la répartition des dépenses entre les différents postes de dépenses par nature n'a pas été faite avec rigueur. Cette remarque peut être soulignée aussi pour d'autres comptes de campagne pour lesquels, des factures du même fournisseur, et correspondant aux mêmes biens ou services, ne sont pas imputées au même compte.

Quel sens donner à des rectifications partielles quand elles sont possibles ?

5) Publication du compte de campagne :

Dans les conditions qui viennent d'être décrites pour les dépenses, les rapporteurs doivent-ils se livrer à un classement des dépenses selon leur nature dans les "bons" comptes ? Ce travail de certification au niveau le plus fin fait-il partie de la mission du Conseil constitutionnel ?

La même question de la qualification se pose pour les recettes diverses (cf. supra) ou pour les "avantages en nature" déclarés sous cette rubrique (colonne C) par le trésorier du Front National mais qui auraient pu être déclarés sous la rubrique "partis politiques" (colonne B).

Ce travail relève-t-il du Conseil ? En outre, est-il matériellement réalisable dans les délais souhaités ? Si l'on pense que non, le travail du rapporteur pourrait être concentré sur l'exhaustivité et la réalité des dépenses retracées dans le compte, la régularité des recettes et la réalité de l'apport personnel du candidat, la publication des comptes par le Conseil constitutionnel étant limité aux chiffres clefs du compte de campagne qui pourraient être : total des dépenses, total des recettes, dons de personnes physiques, dons de personnes morales, apport personnel du candidat.

Toute publication plus détaillée entraînerait validation implicite par le Conseil des éléments précis sur lesquels son contrôle ne peut s'exercer avec toute la rigueur nécessaire (du moins pour le candidat LE PEN) et ne présente, semble-t-il, qu'un


intérêt restreint au regard des missions qui lui sont confiées par les textes.

Monsieur le Président : Bien, pour le prêt fait par le parti à M. LE PEN, il y a un texte. S'agissant des personnes physiques, on attend la liste.

Madame BELLON : Oui, elle est très volumineuse et je dispose des relevés bancaires. En revanche, il n'y a aucune pièce justificative de ses recettes commerciales. D'autre part, ils ont ouvert deux sous-comptes pour le congrès de Tours de janvier 1995 et pour d'autres manifestations. Je n'ai pas les pièces justificatives.

Monsieur le Président : Vous les avez demandées ?

Madame BELLON : On m'a envoyé les extraits des grands livres mais avec ça, je ne peux pas faire de lien entre les bordereaux et les relevés. Je peux seulement me livrer à certaines hypothèses. On les a faites pour les dépenses, on pourrait les refaire pour les recettes.

Monsieur le Secrétaire général : Monsieur le Président, ce compte est particulier car le rapporteur adjoint a reçu une réponse qui cultive un malentendu. Je ne partage pas le point de vue de Mme BELLON qui suggère que l'on attende le 15 septembre. Au contraire, je crois qu'il ne faut pas attendre. Il faut lui demander immédiatement les pièces que l'on désire.

Madame LENOIR : Ce compte pose le problème des modalités de notre contrôle. Quels justificatifs exiger ? La réponse qui a été fournie est vraiment désinvolte. Les réponses doivent être précises et de nature à justifier les recettes et les dépenses.

Madame BELLON : Il est certain que ce qu'ils appellent eux des pièces justificatives n'en sont pas pour nous. Sur le second point, il ne me semble pas qu'on puisse reprocher au candidat d'avoir fait le montage qui consiste à faire un apport au mandataire de sommes qui viennent de partis. Il y avait un contrat. Moi, ce que je demande, en revanche, c'est la raison de la différence entre les 32,6 Millions et les 31,7 millions.

Monsieur le Président : Je crois, Madame, que vous avez intérêt à lui expliquer ce que vous voulez en réalité. Il faut lui dire voilà ce que nous appelons des pièces justificatives.

Madame BELLON : Il est certain qu'il me manque des pièces par exemple sur l'ensemble de la facture téléphonique du siège. Il peut y en avoir pour 500 000 F mais aucune explication satisfaisante n'est donnée sur le ratio utilisé. Ce qu'on nous donne est très sommaire. Dans les autres cas qui se présentent, il peut être difficile d'expliquer ce qu'est une pièce justificative mais je crois qu'il faut se concentrer sur la justification des sommes apportées par le parti. A-t-on la possibilité d'aller beaucoup plus loin ?


Madame LENOIR : Dans ce dossier chacun sait ce qu'est une pièce justificative : c'est une facture.

Madame BELLON : Le problème essentiel à justifier provient des recettes. De ce point de vue là, les factures ne jouent pas grand rôle.

Monsieur le Président : Mais pour le prêt, vous avez un acte ? La preuve, c'est le reversement.

Madame BELLON : Oui, mais j'ai un versement de 31,7 millions seulement. En outre, là où je n'ai pas de justificatif, c'est pour les deux autres comptes.

Monsieur GAUTIER : Les produits annexes, c'est important. Cela représente une recette mais cela a un coût donc on doit faire apparaître la justification de la recette et la justification du coût de revient. Quant aux éléments permettant d'apprécier la matérialité des dons, c'est difficile. Comment compter le nombre de participants à un meeting ?

Monsieur ABADIE : C'est comme la quête à l'église, c'est sûr que chez LE PEN, ça marche.

Monsieur GAUTIER : Il faut que le compte établisse un état certain des dépenses effectuées et les éléments permettant d'évaluer les produits de ses initiatives.

Monsieur le Président : Il faut poser toutes les questions possibles dans les délais les plus rapides.

Madame BELLON : On a envoyé des questionnaires très tôt pour anticiper ce genre de problème.

Monsieur ABADIE : Je voudrais revenir à la question de ce que nous allons publier lorsque nous arrêterons notre décision. Est-ce un état similaire à celui que nous avons publié ? Certaines rubriques sont trop groupées. Sur la base du tableau présenté au J.O., on peut détailler.

Madame BELLON : Mais si on fait cela, on a l'air de donner une certification au compte. Dans le compte LE PEN, il y a des factures renvoyées par des militants, des frais d'hôtel, d'essence etc. Dans une nomenclature telle que nous la pratiquons, ça va être difficile.

Monsieur ABADIE : C'est pour cela qu'il faut en rester dans le canevas initial.

Monsieur GAUTIER : En ce qui concerne les recettes, on peut accepter une ventilation relativement claire. En revanche pour les dépenses, on devrait se contenter des totaux des colonnes car sinon on va être obligé de se livrer à des requalifications sans fin. Autrement dit, je crois qu'il faudrait procéder en détail


pour les recettes mais par agrégats pour les dépenses. S'agissant des recettes, il est important d'en connaître l'origine.

Monsieur le Président : Nous reverrons cette question de toute façon en temps utile.

Monsieur BONIN : Sur l'aspect ventilation des dépenses, il faut le faire sans désemparer car on ne pourra pas le faire au dernier moment. Si nous disons que nous retranchons de telle ou telle colonne pour les faire apparaître dans telle ou telle autre, il faut le savoir dès maintenant.

Monsieur le President : Je propose qu'on n'entre pas trop dans le détail.

Madame BELLON : Oui, je le pense aussi car il s'agit vraiment d'un type de travail différent si nous sommes amenés à requalifier les sommes, ça serait un travail de commissaire aux comptes.

Monsieur le Président : Il est suffisant que le total soit correct et justifié.

(La séance est levée à 17 heures).

Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.