SEANCE DU 29 NOVEMBRE 1995
La séance est ouverte à 14 h 30 en présence de tous les conseillers.
Monsieur le Président : Nous nous réjouissons de voir revenir Monsieur FAURE parmi nous après son opération (applaudissements). Nous accueillons Madame WILLAME, greffier du Conseil et nous lui souhaitons la bienvenue. Elle participe désormais aux réunions du Conseil statuant en matière électorale.
Nous abordons tout d'abord le contentieux des élections sénatoriales de Seine-Saint-Denis.
(Madame DENIS-LINTON est introduite).
Monsieur le Président : Voici un dossier délicat qui pose le problème de la situation d'un candidat aux élections sénatoriales, premier non élu dans le cadre d'un scrutin de liste à la proportionnelle et devenu de ce fait remplaçant du sénateur élu alors qu'il était également par ailleurs suppléant d'un député.
Madame DENIS-LINTON : Je dois tout d'abord vous soumettre une question préalable. Un des requérants, Monsieur MARTINOT, a demandé à être entendu afin de présenter ses informations orales. Je dois souligner que dans la pratique, c'est Monsieur MEYET bien connu de cette maison et de celle d'à-côté- qui viendrait représenter Monsieur MARTINOT.
A mon avis, cette audition ne s'impose pas. En réalité, le seul problème qui se pose dans ce dossier est une question de droit. L'audition de Monsieur MARTINOT n'apporterait rien d'autre à ce qui est déjà dans les mémoires écrits. Sans doute voudrez-vous vous prononcer sur cette question dès maintenant, avant que je ne commence mon rapport.
Monsieur le Président : Les éléments de fond sont de nature à influer sur notre décision. C'est pourquoi je préfère que vous fassiez votre rapport avant que nous nous prononcions sur l'opportunité de procéder à une audition.
Madame DENIS-LINTON : Les deux requêtes dont vous êtes saisis soulèvent une question inédite, celle de la portée de l'article L.O. 134 du code électoral dans le cadre d'une élection au scrutin de liste.
La première requête émane de Monsieur DAVIET, conseiller régional d'Ile-de-France et conseiller municipal de Rosny-sous-Bois, la seconde de Monsieur MARTINOT, électeur inscrit sur la liste électorale de la commune de Drancy (Seine-Saint-Denis).
On sait qu'au Sénat deux modes de scrutin coexistent selon le nombre de sénateurs représentant le département considéré.
Dans les départements qui ont droit à 4 sièges de sénateurs au moins, les candidats sont élus au scrutin majoritaire à 2 tours (article L.O. 294).
Dans les départements qui ont droit à 5 sièges de sénateurs ou plus, l'élection a lieu à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel (article L.O. 295).
Dans le département de la Seine-Saint-Denis, sur les six candidats que comportait la liste "le renouveau en marche", Monsieur DEMUYNCK a été l'unique candidat proclamé élu le 24 septembre 1995. Messieurs DAVIET et MARTINOT développent dans leurs mémoires une argumentation très semblable pour vous convaincre d'annuler l'élection de Monsieur DEMUYNCK en qualité de sénateur. Ils soutiennent en substance que le deuxième de la liste, Monsieur PERNES, qui est désormais le remplaçant désigné de Monsieur DEMUYNCK, faute d'avoir été élu, était inéligible car il a été suppléant de Monsieur PANDRAUD aux élections législatives du 28 mars 1993.
Et pour les requérants cette inéligibilité qui frappe le remplaçant du sénateur entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'élection du sénateur lui-même.
I. SUR LA RECEVABILITE :
Vous devrez vous interroger d'office sur la recevabilité des deux requérants qui ne demandent pas l'annulation de l'ensemble des opérations électorales mais se bornent à limiter leur contestation à l'annulation de la seule élection de Monsieur DEMUYNCK.
La courant jurisprudentiel dominant conduit à écarter les annulations partielles d'élections au scrutin proportionnel, sur la base du principe d'indivisibilité de telles élections. Cependant, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, il est fait exception à ce principe dans deux cas :
- le premier est celui où le grief invoqué tient à une simple rectification du décompte des voix (CE., Assemblée, 22 octobre 1979, Elections des représentants à l'Assemblée des communautés européennes, p. 385).
- dans le second cas le grief tient à l'inéligibilité d'un candidat ou à une incompatibilité (pour des élections régionales, 16 janvier 1987, Madame WAGNER et autres contre Monsieur BASSOT, requête n° 76-767 et Section, 28 décembre 1992,
Commission nationale des comptes de campagne contre Monsieur BONHOMME, p. 463). L'élu déclaré seul inéligible peut alors être écarté au profit de son remplaçant sans faire tomber toute la liste.
Les requérants poursuivant, en l'espèce, l'inéligibilité du candidat élu Monsieur DEMUYNCK, par voie de conséquence, de celle de Monsieur PERNES qui lui-même serait inéligible sur la liste "le renouveau en marche", je propose d'admettre la recevabilité des requêtes de Messieurs DAVIET et MARTINOT.
II. SUR LE FOND, J'EXAMINE LA QUESTION DE L'INELIGIBILITE DE MONSIEUR PERNES :
Je rappelle que l'article L.O. 296 du code électoral pose le problème selon lequel les conditions d'éligibilité et d'inéligibilité sont, à l'exception de l'âge, communes à l'élection des sénateurs et des députés.
Parmi ces conditions figure la disposition de l'article L.O. 134 issue de l'ordonnance n° 58-1027 du 31 décembre 1958 modifiée, qui est au coeur de la contestation examinée aujourd'hui : "un député, un sénateur ou le remplaçant d'un membre d'une assemblée parlementaire ne peut être le remplaçant d'un candidat à l'Assemblée nationale".
Le Conseil constitutionnel a considéré dans sa décision du 8 novembre 1988, Madame NEIERTZ, p. 193, qui concernait déjà la Seine-Saint-Denis, que cette disposition de l'article L.O. 134 édictait une inéligibilitê destinée à assurer la disponibilité permanente de la personne élue appelée à remplacer le parlementaire dont le siège est devenu vacant. Il s'agit par ce dispositif de remplacement d'éviter ainsi la multiplication d'élections partielles. Dans cette espèce vous avez estimé que l'exigence de cette disponibilité permanente faisait obstacle à ce qu'un candidat à l'Assemblée nationale puisse choisir comme remplaçant la personne qui, en cas de vacance du siège d'un sénateur, serait immédiatement appelée à remplacer ce dernier.
Et vous avez ainsi prononcé l'annulation de l'élection de Madame NEIERTZ à l'Assemblée nationale, au motif que son suppléant, Monsieur FUZIER, était déjà le remplaçant de Monsieur DEBARGE depuis son élection en qualité de sénateur le 28 septembre 1986.
Cette solution dégagée à propos des élections à l'Assemblée nationale doit-elle être transposée, comme le soutiennent les requérants, dans le cadre des élections sénatoriales ? C'est la question à laquelle les requérants vous invitent à répondre aujourd'hui.
Je ferai deux observations préalables :
- en premier lieu je rappelle que les dispositions prévoyant des causes d'inéligibilité sont toujours de stricte interprétation parce qu'elles dérogent au principe de liberté des candidatures ;
- en second lieu, la disposition de l'article L.O. 134 introduit une inéligibilité propre aux remplaçants des candidats qui ne s'applique pas aux candidats eux-mêmes : le remplaçant d'un parlementaire, s'il ne peut se présenter comme suppléant d'un autre candidat, peut en revanche parfaitement se présenter directement comme candidat à l'une ou l'autre des chambres et par suite priver de remplaçant le parlementaire dont il était le suppléant. C'est ce que confirme l'article L.O. 138 d'après lequel "toute personne ayant la qualité de remplaçant d'un député ou d'un sénateur perd cette qualité si elle est élue député ou sénateur" ; que l'article L.O. 297 étend au Sénat les élections sénatoriales.
A fortiori cette inéligibilité ne peut-elle s'appliquer à aucun candidat figurant sur une liste sénatoriale puisque tant que les résultats de l'élection ne sont pas connus, toutes les personnes figurant sur une liste électorale, laquelle comporte autant de noms que de sièges à pourvoir, n'ont qu'une qualité, celle de candidats et non celle de personnes demandant à être élues à l'effet de remplacer le candidat élu. Une inéligibilité devant s'apprécier au moment où s'ouvre le scrutin, il est évidemment impossible de présumer des résultats de celle-ci. Il en résulte qu'au matin du jour de l'élection, Monsieur PERNES était candidat sur la liste "le renouveau en marche" pour être élu sénateur.
Ce n'est donc qu'en apprenant les résultats au soir de l'élection qu'il a changé de qualité pour devenir, selon l'ordre depl88EfiS±ae le premier candidat non élu, c'est à dire le suivant de liste appelé à remplacer Monsieur DEMUYNCK en cas de vacance de son siège pour quelque cause que ce soit, conformément à l'article L.O. 320. La qualité de remplaçant n'est que le résultat du scrutin.
A cet égard, la situation du remplaçant du sénateur se distingue clairement de celle du suppléant du député qui est indissociable du parlementaire parce qu'élu en même temps que lui au point que l'inéligibilité du suppléant entraîne l'annulation de l'élection du titulaire par application des articles L.O. 155 et L.O. 189 du code électoral (5 juillet 1973, AN, Landes, 1ère cire, p. 135).
Toute autre solution aboutirait à méconnaître la liberté fondamentale de candidature posée par l'article L.O. 138.
On observe d'ailleurs que la rédaction de l'article L.O. 134 se prête difficilement à une transposition aux élections sénatoriales au scrutin de liste. En effet le texte deviendrait "un député, un sénateur ou le remplaçant d'un membre d'une assemblée parlementaire ne peut être le remplaçant d'un candidat
au Sénat". Or il n'y a de remplaçant d'un candidat au Sénat que dans le seul cas du scrutin majoritaire car après l'élection on ne peut parler que du remplaçant de l'élu.
Vous noterez que l'accession à la qualité de remplaçant d'un sénateur après l'élection n'est pas sans conséquence, puisque l'intéressé se voit frappé d'inéligibilité au poste de remplaçant d'un député, postérieurement à l'acquisition de sa qualité de remplaçant d'un sénateur.
On pourrait toutefois soulever deux objections a l'encontre de cette interprétation de l'article L.O. 134.
Premièrement, elle ne répondrait pas au voeu du législateur qui est d'organiser par avance un dispositif en cas de vacance d'un siège par l'institution d'un remplaçant disponible de l'élu à tout moment et d'éviter ainsi l'organisation d'élections partielles. Or il est vrai que le remplaçant du sénateur si vous suivez mon analyse étant en même temps suppléant du député, Monsieur PANDRAUD perdra son remplaçant si d'aventure Monsieur DEMUYNCK laissait son siège vacant.
Mais son élection ne serait pas de ce fait remise en cause et si Monsieur PERNES était déclaré inéligible que les candidats venant sur la liste immédiatement après le dernier candidat élu sont appelés à remplacer les sénateurs élus sur cette liste dont le siège deviendrait vacant pour quelque cause que ce soit. Aussi bien dans ce mode de scrutin l'électeur porte son choix sur une liste. Si un élu est écarté il sera remplacé par le suivant de liste évitant ainsi dans la majorité des cas l'organisation d'élection partielles.
En second lieu on peut aussi s'interroger sur la raison d'être de l'article L.O. 134 dans le cadre des élections sénatoriales. Mais cette disposition conserve tous ses effets dans les cas, d'ailleurs les plus nombreux où les élections sénatoriales se déroulent selon le scrutin majoritaire. A cet égard, nous n'aurions eu guère d'hésitation à vous proposer une transposition pure et simple de la jurisprudence "Neiertz", si Monsieur DEMUYNCK avait été élu au scrutin majoritaire à deux tours (article L. 294.) . En effet, le candidat qui en ce cas doit mentionner dans sa déclaration de candidature le nom de la personne appelée à le remplacer comme sénateur dans les hypothèses énumérées à l'article L.O. 319 fait élire son remplaçant en même temps que lui, dans des conditions très voisines de celles du suppléant du député.
Je vous invite donc à considérer que la jurisprudence "Neiertz" n'est pas transposable au scrutin de liste des élections sénatoriales. Monsieur PERNES n'étant pas inéligible, vous rejetterez les requêtes de Messieurs DAVIET et MARTINOT tendant à l'annulation de l'élection de Monsieur DEMUYNCK.
Monsieur le Président : Je vous remercie d'avoir clairement exposé un dossier complexe. Je vais donner la parole aux membres du Conseil sur le fond mais je souhaite que chaque intervenant se prononce également sur le problème de l'audition.
Monsieur ABADIE : Je suis sensible au fait que le problème de fond posé aura un certain retentissement notamment parce que deux décisions différentes à quelques années d'intervalle auront été prises dans le même département.
C'est pour cette raison que je suis réticent sur l'un des considérants. L'argument majeur sur lequel a été fondée la décision "Neiertz Fuzier" et que vous reprenez ici est celui de la disponibilité permanente du remplaçant.
Or ne risquons-nous pas d'être gênés par un tel rappel ? Si on appelle Monsieur PERNES à devenir sénateur à la suite du décès de Monsieur DEMUYNCK, il ne pourra pas remplacer Monsieur PANDRAUD, il ne sera plus disponible, alors même, d'ailleurs, que sa qualité de suppléant de Monsieur PANDRAUD est antérieure et plus "solide" si je puis ainsi m'exprimer.
Il ne me paraît donc pas nécessaire de rappeler le principe de la disponibilité.
Ne peut-on pas modifier le considérant pour dire que l'article L.O. 134 doit être d'interprétation stricte et en soulignant bien que Monsieur PERNES n'est pas remplaçant au sens de l'article L.O. 134 ?
Madame LENOIR : La question qui est posée est de savoir si l'article L.O. 134 s'applique au cas précis d'un candidat dans un scrutin de liste. Monsieur PERNES n'a pas été candidat à la suppléance d'un sénateur mais était candidat au Sénat. En rejetant le recours, nous ne remettrons pas en cause la jurisprudence Neiertz, qui concerne les seules élections au scrutin majoritaire.
Monsieur FAURE : Le cas de Monsieur PERNES est intéressant. S'il était suppléant d'un sénateur élu au scrutin majoritaire, la jurisprudence Neiertz serait tout à fait transposable. Mais ce n'est pas le cas, Monsieur PERNES était candidat à l'élection sénatoriale. Ce n'est que le soir du scrutin qu'il s'est retrouvé remplaçant.
Monsieur ROBERT : Ne devons-nous pas nous borner à l'interprétation stricte de l'article L.O. 134 ? Monsieur PERNES n'était pas le remplaçant d'un candidat au Sénat. C'est pour cela que je pense que le considérant sur la disponibilité est de trop et doit être ôtë de la décision. Quant aux auditions, j'estime qu'elles doivent être réservées à apporter des précisions sur des questions de fait, pas sur des problêmes de droit. Elle ne serait d'aucune utilité dans le cas présent.
Monsieur RUDLOFF : Notre position n'est pas très aisée, du fait de la décision Neiertz et d'une phrase "de trop" dans la décision A.N. Bouches-du-Rhône, 8 juin 1993, au recueil page 70, dont je vous donne lecture :
"Considérant que l'inëligibilitë instituée par l'article L.O. 134 du code électoral a pour objet d'assurer la disponibilité permanente de la personne appelée à remplacer le parlementaire dont le siège devient vacant ; que si cette inéligibilité fait obstacle à ce qu'un candidat à l'Assemblée nationale puisse choisir comme remplaçant la personne qui, en cas de vacance du siège d'un sénateur, serait immédiatement appelée à remplacer celui-ci, elle ne saurait être étendue aux autres personnes ayant seulement vocation à acquérir la qualité de remplaçant" ;
C'est pourquoi on ne peut pas s'en tenir à l'interprétation stricte. On nous reprochera d'avoir "oublié" nos jurisprudences précédentes.
Cela étant la décision de rejet s'impose. Elle est évidente et de bon sens. L'inverse aboutirait à annuler l'élection du premier de liste qui n'y est pour rien. En effet, il ne choisit pas son suivant de liste alors qu'un candidat au scrutin uninominal choisit personnellement son suppléant.
Quant à l'audition de Monsieur Meyet je n'y suis pas favorable. Il faut se limiter à des auditions sur des questions de fait. Mais devons-nous motiver notre rejet ?
Monsieur le Président : Bonne question. La discussion d'hier nous a conduit à penser qu'il n'y avait pas d'obligation.
Madame LENOIR : A la suite des propos de Messieurs ROBERT et RUDLOFF, je voudrais dire que même s'il s'agit uniquement de problèmes de droit, je suis pour l'audition. Sinon on ne va procéder à des auditions que lorsqu'on se proposera d'annuler l'élection.
Monsieur le Président : Le principe est simple. Le Conseil est souverain. Le droit d'entendre, c'est aussi le droit de refuser d'entendre. Je mets de côté l'argument relatif à la personnalité de Monsieur MEYET mais pour un premier exemple, il vaut mieux que ce soit un bon exemple. On ne peut pas exclure d'entendre quelqu'un sur un problème de droit difficile. Mais je crois que chacun a pu se faire son opinion et que l'audition ne s'impose pas.
Monsieur AMELLER : Je suis convaincu par le raisonnement de la section et du rapporteur. Mais je suis également sensible à la proposition de Monsieur ROBERT de s'en tenir à l'interprétation littérale des textes.
Monsieur le Président : Bon, la discussion a fait apparaître que nous allons vers le rejet de la requête mais il faut changer la
rédaction des considérants. Enfin, dans le cas présent, il n'y aura pas d'audition.
Monsieur SCHRAMECK : Pour répondre à cette demande d'audition et exprimer son refus, le Conseil a deux solutions :
- soit viser dans les visas la demande d'audition et dire dans la motivation de la décision qu'il n'y a pas lieu d'y procéder ;
- soit ne pas faire référence à cette demande dans la décision, en se bornant à y répondre négativement dans la lettre de notification de la décision au requérant, puisque, je le souligne, pour la première fois nous notifierons officiellement les décisions aux requérants.
Monsieur ROBERT : Si l'on ne vise pas la demande d'audition, le public ignorera qu'il y a eu demande et que le Conseil l'a refusée.
Madame LENOIR : Je suis pour l'audition mais je suis la seule. En tout état de cause, je pense avec Monsieur ROBERT qu'on ne peut pas "ignorer" la demande dans notre décision, a fortiori eu égard à la personnalité de Monsieur MEYET.
Monsieur CABANNES : C'est un principe juridique constant qu'on n'explicite pas une décision dans une lettre de notification.
Monsieur FAURE : En fait, le vrai problème de fond vient de la jurisprudence Bouches-du-Rhône, avec laquelle nous sommes en contradiction absolue.
Monsieur le Président : Bon, je crois que nous avons fait le tour de la question. Madame, si vous voulez lire le projet de décision.
(Afadame DENIS-LINTON lit le projet).
Monsieur ROBERT : Je suis d'accord avec le projet sauf à supprimer à la page 2 la dernière phrase du 2ème considérant.
Monsieur le Président : A la page 3, ne pourrait-on pas dire "remplaçant éventuel" ?
Monsieur AMELLER : Le mot "éventuel" n'apporte rien.
Monsieur ABADIE : On peut reprendre l'article L.O. 320 qui ne parle pas de remplaçant mais de personne appelée à remplacer.
Madame LENOIR : L'inéligibilité doit s'apprécier au moment de l'élection. Monsieur PERNES ne se présentait pas comme remplaçant. Il faut s'en tenir à la rigueur de la décision proposée.
Monsieur CABANNES : Je propose qu'à la page 3, on écrive "vocation à remplacer" plutôt que "qualité de remplaçant".
Madame LENOIR : Je suis contre cette formule.
Monsieur DAILLY : Je suis solidaire de la décision de section à laquelle j'ai participé mais je ne crois pas qu'on puisse parler de remplaçants. Il n'y a que des suivants de liste, mais qui étaient candidats eux-mêmes. Il ne faudrait pas qu'on nous fasse dire qu'un suppléant ne peut pas être candidat à une élection.
Madame LENOIR : L'inéligibilité doit s'apprécier au moment de l'élection. Et au moment de l'élection, Monsieur PERNES n'était pas remplaçant d'un candidat mais candidat lui-même. C'est suffisant, je ne vois pas ce qu'ajoute la formulation de Monsieur CABANNES.
Monsieur ROBERT : Je suis également de cet avis.
Monsieur FAURE : Il faut bien voir qu'il y a deux catégories de sénateurs, ceux élus au scrutin de liste à la proportionnelle et ceux élus au scrutin majoritaire. Il faut en tenir compte. La notion de remplaçant ne recouvre pas la même réalité dans les deux cas. Nous avons fait une "bêtise" avec la jurisprudence "Bouches-du-Rhône".
Monsieur le Président : Nous rappelons bien dans la décision qu'il s'agit d'un département où les sénateurs sont élus au scrutin de liste. Et si j'ai bien compris, nous conservons la formulation initiale du projet qui vise la "qualité de remplaçant".
(Assentiments).
Monsieur SCHRAMECK : Je me permets de revenir à la demande d'audition : vous pourriez insérer un visa ainsi libellé : vu la demande d'audition présentée par Monsieur MARTINOT. Et en-tête des considérants, indiquer : "considérant qu'il n'y a pas lieu de procéder à l'audition demandée".
Monsieur CABANNES : On pourrait plutôt mettre à la fin de la décision "considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de procéder à l'audition sollicitée, que la requête doit être rejetée". C'est un procédé plus habile et plus discret.
Monsieur RUDLOFF : Quoiqu'il en soit, si systématiquement on rejette les demandes, cela deviendra une clause de style qui ne nous grandira pas.
Monsieur AMELLER : En effet, et c'est pourquoi je suis hostile à ce qu'on vise la demande d'audition dans la décision.
Monsieur SCHRAMECK : Il me semble difficile de traiter par le problème par prétérition.
Madame LENOIR : La lettre de notification refusant l'audition sera, vous vous en doutez, publiée dans la presse. Et l'effet sera encore pire qu'un refus explicite dans la décision.
Monsieur SCHRAMECK : Je suis favorable à ce que propose Monsieur CABAMNES. Sa formule a le mérite de mieux lier le raisonnement juridique et le refus. C'est une solution plus pédagogique. Lorsque le juge administratif refuse explicitement un complément d'instruction, il le fait souvent à la fin de la décision.
(Les conseillers manifestent leur accord à cette proposition).
Monsieur le Président : Votons sur le projet ainsi amendé.
(Le projet est adopté à l'unanimité).
Monsieur le Président : Monsieur BONIN, vous avez la parole sur la requête de la Guadeloupe.
Monsieur BONIN : Monsieur le Président, cette requête est à peine une requête. C'est ce qui a conduit la section à proposer son irrecevabilité. On visera pour ce motif l'article 3 du règlement du Conseil qui permet de déclarer irrecevable une requête qui n'articule aucun moyen.
(Monsieur BONIN procède à la lecture du projet).
Monsieur le Président : Qui est pour ?
(La décision est adoptée à l'unanimité).
Monsieur le Président : Passons à la Martinique. Vous êtes le spécialiste des Antilles, Monsieur BONIN !
(Monsieur BONIN procède à la lecture de son rapport).
I - LES SAISINES
Le Conseil est saisi de deux requêtes :
. L'une émane de Monsieur VIRASSAMY, candidat, qui était aussi délégué suppléant de la commune de Fort-de-France ;
. l'autre émane de Messieurs JUSTON et FEDRONIC, électeurs de la commune de Carbet, et de Monsieur MARAN, conseiller régional, électeur de la commune de Schoelcher.
Monsieur VIRASSAMY met en avant deux moyens :
. D'une part, un des candidats (Monsieur Pierre PETIT, non élu), aurait acheté des suffrages de grands électeurs. On
écartera tout de suite cet étrange moyen, pour n'y plus revenir, dans la mesure où les faits, d'ailleurs simplement allégués (à la limite de la diffamation) ne sont pas imputés aux deux élus, mais à un non-élu ;
. d'autre part, les sept grands électeurs de la commune de Carbet auraient été désignés par un conseil municipal incompétent, car dissout par le tribunal administratif le 11 septembre.
Messieurs JUSTON, FEDRONIC et MARAN demandent en premier lieu l'annulation de l'ordonnance par laquelle le président du Tribunal administratif de Fort-de-France a, le 25 septembre, décidé qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur une demande présentée le 21 précédent par deux des trois requérants et tendant à ce que la désignation des sept grands électeurs de la commune de Carbet soit annulée, que le tableau des grands électeurs publié le 7 septembre par le préfet le soit également, et que les sept délégués élus le 3 septembre soient interdits de vote sénatorial ; par voie de conséquence, ils demandent l'annulation du scrutin pour composition irrégulière du collège électoral ou, à tout le moins, l'annulation du vote des sept grands électeurs du Carbet.
Avant d'examiner le dossier au fond, on indiquera ici d'abord les résultats des sénatoriales à la Martinique, après quoi on exposera la question particulière de la commune de Carbet.
II. LES RESULTATS
Ils ont été les suivants :
CANDIDATS 1er TOUR 2ème TOUR LISE CLaude 308 339 DESIRE Rodolphe 283 300 PETIT Pierre 242 248 MANSCOUR Louis-Joseph 188 198 MAURICE Marcel 168 - SAMOT Pierre 59 54 MILARD Albert 30 - DELBOIS Olga 16 - VIRASSAMY Joseph 5 4Comme on le voit, quel qu'ai pu être le sens du vote des sept grands électeurs du Carbet, il n'était susceptible d'influencer ni l'ordre des arrivées, ni le résultat final du scrutin.
Quant à l'affaire du Carbet, elle se résume ainsi :
Le dimanche 3 septembre 1995, au Carbet comme dans l'ensemble des départements soumis à renouvellement, le conseil municipal s'est réuni et a désigné sept délégués.
Le 7 septembre, le préfet a publié la liste des électeurs sénatoriaux. Par application des dispositions de l'article R. 147 du code électoral, les personnes désireuses de contester tout ou partie de cette liste disposaient de trois jours pour le faire devant le Tribunal administratif.
Aucune contestation n'a été formulée contre l'élection des délégués du Carbet dans ce délai.
Le 11 septembre, le Tribunal administratif de Fort-de-France a annulé les élections municipales intervenues le 11 juin 1995 au Carbet et, en application de l'article L. 250-1 du code électoral, décidé la suspension immédiate du Conseil. Une délégation spéciale a été installée le 19.
Le 21 septembre, Messieurs JUSTON et FEDRONIC ont saisi le Tribunal administratif de la liste des délégués élus au Carbet au motif que, n'étant plus conseillers municipaux, ils ne pouvaient plus être délégués.
Le 24 septembre, ont eu lieu les sénatoriales.
Le 25 septembre, le président du Tribunal administratif a rendu une ordonnance décidant qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur la requête du 21, dans la mesure où, concernant un scrutin qui avait eu lieu, elle était devenue sans objet.
C'est cette ordonnance qui est attaquée et, par elle, l'élection.
III. DISCUSSION
On examinera en premier la question des grands électeurs du Carbet.
On peut l'aborder de trois façons :
. La plus expéditive serait de dire que, régulière ou irrégulière, la participation des sept délégués du Carbet a été sans incidence sur le résultat du scrutin, vu les chiffres, et que par conséquent le moyen est inopérant. Mais comme les requérants soulèvent quant même un problème de fond non dépourvu d'intérêt, il y a lieu d'écarter ce procédé ;
. une deuxième solution expéditive serait de s'appuyer sur le fait que, le moyen n'ayant pas été invoqué devant le Tribunal administratif en temps voulu tant par Monsieur VIRASSAMY (qui n'a pas déposé de requête, quoiqu'il eût le droit de le
faire) que par Monsieur JUSTON et autres (qui ont déposé une requête tardive), il ne pouvait plus l'être après et notamment devant le Conseil. Toutefois, comme l'événement qui sous-tend le moyen (la suspension du conseil municipal) est postérieur à la date d'expiration du délai de dépôt des requêtes en annulation des désignations de délégués, on friserait le déni de justice ; malgré tout, l'irrecevabilité des moyens ainsi invoqués étant soutenue par les élus mis en cause, il faut en dire quelque chose ;
. une troisième solution est en fait de ne pas s'attarder sur la recevabilité de la requête présentée devant le Tribunal administratif de Fort-de-France, mais d'aller au fond, en examinant en quelque sorte les moyens que le Tribunal administratif n'a pas eu le temps matériel d'examiner.
Il peut se résumer ainsi : si la désignation des grands électeurs du Carbet a bien été faite le 3 septembre par un conseil régulièrement en fonctions, il n'en reste pas moins que les élections du 11 juin 1995 ont été annulées le 11 septembre, et le conseil municipal suspendu. Le 24 septembre, les délégués du Carbet n'avaient plus la qualité de conseillers municipaux.
Il est de jurisprudence constante (tellement constante que vous excuserez votre rapporteur-adjoint de ne pas en citer des exemples...) que les délibérations d'une assemblée élue sont valables tant que cette assemblée n'a pas été dissoute ou invalidée.
Le 3 septembre, le conseil municipal du Carbet n'avait pas été suspendu. Par conséquent, il a régulièrement désigné ses sept délégués et cinq suppléants.
Au demeurant, même s'il avait été suspendu le 3 septembre, le président de la délégation spéciale aurait dû le réunir au seul effet de désigner les délégués et suppléants. Il résulte en effet de l'article L. 290 qu'un conseil municipal dissout, définitivement invalidé ou démissionnaire à la date légale de désignation des délégués est en quelque sorte ressuscité au seul effet de procéder à cette désignation. A fortiori, un conseil simplement suspendu par une décision de Tribunal administratif est habile à procéder à une telle désignation.
Le fait que la suspension soit postérieure à la désignation ne fait que conforter la validité de l'ensemble des opérations.
Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble des demandes.
Quant à la question des achats de suffrages par Monsieur PETIT, candidat non élu, elle peut être évidemment écartée au double motif que le requérant n'établit aucun fait et que l'auteur supposé n'a pas été élu.
motif que le requérant n'établit aucun fait et que l'auteur supposé n'a pas été élu.
Monsieur le Président : Qu'en pense le Conseil ?
Monsieur FAURE : La section a donné un avis unanime.
Monsieur le Secrétaire général : Monsieur le Président, il y a une demande d'audition, sous une forme un peu particulière, il est vrai.
Monsieur BONIN : Cette demande figure dans le mémoire en réplique : "SOUS TOUTES RESERVES et notamment de développer ou de faire développer des observations orales, le cas échéant, par l'organe de leur mandataire, à l'audience publique à laquelle la présente requête sera portée pour être jugée et de produire eux-mêmes ou de faire produire par les autorités préfectorales et municipales, la délégation spéciale et tous services compétents, toutes pièces utiles à l'instruction".
Monsieur le Président : Ce n'est pas une demande !
Monsieur FAURE : On n'en parle pas !
Monsieur le Président : Lisez le projet de décision, s'il vous plaît.
(Monsieur BONIN lit le projet).
Monsieur le Président : Qui est pour l'adoption de cette décision ? Elle est adoptée à l'unanimité. Passons à la Somme.
Monsieur BONIN : Les élections sénatoriales de la Somme, le 24 septembre 1995, comportaient 1726 électeurs ; il y a eu 1705 votants à l'un et l'autre tours, 1664 exprimés au premier tour et seulement 1630 au second. Les résultats des deux tours sont résumés par le tableau suivant, où le nombre des suffrages obtenu par les élus est en gras.
CAMDIDATS 1ER TOUR 2EME TOUR DEMILLY Fernand 943 MOSSION Jacques 500 346 DENEUX Marcel 643 766 MARTIN Pierre 514 719 BROUTON Jean-Pierre 418 456 FOURDINIER Jacques 226 - GONNIER Jacques 166 - TICKETT Hubert-Henry 73 36 BRASSEUR Raynald 50 28 MANABLE Christian 260 307 TEMMERMANN Gilbert 244 - CARDON Didier 208 - CHAMPION Guy 133 277 LEBLANC Chantai 131 - LOGNON René 129 -
Comme on le constate, il y a eu 41 bulletins nuls au premier tour. Le président du conseil général, Monsieur DEMILLY, a été élu confortablement avec près de 57 % des suffrages.
II. LES MOYENS DU REQUERANT :
L'élection est attaquée par l'un des candidats, Monsieur Guy CHAMPION, maire de Mers-les-Bains, au motif qu'au premier tour, les bulletins de vote que ses colistiers (Mme LEBLANC et M. LOGNON) et lui-même avaient fourni à la commission de propagande n'ont pas été mis à la disposition des électeurs, ayant été égarés on ne sait trop comment et quand.
Monsieur CHAMPION tire de cet événement, incontestable en lui-même et de toute évidence fâcheux, deux conséquences qui, selon lui, impliquent deux conclusions :
La première conséquence est que ses colistiers et lui-même ont été privés d'un nombre appréciable de suffrages, leurs électeurs potentiels se trouvant hors d'état de voter pour les candidats ayant leur préférence.
La deuxième conséquence tient à une décision prise immédiatement par le président du bureau de vote. Constatant, dès l'ouverture du scrutin, qu'on ne trouvait décidément pas les fameux bulletins, ce magistrat a décidé de faire mettre à la disposition des électeurs les circulaires électorales de Monsieur CHAMPION et de ses colistiers, en indiquant clairement que ces documents seraient décomptés comme bulletins valablement exprimés - ce qui fut fait en effet. Monsieur CHAMPION observe que, les circulaires en question étant notablement plus grandes que les bulletins de vote du format réglementaire, donnaient, une fois pliées, aux enveloppes électorales qui les contenaient une épaisseur visiblement anormale de nature à nuire au secret du note. Il en conclut derechef que des électeurs désireux de voter pour lui s'en sont abstenus pour cette raison.
Selon le requérant, il résulte de ces deux moyens que le premier tour est entaché de vice et doit être annulé et que, partant, le second tour aussi doit être annulé.
III. LES ARGUMENTS EN DEFENSE :
Un des sénateurs élus expose que les bulletins imprimés n'étant pas nécessaires dans une sénatoriale, la perte des bulletins de Monsieur CHAMPION est sans influence sur le scrutin.
Les autres arguments, communs aux trois sénateurs, se résument à deux en ce qui concerne le premier tour :
. En premier lieu, que l'utilisation des circulaires électorales ne nuisait pas au secret du vote dès lors que les électeurs passaient dans l'isoloir et introduisaient eux-mêmes leur enveloppe dans l'urne, comme le veut le code électoral et comme cela s'est fait.
. En second lieu, que le nombre de votants -exactement identique aux deux tours, alors qu'au second tour, les bulletins où Monsieur CHAMPION figurait (dans une "liste d'union") étaient régulièrement à disposition des électeurs- prouve qu'aucun électeur de Monsieur CHAMPION ne s'est senti démuni du moyen d'exprimer son vote. Dans le cas contraire, en effet, on peut présumer que certains auraient peut-être voté pour un autre candidat, mais que beaucoup d'autres, la plupart sans doute, se seraient abstenus ou auraient vote nul ou blanc.
En outre, comme, à la différence des élections législatives ou cantonales, aucune condition de résultat au premier tour n'est requise pour être présent au second tour d'une sénatoriale, il est évident qu'on ne peut exciper de quelque événement que ce soit au premier tour pour demander l'annulation du second, sauf à prouver que des candidats ont été indûment élus au premier tour.
IV. DISCUSSION :
Le moyen du requérant ayant la portée la plus grande, si on le retient, est relatif au secret du vote. Le secret du scrutin, principe constitutionnel, est en effet d'ordre public : s'il est établi qu'il a été manifestement et itérativement méconnu, l'annulation du scrutin s'impose. Mais en l'espèce, on peut le rejeter sans état d'âme, pour les mêmes raisons mêmes exposées par les mémoires en défense : présence d'isoloirs et introduction des enveloppes dans les urnes par les électeurs eux-mêmes.
Quant aux autres moyens :
Votre rapporteur n'est pas enclin à suivre l'argumentation péremptoire selon laquelle la perte des bulletins serait sans incidence. En effet, si les candidats ont la faculté de déposer des bulletins et s'ils le font, c'est la moindre des choses que les électeurs les trouvent à leur disposition, en particulier si les autres candidats, ayant accompli la même démarche, ne sont pas victimes du même mécompte. Encore faut-il mesure l'incidence. En l'espèce, il est évident que si, par exemple, Monsieur DEMILLY avait été élu au premier tour avec une voix de plus que la majorité absolue, il y aurait un problème, puisqu'il suffirait de présumer que trois électeurs de Monsieur CHAMPION ont préféré s'abstenir pour que la majorité absolue progresse de deux, empêchant l'élection au premier tour.
On posera donc en principe que si l'incident énoncé n'est pas nécessairement sans portée, il faut que le requérant fournisse les éléments permettant d'estimer cette portée.
Au cas d'espèce, le requérant n'apporte aucun argument précis ni convaincant. S'il y en a eu une (ce qui est rien moins que sûr), elle a été minime. Le nombre des votants, égal aux deux tours, le très faible nombre de bulletins blancs ou nuls, montrent qu'aucun trouble n'a saisi une part significative du corps électoral. C'est dû sans doute à la sage et prompte décision du président du bureau de vote.
Dès lors, la requête de Monsieur CHAMPION doit être écartée, en ce qui concerne le premier tour. L'élection au premier tour ne pouvant être acquise qu'à la majorité absolue, Monsieur CHAMPION serait fondé à demander l'annulation de l'élection de Monsieur DEMILLY s'il établissait une démonstration tendant à prouver que l'absence de ses bulletins a permis à ce dernier de dépasser cette majorité. Monsieur CHAMPION a suffisamment de bon sens pour ne rien alléguer de tel.
En ce qui concerne le second tour, il y a lieu de suivre les défendeurs : puisque aucune condition résultant du premier tour n'est imposée pour être candidat au second, aucune irrégularité du premier tour ne peut, à elle seule, et si grave soit-elle, entraîner l'annulation du second.
Monsieur le Président : Monsieur Maurice FAURE.
Monsieur FAURE : La première section a donné son accord à l'unanimité sur ce projet mais en souhaitant que l'on insiste sur le caractère regrettable de ces irrégularités.
Monsieur le Président : Je partage ce point de vue.
Monsieur DAILLY : Moi je suis personnellement pour annuler cette élection. Voilà qu'on vote avec des professions de foi ! C'est totalement anormal ! Par ailleurs, il n'est pas difficile de vérifier l'approvisionnement du bureau de vote en bulletins ! Cela dénote une négligence grave. On ne peut pas exprimer normalement son vote dans ces conditions !
Monsieur ABADIE : Est-on sûr que d'autres circonstances n'auraient pas changé l'issue de l'élection ? Monsieur DEMILLY a obtenu 346 voix et Monsieur CHAMPION 277 voix.
Monsieur BONIN : mais au second tour, il y a eu liste commune entre le Parti Communiste et le Parti Socialiste !
Monsieur ABADIE : Il faudrait peut-être ajouter : "eu égard aux résultats au premier et au second tour".
Madame LENOIR : Le déroulement de ce scrutin est totalement inadmissible, j'en conviens. Mais l'écart de voix est tel que ces irrégularités sont sans effet sur le résultat du scrutin. Il faudrait cependant renforcer la motivation sur le caractère extrêmement regrettable des faits.
Monsieur BONIN : La configuration politique des deux tours est très différente. Les comparaisons du nombre de voix entre les deux tours sont donc de peu d'intérêt. Par ailleurs, si on enlève la totalité des voix obtenues par Monsieur CHAMPION au premier tour du nombre de voix obtenu par Monsieur DEMILLY, on est encore loin du compte !
Monsieur le Président : Les chiffres sont là en effet. Mais c'est autre chose qui me choque : comment dire avec certitude que le secret du vote n'a pas été violé ?
Monsieur ROBERT : Je suis aussi choqué que vous par cette jurisprudence qui est aussi celle du Conseil d'Etat. On dit : l'irrégularité est inadmissible, et on n'annule pas ! Dans certains cas, il faudrait réagir !
Monsieur RUDLOFF : Ne faudrait-il pas signaler les faits au Procureur de la République pour qu'une enquête soit diligentée ? Il y a eu vol de ses bulletins. Il n'est pas normal que ces bulletins aient disparu sans que quiconque y attache d'importance.
Monsieur DAILLY : Le président du bureau de vote est responsable ! C'est une manière de le sanctionner que d'en finir avec cette jurisprudence. Comment un président de tribunal de grande instance peut-il prendre aussi peu au sérieux une élection sénatoriale ?
Monsieur AMELLER : Je crains de ne pas être tout-à-fait d'accord. Nous sommes au premier tour. Et à l'issue du deuxième tour, il y a un élu incontestable !
Monsieur ABADIE : Est-ce que le cas du Var est analogue ? Ne pourrait-on les examiner ensemble ?
Monsieur le Président : Monsieur Maurice FAURE.
Monsieur FAURE : La section s'est prononcée en toute conscience. Quand le président du tribunal de grande instance ouvre le bureau, il est sensé trouver les bulletins. En l'absence des bulletins manquants, il a fait le nécessaire : fournir des bulletins blancs d'abord, autoriser l'utilisation des circulaires ensuite.
Madame LENOIR : Je suis d'accord. Nous ne sommes pas juges de la "mal administration". Nous sommes juges de la régularité du scrutin. C'est la raison pour laquelle je tiens beaucoup à notre jurisprudence qui est la seule réaliste. Si on veut changer, il faut le faire dans un cas plus flagrant !
Monsieur CABANNES : Je suis d'accord avec Madame LENOIR. Mais je propose de corser un peu la rédaction : "que de telles irrégularités présentent un caractère d'indéniable gravité ; qu'elles ne peuvent toutefois, dans les circonstances de l'espèce, ...".
Monsieur DAILLY : Je m'abstiendrai donc.
Monsieur RUDLOFF : Si conséquence il y aurait pu y avoir, c'eût été au préjudice de Monsieur MOSSION qui n'arrive qu'à 14 voix derrière celui qui a été élu. Je reste assez partisan de saisir le Procureur de la République. C'est tout de même une chose très grave ! Et il n'y a eu aucune enquête !
Monsieur FAURE : Nous ne pouvons pas saisir le Procureur mais seulement le Garde des Sceaux.
Monsieur le Président : J'ai connu un problème analogue : des sacs postaux envoyés en Corrèze ont disparu bel et bien. Ils avaient été "aiguillés" vers les Bouches-du-Rhône ! Un jour, il faudra bien rappeler les principes !
Monsieur ABADIE : Est-ce qu'on ajoute finalement "eu égard à l'écart des voix" ?
Monsieur BONIN : Cette notion d'écart de voix est implicite au projet.
Monsieur le Président : Je mets la décision aux voix.
(La décision est adoptée à la majorité avec deux abstentions : Messieurs ROBERT et DAILLY).
Passons à la requête "français de l'étranger".
(Monsieur BONIN lit le projet de décision).
Monsieur le Président : La décision est un peu laconique.
Madame LENOIR : Le moyen relatif à l'intervention de Monsieur MONORY à la télévision mériterait une réponse.
Monsieur BONIN : Mais il n'y a pas eu d'instruction ! Il est difficile d'entrer dans le détail des griefs.
Monsieur le Président : Suivons donc notre section. Je mets la décision au vote (elle est adoptée à l'unanimité).
(La séance est levée quelques minutes. Elle est reprise à 17 h 25).
Monsieur le Président : Monsieur TOUVET, vous avez la parole sur le département de la Seine.
(Monsieur TOUVET donne lecture de son rapport).
Les élections sénatoriales se sont déroulées le 24 septembre 1995. Dans le département de Paris, 12 sièges étaient à pourvoir au scrutin proportionnel à la plus forte moyenne sans panachage ni vote préférentiel, en application de l'article L. 295 du code électoral.
Sur 2 342 inscrits, il y eut 2 336 votants et 2 281 suffrages exprimés.
Ont obtenu :
LISTE TETE DE LISTE VOIX % SIEGES Union de la Philippe de 1 176 51,6 7 majorité Gaulle Paris s'éveille Claude ESTIER 868 38,1 5 Liste indépendante d'action Alain DUMAIT 164 7,2 0 libérale Majorité autrement Jean-Charles de VINCENTI 66 2,9 0 Rassemblement des Evelyne 7 0,3 0 écologistes FerreiraLe scrutin est contesté dans son ensemble par Monsieur Alain DUMAIT, candidat malheureux, qui a obtenu 164 voix alors que le quotient ayant déterminé l'attribution du 12ème et dernier siège est de 168. Il demande l'annulation du scrutin et sa proclamation à la place du dernier élu de liste "Union de la majorité", Monsieur CHERIOUX.
Monsieur DUMAIT présente une requête très peu argumentée dont vous pourrez rejeter facilement les différents griefs. Plusieurs terrains sont possibles.
1. Recevabilité de la requête :
Bien que ce ne soit pas indispensable, vous pourrez auparavant statuer sur la recevabilité de sa requête, qui est contestée par les 7 sénateurs élus sur la liste "union de la majorité".
Ils font valoir que Monsieur DUMAIT serait irrecevable pour avoir présenté sa requête au nom de la "liste indépendante d'action libérale".
La requête commence ainsi : "Recours déposé (...) par Monsieur Alain DUMAIT au nom de la liste...", et se termine par : "Pour la liste..., signé : Alain DUMAIT".
Votre jurisprudence, fondée sur l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, est nuancée sur cette question :
- d'une part, vous déclarez recevable la requête signée par une personne inscrite sur les listes électorales du département, indépendamment de la mention de sa qualité de
mandataire de la liste d'un parti politique (C.C. n° 86-1003, A.N. Dordogne, p. 46) ou de ses fonctions de responsable départemental d'un parti politique (C.C. n° 86-1011, 17 juin 1986, A.N. Pyrénées-Orientales, p. 56) ;
- d'autre part, vous déclarez irrecevable les contestations présentées par un parti ou un groupement politique, alors même que la personne qui agit au nom du parti ou du groupement est, soit inscrite sur les listes électorales, soit candidate à l'élection (C.C. n° 88-1055, 3 octobre 1988, A.N. Alpes-Maritimes, 9ème cire. p. 134 ; table trentenaire, p. 519 ; n° 89-1133/1136, 5 décembre 1989, Sénat Gironde, p. 104).
Même maladroitement rédigée, il nous semble que cette requête doit être interprétée comme celle de Monsieur DUMAIT et non celle d'un parti politique qui n'est jamais mentionné. Les termes "au nom de la liste" et "pour la liste" signifient plutôt que les autres candidats de la liste qu'il conduisait s'associent à sa requête (même si aucun mandat n'est produit).
Nous vous proposons donc de déclarer la requête recevable.
Sinon, vous pourrez adopter le projet subsidiaire n° 1.
2. Griefs relatifs aux procurations :
- soit répondre (ainsi que vous le suggèrent les sénateurs élus), que le vote par procuration n'est pas admis aux élections sénatoriales, les articles L. 71 à L. 78 relatifs au vote par procuration n'étant pas applicables à l'élection des sénateurs (cf. art. L. 316). Un électeur empêché produit un certificat au président du bureau de vote qui autorise alors un suppléant à voter (art. L. 289 et art. R. 166).
C'est ce que nous vous proposons.
- soit interpréter la requête de façon bienveillante en lisant les termes "procurations" comme certificats (médicaux ou de l'employeur) présentés par des candidats pour justifier leur absence (ce serait le projet subsidiaire n° 2).
Mais il n'y aucune raison à requalifier ainsi une requête très sommaire et dépourvue de tout commencement de preuve, ainsi qu'il vous est ainsi exposé :
- Plusieurs procurations ne sont pas accompagnées de certificats médicaux.
L'article R. 73 du code électoral, aux termes duquel "la demande doit être formulée par écrit et accompagnée d'un certificat médical justifiant que l'électeur est dans l'impossibilité manifeste de comparaître", n'est pas applicable à l'élection des
sénateurs. Mais Monsieur DUMAIT allègue seulement que les procurations "ne sont pas accompagnées de certificats médicaux" et le grief n'est pas assorti d'aucune précision ni d'aucun commencement de preuve. Les sénateurs élus produisent une quinzaine de certificats médicaux établis au profit d'électeurs empêchés pour permettre à leur suppléant de vote à leur place. Rejet du grief.
- Plusieurs procurations ont été établies par le même médecin.
Aucune disposition du code électoral n'interdit que le même médecin établisse plusieurs certificats pour des électeurs différents. Les certificats médicaux produits démentent ces allégations, imprécises et dépourvues de tout commencement de preuve. Seuls deux électeurs présentent un certificat établi par le même médecin, lui même électeur et empêché puisqu'il s'est fait remplacer par un suppléant. Mais ces circonstances n'ont rien d'irrégulier.
- Le nombre élevé de procurations est suspect.
D'abord, il est difficile de suivre le protestataire qui trouve élevé un nombre de 20 "procurations" pour plus de 2000 inscrits.
Ensuite, il n'apporte aucun élément de nature à établir la suspicion qu'il porte à 1'encontre de ces procurations.
3. Griefs relatifs au déroulement du scrutin :
A la 2ème section, il y aurait eu une enveloppe de plus que le nombre d'inscrits, ce qui n'apparaîtrait pas au procès-verbal.
L'allégation est exacte, puisque le procès-verbal de la 2ème section mentionne la présence dans l'urne de 201 enveloppes pour 200 inscrits.
Même si le requérant ne le demande pas, se contentant de faire allusion à cette différence, il nous semble que vous devrez dire que ce suffrage en trop n'est pas susceptible de modifier le résultat du scrutin. En enlevant alternativement une voix à chacune des lites, l'attribution des sièges reste inchangée.
4. Griefs relatifs au dépouillement :
- Le protestataire soutient que les mandataires des listes de candidats n'étaient pas présents auprès du président du collège électoral, lors de la décision du bureau concernant
les bulletins blancs ou nuls, ni lors de la rédaction du procès-verbal. Ils n'ont donc pas pu faire valoir leurs observations.
Mais il n'est pas allégué que ces mandataires aient été empêchés d'être présents et de surveiller ainsi les opérations de dépouillement. Leur absence ne résulte que de leur fait et n'est donc pas susceptible de conduire à l'annulation des opérations électorales (9.7.1963, A.N. Corse, 3ème, Rec. p. 147).
Aucun des griefs n'étant fondé, la protestation sera rejetée.
Votre section a trouvé délicat le rejet fondé sur le constat qu'il n'y aurait pas de procuration dans le scrutin sénatorial en raison des dispositions de l'article R. 147. Elle qui admet des procurations dans certains cas, a préféré redresser les moyens de la requête en affirmant qu'il ne s'agit pas de "procurations" mais de votes par des suppléants des grands électeurs.
Monsieur le Président : Monsieur CABANNES...
Monsieur CABANNES : Je propose que l'on ne statue pas sur la recevabilité de la requête et que l'on affirme en tête de la décision : "Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête".
(Monsieur TOUVET donne lecture de la décision).
Monsieur le Secrétaire général : Je propose qu'on fasse disparaître le premier paragraphe relatif au vote par des suppléants. Il n'ajoute rien.
Madame LENOIR : On peut le faire.
Monsieur le Président : Tout à fait. Nous sommes d'accord. Qui est pour l'adoption ?
Unanimité.
Monsieur le Président : Nous prenons le dernier point de l'ordre du jour : la loi organique prise pour l'application de la révision constitutionnelle. Monsieur AMELLER, vous avez la parole.
Monsieur AMELLER : Nous sommes aujourd'hui saisis d'une loi organique qui a pour unique objet de tirer les conséquences de la révision constitutionnelle de l'été dernier en modifiant des dispositions de nature organique ayant pour point commun entre elles de faire référence à l'existence de deux sessions ordinaires du Parlement. Aussi bien aurait-on pu baptiser ce projet, selon une terminologie ailleurs employée, de D.D.O.O. "diverses dispositions d'ordre organique", encore que cette expression corresponde généralement à des lois de finalités diverses.
Comme l'a souligné le Garde des sceaux en présentant ce projet de loi : "Le Gouvernement a entendu se cantonner dans une tâche que l'on pourrait qualifier de notariat institutionnel. En d'autres termes, il n'a fait que tirer les conséquences pratiques et immédiatement nécessaires de l'instauration d'une session unique, sans vouloir innover en quoi que ce soit. Il n'a donc pas été envisagé de modifier au fond l'état du droit existant, et les calendriers prévus par les textes ont été respectés dans toute la mesure du possible. C'est ainsi en quelque sorte un "aménagement à droit constant" qui vous est proposé".
Il n'est donc pas étonnant que ce texte n'ait suscité aucun affrontement ou polémique. Il a été adopté conforme - sans amendement - par l'Assemblée et le Sénat, au terme d'une seule lecture et sans qu'un seul groupe politique émette un vote négatif. Je vous rappelle qu'il s'agit d'une loi organique dont un article a trait au Sénat, et que la navette aurait en théorie pu se poursuivre indéfiniment.
En application de l'article 61 alinéa 1er de la Constitution, le Premier ministre nous l'a transmis le 16 novembre dernier afin que nous examinions sa conformité à la Constitution comme nous devons obligatoirement le faire pour les lois organiques et les règlements des assemblées parlementaires. Le délai constitutionnel dans lequel nous devons nous prononcer est, comme pour les lois ordinaires, d'un mois et en délibérant aujourd'hui, nous le respectons donc largement.
Lorsque nous aurons rendu notre décision sur ce texte et, dans quelques jours, sur le Règlement du Sénat, l'ensemble des dispositions nécessitées par la mise en oeuvre de la révision constitutionnelle sera donc opérationnel, étant rappelé que les les mesures législatives ordinaires nécessaires sont encore en navette entre les assemblées.
-oOo-
L'article 1er modifie l'article L.O. 121 du code électoral afin de fixer le terme des pouvoirs de l'Assemblée nationale en tenant compte de l'instauration de la session unique.
La durée des pouvoirs de chaque chambre est en effet fixée, en application de l'article 25 de la Constitution par une loi organique et les dispositions de celles-ci sont codifiées par le code électoral.
L'article L.O. 121 dispose que les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent "à l'ouverture de la session ordinaire d'avril de la cinquième année qui suit son élection". L'adaptation de ce texte était en tout état de cause nécessaire puisqu'il n'y a plus de session de printemps mais une session unique d'octobre à juin.
Toutefois, plusieurs solutions étaient possibles :
- On pouvait tout d'abord envisager de retenir le terme de la session, c'est-à-dire fin juin, mais cela aurait conduit à proroger les pouvoirs de l'actuelle Assemblée de trois mois. En outre, une telle solution aurait conduit toute Assemblée nouvellement élue à commencer par s'ajourner pendant trois mois, sauf réunion du Parlement en session extraordinaire, ce qui, ne serait-ce qu'en période de cohabitation, peut se révéler délicat.
- On pouvait ensuite concevoir l'inverse, c'est-à-dire l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée à l'ouverture de la session unique d'octobre ce qui là, aurait eu pour effet d'amputer le mandat de l'actuelle Assemblée de 6 mois et surtout aurait conduit à l'organisation des élections générales en plein été, ce qui n'est guère envisageable.
- C'est pourquoi il a été choisi de conserver la situation actuelle en prévoyant que les pouvoirs de l'Assemblée expireront début avril. C'est la solution la plus simple, qui aura toutefois comme inconvénient de ressusciter de fait, une fois tous les cinq ans, le système des deux sessions. Dans la pratique en effet, il est vraisemblable que l'Assemblée s'ajournera une bonne partie de l'hiver jusqu'aux élections qui auront lieu en mars puisque la rédaction de l'article L.O. 122, aux termes duquel les élections générales ont lieu dans les soixante jours qui précèdent l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée, demeure inchangée.
Toutefois, le nouvel article 121, dans la rédaction qui nous est soumise, ne pouvant naturellement plus faire référence à l'ouverture de la seconde session ordinaire, vise désormais le "premier mardi d'avril".
En effet, par coordination -anticipée- avec l'instauration de la semaine de trois jours qui commence le mardi et s'achève le jeudi, ainsi que l'ont prévu les règlements des deux assemblées, le Gouvernement et le Parlement ont préféré viser expressément le premier jour de la semaine parlementaire dont la date sera donc variable plutôt qu'un quantième du mois, par nature fixe, mais qui pouvait se révéler être un des autres jours de la semaine.
Cet article ne soulève aucun problème de constitutionnalité.
Monsieur le Président : Quelqu'un demande t-il la parole ?
Monsieur RUDLOFF : Pour la première fois, comment va-t-on calculer les 120 jours ? Les nouveaux élus risquent d'avoir moins
de latitude si leurs prédécesseurs ont déjà "consommé" de nombreux jours de séance. A moins que les 120 ne soient pas répartis, en cas d'élections, sur l'ensemble de l'année.
Monsieur AMELLER : Les 120 jours auront déjà été entamés par la chambre précédente. Le décompte commencera dès le 2 octobre.
Monsieur le Président : Entre avril et octobre, une nouvelle Assemblée pourra donc ne disposer que des jours que lui aura laissés la précédente ?
Monsieur AMELLER : Oui, les 120 jours sont comptés du début jusqu'à la fin de la session -fin du mois de juin- sans considération de la chambre en fonction.
Monsieur FAURE : Lorsque l'article vise le premier mardi, faut-il lire le premier mardi à 0 heure ou à minuit ?
Monsieur AMELLER : Le rapport HYEST répond à cette question mais de façon erronée. Il considère que c'est le mardi 1er avril à 24 heures. Mais pas du tout, l'idée est justement de profiter du jour de séance du mardi.
Monsieur FAURE : Ça laisse un petit doute. D'ailleurs, Monsieur HYEST conclut à l'inverse.
Monsieur DAILLY : Les 120 jours c'est pour le Parlement, pas seulement l'Assemblée nationale. Je trouve assez amusant de penser que nous avons examiné déjà le règlement de l'Assemblée nationale pris en fonction de la loi organique, alors que nous analysons cette loi aujourd'hui seulement. Il y a un certain illogisme dans le calendrier de nos délibérations.
Monsieur AMELLER : Les 120 jours s'appliquent aux deux assemblées mais en l'occurrence l'article 1er ne concerne que l'Assemblée. La loi organique n'a aucune répercussion sur les règlements des assemblées.
Madame LENOIR : Elle aurait pu en avoir.
Monsieur le Secrétaire général : Le Conseil constitutionnel s'est trouvé confronté à des exigences de calendrier qu'il ne pouvait pas contourner, car il a été saisi de la loi organique après l'expiration du délai d'examen pour le règlement de l'Assemblée nationale. Cela aurait pu poser un problème. Mais dans ce cas, il aurait appartenu à l'Assemblée nationale de modifier son règlement en fonction de la loi organique adoptée postérieurement.
Monsieur DAILLY : Le Secrétaire général a raison. Nous avons été saisis le 12 octobre et nous l'avons examinée le 10 novembre.
(Le projet de décision sur l'article 1er est adopté).
Monsieur AMELLER : L'article 2 procède à une modification de même nature en ce qui concerne l'expiration du mandat des sénateurs sortants et l'entrée en fonction des nouveaux sénateurs. Actuellement, aux termes de l'article L.O. 277 du code électoral, "Dans chaque série (-je vous rappelle que les sénateurs sont classés en trois séries, A, B et C, selon leur département d'élection et que ces séries sont renouvelées tous les trois ans-) le mandat des sénateurs commence à l'ouverture de la session ordinaire d'octobre qui suit leur élection, date à laquelle expire le mandat des sénateurs antérieurement en fonctions". L'article 2 de la loi organique se borne à une modification minimale : la suppression des mots "d'octobre", c'est-à-dire à une modification de stricte forme, indispensable du point de vue de la cohérence des textes, mais qui dans la pratique n'a pas empêché il y a deux mois le renouvellement de la série C du Sénat.
Cet article ne pose naturellement aucun problème de constitutionnalité.
(Le projet de décision sur l'article 2 est adopté sans discussion).
Les articles 3 et 4 modifient l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
L'article 38 de cette ordonnance prévoit le dépôt d'un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques au plus tard le 1er juin si aucun projet de loi de finances rectificative n'est déposé par le Gouvernement au cours de la deuxième session du Parlement. L'article 3 de la loi organique tire les conséquences de l'instauration de la session unique et modifie l'article 38 en faisant coïncider l'expiration du délai prévu pour le dépôt du collectif budgétaire et le délai fixé pour le dépôt du rapport lui-même, c'est-à-dire, dans les deux cas, la date du 1er juin. Cette modification n'est contraire à aucune disposition constitutionnelle.
(Le projet de décision sur l'article 3 est adopté sans discussion).
Enfin, l'article 4 de la loi organique, modifie l'article 44 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, relatif à la procédure applicable en l'absence de dépôt de projet de loi de finances en temps utile.
(Le projet de décision sur l'article 4 est adopté sans discussion).
Monsieur le Président : Je consulte le Conseil sur l'ensemble.
Monsieur RUDLOFF : Je ne comprends pas le sens de la modification de l'article 4... Est-ce parce que, avant, on parlait de "session" ?
Monsieur AMELLER : Eh oui ! En retenant l'idée que le 20 décembre, tout devait être terminé.
Monsieur FAURE : Nous, nous sommes tenus de siéger entre le 20 et le 30 décembre... (sourires).
(L'ensemble du projet de décision est adopté à l'unanimité).
Monsieur le Secrétaire général : Voici le programme à venir : vendredi 15 décembre : affaires contentieuses sénatoriales, Var, Bas-Rhin, Vaucluse, éventuellement affaire législative du Bas-Rhin.
Les affaires d'incompatibilités ne seront pas susceptibles d'être examinées. C'est Monsieur le Préfet qui rapporte et il sera cette semaine là au Mali.
Le Conseil devrait siéger les 28, 29 et, le cas échéant le 30 décembre.
La séance est levée à 18 h 30.
Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.