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PV1982-02-24-25<br><br><br><br> COLIN Ludovic 

SEANCE DU MERCREDI 24 FEVRIER 1982

Le Conseil se réunit à 10 heures tous ses membres étant présents à
l’exception de Monsieur Valéry GISCARD d'ESTAING excusé.

Après avoir examiné le recours électoral de Madame CABOCEL contre
l'élection de Monsieur BOURG-BROC, en qualité de député, le Président
rappelle que l'ordre du jour porte sur l'examen de la conformité
à la Constitution de la loi portant statut particulier de la région
de Corse dont le Conseil à il me semble que "a" serait une meileur orthographe été saisi par soixante députés et par
soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de
la Constitution.

Le Rapporteur de cette affaire est Monsieur René BROUILLET à qui
le Président donné la parole.

Monsieur BROUILLET présente alors le rapport suivant :

Monsieur le Président- Messieurs,

 Loi portant statut particulier de la Région de
Corse : organisation administrative. Après la loi relative
aux droits et liberté des communes, des départements et des
régions, à propos de laquelle nous avons commencé de délibérer
jeudi, tel est l'intitulé de cet autre texte soumis, lui aussi,
à votre examen. L'exposé qu'il me revient de vous présenter
en ce qui le concerne ne saurait -pour les raisons sur lesquelles
je vais insister -, que s'articuler sur celui que vous
avez entendu de la bouche de notre collègue Robert LECOURT.
Nous suivrons, si vous le voulez bien, pour l'examen de ce
texte, le même itinéraire, en nous fixant, au long de notre
cheminement les mêmes étapes. Il va sans dire -permettez-moi
cependant de le dire - que votre guide d'aujourd'hui n'a ni
la science, ni la richesse d'expérience, ni la maîtrise de
votre guide d'hier. Je sollicite, par avance, en sa faveur,
toute votre indulgence.



I


 

Un mot, tout d'abord, au point de départ, selon une
démarche identique à celle de M. Robert LECOURT, de l'ancrage
constitutionnel.
La loi portant statut particulier de la
Région de Corse a -si je puis ainsi m'exprimer- dans notre
Constitution, le même enracinement que la loi relative aux
droits et libertés des communes, des départements et des régions,
à savoir l'article 72 :

- cet article de principe qui, dans son premier
alinéa, après avoir énuméré les collectivités territoriales
existantes lors de l'entrée en vigueur de la Constitution,
indique "toute autre collectivité territoriale est créée par
la loi" ;

 - cet article de principe qui, dans son second
alinéa, dispose que ces collectivités s'administrent librement
par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi
 - cet article de principe, enfin, qui, dans ces
collectivités, spécifie qu'au niveau non pas des communes,
mais des départements et des territoires, le délégué du Gouvernement
a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif
et du respect des lois.

 L'exposé de notre rapporteur de jeudi dernier et
l'échange de vues auquel il a donné lieu et, tout spécialement,
l'intervention de notre collègue, le Doyen VEDEL ont mis en
relief cette observation que l'article 72, dans ce troisième
alinéa, opère un mixage entre, d'une part, ce moyen qu'est le
contrôle administratif et, d'autre part, ces fins que sont la
sauvegarde des intérêts nationaux et le respect des lois. Telle
quelle, allant à l'essentiel, cette observation vient, s'il en
était besoin, souligner l'importance de ces deux notions de
sauvegarde des intérêts nationaux et de respect des lois.


 Si l'ancrage constitutionnel, pour ce qui est des
deux textes qui nous occupent, s'effectue à partir des dispositions
précitées de l'article 72, il va sans dire qu'un
ensemble de corrélations existent entre cet article 72 et
maintes et maintes autres dispositions constitutionnelles,
qu'il s'agisse notamment de l'article 2, de l'article 24, de
l'article 34 et, j'en passe, de notre Constitution. C'est un
sujet sur lequel nous serons appelés à nous arrêter plus à
loisir lors de l’examen du recours auquel a donné lieu le
texte actuellement soumis à notre examen.

Mais le point qui doit appeler, qui doit retenir,
au début de notre itinéraire, tout spécialement notre attention
pour ce qui est de l'ancrage constitutionnel du texte qu'il
nous appartient d'examiner aujourd'hui, c'est que : 

- alors que la loi relative aux droits et libertés
des communes, des départements et des régions s'enracine
directement, je dis bien directement, dans l’article 72 de la
Constitution ;

 - la loi portant statut particulier de la région
de Corse s'enracine, non pas directement dans le tuf de
l'article 72 de la Constitution, mais indirectement au travers
de la loi relative aux droits et libertés des communes,
des départements et des régions, comme en témoigne, comme le
proclame, dans son alinéa 1er, l'article 1er de ladite loi
portant statut particulier de la région de Corse, dont le
texte est sous vos yeux "Conformément à l'article 59 de la
loi n°.... du.... relative aux droits et libertés des
communes, des départements et des régions, la région de Corse
est érigée en collectivité territoriale. Elle s'administre
librement dans les conditions prévues par la présente loi et
les dispositions non contraires des titres III et IV de la
loi précitée n°.... du.... "



 Et -ouvrant une parenthèse- je profite de cette
lecture dudit alinéa 1er de l’article 1er de notre loi pour
dissiper le souci que n'a pu manquer de susciter dans notre
esprit la transcription qui en a été faite
-je ne sais si c'est à l'initiative du Secrétariat Général du Gouvernement
ou à celle d'un intervenant de rang plus modeste à l'imprimerie
des Journaux officiels- en ajoutant les précisions de
millésime et de mois : loi n° 82... du... février 1982.

 Car, si vous vous reportez aux Débats Parlementaires

 - qu'il s'agisse de la première séance de l'Assemblée
nationale du 3 février 1982, pour la discussion en
2ème lecture du texte qui nous occupe : J.O. A.N. du 4 février
page 682, 2ème colonne, texte de l'amendement n° 1 présenté
au nom de la Commission par le rapporteur M. BONNEMAISON et,
même J.O., page 684, 1ère colonne, pour la mise aux voix et
l'adoption de cet amendement,

 - qu'il s'agisse, également, de la séance de
l'Assemblée nationale du 5 février 1982, pour la discussion,
la mise aux voix et l’adoption, en 3ème lecture, du texte
considéré : J.O. A.N. du 6 février, page 761, 1ère colonne et
même J.O. page 765, 1ère colonne,

 vous ne trouverez nulle mention ni de mois, ni de millésime,
pour désigner la loi relative aux droits et libertés des
communes, des départements et des régions ;
et toute mention de l'espèce est, également, absente aux
autres articles de la loi portant statut particulier de la
région de Corse qui font référence à la loi relative aux
droits et libertés des communes, des départements et des
régions, qu'il s'agisse de l'article 35, de l'article 36, de
l'article 42, de l'article 44 et de l'article 48 de notre loi
portant statut particulier de la Corse, objet de notre actuel
examen.



 J'employais, tout à l'heure, l'expression d'enracinement
constitutionnel indirect, de la loi qui nous occupe,
au travers de la loi relative aux droits et libertés des
communes, des départements et des régions, grâce à cette
racine qu'est l'article 1er de notre loi portant statut
particulière de la Corse. Vous voyez que cette racine n'est pas
seule, que, si je puis dire, la couche sédimentaire, pour
ne pas dire alluvionnaire, formée par la loi relative aux
droits et libertés des communes, des départements et des 
régions est manifestement fertile, puisque cette racine de
l'article 1er de notre loi portant statut particulier de la
Corse, est complétée, dans cette même loi, par cinq autres
racines, à moins que vous ne préfériez que je dise, en ce qui
les concerne ça ne devrait pas être "concernent" ?, radicelles, plongeant, elles aussi, dans le
terreau de la loi relative aux droits et libertés des
communes, des départements et des régions.

 Nous nous interrogerons, le moment venu, sur les
conséquences qu'il y a lieu de tirer de cet ancrage constitutionnel.
Je ne prolonge pas davantage, quant à présent, mon
propos sur ce sujet, pour vous retracer, à présent, dans une
seconde partie, la gestation de notre loi portant statut
particulier de la Corse, depuis son annonce, son élaboration,
sa mise en forme, sa délibération en Conseil des Ministres,
son dépôt sur le Bureau de l'Assemblée nationale, sa discussion
devant le Parlement avec les navettes auxquelles elle a
donné lieu, jusqu'au terme final qu'a été, je vous l'ai dit,
son adoption au Palais Bourbon vendredi 5 février dernier.


II

Deuxième partie donc. Survol de la genèse
du texte et des débats auxquels il a donné lieu devant le Parlement
.

 Je me borne à une simple allusion -me réservant d'y
revenir éventuellement plus tard-  je me borne, dis-je, à une
simple allusion aux propositions de loi, déposées sous les
législatures précédentes, sur le bureau du Parlement par le
Parti socialiste, qu'il se soit agi de propositions relatives
à la décentralisation en général ou de propositions de
loi concernant la Corse en particulier.

 Nous nous plaçons, si vous le voulez bien, à l'aube
de la présente législature. Le 3 avril 1981, M. François
MITTERRAND, alors candidat à la Présidence de la République,
annonce à Ajaccio que, s'il est élu, un statut particulier
sera reconnu à la Corse dans le cadre des lois de la République.
Le 16 juillet 1981, est déposé le projet de loi relatif aux
droits et libertés des communes, des départements et des régions
et la première partie dudit projet vient en discussion devant
l'Assemblée nationale dès sa session du même mois de juillet.
Le jeudi 6 août 1981, M. Gaston DEFFERRE, Ministre de l'intérieur
et de la Décentralisation, est à Ajaccio, accompagné de
M. Bastien LECCIA et des Préfets de l'Ile, et prend la parole
devant les 92 membres du Conseil régional, du Comité Economique
et Social et des deux Conseils généraux et, dans une allocution
de trois-quarts d'heure, expose les dispositions du projet de
régionalisation propre à la Corse que le Gouvernement se propose
de soumettre aux délibérations du Parlement.


 Mis au point au cours des mois suivants, à la faveur
d'une concertation animée par M. Bastien LECCIA, le projet de
loi portant statut particulier de la Corse est examiné par le
Conseil d'Etat dans sa séance du mardi 22 décembre 1981.
Le Conseil d'Etat, dans sa note d'Assemblée Générale en date
du même jour, déclare que, saisi d'un projet de loi portant
statut particulier de la collectivité territoriale de Corse,
il n'a pas cru devoir adopter ce projet. Le Conseil d'Etat,
est-il dit dans la note, "a estimé que le principe d'égalité
devant la loi qui est rappelé à l'article 2 de la Constitution,
n'autorise pas la création, dans les conditions prévues à
l'article 72, d'une collectivité territoriale particulière dont
l'activité se limite à une partie déterminée du territoire métropolitain,
lorsque les dérogations prévues au régime général
ne trouvent pas de justifications précises. Il n'a pas paru
au Conseil d'Etat que les particularités qui existent dans les
départements corses soient de nature à justifier, au regard de
la Constitution, la définition d'un régime d'organisation territoriale
fondamentalement différent de celui qui existe dans le
reste du territoire métropolitain, alors surtout que la forme
de l'organisation régionale du territoire n'est pas encore
arrêtée".


 Délibéré en Conseil des Ministres mercredi 23 décembre,
porté à la connaissance des députés et sénateurs de la Corse,
après ce Conseil des Ministres, le projet de loi intitulé
"portant statut particulier de la Corse" est inscrit, avec
déclaration d'urgence, à l'ordre du jour du Parlement convoqué
en session extraordinaire par le décret du 8 janvier 1982.
Distribué le 11 janvier au Palais Bourbon, rapporté au nom de
la Commission des Lois par M. Gilbert BONNEMAISON, il vient en
discussion devant l'Assemblée nationale lors de la Ière séance
du lundi 18 janvier. A l'exposé de M. BONNEMAISON font suite
l'intervention du Ministre responsable, M. DEFFERRE, puis celle
du porte-parole de l'opposition M. Philippe SEGUIN qui, après
avoir relevé, dit-il, "les singularités dont est assorti le
texte en matière de calendrier et de langage", oppose la question
préalable. Après la réponse du Ministre qui s'attache, notamment,
à souligner que l'orateur précédent "lui a reproché tout et le
contraire", lui a fait grief "d'aller trop loin, puis de ne pas

aller assez loin, de présenter un texte anticonstitutionnel, puis
de présenter un texte vide qui ne serait que poudre aux yeux
et illusion", la question préalable est rejetée au début de
la 2ème séance du 18 janvier.

 La discussion générale continue d'occuper la 2ème
séance du 18 janvier. Sont consacrées ensuite à la discussion
des articles la 3ème séance du 18 janvier, les trois séances
du mardi 19 janvier et les deux premières séances du mercredi
20 janvier. Sur la proposition du rapporteur, au nom de la
Commission et avec l'accord du Gouvernement, est substitué,
notamment à l'article 1er qui, dans sa rédaction initiale
disposait simplement : "La région de Corse constitue une
collectivité territoriale de la République dont l'organisation
est définie par la présente loi", un nouveau libellé devenu
celui du texte qui se trouve entre nos mains, faisant explicitement
référence à l'article (alors 45, devenu dans le texte
qui est entre vos mains 59) de la loi relative aux droits
et libertés des communes, des départements et des régions.D'autres
amendements que je dirai, pour nous, de portée mineure, ou,
en tous cas, n'étant pas de nature à retenir notre attention,
ont été adoptés ensuite. Le texte lui-même, dans son ensemble,
a été adopté par l’Assemblée,au terme de sa 2ème séance du
20 janvier.

 C'est, au contraire, une transmutation profonde du
projet ainsi adopté en première lecture par l'Assemblée nationale
qui va résulter de son examen au Sénat, sur le rapport
de M. Paul GIROD, au cours de sa séance du mercredi 27 janvier.
Tant le rapporteur que plusieurs des intervenants prennent
acte de ce qu'il a été jugé plus sage d'articuler l'existence
d'un statut particulier à la Corse à partir de l'article 45
(aujourd'hui 59) de la loi relative aux droits et libertés
des communes, des départements et des régions, tout en relevant
l'anomalie consistant à prendre appui sur un texte non encore
adopté. Il ne le sera, en effet, nous le savons, que le lendemain,
au Palais Bourbon, au cours de la première séance du
jeudi 28 janvier, au terme de son examen en troisième lecture
par l'Assemblée nationale. Après avoir critiqué un certain

nombre de dispositions propres à la Corse, notamment dans
l'ordre du vocabulaire, pour ce qui a trait également au
statut électoral ou à l'amnistie, ils dénoncent -je cite les
paroles du rapporteur- "ce recopiage général de la loi de
décentralisation, recopiage dont personne ne saisit la véritable
raison et qui fait de ce projet, sur le plan institutionnel,
un projet dont, un jour, l'interprétation risque
d'être à l'inverse de celle que nécessite l'unité de la Nation".

 Le Sénat, tout en reconnaissant que la Corse possède
des caractères spécifiques, se refuse à accorder, par anticipation,
à cette région le statut de collectivité régionale
prévu par la loi non,encore adoptée sur les droits et libertés
des communes, des départements et des régions. La seule dérogation
acceptée par la Haute Assemblée consiste à prévoir que
les élections régionales de Corse auront lieu dans les trois
mois suivant la définition du régime électoral de l'organe
délibérant de l'ensemble des régions. Le projet de loi adopté
en première lecture par l'Assemblée nationale comportait 51
articles. Le projet voté par le Sénat n’en contient plus que
11 .

 La commission mixte paritaire, dans ces conditions,
ne peut être qu'un échec et le projet de loi revient en
seconde lecture à l'Assemblée nationale, dans sa première
séance du mercredi 3 février. Le rapporteur au nom de la Commission
des Lois, M. BONNEMAISON, propose de reprendre le texte
adopté au Palais Bourbon en 1ère lecture, modifié simplement,
de ci, de là, par quelques amendements de caractère rédactionnel
présentés par le Gouvernements devant le Sénat et non
adoptés par lui. Il en est ainsi décidé après un échange de
répliques, article par article, du type suivant : "La parole
est à M. le Rapporteur. Réponse : Il s'agit de revenir au
texte adopté en première lecture par l'Assemblée. Le président :
Quel est l’avis du Gouvernement ? Réponse : Pour. L'amendement
mis aux voix est adopté".


 Le projet de loi, dans ces conditions, revient
devant le Sénat, le lendemain, au cours de sa séance du 4
février. Tant le rapport écrit présenté au nom de la Commission
des Lois, par M. Paul GIROD et son exposé par lequel s'ouvre
la discussion générale que la réplique de M. DEFFERRE marquent ce n'est pas plutôt "marque"?
le durcissement des positions.

 - "Vous avez pris le risque, qu'on le veuille ou non,
déclare M. GIROD, d'une fêlure dans l'unité nationale, fêlure
minime, ténue en apparence, mais fêlure tout de même. La première
conséquence, c'est l'inconstitutionnalité, car la République
est une et indivisible. Nous ne sommes pas dans une
République fédérale".

 - La réponse,de M. DEFFERRE est la suivante : "Nous
nous situons dans le cadre de l'ex-article 45, devenu l'article
59, du projet de loi relatif aux droits et libertés des communes
des départements et des régions... "Non seulement, avec le
statut que le Gouvernement vous propose il ne sera pas porté
atteinte à l'unité nationale, mais celle-ci sera renforcée".

 Est déposée, en conséquence, par M. GIROD une motion
tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité constitutionnelle
laquelle est adoptée par 190 voix contre 92.

 Le dernier mot appartient à l'Assemblée nationale. Elle
est conviée le lendemain, vendredi 5 février, par son rapporteur
M. BONNEMAISON, à confirmer, en lecture définitive, le texte
adopté par elle en deuxième lecture. Après que M. SEGUIN ait
annoncé l'intention du groupe R.P.R. et du groupe U.D.F. de
demander au Conseil constitutionnel de vérifier la conformité
à la Constitution, d'une part, d'un certain nombre de disposition
détachables de l'ensemble et, d'autre part, à titre principal,
de l'ensemble du texte par rapport aux articles 2, 72, 73, 74,
et 24 de la Constitution, le texte du projet de loi portant
statut particulier de la région Corse : organisation administrative,
mis au voix, est définitivement adopté, au cours de
cette même séance du vendredi 5 février, par 318 voix contre
153.



III

 Analysons, si vous le voulez bien, maintenant -ce
sera la troisième partie de mon propos- les dispositions de
ce texte, dont, je ne sais s'il faut dire l'épreuve ou la morasse
est entre vos mains.

 Il est précédé par deux articles qui peuvent être qualifiés
de fondamentaux, le premier, sur lequel j'ai centré déjà
la première partie de cet exposé, aux termes duquel -premier
alinéa- "Conformément à l'article 59 de la loi n° possible manquement de numéro de loi du possible manquement d'une date
relative aux droits et libertés des communes, des départements et
des régions, la région de Corse est érigée en collectivité
territoriale. Elle s'administre librement dans les conditions
prévues par la présente loi et les dispositions non contraires
des titres III et IV de la loi précitée n° encore possible manquement numéro de loi du de même pour la date.

 

 A ce premier alinéa font suite ces deux autres alinéas
 -"L'organisation de la région de Corse tient compte
des spécificités de cette région, résultant, notamment, de sa
géographie et de son histoire.
 - Des lois ultérieures définiront les compétences
particulières et les ressources correspondantes qu'appellent
les caractères spécifiques de la région de Corse."

 Ainsi donc, Ière remarque : unité, dans le respect des spécificités.
2ème remarque : application d'une méthode que l'un des
intervenants a qualifié de méthode des lois gigognes. Alors que
la loi dans son ensemble a été discutée à un moment où l'autre
loi sur laquelle elle prend appui n'était pas encore adoptée,
nous voyons que les compétences particulières et les ressources
correspondantes de la région de Corse seront définies seulement
par des lois ultérieures.


 

 Second article liminaire : article 2 - "L’assemblée
de Corse par ses délibérations et le président de l'assemblée
par l'instruction des affaires et l'exécution des délibérations
concourent à l'administration de la région de Corse.
 Le conseil économique et social de Corse et le
conseil de la culture de l'éducation et du cadre de vie de
Corse, par les avis qu'ils donnent, apportent leurs concours
à l'assemblée et à son président.
 Pour l'exercice de ses compétences, la région de
Corse est assistée par des établissements publics, et notamment
les agences, qu’elle crée ; elle peut, en outre, participer
à des institutions spécialisées.

 Au sein de cet article, trois traits distinctifs :

 - le premier, dans l'ordre du vocabulaire,
'l'assemblée de Corse" au lieu de "le conseil régional de la
Corse";

 - le second, également dans l'ordre du vocabulaire
le conseil économique et social de Corse au lieu de le comité
économique et social de la région de Corse ;

 - le troisième, institution non prévue dans le
cadre général des régions, la création d'un conseil de
la culture, de l'éducation et du cadre de vie de Corse.

 Je passe, sans m'y arrêter autrement, sur la possibilité
de création d'établissements publics et d'agences.

 Après ces deux articles liminaires vient un surplus
de dispositif en 5 titres. Titre I. De l'assemblée de Corse.
Titre II. De l'exécutif. Titre III. Des conseils consultatifs.
Titre IV. Du représentant de l'Etat dans la région de Corse.
Titre V. enfin, Dispositions diverses et transitoires.

 Première constatation en ce qui concerne ces cinq
titres : la disparité de leurs dimensions respectives.
A l'intérieur de ce texte -comme je l'ai dit- en 51 articles,
le titre I de "L ' assemblée de Corse", en occupe à lui seul 32,
dont 24 pour le chapitre Ier concernant l'élection de cette
assemblée et 8 pour le chapitre II, concernant les attributions
et le fonctionnement de cette assemblée et de son bureau.

Les 19 autres articles se repartissent en parts de dimensions
moins dissemblables entre les quatre autres titres.

 Examinons rapidement le chapitre 1er. Ses dimensions
s'expliquent parce que le Gouvernement a annonce son intention
de faire procéder à l'élection de cette assemblée de Corse,
dès le mois de juillet, prochain, devançant, par conséquent, la date
de l'élection des conseils régionaux des autres régions de
notre pays, dont les conditions, nous dit l'article 60 de la
loi relative aux droits et libertés des communes, des départements
et des régions, seront déterminées par une loi ultérieur

 L'article 3 de notre loi portant statut particulier
de la région de Corse fixe le nombre des membres de l'assemblée
de Corse : 61 conseillers élus au suffrage universel direct
conformément aux dispositions du chapitre 1er qui font suite
et à celles du titre 1er du livre 1er du Code électoral.

 L'article 4 fixe la durée de leur mandat : 6 ans,
avec renouvellement intégral tous les six ans.

 L'article 5 détermine le mode de scrutin : représentation
proportionnelle, suivant la règle de la plus forte moyenne.

 L'article 6 dispose que pour l'organisation de ce
scrutin, la Corse forme une circonscription électorale unique
nos compatriotes de Corse, voteront dans le cadre de la
région et non pas celui des deux départements.

 Les articles 7 et 8 concernent les conditions
d'éligibilité et d'inéligibilité.

 Les articles 9, 10 et 11 traitent des incompatibilités

 Les articles 12 à 17 sont relatifs aux déclarations
de candidatures, au cautionnement et au retrait éventuel des
listes.


 Les articles 18 à 21 traitent de la campagne électorale
et du rôle de la commission de propagande.

 L'article 22 concerne la date de convocation des
électeurs.

 L'article 23 traite du recensement des votes et du
rôle de la commission de contrôle des opérations de vote et de
recensement.

 L’article 24 concerne le remplacement des membres de
l'assemblée en cas de vacance.

 Les articles 25 et 26 traitent du contentieux des
élections et de son incidence sur le mandat d'un membre de
l'assemblée dont l'élection est contestée.

 Rien dans ces dispositions qui puisse appeler, me
semble-t-il, une observation de votre part. La Corse ouvre la
marche pour l'organisation de ces élections. Le Ministre a
dit et répété que les mêmes règles seraient transposées dans
le texte de portée générale qui fixera le mode d'élection des
Conseils régionaux.

 Au sein du chapitre II. Fonctionnement et attributions
de l'Assemblée de Corse et de son bureau -lequel chapitre
groupe les articles 27 à 34- les dispositions essentielles
sont celles de l'article 27 relatif aux attributions de
l'assemblée qui "règle par ses délibérations les affaires de
la Corse, en vote le budget, et en arrête le compte administratif".
L'innovation principale résulte du 3ème alinéa, par
lequel pour tenir compte de la spécificité de la région de
Corse, est institué un mode particulier de concertation entre
les Pouvoirs Publics de l'Etat et les élus de la région.
L'assemblée, dit cet alinéa 3 "peut, de sa propre initiative,
ou saisie par le Premier ministre, adresser à celui-ci des
propositions de modification ou d'adaptation des dispositions
législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d'élaboration
concernant les compétences, l'organisation et le
fonctionnement de l'ensemble des collectivités territoriales
de Corse, ainsi que toutes propositions relatives aux conditions

du développement économique, social et culturel de la
Corse.”

 L'assemblée peut également -est-il dit au 4ème alinéa-
"faire au Premier Ministre toutes remarques ou suggestions
concernant le fonctionnement des services publics de l'Etat
en Corse."

 Le Premier Ministre, nous dit le 5ème alinéa,
"accuse réception dans les 15 jours et fixe le délai dans
lequel il apportera une réponse au fond."

 Rien, là encore, semble-t-il, quelles qu'aient été
les controverses auxquelles a donné lieu le 3ème alinéa qui
puisse appeler une quelconque observation de notre part.

 L'article 28 transpose pour l'assemblée de Corse les
règles de réunion prévues pour les conseils généraux et
régionaux, l'article 29 traite des délégations de vote,
l’article 31 de l'élection du bureau, l'article 32 de la composition
et des attributions de celui-ci, en spécifiant que les
fonctions de membre du bureau de l'assemblée de Corse sont
incompatibles avec les fonctions de membre du bureau d'un
conseil général. L'article 33 traite des vacances au sein du
bureau et l'article 34 de la dissolution de l'assemblée, étant
spécifié, en pareil cas, que le Président de l'assemblée est
chargé de l'expédition des affaires courantes, mais que ses
décisions ne sont exécutoires qu'avec l'accord du représentant
de l'Etat dans la région.

 Nous en avons fini avec le Titre 1er et en arrivons
au Titre II. De l'exécutif, avec ses trois articles 35, 36 et
37 qui traitent des attributions et obligations du président
de l'assemblée de Corse "organe exécutif de la région de
Corse"» tous articles ne comportant aucune innovation importante
et se bornant à transposer les dispositions adoptées
dans la loi relative aux droits et libertés des communes, des
départements et des régions pour les présidents de conseils
régionaux.


 Avec le Titre III Des Conseils Consultatifs, nous
abordons, après l’innovation relevée à l'article 27 du Titre
I et relative au mode particulier de concertation organisé
entre les Pouvoirs Publics de l'Etat et les élus de la région
de Corse, nous abordons la seconde innovation majeure du
projet, en vertu de laquelle l'assemblée de Corse sera assistée,
non pas seulement d'une, mais deux instances consultatives
désignées,de surcroît, sous le nom, non plus de Comité
mais de Conseil : le Conseil économique et social de la Corse
substitué au Comité économique et social déjà existant, et
organe nouveau le Conseil de la culture, de l'éducation et du
cadre de vie.

 L'article 38 traite de l'organisation de ces conseils,
de leur composition et des modalités de désignation de
leurs membres. L'article 39, transposant les dispositions de
l'article 63 de la loi relative aux droits et libertés des
communes, départements et régions, traite des attributions du
conseil économique et social. L'article 40 fixe les attributions
du Conseil du développement culturel de l'éducation et
du cadre de vie, lequel sera appelé à donner un avis sur tous
les projets engageant l'avenir culturel de la Corse.
L'article 41, enfin, prévoit des réunions communes des deux
conseils.

 Ni les uns, ni les autres de ces articles du Titre
III, nonobstant la spécifité des dispositions prévues ne me
semble devoir appeler une observation particulière de notre
part.

 Nous en arrivons au Titre IV "Du représentant de
l'Etat en Corse
", qui, pour des raisons tenant à l'interdépendance
entre la loi portant statut particulier de la région de
Corse et la loi relative aux droits et libertés des communes,
des départements et des régions, est celui qui est destiné à
requérir de notre part la méditation la plus attentive.


 L'article 42, consacré à définir la mission de ce
représentant de l'Etat dans la région de Corse et les conditions
d'exercice de ses attributions, renvoie :
 - d'une part, à l'article 79 concernant "le
représentant de l'Etat dans la région" de la loi relative aux
droits et libertés des communes, des départements et des
régions, article 79 qui, pour plus de complexité est lui-même
un double ajout d'une part à l'article 21 de la loi du 5
juillet 1972, portant organisation des régions, d'autre part,
à l'article 36 de la loi du 6 mai 1976 portant création et
organisation de la région d'Ile de France ;
 - d'autre part, à l'article 44 de la même loi portant
statut particulier de la région de Corse, pour spécifier
que c'est dans les conditions prévues à cet article 44 subséquent
qu'il veille à l'exercice régulier de leurs compétences
par les autorités de la région de Corse.

 Après un article 43, prévoyant que, chaque année, le
représentant de l'Etat dans la région de Corse informe l'assemblée
par un rapport spécial de l'activité des services de
l'Etat en Corse, rapport qui peut donner lieu à un débat en
présence dudit représentant, vient cet article 44, article
relatif aux modalités d'exercice du contrôle que ce représentant
de l'Etat est charge d'assurer sur les différentes
catégories d'actes administratifs et budgétaires de la collectivité
territoriale de Corse
. Article 44 qui, parce qu'il
fait référence au Titre III de la loi relative aux droits et
libertés des communes, des départements et des régions, se
trouve être, comme tel, dans l'état actuel des dispositions de
ce Titre III, et plus précisément des articles 69 et 70 de ce
Titre III, se trouve être, dis-je, à la suite de notre décision
d'aujourd'hui afférente à la loi relative aux droits et
libertés des communes, des départements et des régions,
entaché d'inconstitutionnalité.

 

 L'article 45 est relatif, lui,au contrôle exercé par
la chambre régionale des comptes de Corse et n'appelle, par
contre, pas d'observation.

 Viennent enfin, au Titre V, les dispositions diverses
et transitoires
.

 L'article 46 prévoit la suppression de l'établissement
public régional de Corse et le transfert de ses biens,
droits et obligations à la région de Corse.

 L'article 47 prévoit que la première élection de
l'assemblée de Corse aura lieu, dans un délai de six mois,
que, par contre, son premier renouvellement aura lieu à la
date du premier renouvellement des conseils régionaux des
régions.

 L'article 48 prolonge, à titre transitoire, les
mandats des membres du comité économique et social actuellement
en fonctions.

 L'article 49 est un article d'exemption fiscale,
l'une de ces exemptions, concernant les transferts de propriété
droits et obligations résultant de la présente loi ,de caractère
transitoire, l'autre de ces exemptions, au contraire, de
caractère permanent, car elle fait application à la région de
Corse des exonérations accordées aux départements et communes
pour l'exercice de leurs activités par le Code Général des
impôts.

 Un avant dernier article, l'article 50, doit retenir
au contraire, toute notre attention, c'est celui qui amnistie
toutes infractions commises antérieurement au 23 décembre 1981
 
à l'occasion d'évènements d'ordre politique ou social en relation
avec la détermination du statut de la Corse, lorsque leurs
auteurs ne peuvent se prévaloir des dispositions de la loi
d'amnistie du 4 août 1981.

 Le dernier article, l'article 51, est l'article rituel
prévoyant que les modalités d'application de la loi seront
fixées par décret en Conseil d'Etat.


IV

 Ce texte dont nous venons d'analyser les dispositions
a donné lieu à deux recours, datés tous deux du 5 février,
l'un émanant de membres du Sénat, l'autre de membres de
l'Assemblée nationale. L'examen de ces deux recours sera
pour nous rendu plus simple du fait que, sous réserve d'une adjonction
propre au recours formé par les députés, les deux recours
sont rédigés en termes identiques.

 Les moyens invoqués dans les mêmes termes, tant par
les sénateurs que par les députés, se répartissent en
deux groupes :

 1/ premier groupe de moyens, pour les auteurs de l'un
et l’autre recours : la loi portant statut particulier de la
région de Corse n'est pas conforme à l'article 72, non plus
qu'aux articles 73 et .74 de la Constitution. A leurs yeux,
l’expression de l'article 72 "toute autre collectivité territoriale
est créée par la loi "ne saurait autoriser que la
création d'une nouvelle catégorie de collectivité territoriale.
Elle, ne saurait autoriser, par contre, la création d'une collectivité
territoriale sui generis et dérogatoire au droit
commun.

 Le rapprochement, d'autre part, avec les articles
73 et 74 ferait apparaître que le constituant n'a explicitement
voulu d'aménagement, d'adaptation que pour les seules
collectivités territoriales d'outre-mer.

 Les précédents invoqués Alsace, Moselle, Paris
et Mayotte ne sauraient, de surcroît, disent les requérants,
être pris en considération. Alsace, Moselle et Paris, parce
ce que prééxistants à la Constitution de 1958, Mayotte
à raison de l'identité du cas de Mayotte avec celui des
Départements d'outre-mer.


 2/ second groupe de moyens, pour les auteurs de l'un
et l'autre recours la loi ne serait pas conforme à l'article 2
de la Constitution.

 - à lui seul, en premier lieu, le vocabulaire
employé serait de nature à laisser présager que le statut
particulier n'est en fait qu'une étape transitoire vers un
stade d'autonomie supplémentaire et, éventuellement, vers une
reconnaissance du droit à l'autodétermination. Serait mis en
cause, par conséquent, le principe affirmé à l'article 2 de
l'indivisibilité de la République ;

 - serait mis en cause également le principe d'égalité
proclamé, lui aussi, à l'article 2 de la Constitution, et cela
de plusieurs façons :

 -. il y aurait disproportion entre, d'une part,
les dispositions dérogatoires édictées et, d'autre part, le
fait que la Corse est une île : le simple fait de prévoir des
dispositions spéciales pour la région de Corse dans un texte
particulier constituant, en soi, une atteinte à l'égalité des
citoyens devant la loi. Telle serait, notamment, la conséquence
de l'édiction d'un statut électoral particulier, tendant à
constituer en France deux catégories de citoyens, inégaux dans
l'exercice des droits civiques ;

 -. une autre atteinte serait portée au principe
d'égalité par l'article 50 relatif à l'amnistie, dès lors que
le bénéfice de cet article serait limité aux infractions en
relation avec la détermination du statut de la Corse, alors
que, selon un principe constant de notre droit, il ne saurait
y avoir d'amnistie que générale ;

 -. une troisième atteinte, enfin, au principe
d'égalité résulterait de la possibilité dérogatoire au droit
commun, prévue à l'article 2 de la loi portant statut particulier
de la région de Corse, d'associer aux institutions élues
représentant la collectivité régionale des établissements
publics non créés par elle, ce qui, contredisant, de surcroît,
le principe de la libre administration des collectivités locales
mettrait en place une collectivité moins autonome que les
collectivités territoriales de droit commun.


 A ces deux groupes de moyens invoqués dans les mêmes
termes par les auteurs des deux saisines, le recours émanant
des députés ajoute un autre moyen tiré, celui-là, de l'article
24, alinéa 3 de la Constitution, aux termes duquel le Sénat
assure la représentation des collectivités territoriales de la
République, disposition qui, à leurs yeux, eut exigé que la
loi portant statut particulier de la région de Corse subordonnât
son entrée en vigueur à l'adoption, d'une part, d'une loi organique
modifiant l'ordonnance organique du 15 novembre 1958 relative
au nombre des sièges de sénateurs et à leur assise territoriale ;
d'autre part, d'une loi ordinaire modifiant un certain
nombre de dispositions du Code électoral et, notamment, son
article L. 280 relatif à la désignation des délégués sénatoriaux



V

 A quelles observations ont donne lieu ces deux saisines
de la part du Gouvernement ? Je résume brièvement les
deux notes qui ont été placées entre nos mains, l'une en date du
12 février par M. le Ministre de l'intérieur, l'autre, qui
nous est parvenue le 19 février, émanant du Secrétariat Général
du Gouvernement.

 A/ La note du Ministère de l'intérieur regroupe les
arguments invoqués par les députés et les sénateurs en 4 moyens
dont, dit-elle, aucun ne paraît fondé :

 1) La récusation du moyen tiré de ce que le statut
particulier de la Corse méconnaîtrait les dispositions des
articles 72, 73 et 74 de la Constitution, est opérée en faisant
valoir quatre séries de considérations : 

 

 a) les travaux préparatoires de la Constitution,
tels qu'ils résultent du compte-rendu des délibérations du
Comité consultatif constitutionnel, font clairement apparaître
que le constituant, par l'emploi du mot autre dans l'expression
"toute autre collectivité territoriale est créée par la loi",
a entendu tenir compte de la nécessité d'améliorer notre organisation
territoriale ;

 b) tant par la loi du 10 juillet 1964 qui a fait
de la Ville de Paris "une collectivité territoriale à statut
particulier" que par la loi du 24 décembre 1976 relative à
Mayotte, le législateur a souverainement décidé la création
d'une collectivité territoriale nouvelle sui generis.
L'argumentation de l'antériorité à la Constitution des régimes
spéciaux actuellement existants ne résiste pas à l'examen ,


 c) la région de Corse, créée conformément aux
dispositions de l'article 59 de la loi relative aux droits et
libertés des communes, des départements et des régions, ne
constituera pas une collectivité territoriale sui generis,
mais sera une région au même titre que les autres, appartenant
à la même catégorie ;

 d) n'est pas fondé l'argument tiré du rapprochement
entre l'article 72 et les articles 73 et 74 de la Constitution
et duquel il résulterait que seules les collectivités
territoriales d'outre-mer peuvent faire l'objet d'adaptation.
L'article 73 traite exclusivement des départements d'outre-mer ;
l'article 74 ,des territoires d'outre-mer. Il n'en résulte pas
que le législateur n'a pas la possibilité d'instituer des
régimes particuliers en faveur d'une ou plusieurs collectivités
territoriales de la métropole.

 2) La récusation de l'argument tiré de ce que le
statut particulier de la région de Corse méconnaîtrait le
principe d'égalité devant la loi, proclamé par l'article 2 de
la Constitution, est opérée en se référant à la jurisprudence
du Conseil constitutionnel et, notamment, à la décision du
16 janvier dernier sur le principe d'égalité.

 Il est fait valoir, à ce propos :

 - en premier lieu, que les spécificités de la Corse
ne peuvent être sérieusement discutées ;

 - en second lieu, que la loi relative à la Corse
ne comporte que des mesures d'adaptation et non un régime
totalement dérogatoire, qu'il s'agisse aussi bien de la création
d'un Conseil de la culture, de l'éducation et du cadre de vie
de Corse, que de l'avancement de la date des élections, avancement
de date justifié par des considérations d'intérêt général ;

 - en troisième lieu, que la création d'établissements
publics à côté des institutions régionales ne saurait
avoir pour effet de limiter l'autonomie de celles-ci ;



 

 - en quatrième lieu, enfin, que, justifiées également
par des considérations d'intérêt général, les mesures
d'amnistie prévues n'ont, en aucune manière, un caractère
dérogatoire au droit commun, les amnisties n'ayant jamais
de portée générale.

 3) Pour ce qui est du troisième moyen invoqué par
les auteurs de la saisine, selon lequel le statut particulier
méconnaîtrait le principe d'unité et d'indivisibilité de la
République proclamé par l'article 2 de la Constitution, la
note du Ministère de l'intérieur lui oppose :

 - que l’Etat conserve ses fonctions de souveraineté ;

 - que la région de Corse n'aura pas de pouvoirs
législatifs ou réglementaires ;

 - que l'essentiel de ses ressources lui sera
fourni par l’Etat ;

 - que la continuité territoriale sera développée.

 4) Pour ce qui est, enfin, du quatrième et dernier
moyen, tiré d'une méconnaissance des dispositions de l'article 2
alinéa 3 de la Constitution, la note du Ministère de l'Intérieur
lui oppose que les prochaines élections sénatoriales en Corse
auront lieu en 1989 et que le législateur a tout le temps
nécessaire pour adapter le Code électoral.

 B/ La note du Secrétariat général du Gouvernement
regroupe, elle aussi, et dans le même ordre, les arguments
invoqués par les deux saisines et y répond en développant les
mêmes considérations :

1) Il en est ainsi en ce qui concerne l'argument
tiré d’une méconnaissance des articles 72, 73 et 74 de la
Constitution. Il est, à ce propos, fait valoir; de surcroît,

qu'à supposer que l’article 72 ne permette de créer que des
catégories de collectivités locales, le Conseil constitutionnel
a admis, à plusieurs reprises, pour l'application de la disposition
de l'article 34 de la Constitution relative à la
création de catégories d'établissements publics, qu'une catégorie pouvait
ne comprendre qu'un seul établissement ;

 2) est récusé, en second lieu, l'argument selon
lequel la loi serait contraire à l'indivisibilité de la
République proclamée à l'article 2 de la Constitution ;

 3) est récusé, en troisième lieu, l'argument selon
lequel la loi serait contraire au principe, d'égalité :

 - d'une part, à raison de l'ampleur des dérogations
apportées par elle au droit commun ; 

 - d'autre part, en raison de la limitation de
l'amnistie aux seules infractions en relation avec la détermination
du statut de la Corse.

 Cette récusation est simplement enrichie par des
références à d'autres considérations ou d'autres précédents
pouvant être invoqués dans le même sens.

 4) est répété, en quatrième lieu, enfin, que l'adoption
d'une loi organique pour satisfaire aux dispositions des articles
24 et 25 de la Constitution ne saurait constituer un
préalable à l'institution d'une nouvelle collectivité territoriale
qui, en vertu de l'article 72 de la Constitution, relève
d'une loi ordinaire.



VI

 Il me reste, si vous le voulez bien, non pas à
conclure -car c’est à vous qu’appartient la conclusion-,
du moins à vous livrer, pour reprendre l’expression employée,
l’autre jour, par notre collègue, Robert LECOURT, mes
orientations ou, si je puis employer cette autre expression,
mes suggestions .

M.Le Président remercie vivement Monsieur BROUILLET pour son remarquable
rapport. Il demande au rapporteur s'il est exact de comprendre qu'il
conclut à la conformité de la loi à la Constitution.

Monsieur BROUILLET répond qu'effectivement telle est la conclusion
à laquelle il arrive mais qu'il souhaite être éclairé par l'opinion
de ses collègues sur cette question. Il précise qu'il n'est pas
encore en mesure de proposer un projet de décision définitif.

En effet, s'il a fait un premier projet il considère que celui-ci
n'est pas suffisamment nuancé et complet et qu'il se trouve donc
dans l'obligation de poursuivre ses travaux avant d’être en mesure
de soumettre un projet définitif au Conseil.

M. Le Président demande si d'autres membres du Conseil souhaitent
intervenir.

Monsieur MONNERVILLE : constate que les scrupules du rapporteur
semblent plus porter sur la rédaction que sur le fonds. Il considère
qu'il faut à présent aborder la décision elle-même. Il ne voit pas
quant à lui, comment cette loi pourrait être déclarée non conforme
à la Constitution.

Monsieur JOXE ne voit pas non plus de moyens d'annulation.

Monsieur GROS déclare ne pas avoir été convaincu par l'exposé
du rapporteur. Il pense qu'il ne faut pas s'arrêter à des difficultés
de syntaxe et qu'il faut aller au delà des questions de vocabulaire.
Il estime que nous nous trouvons devant un système législatif nouveau.
Jadis la loi fixait les détails les plus minimes des questions
qu'elle abordait.


Aujourd'hui, au contraire, nous sommes en présence de véritables lois
gigognes, telle loi contient le germe de telle autre loi future.
Il faut considérer que par principe toute disposition législative a un sens.
Il est grave comme le fait la présente loi d'admettre que la Corse
présente des caractères spécifiques par rapport aux autres collectivités
de la République.

On peut se demander si cette idée de caractères spécifiques à un
sens constitutionnel.

N'est-ce pas admettre à priori, la possibilité d'un morcellement
de la France ? ,

Cette question est très inquiétante et Monsieur GROS estime que
le rapporteur n'a rien fait pour apaiser ces interrogations

Monsieur LECOURT après avoir lui aussi déploré la pratique des lois
gigognes rappelle qu'à l'origine la loi générale de décentralisation
devait être votée au mois d'octobre 1981 et que dans un second temps
la loi sur la région de Corse l'aurait suivie. Ces prévisions du
Gouvernement ont été bouleversées et celui-ci pressé par les évènements
a déposé son texte sur la Corse. C'est probablement pourquoi, à
l'origine, l'article 1 du projet de loi faisait référence à l'article
72 de la Constitution. Le problème qui se posait alors était de savoir
si il était possible sur le fondement de cet article 72 de créer
un il me semble que c'est "une" collectivité locale unique.

Au cours des discussions parlementaires, la loi sur la décentralisation
ayant été votée, l'article 1 de la loi sur la Corse a substitué à
un renvoi à l'article 72 de la Constitution un renvoi à l'article
59 de la loi générale de décentralisation. Il y a donc un rattachement
direct à la présente loi à la loi sur les droits et libertés d
es collectivités locales.

Il paraît donc difficile de s'orienter vers une déclaration d'inconstitutionnalité
car nous sommes en présence d'une collectivité locale
qui entre dans le cadre général de la loi de décentralisation.

Les arguments avancés par les saisissants sur le fondement
de l'article 72 de la Constitution ne lui paraissent donc pas péremptoires.

En ce qui concerne les arguments tirés des articles 73 et 74 de la
Constitution, il ne semble pas possible de soutenir que des adaptations
législatives doivent se limiter aux seuls D.O.M. T.O.M.

La Constitution n'interdit pas de tenir compte des spécificités
de certaines collectivités locales. Il suffit pour s'en convaincre
de penser au régime de la ville de Paris ou de l'Alsace.

En ce qui concerne les arguments tirés de la violation de l'article 2
de la Constitution qui énonce que la France est une République
indivisible, il faut s'en tenir à un examen rigoureux de la loi
en elle-même sans se laisser distraire par l'effervescence
qu'elle peut susciter.

Il n'est pas possible de faire un procès d'intention au législateur.
Nous devons nous en tenir au texte même et oublier son arrière plan.
Il ne paraît pas possible en face de la texture même de cette loi
de la déclarer non constitutionnelle.


En ce qui concerne l'article 24 sur la représentation des collectivités
locales par le Sénat, il serait opportun que la décision à intervenir
indique que les régions et notamment la Corse devront être représentées
pour l'élection des sénateurs. Ceci est d'autant plus nécessaire que
l'une des notes du Gouvernement suggère que la représentation des
régions n'est pas indispensable à l'intérieur du collège électoral
sénatorial

Monsieur VEDEL conçoit tout à fait le malaise et l'agacement que
peuvent susciter les méthodes législatives désordonnées dont le
Conseil est le témoin. Pour autant il n'y a pas là une cause
d'inconstitutionnalité. Le renvoi par un texte de loi à une loi
à intervenir, implique simplement que le Conseil aura éventuellement
à connaître de cette loi future.

Il est difficile de faire des procès d'intention qui jetteraient
une suspicion illégitime sur le pouvoir exécutif. Par ailleurs,
il ne faut pas oublier que nous sommes simplement en présence
aujourd'hui d'un processus qui engage un réaménagement profond
du système des collectivités territoriales de la France.

Des pays voisins, tel le Royaume Uni, connaissent une grande variété
de collectivités territoriales sans que pour autant l'unité du
pays vole en éclat.

note manuscrite illisible à coté du texte En ce qui concerne les arguments tirés de l'article 2 de la Constitution
il faut bien situer les données du problème. Il faut en effet se
souvenir que la répartition des pouvoirs administratifs entre
l'état central et les collectivités locales ne constitue en rien
un délabrement de la République une et indivisible. Il n'y a en effet
aucune délégation des pouvoirs législatifs ou judiciaires
par l'état central (sinon nous serions dans un.état fédéral).

On ne voit pas en quoi il serait interdit de prévoir des dispositions
particulières pour certaines collectivités locales. Ce qui était
d'ailleurs le cas sous l'Ancien Régime.

Pour sa part, Monsieur le Doyen n'éprouve pas de scrupules juridiques
quant au respect de l'article 2 de la Constitution par loi déférée.

Il indique par ailleurs, que le vocabulaire employé par le législateur
n'a rien d'effarouchant. Il faut bien avoir à l'esprit que les
mots s'usent très vite. Par ailleurs, on constate bien souvent que
les audaces du vocabulaire dissimulent en réalité une absence de
concession sur le fond. Les termes de "peuple corse" qui pouvaient le
plus prêter à discussion, ont d'ailleurs disparu de la loi votée.

Le fait d'indiquer que l'insularité corse justifie de certains
particularismes n'a rien en lui-même de monstrueux.

C'est pour toutes ces raisons et sans vouloir paraître insoucient
que Monsieur VEDEL déclare se rallier à l'orientation du rapporteur.

Monsieur SEGALAT indique qu'il approuve les conclusions du rapporteur. Il
est conscient que le Conseil aura des difficultés pour rédiger sa
décision dans la mesure où cette loi ne se suffit pas en elle-même
appelant en effet des lois sur les attributions et les ressources
de la région de Corse.


Monsieur PERETTI conclut quant à lui à la constitutionnalité du
texte. Il rappelle qu'il s'agit d'une loi d'opportunité. Le Gouvernement
face aux violences qui se déroulent en Corse a voulu montrer le
caractère très minoritaire des séparatistes.

Le choix du système de la représentation proportionnelle pour
l'élection de l'Assemblée de Corse en est une preuve. Il n'est
pas possible de mettre en cause les intentions du Gouvernement qui
a la volonté de trouver une solution politique à cette situation
de violence. Il faudra néanmoins que le décision soit rédigée
avec un soin plus particulier.

Monsieur JOXE partage pleinement ce point de vue. Le problème le
plus difficile réside dans la rédaction de la décision à intervenir.

Monsieur PERETTI suggère que Monsieur LECOURT, rapporteur sur la
loi de décentralisation soit associé à la rédaction de la présente
décision.

Monsieur le Président rapelle que la rédaction d'un projet de décision
est de la responsabilité du rapporteur et que bien sur, celui-ci
peut s'entourer des conseils de tel ou tel autre membre.

 il est certain que le Conseil se trouve en face d'un
système législatif inhabituel . Le Gouvernement veut aller vite et il en est résulté
un certain chevauchement entre des lois qui à l'origine devaient
se suivre. Mais il faut aller au-delà d'une première réaction d'agacement.
Il ne voit pas en quoi juridiquement il serait possible de déclarer
ce texte non conforme à la Constitution , autrement qu'en faisant un procès
d'intention injustifié aux pouvoirs publics.

Monsieur le Président rappelle que le Conseil constitutionnel n'a
pas le droit de se fonder sur des arguments politiques. Il doit
ancrer sa décision sur des données constitutionnelles.

Aucune observation n'étant alors formulées, Monsieur le Président
lève la séance à 13 h 15 et indique que le Conseil se réunira pour
statuer définitivement sur cette loi le jeudi 25 février 1982.


SEANCE DU JEUDI 25 FEVRIER 1982

Le Conseil se réunit à 15 heures, tous ses membres étant présents
à l'exception de Monsieur Valéry GISCARD d'ESTAING excusé.

Monsieur le Président rapelle que l'ordre du jour porte sur la
poursuite de l'examen de la conformité à la Constitution de la loi
portant statut particulier de la région de Corse et il donne la
parole au rapporteur, Monsieur René BROUILLET.

Monsieur BROUILLET donne lecture de son projet de décision. (Projet join
ci-dessous).

Monsieur le Président remercie Monsieur BROUILLET et déclare
la discussion ouverte sur ce projet de décision.

Monsieur VEDEL à pris connaissance avec un grand intérêt du
projet que vient de lire Monsieur BROUILLET. Il indique qu'il a eu
l'occasion avant la séance de lire un premier projet de décision qu'il jugeait plus
satisfaisant.
Il estime que ce pré-projet avait le mérite d'être plus "carré"
que le projet qui vient d'être lu qui est excessivement nuancé. Il se
demande si le mieux n'est pas l'ennemi du bien Sur le fond il
approuve entièrement l'orientation dégagée par Monsieur BROUILLET.
Il estime néanmoins nécessaire de présenter les quelques observations
suivantes :

- En ce qui concerne l'article 24 au terme duquel le Sénat assure
la représentation des collectivités territoriales de la
République, il suffit simplement de noter que tant qu'il n'y
aura pas d'élections sénatoriales en Corse, le problème de la
représentation de la collectivité régionale de Corse, au collège
électoral sénatorial ne se pose pas.

- Il semble y avoir une certaine contradiction entre divers
considérants de ce projet. En effet,s'il est indiqué qu'une collectivité
locale peut constituer à elle seule une catégorie de collectivités
locales, il est ensuite mentionné que la Corse se range en réalité
dans la catégorie générale des régions.

N'y-a-t-il pas ici une sur-détermination ?

Il faudrait préciser quel est le sens de la décision du Conseil
sur ce point.

- L'article premier du dispositif proposé paraît sujet à caution.
Il est en effet indiqué : "en corrélation avec la décision
n° 72-137 concernant la loi ralative aux droits et libertés des
communes, des départements et des régions, la loi portant statut
particulier de la région de Corse est déclarée non contraire à la
Constitution". Cette notion de corrélation est ambigue. Il
appartient au Conseil de dire nettement si la présente loi est ou
non constitutionnelle.

Le rapporteur semble avoir cédé à une exigence très respectable
de recherche de la perfection. Ce projet est plus proche d'une

dissertation que d'une décision d'un organe juridictionnel à qui
il appartient de trancher les litiges qui lui sont soumis.

Par ailleurs, il serait utile d'abréger quelque peu cette décision.

Monsieur PERETTI regrette de ne pas avoir eu connaissance du
premier projet de décision de Monsieur BROUILLET et il souhaite
que ce projet soit distribué aux membres du Conseil.

Monsieur BROUILLET déclare être tout à fait d'accord pour que l'on
distribue ce premier texte. Il indique qu'il considère ce que ce
pré-projet était insuffisamment motivé.

Monsieur le Président pense préférable de poursuivre l'examen du
projet définitif que vient de soumettre Monsieur BROUILLET.

Monsieur GROS souhaiterait savoir à quelle date sera rendue la
présente décision. Si le Conseil se prononce aujourd'hui peut-il
faire référence dans sa présente décision à la loi générale de
décentralisation qui n'est pas encore promulguée ?

Il se déclare surpris par le terme "corrélation". Il s'agit d'une
innovation dont il ne comprend pas très bien le sens.

La référence faite à cette loi de décentralisation est imprudente
dans la mesure où personne ne sait quelle sera l'attitude du
Gouvernement au vu de la décision du Conseil sur cette loi
de décentralisation.

Monsieur MONNERVILLE partage l'opinion de Monsieur GROS. Il est
difficile dans la décision sur la Corse de faire allusion à la loi
sur les libertés des collectivités locales alors que celle-ci
n'est pas promulguée.

Monsieur VEDEL fait observer que si l'article 44 de la loi sur la
Corse relatif aux pouvoirs du représentant de l'Etat renvoie au
titre III de la loi générale de décentralisation, cela n'a rien
de choquant car l'inconstitutionnalité de celle-ci ne peut pas
être présumée.

Monsieur GROS réitère qu'il considère imprudent de viser dans
la présente décision une loi non encore promulguée car personne
ne sait quelle sera l'attitude du pouvoir exécutif. Le Président
de la République peut par exemple provoquer une deuxième lecture de cette loi de décentralisation conformément à l'article 10,
alinéa 2, de la Constitution.

Monsieur SEGALAT considère que le dispositif proposé est inattendu.
Il comprend le souci du rapporteur de faire référence à la décision
du Conseil sur la loi de décentralisation. Il n'empêché que si
la loi spéciale sur la région de Corse est déclarée constitutionnelle
certaines de ses dispositions seront nécessairement affectées par
les limitations apportées à la loi sur les libertés des collectivités
locales par la décision du Conseil constitutionnel qui s'y rapporte.
Par ailleurs, la notion de "corrélation" ne traduit aucune situation
juridique.

Monsieur LECOURT éprouve quelques difficultés en ce qui concerne
la formulation du dispositif. Il comprend cependant que dans sa présente
décision le Conseil ne peut ignorer qu'il a statué sur la loi

générale de décentralisation

Monsieur JOXE partage pleinementl'opinion de Monsieur LECOURT.

Monsieur BROUILLET indique que le Conseil se trouve dans une
situation sans précédent. Une loi spéciale se réfère expressément
à une loi générale qui n'a pas été promulguée. Il ne fait pas de
doute que ces deux lois sont étroitement articulées. Le problème
se complique du fait que la loi générale a été partiellement censurée
par le Conseil constitutionnel. ’

C’est pour cette raison qu’il a adopté, dans son dispositif, le
terme de "corrélation". Il a choisi ce terme avec soin car c'est le
terme le moins précis et le plus vague possible. Il a pour mérite
simplement de marquer le lien qui existe entre les deux lois et les
deux décisions du Conseil.

Si ce terme de "corrélation" figure dans le dispositif du projet
proposé, c'est en raison du fait que la décision du Conseil ne sera pas
lue uniquement par des experts mais par l'ensemble de nos
compatriotes. Le terme de "corrélation" à "a" me semble une écriture plus correcte le mérite d'être compris
par des personnes non spécialistes du droit. D'autre part, il a fallu
clairement indiquer que la présente décision se trouve dans la
mouvance de celle rendue sur la loi générale de décentralisation.

C'est pour ces raisons qu'il est nécessaire au Conseil de faire
un effort qui est à même d'éviter tous malentendus.

Monsieur SEGALAT rappelle que ce n'est pas la première fois
que le Conseil fait référence dans une décision à une autre
décision. Tel est le cas dans la décision n° 77-89 DC du
30 décembre 1977 portant examen de la loi de finances pour 1978
qui se réfère expressément à la décision n° 77-90 DC de la même
date portant examen d'une loi de finances rectificative pour 1977.
Rien n'interdit donc au Conseil constitutionnel lorsqu'il statue
concomitamment: sur deux recours de faire référence dans une de
ces décisions à une autre.

Il ne faut pas cependant oublier dans le cas qui nous intéresse
aujourd'hui que ce que nous avons à viser n'est pas tant la décision
du Conseil sur la loi de décentralisation que le lien qui existe
entre la loi portant statut particulier de la Corse et la loi sur
les libertés des collectivités locales.

M. Le Président propose alors, en raison des difficultés qui viennent
de se manifester qü'il soit procédé à la distribution du premier
projet de décision.

Monsieur BROUILLET ne s'oppose pas à ce que le Conseil délibère sur ce premier
projet mais il indique qu'il estime ce projet, dont il n'est pas l'auteur,
insuffisament motivé et que, dès lors, il ne s'estime plus rapporteur et n'est
pas en mesure de participer utilement à la suite de la discussion.

Il est alors donné lecture considérant par considérant de ce
premier projet qui, sous réserve de quelques modifications de
forme, est approuvé par le Conseil.

M. Le Président, après avoir demandé si d'autres membres du Conseil
souhaitaient présenter des observations, met le projet au vote.
Ce projet est adopté par tous les membres du Conseil, Monsieur
BROUILLET s'abstenant.

La séance est levée à 19 h 20.

La décision adoptée est jointe au présent procès-verbal/ La minute en a été
signée par le Président, Monsieur BROUILLET ayant estimé n'en avoir pas été
rapporteur.

cette décision contient des annexes



Les instructions de transcription ont été communiquées aux étudiantes et aux étudiants.