SÉANCE DU 15 DECEMBRE 1995
La séance est ouverte à 10 heures en présence de tous les conseillers.
M. le Président : Je suis invité mardi par le Président fédéral suisse et je souhaiterais être représenté à la cérémonie d’hommage à Itzhak RABIN au Carrousel du Louvre, en présence de Mme RABIN et du Chef de l’État à la cérémonie qui se déroule le même jour à 20 h 30.
M. FAURE : Je ne suis pas sûr d’être là.
M. ROBERT : Moi non plus, mais si le Ministre d’État ne peut pas, je pourrais faire un effort.
M. le Président : Bien, M. AMELLER, vous avez maintenant la parole pour rapporter sur le Règlement du Sénat.
M. AMELLER : Comme l’Assemblée nationale, le Sénat a modifié son règlement pour tirer les conséquences de la réforme constitutionnelle du mois d’août dernier qui a instauré une session ordinaire unique du Parlement, élargi le champ du referendum et modifié le régime des immunités parlementaires.
La préparation de la résolution modifiant le règlement a été confiée, par le Bureau du Sénat, à un groupe du travail présidé par M. GUÉNA, vice-Président du Sénat, et comprenant outre les autres vice-présidents, le questeur délégué ainsi que les Présidents des groupes.
Ce groupe de travail a mis au point une proposition de résolution qui a recueilli l’approbation des six groupes politiques sénatoriaux au début du mois de novembre. M. Larché, Président de la Commission des Lois, a recueilli les observations des Présidents des autres commissions. La proposition a été examinée le 16
Le jour même, le Président MONORY nous a transmis la résolution afin qu’en application de l’article 61, alinéa 1, de la Constitution, le Conseil se prononce sur sa conformité à la Constitution. En procédant à l’examen de ce texte aujourd’hui, nous respectons donc le délai d’un mois qui nous est imposé par le 3ème alinéa de l’article 61.
Avant de passer à l’examen des articles, je me dois de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle la conformité à la Constitution des règlements des assemblées parlementaires s’apprécie non seulement au regard de la Constitution elle-même mai également au regard des lois organiques prévues par celle-ci ainsi que des mesures législatives prises, en vertu du premier alinéa de l’article 92 de la Constitution, aujourd’hui abrogé, pour la mise en place des institutions, notamment de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, dont les modifications successives s’imposent également aux chambres lorsqu’elles modifient ou complètent leurs règlements.
J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer les réticences que m’inspire cette jurisprudence. Sans vouloir m’étendre sur le sujet, je ne peux m’empêcher de signaler que le bloc de constitutionnalité ainsi conçu comporte des ordonnances qui n’ont qu’une valeur législative ordinaire, même pas organique qui ont été prises par le seul pouvoir exécutif et n’ont été soumises à aucun contrôle de constitutionnalité. A noter également que les règlements eux-mêmes, bien qu’ils soient soumis à un contrôle aussi serré, n’ont pas, pour leur part, valeur constitutionnelle. Ces réticences exprimées, j’en viens au texte lui-même.
L’article premier est de nature exclusivement rédactionnelle. Il tire les conséquences de l’instauration de la session unique. A l’article 7 du règlement, il supprime la référence au "début de la première session ordinaire". A l’article 15, il supprime la référence à la session ordinaire "d’octobre", pour la remplacer par la mention de la session ordinaire "suivante". A l’article 24, il substitue aux termes "dans l’intervalle des sessions" ceux de "lorsque le Sénat ne tient pas séance" ; enfin, à l’article 103, la référence au mois d’octobre est supprimée.
L’ensemble des dispositions de l’article 1er, qui ne sont que de stricte coordination, ne soulève donc pas de problème de constitutionnalité.
M. le Président : Sur l’article premier, y-a-t-il des objections ? Nous passons à l’article 2.
M. AMELLER : L’article 2 ne figurait pas dans la proposition de résolution initiale. Il a pour objet de préciser les fonctions des vice-présidents des commissions permanentes et de porter leur nombre de quatre à six. Le Sénat veut, semble-t-il, se donner ainsi les moyens d’accorder une vice-présidence à chaque groupe politique, notamment au groupe communiste qui en est exclu, ainsi qu’au groupe politique auquel appartient le Président de la commission lui-même. A titre de comparaison, je note qu’à l’Assemblée nationale, le bureau des commissions permanentes qui comporte un nombre de membres plus important qu’au Sénat, comprend selon les cas trois ou quatre vice-présidents. Il est vrai que l’opposition
M. le Président : Sur l’article 2... pas de commentaires ?
M. DAILLY : C’est un nombre élevé, en effet...
M. AMELLER : L’article 3 tire les conséquences de l’instauration de la session unique en ce qui concerne la période hebdomadaire réservée aux travaux des commissions et la faculté reconnue aux missions d’information de se déplacer en session.
L’article 14 du règlement actuel prévoit que "le Sénat consacre, en principe, la journée du mercredi aux travaux des commissions". Parallèlement, l’article 32 dispose que le Sénat se réunit en séance publique les mardi, jeudi et vendredi. La semaine actuelle est donc, en théorie, organisée sur quatre jours dont une journée entière, réservée exclusivement aux travaux des commissions, pour éviter la concomitance avec les séances publiques. En pratique, le Sénat est souvent conduit à siéger le mercredi après-midi et seul le mercredi matin, du fait de la réunion du Conseil des ministres qui empêche les membres du Gouvernement de se rendre dans l’hémicycle, est effectivement réservé aux travaux des commissions. Le I de l’article 3 de la résolution met le droit en accord avec la pratique, en réservant le mercredi matin aux réunions des commissions.
Ce paragraphe ne pose donc pas de problème de constitutionnalité. Il n’a d’ailleurs qu’une portée toute théorique. Dans la pratique, il est à craindre qu’une seule matinée pour les commissions se révèle à l’usage insuffisante. Le Sénat sera sans doute de nouveau conduit à la concomitance des réunions commissions-séance publique tout comme à l’Assemblée nationale.
Le 2
Il n’y a plus d’intersession d’hiver. Il a donc fallu assouplir le dispositif. D’une part, la dérogation accordée par le Bureau ne sera plus requise que pour les déplacements hors du territoire national, et non plus hors du territoire métropolitain, ce qui permettra aux missions de se rendre librement dans les départements et territoires d’outre-mer. D’autre part, cette dérogation -qui ne sera donc plus requise que pour les déplacements à l’étranger- ne revêtira plus un caractère "exceptionnel". Cette disposition ne soulève aucun problème de constitutionnalité.
L'article 4 est relatif à une particularité du Sénat : il s'agit des règles de caducité des propositions de loi et de résolution (I
A l'Assemblée, la fin de la législature qu'elle soit naturelle ou anticipée -du fait d'une dissolution- met fin ipso facto aux initiatives des députés. Celles-ci ont donc une durée de vie maximale de 5 ans. Le Sénat, du fait de sa permanence, résultant de son renouvellement partiel, a dû introduire des règles, très techniques, de caducité des initiatives sénatoriales, afin d'éviter qu'elles ne s'accumulent sans fin au fil des ans.
Je crois pouvoir vous faire grâce des détails techniques, -relativement complexes et sans réel intérêt juridique-, et vous assurer que les dispositions en cause ne soulèvent absolument aucune problème de constitutionnalité.
M. le Président : Je vous propose d'améliorer notre méthode de travail. Voulez-vous bien donner lecture de la décision après l'examen de chaque article ?
M. AMELLER : Bon, je reprends à partir de l'article 1er.
(Il lit le projet de décision sur l ’article 1er. Le projet est adopté)
(Il lit le projet de décision sur l'article 2. Il est adopté)
(Il lit le projet de décision sur l'article 3. Il est adopté)
(Il lit le projet de décision sur l'article 4. Il est adopté)
M. AMELLER : L'article 5 modifie l'article 29 du règlement, relatif à la conférence des Présidents. Il comporte tout d'abord une modification purement formelle. C'est ainsi que son paragraphe 1
Le paragraphe 2
Pour l’application de cette innovation, le règlement prévoit désormais que la conférence des présidents déterminera elle-même la date de cette séance "au moins pour le mois suivant de la session". Ceci permettra éventuellement, de fixer les dates pour plusieurs mois d’avance. Le Sénat, comme l’Assemblée, a donc retenu une solution souple qui lui permettra de ne pas être lié par une date arrêtée pour toute la session ou a fortiori, par une date insérée dans le règlement.
Voici pour le "contenant" : à cet égard, je vous signale une curiosité, qui ne pose pas de problème de constitutionnalité, mais met l’accent sur une disparité entre les deux chambres. A l’Assemblée, une séance coïncide avec une matinée, une après-midi ou un soir. Au Sénat, la même séance peut durer toute la journée. Résultat : la séance réservée à l’ordre du jour décidé par le Sénat pourra occuper une journée entière. Les sénateurs disposeront ainsi de 2 fois plus de temps que les députés pour leurs initiatives.
Quant au "contenu", le 2
Les dispositions du paragraphe 2
Il en va de même des paragraphes 3 et 4, qui sont de simple coordination, et du paragraphe 5
Enfin, le 5
Forts de cette décision de conformité constitutionnelle, la commission sénatoriale des lois et le Sénat à sa suite ont transposé purement et simplement la formulation retenue par l’Assemblée. Il n’y a donc aucune raison, sous la même réserve tenant au rappel des prérogatives gouvernementales, de ne pas en admettre également la constitutionnalité.
M. le Président : Sur l’article 5, je voudrais revenir sur le voeu de M. DREYFUS- SCHMIDT. Nous devons être vigilants par rapport aux droits de l’opposition. La rédaction retenue par le Sénat ne constituerait-elle pas plutôt un voeu pieu, laissant libre la majorité de choisir une proposition de loi de l’opposition qui lui conviendrait le mieux ?
M. AMELLER : Je ne le pense pas. Ce n’est pas la tradition. Je n’ai jamais vu la majorité imposer à l’opposition l’inscription d’une de ses propositions de loi.
Mme LENOIR : Trois formules étaient possibles : celle qui renvoyait à la représentation proportionnelle des groupes ; celle qui renvoyait à un équilibre entre majorité et opposition, qui est difficile à définir ; la formule finalement retenue, qui est vague, mais qui permettra de respecter un équilibre entre les groupes.
M. AMELLER : En fait, le groupe socialiste s’en est satisfait.
M. DAILLY : La formule retenue n’a pas d’effet juridique précis mais une valeur morale certaine. Mais l’expérience prouve que lorsqu’une décision de la conférence des Présidents n’est pas approuvée par tous les groupes, ceux qui ne sont pas satisfaits le font savoir en séance publique. Et on peut passer au vote.
M. FAURE : La séance publique approuvera la décision de la conférence des Présidents.
M. DAILLY : Oh, ça n’a rien d’automatique.
Mme LENOIR : Il y a une tradition bien ancrée au Sénat de donner la parole à l’opposition. Il est vrai que cette dernière est toujours la même et que du fait du mode de scrutin applicable aux sénatoriales, le Sénat ne connaît pas l’alternance.
M. le Président : Si on veut que le texte ait une certaine portée, il faut le dire. Quelle est à cet égard la portée du rapport de M. AMELLER ?
M. le Secrétaire général : Seule la décision compte. Le rapport n’a pas de valeur juridique.
M. DAILLY : Nous ne sommes pas là pour émettre des voeux.
M. AMELLER : A l’Assemblée, on a en l’absence de disposition réglementaire, inventé le "droit de tirage" pour les groupes d’opposition. Mais c’est un simple usage.
M. le Président : Ce qui est ennuyeux, c’est que l’opposition pourra dans la pratique se voir interdire l’inscription d’un texte qu’elle souhaiterait voir débattre.
Mme LENOIR : On peut peut-être le préciser dans la décision.
M. le Président : Eh bien, passons à la lecture de la décision.
M. AMELLER lit le projet de décision sur l’article 5.
Mme LENOIR : Pourrait-on, pour renforcer les droits de l’opposition, et montrer qu’ils sont protégés en droit parlementaire, préciser "de manière à ménager l’examen de textes émanent de l’opposition".
M. RUDLOFF : Ce n’est pas seulement l’opposition qui est visée. Mais quelques petits groupes charnières, qui ne voient pas toujours leurs souhaits pris en compte. Le groupe RDE par exemple, ou le groupe des républicains et indépendants.
M. AMELLER : Je ne crois pas en effet qu’on puisse aller au-delà de ce qui a été décidé par le Sénat. Je suis de surcroît d’accord avec M. RUDLOFF.
Mme LENOIR : Le rapport de M. HOEFFEL est plus explicite (Mme LENOIR lit les alinéas 3 et 4 de la page 19 du rapport de M. HOEFFEL).
M. le Président : C’est bien pourquoi je crois que les travaux préparatoires doivent être pris en compte.
M. FAURE : Je ne suis en tout cas pas d’accord avec Mme LENOIR. Le Sénat n’a pas toujours en une majorité favorable à la majorité gouvernementale actuelle.
M. DAILLY : Je me souviens même de l’époque où socialistes et communistes avaient la majorité du Conseil de la République...
M. le Président : Bon, qui est d’accord avec la proposition de rédaction de M. AMELLER ?
(Les conseillers expriment tous leur accord et la proposition est adoptée)
M. AMELLER : Avec les articles 6 et 7 de la résolution, nous entrons dans le vif du sujet. Ces dispositions ont directement pour but de transcrire dans le règlement du Sénat les modifications importantes apportées au régime des sessions par l’article 28 de la Constitution. Je résume le dispositif : session annuelle de neuf mois, du début du mois d’octobre, jusqu’à la fin du mois de juin ; nombre de jours de séance limité à 120 ; semaines de séance -et donc semaines d’ajournement- fixées par chaque Assemblée. Possibilité pour le Premier ministre après consultation du Président de l’Assemblée concernée ou pour la majorité des membres de chaque Assemblée de décider la tenue de jours supplémentaires de séance. Enfin, détermination par le règlement de chaque assemblée des jours et horaires de séance.
Cet article 28 dont la rédaction n’est pas d’une rigueur exemplaire laissait en suspens toute une série de questions : qu’est-ce qu’un jour de séance ? Comment sont calculés les jours supplémentaires de séance, par rapport à quoi sont-ils supplémentaires ? Aux jours fixés dans le règlement, au plafond des 120 jours, aux semaines de séance ?
A toutes ces questions, le Conseil constitutionnel a, le 8 novembre dernier, répondu en rendant une décision qui est non seulement fidèle au texte constitutionnel mais qui est également équilibrée et "de bon sens". Nous avions recherché l’intention des constituants qui était, clairement, de reconnaître aux assemblées une totale latitude dans l’organisation de leur semaine de travail. Nous avons suivi cet objectif sans aller jusqu’à en tirer des conséquences incompatibles avec l’esprit de la 5ème
Le Conseil a également admis que les dispositions du 4ème alinéa de l’article 28, éclairées par les travaux préparatoires de la révision constitutionnelle avaient entendu habiliter le règlement de chaque assemblée non seulement à fixer a priori des jours et horaires de séance mais également à déterminer des procédures permettant la tenue d’autres séances, en l’espèce, sur décision de l’Assemblée, voire de droit à la demande du Gouvernement, "dès lors que leur mise en oeuvre était subordonnée à la double condition que le plafond de cent vingt jours de séance... n’aura pas été dépassé, et qu’il s’agisse de semaines au cours desquelles l’Assemblée aura décidé de tenir séance".
En fait, la révision constitutionnelle, comme l’a déclaré à maintes reprises le Garde des Sceaux, avait pour objectif de consacrer et d’élargir aux deux assemblées les règles applicables au Sénat, telles qu’elles sont prévues par l’article 32, alinéa 4 du règlement, dont on pouvait, jusqu’à l’été dernier, douter de la parfaite constitutionnalité alors même qu’elles avaient passé, sans doute trop rapidement, le filtre du Conseil en 1959 [décision n° 59-3 des 24 et 25 juin 1959, Rec., p. 61].
Aux termes de cet article, en effet, "le Sénat se réunit en séance publique en principe les mardi, jeudi et vendredi de chaque semaine" (1er alinéa). "En outre, le Sénat peut décider de tenir d’autres séances à la demande de son Président, du Gouvernement, de la commission intéressée, de la conférence des présidents ou de trente membres dont la présence doit être constatée par appel nominal" (4ème alinéa). Ceci signifie que le Sénat dispose de l’exclusivité de la décision et qu’il n’est pas tenu de déférer à une demande du Gouvernement. Et le Sénat ne s’est pas privé de donner son plein effet à cette disposition en refusant parfois de siéger d’autres jours que ceux expressément prévus par son règlement.
En 1959, une telle rédaction pouvait légitimement paraître contraire à l’article 48 de la Constitution. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, après la réforme constitutionnelle de l’été dernier qui fonde désormais le droit pour les assemblées de s’abstenir de siéger, dans le cadre des 120 jours et au cours des semaines de séance, d’autres jours que ceux expressément déterminés par leur règlement.
Certes, pour sa part, l’Assemblée nationale avait choisi de ne pas profiter de cette ouverture et elle a permis au Gouvernement de décider la tenue d’autres séances, en sus des jours fixés dans le règlement. Elle aurait pu ne pas le faire, à l’exemple du Sénat, maintenant consacré par la Constitution.
Aussi bien n’est-il pas étonnant que celui-ci ait maintenu, sur le fond, le système qui était déjà le sien et ne lui ait apporté, que des modifications de forme.
Le paragraphe
En second lieu, le paragraphe I confirme la faculté reconnue au Sénat, par l’actuel article 32, de tenir, dans la limite du plafond de 120 jours et durant les semaines où il a décidé de siéger, d’"autres séances", à la demande "soit de la conférence des présidents, soit du gouvernement ou de la commission saisie au fond".
Comme auparavant, le Sénat sera libre de faire droit ou non à une demande du Gouvernement. C’est la 2ème différence importance avec l’Assemblée nationale.
Le paragraphe 2
Là encore, le Sénat sera absolument libre de prolonger ou non la séance au-delà de ces horaires, sur proposition de la conférence des présidents ou du Gouvernement. L’Assemblée nationale est également libre de prolonger, ou de refuser de prolonger la durée de ses séances, mais le Gouvernement pourra décider la tenue "de droit" d’autres séances, les autres jours de la semaine, ou mieux encore la tenue de séances de nuit alors qu’au Sénat ces séances "de droit" n’existeront pas, pas plus que les séances de nuit qui ne sont rien d’autre, au Palais du Luxembourg, que la prolongation de l’unique séance de la journée. Voilà encore une conséquence importance de l’approche différente qu’ont les deux assemblées de la notion de séance.
Cela étant, pour l’ensemble des raisons que je vous ai exposées, les dispositions de l’article 6 paraissent conformes tant à la lettre qu’à l’esprit de la Constitution, notamment de son article 28, dans sa rédaction issue de la révision constitutionnelle du mois d’août dernier.
M. le Président : Je note que le projet de décision lie les articles 6 et 7. Peut-être pouvez-vous ne lire que ce qui a trait à l’article 6.
M. AMELLER : Les deux articles sont liés car nous citons, en tête, l’article 28 qui commande la rédaction des articles 6 et 7.
(M. AMELLER lit jusqu'au dernier considérant se rapportant à l'article 6)
M. le Président : Il y a des objections ou des commentaires ? Non ? Adopté.
M. AMELLER : L’article 7, quant à lui, ajoute un nouvel article au règlement du Sénat. Il traite les modalités de détermination des semaines de séance, de la notion de jour de séance et de la mise en oeuvre des dispositions de l’article 28 concernant la tenue des jours supplémentaires de séance, et j’appelle surtout votre attention sur ce dernier point.
Le 1er alinéa de l’article dispose qu’"au début de chaque session ordinaire, le Sénat fixe les semaines de séance de la session, sur proposition de la conférence des Présidents" et qu’il peut ultérieurement les modifier, également sur proposition de la Conférence des Présidents ; ceci lui donne la même latitude que celle que s’est
Cet alinéa n’est donc pas contraire à la Constitution, pour peu, naturellement, qu’il ne puisse pas conduire à une « grève du Sénat ». C’est pourquoi, je vous propose d’assortir notre décision de conformité de la même réserve que pour l’Assemblée nationale : la disposition adoptée ne saurait faire obstacle au pouvoir que le Premier ministre tient du 3ème alinéa de l’article 28 de la Constitution de décider la tenue de jours supplémentaires de séance non seulement au-delà des 120 jours mais également en dehors des semaines de séance fixées par les assemblées.
Le 2ème alinéa tend à définir les jours de séance. Comme l’Assemblée l’a fait, le Sénat définit les jours de séance comme ceux au cours desquels une séance a été ouverte, mais à la différence de l’Assemblée qui a décidé qu’ils ne peuvent se prolonger, le lendemain, au-delà de l’heure d’ouverture de la séance, le Sénat étrangement ne leur a pas fixé de terme. Ainsi, une interprétation osée pourrait conduire à penser que la journée de séance pourrait se prolonger jusqu’à l’ouverture de la séance suivante ; par exemple la séance du jeudi pourrait prendre fin le mardi matin suivant ! Il convient donc de préciser que la définition du jour de séance retenue par le Sénat ne saurait être entendue comme permettant de prolonger les jours de séance au delà de l’heure d’ouverture de la séance du lendemain matin et en tout état de cause, lorsque le Sénat ne siège pas le lendemain matin, au-delà d’une période de vingt-quatre heures. Je vous propose donc de le souligner dans notre décision sous la forme d’une réserve explicite.
M. le Président : En quoi devons-nous nous en mêler ?
M. FAURE : Il s’agit d’éviter une utilisation perverse de la notion de jour.
M. AMELLER : J’ai connu la séance du 31 décembre 1951 qui a duré jusqu’au 3 janvier... S’il n’y avait pas le plafond des 120 jours, il n’y aurait pas de problèmes. Mais il faut éviter que la notion de jour soit dénaturé pour tourner les règles relatives au plafond.
M. DAILLY : La séance du soir, en tout état de cause, est levée alors qu’elle est suspendue dans la journée. Par conséquent, il n’y a pas d’ambiguïté. Mais il y a parfois des séances "marathon" de plus de 24 heures.
M. BERGOUGNOUS : Il ne faut pas confondre la durée d’un jour de séance et celle d’une séance. Il arrive, exceptionnellement, comme l’a souligné le Président DAILLY que certaines séances excèdent vingt-quatre heures. Mais en aucun cas, un jour de séance ne peut, lui, dépasser cette durée.
M. le Président : On est obligé de comptabiliser les heures passées en séance pour respecter le plafond.
M. AMELLER : La notion de plafond nous oblige à en tenir compte. Je pourrais peut-être lire la décision sur les points que nous venons d’invoquer.
M. DAILLY : Faut-il préciser le lendemain matin, notamment à cause de la matinée du mercredi où il n’y a pas de séance, cette matière étant réservée aux travaux des commissions ?
M. AMELLER : Vous avez raison, il faut supprimer "matin".
M. le Président : Bon, cette rédaction ne suscite aucune opposition ? Elle est adoptée.
M. AMELLER : Les quatre alinéas suivants sont relatifs aux modalités de mise en oeuvre des jours supplémentaires de séance.
Le 3ème alinéa rappelle, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 8 novembre dernier, que ces jours supplémentaires de séance sont tenus au-delà de la limite des 120 jours ou en dehors des semaines de séance fixées par le Sénat, formulation en parfaite harmonie avec la réserve que je vous ai proposée au 1er alinéa. Le 3ème alinéa rappelle également que ces jours supplémentaires peuvent être tenus soit sur décision du Premier ministre après consultation du Président du Sénat, soit sur décision de la majorité des membres du Sénat.
Cet alinéa est en revanche muet sur la détermination des jours de la semaine durant lesquels pourront se tenir ces séances supplémentaires. En soi, cette détermination ne s’impose pas, et l’Assemblée nationale n’y a pas procédé. Toutefois, le rapport de M. HOEFFEL ne laisse pas d’intriguer à ce sujet. En effet, selon lui, les jours supplémentaires de séance ne sauraient se tenir qu’au cours des jours de séance fixés par le Règlement, c’est-à-dire le mardi, le mercredi ou le jeudi. Or rien dans l’article 28, 3ème alinéa, ne permet de conclure à une telle limitation des pouvoirs du Gouvernement ou de la chambre concernée, d’où la réserve que je vous propose. Les jours supplémentaires de séance doivent bien entendu pouvoir se tenir tous les jours de la semaine. Cette évidence conduit néanmoins au paradoxe suivant : dans les semaines de séance se situant dans le plafond des 120 jours, il ne sera pas possible au Gouvernement d’imposer au Sénat de siéger, par exemple, un vendredi alors qu’il lui sera possible de le faire, si l’on se trouve au-delà du plafond de 120 jours ou dans une semaine où le Sénat aura décidé de s’ajourner.
M. le Président : Si je comprends bien, le Sénat pourra refuser de siéger, par exemple, un vendredi en deça du plafond des 120 jours, mais il ne pourra pas refuser au-delà des 120 jours ?
M. AMELLER : Exactement.
M. DAILLY : Lorsque la conférence des présidents prévoira qu’on siègera un jour non prévu, le président devra consulter le Sénat. Au delà de 120 jours, le Gouvernement pourra imposer au Sénat n’importe quel jour.
M. CABANNES : C’est paradoxal, mais non choquant.
M. AMELLER : Le 4ème alinéa détermine les modalités selon lesquelles la décision du Premier ministre de tenir des jours supplémentaires de séance est communiquée au Sénat, aux Présidents des groupes et des commissions et à chaque sénateur. Il ne pose pas de problème de constitutionnalité.
Le 5ème alinéa définit les conditions "classiques" dans lesquelles la majorité des membres composant le Sénat peut décider de tenir des jours supplémentaires de séance : la demande doit être accompagnée de la liste des signataires et de la signature de ceux-ci, j’insiste sur ce point, elle est alors communiquée au président du Sénat qui informera le Gouvernement ainsi que les Présidents des groupes et des commissions et chaque sénateur individuellement des jours supplémentaires de séance ainsi demandés.
Cet alinéa ne soulève pas de problème de constitutionnalité, puisqu’il reproduit en quelque sorte la procédure déjà prévue à l’Assemblée nationale et elle-même inspirée par la mise en oeuvre de l’article 29 de la Constitution, concernant la convocation du Parlement en session extraordinaire, procédure en usage depuis 1959.
En revanche, le 6ème alinéa me paraît beaucoup plus discutable. Il innove complètement en instituant à côté de la procédure que je viens de décrire une seconde procédure tout à fait originale pour la tenue des jours supplémentaires de séance à la demande de la majorité des membres composant le Sénat. Certes, cette procédure avait déjà évoquée par M. Larché au cours des travaux préparatoires de la révision constitutionnelle. Il écrivait en effet dans son rapport : "Votre commission estime que l’exigence de la majorité des membres de chaque assemblée devrait être interprétée d’une manière très souple. On peut ainsi considérer que la condition requise par la Constitution sera satisfaite si la décision était prise soit sous la forme d’une demande écrite émanant de la majorité des sénateurs (-c’est l’objet du 5ème alinéa-) soit, si le Sénat siège, à l’occasion d’un scrutin public qui réunirait ladite majorité". C’est l’objet même de ce sixième
Comme l’avait souhaité M. Larché, une telle disposition a pour objet de rendre plus aisée la tenue de jours supplémentaires de séance à l’approche du plafond des 120 jours. Cela signifie en clair que sur un simple scrutin public, demandé par le Président, la conférence des présidents, un président de groupe ou un président de commission, le Sénat pourra décider de prolonger les 120 jours jusqu’à la fin de la session, même si le Gouvernement ne le souhaite pas.
Certes, il faudra que la décision soit prise à la majorité des membres composant le Sénat. Mais il convient de s’interroger sur les formes que devrait respecter ce scrutin public pour s’assurer que la majorité des sénateurs se seront personnellement prononcés. J’ai relevé dans la Constitution deux cas où il est exigé qu’une chambre réunisse la majorité absolue des membres la composant pour adopter un texte. Ces deux cas concernent d’ailleurs la seule Assemblée nationale, mais il n’y a pas de raison de traiter différemment l’une et l’autre Assemblée.
Il s’agit de l’adoption des motions de censure (article 49) et de l’adoption des lois organiques, lorsque faute d’accord entre les deux assemblées, l’Assemblée nationale est appelée à statuer définitivement (article 46).
Or, dans les deux cas, pour s’assurer de la présence effective des députés, le règlement de l’Assemblée dispose qu’il est procédé à un scrutin public à la tribune.
Je crois donc que si nous acceptons la procédure alternative du scrutin pour décider de tenir des jours supplémentaires de séance, les modalités de ce scrutin doivent être aussi rigoureuses que celles retenues à l’Assemblée dans les cas où il est exigé de réunir la majorité de ses membres. S’agissant du premier cas où le Sénat, en application d’une disposition constitutionnelle, doit se prononcer à la majorité des membres le composant, notre décision, où je vous propose d’inclure une réserve explicite, aura également une vertu pédagogique.
A vrai dire, je suis tenté d’aller plus loin encore car c’est l’idée même de scrutin public qui ne me paraît pas correspondre, sinon à la lettre, du moins à l’esprit du 3ème alinéa de l’article 28 de la Constitution, reproduisant en quelque sorte, comme je l’ai dit tout à l’heure, la situation de l’article 29 concernant les sessions extraordinaires.
Or je retiens de ma longue expérience du parlementarisme rationalisé qu’en aucun cas un scrutin public n’a pu constituer un procédé apte à déclencher une session extraordinaire.
Dans l’esprit des constituants de 1958, ces demandes de convocation du Parlement devaient procéder d’initiatives purement personnelles de chaque député et je ne pense pas que les constituants de 1995 aient souhaité innové en la matière. Je me souviens, pour l’avoir pratiqué à de nombreuses reprises que toutes les signatures des députés manifestant leur engagement personnel étaient scrupuleusement vérifiées, de même qu’était examinée à la loupe la similitude des ordres du jour proposés. C’est le Bureau de l’Assemblée lui-même qui, convoqué à cet effet constatait officiellement que les conditions requises étaient réunies. Chacune se souvient du précédent de 1960. Je cite 2 extraits de la réponse du Président de la République à la lettre du Président de l’Assemblée nationale lui demandant la convocation du Président en session extraordinaire :
1er extrait : « j’ai l'honneur d’accuser réception de la liste des 287 demandes adressées par des membres de l'Assemblée et tendant à une réunion du Président en session extraordinaire. »
2ème extrait : « ayant eu à diriger les travaux du Gouvernement qui, avec le concours du Comité constitutionnel, a élaboré la Constitution, je suis fondé à penser que le texte constitutionnel ne prévoit la réunion du Parlement en session extraordinaire que dans des conditions très exceptionnelles... »
Mêmes exigences soulignées en 1979. Je cite un extrait de la lettre du Président de la République en date du 12 mars 1979 :
« La Constitution reconnaît à la majorité des membres de l'Assemblée nationale le droit de demander la réunion d’une session extraordinaire. Il s'agit d’un droit qui doit être exercé personnellement par chaque député, qui ne peut donc être ni délégué ni exercé par d’autres. »
L’éventualité d’un scrutin public pour exercer ce droit ne venait même pas à l'esprit.
Il est vrai que M. Larché souhaitait « plus de souplesse » dans la mise en œuvre de l’article 28. Cette souplesse existe déjà :
1. Les demandes des sénateurs sont admises pour les jours supplémentaires de séance, à égalité avec les députés, contrairement aux sessions extraordinaires.
2. Il n’est plus exigé d’ordre du jour déterminé, ce qui est un assouplissement considérable.
3. Et pour couronner le tout, plus de décret du Président de la République.
Je ne crois pas qu’il faille aller plus loin dans la « souplesse », car ce serait accorder au Sénat et à lui seul une prérogative débordant largement les règles admises en la matière depuis près de quarante années.
C’est pourquoi à côté de la conformité sous réserve que j’ai exposée tout à l’heure, réserve neutralisante, je vous propose une décision alternative tendant à l’annulation pure et simple de ce 6ème alinéa de l’article 32 bis.
Vous trouverez le considérant que je propose à la fin du projet de décision, considérant qui se substituerait à celui de la page 10.
J’ajouterai qu’à mon sens une annulation paraîtra moins désobligeante à nos amis sénateurs qu’un considérant à vertu pédagogique concernant le déroulement des scrutins publics dans cette Assemblée.
M. le Président : J’ouvre le débat sur cette intéressante question.
M. ROBERT : Le 6ème alinéa organise une procédure tout à fait différente. Je crois que le constituant a souhaité que la demande émane d’initiatives personnelles. Je crois que le Sénat est allé au delà de l’article 28 et a rajouté quelque chose à cet article.
Mme LENOIR : Il ne faut pas confondre l’article 28 et l’article 29. Rien n’empêchait l’Assemblée d’adopter un système identique à celui que vient d’inventer le Sénat pour les jours supplémentaires de séance. Je penche donc plutôt pour la réserve que pour l’annulation. La réserve permet de s’assurer que la majorité des membres de l’Assemblée concernée se sera prononcé. Mais la censure ne me paraît pas reposer sur des bases conditionnelles sérieuses. Il ne faut procéder à des censures de dispositions de règlements des assemblées qu’avec prudence et précaution.
M. ROBERT : Il s’agit d’un ajout à la Constitution !
M. CABANNES : La portée de notre décision est d’autant plus limitée que la méconnaissance du règlement n’entraîne pas une inconstitutionnalité.
M. le Président : Il ne faut pas accorder trop d’importance à une telle disposition. En tout état de cause, la solution la plus simple, celle déjà instituée par l’Assemblée
M. RUDLOFF : En mettant la réserve, nous compliquons les choses. Mais nous retombons là dans les problèmes relatifs au scrutin public. Imposer le scrutin à la tribune rendra, de ce fait, la solution prévue par M. Larché, beaucoup plus compliquée.
M. DAILLY : Le vrai problème est effectivement celui des scrutins publics. L’usage de l’Assemblée - le pouvoir des clefs - s’est progressivement imposé et a déteint au Sénat. Ainsi, les secrétaires sont toujours aux pieds des trois urnes, mais il ne vérifient plus rien et les « whips » des groupes déposent dans l’urne des paquets de bulletins.
A partir du moment où nous avons admis, ici, au Conseil, que les dispositions de la Constitution ne soient pas respectées, les excès que l’on connaît ont pu prospérer. Je ne crois donc pas qu’il faille sous-entendre que le vote personnel soit limité au seul scrutin public à la tribune. Il devrait s’appliquer à tous les scrutins publics.
M. FAURE : Les paquets de bulletins ne datent pas d’hier...
M. AMELLER : Tout cela est terminé à l’Assemblée. Le Président SEGUIN a imposé le vote personnel.
M. le Président : L’intérêt de la réserve est de mettre en parallèle les deux solutions prévues pour décider des jours supplémentaires de séance.
M. DAILLY : Je serai d’accord à condition qu’on rappelle bien dans la décision que le vote doit être personnel.
Mme LENOIR : Je suis d’accord, mais c’est un vrai revirement de jurisprudence car nous avons un lourd passé. Autant nous avons été très sévères en 1987 sur le droit d’amendement, autant nous avons une lecture peu conforme à la constitution de l’article 27 sur l’unique délégation ! La méthode donc pourrait ménager une transition...
M. ROBERT : Je me demande si la réserve ne nous conduit pas trop loin.
Mme LENOIR : La censure n’est pas fondée en droit puisque la Constitution ne détermine pas la procédure applicable.
M. ROBERT : C’est l’article 28 lui-même qui limite les initiatives : Gouvernement dans un cas, majorité des membres de l’Assemblée dans l’autre.
M. RUDLOFF : Nous pouvons durcir la réserve et bien prévoir que pour cette procédure, le vote soit personnel.
Mme LENOIR : Voilà, je crois que c’est ce qui est prévu.
M. le Président : Nous avons bien débattu. Le plus simple est de lire les deux versions ; mais il faut d’abord lire le considérant relatif au cinquième alinéa.
(A l'initiative de M. CABANNES, un débat est engagé sur la rédaction du considérant relatif au cinquième alinéa)
M. SCHRAMECK propose la rédaction suivante :
"Considérant que le cinquième alinéa de cet article exige les signatures individuelles des sénateurs pour la décision de la majorité des membres composant le Sénat de tenir des jours supplémentaires de séance et précise les mesures d’information corrélatives ; que cet alinéa n’est contraire à aucune disposition constitutionnelle" ;
(La rédaction est adoptée)
(M. AMELLER lit ensuite les deux rédactions de décisions sur le 6ème alinéa)
M. le Président : Dans le projet de conformité sous réserve, je propose d’écrire "exige" à la place de "suppose" et "ses membres se seront personnellement prononcés" à la place de "la majorité de ses membres se seront personnellement prononcés", formule grammaticalement incorrecte.
(Cette rédaction est adoptée)
M. le Secrétaire général rappelle que les réserves expressément mentionnées sont ensuite reproduites sous les articles du règlement concernés.
(La rédaction de réserve est adoptée par six voix contre deux pour celle de la censure : Messieurs ROBERT et AMELLER)
M. AMELLER : L’article 8 de la résolution vise à instituer les modalités de tenue sur la déclaration du Gouvernement prévue à l’article 11 de la Constitution. Cet article a élargi la portée du référendum à tout projet de loi portant "sur des réformes relatives à la politique économique et sociale de la Nation et aux services publics
Il résulte des travaux préparatoires et de la formulation finalement retenue, qui fait référence à l’organisation de la consultation nationale, que ce débat se déroulera une fois prise la décision de soumettre le projet de loi au référendum.
L’Assemblée nationale n’a pas jugé utile de prévoir des dispositions spécifiques dans son règlement pour l’application de cette nouvelle règle constitutionnelle. Elle a sans doute jugé que l’actuel article 132 de son règlement qui régit l’organisation des déclarations du Gouvernement était suffisant. C’est l’opinion du rapporteur du Sénat qui trouve lui-même "redondantes" les dispositions que le Sénat a estimé indispensable d’insérer dans l’article 39 de son règlement, faute de quoi "la conférence des présidents n’aurait pas les moyens d’organiser le débat sur la déclaration du Gouvernement". Donc, raisons purement techniques.
L’article 8 reprend les dispositions du texte constitutionnel en précisant en outre que si la discussion du projet de loi a commencé devant le Sénat, elle est immédiatement suspendue. Il s’agit là d’une disposition de bon sens, destinée à éviter la poursuite d’un débat parlementaire sur un projet de loi soumis à référendum. Elle est inspirée de l’article 125 du règlement de l’Assemblée nationale qui avait déjà envisagé cette éventualité et qui dispose : "Lorsque le Président de la République, sur proposition du Gouvernement, décide de soumettre au référendum un projet de loi dont l’Assemblée nationale est saisie, la discussion du texte est immédiatement interrompue". On peut toutefois observer, s’agissant d’un projet de loi déjà déposé ou en discussion au Parlement, que l’initiative référendaire elle-même n’aura fait l’objet d’aucun avis du Conseil d’État non plus que du Conseil constitutionnel puisque l’éventualité de l’intervention a priori du Conseil a été en tout état de cause écartée.
Les autres dispositions de l’article 8 sont de coordination (Paragraphe 2
L’article 8 n’est pas contraire à la Constitution.
(M. AMELLER lit le projet de décision sur l'article 8. Il est adopté)
M. AMELLER : L’article 9, qui ne figurait pas dans la proposition de résolution initiale, ne tire pas les conséquences de la réforme constitutionnelle, mais résulte de la décision du Conseil constitutionnel du 8 novembre dernier. Il s’agit en effet des
- la réserve de la discussion de l’amendement -et éventuellement de l’article sur lequel il porte- auquel est opposée l’irrecevabilité, alors qu’auparavant la séance était suspendue ;
- la consultation éventuelle par le Président du Sénat, avant de se prononcer sur une irrecevabilité opposée par le Gouvernement, consultation du président de la commission des lois ou d’un membre du bureau désigné à cet effet. Nous ne pouvons qu’admettre la constitutionnalité de ces dispositions.
M. le Président : Notre décision d’annulation n’a pas fait de vague...
M. AMELLER : Mais M. MAZEAUD a demandé au Gouvernement d’appliquer l’article 41 sur des amendements de nature réglementaire dans le débat sur la loi d’habilitation...
(M. AMELLER lit le projet de décision sur l'article 9)
(Il est adopté)
M. AMELLER : On a mis entre guillemets "membre du Bureau désigné à cet effet" car le Sénat a écrit Bureau avec un "B" alors qu’il ne s’agit ici que du bureau de la commission des lois et que le "b" aurait dû être utilisé. Mais nous ne pouvons de nous même modifier le texte de la résolution adoptée par le Sénat.
L’article 10 modifie les articles 73 bis et 83 du Règlement afin de prendre en compte la nouvelle dénomination, depuis la loi du 10 juin 1994, de la délégation chargée des questions européennes, devenue délégation du Sénat pour l’Union européenne. Nous avons déjà rencontré cette modification tout à l’heure, à l’occasion de l’examen de l’article 5. Il ne pose naturellement aucun problème de constitutionnalité.
(M. AMELLER lit le projet de décision sur l'article 10)
(Il est adopté)
M. AMELLER : L’article 11 a trait à la mise en oeuvre d’une des méthodes de contrôle du Parlement : les questions orales.
Jusqu’à la révision constitutionnelle de l’été dernier, l’article 48, 2ème alinéa, de la Constitution prévoyait qu’"une séance par semaine est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement". Cette règle a été interprétée strictement trop strictement à mon sens par le Conseil constitutionnel qui a notamment interdit que plus d’une séance par semaine soit réservée aux questions quand bien même il s’agirait de deux séances successives au cours de la même journée (décision n° 63-25 DC du 21 janvier 1964 au recueil p. 23). Or, cette jurisprudence qui concernait une tentative de modification du Règlement de l’Assemblée nationale n’aurait pas pu être édictée avec la même rigueur à l’encontre du Sénat, puisque, comme je vous l’indiquais tout à l’heure, une séance dure au Sénat toute une journée, alors qu’à l’Assemblée il peut y avoir 3 séances par jour. Déjà critiquable en elle-même, cette jurisprudence l’est donc d’autant plus qu’elle s’applique différemment selon les assemblées...
Quoi qu’il en soit, pour développer le contrôle parlementaire et éviter la censure du juge constitutionnel, d’autres séances de questions ont été créées, par convention entre les assemblées et l’exécutif, mais sans qu’une base réglementaire leur fût donnée.
C’est ainsi que sont nées à l’Assemblée nationale, les questions au Gouvernement du mercredi après-midi, à la suite du message au Parlement, le 30 mai 1974, du Président Valéry GISCARD D’ESTAING qui en avait posé le principe. Une procédure comparable, avec une périodicité mensuelle, existe au Sénat depuis 1982. Dans les deux cas, ce sont les conférences des présidents qui décident de leur organisation, en marge du Règlement.
A l’initiative du Président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Pierre MAZEAUD, il a été décidé par le Constituant de mettre le droit en accord avec la pratique. Initialement, il avait été envisagé que chaque séance puisse commencer par une heure de questions selon le modèle anglo-saxon ou du moins ce que l’on croit être le modèle anglo-saxon du "question time". Finalement, pour éviter que les membres du Gouvernement aient à répondre aux questions des parlementaires à raison de six séances par semaine pour les deux assemblées, il a été décidé qu’une séance par semaine "au moins" sera réservée aux questions des parlementaires. Observons qu’en fixant un seuil sans établir de plafond, le Constituant a donné aux assemblées de nouveaux moyens d’obstruction puisque rien ne les empêche de multiplier le nombre de séances de questions, étant rappelé qu’au Sénat une séance peut durer toute une journée... et j’en reviens ainsi aux jours supplémentaires de séance, décidées par scrutin public, et consacrées à des questions...
En fait, je vous rassure tout de suite ; la solution qui a été choisie au Palais du Luxembourg n’est pas celle de multiplier les séances de questions. En effet, alors
Le paragraphe 1
Le paragraphe 2
C’est désormais, la matinée du mardi qui leur sera réservée, la Conférence des Présidents pouvant toutefois modifier cette date.
Cette rédaction a le mérite d’aligner la situation du Sénat sur celle de l’Assemblée où une séance ne dépasse pas une demi-journée. Mais elle n’a pas, semble-t-il, véritablement recueilli l’approbation du rapporteur de la commission des lois qui, en considérant qu’elle était en retrait par rapport au texte actuel du Règlement, s’est même interrogé sur sa constitutionnalité au regard de l’article 48 en soulignant qu’une "séance n’est pas une demi-séance". Inutile de vous dire, après ce que je viens de rappeler, que je ne vous proposerai pas de rendre, à front renversé, une décision de censure comparable à celle d’il y a plus de trente ans. Je ne partage pas les craintes du rapporteur de la commission. En effet, en faisant référence à la tenue d’une séance par semaine au moins réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement, le Constituant n’a certainement pas entendu imposer qu’un jour par semaine au moins leur fût entièrement consacré. Et pour une fois où le Sénat s’auto-limite, on ne peut lui en tenir rigueur.
Le paragraphe 3
A l’heure actuelle, il est prévu que le Président, après avoir appelé la question dont le texte a été préalablement communiqué au Gouvernement, donne la parole au ministre intéressé pour y répondre et donc sans que l’auteur de la question la
Il est désormais prévu que l’auteur de la question disposera de trois minutes pour l’exposer oralement, que le gouvernement lui répondra, et que l’auteur pourra reprendre la parole durant deux minutes pour répondre au gouvernement, ce qui, dans la pratique, est le système retenu à l’Assemblée mais qui n’est pas formalisé dans son règlement (Art. 134 R.A.N.). Naturellement, les dispositions adoptées par le Sénat, ne sauraient faire obstacle aux prérogatives que le gouvernement tient de l’article 31 de la Constitution qui lui permettent de prendre la parole à tout moment et donc de répliquer à la réponse de l’auteur de la question. C’est d’ailleurs ce qui se passe, en pratique, à l’Assemblée nationale.
Le 4
Le 5
(M. AMELLER lit le projet de décision sur l'article 11. Il est adopté)
M. AMELLER : L’article 12, n’est pas lié à la dernière révision constitutionnelle mais à celle du 27 juillet 1993 qui a créé la Cour de justice de la République et limité les compétences de la Haute Cour de justice au seul crime de haute trahison du Président de la République. La loi organique du 23 novembre 1993 a déterminé les modalités de fonctionnement de la Cour de justice de la République et a également modifié les modalités d’élection des juges à la Haute-Cour, qui sont, rappelons-le, exclusivement des parlementaires appelés à connaître des crimes et délits commis par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions. Il restait à en tirer les conséquences dans le règlement du Sénat, l’Assemblée nationale y ayant pour sa part procédé à l’occasion de la réforme de son règlement du mois de janvier 1994.
Le paragraphe 1
Le paragraphe 3 crée un article spécifique relatif à l’élection des six sénateurs juges titulaires et six sénateurs juges suppléants à la Cour de justice de la République, laquelle, se compose également d’un même nombre de députés ainsi que de trois magistrats du siège de la Cour de Cassation, élus par leurs pairs. L’un de ces trois magistrats est désigné dans les mêmes formes en qualité de Président.
Le paragraphe 3 instaure un mécanisme d’élection quasiment identique à celui retenu pour l’élection des juges de la Haute-Cour. L’article 12 ne soulève donc pas de problème de constitutionnalité.
(M. AMELLER lit le projet de décision sur l'article 12. Il est adopté)
M. AMELLER : L’article 13, concerne le troisième volet de la révision constitutionnelle après l’instauration de la session unique et l’élargissement du champ du référendum. Il s’agit de la réforme du régime de l’immunité parlementaire, dont je vous rappelle l’articulation.
Alors qu’auparavant le principe était celui de l’exigence d’une autorisation de l’assemblée pour l’engagement de poursuites en session en matière délictuelle ou criminelle, le principe est désormais celui de la liberté des poursuites, que le Parlement soit ou non en session.
Seule restrictive au droit commun, elle concerne les mesures privatives ou restrictives de liberté qui doivent désormais être autorisées par le Bureau de l’assemblée concernée aussi bien durant la session que hors session. Antérieurement, le cas des mesures privatives ou restrictives de liberté, c’est-à-dire dans la pratique le contrôle judiciaire n’était pas prévu, et pour cause, puisque ce dernier n’existait pas en 1958.
Par ailleurs, le régime de la suspension de poursuite ou de détention a également été modifié puisque son champ a été logiquement étendu aux mesures privatives ou restrictives de liberté ; mais sa portée a été restreinte en ce sens que le texte
L’article 13, tire les conséquences réglementaires de cette réforme étant précisé que le Sénat a profité de l’examen du projet de loi ordinaire pris pour l’application de la révision constitutionnelle, actuellement en navette entre les deux assemblées, pour préciser, dans un article additionnel, les modalités selon lesquelles le Bureau du Sénat devra être saisi des demandes d’arrestation ou de tout autre mesure privative ou restrictive de liberté. A l’Assemblée, ces règles sont prévues par l’instruction générale du Bureau, alors qu’au Sénat elles ne figuraient nulle part, ce qui dans la pratique, avait posé quelques problèmes, notamment l’hiver dernier, à l’occasion des affaires PRADILLE et BECART).
Le règlement du Sénat, quant à lui, après avoir abrogé les dispositions relatives à l’examen par le Sénat lui-même des demandes d’immunité qui relève désormais du Bureau, précise les modalités d’examen et la portée des demandes de suspension de la détention, des mesures privatives ou restrictives de liberté ou de la poursuite d’un sénateur.
Le paragraphe 1 maintient pour cet examen, dans chaque cas, la constitution d’une commission ad hoc de 30 membres, comme il en existait antérieurement une pour examiner les demandes de levée de l’immunité en session. La désignation de ses membres est toutefois différente et a pour objet de "permettre leur nomination dans les meilleurs délais notamment lorsque le Sénat ne siège pas". Cette nomination prendra effet dès la publication au journal officiel d’une liste, assurant la représentation proportionnelle, établie par les Présidents des groupes et le délégué de la réunion administrative des non-inscrits.
Le paragraphe 2 apporte deux précisions :
- il dispose que les conclusions de la commission ad hoc devront être obligatoirement déposées dans un délai de trois semaines à compter de sa désignation et qu’elles seront inscrites à l’ordre du jour du Sénat par la conférence des présidents dès la distribution du rapport de la commission.
- Il reprend une disposition adoptée par l’Assemblée nationale aux termes de laquelle l’assemblée concernée peut ne décider que la suspension de la détention ou de tout ou partie des mesures en cause.
Cet article n’est contraire à aucune disposition constitutionnelle, de même que l’article 14 qui d’une part, tire les conséquences de l’abrogation du titre 13 de la Constitution relatif à la Communauté en supprimant dans le règlement du Sénat les références aux « accords de communauté » et d’autre part fixe les modalités de report à l’ordre du jour d’un vote qui ne peut avoir lieu faute de quorum comme l’a également fait l’Assemblée nationale afin d’éviter que des règles de procédure n’imposent la tenue d’une séance supplémentaire venant inutilement s’imputer sur le plafond des 120 jours.
(M. AMELLER lit le projet de décision sur les articles 13 et 14. Ils sont adoptés)
M. AMELLER : Je vous propose donc en conclusion de rendre une décision de conformité constitutionnelle si vous admettez le vote par scrutin public pour les demandes de jours supplémentaires de séance. Toutefois, je crois utile d’insister sur le déséquilibre qui s’établira ainsi entre l’Assemblée nationale et le Sénat en faveur de ce dernier.
Cela est dû tout d’abord à la définition différente de la séance dans chacune des assemblées. Le Sénat pourra ainsi consacrer une journée entière par mois à un ordre du jour de son choix de même que s’il le désirait, une séance de questions pourrait également durer toute la journée.
Cela est en second lieu dû à la prérogative exclusive qu’il s’est octroyée, de tenir ou de ne pas tenir d’"autres séances", dans le plafond des 120 jours et au cours de ses semaines de séance c’est-à-dire de refuser de siéger certains jours malgré les demandes du Gouvernement et de ralentir ainsi le programme législatif de ce Gouvernement et de sa majorité [comme il l’a déjà fait, mais avec des bases constitutionnelles plus douteuses].
Cela est enfin dû à la procédure particulière qu’il a instaurée pour décider de tenir des jours supplémentaires de séance au terme d’un scrutin public.
Ceci explique la nécessité d’assortir notre décision d’un certain nombre de réserves rappelant dans quelles conditions et selon quelles limites doivent s’exercer les procédures que le Sénat a déterminées.
(M. AMELLER lit le dispositif de la décision)
M. le Président : Je consulte sur l’ensemble de la décision.
(Elle est adoptée à l'unanimité)
(La séance est suspendue à 13 heures)
(La séance est reprise à 14 h 30 en présence de tous les conseillers)
M. le Président : Nous prenons le contentieux électoral. M. BONIN, vous avez la parole pour le contentieux sénatorial du Var.
M. BONIN donne lecture du rapport ci-dessous :
M.
M. FAURE : Je ne m’arrêterai pas longuement sur le caractère peu sérieux de M. LE CHEVALLIER. Il est absent et il n’a pas de représentant à la réunion avant le scrutin, ni la veille, ni au début du scrutin. Il arrive une demi-heure plus tard. Ce n’est pas un point négligeable, cela montre que M. LE CHEVALLIER ne comptait pas jouer un grand rôle dans cette élection.
Je ne m’arrêterai pas non plus sur le contexte. Le Var coule du nord au sud et partage en deux le département des Alpes-Maritimes. Ce département a des moeurs particulières. On ne touche au Var qu’avec circonspection.
Au fond, il y avait deux problèmes.
Les bulletins, il n’y a rien à dire.
L’irrégularité substantielle tiendrait au fait que son nom ne figurait pas sur la liste. Cette liste n’est pas obligatoire. Ceux des départements où il y en a, évidemment, il faut que tous les candidats y soient nommés. Là, il en manquait un.
Son score au deuxième tour, peut s’expliquer par le fait que, n’ayant aucune chance, ses voix du premier tour se sont réparties en vote utile.
Peut-on quantifier le nombre de ses voix portées sur les autres candidats ?
Nous avons hésité, nous avons décidé mais nous n’en sommes pas fiers. Nous avons décidé le rejet de la requête.
Peut-on prouver que nous avons eu tort ?
Prouver, non. Le penser, chacun pense ce qu’il veut.
Nous avons décidé le rejet parce que :
1° ce n’était pas un candidat sérieux ;
2° ce n’était pas joué ;
3° parce que l’on ne peut pas prouver le report des voix.
M. ROBERT : Vous n’êtes pas inculpé, M. le ministre d’État ! Personne ne vous met en cause. Je suis très sensible aux aspects géographiques et littéraires de vos arguments.
Il est vrai qu’il n’y a pas de certitude. Néanmoins, il est quand même des choses surprenantes.
D’abord, vous dites ce n’est pas à la Commission de fournir des bulletins. Si, il y a cinq candidats et un seul bulletin imprimé, considéreriez-vous que l’élection est régulière ?
M. BONIN : Mon sentiment, ce serait de partager le vote implicite. Mais la décision Réunion de 1975 ce n’est pas cela. Au deuxième tour étaient principalement opposés deux candidats. L’un a produit des bulletins, l’autre non. A la Réunion, où pourtant le nombre d’électeurs qui ont de la peine à lire est important, le Conseil a validé.
M. ROBERT : Deuxième point. Celui de la liste : le nom n’y est pas et ça se rajoute à l’absence de bulletin, ça fait beaucoup. Je suis gêné.
M. FAURE : Moi aussi.
M. le Président : Il y a de quoi !
M. RUDLOFF : Les erreurs successives sont celles du Président du T.G.I. Il ne s’agit pas de manoeuvres. Mais quelles sont les conséquences à en tirer ? Je ne crois pas que, aucun élément de preuve ne l’atteste, on puisse affirmer que les 70 électeurs de LE CHEVALLIER sont, dans la première heure, allés sur TRUCY et LAURIN, d’autant que cela représente le quart des électeurs de LE CHEVALLIER au premier tour.
La solution retenue me paraît raisonnable.
M. AMELLER : J’ai éprouvé le même sentiment de gêne. Nous avons considéré cette erreur comme non substantielle parce que non quantifiable.
L’idée d’annulation partielle proposée par le rapporteur ne pouvait être retenue. L’annulation des trois étant impossible, ou, du moins a-ton essayé de s’en convaincre, il ne restait plus que la solution exposée dans le projet de décision qui vous est soumis.
En plus, le candidat requérant ne s’est jamais préoccupé de son sort.
M. DAILLY : J’ai trop de respect et trop de gratitude pour ceux qui m’ont envoyé siéger au Sénat pour penser que 70 d’entre eux n’aient pas pu réclamer de bulletins s’il était venu à en manquer à mon nom. Ce n’est pas possible. Il faut connaître les grands électeurs.
M. le Président : Passons à la lecture du Projet.
(Le rapporteur adjoint lit le projet de décision)
Sur la rédaction, je consulte le Conseil.
M. ROBERT : Je propose deux ajouts.
Pour tenir compte de ce qui a été dit, au bas de la page 2 "et qu’il convenait donc qu’il revenait à M. LE CHEVALLIER de..." et p. 4 "flagrante ou manifeste" et "si regrettable qu’elle soit".
Le fait que M. LE CHEVALLIER s’en est désintéressé, il faudrait le dire.
M. FAURE : Ce n’est pas un argument juridique.
M. le Président : Si, c’est à lui de le faire...
M. FAURE : Les bulletins blancs sont valables.
M. le Secrétaire général propose une précision.
La proposition est adoptée.
M. BONIN : Cela indique implicitement que le candidat a le devoir d’être là. Or, ce n’est pas obligatoire.
M. le Président : Si on fait une simple modification grammaticale : "relève de la seule initiative du candidat" ? Ça personnalise sur le cas d’espèce.
(Adopté à l'unanimité)
M. le Président : Nous allons passer maintenant aux élections législatives du Bas-Rhin.
M. RUDLOFF : Je connais tous les élus visés dans cette affaire, pensez-vous que je doive me déporter ?
M. le Président : Bien sûr. Nous sommes souvent dans ce cas.
M. TOUVET rapporteur présente son rapport sur les élections sénatoriales du Bas- Rhin.
Les élections sénatoriales dans le Bas-Rhin ont eu lieu le 24 septembre 1995 et 4 sièges étaient à pourvoir, au scrutin majoritaire à deux tours, en vertu de l’article L. 294 du code électoral.
Ont été élus : Messieurs HOEFFEL, RICHERT, GRIGNON et OSTERMANN qui, d’ailleurs, s’étaient présentés sur la même liste.
1. RECEVABILITE DE LA REQUETE :
Les élections sont contestées par M. DURINGER, simple électeur à Urmatt dans le Bas-Rhin, mais qui n’allègue pas être grand électeur sénatorial ni candidat aux élections sénatoriales.
La recevabilité de sa requête, expressément contestée par les sénateurs élus, pose un problème qui, sans être inédit, n’a jamais vu sa solution figurer dans votre recueil.
En vertu de l’article L.O. 325 du code électoral, l’article L.O. 180 du code est applicable : "Le droit de contester une élection appartient à toutes les personnes inscrites sur les listes électorales de la circonscription dans laquelle il a été procédé à l’élection ainsi qu’aux personnes qui ont fait acte de candidature".
Cet article a été rédigé pour les élections législatives, pour lesquelles il ne pose pas de problème d’interprétation, mais se révèle imprécis pour les élections sénatoriales.
Une rédaction analogue est d’ailleurs reprise au second alinéa de l’article 33 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : "Le droit de contester une élection appartient à toutes les personnes inscrites sur les listes électorales de la circonscription dans laquelle il a été procédé à l’élection ainsi qu’aux personnes qui ont fait acte de candidature".
Un simple électeur est-il "une personne inscrite sur les listes électorales de la circonscription" pour l’élection des sénateurs ?
Votre recueil n’apporte aucune réponse à cette question et certains auteurs ne l’évoquent même pas. Ainsi Jean-Pierre CAMBY, dans son fascicule pour l Encyclopédie Dalloz, au paragraphe "Qualité pour agir dans le contentieux du déroulement des élections au Parlement", ne donne que des exemples relatifs aux élections législatives.
Vous pourriez lire restrictivement l’article L.O. 325 et l’article 33 de l’ordonnance de 1958.
Les "personnes inscrites sur les listes électorales de la circonscription" seraient alors les seuls grands électeurs sénatoriaux, inscrits sur les listes électorales établies pour l’élection des sénateurs dans le département.
Mais il nous semble que cette interprétation est trop restrictive. Le code électoral, même si c’est un oubli, n’a pas distingué les élections sénatoriales des élections législatives. En revanche, lorsque le législateur veut citer les seuls grands électeurs sénatoriaux, il emploie un terme différent : le "collège électoral", défini à l’article L. 280 du code électoral, "la liste des électeurs sénatoriaux" (L. 281), "le tableau des électeurs sénatoriaux" ou "membre du collège électoral sénatorial" (L. 292).
Et la question a été expressément tranchée par votre décision du 27 janvier 1972 (Sénat, Guyane, p. 47) : "M. B..., électeur dans le département de la Guyane, inscrit sur les listes de la commune de Cayenne, et qui n’était pas membre du collège électoral sénatorial, est recevable...".
Dès lors, en employant les termes "les personnes inscrites sur les listes électorales de la circonscription", le législateur a entendu compter tous les électeurs inscrits sur les listes électorales du département, même s’ils ne sont pas grands électeurs.
L’exception d’irrecevabilité soulevée par les défendeurs ne sera donc pas accueillie. Vous devrez trancher cette question explicitement si, ainsi que nous vous le proposons, vous êtes conduits à annuler l’élection d’un sénateur.
Une fois achevé la présentation de la question de la recevabilité de la requête, le Président DAILLY demande la parole.
M. DAILLY : Ne faut-il pas en l’état déjà statuer sur la recevabilité ?
M. le Président : J’allais effectivement proposer l’examen immédiat par le Conseil de cette question.
M. ROBERT : A mon avis, il faut être électeur pour faire un recours, toutefois, la jurisprudence citée par le rapporteur est acquise, donc je ne reviendrai pas dessus.
M. DAILLY : Il n’y a pas de liste électorale permanente concernant les grands électeurs : le texte parle des listes électorales, donc la jurisprudence citée est bien valable. La section a été fondée à retenir la recevabilité de la requête.
Mme LENOIR : Indépendamment des motifs qui viennent d’être invoqués, il existe des arguments d’ordre constitutionnel ; compte tenu des termes de l’article 3 de la Constitution, je suis favorable à la décision retenue par la section. L’électeur est le citoyen, même s’il y a un suffrage indirect.
M. le Président : La section s’est effectivement prononcée hier pour la recevabilité.
M. CABANNES : En toute hypothèse, il faut statuer sur le fond, s’agissant d’une question de fond importante.
(M. le Président met au vote la question, la recevabilité est adoptée à l'unanimité des votants)
M. TOUVET poursuit son rapport :
2. ANALYSE DES CONCLUSIONS :
Dans ses conclusions, le requérant vous demande d’annuler l’élection des 4 sénateurs et non plus seulement de M. OSTERMANN. Or le seul moyen est dirigé contre l’éligibilité du suppléant de M. OSTERMANN.
Il soutient qu’il existe une communauté de destin entre les candidats d’une même liste, appuyée par deux arguments :
- un cautionnement unique prévu par l’article R. 159 du code électoral ;
- la loi organique n° 79-633 du 26 juillet 1979.
Mais, dans un département où les sénateurs sont élus au scrutin majoritaire à deux tours en vertu de l’article L. 294 du code, la constitution de listes est une simple faculté, et les listes incomplètes et le panachage sont admis (art. R. 150 du code électoral)
Dès lors, l’inéligibilité d’un candidat ne peut pas rejaillir sur les autres candidats de la même liste.
Les candidats ont constitué une liste pour manifester aux grands électeurs leur communauté d’idées et de programme, mais cela ne peut pas signifier que leur sort électoral serait lié : le scrutin reste plurinominal, le panachage peut conduire à l’obtention d’un nombre de voix différent selon les candidats et à l’élection de certains membres de la liste seulement.
Il s’agit plutôt de plusieurs élections organisées au scrutin uninominal simultanément. L’inéligibilité éventuelle de l’un des candidats ne peut pas rejaillir sur celle des autres.
Au surplus, même dans l’hypothèse où les élections sont organisées au scrutin de liste (élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants par exemple), le Conseil d’État a jugé qu’en l’absence de manoeuvre, l’inéligibilité d’un candidat n’entraîne pas celle des autres membres de la liste (C.E., 30 mars 1984, Elections municipales de Dammarie-les-Lys, Leb. p. 632, et pour un exemple de manoeuvre : 18 avril 1984, Elections municipales de Chauffailles, Leb. p. 630).
Dès lors, sont inopérants les moyens dirigés contre l’élection de Messieurs HOEFFEL, RICHERT et GRIGNON, tirés de l’inéligibilité du suppléant de M. OSTERMANN.
Ce raisonnement tiré de l’absence de liste conduit les défendeurs à soulever une deuxième irrecevabilité :
Deuxième irrecevabilité soulevée par les sénateurs élus : seules seraient recevables les conclusions d’annulation dirigées contre le premier sénateur cité, M. HOEFFEL. Les sénateurs du Bas-Rhin considèrent en effet que leurs quatre décisions sont des opérations électorales indépendantes qui auraient dû être contestées par des requêtes distinctes.
Il nous semble que c’est pousser un peu loin le raisonnement du scrutin plurinominal. Si Messieurs HOEFFEL, RICHERT, GRIGNON et OSTERMANN
Vous avez déjà admis la recevabilité de requêtes dirigées contre l’élection de plusieurs sénateurs au scrutin plurinominal (C.C., 20 janvier 1972, Sénat, Ain, p. 50 ; 27 janvier 1972, Sénat, Alpes-maritimes, p. 41).
3. MOYEN TIRE DE L’INELIGIBILITE D’UN REMPLACANT :
Examinons enfin l’unique moyen dirigé contre l’élection de M. OSTERMANN et de son suppléant M. KENNEL.
L’unique grief de M. DURINGER est tiré de l’inéligibilité de M. KENNEL, suppléant de M. OSTERMANN, élu sénateur le 24 septembre 1995.
D’une part, l’alinéa 2 de l’article L.O. 296 du code électoral dispose que, pour les élections sénatoriales, "les autres conditions d’inéligibilité et les inéligibilités sont les mêmes que pour l’élection à l’Assemblée nationale". A part l’âge (régi par le premier alinéa), le code opère donc un renvoi à l’article L.O. 133.
D’autre part, l’article L. 299 exige des remplaçants qu’ils remplissent les mêmes conditions d’éligibilité que les candidats (5.07.1973, A.N., Landes, 1ère, p. 135 ; 8.11.1988, A.N., Seine-Saint-Denis, 9ème, p. 193). L’inéligibilité d’un remplaçant entraîne l’annulation de l’élection du titulaire.
Le requérant soutient que M. KENNEL est inspecteur de l’enseignement technique, fonction mentionnée au 7ème alinéa de l’article L.O. 133 du code électoral, aux termes duquel "Ne peuvent être élus dans toute circonscription comprise dans le ressort dans lequel ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois : 7° les inspecteurs régionaux et départementaux de la jeunesse et des sports, les inspecteurs de l’enseignement primaire, les inspecteurs de l’enseignement technique".
L’intéressé nie cette qualité et dit être "inspecteur de l’éducation nationale" et non "inspecteur de l’enseignement technique".
Certes, les inéligibilités sont d’interprétation stricte (CC, 5.07.1973, A.N., Landes, 1ère, p. 135 ; CC, 30.11.1983, Sénat, Réunion, p. 109).
En particulier, vous avez jugé que ne sont pas au nombre des fonctions limitativement énumérées par l’article L.O. 133 :
- un ingénieur des travaux publics de l’État (23.12.1958, A.N., Nord, 22ème, p. 89) qui n’est pas un ingénieur des ponts et chaussées) ;
- un ingénieur des travaux et forêts (14.11.1968, A.N., Réunion, 2ème, p. 134) (qui n’est pas une ingénieur des eaux et forêts) ;
- un directeur adjoint des services vétérinaires départementaux (23.12.1958, A.N., Ardennes, 1ère, p. 95) (qui n’est pas un directeur des services vétérinaires) ;
- un juge élu au tribunal de commerce (8.06.1993, A.N., Ardennes, 1ère, p. 80) (qui n’est pas un magistrat des tribunaux).
Mais, le décret n° 90-675 du 18 juillet 1990 "portant statuts particuliers des inspecteurs pédagogiques régionaux-inspecteurs d’académie et des inspecteurs de l’éducation nationale" dispose, en ses articles 34 et 35, que les inspecteurs de l’enseignement technique sont intégrés dans le corps nouvellement créé des "inspecteurs de l’éducation nationale". L’article 47 du même décret abroge le décret n° 46-539 du 26 mars 1946 portant statut du corps des inspecteurs de l’enseignement technique.
Le nouveau corps des "inspecteurs de l’éducation nationale" regroupe trois corps d’inspection existants : les inspecteurs départementaux de l’éducation nationale (anciens inspecteurs d’académie), les inspecteurs de l’enseignement technique et les inspecteurs de l’information et de l’orientation. Les membres des deux premiers corps étaient inéligibles en vertu du 6° et du 7° de l’article L.O. 133 du code électoral. Dès lors, les nouveaux inspecteurs de l’éducation nationale" sont inéligibles dans la mesure où ils exercent les fonctions des membres des anciens corps déclarés inéligibles par le législateur.
Il nous semble dès lors, que l’inéligibilité des inspecteurs de l’enseignement technique, instituée par le législateur, est désormais applicable à ceux des inspecteurs de l’éducation nationale qui ont repris leurs attributions. A la date de l’élection, M. KENNEL :
- était inspecteur de l’éducation nationale (spécialité "enseignement technique") ;
- exerçait ses fonctions au service de l’apprentissage du rectorat de Strasbourg, qui a repris une partie des missions des inspecteurs de l’enseignement technique ;
- exerçait ses fonctions notamment dans le département du Bas-Rhin.
Il était donc inéligible dans le Bas-Rhin le 24 septembre 1995.
Le Conseil d’État a procédé de façon analogue par sa décision du 22.01.1975, Elections cantonales de Monein, Leb. p. 1056, pour appliquer l’article L. 195-10° du code électoral en vertu duquel les inspecteurs de l’enseignement primaire ne peuvent être élus membres du conseil général dans le département où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois. Le Conseil d’État a alors décidé que l’inéligibilité frappant les inspecteurs de l’enseignement primaire doit être étendue aux inspectrices départementales des écoles maternelles dans la mesure où elles ont été intégrées par les décrets du 13 novembre 1969 et du 4 juillet 1972 dans le nouveau corps des inspecteurs départementaux de l’éducation nationale, nouvelle dénomination de celui des inspecteurs de l’enseignement primaire.
Et vous rejetterez facilement le dernier argument des défendeurs selon lequel certaines inéligibilités n’entraîneraient pas l’annulation de l’élection! ! !
Les autres conclusions de M. KENNEL :
- condamnation des huit candidats de la liste "Union pour l’Alsace" pour complicité apportée à l’élection d’un candidat inéligible sont irrecevables devant le juge électoral.
Nous vous proposons donc l’annulation de l’élection de M. OSTERMANN et le rejet du surplus des conclusions de la requête.
M. le Président : Avant d’ouvrir la discussion, je rends compte du travail de la section qui a examiné cette affaire ; celle-ci a travaillé en deux temps. Dans un premier temps, elle a examiné les conséquences que pourrait avoir l’inéligibilité du suppléant et il a été considéré que le sort du remplaçant impliquait le titulaire lui-même. Dans la deuxième phase, il a été demandé au rapporteur adjoint de rechercher la réalité des fonctions exercées par M. KENNEL et les ministères intéressés ont été consultés. Le ministère de l’intérieur s’en est rapporté au Conseil sur le fond ; le ministère de l’éducation nationale a fait état du contenu exact des fonctions de l’intéressé. Il résulte des éléments ainsi recueillis, que la fonction de l’intéressé exercée dans la zone électorale concernée avait des conséquences qui pouvaient jouer sur le comportement des électeurs. Aussi la section a proposé l’annulation de l’élection.
M. ROBERT : C’est sévère, mais indiscutable.
M. RUDLOFF : Les décisions citées et la solution envisagée sont dangereuses car l’on va avoir des inéligibilités qui ne figurent pas dans les textes. Il faudra donc se livrer à un examen très poussé de la réalité des fonctions exercées par les candidats. Je crains que nous arrivions à rendre l’article L.0. 133 du code électoral obsolète. Aussi, il me semble qu’il faudra un jour signaler à qui de droit, que le changement fréquent des définitions des fonctions des fonctionnaires rendra bientôt obsolète l’article L.0. 133. Sur le cas particulier, je ne m’exprimerai pas, mais le mode de raisonnement ne me convient pas à long terme.
Mme LENOIR : La décision proposée est incontournable juridiquement, mais est- ce-que l’on ne pourrait pas faire une observation comme le fait le Conseil d’État, dans son rapport annuel, sur le fait que les inéligibilités sont trop nombreuses et souvent obsolètes.
M. le Président : Si le Conseil est d’accord, l’on pourrait retenir cette proposition.
M. CABANNES : Le rapporteur adjoint peut-il préciser la chronologie des fonctions de l’intéressé ?
M. TOUVET : L’intéressé a été intégré dans le nouveau corps des inspecteurs de l’éducation nationale dans le Bas-Rhin ; il était en fonction sur l’intégralité de la période de six mois visée par le code électoral.
M. AMELLER : Ce qui m’inquiète, ce sont les enquêtes auxquelles le Conseil va devoir se livrer, pour vérifier si les fonctions exercées entrent dans la définition de celles visées par les inéligibilités.
M. le Président : Vous avez sans doute raison, mais si on laisse la porte ouverte, sous prétexte que le texte sur l’inéligibilité a été modifié, à toutes les candidatures, le problème est tout aussi grave. De quelle façon le Conseil pourra-t-il faire part de ses observations sur cette question ?
M. le Secrétaire général : Il faut attendre que la décision sur le Vaucluse soit examinée par le Conseil pour s’adresser aux ministères concernés.
M. FAURE : Je partage l’opinion exprimée par M. Ameller.
M. TOUVET : Je précise que les inéligibilités ont été toilettées mais pas pour les élections au Parlement.
(M. le Président demande au rapporteur de donner lecture du projet de décision)
M. le Secrétaire général : Pour la préparation des observations du Conseil, ne serait-il pas bon d’ajouter des observations sur le second tour des élections sénatoriales ?
(M. le Président retient cette proposition)
M. AMELLER : Ne doit-on pas indiquer dans la décision que l’inéligibilité du suppléant entraîne celle du sénateur élu ?
M. le Président : Il faut effectivement ajouter un considérant sur ce point.
Le dernier considérant sur l'éligibilité est ainsi rédigé : "considérant que l’inéligibilité de M. KENNEL entraîne celle de M. OSTERMANN dont il était le remplaçant".
M. le Secrétaire général : Il convient aussi de compléter l’intitulé relatif à l’inéligibilité. L’intitulé devient donc : "- sur l’éligibilité de M. KENNEL et de M. OSTERMANN".
M. DAILLY : Je pose le problème de la terminologie retenue pour la liste de candidats, et qui figure au 1er considérant relatif aux autres conclusions de la requête qui n’est pas rigoureuse.
Le projet est modifié en conséquence : "Nonobstant la circonstance qu’ils se soient présentés sur une même liste".
M. le Président : Le Président RUDLOFF ne prend pas part au vote compte tenu des raisons précédemment évoquées.
Tous les autres membres votent pour le projet de décision tel que modifié, qui est donc adopté.
(Le vote est acquis à l'unanimité)
M. le Président : Examinons le cas du Vaucluse. Nous sommes l’objet d’une demande d’audition. M. le rapporteur adjoint vous prenez la parole ?
M. TOUVET : Les deux sénateurs ont été élus au deuxième tour de scrutin. M. HAUT a été élu avec une seule voix d’avance sur le premier candidat non élu. Cela a, bien sûr, suscité des "appétits contentieux"
1) Un bulletin aurait été déclaré nul à tort. Ce bulletin porte une rature : est-ce un signe de reconnaissance ? Si vous admettiez la validité de ce bulletin, il fraudrait rectifier le résultat de l’élection et proclamer élu, au bénéfice de l’âge, M. Jacques BERARD.
2) Dans un bureau, les urnes auraient été ouvertes avant le dénombrement des émargements. La fraude est alléguée. Par ailleurs, pour les sénatoriales, l’électeur n’émarge pas lui-même, ce qui favorise bien sûr la fraude.
3) Une liste d’émargement a disparu pendant 12 heures. Plusieurs explications divergentes vous sont présentées. Or une telle disparition est généralement regardée comme une irrégularité substantielle qui empêche le juge d’exercer son contrôle.
L’impression qui se dégage est celle d’un certain désordre, du moins dans les opérations de dépouillement. Le conseil de l’élu dont l’élection est contestée demande à être entendu par votre Conseil.
La section est favorable à une telle demande. Elle a par ailleurs, examiné une série de questions, relatives à l’organisation matérielle de cette audition.
. On rappellerait, en premier lieu, par écrit au demandeur que la procédure est écrite. Les parties doivent donc se borner à éclairer le Conseil sur les questions déjà abordées par écrit.
. Un questionnaire serait par ailleurs envoyé à toutes les parties, lesquelles pourraient également demander à être entendues.
. Chaque candidat ou son conseil serait auditionné séparément.
. Une suspension de séance interviendrait pour permettre au Conseil de délibérer sur l’opportunité de poser des questions supplémentaires lesquelles, le cas échéant, seraient posées par le Président.
. Un procès-verbal serait ensuite établi et communiqué à toutes les parties, lesquelles auraient loisir de présenter de nouvelles observations écrites, voire même de demander à être auditionnées.
Dans tous les cas bien sûr l’opportunité de procéder à ces auditions relève de l’appréciation souveraine du Conseil.
M. le Président : Votre section a en effet estimé que cette demande d’audition se prêtait à une réponse positive.
Il convient cependant de canaliser cette procédure. Le Secrétaire général avait réfléchi sur une procédure possible qui a reçu l’adhésion de la section.
Rappelons que l’élection a été acquise à une voix seulement. Et un bulletin aurait été déclaré nul à tort...
Mais il ne faut absolument pas se laisser déborder par cette procédure.
M. FAURE : Je suis pour cette audition-là. Mais sous prétexte d’encadrer la procédure, vous l’avez élargie à l’infini. Si le questionnaire et le procès-verbal sont transmis à toutes les parties, ils vont tous demander à venir ! Bref tout cela est un peu compliqué.
M. DAILLY : Je suis solidaire de la majorité du Conseil qui s’est déclarée favorable à ces auditions. Il est bon d’inaugurer cette procédure dans ce cas d’espèce. Nous n’en trouverons pas de meilleur. Ceci étant, certaines questions se posent :
- Qui comparaît ? Le candidat ou son représentant, bien sûr.
- Il ne doit pas y avoir d’échanges de vues en sa présence, directement ni même indirectement par le biais des questions que nous poserions.
- Il est bon de rappeler que la procédure demeure écrite. Le candidat ne pourra donc aborder des questions nouvelles.
- Le questionnaire aussi est une bonne chose. Et il faut l’envoyer à toutes les parties. Mais je ne suis pas sûr que ceux qui n’ont pas demandé à être entendus puissent le faire au reçu de ce questionnaire. Cette question doit être tranchée.
- Une suspension de séance courte est nécessaire pour permettre au Conseil de se mettre d’accord sur d’éventuelles nouvelles questions.
- Le procès-verbal d’audition, nécessaire pour le respect de contradictoire, devrait être communiqué à toutes les parties.
Mais je suis hostile à ce que cette communication ouvre un droit à une nouvelle demande d’audition.
Sinon, on ne s’en sortira jamais ! Les parties pourront, à la rigueur, réagir par écrit. En résumé, je souhaite avant tout que l’auditionné ne puisse en aucune manière soupçonner le point de vue de chacun. Le Conseil, c’est le Conseil !
M. CABANNES : J’ai une question : qui a demandé à être auditionné ?
M. TOUVET : L’avocat du sénateur élu à une voix près, M. HAUT.
M. le Président : Nous avons par ailleurs un courrier du 4 octobre 1995 de M. HAUT mandatant explicitement son avocat, Maître TOUBOL-FISCHER.
M. TOUVET : Maître TOUBOL-FISCHER a demandé à être entendue en section et en séance plénière.
M. DAILLY : Le règlement prévoit l’audition par le Conseil. Il faut au surplus éviter que le Conseil en séance plénière se prononce dans un sens différent de la section.
M. ROBERT : Revenons donc à des choses simples ! Le texte dit : "Les parties peuvent demander à être entendues". Je suis très hostile à l’envoi d’un questionnaire ! Cela va soulever un tollé !
Il suffit d’écouter ce que l’avocat a à dire. Puis le Conseil pose, par l’intermédiaire de son Président bien sûr, ses questions s’il en a.
Un procès-verbal est établi, envoyé à tous, chacun pouvant ensuite demander à être entendu.
Ne formalisons pas à l’excès cette procédure !
M. FAURE : Nous avons déjà débattu de tout cela. Je n’ai pas changé d’avis depuis. Je trouve très désagréable qu’il y ait un questionnaire. Cela risque de soulever le voile sur trop de choses !
Ils ont demandé à venir ? Qu’ils viennent, nous les écouterons. C’est tout.
Et le Conseil restera libre de sa décision d’entendre une autre partie.
M. le Président : Cette méthode a une vertu simplificatrice évidente ! Et j’ignorais qu’il y avait déjà eu un débat sur ce point sous le Président Badinter.
Mais je crains qu’on ne nous répète pendant des heures ce que nous savons déjà.
M. DAILLY : Je suis sensible aux remarques de M. le professeur ROBERT. On entend donc l’avocat, on fait une suspension et le Président pose ensuite, le cas échéant, et seulement si c’est nécessaire, des questions. Le professeur ROBERT a
M. RUDLOFF : Il y a deux principes à sauvegarder :
- la suprématie de la procédure écrite,
- le contradictoire.
Le questionnaire ne me paraît pas une bonne idée. Il faudrait seulement inviter l’intervenant à s’exprimer sur les questions qu’il a déjà évoquées par écrit. Il me paraît par ailleurs impossible de refuser à un autre demandeur d’être entendu.
M. AMELLER : Je suis d’accord avec le professeur ROBERT sur l’abandon du questionnaire. Reste à savoir si la diffusion du procès-verbal d’audition devra recueillir l’accord de la personne entendue. Elle pourrait en contester la teneur !
Est-il bien nécessaire de communiquer le procès-verbal ? Ne suffit-il pas d’informer les autres parties que le Conseil a procédé à une audition ?
M. le Président : Vous posez deux questions en une ! Dans les autres juridictions, par exemple les auditions de témoins en première instance, la juridiction d’appel se contente du procès-verbal dressé par le premier juge. L’autre problème est celui du respect de contradictoire.
M. CABANNES : On va ajouter une procédure orale à une procédure écrite ! Il suffit d’écouter. Un point c’est tout.
On peut cependant demander au demandeur d’envoyer au préalable par écrit le contenu de son mémoire lequel sera envoyé aux parties.
Mme LENOIR : Il est bon de rappeler que la procédure est écrite. On décide en opportunité d’accueillir la demande.
Le temps de parole doit être fixé. Les questions doivent être canalisées par le Président du Conseil pour préserver la collégialité de la décision. Mais il ne faut pas reculer dans le respect du principe du contradictoire. Les autres parties doivent donc être avisées. Puis la procédure est écrite. On peut aussi imaginer, tout simplement, qu’on écoute le demandeur, puis d’autres éventuels demandeurs. Et tout est bouclé dans la demi-journée.
M. FAURE : Je suis contre le fait qu’ils viennent le même jour. On convoque le demandeur. On l’écoute. On envoie le procès-verbal aux autres parties qui
M. RUDLOFF : On peut essayer cela. Et il sera toujours temps de changer si cela ne convient pas.
M. AMELLER : La suspension de séance est-elle nécessaire ?
M. le Président : Oui, je préfère pouvoir vous consulter.
M. DAILLY : Je suis très hésitant sur l’envoi du procès-verbal ouvrant droit à une nouvelle demande d’audition. Il y aura un nouveau procès-verbal, puis une nouvelle demande. Cela ne finira jamais !
M. RUDLOFF : Mais rien ne nous y oblige !
M. le Président : Je prends un exemple : on nous fait observer qu’aucun grief n’a été mentionné dans les procès-verbaux de l’élection. C’est le débat qui nous indiquera s’il paraît utile d’établir et d’envoyer un procès-verbal !
M. AMELLER : Quand nous aurons des dizaines et des dizaines de contestations, comment nous en sortirons-nous ?
M. le Président : En disant qu’il n’y a pas matière à...
M. RUDLOFF : Le contradictoire est satisfait par une procédure écrite !
M. AMELLER : Je propose la suppression des procès-verbaux d’audition.
M. RUDLOFF : Là, on est à Strasbourg tout de suite !
M. le Président : M. le Secrétaire général ?
M. le Secrétaire général : A ce stade les choix sont clairs. La solution proposée par la section n’a pas reçu l’assentiment du Conseil. Cependant, en tout état de cause, il faut qu’il y ait un échange, qu’il soit écrit ou oral. S’il est oral, c’est la procédure proposée par M. CABANNES. S’il est écrit, c’est le procès-verbal, le Conseil appréciant s’il veut faire droit à la nouvelle demande d’audition.
M. le Président : Donc, nous acceptons le principe de l’audition en application de l’article 17 de règlement. On écoutera. On suspendra la séance. Il y aura des questions ou pas de questions. Le procès-verbal sera dressé par Mme la greffière.
M. CABANNES : Et si la personne entendue conteste le contenu du procès- verbal ?
M. le Président : Il est vraisemblable que rien ne sera ajouté aux écritures...
La solution adoptée est suffisamment simple. M. le Secrétaire général, informez- nous sur la suite de vos travaux.
M. le Secrétaire général : Le Conseil sera certainement saisi de la loi de finances qui sera adoptée mardi soir. La loi d’habilitation sera vraisemblablement votée également mardi, puisque le Sénat a usé de la procédure de la question préalable. Est-ce que l’urgence sera demandée ? Dans ce cas, le délai expirera le 27 ou le 28 si la saisine intervient le 20.
Si l’urgence n’est pas demandée, le Conseil devra se déterminer sur le délai qu’il souhaite respecter. Cela pourra dépendre des circonstances, de la teneur de la saisine, de la demande du Gouvernement. La position du Conseil constitutionnel a toujours été, je le rappelle, que l’urgence peut être demandée mais n’est pas de droit.
M. le Président : On peut refuser l’urgence et statuer le 28 !
M. AMELLER : Et le collectif budgétaire ?
M. le Secrétaire général : Je n’ai aucun écho sur ce point. Mais une saisine inopinée peut toujours intervenir.
M. AMELLER : De même que pour la loi ordinaire tirant d’autres conséquences de la révision constitutionnelle.
M. le Secrétaire général : Certainement. Mais il n’y aurait pas urgence.
M. le Président : Pour le moment, nous retenons les dates des 28, 29 et 30. Merci encore.
La séance est levée à 18 heures.
Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.